8-9 Mai. L’Amitié Franco-Russe.

par Christian Vanneste - le 08/05/2016.



Christian Vanneste

 

Professeur de philosophie au LICP de Tourcoing. Il a été adjoint à la culture de sa ville, conseiller régional Nord Pas de Calais, vice président de la communauté urbaine de Lille et député de la 10 éme circonscription du Nord pendant 3 mandats..

Profondément attaché à sa région, à la Vallée de La Lys et aux 6 villes de sa circonscription (Bousbecque, Halluin, Linselles, Neuville-en-Ferrain, Roncq et Tourcoing), il à cœur d’en défendre, avec fierté, le patrimoine, l'identité et les traditions, et d'en promouvoir le dynamisme économique et l'emploi.


 

La France va célébrer ce 8 Mai sa participation à la victoire de 1945 sur le nazisme.

 

En raison du décalage horaire lors de la signature de capitulation allemande, c’est le 9 que la Russie commémore la victoire. Pour le 70e anniversaire, Vladimir Poutine avait donné un lustre particulier à ce jour en associant la puissance militaire et l’émotion populaire. Le signe de croix orthodoxe du Ministre de la Défense au début du défilé montrait le visage d’une Russie réconciliée avec elle-même, la même finalement contre tous les envahisseurs sous les tsars comme sous les soviets.

 

Ces deux journées sont l’occasion pour les Français de penser à leurs rapports avec la Russie, de se rappeler ce qu’ils ont été, ce qu’ils sont et ce qu’ils pourraient être.

 

L’éloignement géographique des deux pays en a fait plus souvent des alliés que des adversaires. D’ailleurs, leurs ennemis étaient les nôtres, les Prussiens, puis les Allemands, les Britanniques aussi. Durant la guerre de sept ans, les Russes sont à la veille de prendre Berlin lorsque la tsarine meurt. En 1914, leur offensive qui échoue oblige les Allemands à dégarnir le front occidental et contribue ainsi à la victoire de la Marne. Enfin, l’effort principal des nazis est concentré contre la Russie soviétique beaucoup plus que contre les Alliés occidentaux. Les Russes perdront plus de 10 millions d’hommes, les Américains 230000. Si la résistance britannique et la puissance matérielle des Etats-Unis ont joué un grand rôle dans la défaite nazie, le sacrifice russe a été plus déterminant encore. La reconnaissance doit d’ailleurs s’adresser au peuple et non au régime qu’il subissait, lequel était objectivement l’allié de l’Allemagne lorsque celle-ci envahissait la France et a été par son incurie en grande partie responsable des pertes subies par son armée. La France a attaqué la Russie en 1812 avec Napoléon 1er et est intervenue de concert avec le Royaume-Uni en Crimée pour soutenir la Turquie en 1854. Elle aurait pu éviter ces deux conflits inutiles dont le premier fut désastreux et le second contraire à nos intérêts. Au moins témoignent-ils de l’absurdité de la politique étrangère des Bonaparte.

 

La Russie et la France se sont parfois affrontées sur le terrain idéologique. Lorsque la France était révolutionnaire, la Russie était conservatrice. Lorsque la Russie est devenue communiste, la France appartenait au « monde libre ». Mais cette opposition n’a pas empêché de fructueuses alliances. C’est la République radicale et laïque qui s’est alliée à l’Empire russe dirigé alors par le réactionnaire Alexandre III. De même, de Gaulle est allé à Moscou rencontrer Staline en Décembre 1944 pour signer un traité indépendamment des Alliés. La diplomatie doit être réaliste. L’idéologie n’y est souvent que le masque que le puissant utilise pour mobiliser à sa suite des alliés moins forts qu’il peut abandonner ensuite sans vergogne.

 

Les Etats-Unis ont ainsi tenu bon à Berlin. Ils soutiennent Israël, mais aussi les riches Etats pétroliers sunnites du Golfe. Ils ont abandonné la Chine de Tchang-kaï-chek, le Sud-Vietnam ou l’Iran du Shah. Si la défense de l’Europe occidentale était conforme aux intérêts de la France et à sa position dans le camp de la liberté, si le réalisme et l’idéologie se rejoignaient, l’effondrement du bloc soviétique et la disparition de l’URSS changent totalement la situation. Depuis quinze ans, les Américains poursuivent apparemment la lutte de la démocratie et des droits de l’homme. Ils  légitiment l’ingérence au nom de la liberté contre des régimes présentés comme autoritaires et odieux : la Serbie de Milosevic, l’Irak de Saddam Hussein, la Syrie de Bachar Al-Assad. Mais ils le font avec des alliés plus que douteux, les monarchies théocratiques wahhabites du Golfe ou la Turquie qui s’éloigne à grands pas de la démocratie. A chaque fois, et en Ukraine plus encore, c’est la Russie qui est visée. Lorsque l’idéologie devient aussi incertaine, les intérêts stratégiques et économiques se dévoilent. Ce ne sont plus forcément les nôtres. Le choix de la Turquie plutôt que de la Russie doit-il être celui de l’Europe, celui de la France ? La complaisance allemande au chantage d’Erdogan est aujourd’hui inconvenante.

 

L’Europe est le partenaire naturel de l’Union eurasiatique que veut bâtir le Président Poutine. Par ailleurs, l’opposition idéologique a disparu. Lorsqu’après la libération de Palmyre, un orchestre de Saint-Petersbourg donne un concert de musique classique au milieu de ruines romaines, en présence du Conservateur du musée de l’Ermitage, là-même où les islamistes perpétraient leurs atrocités, le message est clair : c’est la civilisation qui a vaincu la barbarie. La communication est habile et elle éveille un sentiment d’appartenance commune qui érode les fondements des positions actuelles de notre pays.

 

Le 9 Mai est le jour de l’Europe qui est bien malade. C’est aussi celui de la commémoration de la Grande Guerre Patriotique et de la victoire russe. Il serait bien choisi pour que l’Europe, et la France en particulier envoient un signe d’amitié à la Russie.

 


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