Le 19/05/2023.
TÉMOIGNAGE D'UN COMMANDANT DE BRIGADE BLINDEE UKRAINIENNE
par Blablachars
Le colonel HRUDSEVYCH, commandant la 17ème brigade blindée a répondu aux questions d'un media en ligne américain. A ce titre, il a participé aux combats dans la région de Marioupol et de Kharkiv, la 1èème Brigade blindée étant actuellement engagée les combats de Bakhmut. Dans son entretien l’officier ukrainien a livré quelques éléments sur l’armée ukrainienne et le rôle des blindés dans les opérations en cours. Blablachars vous livre ci-dessous les principaux points de cet entretien et les principaux enseignements que le Col HRUDSEVYCH a pu retirer de sa participation aux combats en cours.
Avant d’aborder le rôle du char dans les opérations, le Col HRUDSEVYCH, a souligné le fort degré de motivation de l’armée ukrainienne, car se battant pour la défense de son pays et de sa population. Pour lui l’autre facteur de motivation de l’armée ukrainienne est lié le soutien manifesté par les pays de l’OTAN dont la déclinaison la plus importante est selon l’officier ukrainien, la formation des soldats ukrainiens sur les équipements fournis.
A propos de l’utilisation des blindés, l’officier ukrainien souligne que le char a toujours été et continue de demeurer un moyen de combat puissant. A rebours de nombreuses expertises, le premier rôle du char mentionné par le Col HRUDSEVYCH est celui tenu par cet engin dans les opérations défensives. Il explique que lorsque le char est intégré aux dispositifs défensifs ukrainiens, cela diminue considérablement les volontés offensives de l’ennemi, contraint d’obtenir un rapport de forces largement supérieur (de 1 contre 4 à 1 contre 6) pour la conduite d’une action offensive. Le char est donc le moyen de combat le plus puissant au niveau tactique, supériorité qu’il partage avec l’artillerie, selon le Col HRUDSEVYCH. La formation et l’entrainement doivent permettre de disposer d’équipages techniquement formés, moralement résilients, affichant une indispensable cohésion et cultivant la subsidiarité.
Les évolutions quasi permanentes de la situation tactique imposent aux commandants de formation ukrainiennes une adaptation de tous les instants dans laquelle ils sont aidés par des équipements innovants comme les drones. Toujours dans le domaine du commandement, selon le Col HRUDSEVYCH il est préférable que les chefs tactiques (Escadron, Bataillon) commandent depuis une installation statique, ou à défaut à partir d’un véhicule de commandement dédié durant les phases offensives. Le commandement depuis un char ou un engin blindé se révélant inadapté à la conduite des opérations et à l’utilisation d’outils tels que les drones. Poursuivant sur les caractéristiques d’un char, le Col HRUDSEVYCH aborde le nécessaire et délicat équilibre entre puissance de feu, protection et mobilité en précisant que dans la situation actuelle, l’armée ukrainienne aimerait pouvoir disposer de chars dotés d’une meilleure mobilité et d’une protection accrue. L’utilité du chargement automatique est soulignée par l’officier ukrainien pour lequel celui qui tire le plus vite est celui qui atteint la cible le plus rapidement de jour comme de nuit, pour laquelle les équipages doivent être entrainés à combattre. Sur la distance d’engagement à propos de laquelle les constats actuels signalent peu de combats à grande distance, Col HRUDSEVYCH précise que à chaque fois que cela est possible les chars ennemis sont engagés au plus loin. Cependant l’est de l’Ukraine avec son habitat dense et un terrain très compartimenté impose un combat à courte distance, particulièrement dans les zones les plus densément peuplées. Toujours selon le commandant de la 17ème brigade blindée, les chefs tactiques ukrainiens font preuve de plus d’initiative et bénéficient d’une plus grande autonomie dans la prise de décision. Ils agissent le plus souvent en dehors des modèles établis et utilisent des moyens techniques modernes.
Concernant l’ennemi, l’officier ukrainien souligne le caractère prévisible des décisions prises par les chefs tactiques russes agissant le plus souvent dans des cadres plus formels. Cependant le Col HRUDSEVYCH modère cette appréciation en mentionnant la capacité d’apprentissage de l’ennemi et son utilisation de plus en plus fréquente de schémas moins formels. Le Col HRUDSEVYCH précise que les chars russes n’ont rien perdu de leur létalité et ne peuvent être vaincus que par les armes occidentales. Leurs équipages demeurent bien préparés et semblent particulièrement efficaces dans les opérations défensives, leurs chars demeurant particulièrement vulnérables en zone urbaine, dans les opérations de nuit et dans les actions offensives.
Le Col HRUDSEVYCH conclue son entretien en rappelant que le temps des chars n’est pas prêt de s’achever et que le pic de cette période est à venir, particulièrement au niveau tactique.
Au-delà de la primauté du char dans les opérations tactiques, la relative rareté des engagements entre chars a fait des armes antichars le principal ennemi du char. Cette constatation rend urgente la généralisation des systèmes de protection active, de préférence hard-kill seuls capables d'atténuer les effets des armements évoqués. Le degré d’initiative accordé aux chefs tactiques ukrainiens est une des caractéristiques de l’esprit cavalier, dont les chefs doivent être formés pour saisir toute opportunité leur permettant de vaincre l’ennemi. La stricte utilisation de cadres préétablis rendant prévisible la manœuvre ennemie, comme l‘ont démontré les unités russes dans les premiers mois du conflit. Concernant les distances d’engagement, le Col HRUDSEVYCH rappelle un vieux principe selon lequel le terrain commande et souligne ainsi la flexibilité du char, pouvant engager l’ennemi à toutes les distances sur tous les terrains, comme l’a démontré la bataille de Soledar au début de cette année. Il est en outre intéressant de constater que les chefs ukrainiens maitrisent l’utilisation de drones (le plus souvent issus du commerce) pour diriger leur action et coordonner l’utilisation des moyens interarmes.
Le char n’est donc pas mort en Ukraine, vaincu dans les opérations offensives par une utilisation intensive des armes antichars occidentales, il continue de se révéler comme un élément indispensable des dispositifs défensifs en attendant son utilisation dans la potentielle contre-offensive ukrainienne, qui devrait voir l’engagement des chars occidentaux transférés aux forces armées ukrainiennes.
Le Pentagone songe à solliciter l’aide du Japon pour transformer le MC-130J en hydravion
par Laurent Lagneau
En cas de conflit dans la région du Pacifique, les forces américaines ne pourront plus compter sur l’hydravion PBY Catalina, qui rendit de grands services durant la Seconde Guerre Mondiale… D’où le projet du commandement américain des opérations spéciales [USSOCOM] de développer une version amphibie de l’avion de transport MC-130J Commando II, conçu pour mener des missions d’infiltration/exfiltration dans les zones hostiles ?
Cela étant, une telle idée n’est pas nouvelle : dans les années 1960, Lockheed proposa à l’US Navy un hydravion conçu à partir de son C-130 Hercules. Sans succès… L’industriel revint à la charge, plus tard, avec cette fois l’US Coast Guard [garde-côtière]. Mais sans plus de résultat.
Quoi qu’il en soit, le projet d’un MC-130J Commando II amphibie fut dévoilé en mai 2021 par le colonel Ken Kuebler, lors d’une conférence dédiée à l’industrie [SOFIC – Special Operations Forces Industry Conference]. « C’est un défi », avait-il dit, avant d’ajouter que l’ingénierie numérique permettrait de trouver rapidement une solution. Puis, quelques semaines plus tard, l’Air Force Special Force fit savoir qu’elle espérait le premier vol d’un prototype en 2023.
Sauf que l’ingénierie numérique n’est pas une pierre philosophale, comme en témoigne les problème que rencontre l’avion d’entraînement T-7 « Red Hawk », développé selon cette approche. En effet, celui-ci sera mis en service en 2027, soit avec trois ans de retard. Et cela « en raison de problèmes découverts au début de la phase de développement et de tests », a récemment fait savoir Andrew Hunter, le secrétaire adjoint à l’Air Force pour l’acquisition, la technologie et la logistique.
En tout cas, le développement de la version amphibie du MC-130J Commando II ne semble pas avoir réalisé de progrès notables depuis les annonces faites en 2021. Aussi, l’US SOCOM envisage de se tourner vers le Japon, qui a une certaine expérience en la matière, avec l’hydravion de transport ShinMaywa US-2.
« Le Japon est un partenaire très important dans [l’Indo-Pacifique]. Nous envisageons un partenariat pour voir ce que nous pouvons apprendre de leurs expériences avec l’US-2 », a en effet déclaré Jim Smith, le responsable des acquisitions pour le compte de l’US SOCOM, lors d’une conférence organisée à Tampa [Floride], le 9 mai.
Cela étant, en fonction de ce que donneront les discussions avec Tokyo, l’US SOCOM n’exclut pas de se procurer quelques US-2 auprès du constructeur nippon ShinMaywa, ses procédures d’acquisition étant particulières.
Pour rappel, mis en service en 2007, l’US-2 est un hydravion de 33,46 mètres de long pour une envergure de 33,15 mètres. Affichant une masse au décollage de 43 tonnes, il peut transporter une vingtaine de passagers. Doté de quatre turbopropulseurs Rolls-Royce AE 2100J, il peut voler à la vitesse maximale de 560 km. Enfin, son autonomie est de 4700 km.
Les difficultés de la marine britannique exposées dans un rapport
Par Francis Noudé
En plus des problèmes de maintenance, The Telegraph souligne dans son rapport des questions non résolues quant à la cause de l'échec de l'arbre d'hélice de l'HMS Prince of Wales. Il reste à déterminer si cet incident est dû à un défaut de conception, à une construction négligente, à un manque d'entretien ou à une autre cause.
Selon un rapport révélé par The Telegraph, la marine britannique traverse des difficultés techniques majeures, illustrées par l'état de ses deux nouveaux porte-avions. L'HMS Prince of Wales, mis en service en 2019, est actuellement hors service en raison d'un arbre d'hélice cassé. Pour maintenir l'opérationnalité de son navire jumeau, l'HMS Queen Elizabeth, des pièces ont dû être "cannibalisées" du Prince of Wales. Bien que la Royal Navy qualifie cet échange de pièces entre navires de procédure normale, il met en lumière les défis auxquels la marine britannique est confrontée pour maintenir ses vaisseaux de combat en état de fonctionnement optimal.
En plus des problèmes de maintenance, The Telegraph souligne dans son rapport des questions non résolues quant à la cause de l'échec de l'arbre d'hélice de l'HMS Prince of Wales. Il reste à déterminer si cet incident est dû à un défaut de conception, à une construction négligente, à un manque d'entretien ou à une autre cause. Adm. Ben Key, premier seigneur de la mer et chef de l'état-major de la marine britannique, a souligné que la réparation de ce type de dommage n'est pas nécessairement rapide, ce qui ajoute à la complexité de la situation.
C'est officiel: les forces spéciales américaines se préparent à défendre Taïwan
Le retour des réseaux «stay-behind»?
par Camille Lemaître sur The Diplomat
Pour la première fois depuis l'indépendance de Taïwan, le commandement américain des forces spéciales de l'armée de terre, l'USASOC,, a conduit des exercices simulant des opérations sur l'île revendiquée par Pékin et impliquant l'envoi de soldats américains des forces spéciales à Taïwan, le 27 avril dernier à Fort Bragg (Caroline du Nord).
Les opérateurs ont notamment tiré avec des fusils sans recul, percé des tunnels, utilisé des drones kamikaze Switchblade, ce qui reflète un changement considérable pour l'USASOC, analyse le spécialiste de l'Asie A. B. Abrams dans The Diplomat.
Le fait que se tienne ce combat fictif marque un tournant, déjà amorcé par le discours de certains officiels américains.. La possibilité a ainsi été évoquée que les forces spéciales américaines puissent directement aider Taïwan à combattre une invasion chinoise, notamment en participant à la formation des hommes et à la logistique –un rôle comparable à celui qu'ils jouent actuellement en Ukraine.
Esprit de résistance
«[Les Taïwanais] savent que leur entraînement doit être plus adapté au réel. […] Nous, en particulier dans la communauté des opérations spéciales, travaillons avec eux pour évoluer davantage vers un modèle de résistance partisane», déclarait fin mars le député américain et ancien militaire Mike Waltz, président d'un sous-comité de la commission défense de la Chambre des représentants des États-Unis. «[Nous devons faciliter] une résistance à l'ukrainienne.»
À lire aussi : Les sombres prédictions d'une simulation de conflit entre la Chine, Taïwan et les États-Unis
En sus du déploiement de soldats américains à Taïwan, qui continue à se développer de manière significative, cette assistance signifie également que de plus en plus de militaires taïwanais viennent s'entraîner aux États-Unis.
«Les opérations spéciales secrètes ont un rôle très important à jouer [en cas de guerre avec la Chine], en plus du prépositionnement et du renforcement [des arsenaux à Taïwan] qui vont être essentiels, mais ne suffiront pas. Il faudra une chaîne d'approvisionnement qui s'appuiera largement sur nos forces [conventionnelles] pour le faire», analyse un autre député et ex-militaire, Jason Crow, également membre du comité des affaires étrangères de la Chambre.
La Russie livre de nouveaux avions militaires à la Centrafrique
Avec ces trois appareils, la Russie aura livré au total six Albatros (L-39) aux Forces armées centrafricaines (image d'illustration) REUTERS/Stringer
par RFI
De nouveaux avions militaires russes sont arrivés en Centrafrique ce week-end. Trois appareils ont été débarqués à l'aéroport de Bangui, en vue d'une livraison aux Forces armées centrafricaines (Faca). Plusieurs organisations proches du pouvoir, qui dénoncent des violations de l'espace aérien centrafricain, saluent un renforcement des capacités militaires du pays.
« Cette livraison est une réponse aux violations périodiques de l'espace aérien du pays par des malfaiteurs », a expliqué la chaîne Telegram de la Communauté des officiers pour la Sécurité internationale, organisation russe de la galaxie Wagner qui a annoncé dimanche l'arrivée de ces avions, photos à l'appui.
Selon la COSI, avec ces trois appareils, la Russie aura livré au total six Albatros aux Faca, mais ce sont bien des hommes de Wagner qui devront les faire voler et les entretenir. Un premier appareil avait effectué un vol de démonstration au-dessus de Bangui fin novembre.
L'Aero L-39, de son nom technique, a été construit dans l'ex-Tchécoslovaquie, de la fin des années 1960 au milieu des années 1990. « Robuste, mais peu perfectionné » selon un spécialiste, il sert principalement pour l'entraînement et la reconnaissance : « Il peut permettre de surveiller des grands axes, mais ce n'est pas un avion de chasse, il n'a pas de capacité d'interception ».
Ces trois appareils à la peinture défraîchie ont été débarqués d'un Antonov 124, et pourraient provenir d'une base russe de Syrie, selon un site de traçage du trafic aérien...
Pour le Front républicain, organisation proche des autorités, cette livraison illustre le partenariat « gagnant-gagnant » avec la Russie : « Diamant/Or/Bois égal avion de chasse, égal sécurité, égal stabilité », écrit son président Héritier Doneng.
Equipements militaires : Kiev doit s'armer, d'abord et surtout de patience
par Philippe Chapleau
En matière de futures livraisons d’armes au profit de Kiev, il y a les annonces et il y a la réalité. Et les deux ne coïncident pas nécessairement.
Lors de sa récente visite en Europe de l’ouest, le président Zelensky s’est vu promettre de nouveaux équipements militaires par l’Allemagne, la France et le Royaume-Uni.
Le gouvernement allemand a annoncé, le week-end dernier, préparer un nouveau plan d’aide militaire à l’Ukraine d’une valeur de 2,7 milliards d’euros. Les livraisons en préparation incluent notamment 30 chars Leopard-1 A5 supplémentaires, 20 nouveaux véhicules blindés de type Marder et plus d’une centaine d’autres véhicules blindés de plus petite taille, 200 drones de surveillance, 4 nouveaux systèmes de défense antiaériens Iris-T et leurs plateformes de lancement, de nombreux missiles pour la défense antiaérienne, 18 canons et des munitions.
La France, sans faire mieux en termes de volume que l’Allemagne mais l’Élysée rappelant que « la France ne dit pas tout », va fournir « des capacités complètes dans tous les domaines. Dans les semaines à venir, la France formera et équipera plusieurs bataillons avec des dizaines de véhicules blindés et de chars légers, dont des AMX-10RC ». On sait déjà que la formation des équipages aura lieu sur le camp militaire de Canjuers (Var), le mois prochain. Blindés et équipages devraient rejoindre la 37e brigade d’infanterie de marine ukrainienne formée en février dernier et qui fait partie du corps d’infanterie de marine ukrainien.
Le Royaume-Uni a surenchéri, promettant de livrer à Kiev des « centaines » de missiles antiaériens et de drones d’attaques. Londres a aussi précisé que la Royal Air Force va commencer la formation de pilotes ukrainiens dès cet été, précisant que cette formation s’inscrit dans un effort multinational pour fournir des avions de chasse de type F-16 à Kiev. Précisons qu’aucun pays européen utilisateur de F-16 (Pays-Bas, Belgique, Norvège etc.) n’a encore confirmé une telle vente ou cession de ce chasseur à l’Ukraine.
L’agenda des livraisons
L’Ukraine et tous ses soutiens ont donc de quoi se réjouir. Ces annonces interviennent en outre après une récente déclaration américaine. Dans le cadre de l’Ukraine Security Assistance Initiative (USAI), la Maison Blanche a annoncé l’octroi d’une enveloppe d’une valeur de 1,2 milliard de dollars à l’Ukraine qui pourra utiliser ces fonds pour commander des armements (systèmes de défense sol-air, équipements pour intégrer dans le système de défense antiaérienne des postes de tir, des missiles et des radars, munitions pour les systèmes anti-drones, obus de 155 mm…).
Or, que ce soit les matériels américains ou ceux promis par les trois pays européens, ils ne seront pas immédiatement livrés. L’échéancier, en particulier pour les packages américain et britannique, est même long puisque ces matériels ne seront pas prélevés sur les stocks des armées US et britanniques mais commandés aux équipementiers, fabriqués et enfin livrés.
« It’s a long time »
Le mécanisme britannique « International Fund for Ukraine » (IFU) permet de fournir une assistance militaire à l’Ukraine. Ce fonds de 520 millions de £ (600 millions d’euros) permet d’acheter des armements dans le cadre d’appels d’offres dont plusieurs ont été passés en 2023. Le premier, clos le 26 avril, portait sur la fourniture de systèmes de défense aérienne. Le second, clos le 4 mai, portait sur les capacités de frappe dans la profondeur. Il faut désormais attendre l’attribution des marchés, la fabrication des systèmes et leur livraison. C’est ce qui explique que Londres, dans un communiqué de lundi, a bien précisé que ces équipements seront livrés à Kiev «au cours des prochains mois». A Kiev de s’armer, tout d’abord, de patience.
Londres a aussi détaillé son projet de février sur la formation des pilotes de chasse ukrainiens. Il a mis l’accent sur la volonté britannique de « construire une nouvelle armée de l’air ukrainienne équipée de F-16 aux standards otaniens ». Des F-16 que Kiev réclame depuis des mois pour retrouver la supériorité aérienne face aux avions russes. Londres a précisé que la formation des pilotes ukrainiens commencera cet été, formation qui s’inscrit dans un effort multinational pour fournir des F-16 à Kiev.
Cette formation débutera avec une phase de formation « élémentaire » pour des pilotes ukrainiens visiblement novices puisque le communiqué britannique parle de « basic training » (formation de base). Il faut donc prendre avec prudence les annonces britanniques qui s’inscrivent dans le temps long. La fourniture des équipements évoqués lundi, lors de la rencontre entre Rishi Sunak et Volodimir Zelensky ne sera certainement pas aussi rapide que celle des missiles de longue portée Storm Shadow que l’armée de l’Air ukrainienne a déjà utilisés au combat la semaine dernière.
Dans le domaine de la formation des pilotes ukrainiens, Paris ne veut pas être en reste. Emmanuel Macron a annoncé lundi avoir « ouvert la porte pour former des pilotes » de chasse ukrainiens « dès maintenant », au lendemain d’une rencontre avec son homologue ukrainien Volodymyr Zelensky à Paris. « On étudie déjà la capacité à assurer des formations si nécessaire pour aider l’armée de l’air ukrainienne à monter en gamme », précise l’Élysée qui annonce « des concertations » avec les partenaires de la France « dans les prochains jours ».
Pour autant les questions subsistent. Des formations pour quels pilotes (novices ou confirmés) ? Sur quels avions ? Et à quand la conversion des pilotes ukrainiens sur F-16, avions dont ne disposent ni le Royaume-Uni ni la France ?
Pourquoi la France refuse de livrer des avions de chasse à Kiev
Pendant sa tournée européenne, le président ukrainien Zelensky a renouvelé son souhait d’obtenir des avions de chasse occidentaux, mais Paris passe son tour. Explications.
Par Théo Sauvignet
Comme Berlin, Paris exclut encore de fournir des avions de combat à Kiev, la visite éclair du président ukrainien Volodymyr Zelensky à Paris, dimanche 14 mai au soir.. En février, Emmanuel Macron estimait qu'il y avait « plus urgent » et « plus utile » pour le pays pour contrer l'invasion de la Russie.
Dans l'est de l'Ukraine,, les protagonistes ont très vite perdu la maîtrise du ciel sans qu'aucune des deux parties ne parvienne à la retrouver, ce qui est très handicapant pour mener des opérations au sol. Alors que ces matériels font partie des plus demandés par l'Ukraine, pourquoi la France rechigne-t-elle autant ?
Guerre en Ukraine: La Russie assure avoir détruit un lanceur de missiles Patriot dans son attaque "exceptionnelle" sur Kiev
Un système Patriot a été abattu par des missiles Kinjal affirme la Russie.
par Axel Heimken (Reuters)
Une pluie de missiles Kinjal s'est abattue sur Kiev, dans la nuit de ce lundi à mardi. La Russie revendique avoir neutralisé un système antiaérien Patriot envoyé à l'Ukraine par les États-Unis.
L'Ukraine a affirmé, ce mardi, avoir abattu au cours de la nuit six missiles hypersoniques russes Kinjal, une arme pourtant présentée par Moscou comme quasiment impossible à intercepter.
Les autorités ukrainiennes n'avaient jusqu'à présent jamais revendiqué une telle interception d'une volée entière de missiles hypersoniques. Si cette annonce était confirmée, elle prouverait l'efficacité des systèmes de défense antiaérienne fournis par les Occidentaux et récemment déployés par les Ukrainiens.
Un système Patriot détruit
Mais, dans le même temps, la Russie a au contraire déclaré avoir détruit un système Patriot de conception américaine au coût faramineux d'un milliard de dollars. C'est à l'aide d'un Kinjal que le Patriot a été détruit, rapporte Zvezda, publication spécialisée dans le domaine militaire, précisant que ces tirs visaient des unités de combat ukrainiennes et des dépôts de munitions.
Ces six Kinjal font partie de 18 missiles tirés dans la nuit par la Russie contre Kyiv, une attaque d'une intensité "exceptionnelle" selon l'armée ukrainienne, qui affirme les avoir tous interceptés.
Les sirènes d'alerte ont retenti dans quasiment toute l'Ukraine au cours de la nuit. Elles ont fonctionné pendant plus de trois heures à Kyiv et dans sa région.
Le ciel de la capitale ukrainienne s'est illuminé d'éclairs à chaque interception de missiles, avec des pluies de débris.
Selon le chef d'état-major de l'armée ukrainienne, Valéry Zaloujny, la Russie a tiré six missiles hypersoniques Kinjal à partir de bombardiers stratégiques, neuf missiles de croisière depuis des navires en mer Noire et trois missiles Iskander depuis le sol.
Tous ces missiles ont été abattus, ainsi que six drones Shahed de fabrication iranienne et trois drones de reconnaissance, a-t-il affirmé sur la messagerie Telegram.
"La mission de l'ennemi est de semer la panique et de créer le chaos. Cependant, dans la zone opérationnelle Nord (dont Kyiv), tout est parfaitement sous contrôle", a dit le général Serhiy Naev, commandant des forces conjointes des forces armées.
Attaque "exceptionnelle"
Les autorités municipales à Kyiv ont fait état de trois personnes blessées par des chutes de débris.
"C'était exceptionnel en terme d'intensité - le plus grand nombre d'attaques de missile en un temps réduit", a déclaré le chef de l'administration militaire de la capitale ukrainienne, Serhiy Popko, via la messagerie Telegram.
Reuters n'a pas été en mesure de vérifier ces informations de manière indépendante.
L'Ukraine avait déjà revendiqué il y a quelques jours l'interception pour la première fois d'un missile Kinjal au-dessus de Kyiv à l'aide d'un Patriot américain.
Le président russe Vladimir Poutine a régulièrement présenté le Kinjal comme la preuve de la supériorité des équipements militaires de son pays vis-à-vis de l'Otan.
Ce missile d'une portée de 2.000 km, dont le nom signifie "poignard", peut transporter des ogives conventionnelles ou nucléaires et vole à 10 fois la vitesse du son. La Russie l'a utilisée pour la première fois l'an dernier dans le cadre du conflit en Ukraine, contre laquelle elle a lancé en février 2022 une "opération militaire spéciale", et elle n'a reconnu en avoir tiré qu'en quelques occasions.
La Russie multiplie ses attaques
Alors que l'Ukraine ne cache pas sa volonté de déclencher une vaste contre-offensive dans les semaines à venir, la Russie a repris fin avril ses tirs de missiles à longue portée et multiplié ces derniers jours ses attaques aériennes, principalement contre Kyiv. L'Ukraine dit être parvenue à repousser la majorité de ces attaques.
Les forces ukrainiennes ont déjà accompli au cours de la semaine écoulée leurs plus importantes avancées depuis novembre dernier, reprenant plusieurs kilomètres carrés de territoires au nord et au sud de Bakhmout, ville de l'Est de l'Ukraine que les Russes s'efforcent de conquérir depuis des mois.
La Russie a reconnu que certaines de ses unités s'étaient repliées dans ce secteur mais elle dément que ses lignes soient en train de s'effondrer.
L'Ukraine déclare que ces percées sont localisées et ne constituent pas le début de sa contre-offensive à proprement parler, qu'elle espère pouvoir mener avec les nombreux chars et véhicules blindés livrés par ses soutiens occidentaux depuis le début de l'année.
Le colonel Claudio Madile à la tête de la Brigade Motorisée
Le colonel Claudio Madile a pris le commandement de la Brigade Motorisée ce mardi 16 mai lors d’une cérémonie à Bourg-Léopold. Il succède au colonel Lieven Geeraert qui avait pris ses fonctions il y a deux ans en juillet 2021. Le colonel Claudio Madile a débuté sa jeune carrière d’officier au bataillon Libération-5 Ligne où il est resté pendant dix ans, évoluant dans les différentes fonctions. D’avril 2019 à juillet 2021, il en a été le chef de corps. Durant son mandat, l’unité a été déployée en Lituanie au sein de l’opération enhanced Forward Presence (eFP) et a participé à l’opération Vigilant Guardian (OVG). Elle s’apprête à effectuer un nouveau déploiement en Roumanie pour le deuxième semestre de cette année.
Adjoint du chef d’état-major de la Brigade Motorisée depuis août 2022, le lieutenant-colonel Bart Van Mele en est devenu le chef d’état-major en remplacement du lieutenant-colonel Philippe Rooms lors de cette même cérémonie. Il est issu du bataillon d’Artillerie.
La Brigade Motorisée est composée de 15 unités et compte près de 7.500 hommes. Elle comprend cinq bataillons de manœuvre à savoir le 1/3 Bataillon de Lanciers, le Bataillon de Chasseurs Ardennais, le Bataillon Libération-5 Ligne, le Bataillon Carabiniers Prince Baudouin -Grenadiers et le Bataillon 12/13 Ligne. Ces cinq bataillons reçoivent le soutien de quatre unités de support au combat avec le bataillon de Chasseurs à Cheval (capacité ISTAR de reconnaissance), le bataillon d’Artillerie, les 4ème et 11ème bataillons de Génie ainsi que quatre unités d’appui avec les 4ème et 10ème Groupes Systèmes de Communication et d’Information et les 4ème et 18ème bataillons Logistique. Le quartier général de la brigade est réparti entre les deux sites de Marche-en-Famenne et de Bourg-Léopold.
La Brigade Motorisée est le fer de lance du contrat CaMo (capacité motorisée) et du partenariat stratégique avec la France. Les premiers véhicules Griffon sont attendus pour 2025. Le colonel Claudio Madile devrait assurer la dernière étape de la transition avant le début de la conversion de la brigade vers la doctrine du programme Scorpion.
La force aérienne norvégienne manque de techniciens pour faire voler ses chasseurs-bombardiers F-35A
par Laurent Lagneau
« Pour faire voler nos avions, il faut toute une armée ». Tel est était le slogan de la campagne de recrutement lancée par l’armée de l’Air & de l’Espace en 2011, l’idée étant de rompre avec une communication qui, jusqu’alors, se focalisait surtout sur les pilotes et laissait de côté d’autres spécialitées tout aussi indispensables. Et probablement que la force aérienne royale norvégienne [Luftforsvaret] pourrait s’en inspirer…
En effet, la semaine passée, le ministère norvégien de la Défense a confirmé les conclusions d’un récent rapport parlementaire, à savoir que la Luftforsvaret ne disposait pas suffisamment de techniciens pour assurer la maintenance de ses chasseurs-bombardiers F-35A [30 exemplaires livrés sur les 52 commandés, ndlr]. « Nous avons pour 90 milliards de couronnes [près de 7,7 milliards d’euros] d’avions mais nous n’avons pas le personnel pour les faire voler », a-t-il résumé.
« Dans la situation sécuritaire actuelle, nos avions de combat sont cruciaux pour notre sécurité. On ne peut pas se mettre dans une situation où ils sont cloués au sol faute de personnel technique. Il est nécessaire de mettre en œuvre des mesures à court et à long terme », a ainsi estimé Bjørn Arild Gram, le ministre norvégien de la Défense.
Pour rappel, depuis le retrait de ses F-16, la Luftforsvaret ne met en œuvre que des F-35A. D’où l’importance du problème auquel elle est confrontée. Problème qui, par ailleurs, serait lié à la fermeture de la base de Bodø et le déploiement des nouveaux avions à Ørland et Evenes, beaucoup de techniciens ayant quitté le service à cette occasion.
Les mesures de long terme viseront à recruter puis à former de nouveaux techniciens… Une enveloppe de cinq millions d’euros va être débloquée à cette fin à l’occasion d’un « coup de pouce » au budget de la Défense qui, au passage, atteindra les 2% du PIB d’ici 2026. Mais ce processus prendra du temps, d’autant plus qu’il est question de créer une « filière nationale d’aviation à l’école secondaire de Fosen ».
Aussi, dans l’immédiat, la Luftforsvaret va solliciter les services de Lockheed-Martin, le constructeur du F-35A. En effet, celui-ci fournira le personnel technique dont elle a besoin pour faire voler ses chasseurs-bombardiers pour 1,75 millions d’euros. Puis Kongsberg Aviation Maintenance Services devrait ensuite prendre le relais, via un contrat au montant quasiment équivalent. Si ce dispositif sera en vigueur pour la seule année 2023, il pourrait cependant aller bien au-delà, afin de donner le temps nécessaire aux futurs spécialistes de la force aérienne norvégienne de se former et d’acquérir de l’expérience.
« Les subventions ne résoudront pas les problèmes court terme », a jugé Sigurd Myrvoll, un représentant syndical qui a travaillé sur la base aérienne de Bodø pendant plus de trente ans. « La formation d’un spécialiste ou d’un technicien en aéronautique prend du temps. Il faut cinq ans avant qu’il ne soit formé. Ensuite, il faut encore plus de temps pour qu’il ait suffisamment d’expérience pour commencer à travailler sur le F-35 », a-t-il soutenu.
Le ministère des Armées va accélérer le projet de satellites d’observation IRIS
par Laurent Lagneau
Actuellement, les capacités en matière de renseignement d’origine image [ROIM] depuis l’espace des forces françaises reposent sur la constellation CSO [Composante Spatiale Optique], issue du programme MUSIS [Multinational Space-based Imaging System for Surveillance, reconnaissance and observation].
Pouvant prendre des clichés en très haute résolution [THR], le premier satellite, CSO-1, fut placé sur une orbite héliosynchrone phasée, à 800 km d’altitude, en décembre 2018. Deux ans plus tard, une fusée Soyouz décolla du Centre spatial guyanais [CSG] avec CSO-2 à son bord. Cet engin vole à 480 km d’altitude, afin de fournir des images dites EHR [Extrême Haute Résolution].
Quant à CSO-3, qui doit rejoindre CSO-1, il n’est toujours pas opérationnel… faute de lanceur, la coopération spatiale avec la Russie ayant été suspendue après le début de la guerre en Ukraine. Cela étant, lors de la séance des questions au gouvernement, à l’Assemblée nationale, le 16 mai, le ministre des Armées, Sébastien Lecornu, a confirmé qu’il serait mis en orbite en 2024, par une fusée Ariane 6 [sous réserve, toutefois, que ses ennuis techniques soient réglés].
Quoi qu’il en soit, le rapport mis en annexe du projet de Loi de programmation militaire [LPM] 2024-30 précise que deux satellites CSO seront encore opérationnels à l’horizon 2030. Ce qui est logique étant donné que CSO-1 ne devrait plus être en service à cette échéance, sa durée de vie étant de dix ans.
Cela étant, le texte prévoit que les deux CSO restants seront remplacés d’ici 2035 par deux satellites issus du programme IRIS, pour lequel des études ont été lancées en 2019. Selon le chef d’état-major de l’armée de l’Air & de l’Espace [CEMAAE], le général Stéphane Mille, cette nouvelle constellation « permettra d’améliorer globalement notre taux de revisite et de bénéficier d’une meilleure résolution ainsi que du recueil d’un nombre d’images plus important ».
Le programme IRIS a été confié par la Direction générale de l’armement [DGA] à Airbus Space et à Thales Alenia Space [TAS]. Le premier satellite aura une capacité dite EHRmin et sera doté de miroirs en carbure de silicium. Quant au second, dit EHRmax, il devrait être beaucoup plus performant que les CSO actuels, même si sa technologie sera plus « classique ».
Or, depuis la publication du projet de LPM 2024-30… et l’adoption de ce dernier par la commission de la Défense de l’Assemblée nationale, la semaine passée, le ministère des Armées a revu ses priorités… et décidé d’accélérer le programme IRIS. C’est en effet ce qu’a aussi annoncé M. Lecornu aux députés.
« La semaine prochaine, je vais pouvoir porter un amendement du gouvernement à la Loi de programmation militaire qui va permettre d’inscrire un satellite supplémentaire, IRIS […] sans attendre 2030-2035 », a déclaré le ministre. « C’est une bonne nouvelle pour notre souveraineté et pour notre service de renseignement », a-t-il ajouté. Reste donc à voir quel autre programme sera impacté par cette décision… puisqu’il faudra bien trouver les fonds nécessaires pour la financer.
Pour rappel, selon le projet de LPM 2024-30, il est question d’investir 6 milliards d’euros dans le renouvellement des capacités spatiales.
« Les moyens de communication seront appuyés par une constellation de connectivité sécurisée et multi-orbites européenne. Nos capacités de surveillance de l’espace exo-atmosphérique seront accrues afin de détecter et attribuer un acte suspect ou agressif dans l’espace. Un centre de commandement, de contrôle, de communication et de calcul des opérations spatiales [C4OS] disposera des moyens pour piloter les actions vers, dans, et depuis l’espace. Les technologies différenciantes, renforcées de manière souveraine ou en partenariat, privilégieront la défense active pour protéger nos moyens en orbite basse, le renforcement de la connectivité, le renseignement et le lancement réactif », précise le texte.
Par ailleurs, s’agissant des satellites de communication [SATCOM] en orbite géostationnaire, le second engin de la constellation Syracuse 4 sera lancé le 16 juin prochain par une fusée Ariane 5. Quant au troisième qui était initialement prévu, Syracuse 4C, il ne figure pas dans le projet de LPM 2024-30. En revanche, des études « pour la construction de la génération Syracuse 5 » seront lancées, a assuré M. Lecornu.
« Il y a des pistes de travail actuelles sur des constellations en orbite basse ou des achats de service » mais « on garde dans notre cœur de souveraineté sur les gros satellites en orbite haute notre propre savoir-faire », a-t-il précisé.
Lors de sa dernière audition parlementaire, le général Mille s’en était expliqué. « Les réflexions se sont portées sur la constellation de connectivité sécurisée et multiorbite européenne Iris 2 [à ne pas confondre avec les satellites d’observation du même nom, nldr]. Nous visons une meilleure couverture et une meilleure latence, ce qui est important pour notre futur cloud de combat, ainsi qu’une plus grande résilience. Cette constellation complétera nos moyens souverains, avec un noyau étendu qui garantira notre accès à la Satcom », avait-il dit.
Et d’ajouter : « Les constellations qui évoluent en orbite basse ont aussi des avantages. Les deux sont complémentaires pour assurer l’efficacité et la redondance dont les armées ont besoin. Mettre tous nos objets sur l’orbite géostationnaire serait à mon sens dangereux ».
La marine brésilienne pourrait devoir désarmer 40% de ses navires d’ici 2028
Le commandant de la marine brésilienne, l’amiral Marcos Sampaio Olsen, a alerté les sénateurs de la commission des relations extérieures et la défense nationale de la très faible capacité de la marine, en raison des réductions budgétaires et de la limitation des moyens financiers.
L’amiral a assuré qu’il devra désactiver 40% des équipements, tels que les navires, diverses armes et munitions, jusqu’en 2028, en raison « de l’obsolescence et de sévères restrictions budgétaires qui empêchent un entretien ou un rééquipement adéquat ».
Selon le commandant, la marine a progressivement perdu 1 milliard de reais depuis 2017, date à laquelle le système de plafond des dépenses a été mis en œuvre en tant que politique budgétaire. Ce chiffre représente 72 % des dépenses de la marine.
Parmi les désarmements figurent des frégates construites au Brésil dans les années 1970, des munitions telles que des missiles sol-air et des torpilles totalement obsolètes. Selon le commandant de la Marine nationale, l’écart entre le nombre quantitatif de livraisons de nouveaux moyens navals, prévues jusqu’en 2029, considéré par lui comme "assez faible" par rapport à ce qui sera démobilisé à court terme, est un signe dangereux de faiblesse qui nécessite une attention urgente.
Selon le commandant, la présence de la Marine dans les actions nationales dépend des approvisionnements tels que le carburant, les munitions et le soutien logistique, ainsi que des services de maintenance. Cet ensemble de capacités a été durement touché.
Olsen a souligné qu’il y a un engagement envers la défense nationale, une réduction des activités de sécurité maritime, une difficulté à assister à la diplomatie navale et à apporter un soutien aux actions dans les États de la fédération.
Olsen a déclaré qu’« il n’est pas très responsable de comprendre le Brésil comme un pays exempt de menaces. Ces menaces sont présentes. Le pacifisme unilatéral qui imprègne notre société et certains décideurs semblent ignorer ces problèmes ». Précisément à cause de ce cadre budgétaire, nous avons perdu la capacité d’agir dans tout l’Atlantique Sud et dans d’autres zones d’intérêt pour l’État brésilien."
Pour illustrer la dimension du travail, Olsen a affirmé que le Brésil « n’est pas viable sans l’utilisation de la mer ». Il a souligné que 97% de l’exploration pétrolière et 80% de l’exploration gazière proviennent des eaux et que l’économie bleue, se référant aux ressources délivrées par la mer, correspond à 20% de l’économie brésilienne.
L’amiral a également déclaré qu’il considérait la question de la transmission des données comme délicate. Il a déclaré que « 99% de nos transmissions se font par mer, pas par satellite. Et elles sont susceptibles d’interférences, d’interruptions et de surveillance. Nous devons avoir une capacité de surveillance et de protection pour cela ».
Olsen a appelé à un renforcement dans le budget et a suggéré qu’à court terme, le montant soit débloqué des fonds qui accumulent 7,2 milliards de reais, « qui peuvent être, à condition qu’ils soient exceptionnels, affectés par la Force et utilisés dans la constitution navale ». " Le nouveau cadre budgétaire serait une solution à long terme.
Olsen a ajouté que « nous ne pouvons pas négliger la défense de l’Amazonie bleue. Le scénario mondial a montré à quel point il est préjudiciable pour un pays de ne pas disposer d’une capacité de dissuasion militaire crédible. Dans une menace imminente pour les intérêts de l’État et du peuple brésilien, si nous n’avons pas de force dure derrière nous, si nous n’avons pas de forces de dissuasion derrière nous, nous serons touchés. »
La fin de l’escadre
La flotte de navires de la marine brésilienne est très ancienne, quelle que soit la métrique comparative utilisée. Les frégates restantes de classe Niteroi peuvent voir 40 ans de service, et certaines des armes qu’elles utilisent ne représentent plus une létalité assurée contre les actifs navals modernes et les menaces aériennes sophistiquées, telles que les armes à distance, les drones et les missiles anti-surface.
La corvette Barroso a besoin d’une mise à niveau à mi-vie, ce qui signifie une escorte de moins de valeur disponible lors de la modernisation. En effet, la flotte de huit escorteurs a un âge moyen d’environ 39 ans. Les sous-marins restants de la classe Tupi Tikuna représentent en moyenne 22 ans.
La flotte vieillissante de patrouilleurs fluviaux datant des années 1970 et 1980 est en nombre insuffisant et doit être remplacée par des modèles plus récents capables de faire fonctionner des systèmes d’armes et de capteurs plus modernes, des drones et/ou des hélicoptères autonomes.
En plus des navires de patrouille océanique de 500 tonnes, dont le programme devrait être annoncé en détail plus tard en 2023, un appel d’offres pour l’acquisition de deux nouveaux navires-citernes/logistiques devrait être annoncé au cours de l’exercice biennal 2023/24.
Le seul navire disponible de ce type, le NT G-23 Gastão Motta, est très ancien (32 ans de service) et présente de sévères restrictions opérationnelles et environnementales en raison de sa conception, qui utilise ce qu’on appelle le monocoque, lorsque la législation internationale en vigueur qui exige des pétroliers à double coque.
Cette situation a empêché la marine brésilienne de naviguer avec une force opérationnelle de navires où il n’y a pas de soutien de ports amis, c’est-à-dire une courte portée opérationnelle pour la flotte brésilienne en dehors de l’Atlantique Sud, sauf lorsqu’elle opère intégrée dans une force opérationnelle avec des nations en mesure de fournir ce soutien.
L’Ukraine a rejoint le centre d’excellence de l’Otan pour la cyberdéfense en coopération
par Laurent Lagneau
Son adhésion à l’Alliance atlantique ayant été bloquée en 2008, en raison notamment de l’opposition de la France et de l’Allemagne, l’Ukraine ne désespère pas d’arriver à ses fins, alors qu’elle a déjà obtenu le statut de candidat à l’Union européenne l’an passé. Cependant, cette perspective est encore lointaine…
Les pays membres « sont d’accord pour que l’Ukraine devienne membre de l’alliance, mais en même temps c’est une perspective de long terme », avait en effet déclaré Jens Stoltenberg, le secrétaire général de l’Otan, en février dernier. « La question actuellement, c’est de s’assurer que l’Ukraine reste une nation indépendante et souveraine et pour cela nous devons soutenir l’Ukraine », avait-il ajouté.
En attendant, rien n’empêche l’Ukraine ne se rapprocher de certaines structures de l’Alliance. Ainsi, ce 17 mai, elle a ainsi officiellement rejoint le Centre d’excellence pour la cyberdéfense en coopération [NATO CCD COE], créé à Tallinn [Estonie] par l’Otan en 2008. Elle y a été accueillie en même temps que le Japon, l’Irlande et l’Islande.
« Je suis vraiment reconnaissant que l’Islande, l’Irlande, le Japon et l’Ukraine aient décidé de nous rejoindre. Nous sommes ravis que des pays ayant les mêmes valeurs puissent partager leurs connaissances en matière de cybersécurité et échanger les bonnes pratiques pour lutter contre les cyberattaques. Notre objectif est de favoriser une coopération accrue et de récolter les bénéfices de cette coalition à grande échelle grâce à la recherche, à la formation et aux exercices », a commenté Mart Noorma, le directeur du CCD COE.
L’adhésion de l’Ukraine à ce centre d’excellence aurait dû avoir lieu au début de l’année 2022… Mais, selon la presse ukrainienne, sa candidature aurait été bloquée par la Hongrie. Cela étant, à la même époque, Kiev avait conclu un accord avec l’Otan afin de renforcer ses capacités de cyberdéfense, via la la plateforme de partage d’informations sur les logiciels malveillants de celle-ci.
Étant donné les attaques informatiques qu’elle a régulièrement subies depuis 2014, l’Ukraine aura certainement beaucoup de choses à partager avec les autres membres du CCD COE… En effet, Kiev a pris très tôt les mesures qui s’imposaient pour contrer les attaques régulièrement lancées contre ses infrastructures critiques [énergie, télécommunications] par des cyber-assaillants présumés russes.
L’Ukraine a opéré une « véritable révolution en montant en gamme dans sa lutte informatique défensive », avait ainsi récemment résumé le général Aymeric Bonnemaison, le commandant de la cyberdéfense française [COMCYBER]. Mais elle a également bénéficié « d’un appui occidental précoce », ce qui s’est par la suite révélé « décisif » pour sa « résilience dans les domaines des télécommunications et du numérique », avait-il poursuivi.
Sans doute plus décisif encore, alors que la Russie se préparait à l’envahir, l’Ukraine a profité d’un important appui de l’US CYBERCOM… et des groupes informatiques américains, comme Microsoft.
« L’implication directe des États-Unis s’est nettement intensifiée fin 2021. […] L’US CYBERCOM a déployé sur place une équipe d’experts militaires, chargée de découvrir si des attaquants russes avaient d’ores et déjà infiltré les systèmes ukrainiens. [Et cela] a été capital au cours des semaines précédant le conflit », avait encore observé le général Bonnemaison.
Le 09/05/2023.
par Ministère des Armées
Après la libération de Paris et celle de Strasbourg, l’épopée salvatrice du général Leclerc de Hauteclocque s’est poursuivie au cœur du Reich allemand. A Berchtesgaden, il a même pris possession du Berghof, la résidence secondaire d’Hitler, et de son fameux « Nid d’Aigle » … Juste avant les Américains ! Récit de ces 15 derniers jours avant l’armistice.
28 avril 1945
« Vous foulez aujourd'hui le sol de l'ennemi, récompense tant attendue après des années et des mois de lutte. En dehors des combats, vous éviterez de tomber dans deux excès, d’une part la brutalité́ inutile et le pillage, d’autre part les relations avec la population auxquelles se prêterait toujours la platitude germanique. Il s’agit, une fois de plus, de faire honneur à votre uniforme. » Le général Leclerc s’adresse aux quelques milliers d’hommes de sa 2e division blindée (2e DB), alors en route vers Munich.
Les premières colonnes ont franchi le Rhin trois jours plus tôt, 36 heures seulement après leur départ de Châteauroux, à plusieurs centaines de kilomètres. Objectif Salzbourg, en Autriche, via Berchtesgaden, petit village au pied des alpes bavaroises.
29 avril
Rattachée au XXIe corps US, la 2e DB progresse facilement en territoire allemand. « Il n'y a quasiment pas de combats mais plutôt de nombreuses files de prisonniers ennemis. Les difficultés se résument principalement au passage des ponts, souvent détruits. Les Français utilisent au mieux les autoroutes puisque l'Allemagne était le seul pays qui en était dotée à l’époque », explique le général (2S) Jean-Paul Michel, président de la Fondation Maréchal Leclerc de Hauteclocque.
30 avril
Hitler se suicide dans son bunker de Berlin. Les unités de Leclerc passent le Danube.
2 mai
Les éléments de tête atteignent finalement Munich. C’est le jour où les Soviétiques s’emparent de la capitale allemande.
4 mai, 17h
Le général Leclerc aime les symboles et Berchtesgaden en est un. Non loin de la commune se trouve le Berghof, résidence secondaire d’Hitler où il se rendait régulièrement. La Kehlsteinhaus, surnommée le « Nid d'Aigle », est, elle, perchée à plus de 1800 mètres d’altitude, 1 km plus loin.
Les unités françaises d’avant-garde talonnent les Américains mais ces derniers arrivent en premiers à Berchtesgaden. Heureusement pour Leclerc, qui suit la progression de ses hommes à distance, les militaires de l’oncle Sam ne réalisent pas toute la symbolique du site. Le 4 mai, vers 17h, un sous-groupement de la 2e DB atteint finalement le centre-bourg, quelques heures seulement après les Américains…mais continue sa route jusqu’au Berghof, en grande partie détruit par les bombardements alliés.
5 mai
Le général Leclerc arrive sur les lieux et prend une décision forte : hisser le drapeau français en haut de l’éperon rocheux où se trouve le Nid d’Aigle. « Il fait sélectionner des alpinistes parce qu'il y a encore beaucoup de neige et la paroi est très rude. L’ascenseur le desservant ayant été dévasté, neuf heures sont nécessaires au petit groupe avant d’atteindre le sommet », raconte le général Michel avec passion. Les Américains s'aperçoivent alors qu'ils ont été dupés par les Français. Ces derniers devront d’ailleurs quitter Berchtesgaden le lendemain, à la demande de l’état-major US. « Ce passage par le Berghof fait partie du mythe Leclerc car c’était un haut lieu de la politique hitlérienne, affirme Vladimir Trouplin, historien et conservateur du musée de l’Ordre de la Libération. Cela contribue à nourrir sa légende de général qui passe partout. »
6 mai
Le général Leclerc se dirige vers Salzbourg. En chemin, à Bad Reichenhall, des soldats américains l’interpellent et lui présentent des militaires portant la tenue de la Waffen-SS. La douzaine de prisonniers sont en fait des Français de la division Charlemagne. S’ensuit un dialogue à la teneur encore floue, même aujourd’hui, entre Leclerc et un lieutenant SS. Mais le sort réservé à ce petit groupe est fatal. « Il n'y a pas de version officielle sur cette affaire et les circonstances de leur exécution ne sont pas établies avec certitude », indique le général Jean-Paul Michel.
8 mai 1945
La 2e DB se regroupe près du lac Ammersee, à l’ouest de Munich. La troupe fête l’armistice avec émotion. Le général Leclerc adresse alors un ultime message à tous les personnels de la division : « L’ennemi a capitulé, du Tchad à Berchtesgaden, partout vous l’avez battu. Au nom de la France je vous remercie, et je vous demande de montrer au service du pays, la même énergie demain dans la paix, qu’hier dans la guerre2. »
par Michel Goya
Le 29 septembre 1918, à l’annonce de l’armistice bulgare, Ludendorff déclare au gouvernement qu’il faut demander un armistice mais aux Etats-Unis seulement. On espère qu’ils autoriseront d’abord le retour de l’armée allemande intacte et, en fondant le processus de paix sur les Quatorze Points proclamés par le président Wilson le 8 janvier 1918, que la paix sera plus clémente pour l’Allemagne que dans les projets du Royaume-Uni et surtout de la France. Wilson ayant déclaré qu’il ne s’adresserait qu’à un réel régime démocratique, l’initiation de ce processus doit être précédée de changements institutionnels. Il faut nommer un nouveau chancelier et rendre celui-ci uniquement dépendant de la confiance du Reichstag. C’est ce nouveau gouvernement qui gérera le processus de paix, déchargeant ainsi le commandement militaire de la responsabilité de la défaite.
Le 3 octobre, le prince Max de Bade, connu pour son libéralisme, devient chancelier et forme un gouvernement de majorité. Ludendorff lui décrit une situation stratégique catastrophique dont est exclue toute responsabilité de l’armée. Par l’intermédiaire de la Suisse, le nouveau chancelier envoie un message au Président Wilson dans la nuit du 4 au 5 octobre. L’accusé de réception arrive le 9, Wilson n’exige alors que l’évacuation des territoires occupés comme préalable à un armistice. Ludendorff fait alors un exposé beaucoup plus rassurant au gouvernement. L’ennemi n’a pas réalisé de percée et piétine désormais, gêné par ses problèmes logistiques. Même si la Roumanie rompait le traité de paix, ce qui couperait l’Allemagne de sa principale ressource en hydrocarbures naturels, l’armée pourrait résister encore deux ou trois mois. Le 12, le gouvernement allemand répond qu’il est prêt à l’évacuation de France et de la Belgique mais demande au préalable la cessation des hostilités.
…
Pendant toute cette période, les Alliés européens se sont inclus dans le processus de négociation en cours entre les Etats-Unis et l’Allemagne. Furieux de ne pas avoir été consultés, ni même informés par le Président Wilson, ils lui adressent un message lui demandant de tenir compte de l’avis technique des commandants en chef avant d’entamer toute négociation. Wilson accepte. Dans le même temps, contre toute logique diplomatique, la marine allemande poursuit sa campagne sous-marine. Le 4 octobre déjà, le navire japonais Hirano Maru a été coulé au sud de l’Irlande provoquant la mort de 292 personnes. Le 10, c’est au tour du Leinster, avec 771 personnes à bord, d’être coulé par un sous-marin qui est accusé par ailleurs d’avoir tiré aussi sur les canots de sauvetage. L’indignation est énorme et contribue à durcir la nouvelle réponse de Wilson, le 14 octobre. Le Président des Etats-Unis condamne la guerre sous-marine et les destructions dans les territoires occupés. Il exige cette fois des garanties sur le maintien de la suprématie militaire des Alliés et la suppression de tout « pouvoir arbitraire ».
La note de Wilson provoque l’indignation allemande mais les militaires sont à nouveau optimistes lorsque le ministre de la guerre, von Scheuch, déclare, hors de toute réalité, qu’il est possible de mobiliser encore 600 000 hommes. Ludendorff déclare ne plus craindre de percée et espère tenir jusqu’à l’hiver. Malgré les évènements récents et la perte des bases des Flandres, l’amiral Von Scheer se refuse de son côté à interrompre la guerre sous-marine. Le 20 octobre, le gouvernement allemand, à qui la réalité stratégique aura toujours été cachée, répond à Wilson qu’il ne saurait être question de négocier autre chose que l’évacuation des territoires envahis et tout au plus consent il à limiter la guerre sous-marine. Cela suffit à mettre en colère l’Amirauté contre ce gouvernement bourgeois et démocrate qu’elle déteste.
Le 23, la réponse est cinglante. Wilson laisse aux conseillers militaires le soin de proposer des conditions d’armistice « rendant impossible la reprise des hostilités par l’Allemagne » et suggère que le kaiser doit abdiquer. La proposition soulève un tel tollé que le haut commandement allemand lance le 24 octobre un ordre de jour appelant « à combattre jusqu’au bout » et songe à une dictature militaire imposant la guerre totale. Max de Bade exige alors le départ d’Hindenburg et de Ludendorff. Le 26, Guillaume II accepte que ce dernier soit remplacé par le général Wilhelm Grœner. Le 27, le gouvernement allemand déclare à Wilson qu’il accepte ses conditions de négociation.
Le 26 octobre, après avoir consulté les commandants en chef, Foch a terminé de rédiger le projet de conditions d’armistice. Toute la difficulté était de définir ce qui pourrait être acceptable par l’Allemagne tout en interdisant à celle-ci de reprendre éventuellement les opérations en cas de désaccord sur les négociations de paix. Le texte prévoit l’évacuation, sans destruction, des zones occupées et de l’Alsace-Lorraine dans les 15 jours qui suivront la signature. Il prévoit également deux garanties : la livraison d’une grande partie de l’arsenal (150 sous-marins, 5 000 canons, 30 000 mitrailleuses, 3 000 mortiers de tranchées, 1 700 avions) et des moyens de transport (500 locomotives, 15 000 wagons et 5 000 camions) ; la démilitarisation de toute la rive gauche et d’une bande de 40 km sur la rive droite du Rhin. Les Alliés doivent également occuper militairement la région ainsi que trois têtes de pont d’un rayon de 30 km doivent être occupées par les Alliés à Mayence, Coblence et Cologne.
Le projet est ensuite discuté par les différents gouvernements. Il est durci par les Britanniques qui exigent de plus de livrer des navires de surface. Le texte définitif est établi le 4 novembre et envoyé à Wilson. A aucun moment, il n’est demandé de capitulation militaire et la crainte est plutôt que face à des demandes aussi dures, les Allemands ne refusent. Les jours qui suivent agissent comme un grand révélateur de la faiblesse de l’Allemagne, mais on ne modifie par le projet.
Le 5 novembre, le général Grœner ordonne le repli général sur la position Anvers-Meuse mais son armée n’en peut plus. L’infanterie allemande a perdu un quart de son effectif en un seul mois. Le général Hély d’Oissel note alors dans son carnet, qu’il n’y a plus en face de lui de résistance organisée : « nous n’avons plus devant nous qu’un troupeau de fuyards privés de cadres et incapable de la moindre résistance ».
Les estimations du nombre de réfractaires et déserteurs allemands varient de 750 000 à 1,5 million, déserteurs que l’administration militaire renonce à traquer et même à comptabiliser. Il existe des poches entières de « manquants », y compris en Allemagne comme à Cologne ou à Brême où une « division volante » pille la région. Lorsque les Britanniques arrivent à Maubeuge le 9 novembre, ils ont la surprise d’y trouver 40 000 déserteurs. Cinq jours plus tard, plusieurs camps de soldats allemands en Belgique se mutinent et plus d’une centaine d’officiers sont tués.
L’effondrement est aussi matériel. Du 15 juillet au 15 novembre, les Alliés ont pris plus de 6 000 canons et 40 000 mitrailleuses, le nombre d’avions en ligne a été divisé par deux et le carburant manque désespérément pour les mettre en œuvre. La production de guerre s’est effondrée. Plus 3 000 canons avaient été produits en mars 1918, moins de 750 en octobre.
La progression des Alliés n’a plus de limites sinon celle des destructions des territoires évacués, qui freinent l’avancée de la logistique et de tous les moyens lourds, et de la grippe espagnole qui fait alors des ravages, en particulier chez les Américains et à la 4e armée française. Depuis le 11 octobre, le 8e corps d’armée français perdait plus de 1 000 tués et blessés chaque semaine mais il n’en perd que sept dans la dernière semaine de guerre alors qu’il avance de dix kilomètres par jour. Le 8 novembre, le corps apprend le début des négociations d’armistice et reçoit l’ordre de contourner et de simplement bombarder les résistances rencontrées. Le 9 novembre, la ville de Hirson est prise sans combat. Le 11 novembre, la 1e armée française est à 20 km à l’intérieur de la Belgique après avoir parcouru 150 km depuis le 8 août. Parallèlement, la 5e armée atteint Charleville le 9 novembre, alors que la 4e est enfin à Mézières et à Sedan. Le dernier combat intervient lors du franchissement de la rivière à Vrigne-Meuse qui coûte 96 morts et 198 blessés en trois jours au 163e RI dans la plus parfaite inutilité des deux côtés.
La décomposition intérieure allemande est accélérée par les décisions de l’Amirauté, toujours aussi peu inspirée en cette fin de guerre. Le 28 octobre, sans même prévenir le gouvernement, l’amiral von Scheer donne l’ordre à la flotte de Wilhelmshaven de partir au combat. Il espère attirer la flotte britannique dans un traquenard de mines et de sous-marins pour l’attaquer ensuite avec ses navires de ligne et obtenir au mieux une victoire, au pire un baroud d’honneur. Le 29 octobre, les équipages n’acceptent de n’aller qu’à Kiel. Les drapeaux rouges sont hissés sur les navires. La mutinerie se rend maîtresse de la ville, puis des détachements de marins parcourent le pays. Des bandes de pillards s’attaquent aux dépôts de l’armée. Les émeutiers occupent les gares.
Le 28 octobre, les socialistes demandent l’abdication du Kaiser pour faciliter la paix. Guillaume II se rend à Spa où il envisage un temps avec Hindenburg la possibilité de rétablir l’ordre par la force de l’armée. Guillaume II abdique finalement et se réfugie le 10 novembre aux Pays-Bas.
Le 5 novembre, Groener explique au gouvernement que la résistance de l’armée ne peut plus être que de très courte durée et il invoque les mauvaises influences de l’intérieur propres à « précipiter l’armée dans l’abîme ». Le 6, Max de Bade envoie la délégation de négociation des conditions de l’armistice. Le 7, les plénipotentiaires allemands pour signer l’armistice se présentent à la Capelle devant la 1ère armée française.
La délégation allemande est présidée par le ministre d’Etat Matthias Erzberger. Il est accompagné par le comte Oberndorff représentant le ministère des affaires étrangères, le général von Winterfledt ancien attaché militaire à Paris et le capitaine de vaisseau Vanselow, mais c’est bien le civil Erzberger qui porte la responsabilité de la convention d’armistice. Il le paiera de sa vie en 1921.
Les conditions d’armistice sont présentées le 8. Le 10, le Kaiser abdique et se rend aux Pays-Bas. Le 11 à 5h du matin, le texte de la convention d’armistice est signé. La seule modification concerne la réduction de 5 000 du nombre de mitrailleuses à fournir, afin d’armer les forces de l’ordre en Allemagne. A 11h, le soldat Delaluque du 415e RI sonne le cessez-le-feu. L’armistice est conclu pour 30 jours. Le 7 décembre, ce seront les mêmes mais avec quelques officiers supplémentaires qui iront à Trèves pour le renouvellement de l’armistice. Mais Foch ne veut recevoir que les quatre plénipotentiaires du 8 novembre. Le haut commandement allemand n’apparait donc toujours pas. La débâcle militaire allemande est réelle mais le commandement parvient à la cacher en faisant rentrer les unités en apparent bon ordre, oubliant des poches entières de déserteurs en Belgique. Ces troupes sont saluées par le chancelier Ebert comme n’ayant « jamais été surpassées par quiconque ». L’idée du « coup de poignard dans le dos » de l’armée allemande comme responsable de la défaite est déjà là et fera plus tard la fortune de la propagande nationaliste et nazie. Dans l’immédiat ce n’est pas la préoccupation première des Alliés qui sont déjà satisfaits que l’armée allemande, dont ils surestimaient eux aussi la force, ne puisse pas reprendre le combat.
Les discussions préalables au traité de paix avec l’Allemagne sont beaucoup plus difficiles et longues que prévu, les Alliés ayant des visions divergentes. Elles n’aboutissent qu’en mai 1919. Il faut encore plus d’un mois pour faire accepter le traité à l’Allemagne, traité qui n’entre en vigueur que 10 janvier 1920. En droit, la guerre avec l’Allemagne ne s’arrête qu’à ce moment-là.
par Laurent Lagneau
Dévoilé en mars 2018 par le président russe, Vladimir Poutine, parmi plusieurs nouvelles armes décrites comme « invincibles », le Kh-47M2 Kinjal [code Otan : AS-24 « Killjoy »] est un missile aéro-balistique pouvant être doté d’une ogive fragmentation de 500 kg ou d’une tête nucléaire. Ayant une portée [annoncée] de 2000 km, il serait en mesure de voler à une vitesse approchant Mach 10 après avoir tiré par un avion de combat MiG-31K « Foxbat ». En clair, son hyper-vélocité fait que, théoriquement, il ne laisse quasiment aucun temps de réaction aux défenses aériennes.
Ces dernières années, ce Kh-47M2 Kinjal a fait l’objet de beaucoup de publicité… Sans doute à des fins d’intimidation et de « signalement stratégique » vers l’Otan, comme l’a souligné le colonel David Pappalardo, dans un numéro de la revue Vortex, publiée par l’armée de l’Air & de l’Espace. En tout cas, utilisé pour la première fois au combat en Ukraine en mars 2022, ce missile n’a pas donné un avantage opérationnel significatif aux forces russes.
« La mise en service de missiles hypersoniques a bien eu lieu. Si leur emploi a été très médiatisé, leur efficacité opérationnelle n’est pas encore à maturité », a d’ailleurs récemment constaté le général Thierry Burkhard, le chef d’état-major des armées [CEMA]. Cependant, a-t-il aussi prévenu, « nous ne pouvons ignorer l’apparition de cette menace » car « un jour, la pleine capacité opérationnelle sera atteinte ».
N’ayant pas, pour le moment, apporté de plus-value opérationnelle aux forces russes engagées en Ukraine, le Kh-47M2 Kinjal est-il vraiment invincible? La question se pose, après que le site spécialisé ukrainien Défense Express a publié des photographies – non authentifiées – montrant ce qui semble être les restes d’un tel missile, celui-ci ayant été abattu dans les environs de Kiev le 4 mai, a priori par une batterie Patriot.
Seulement, la force aérienne ukrainienne a d’abord refusé de faire le moindre commentaire… Puis, via son porte-parole, le colonel Yuri Ignat, elle a démenti avoir abattu un Kh-47M2 Kinjal le 4 mai [soit après la mystérieuse attaque de drones ayant visé le Kremlin, ndlr].
Puis, à peine vingt-quatre heures plus tard, la force aérienne ukrainienne a fini par revendiquer l’interception d’un engin hypersonique russe.
« Oui, nous avons abattu le missile Kinjal, qui n’a pas d’équivalent. Je félicite le peuple ukrainien pour cet événement historique », s’est en effet réjoui le général Mykola Oleshchuk, son chef d’état-major, ce 6 mai. Et de préciser qu’une batterie de défense aérienne Patriot avait été sollicitée et que le missile en question avait été tiré par un MiG-31K depuis l’espace aérien russe.
par Laurent Lagneau
Comme les autres armées, la Marine nationale devrait le nombre de ses réservistes opérationnels à la faveur de la Loi de programmation militaire [LPM] 2024-30 [sous réserve que celle-ci soit adoptée par le Parlement]. Actuellement, et selon son site dédié au recrutement, elle en compte 6’000, soit près de 15% de son effectif global [40’000 marins, nldr].
« Affectés au sein des forces ou en état-major, ils contribuent à la protection des installations et des unités de la marine, à la surveillance du littoral et au contrôle naval du trafic commercial. Ils soutiennent donc pleinement la mission de protection et de défense maritime du territoire national », précise la Marine nationale.
Lors de son audition à l’Assemblée nationale dans le cadre de l’examen du projet de LPM 2024-30, son chef d’état-major [CEMM], l’amiral Pierre Vandier, a assuré qu’elle serait « pleinement engagée dans l’augmentation des réserves souhaitée par le ministre [des Armées, Sébastien Lecornu], avec une structuration en trois axes : l’appui aux marins d’active, la création de flottilles côtières pour renforcer l’action littorale […] et le développement de compétences spécifiques dont la Marine ne dispose pas ou pas assez ».
Ce renforcement significatif de la réserve opérationnelle au sein de la Marine nationale visera surtout à « durcir la défense maritime du territoire ».
« Nous sommes en train de retendre notre dispositif global, qui repose notamment sur la chaîne sémaphorique. Les moyens des sémaphores seront renouvelés et certains d’entre eux seront équipés de drones. Nous allons renforcer nos liens avec les centres régionaux opérationnels de surveillance et de sauvetage [Cross], afin de pouvoir corréler les faits qu’ils observent avec la situation militaire », a d’abord expliqué l’amiral Vandier.
Or, avec 19’000 km de côtes à surveiller, ce sera donc dans cette idée de « durcir la défense maritime » que, pour la plupart, les futurs réservistes de la Marine nationale seront affectés à des « flottilles côtières », avec l’objectif de « combler les angles morts » tout en favorisant les « interactions » avec les collectivités du littoral.
« Dans le cadre du doublement des réserves, nous allons constituer des flottilles côtières : il y en aura une par façade en métropole, avec des antennes outre-mer », a indiqué le CEMM. « L’objectif est de constituer des moyens de surveillance nautique qui seront armés par des réservistes, à la fois anciens et jeunes. Ces derniers navigueront sur des embarcations à coque semi-rigide et patrouilleront en lien avec les sémaphores dans des missions d’assistance publique et de renseignement », a-t-il ajouté.
Mettant l’accent sur leur « développement innovant », ces flottilles côtières, a expliqué l’amiral Vandier, seront progressivement créées « à partir de gens qui ont de l’expérience et en incorporant des jeunes » ayant « envie de naviguer et d’aller dans les territoires ». Et de préciser : « L’architecture retenue consiste à essaimer dans de petites escouades, sur le littoral »
Ces flottilles côtières suivront un « développement innovant », a précisé l’amiral Vandier. Ainsi, « l’idée générique est d’incorporer nos réservistes, de prendre des jeunes ayant envie de naviguer et d’aller dans les territoires », l’architecture « retenue » consistant « à essaimer dans de petites escouades, sur le littoral ».
Pour rappel, l’objectif inscrit dans le projet de LPM 2024-30 vise à atteindre le ratio d’un réserviste opérationnel pour deux militaires d’active à l’horizon 2035.
par BLABLACHARS
Les choses semblent s’accélérer pour le renouvellement des camions-citernes, puisque après deux longues années d'attente et la publication le 3 février dernier de l'appel d'offres, c'est au tour du DCE (Dossier de Consultation des Entreprises) d'être disponible depuis cette semaine. Ce marché destiné au "renouvellement des capacités de ravitaillement des forces armées françaises" prévoit la livraison d'un maximum de 800 camions-citernes déclinés en différentes versions. Outre la livraison des camions, le futur marché d'une durée de 10 ans et constitué de tranches optionnelles inclut également la fourniture d'un système de soutien complet (outillage, documentation, rechange,...) ainsi que le Maintien en Condition Opérationnelle par le biais de prestations de soutien et de maitrise technique. L'accélération constatée au niveau des dates de publication des différents documents est également visible dans la date de remise des premières offres, puisque celle-ci est fixée au 7 juillet ! Pour remplacer les camions en service, le marché prévoit des engins de 12 et 20m3 dont la moitié devrait recevoir une cabine blindée. Alors qu'aujourd'hui la flotte de camions citernes est composée de camions de différentes marques, le futur marché devrait être attribué à un seul constructeur, qui selon les exigences fixées doit être capable de produire annuellement au sein de l'UE 150 camions citernes de plus de 10m3 équipés de leur système de distribution de carburant. Attendu depuis deux ans et en l'absence de tout autre marché de renouvellement de camions, le renouvellement des camions-citerne devrait voir s'affronter les "poids-lourds" du secteur parmi lesquels Arquus, Iveco, RMMV (Rheinmetall Man Military Vehicles), Scania (appartenant au groupe Volkswagen comme MAN) ou encore Mercedes, qui devront donc rendre leur première copie dans deux mois !
par BLABLACHARS
Alors que les premiers exemplaires des Abrams M1A2 SEP V3 commandés en juillet 2021 devraient arriver en Pologne au début de l'année 2025, le gouvernement polonais a présenté, il y a quelques
jours le calendrier de livraison des 116 M1A1 dont l’acquisition a été décidée en fin d'année dernière. Le général Jablonski, en charge du programme Abrams au sein du ministère de la
défense a indiqué qu'un premier lot de 14 M1A1 seront livrés à la 1ère Brigade blindée à la fin du mois prochain. Ces premiers chars seront suivis de 42 autres engins livrés entre aout et
septembre prochain, puis d'un troisième lot de 60 chars qui seront remis à l'armée polonaise avant le mois de février 2024. Outre la 1ère Brigade blindée, la 19ème Brigade d'infanterie
mécanisée sera également dotée d'un bataillon de chars Abrams, ces deux brigades étant subordonnées à la 19ème Division d'infanterie mécanisée. Ces 116 engins seront accompagnés de 8
poseurs de pont M1074, de 12 chars de dépannage M88A2 Hercules et de 6 véhicules de commandement M577. Ce package blindé est complété par 26 Hummer SECM (Shop Equipment Combat
Maintenance) et par des équipements de maintenance et de formation. La mise en Ce contrat dont le cout total est estimé à 1,4 milliard de dollars, dont sont déduits 200 millions de
dollars remboursés par le mécanisme FMF (Foreign Military Financing). Ces 116 M1A1 "gap-fillers" devraient rejoints par les premiers M1A2 SEP V3 début 2025, dont les livraisons devraient
se poursuivre jusqu'en février 2026, date à laquelle l'armée polonaise devrait disposer de 366 chars M1 (A1 et A2), de 38 M88A2 et de 25 M1074.
Depuis quelques mois, en lien à la guerre en Ukraine et à la montée généralisée du risque d’engagement majeur en Europe et ailleurs, la question des capacités des armées à faire face à un conflit dit de « haute intensité » est devenue un thème récurrent tant dans l’hémicycle du parlement que dans la communication gouvernementale, les médias et les réseaux sociaux. Très souvent, la Pologne, qui a annoncé un effort colossale pour moderniser et étendre ses capacités terrestres dans ce domaine dans les années à venir, est cité en référence, faisant de Varsovie l’exemple à suivre. La Loi de Programmation Militaire 2024-2030 en cours de finalisation semble ne pas avoir suivi cette voie, en conservant un format de la Force Opérationnel Terrestre, le bras armé de l’Armée de Terre, sensiblement identique à ce qu’il est aujourd’hui, et en ne procédant qu’à une augmentation sectorielle de certaines capacités, comme dans le domaine du Renseignement, de la défense anti-aérienne ou encore des frappes dans la profondeur et des drones. Pour autant, en 2030, selon ce schéma, l’Armée de terre conservera une force opérationnelle limitée en terme de haute intensité, avec seulement 200 chars lourds modernisés Leclerc, 650 véhicules de combat d’infanterie VBCI sur roues relativement légers et faiblement armés, moins de 120 tubes de 155 mm et une poignée de Lance roquettes unitaires, potentiellement remplacés par des HIMARS américains.
De fait, en 2030, l’Armée de terre sera effectivement plus performante, notamment avec la poursuite du programme SCORPION et la livraison des VBMR Griffon et Serval pour remplacer les VAB, et des EBRC Jaguar pour le remplacement des AMX-10RC et des ERC-90 Sagaie, et disposera de réserves considérablement accrues en terme de munitions et de personnels avec la montée en puissance de la Garde nationale. Toutefois, pour ce qui est de la haute intensité, elle sera très loin des 6 divisions lourdes polonaises alignant 1250 chars de combat modernes M1A2 Abrams SEPv3 et K2PL Black Panther, 1400 véhicules de combat d’infanterie Borsuk, 700 canons automoteurs K9 Thunder et 500 lance-roquettes mobiles K239 et HIMARS. Si dans de nombreux domaines, comme en matière de forces aériennes, navales et évidemment en terme de dissuasion, Varsovie devra s’appuyer sur ses alliés, elle disposera incontestablement de la plus importante force terrestre conventionnelle en Europe, sensiblement supérieure à la somme des forces terrestres françaises, allemandes, britanniques, italiennes et espagnoles réunies, soit les 5 économies les plus fortes du vieux continent.
Si l’on ne peut que se féliciter de voir un allier s’équiper aussi efficacement dans ce domaine, force est de constater que dans de nombreux domaines, les positions et postures polonaises sont loin d’être alignées avec celles des européens de l’Ouest. En outre, Varsovie entend, de toute évidence, prendre une position politique centrale en Europe de l’Est précisément pour contrer le pouvoir des puissances d’Europe occidentale au sein de l’UE, en s’appuyant sur l’aura que lui conférera cet outil militaire face à la menace russe. Pour équilibrer les rapports de force politiques, que ce soit face aux menaces militaires russes ou autre (Turquie..), ou au sein de l’Union Européenne et de l’OTAN, il serait naturellement bien venu, pour la France, de doter son Armée de Terre d’une puissance comparable, comme de nombreux anciens officiers supérieurs et généraux ne cessent de le répéter sur les réseaux sociaux et dans les médias. Toutefois, au delà du besoin lui-même, il convient d’évaluer les couts et les contraintes qu’engendrerait une telle transformation, de sorte à en déterminer la soutenabilité budgétaire mais également sociale. Et comme nous le verrons, l’effort budgétaire d’une telle ambition serait loin d’être hors de portée, puisqu’il serait sous la barre des 0,25% du PIB français aujourd’hui.
L’objectif de cet article n’étant pas de disserter sur l’organigramme optimal de l’Armée de Terre pour répondre à ces menaces, nous prendrons comme base de travail un format souvent évoqué par les spécialistes du sujet, avec une FOT portée à 90.000 hommes (contre 77.000 aujourd’hui) pour armer 2 divisions lourdes dédiées à la haute intensité, et 1 division de projection de puissance et d’appui rassemblant les multiplicateurs de force et troupes spécialisées que sont les Troupes de Marine, les Troupes de montagne, les forces parachutistes, la composante d’aéromobilité (ALAT) et la Légion Étrangère. En terme de matériels, nous considérerons l’acquisition de 1000 chars de combat modernes, épaulés de 1000 véhicules de combat d’infanterie lourds chenillés, de 500 systèmes d’artillerie automoteurs de 155 et 105 mm, de 300 lance-roquettes à longue portée, ainsi que de 200 EBRC jaguar supplémentaires, 120 systèmes de défense anti-aérienne autotractés SHORAD et 500 véhicules blindés spécialisés (Génie, récupérateurs de blindés, Ravitaillement des systèmes d’artillerie etc..). Les autres programmes en cours, notamment dans le cadre du programme SCORPION, sont considérés inchangés, tout comme le format de l’Aviation légère de l’Armée de terre, qui serait toutefois bien avisée de se pencher sur la possible re-acquisition des Tigre et NH90 TTH australiens pour densifier son format. L’enveloppe budgétaire pour acquérir ces équipements d’établie autour de 50 Md€, en tenant compte des couts de conception et de fabrication.
Au delà de ces couts initiaux, il convient d’évaluer les couts récurrents. En premier lieu, le parc matériel couterait 2 Md€ par an pour la maintenance et les pièces détachées, soit 4% du prix d’acquisition par an. Il conviendrait d’augmenter les effectifs professionnels de l’armée de terre de 15.000 hommes et femmes, soit un cout annuel de 1,5 Md€, auxquels il faudrait ajouter 0,5 Md€ pour les quelques 45.000 réservistes supplémentaires qui devront être recrutés pour consolider les forces. Au total, donc, sur une période de 15 ans, la montée en puissance ici envisagée couterait donc 3,2 Md€ par an pour l’acquisition de matériels, alors que l’extension des effectifs couterait en moyenne 2 Md€ par an. L’installation des nouvelles unités, quant à elles, est estimée à 300 m€ pour 3 nouvelles unités par an. Sur les 15 premières années, donc, ce programme couterait aux finances publiques 5,5 Md€, soit 0,22% du PIB. Au delà des 15 années d’acquisition, les couts récurrents s’établiraient à 4 Md€ pour les effectifs et la maintenance, auxquels il conviendra d’ajouter 2,5 Md€ pour le financement des modernisation de parc, soit un total de 6,5 Md€ par an (exprimés en Euro 2023) et 0,26% du PIB. Sur la seule prochaine LPM à venir, il serait donc nécessaire d’augmenter la dotation de 30 Md€ sur 7 ans pour financer la mesure. On notera que pour atteindre un résultat sensiblement équivalent, Varsovie va consacrer plus de 1% de son PIB sur une période équivalente.
Pour autant, et comme à chaque fois qu’il est question d’investissements de défense il convient également de considérer les recettes fiscales et sociales supplémentaires pour l’État consécutives à l’investissement. En effet, ce n’est pas tant l’investissement lui-même qui importe dans ce type de planification, mais son impact sur les déficits publics et par conséquent sur la dette souveraine française. En l’occurrence, les investissements industriels génèrent un retour budgétaire supérieur à 50%. En effet, tous les équipements et prestations de service industrielles sont soumis à la TVA immédiatement récupérée par l’Etat, alors que les industries de défense sont très faiblement exposées à l’importation. De fait, les investissent de l’état se dissipent dans l’économie essentiellement en salaires qui, rappelons le, sont soumis à un taux de prélèvement supérieur à 42%. Dès lors, considérer un retour budgétaire à 50% est une valeur par défaut, prenant en considération la somme des recettes directes et indirectes, sociales et fiscales pour l’état. Pour les investissements salariaux, un retour de 30% sera considéré, la encore par défaut. Appliqués à ce modèle, l’impact effectif du programme sur les équilibres budgétaires serait rapporté à 3,15 Md€ en moyenne sur la phase de montée en puissance, soit 0,125% du PIB, et à 3,4 Md€ au delà, soit 0,136% du PIB exprimé en euro constants 2023. A titre de comparaison, un tel montant est relativement proche de ce que dépenses les français chaque année en abonnements sur les plateforme de streaming.
Il serait bien évidemment possible d’optimiser le modèle pour en réduire l’impact budgétaire, par exemple en appliquant les mesures préconisées dans l’article « Comment l’évolution de la doctrine de possession des équipements peut permettre d’étendre le format des armées ?« , ou en approfondissant les effets potentiels de l’effort industriel notamment en terme d’exportations potentielles, ce qui tendrait à en réduire le cout budgétaire effectif, et donc d’en accroitre la soutbenabilité. Quoiqu’il en soit, deux questions demeureraient. En premier lieu, il conviendrait d’établir que cet investissement serait le plus à-même de répondre aux besoins de la France et de ses armées aujourd’hui et demain. En effet, avec une Pologne aussi forte militairement, et le renforcement sensible des forces terrestres en Europe de l’Est et du nord, il est évident que la menace militaire russe sur l’OTAN et son flanc orientale sera contenue pour de nombreuses années. Dit autrement, quitte à devoir investir 100 Md€ supplémentaires sur 15 ans, ne serait-il pas plus efficace de renforcer la composante chasse de l’Armée de l’Air, ou la composante sous-marine de la Marine Nationale, sachant que l’une comme l’autre offriraient des caractéristiques de retour budgétaire et donc d’impact budgétaire similaires ?
En second lieu, il convient de prendre en considération l’ensemble des contraintes qui s’appliqueront à la montée en puissance des armées. En l’occurrence, l’une des plus importantes, peut-être au delà des contraintes budgétaires elles-mêmes, n’est autre que la contrainte de recrutement, sachant que même si la situation s’est sensiblement améliorée ces dernières années du fait des évolutions de la condition militaire dans la LPM 2019-2025, il est loin d’être acquis que l’Armée de terre puisse effectivement recruter 15.000 militaires professionnels supplémentaires ainsi que 45.000 garde nationaux, au-delà des trajectoires déjà établies dans la LPM 2024-2030. Certes, la constitution de nouvelles unités de haute intensité équipées de matériels modernes ajoutera à l’attractivité des armées, mais il n’en demeure pas moins vrai que cette hypothèse de croissance aura sans le moindre doute fait sourciller les officiers s’étant confrontés aux difficultés RH de l’Armée de Terre ces dernières années.
Quoiqu’il en soit, il est désormais établi qu’il est loin d’être inconcevable de doter l’Armée de terre d’une capacité d’engagement comparable à celle en constitution en Pologne en matière de Haute Intensité, tout en conservant les capacités exclusives de ses unités en matière de projection et d’appui. D’un point de vue budgétaire, cet effort serait relativement limité en terme d’impact sur les déficits, et pourrait même être sensiblement optimisé vis-à-vis du modèle ici abordé. Une chose est certaine, cependant, un tel effort ferait de la France le pivot central de toute la défense européenne, et donnerait une légitimité incontestable à Paris pour soutenir l’autonomie stratégique européenne, puisqu’avec un tel modèle, le soutien militaire des États-Unis dans le domaine conventionnel face, par exemple, à la Russie, serait tout simplement superfétatoire. Eu égard à la sensibilité de l’exécutif français aujourd’hui, c’est probablement cet argument, conjointement aux couts réels de la mesure détaillés dans cet article, qu’il conviendrait de mettre en avant dans les médias et au parlement pour espérer obtenir une altération positive de la trajectoire.
Un intermédiaire indien affirme avoir aidé Thales à décrocher le marché de rénovation des avions Mirage-2000 en Inde, en étant rémunéré par un circuit financier offshore. La justice française a ouvert une enquête.
par Benoît Collombat
Le monde de l’armement n’aime guère dévoiler ses coulisses. C’est dire si la démarche de Sanjay Bhandari est singulière. Cet intermédiaire indien réfugié à Londres depuis 2015 a déposé plainte contre Thales devant le Tribunal de commerce de Nanterre, le 12 mars 2021, pour réclamer le paiement de commissions qu’il estime dues.
Révélée par le journal britannique The Telegraph, en janvier 2022, cette plainte, que la cellule investigation de Radio France a pu consulter, a été peu médiatisée en France, à l’exception de la lettre spécialisée Intelligence Online. Elle est d’autant plus surprenante qu’elle dévoile à la justice française ce qui pourrait s’apparenter à un circuit de corruption.
Si Sanjay Bhandari a fait cette démarche, c’est parce qu’il s’estime lésé par Thales. Il lui réclame onze millions d’euros pour solder ce qui lui aurait été promis en contrepartie de son aide pour décrocher en Inde le marché de rénovation d’avions de chasse Mirage-2000. Un contrat global de 2,4 milliards de dollars (1,6 milliards d’euros) remporté le 29 juillet 2011 par Thales, mais aussi par Dassault (actionnaire principal de Thales avec l’État français).
Le 28 octobre 2022, Sanjay Bhandari a été débouté par le Tribunal de commerce de Nanterre. Ses demandes d'indemnisation ne seront donc pas satisfaites. Mais selon les informations de la cellule investigation de Radio France, le Parquet national financier (PNF) a tout de même ouvert une enquête pour vérifier si les circuits de financement qu’il décrit dans sa plainte ne correspondent pas à des commissions occultes. Des policiers britanniques ont été chargés d’entendre l’intermédiaire indien aujourd’hui domicilié à Londres, afin de recueillir les éléments matériels susceptibles d’appuyer ses déclarations. De son côté, Thales dit “contester fermement les allégations” de Sanjay Bhandari.
Dans sa plainte devant le Tribunal de commerce de Nanterre, l'intermédiaire affirme partager “une relation commerciale de longue date, depuis 1996” avec Thales. Il dit notamment être intervenu pour débloquer les suites de la vente de six sous-marins Scorpène à l’Inde et avoir rencontré, en octobre 2009, le responsable de la filiale indienne de Thales, François Dupont. "M. Sanjay Bhandari a convenu, par un contrat non formalisé, de fournir son appui et ses services à Thales pour [lui] permettre de résoudre ses difficultés en Inde", peut-on lire dans sa plainte. Selon ses dires, il aurait permis "à Thales d’obtenir l’ensemble des autorisations et accords nécessaires à l’exécution du contrat des six sous-marins Scorpène avec le ministère indien de la Défense". Et il poursuit : "À la suite de la signature de ce contrat et du déblocage de la situation, une relation commerciale basée sur la confiance s’est installée entre M. Sanjay Bhandari et Thales. Cette coopération n’a pas été formalisée par écrit, Thales rémunérant M. Sanjay Bhandari indirectement en passant par un autre intermédiaire."
À partir de 2009, Sanjay Bhandari aurait "formalisé cette relation" en concluant "un contrat de consulting" avec Thales à travers sa société, Offset India Solutions Private Limited (OIS), précise encore la plainte. "M. Sanjay Bhandari est devenu, durant de nombreuses années, un acteur d’intermédiation commerciale clé en Inde pour le compte de Thales", peut-on lire.
"D’une caste assez élevée, Sanjay Bhandari est à la confluence de plusieurs mondes, explique le rédacteur en chef d’Intelligence Online, Pierre Gastineau : celui de la politique locale (il est très proche du parti du Congrès), le ministère de la Défense, les groupes privés… C’est à la fois un agent, un lobbyiste et un facilitateur." Un rôle qui peut être très politique, comme le souligne le journaliste spécialiste des questions de défense, Jean Guisnel, auteur du livre Armes de corruption massive : "Des industriels français m’ont confié que le système de corruption sur les ventes d’armes servait à financer les deux principaux partis indiens, le parti du Congrès et le BJP. En général, le parti au pouvoir prend autour de 15 % sur l’ensemble des contrats d’armement."
Dans les années 2000, Thales convoite un important contrat de modernisation des avions de chasse Mirage-2000, vendus par la France à l’Inde, au début des années 1980. "C’est ce qu’on appelle le MLU (pour mid-life update) : au bout de 30 ans, il est possible de redonner 30 ans de vie supplémentaire aux appareils, explique Jean Guisnel. Mais l’industriel qui a vendu l’avion n’a aucune garantie de procéder à cette modernisation, il y a donc un nouvel appel d’offres." Sanjay Bhandari affirme que Thales, qui "négociait avec le ministère de la Défense indien depuis janvier 2008", aurait déployé de grands moyens pour le convaincre d’intervenir dans ce dossier.
Ainsi, il "a été invité à visiter le siège de Thales en France en juin 2011", explique-t-on dans sa plainte. "Durant son séjour, M. Sanjay Bhandari a rencontré différents hauts représentants du groupe. Il a d’abord rencontré M. François Dupont, directeur général de Thales en Inde, à l’Hôtel Plaza Athénée, à Paris. Ensuite, c’est au restaurant Laurent [dans le 8e arrondissement de Paris] que M. François Dupont a présenté à M. Sanjay Bhandari, M. Guy Delevacque, vice-président senior des ventes mondiales de Thales."
Lors de ce séjour parisien, une proposition financière aurait été faite à l’intermédiaire indien. “Les représentants de Thales ont sollicité les services de M. Sanjay Bhandari pour décrocher le contrat de modernisation des Mirage-2000 en s’engageant sur une commission s’élevant à 20 millions d’euros." Un engagement supposé de Thales "qui n’est bien entendu pas formalisé par écrit, précise la plainte. La rémunération convenue devait s’ajouter à la rémunération minime versée à la société OIS [de Sanjay Bhandari] au titre du contrat de consulting."
Et un mois plus tard, Thales remporte effectivement le contrat pour la modernisation de la flotte de Mirage-2000 de l’armée indienne. Sanjay Bhandari estime avoir "permis à Thales de lever tous les blocages liés à la signature du contrat" et avoir fourni "régulièrement aux représentants de Thales (…) des informations sur l’état d’avancement de l’approbation du projet par les autorités indiennes. Thales, par ses représentants, sollicitait des renseignements confidentiels sur les négociations en cours", précise la plainte.
Mais via son avocat, Sanjay Bhandari décrit aussi le montage financier supposé qui aurait été mis en place pour le rémunérer discrètement. "Thales, par l’intermédiaire de M. François Dupont [responsable de la filiale de Thales en Inde, aujourd’hui directeur des affaires européennes de Naval Group], a informé M. Sanjay Bhandari de la mise en place d’un montage financier impliquant plusieurs structures, en Inde et à Dubaï, pour le paiement de sa commission, indique la plainte. Ce montage a été présenté à M. Sanjay Bhandari comme étant une pratique d’usage au sein du groupe Thales pour le paiement des services d’intermédiation commerciale, compte tenu de la règlementation en vigueur en France. La filiale Thales Middle East & Africa devait se charger du déploiement de la structure financière mise en place."
Selon Sanjay Bhandari, l’argent devait dans un premier temps transiter par deux sociétés basées à Bangalore, en Inde (AvioHeliTronics InfoSystems Pvt Ltd et Axiscades Engineering Technologies Ltd, indirectement détenues par Rajeev Chandrasekhar, un responsable politique membre du BJP). L’objet officiel de cette première opération était de "financer des projets de coopération avec l’industrie de défense indienne". "Le schéma consistait à ce que Thales octroie des contrats offset aux deux sociétés [indiennes]", est-il encore précisé dans la plainte. Les contrats offset, ou contrats de compensation industrielle, sont des contrats passés par l’entreprise avec le pays acheteur, en marge du contrat principal. Officiellement, il peut s’agir de faire du transfert de technologie ou d’investir dans l’économie locale, à la demande du pays acheteur.
"Vous avez beaucoup moins de contrôle et donc plus de facilité pour faire passer des pots-de-vin à travers un contrat offset qu’avec le contrat principal, explique l’avocat Nicola Bonucci, ancien directeur des affaires juridiques à l’OCDE (Organisation de coopération et de développement économiques). J’avais tenté de développer un cadre international en matière d’offset, on en avait même discuté dans le groupe du G20 anticorruption. Les pays qui n’y étaient pas favorables étaient ceux où ce type de pratiques se déroulaient le plus : la Chine, l’Inde, le Brésil ou l’Afrique du Sud."
Dans un deuxième temps, pour rémunérer Sanjay Bhandari, une partie de l’argent passée par les deux sociétés indiennes "devait être versée à une société de consulting basée à Dubaï, nommée UHY Consulting, affirme l’intermédiaire dans sa plainte. Cette société ne devait pas en réalité fournir d’autres services à Thales que le versement des sommes dues par Thales à M. Sanjay Bhandari sur les comptes désignés. Le but de la conclusion de ces contrats en cascade était de faciliter le transit des fonds provenant de Thales vers les comptes de M. Sanjay Bhandari. À cet effet, Thales (par l’intermédiaire de M. François Dupont) a demandé à M. Sanjay Bhandari de se rendre à Dubaï, lieu à partir duquel débutait l’étape initiale de la structure de financement."
Pour le spécialiste du blanchiment et des paradis fiscaux, Eric Vernier, en règle générale, le choix de Dubaï n’est pas un hasard. "C’est un paradis fiscal, mais surtout un paradis bancaire voire judiciaire, décrypte-t-il. Il est très difficile d’obtenir une information précise et transparente sur ses affaires bancaires. Même s’il y a apparemment des échanges d’informations, c’est la place de Dubaï qui décide ou non de les transmettre."
Selon le journaliste Yann Philippin qui a révélé l’affaire des Rafale Papers sur le site de Mediapart (des soupçons de corruption autour de la vente de 36 Rafale à l’Inde en septembre 2016 pour 7,8 milliards d’euros), Thales serait également passée par Dubaï pour rémunérer un autre intermédiaire indien, Sushen Gupta, très actif quant à lui autour du contrat des Rafale.
"On sait que Thalès a versé 2,4 millions d’euros à Sushen Gupta à Dubaï entre 2004 et 2008, affirme Yann Philippin. On peut toutefois soupçonner que le groupe a continué à payer Sushen Gupta par la suite, car en 2016 le site spécialisé Intelligence Online expliquait que Thales avait de nouveau fait appel aux Gupta pendant la dernière ligne droite avant la signature du contrat des Rafale, en 2015-2016. On peut donc supposer que cette nouvelle intervention n’était pas gratuite." Interrogé sur ce point, Thales nous a répondu que "toute question concernant le programme Rafale devait être posée à Dassault Aviation". Mais lorsque nous l’avons fait, Dassault nous a dit ne faire "aucun commentaire".
Dans sa plainte, Sanjay Bhandari affirme qu’en "juin 2011" un "calendrier de paiement" aurait été convenu avec Thales, en passant par ce montage financier : "Neuf millions d’euros [devaient lui être payés] lors de la signature du contrat de modernisation des Mirage-2000, et 11 millions lors du paiement des fonds par l’État indien." Il assure que "de nombreux échanges de correspondances WhatsApp émanant des différents représentants de Thales (…) confirment l’existence de la structure de paiement mise en place" pour le versement de sa commission.
Sanjay Bhandari explique également que des garanties lui auraient été données par le groupe de défense pour éviter d’éventuelles poursuites judiciaires. À l’en croire, afin de donner une apparence de respectabilité à sa société de Dubaï, Thales avait envisagé de commander un audit tout à fait officiel au cabinet Ernst & Young. Et l’intermédiaire poursuit : "En date du 14 février 2019, [M.] Budin [vice-président senior Moyen-Orient, Afrique et Inde de Thales] affirmait (…) que la société intermédiaire intervenant dans le montage financier serait soumise à un audit par le cabinet Ernst & Young afin de ‘protéger tout le monde’."
Le circuit supposé emprunté pour le règlement de l’intermédiaire pose question. Car tout versement de commission pouvant s’apparenter à une forme de corruption est aujourd’hui interdit. Pendant longtemps, les entreprises françaises avaient la possibilité de déclarer des “pots-de-vin” (déductibles) aux douanes et au fisc. Mais les choses ont changé avec l’adoption de la convention OCDE anti-corruption, ratifiée par la France en 2000.
Le recours à un intermédiaire reste possible, seulement si sa mission est strictement encadrée. "En tant qu’entreprise, vous devez agir un peu comme si vous alliez être confrontée à un futur contrôle fiscal, explique l’avocat Nicola Bonuccci qui a travaillé sur la convention OCDE. Vous devez pouvoir fournir des éléments de preuve montrant que vous aviez besoin d’un intermédiaire, qu’il a fourni un travail légitime, et que vous l’avez rémunéré proportionnellement au travail effectué."
Mais les récriminations de Sanjay Bhandari à l’encontre de Thales s’inscrivent dans un cadre plus large : celui d’un affrontement politique entre le parti ultranationaliste hindou (BJP) du Premier ministre Narendra Modi, actuellement au pouvoir, et le parti du Congrès national indien (principal parti d’opposition). "Lorsque vous êtes dans l’opposition, vous faites des révélations dans la presse pour empêcher le parti au pouvoir de conclure de nouveaux contrats, tandis que le parti au pouvoir tente de déboulonner les anciens réseaux avec lesquels des contrats ont été signés, analyse Pierre Gastineau d’Intelligence Online. Cette situation entraine l’exil temporaire des agents liés à chaque parti. Ceux du parti du Congrès sont tous aujourd’hui à Londres. Et le jour où le parti du Congrès reprendra le pouvoir, ses agents rentreront à New Delhi, tandis que ceux du BJP feront leurs valises ! Ce sont de véritables migrations économiques."
C’est pour cela que depuis l'arrivée du BJP au pouvoir en Inde en 2014, Sanjay Bhandari "est tombé en disgrâce et a dû quitter précipitamment l’Inde pour s’installer au Royaume-Uni", explique encore l’intermédiaire lui-même dans sa plainte. Il affirme que Thales aurait alors joué un double jeu avec lui, attendant de savoir si le parti du Congrès allait remporter les élections législatives, en 2019, pour le rémunérer.
"Durant toute l’année 2019, des représentants de Thales ont régulièrement rencontré M. Sanjay Bhandari à Londres pour le rassurer quant au versement des sommes qui lui sont encore dues par Thales", peut-on lire dans sa plainte. Mais selon l’intermédiaire : "Avec la victoire du parti BJP lors des nouvelles élections, Thales a cessé tout effort dans l’exécution de la structure (…) destinée au paiement des sommes pourtant dues à M. Bhandari. (…) Les représentants de Thales auraient ensuite “cessé tout contact avec lui, et se sont abstenus de procéder au paiement de la somme de 11 millions d’euros restant due, et ce en violation totale de leurs engagements et de la relation commerciale de confiance qui les liait."
Il appartient maintenant à la justice de vérifier ces dires. L’enquête du PNF intervient alors que les autorités indiennes réclament de leur côté l’extradition de Sanjay Bhandari pour "blanchiment" dans un autre dossier. Contactés, Sanjay Bhandari et son avocat français n’ont souhaité faire “aucun commentaire”.
Interrogé par la cellule investigation de Radio France, "Thales conteste fermement les allégations de M. Sanjay Bhandari concernant de prétendues sommes ou tout autre versement qui aurait été effectué par Thales au titre d’un projet de modernisation aéronautique. Thales n’a en effet conclu aucun contrat avec M. Bhandari ou avec ses sociétés, dans le cadre de ce projet. Thales respecte la loi et applique une politique de tolérance zéro à l’égard de la corruption et du trafic d’influence. Le programme d’intégrité du groupe est régulièrement évalué et amendé afin de refléter les évolutions des législations et des normes nationales et internationales."
par Laurent Lagneau
Maintenant que les taux de disponibilité technique des principaux matériels ne sont plus rendus publics par le ministère des Armées [et cela afin qu’ils ne soit « pas exploités par nos adversaires », comme l’a récemment expliqué le général Yann Gravêthe, le directeur adjoint de la DICoD, lors d’un point presse], il est compliqué de voir si les réformes lancées en 2017/18 pour améliorer le Maintien en condition opérationnel [MCO], notamment dans le domaine aéronautique, ont donné des résultats tangibles.
Cela étant, même sans disposer de ces chiffres, on sait que certaines flottes ont plus de problèmes que d’autres… Tel est par exemple le cas des 27 hélicoptères NH-90 NFH « Caïman » mis en œuvre par l’Aéronautique navale à partir 2011. Leur faible taux de disponibilité a régulièrement été évoqué par les différents chefs d’état-major de la Marine nationale [CEMM] qui se sont succédés au cours de ces dernières années.
Ainsi, l’amiral Christophe Prazuck s’était agacé sur le coût trop élevé de l’entretien de ces NH-90 NFH ainsi que du « nombre colossal d’heures de maintenance » nécessaire pour une heure de vol, notamment à cause de « problèmes de maturité technique » et de « corrosion », ce qui est un comble pour un aéronef censé être utilisé dans un environnement marin. En outre, les mises à niveau vers le standard MR1 et les « grandes visites » ont également joué sur la disponibilité de ces appareils.
En octobre 2021, à l’occasion d’une audition parlementaire, l’amiral Pierre Vandier, l’actuel CEMM, s’était plaint de « difficultés considérables » avec le NH-90, affirmant que seulement quatre appareils étaient disponibles au moment où il s’exprimait devant les sénateurs de la commission des Affaires étrangères et de la Défense. « Nous espérons atteindre dix ou onze [appareils] d’ici un mois, avait-il dit.
Seulement, cet objectif ne fut pas tenu… En effet, la Direction de la maintenance aéronautique [DMAé] indiqua que seulement sept NH-90 étaient désormais disponibles au début de l’année 2022.
« Il ne suffit pas de concevoir, de construire et d’assembler des hélicoptères, car une fois sortis de l’usine encore faut-il les entretenir pour pouvoir les faire voler », avait d’ailleurs lancé, en janvier 2022, Florence Parly, alors ministre des Armées, à l’adresse d’Airbus Hélicopters, membre du consortium NHIndustries, mis en place pour le développement et la production du NH-90.
Quelques moins plus tard, l’amiral Vandier affirma avoir reçu l’assurance de « l’investissement total » des dirigeants d’Airbus Hélicopters sur la disponibilité des NH-90. « Une assistance technique renforcée va être mise en place sur les bases aéronavales de Lanvéoc et Hyères », avait-il dit, lors d’une nouvelle audition parlementaire.
Qu’en est-il actuellement? Eh bien la disponibilité des NH-90 est « toujours un sujet de préoccupation », a admis le CEMM, alors qu’il était entendu par les députés de la commission de la Défense, dans le cadre de l’examen du projet de Loi de programmation militaire [LPM] 2024-30. « J’entretiens à cet égard des relations soutenues avec le groupe NH Industries et Airbus Hélicopters, qui m’ont fait un certain nombre de propositions », a-t-il ajouté.
Ainsi, le plan d’action qui a été proposé par les industriels à la Marine nationale « visent à remonter à douze hélicoptères disponibles pour la fin de l’année prochaine [c’est à dire fin 2024] », a déclaré l’amiral Vandier. Soit un taux de disponibilité de 44%. « Nous y travaillons de manière régulière, de façon à identifier les points de blocage », a-t-il ajouté.
« Les principaux problèmes sont la complexité du plan de maintenance et les difficultés de la chaîne d’approvisionnement, ainsi qu’une accumulation de désagréments liés à la corrosion, due à des problèmes de conception », a encore rappelé le CEMM. « Nous espérons, à force d’efforts, parvenir à cet objectif d’une disponibilité de douze machines l’année prochaine », a-t-il insisté.
par Nathan Gain
À moins d’un improbable arbitrage défavorable, 16 Md€ seront consacrés aux munitions des armées françaises dans la prochaine loi de programmation militaire. Un effort qui, pour l’armée de Terre, se traduit par l’achat de plusieurs milliers de missiles moyenne portée (MMP) supplémentaires.
Le chiffre est connu depuis un moment, mais le détail des 16 Md€ alloués entre 2024-2030 au pilier munitions ne se précise que maintenant à l’aune des auditions parlementaires successives. Leçon parmi d’autres du conflit russo-ukrainien, l’inflexion doit permettre « de compléter les stocks de munitions complexes et de remédier aux fragilités identifiées dans certaines secteurs », relevait le général de brigade aérienne Cédric Gaudillière, chef de la division « cohérence capacitaire » de l’état-major des armées, mi-avril en audition parlementaire.
Dans les faits, les deux tiers de la manne, environ 11 Md€, alimenteront les programmes à effet majeur, lesquels incluent des munitions complexes comme le missile antichar MMP. Restent 3 Md€ consacrés aux munitions « classiques » comme les obus d’artillerie et 2 Md€ nécessaires pour assurer le maintien en condition opérationnelle de l’ensemble des stocks.
De ces moyens, plus de la moitié sont fléchés vers une armée de l’Air et de l’Espace dont l’arsenal s’avère aussi plus complexe, donc plus coûteux. L’armée de Terre en captera une portion moindre. Environ 2,6 Md€ selon le chef d’état-major de l’armée de Terre, le général Pierre Schill. Côté terrestre, les ressources représentent néanmoins 16 millions de munitions de petit calibre et 300 000 obus de mortier. Elles alimenteront aussi la commande de 3000 missiles antichars MMP auprès de MBDA, une cible en hausse de 30% par rapport à celle fixée dans la LPM en cours de finition. Et si la question des volumes d’obus d’artillerie, remise à l’avant-plan par le conflit en Ukraine, est passée sous silence, la LPM « prévoit bien l’acquisition de munitions d’artillerie de précision », annonce le CEMAT.
Le document prévoit par ailleurs 300 M€ pour « concrétiser le développement incrémental de drones, qui permettront de disposer de munitions téléopérées [MTO] » et parvenir à une première capacité opérationnelle courant 2027. Environ 2000 MTO seront acquises sur la période au profit de l’armée de Terre, de quoi commencer à équiper les régiments d’artillerie, d’infanterie et de cavalerie. Le rattrapage dans ce segment a néanmoins un prix, celui du lissage du programme SCORPION.
Produire et concevoir autrement
Sujet majeur de la LPM, la problématique des munitions se limite pas au complétement des stocks. Ces enjeux de volumes et de calendriers sont étroitement liés au « produire plus et moins cher » prôné par le ministère des Armées et aux mécanismes que celui-ci met en place depuis plusieurs mois en coordination avec la filière industrielle.
Si la LPM privilégie la cohérence et la réactivité plutôt que la masse et l’endurance, elle devrait également offrir « de la visibilité sur le volume global de commandes en échange d’une plus grande réactivité dans les cadencements de production », souligne le général Gaudillière. Une logique déjà retenue pour les obus d’artillerie de 155 mm. Environ 20 000 ont été commandés il y a peu, et d’autres tranches suivront pour permettre au secteur d’anticiper les approvisionnements et d’accélérer les cadences « si nécessaire ». Leur livraison « ne sera pas aussi rapide qu’espéré, car les poudres, qui arrivent d’Allemagne, se trouvent sur le chemin critique », note le général Gaudillère. Les premiers arriveront l’an prochain. Le rythme s’accélérera ensuite à partir de 2025. Bien que le schéma retenu ne soit pas exempt d’obstacles, les armées espèrent l’étendre au plus vite aux missiles MMP et Mistral.
Le chef d’état-major des Armées, le général Thierry Burkhard, « a souligné l’importance de faire des choix cohérents, avant de chercher à augmenter la quantité et la taille de nos moyens militaires. Dans cette optique, la différenciation est une des clés pour générer de la masse », complète le général Gaudillière. Dit autrement, plutôt que de commander « 10 000 missiles antichar haute technologie, longs et coûteux à produire », les armées optent pour « un équilibre entre la haute technologie et l’utilisation de munitions à bas coût ».
Ainsi, les quelques milliers de MMP envisagés s’assortissent d’un travail mené simultanément sur « un missile différencié à bas coût répondant à certains besoins spécifiques, tels que les tirs de char en milieu urbain ». Un missile « abordable et pouvant être acquis en grande quantité » et qui traduirait en réponse technologique « les leçons tirées de l’expérience ukrainienne ». Et une illustration concrète de cette volonté prioritaire de cohérence devant garantir de « finalement atteindre une certaine masse ».
par Laurent Lagneau
Qu’un avion de renseignement appartenant à un pays membre de l’Otan se fasse intercepter par les forces aériennnes russes alors qu’il vole près des frontières de la Russie relève de la routine… Et l’on en parle quand une interception a donné lieu à un incident, comme cela a récemment été le cas avec un drone MQ-9 Reaper américain, tombé dans les eaux de la mer Noire après avoir été accroché par un Su-27 « Flanker ».
En revanche, la mésaventure que vient de connaître un L-410 Turbolet de la police polonaise des frontières est, sauf erreur, inédit.
En effet, le 5 mai, alors en mission au-dessus de la mer Noire pour FRONTEX, l’agence européenne de garde-frontières et de gardes-côtes, cet appareil a été intercepté de manière « agressive » et « dangereuse » par un Su-35 Flanker E russe, alors qu’il volait dans l’espace aérien international, à 60 km à l’est de la Roumanie.
C’est, en tout cas, ce qu’affirme le ministère roumain de la Défense, via un communiqué publié le 6 mai.
« Les manœuvres agressives et dangereuses effectuées à plusieurs reprises par l’avion de chasse russe à proximité de l’avion polonais ont généré un niveau élevé de turbulence et des difficultés majeures pour en garder le contrôle », est-il dénoncé dans ce texte.
Et celui-ci d’ajouter : « L’équipage polonais a agi avec calme et professionnalisme dans la situation irresponsable créée par le pilote russe, réussissant à redresser l’avion, après la perte d’altitude initiale causée par les manœuvres du Su-35, puis à atterrir en toute sécurité à l’aéroport Mihail Kogălniceanu [de Constanta], vers 13h50. Aucun membre d’équipage été blessé à la suite de cet incident ».
Par la suite, précise le communiqué, deux avions de la force aérienne roumaine [sans doute des F-16, les MiG-21 roumains étant sur le point de cesser leurs opérations] et deux F/A-18 Hornet espagnols [déployés en Roumanie dans le cadre de l’Otan, ndlr] ont été mis en alerte par le Centre d’opérations aériennes combinées [CAOC] de l’Otan implanté à Torrejon [Espagne].
« Le comportement agressif d’un avion militaire appartenant à la Russie contre un avion non armé effectuant une mission FRONTEX de surveillance du risque migratoire dans le bassin de la mer Noire est totalement inacceptable. Cet incident est une preuve supplémentaire de l’approche provocatrice de la Russie en mer Noire », a fait valoir le ministère roumain de la Défense.
De son côté, la police des frontières polonaise a donné des précisions supplémentaires au sujet de cet incident. Ainsi, affirme-t-elle, le Su-35 a volé « sans aucun contact radio dans la zone opérationnelle désignée par la Roumanie », avant d’effectuer trois manœuvres « agressives et dangereuses », allant jusqu’à s’approcher de 5 mètres du L-410.
L’avion des garde-frontières polonais est déployé en Roumanie depuis le 19 avril, dans le cadre de l’opération « Western Black Sea 2023 », coordonnée par FRONTEX. Impliquant également l’Agence européenne pour la sécurité maritime [EMSA] et l’Agence européenne de contrôle des pêches [EFCA], elle vise à « prévenir la migration illégale, la pêche illégale et la pollution marine » ainsi qu’à « lutter contre d’autres types de crimes transfrontaliers dans la région de la mer Noire ».
Il faut réaliser " une montée en puissance" de l'Artillerie.
Bon visionnage et bonne lecture.