« L’après ne sera pas comme l’avant, mais il ne sera pas le Grand Soir ».
(Gilles Legendre, président du groupe LREM à l’Assemblée nationale, Le JDD, 12 avril 2020).
PETITES CAUSES, GRANDS EFFETS
« Le grand secret de notre maladie oscille entre la précipitation et la négligence » (Goethe). Dans le cas d’espèce, nos brillants dirigeants
politiques, d’hier et d’aujourd’hui, cumulent précipitation et négligence. Plus le temps passe, plus les preuves de leur responsabilité s’accumulent. Il n’est nul besoin de s’appesantir sur la
gestion catastrophique de la gestion de la pandémie du Covid-191. Quelques termes parlent d’eux-mêmes : masques2 sur lesquels mensonges et incurie ont été légions3, tests4, dépistage, hôpital… Un cas d’école de l’incompétence, de l’inconséquence, de l’incohérence de cette Noblesse d’État si bien croquée par Pierre
Bourdieu5, de cette République corrompue si bien analysée par
Yves Mény6, de cette Caste si bien décrite par Laurent
Maudit7. En un mot, tous les ingrédients sont réunis pour une seconde édition
de l’Étrange défaite8, 2020 après 1940. Il n’y aura pas de « jours
heureux » – pour reprendre la formule d’Emmanuel Macron9 – sans une réflexion collective sur les tenants et les
aboutissants de cette catastrophe bien française10. Il est vrai que « nos démocraties deviennent incapables
d’affronter des crises »11.
À ce Waterloo sanitaire (une sorte de juin 4012), s’ajoute aujourd’hui une Berezina diplomatico-stratégique que nos alliés américains se font un malin plaisir à nous rappeler tant ils ont la mémoire longue
et les dossiers de leurs services secrets tenus à jour13. Ils nous ramènent à l’époque où les Français avaient décidé de
confier leur destin à feu Jacques Chirac (celui qui avait cherché des poux dans la tête en 2003 aux Américains lorsqu’ils voulaient guerroyer en Irak sous de fallacieux prétextes) qui l’avait
sous-traité à un premier ministre sinolâtre du nom de Jean-Pierre Raffarin (choisi par Bernadette). L’objet du délit a pour nom « P4 » pour laboratoire de haute sécurité pour les
pathogènes de classe 4, technologie parfaitement maîtrisée par la France (Cf. celui du laboratoire Mérieux à Lyon) Connu de quelques rares experts en pandémies (le côté sanitaire) et en armes
chimiques et biologiques (le côté sécuritaire), le laboratoire « P4 » fait aujourd’hui la une des gazettes américaines, pointant la responsabilité des plus hautes autorités françaises
dans le « Pangolingate »14. Après un rapide rappel des faits (repris de la presse française), il
nous reviendra de nous livrer à une analyse critique de la relation franco-chinoise avant d’enquêter sérieusement, pas à la manière des ex-RG15, sur les coupables.
RAPPEL DES FAITS
Pour éviter toute torsion dans la relation des faits, nous avons pris le parti de livrer à nos fidèles lecteurs, l’intégralité de l’article
du Figaro publié sur le sujet le 21 avril 2020 (le premier du genre, à notre connaissance), se fondant sur de nombreux autres publiés un peu plus tôt dans la presse américaine.
Curieusement, rares sont les autres médias écrits à avoir traité du sujet, pourtant important. Avec le temps, ils finiront bien par comprendre l’importance du sujet que ce soit Le
Point16 ou maintenant Challenges17qui finissent par se raccrocher au train.
Début de citation
« Comment le « P4 » de Wuhan, exporté par la France, a échappé à tout contrôle
À l’époque, la livraison du laboratoire avait été critiquée par de nombreux spécialistes. Et si le COVID-19 s’était échappé du laboratoire P4 de Wuhan au lieu
d’être apparu, comme le prétendent les autorités chinoises, sur un marché ? Et s’il s’était répandu dans la population à la suite de l’infection accidentelle d’un employé ? Si la théorie du
complot, celle d’un virus fabriqué par les chercheurs chinois, développée par le Pr Luc Montagnier, a été écartée par tous les spécialistes sérieux, la thèse d’un accident est étudiée par les
services de renseignements américains. Elle est entretenue par le fait que les autorités chinoises n’ont pas rendu public le résultat de leur enquête épidémiologique et par le fait qu’elles aient
empêché toute investigation de l’OMS et d’experts étrangers à Wuhan.
L’affaire, soulevée par le secrétaire d’État américain Mike Pompeo, qui a évoqué une « enquête » pour creuser cette théorie, a peut-être aussi été indirectement
évoquée par le chef de la diplomatie britannique Dominic Raab, qui considère que la Chine doit répondre à des « questions difficiles » et par Emmanuel Macron pour qui « à l’évidence, des choses
se sont passées là-bas dont nous n’avons pas connaissance ». Elle embarrasse d’autant plus Paris que le P4 de Wuhan, un laboratoire de très haute sécurité biologique destiné à l’étude de virus
pathogènes pour lesquels n’existe ni vaccin ni traitement, a été exporté par la France. Et qu’à l’époque déjà, cette coopération très sensible avec les autorités sanitaires chinoises avait créé
des tensions dans l’Hexagone.
En 2004, comme le raconte l’enquête très fouillée de la cellule investigation de Radio France, Jacques Chirac et le président chinois Hu Jintao décident de
s’associer pour lutter contre les maladies infectieuses émergentes. Dans la foulée, l’accord sur le transfert d’un laboratoire « P4 » est signé par le ministre des Affaires étrangères
Michel Barnier. Auparavant, le premier ministre Jean-Pierre Raffarin était allé rencontrer le médecin Chen Zhu, formé à l’hôpital Saint-Louis et proche de l’ancien président chinois Jiang Zemin.
Un an plus tôt, la Chine avait été victime du Sras, le syndrome respiratoire aigu sévère. « Certains pensaient qu’il fallait absolument aider les Chinois à travailler sur ces nouveaux virus. Et
surtout leur permettre de le faire dans de bonnes conditions, d’éviter qu’ils œuvrent seuls, sans le matériel adéquat ni les connaissances indispensables à ce type de manipulations. Bref, il
fallait les empêcher de bidouiller dans leur coin », explique un haut fonctionnaire qui a suivi l’affaire de près. Mais le projet est loin de faire l’unanimité en France.
Raffarin et Chirac sont pour. Une partie du corps médical, dont Bernard Kouchner, aussi. L’industriel pharmaceutique Alain Mérieux également, qui préside le comité
de pilotage avec son homologue chinois le Dr Chen Zhu.
Mais les spécialistes de la non-prolifération, aux Affaires étrangères et à la Défense, de même que le SGDSN, le Secrétariat général de la défense et de la sécurité
nationale et les milieux de la recherche, sont réticents. Les uns redoutent que le « P4 » puisse se transformer en arsenal biologique. Les autres font valoir que contrairement aux sites
nucléaires ou chimiques, il n’existe pas de contrôle international pour ce type de matériel sanitaire sensible. Ils notent le manque de transparence sur l’utilisation qui a été faite par la Chine
des laboratoires mobiles « P3 », dont les règles d’exportation sont moins sévères, livrés par le gouvernement Raffarin juste après l’épidémie de Sras. Ceux qui traînent des pieds
s’inquiètent, comme le rappelle l’un des acteurs de l’époque, « de la difficulté d’apprentissage » des Chinois, de leur « opacité » et des « résistances » qu’ils opposent au projet de coopération
bilatérale voulu par les Français. « Ce qu’il faut bien comprendre, c’est qu’un « P4 », c’est comme une usine de retraitement nucléaire. C’est une bombe atomique bactériologique »,
poursuit la même source. Les virus qui sont testés, comme Ebola par exemple, sont extrêmement dangereux. Les procédures de sécurité – scaphandres, sas de décontamination…- doivent être respectées
à la lettre.
Les hommes politiques ont arbitré en faveur du projet, contre l’avis des spécialistes. Le chantier a été terminé en janvier 2015 et la mise en exploitation du
laboratoire a coïncidé, en janvier 2018, avec la première visite d’État d’Emmanuel Macron à Pékin. « Les choses ont beaucoup traîné mais Paris a fini par donner son feu vert. À l’époque,
nous étions engagés dans d’autres projets avec les Chinois, comme un centre de retraitement de déchets radioactifs, des contrats de vente d’Airbus. Contrairement aux États-Unis, la France, qui
n’est qu’une puissance moyenne, n’a pas les moyens d’arrêter un projet car elle ne peut assumer les rétorsions économiques qui s’en suivraient », affirme un spécialiste. Il poursuit :
« Nous sommes vulnérables. Les Chinois cherchent à s’approprier notre technologie. Et nous allons parfois plus loin que nous le devrions de peur d’être victime d’un chantage ».
Les autorités, poursuit un diplomate, « ont pêché par innocence. Elles ont cru qu’on pouvait faire confiance aux Chinois ». Le dossier, ajoute-t-il, « a toujours été
compliqué. On se donnait des assurances sur le papier mais on n’était pas sûrs de pouvoir les faire respecter ».
La suite de l’histoire du P4 de Wuhan a montré que ceux qui traînaient des pieds avaient raison. Les entreprises chinoises ont tenu, d’abord, à assurer l’essentiel
de la construction du P4. Or, comme l’explique un spécialiste, « l’architecture d’un ‘P4’ est très complexe, l’agencement de ses espaces confinés requiert des techniques et des connaissances
particulières ». En 2015, déçu que la coopération franco-chinoise ne se concrétise pas, Alain Mérieux quitte la présidence de la commission bilatérale. Les 50 chercheurs français qui devaient
travailler au P4 de Wuhan pendant 5 ans ne sont jamais partis. La Chine a-t-elle bloqué leur départ ? Ou les moyens financiers ont-ils manqué à la France ? Le fait est que peu à peu, le
laboratoire échappe au contrôle des scientifiques français. Contrairement au « contrat » qui avait été passé entre Paris et Pékin, les Chinois de Wuhan travaillent désormais sans le regard
critique et vigilant des chercheurs français.
C’est un scoop du Washington Post : la semaine dernière, le quotidien américain a révélé qu’en janvier 2018, des membres de l’ambassade américaine à Pékin, après
avoir visité le laboratoire de Wuhan, ont alerté l’Administration américaine sur l’insuffisance des mesures de sécurité. Le 16 février dernier, des médias d’État chinois ont eux aussi rapporté
des défaillances. Ils affirmaient notamment que des chercheurs jetaient les matériaux de laboratoire dans les égouts, après expérimentation et sans leur avoir fait subir le traitement spécifique
destiné aux rejets biologiques. Ils rappelaient aussi qu’un certain nombre de chercheurs, pour arrondir leurs fins de mois, vendaient des animaux de laboratoire ayant subi des expérimentations
sur les marchés de Wuhan. Or, tous les spécialistes le disent : connaître l’origine du virus est indispensable, notamment pour prévenir l’avènement d’une nouvelle épidémie »18.
Fin de citation
Les experts français ayant été en relation de travail avec les Chinois sur le projet de « P4 » de Wuhan écrivaient, il y a quelques années déjà, ceci qui
éclaire le débat actuel :
« Des formations entre chercheurs chinois et français ont lieu régulièrement, des Chinois se sont même rendus à l’institut Mérieux à Lyon. Dans ce laboratoire,
des recherches sur les animaux se font. Le ‘P4’ a été par ailleurs accrédité par les autorités chinoises pour effectuer des recherches sur les virus Ebola, la fièvre hémorragique de Congo-Crimée
(CCHF) et le Nipah (NiV) mais toujours pas pour le SRAS ou les coronavirus. La prise au sérieux de ce laboratoire interviendra quand l’OMS le considérera comme un laboratoire partenaire, ce qui
n’est toujours pas le cas. Dix-huit ans après le SRAS, le laboratoire français qui devait permettre de l’éradiquer n’est toujours pas pleinement opérationnel, et encore moins pour traiter le
coronavirus actuel. Il est clair que côté français, il y a toujours un sentiment de gâchis qui prédomine quant à ce P4 et à son utilisation. Pourtant, côté chinois, on reste très ambitieux. Juste
à côté de ce ‘P4’, un bâtiment toujours en construction doit accueillir 250 chercheurs qui vont eux, travailler pour l’institut de virologie de Wuhan. Cet endroit va donc devenir un grand pôle de
recherche et d’investigation contre les virus mortels en Chine. C’est vraiment un lieu stratégique. Mais il y a encore du retard dans le parachèvement de ce site, les Chinois ont perdu beaucoup
de temps ».
Pour ne pas être à la traîne, le quotidien Le Monde publie, quelques jours plus tard, les résultats de son enquête qui vont dans le même sens que
ceux du Figaro en apportant quelques précisions factuelles grâce aux témoignages d’acteurs de cette farce à deux balles. La principale d’entre elles est, qu’en fait de
coopération bilatérale, ce ne fut qu’une coopération unilatérale sur un projet mis en œuvre sur quinze ans : de 2004 (signature du projet par Jacques Chirac et son homologue chinois) à 2019
(date d’entrée en fonction sous le règne d’Emmanuel Macron)19. Le Point renchérit aussitôt ainsi
que Challenges. Le panurgisme médiatique a encore de beaux restes dans le nouveau monde. C’est l’ancien en pire.
Le moins que l’on puisse dire est que, depuis cette date, les chercheurs chinois ont mis les bouchées doubles et ont rattrapé le temps perdu. Tentons d’élargir le
débat en replaçant ce projet de coopération bilatérale dans le contexte plus large de la relation franco-chinoise et dans la nouvelle approche chinoise des relations internationales qui
devient de plus en plus agressive au fil du temps et de sa puissance retrouvée20 !
UNE ANALYSE CRITIQUE DE LA RELATION FRANCO-CHINOISE
Comme souvent, l’on ne peut appréhender une matière aussi complexe qu’en cheminant, pas à pas, du général (l’éternel combat entre la passion et la raison) au
particulier (l’éternel débat entre les dirigeants politiques généralistes et les fonctionnaires experts). Ainsi, grâce à cette recontextualisation, nous pourrons y voir un peu plus clair.
Le général : passion versus raison
Dès que l’on évoque les relations avec la Chine, le débat tourne rapidement au dialogue de sourds entre sinolâtres et sinophobes sans que l’on puisse se retrouver
sur un juste milieu. Il pourrait être le suivant : oui pour un dialogue fondé sur l’intérêt bien compris de notre pays comme l’avait voulu le général de Gaulle en établissant des relations
diplomatiques avec la Chine en 1964 (au nom des grands principes), non pour une diplomatie de la servitude volontaire/de la soumission en passant tous leurs caprices aux Chinois (au nom des
grands sentiments). Le moins que l’on soit autorisé à dire est, qu’après une longue période gaullo-mitterrandienne marquée par le primat de la Realpolitik, nous assistons depuis deux décennies au
moins à une prééminence d’une Idealpolitik dont les Chinois tirent le meilleur profit pour leur intérêt bien compris. À droite, Jean-Pierre Raffarin constitue le meilleur exemple de l’idiot utile
de Pékin. À gauche, Laurent Fabius, lorsqu’il fut ministre des Affaires étrangères et du développement international (MAEDI), faisait régulièrement le voyage à Pékin, n’ayant rien compris à l’âme
chinoise pas plus qu’à la Syrie et au Moyen-Orient, du reste. Encore le cas d’un conseiller d’État aussi incompétent qu’arrogant qui se piquait de faire de la diplomatie.
Plus intéressante est l’attitude de nos présidents de la République successifs de Jacques Chirac à Emmanuel Macron en passant par Nicolas Sarkozy et François
Hollande. En dépit de leur différence de style, tous ont porté une grande attention à leur périple officiel en Chine. Plus appréhendé sous l’angle de leur tout à l’ego, de leur com’ que sur celui
de « France First », ils se sont souvent fourvoyés, lâchant la proie pour l’ombre. Au prix de quelques « mirifiques » contrats, ils cèdent sur l’essentiel qui porte un
nom : transfert de technologie. Et ce qui doit arriver arrive. Les contrats ne sont pas toujours au rendez-vous mais les transferts de technologie sont fournis avec diligence au partenaire
chinois qui s’empresse de les utiliser à son seul bénéfice. Donner la technologie d’Airbus, c’est l’assurance que Pékin construira le sien et tuera le concurrent européen à brève échéance. Donner
la technologie du TGV, c’est l’assurance que Pékin construira le sien et tuera le concurrent français à brève échéance. Donner la technologie nucléaire, c’est l’assurance que Pékin l’utilisera et
tuera la concurrence française à brève échéance… Et, l’on pourrait multiplier les exemples de cession des bijoux de famille à la Chine pour de maigres bénéfices à très court terme et de lourds
inconvénients à moyen et à long terme. La Commission européenne, qui porte une part de responsabilité importante dans cet état de chose, commence à peine à comprendre la dimension prédatrice de
la politique commerciale chinoise agressive21. Passons du général au particulier.
Le particulier : classe politique versus fonctionnaires
L’affaire du « P4 » de Wuhan est exemplaire à plus d’un titre. Elle démontre, tout d’abord, que dans ce cas de figure, les fonctionnaires du Quai d’Orsay
et de la Défense ont parfaitement joué leur rôle de lanceurs d’alerte, mettant en exergue tous les lourds inconvénients d’une coopération sur un sujet sensible avec la Chine en n’obtenant pas les
garanties réelles et non formelles de cette dernière. Ce qui devait arriver arrivât comme cela était amplement prévisible. On ne peut pas parler de surprise. Elle démontre, ensuite, que les
dirigeants politiques (Jacques Chirac, président de la République et Jean-Pierre Raffarin, premier ministre, excusez du peu !) de très haut niveau ont pêché soit par incompétence, soit pour
d’autres motifs peu avouables. À vous de choisir. Sans parler de leurs conseillers diplomatiques respectifs – dont nous tairons pudiquement les noms par bonté d’âme, l’un d’entre eux se
retrouvera par la suite ambassadeur de France à Pékin – qui n’ont pas joué leur rôle de conseiller, se contentant de la posture plus confortable de vil courtisan, d’idiot utile du politique
déviant. Elle démontre, enfin, le rôle primordial des « visiteurs du soir » – sorte d’agents d’influence discrets mais néanmoins efficaces – qui font pièce aux avis autorisés des
experts de l’administration mus uniquement par la défense de l’intérêt général. Le problème est récurrent dans le système français. Il est de bon ton d’accorder le plus grand crédit à celui qui
défend ses intérêts – légitimes, reconnaissons-le – avant d’être celui de l’intérêt général revenant aux fonctionnaires aux manches de lustrine et à l’esprit borné. Combien pourrait-on citer de
grands ministres grands par la taille mais petits qui, après avoir été dûment instruits par leur administration, se sont faits retourner comme de vulgaires crêpes par des « visiteurs du
soir » ? Et cela pour ne pas insulter l’avenir… de leur Carrière (figurer dans le conseil d’administration d’un grand groupe) au détriment de la défense de l’intérêt général. La
France arrogante, c’est aussi cela, il ne faut pas hésiter à la dire par égard pour la vérité des faits. Rares sont les perroquets à carte de presse qui dénoncent de tels dérives sauf si leurs
homologues étrangers se livrent, avant eux, à un authentique travail d’investigation et s’ils ne peuvent pas faire autrement que prendre le train en marche. Ce qui est le cas aujourd’hui avec
l’affaire du P4 de Wuhan.
Derrière les fautes, il y a toujours des êtres humains, des coupables dont il est bon qu’ils soient désignés et, punis, le cas échéant si les preuves de leurs
délits/crimes sont administrées. La vivacité de la démocratie et l’état de croit, c’est aussi cela. Sinon, nous entrons dans la catégorie des vulgaires Républiques bananières.
UNE ENQUÊTE SÉRIEUSE SUR LES COUPABLES
Dans une affaire aussi complexe que la pandémie du Covid-19, il ne saurait y avoir un seul et unique responsable, un seul et unique coupable. Ce n’est qu’avec le
temps et la ténacité que nous pourrons vraiment savoir comment la crise sanitaire s’est enclenchée surtout si les autorités chinoises persistent à évoluer dans l’opacité. Une chose est certaine,
elles portent la responsabilité première de la situation que nous connaissons. Avec ses atermoiements, ses erreurs d’appréciation, ses mensonges, la France n’est pas exempte de critiques et sa
responsabilité devra être engagée le moment venu. Des plaintes commencent à être déposées devant toutes sortes de juridiction pour que ses dirigeants rendent des comptes.
La responsabilité première : les autorités chinoises
Il y a une responsabilité originelle dans la pandémie de Covid-19 : celle de la Chine. Le régime a cherché, à l’évidence, à minimiser l’ampleur de la crise
sanitaire. Entre l’apparition des premiers signes de l’épidémie à Wuhan, vers la fin décembre 2019, voire plus tôt en novembre 2019 (à l’époque où Emmanuel Macron22 effectuait une visite officielle en Chine au cours de laquelle il vantait les vertus de transparence du régime23, ce qui nous a conduit à tirer les leçons d’une telle farce un mois après24), et le 20 janvier 2020, quand les autorités admettent enfin la probable transmission du coronavirus par contact humain, la Chine n’a eu de cesse que
d’étouffer toute information échappant à son contrôle25. C’est le sort qui sera réservé à l’ophtalmologue Li Wenliang œuvrant
à l’hôpital central de Wuhan, lequel, lors d’un tchat avec des collègues médecins dans la nuit du 30 décembre, informe de l’apparition d’un virus proche du Sras. On connaît la suite26. Sans parler des pressions faites sur le directeur général de l’OMS
pour qu’il minore l’importance de la pandémie27. En toute logique, les responsables chinois devraient rendre des
comptes devant la Cour pénale internationale (CPI) de La Haye pour crimes contre l’humanité28. Ils ont plus de morts sur la conscience que Bachar al-Assad que les Occidentaux veulent traduire devant cette juridiction29. De nombreuses voix, en Occident, commencent à réclamer une enquête internationale30 afin que les responsabilités chinoises soient établies de manière certaine sans parler de celles qui s’interrogent31. Mais avec beaucoup de retard alors que nous nous sommes posés la question sur notre site depuis belle lurette. Comme quoi, il est toujours délicat d’avoir
raison trop tôt, avant la bienpensance… Aujourd’hui, nous apprenons que Donald Trump a déclaré, le 30 avril 2020, envisager des taxes punitives contre la Chine après avoir vu des éléments lui
permettant de penser que le nouveau coronavirus proviendrait d’un laboratoire chinois à Wuhan, récemment pointé du doigt pour son manque de transparence. Affaire à suivre !
La responsabilité seconde : les autorités françaises
Semaine après semaine, le dossier commence à être bien documenté, bien étoffé. Une fois encore, nous découvrons le fossé énorme qui existe dans notre pays entre
transparence affichée et opacité revendiquée. Mais, la vérité finira bien par jaillir, un jour ou l’autre et, peut-être, plus tôt que les fauteurs de trouble ne le pensent. D’ores et déjà, nous
disposons de sérieuses pistes de recherche qui permettent d’établir une distinction entre les coupables originels et les coupables actuels.
S’agissant des premiers, la consultation des dossiers qui sont accessibles – soit par les membres des commissions d’enquête parlementaire, soit par des magistrats –
à l’Élysée, à Matignon (y compris au SGDSN, ex-SGDN), à la Défense, au Quai d’Orsay, à la Santé et à l’institut Pasteur… permettra de faire la lumière, le départ entre ceux qui ont marqué leur
désaccord sur ce projet et ceux qui, à très haut niveau et contre vents et marées, l’ont rendu possible. Si certains ne sont plus de ce monde (Jacques Chirac), d’autres sont bien vivants et, pour
nombre d’entre eux, encore très actifs. Il s’agit de dirigeants politiques mais aussi de hauts fonctionnaires. À titre conservatoire, il devrait être mis fin à toutes les activités d’agent
d’influence, pour ne pas dire de sous-marin de Pékin, comme l’est ostensiblement Jean-Pierre Raffarin. Et, il n’est pas le seul à jouer le rôle de l’idiot utile de service, du traitre. Aux
premiers (les politiques), la Cour de Justice de la République, aux seconds (les hauts fonctionnaires), la correctionnelle ou les assises32. Une franche rigolade en perspective de voir tous ces pleutres nous expliquer qu’ils ne savaient rien, qu’on leur avait tout cacher de la sensibilité de la
question du « P4 » alors que le Quai d’Orsay et la Défense les avaient mis en garde. Ce sera à celui qui se débarrasse promptement de la patate chaude pour botter en touche.
Pour ce qui est des seconds, il faudra examiner de près tous les dossiers de préparation de visite en Chine d’Emmanuel Macron (ceux de 201833 et de 2019) pour bien se rendre compte de tous ceux qui ont, à un titre ou à un autre (la joyeuse troupe de la cellule diplomatique composée de
bras cassés), poussé le président à poursuivre sur la voie dangereuse initiée et poursuivie par ses prédécesseurs inconscients et permettre l’aboutissement de cette fausse coopération
gagnant/gagnant. Vouloir préparer des coups médiatiques à l’occasion d’une visite présidentielle est une grosse ficelle de la vieille diplomatique. Ne pas être en mesure d’en apprécier toutes les
conséquences préjudiciables pour la France en général et pour chacun de ses citoyens en particulier est une faute lourde condamnable et passible de poursuites administrative ou/et pénales puisque
la France ignore superbement le principe non bis in idem ! Il n’est pas question de nous refaire le coup du responsable mais pas coupable de l’affaire du sang contaminé qui mit
en scène un certain premier ministre du nom de Laurent Fabius. Edouard Philippe pourrait avoir des comptes à rendre à la justice, lui le brillant conseiller d’État, traditionnellement habitué à
couvrir les turpitudes de l’Administration34. Pour une fois, les mouches risquent de changer d’âne. Cela pourrait
être amusant de voire tous ces sinistres traités, pour une fois, comme de vulgaires délinquants et, peut-être qui sait, croupir dans une geôle du quartier VIP de la prison de la Santé ou de
Fleury-Mérogis. L’avenir risque de nous réserver quelques surprises amusantes que notre clergé médiatique omet de mentionner par ignorance ou par couardise. À vous de choisir. Ce n’est
certainement pas la fin de l’histoire dont radios et télévisions n’ont pas encore fait état.
DÉMÊLER LE VRAI DU FAUX
« Ce qui est affirmé sans preuve peut être nié sans preuve » (Euclide). Car, quand nous jugeons sans connaître, nous condamnons sans preuve. Dans
une affaire d’une telle importance, il est essentiel de ne pas tomber dans le piège du réquisitoire peu, mal documenté ou idéologique à la manière de MEDIA-PAR-TERRE (il s’agit bien évidemment du
site mediapart).35 Il importe de prendre son temps pour réunir les preuves et ne
pas se contenter de simples allégations, encore moins des lettres de corbeaux qui font florès dans ces temps de confinement. Sauf à nous voiler la face, l’affaire du « P4 » de Wuhan a
été gérée par des amateurs (comme, du reste, celle du Covid-19) qui n’ont pas mesuré la responsabilité qu’ils prenaient en permettant aux Chinois de jouer les apprentis sorciers avec la
complicité bienveillante, voire active de la France. Il ait certaines vérités impossibles à fuir. Il faudra que les responsables répondent de leurs actes à la fin de la pandémie pour éviter une
justice sommaire, une justice médiatique ne respectant pas les droits fondamentaux de la défense. Présumés innocents, ils pourraient être déclarés coupables.
Tous ces coupables vivaient dans la croyance que rien ne se saurait de leurs turpitudes. Sauf que rien ne se passe comme prévu. La réalité, on le sait, a pris
l’habitude de dépasser la fiction. L’obstination de certains hommes politiques, qui voient venir le drame sans pour autant l’empêcher, mérite louange. Et le pire est que ces personnages
« bénéficient d’une présomption de savoir-faire et de hauteur soigneusement rapportée et magnifiée par les médias »36. Après le temps des effets d’annonce viendra, peut-être, celui des effets de manche de leurs avocats dans les prétoires. La vie se charge souvent d’administrer
des leçons aux présomptueux qui sont légions dans la Macronie triomphante. La morale n’est pas un paramètre prioritaire dans l’équation de la raison d’État. Encore moins dans celle de la déraison
d’État. C’est tout sauf glorieux venant d’un homme (Jupiter) qui pensait inventer un monde nouveau. En dernière analyse, l’avenir nous dira si la plaisanterie du « P4 » de Wuhan était
ou non un scandale d’État.
Guillaume Berlat 4 mai 2020
1La rédaction, Le Macronisme covidé de sa substance, Marianne, 1er – 7
mai 2020, pp. 12 à 17. 2Louis Haushalter, Derrière l’absence de masques… Ministres négligents et technocrates
envahissants, Marianne, 17-23 avril 2020, p. 12-13-14. 3Ismaël Hallisat/Pauline Moullot, Masques, mensonges et incurie. Masques. Un fiasco et des
mensonges, Libération, 28 avril 2020, pp. 1-2-3-4-5. 4Étienne Girard, Le fiasco des tests, Marianne, 17-23 avril 2020, p. 15. 5Pierre Bourdieu, La noblesse d’État. Grands écoles et esprit de corps, Les éditions de
Minuit, 1989. 6Yves Mény, La corruption de la République, Fayard, 1992. 7Laurent Mauduit, La Caste. Enquête sur cette haute fonction publique qui a pris le
pouvoir, La Découverte, 2018. 8Marc Bloch, L’étrange défaite, Gallimard, 1990. 9Guillaume Berlat, Un tigre de papier cause dans le poste, www.prochetmoyen-orient.ch , 20 avril
2020. 10Laurent Valdiguié, Des services secrets français largués, Marianne, 17-23 avril 2020,
pp. 19-20. 11Yascha Mounk, « Nos démocraties deviennent incapables d’affronter des crises »,
Les Échos, 22 avril 2020, p. 13. 12Sébastien Le Fol, Le Covid-19 : une « étrange défaite » pour la
France ?, Le Point, 30 avril 2020, pp. 91-92. 13Trump lie le coronavirus à un laboratoire chinois, menace de taxer Pékin, AFP,
1er mai 2020. 14Guillaume Berlat, Le pangolingate ou l’éloge des frontières, www.afri-ct.org , Thucyblog n° 22, 26 mars 2020. 15D. H. et C. L., Le pangolin ressuscite les RG, Le Canard enchaîné, 22 avril 2020, p.
3. 16Jérémy André, P4 de Wuhan : enquête sur une affaire française, Le Point, 30
avril 2020, pp. 36 à 41. 17Antoine Izambard, L’histoire secrète du laboratoire P4 de Wuhan vendu par la France à la
Chine, www.challenges.fr , 30 avril
2020. 18Isabelle Lasserre, Comment le « P4 » de Wuhan, exporté par la France, a échappé
à tout contrôle, Le Figaro, 21 avril 2020, p. 7. 19Raphaëlle Bacqué/Brice Pedroletti, Dans la jungle des labos de Wuhan, Le Monde, 26-27 avril 2020,
pp. 16-17. 20Jérémy André, À quoi joue la Chine, Le Point, 30 avril 2020, pp. 30 à
34. 21Isabelle Chaperon, L’Europe veut mieux protéger ses fleurons, Le Monde, 21 avril
2020, p. 13. 22Raphaël Stainville, Emmanuel Macron, le converti de la dernière heure, Valeurs
Actuelles, 23 avril 2020, pp. 16 à 19. 23Guillaume Berlat, L’Europe « en même temps » l’Empire du
milieu !,www.prochetmoyen-orient.ch , 4 novembre 2019. 24Guillaume Berlat, Cinq leçons sur une visite en Chine : un Munich de la diplomatie
française !,www.prochetmoyen-orient.ch , 9 décembre 2019. 25Catherine Nay, Vous avez dit transparence ?, Valeurs Actuelles, 23 avril
2020, p. 10. 26Alain Léauthier, Des mensonges chinois par milliers ?, Marianne, 17-23
avril 2020, p. 18. 27Jean-Paul Pancracio, Covid-19 : responsabilité chinoise et manquements de
l’OMS, www.observatoire-de-la-diplomatie.com , 15 avril 2020. 28Guillaume Berlat, Quand la Chine paiera…,www.prochetmoyen-orient.ch , 13 avril
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2018. 34Pierre Januel, Libertés : le Conseil d’État agit le plus souvent en chien de garde
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2020. 35Richard Labévière, Il n’y a pas d’affaire
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