Antisémitisme en France, éléments de réflexion

Antisionisme-antisémitisme

...par le Gal. Dominique Dealwarde - le 27/02/2019.

Bonsoir à tous,

 

Une vidéo édifiante à regarder de bout en bout par ceux qui ne sauraient pas déjà qui gouverne vraiment notre pays. La séquence filmée et commentée date du 20 février.

Le commentaire est un peu long, la partie la plus intéressante démarre à 4 minutes et trente secondes. Les images prises au ralenti sont "troublantes".....

Il est clair que ces images ne sont pas de nature à faire baisser l'antisémitisme dans notre pays. 

https://www.youtube.com/watch?v=jUN0rh-C2Cs&feature=share&fbclid=IwAR3ktGpxbaBYEk8Y6NrtRI1qSIeLvXMFYA1myRcS0XYO-93P6BpWuYX6BFw


Pour ceux qui souhaitent compléter leur information sur le sujet "antisionisme-antisémitisme", un court article de Shlomo Sand qui interpelle le président français me paraît mettre les choses au point.

Son titre ? "À propos des sémites et des antisémites, des sionistes et des antisionistes".

Shlomo Sand est professeur à l'université de Tel Aviv depuis 1985. Sa spécialité : Histoire du peuple juif. Il est clair qu'il maîtrise mieux son sujet qu'Emmanuel Macron.
https://assawra.blogspot.com/2019/02/a-propos-des-semites-et-des-antisemites.html

Bon visionnage, Bonne lecture

DD


Antisémitisme en France, éléments de réflexion

...par le Gal. Dominique Delawarde - le 25/02/2019.

Bonjour à tous, 

 

A l'heure où l'on parle beaucoup d'antisémitisme en France et où certains

hommes politiques songent à produire une loi assimilant l'antisionisme à l'antisémitisme, loi qui interdirait toute critique de l'état d'Israël et

de sa gouvernance, je soumets à votre attention et à votre réflexion les cinq pièces à conviction suivantes.

 

1 - Communiqué de 20 lignes de l'UJFP (Union Juive Française pour la Paix) du 19 février dernier. Cette organisation juive française nous dit pourquoi elle est aujourd'hui anti-sioniste et pourquoi elle ne se taira pas :


http://www.ujfp.org/spip.php?article6938

2 - La PJ1 est un tableau de statistiques officielles des agressions antisémites en France de 2000 à 2018. Il montre clairement qu'en dépit de certaines fluctuations à la hausse et à la baisse, selon les années, le nombre des agressions antisémites s'inscrit tendanciellement en baisse de 8,5% depuis 18 ans. En clair, la campagne médiatique visant à nous faire croire l'inverse relève, à l'évidence, de la manipulation de l'opinion. Ce type de manipulation, dont nos médias mainstream sont coutumiers, vise probablement à justifier une éventuelle loi "Antisionisme = Antisémitisme",

et à faire taire, à l'avenir, toute critique envers l'état hébreu et sa gouvernance ....

Cette loi pourrait bien constituer "un renvoi d'ascenseur" de l'exécutif français actuel à l'égard d'un lobby qui l'a beaucoup aidé à conquérir le pouvoir en 2017.....

 

3 -  Sur le lien ci après, un article qui récapitule une dizaine de fausses agressions antisémites dont les présumées victimes étaient, en fait, les auteurs.....

https://www.egaliteetreconciliation.fr/Le-Top-10-des-fausses-agressions-antisemites-31321.html

On peut se demander, à la lecture de ces faits avérés, si le nombre présenté dans cet article n'est pas, en réalité, qu'une partie émergée d'un iceberg important .....

Par ailleurs, on ne peut que constater le fait que l'agression "verbale" contre Finkelkraut (et l'exploitation médiatique massive et disproportionnée qui en a été faite dans les jours suivants) est survenue le 16 février, 4 jours avant le dîner annuel du CRIF auquel notre Président de la République

était invité et devait prononcer un discours, notamment sur la nouvelle définition de l'antisémitisme: "Antisionisme= Antisémitisme ". Bien que cette coïncidence soit troublante et soit survenue après plusieurs déclarations provocatrices d'un certain BHL, assimilant les gilets jaunes aux chemises brunes,je me garderai bien d'affirmer, en l'absence de preuves, que "l'incident Finkelkraut" relevait d'une provocation organisée au bon moment et merveilleusement bien exploitée par les médias et les politiques......  


4 - L'étonnant documentaire "Defamation" réalisé en 2015 par l'israélien Yoav Shamir.(90 minutes)

"Ce film est une dénonciation stupéfiante des conditions morbides qui tiennent prisonnière l'identité juive séculière. Il explore et tourne en ridicule la notion courante d'antisémitisme ainsi que les lobbies qui participent à la diffusion d'une telle phobie. Il dénonce aussi les propagandistes juifs ethniques qui insistent, pour une raison qu'eux seuls connaissent, pour organiser leur identité autour de l'idée phantasmatique selon laquelle ils seraient pourchassés, diffamés ou haïs pour des raisons « raciales ».

"Étant Israélien, Yoav Shamir, qui a réalisé ce film, a réussi à infiltrer l'Anti-Defamation League d'Abe Foxman. Il a même réussi à se faire engager dans une « mission internationale » de Foxman. Il a également suivi le voyage de lycéens israéliens à Auschwitz. Il nous donne une vision intime de la jeunesse israélienne que l'on endoctrine afin de la placer dans une anxiété collective et dans une névrose totale juste avant son incorporation dans l'armée". 

http://openyoureyes.over-blog.ch/defamation-docu-vf

5 - Un article argumenté du 23 février dernier paru sur le site Investig Action et repris sur Afrique Asie.fr. Signé par Michel Collon, journaliste belge indépendant, cet article a pour titre: "Antisémitisme, pourquoi y a-t-il deux définitions": Dans cet article Michel Collon décortique pour

nous "la nouvelle définition de l'antisémitisme" proposée par l'IHRA (International Holocaust Remembrance Alliance) et qui semble devenue celle de monsieur Macron, si l'on en croit sa déclaration au dîner annuel du CRIF du 20 février. 

https://www.investigaction.net/fr/antisemitisme-pourquoi-y-a-t-il-deux-definitions/

Bonne lecture et fructueuses réflexions à tous sur ce sujet délicat.

Je pense pour ma part que la loi en cours d'étude "Antisionisme =antisémitisme" n'est pas opportune. On voudrait faire monter l'antisémitisme en France et radicaliser les opinions, les propos et les actions des intervenants dans ce débat qu'on ne s'y prendrait pas autrement.... La France

serait d'ailleurs le seul pays au monde à mettre en place une loi de ce type.

Même en Israël, la critique du sionisme est autorisée...... 

 

DD

 

 

Sur le même sujet lire : "Antisémitisme, antisionisme et communautarisme"

 



1 ) Communiqué de l'UJFP - le 19/02/2019.

Nous sommes juifs et nous sommes antisionistes

Nous sommes juifs, héritiers d’une longue période où la grande majorité des Juifs ont estimé que leur émancipation comme minorité opprimée, passait par l’émancipation de toute l’humanité.

Nous sommes antisionistes parce que nous refusons la séparation des Juifs du reste de l’humanité.

Nous sommes antisionistes parce que la Nakba, le nettoyage ethnique prémédité de la majorité des Palestiniens en 1948-49 est un crime qu’il faut réparer.

Nous sommes antisionistes parce que nous sommes anticolonialistes.

Nous sommes antisionistes par ce que nous sommes antiracistes et parce que nous refusons l’apartheid qui vient d’être officialisé en Israël.

Nous sommes antisionistes parce que nous défendons partout le « vivre ensemble dans l’égalité des droits ».

Au moment où ceux qui défendent inconditionnellement la politique israélienne malgré l’occupation, la colonisation, le blocus de Gaza, les enfants arrêtés, les emprisonnements massifs, la torture officialisée dans la loi … préparent une loi liberticide assimilant l’antisémitisme qui est notre histoire intime à l’antisionisme, 

Nous ne nous tairons pas.

La Coordination nationale de l’UJFP, le 18 février 2019

 

 

Source : http://www.ujfp.org/spip.php?article6938

 


2) Tableau de statistiques officielles des agressions antisémites

Télécharger
Evolution des actes anti-sémites en France
PJ1 Actes antisémites en France.pdf
Document Adobe Acrobat 65.8 KB

3) Le Top 10 des fausses agressions antisémites

Les actes antisémites remplissent les colonnes des journaux, font régulièrement la une des JT, et sont au cœur de l’attention des pouvoirs publics. Des agressions ou des propos dont le mobile est a priori un antisémitisme dont on annonce chaque jour l’expansion galopante en France. Mais une fois passé le matraquage médiatique, ces « actes antisémites » s’avèrent souvent être des faux. Entre temps, le mensonge répété mille fois est devenu une idée répandue, une vérité : « La France est un pays antisémite »…

 

Ce top 10 ne traite pas des opérations sous faux drapeau en France (attentat de la rue des Rosiers) ou à l’international (comme à Bagdad entre 1950 et 1951 ou à Buenos Aires en 1994), ni des opérations de grande envergure destinées à forcer l’Alya des juifs (comme ce qui se joue actuellement en France)... Il n’est qu’un panorama d’une mythomanie ordinaire, qui va de la simple escroquerie à l’assurance aux rumeurs entretenues par les représentants officiels de la communauté juive. Un mensonge dénoncé par deux intellectuels juifs de premier plan, Jacques Attali et Isaac Bashevis Singer :

 

«  Quand [le juif] se met une idée en tête, il ne peut plus penser à rien d’autre. Prenez, par exemple, le juif qui se bat contre l’antisémitisme. Il en trouvera partout, même sur une île déserte, ou au milieu du désert. Il est tellement obsédé qu’il en devient comique parce qu’il est incapable de voir une exception à la règle – ou alors il se crée des règles qui n’existent pas. »

Isaac Bashevis Singer, écrivain yiddish, prix Nobel de littérature 1978, 
entretien avec Richard Burgin, Conversations avec Isaac Bashevis Singer (1978)

 

« Non, il n’y a aucun problème. Affirmer le contraire est un mensonge, un pur mensonge. […] Je crois que ce n’est tout simplement pas vrai. C’est de la propagande, de la propagande israélienne.  […] Ces dix dernières années, les Israéliens se sont installés dans une sorte d’autoconviction que la situation en France est un désastre. C’est une propagande très dangereuse. C’est ridicule. Je suis un exemple que cela n’est pas vrai. »

Réponse de Jacques Attali à la question 
« N’y a-t-il pas un problème antisémite en France ? » 
posée par le journal israélien Haaretz le 16 octobre 2009

 

 

10 – Un prétexte pour changer de HLM

10 février 2015 au matin. Des dépêches pleuvent. Dans le 16ème arrondissement de Paris, une vingtaine de voitures ont été retrouvées taguées du mot « juif ». Un acte antisémite odieux dans une France encore sous le choc des attentats qui ont secoué Paris un mois auparavant. Le site Internet du Point titre sur « l’antisémitisme ordinaire » et l’information est immédiatement relayée par l’organisation qui s’est donné pour mission la lutte contre l’antisémitisme : la LICRA.

 

 

 

Dans l’après-midi, on apprend que celui qui a tagué « juif » sur des véhicules stationnés sur les avenues du Général-Clavery et Dode-de-la-Brunerie, un homme âgé de 73 ans, a été pris en flagrant délit la veille au soir. C’était en réalité la quatrième tentative d’un couple de septuagénaires (dont la femme est de confession juive), de se faire passer pour victime d’antisémitisme afin de changer de HLM…

En effet, le couple se rend une première fois au commissariat de police en juillet 2014 pour signaler la présence de croix gammées sur sa boîte aux lettres, sur son palier et sur la porte de son logement situé dans un immeuble de la Régie immobilière de la Ville de Paris (RIVP). En août, ils portent plainte pour dénoncer les mêmes faits. En décembre, de nouvelles inscriptions sont retrouvées dans le HLM : des croix gammées et des inscriptions « sale juif ». Et encore le mois suivant, en janvier 2015. Quand la police prend en flagrant délit l’auteur des tags « juif » sur les voitures, les enquêteurs comparent l’écriture avec celle des précédents « graffitis antisémites », notamment les tags retrouvés sur les murs et la boîte aux lettres de l’immeuble. Une source proche du dossier rapporte alors :

« Ça commençait à faire beaucoup. Plusieurs personnes ont été interrogées et des tests d’écriture ont été réalisés… C’est là que les policiers ont estimé qu’il y avait quelque chose de vraiment bizarre dans cette histoire. Autre coïncidence, le couple B. a indiqué qu’il était parti un moment de son logement pour se protéger. Pendant cette période, il n’y a eu aucune inscription. Les policiers étaient convaincus que c’était lui, mais il leur manquait une preuve. Avec ce flagrant délit, ils ne pouvaient être mieux servis. […] Le couple voulait changer de logement. On ne sait pas pourquoi car il vivait à deux dans 59 m². Il avait fait deux demandes à la RIVP qui ont été refusées. Il s’agissait peut-être d’une stratégie pour obtenir gain de cause. » (Metronews, 10 février 2015)

Une question reste en suspend : les quatre plaintes précédant le flagrant délit ont-elles été comptabilisées dans les chiffres de l’antisémitisme en France ?

 

9 – Le coup de l’assurance

1er novembre 2003, 23h40. Le restaurant casher L’Atrium, à Aubervilliers, appartenant à un certain Richard B., âgé de 51 ans, est le théâtre d’un violent incendie. Le patron avance aussitôt la thèse d’un acte antisémite, dont la communauté juive se fait aussitôt l’écho. La preuve ? La mezouzah [1] de la porte arrière a été arrachée et jetée à terre !

Sauf qu’au cours de l’enquête, la police découvre que l’homme croule sous les dettes de loyer (6 000 €), que son affaire n’est pas rentable et qu’il avait reçu, quinze jours avant le sinistre, une notification d’expulsion de l’établissement. Pour s’en sortir financièrement, Richard B. a alors décidé d’incendier son restaurant karaoké afin de se retourner vers son assurance, qui prévoyait un dédommagement de 300 000 € en cas de sinistre. Le laboratoire scientifique de la préfecture de police n’a pas été long à dénoncer un acte criminel. L’homme, placé en garde-à-vue, avouera rapidement son forfait. À sa décharge, il n’est ni le premier ni le dernier à tenter cette petite escroquerie quelque peu éculée, mais toujours bien rentable. Cette coupure du Quotidien de Parisdu 26 septembre 1980 relate un fait similaire. Le « fascislamisme » n’étant pas encore à la mode, le vendeur de prêt-à-porter avait dénoncé un « attentat nazi » :

 

JPEG - 267.8 ko
Quotidien de Paris, 26 septembre 1980

 

8 – L’incendie du Centre social juif de la rue Popincourt

22 août 2004, 3h30 du matin. Le centre social juif de la rue Popincourt (Paris 11ème) est en flammes. Les pompiers découvrent, après avoir maîtrisé l’incendie, que les murs sont couverts de tags antisémites. Outre des croix gammées, on peut lire ces inscriptions au feutre : « Les juifs dehors », « Sans les juives, le monde serait heureux », « Itler = la France », « Vive l’Islames ».

Les réactions ne se font pas attendre : immédiatement, le président de la République, Jacques Chirac, renouvelle sa pleine solidarité à l’ensemble de la communauté juive. Dès 9 heures du matin, Bertrand Delanoë, maire de Paris, arrive sur les lieux accompagné du rabbin du XIe arrondissement.

 

 

Il est rapidement rejoint par le Premier ministre, Jean-Pierre Raffarin, rentré en urgence de Poitiers, qui déclare :

« Le parquet requerra la peine maximale, et l’ensemble des forces du pays sera mobilisé pour que l’arrestation des auteurs soit rapide. »

Le trésorier de l’Union israélite sépharadite de France, dont dépend le centre, un certain Marcel Gotlib (également dessinateur de bandes dessinées), appelle les autorités à « prendre des mesures draconiennes ». Au micro d’Europe 1, Roger Cukierman, déjà président du CRIF, dénonce le « laxisme » de la justice, qui a « créé un véritable sentiment d’impunité par des relaxes systématiques ». Et de conclure :

« Ce laxisme permet aux antisémites de tous bords de s’exprimer librement. Pourquoi se priver quand on ne risque rien ? »

Trois jours plus tard, lors d’une visite en France, le ministre des Affaires étrangères israélien, Sylvan Shalom, se rend sur place et appelle les autorités françaises à prendre le phénomène de l’antisémitisme à bras-le-corps, évoquant la nécessité de « lois plus dures ».

Une semaine plus tard, un certain Raphaël Benmoha, âgé de 52 ans, né à Casablanca, au Maroc, est mis en examen pour « incendie volontaire ». Ce marginal fréquentait le Centre social juif et allait être expulsé d’un studio qui lui avait été prêté par le biais d’un « rabbin ». Fulminant contre les « rabbins », Benmoha se serait vengé. Même s’il nie tout en bloc, le double des clés du local et le marqueur qui a servi aux inscriptions sont retrouvés à son domicile. Raphaël Benmoha se serait inspiré d’un épisode de la série télévisée PJ, tourné un an auparavant au centre de la rue Popincourt.

 

7 – Les Farhi, une famille de rabbins au-dessus de tout soupçon

3 janvier 2003. Le rabbin Gabriel Farhi est victime d’une odieuse agression antisémite à l’arme blanche dans sa synagogue du 23 rue Piéton dans le 11ème arrondissement. Transféré à l’hôpital Saint-Antoine, il en sort le soir même. L’agression est survenue vers 16h30, alors qu’il était seul à ce moment dans la synagogue avant le début de l’office du shabbat prévu à 18h30. Il déclare :

« Quelqu’un a sonné à la porte. J’ai ouvert, un homme un peu plus petit que moi – environ 1,75 mètre –, la tête couverte d’un casque de moto intégral avec la visière opaque rabaissée, a prononcé "Allahou Akbar" – Dieu est grand – et m’a donné un coup de couteau. Son accent était très français. »

Le matin même, une lettre anonyme était arrivée au siège du Mouvement juif libéral de France (MJLF), affirmant :

« Nous aurons la peau du rabbin Gabriel Farhi et nous vengerons le sang de nos frères palestiniens [...] Après avoir mis le feu à sa synagogue, nous nous vengerons directement sur lui. »

Tout est clair : l’agression porte la marque de l’antisémitisme et la lettre anonyme revendique l’incendie qui s’est déclaré dans la synagogue en mai 2002. Et l’on oublie que les expertises ont conclu que c’est un court-circuit qui a déclenché le sinistre (cf. Le Parisien, 4 mai 2002).

Immédiatement, le président de la République Jacques Chirac fait porter à la victime une lettre pour condamner « avec la plus grande fermeté cet acte de violence intolérable qui vise un militant de la paix et du dialogue entre les religions [...] Il ne peut y avoir dans notre République de place pour l’antisémitisme, le racisme, la xénophobie, ni pour les manifestations d’intolérance religieuses. » Le rabbin Farhi est immédiatement placé sous protection policière et le ministre de l’Intérieur d’alors, Nicolas Sarkozy, fait part de sa « détermination » à élucider l’affaire. Cinq jours plus tard, une « prière pour la fraternité et la solidarité » est organisée à la synagogue. Sont présents : Nicolas Sarkozy, Bertrand Delanoë (maire de Paris), Jack Lang, Guy Béart, Mgr Jean-Marie Lustiger (archevêque de Paris), Dalil Boubakeur (recteur de la Mosquée de Paris), ainsi que quatre anciens premiers ministres : Édouard Balladur, Alain Juppé, Laurent Fabius et Lionel Jospin. 

Neuf jours plus tard, non seulement l’affaire n’est pas résolue, mais les enquêteurs de la PJ sont de plus en plus perplexes face à « une quinzaine d’éléments accréditant des zones d’ombre qui fragilisent la version de M. Farhi ». Les enquêteurs soulignent également les « déclarations contradictoires du rabbin ». Marianne (20 janvier 2003) et Le Figaro (21 janvier) rapportent une note du médecin-chef des pompiers décrivant une « plaie hésitante pouvant correspondre à une automutilation »…

 

 

 

 

Les enquêteurs vont également creuser une autre piste, plus « têtue », celle d’un « ami » du rabbin, l’universitaire Charles Leselbaum, directeur du Centre d’études ibéro-latino-américaines appliquées (CEILA) de Paris IV, qui, suspecté d’être l’auteur des menaces de mort par écrit, sera mis en examen. Il démentira vigoureusement dans Le Parisien, puis sera également blanchi. L’enquête durera 5 ans au total, au terme desquels le juge Marie-Antoinette Houyvet a rendu une ordonnance de non-lieu le 4 septembre 2008.

Cette affaire aura mis en cause une personnalité importante du judaïsme français (il a guidé Dany Boon dans sa conversion, par exemple), qui a dirigé entre 1995 et 2007 le Mouvement juif libéral de France, MJLF lancé par son père, le rabbin Daniel Farhi, en 1977. Ce dernier, Chevalier dans l’ordre national du Mérite (1988), Chevalier puis Officier de la Légion d’honneur, a été placé en garde en vue en 2012 pour présomption d’agression sexuelle sur mineure par le Brigade de protection des mineurs de la PJ parisienne, puis déféré au parquet. Dans cette affaire qui remonte aux années 1990, un non-lieu a finalement été rendu en novembre 2014.

 

6 – Pour Klugman, les propos de Le Pen sont inspirés d’Adolf Hitler

25 avril 2002. La « peste brune » s’est abattue sur la France : Jean-Marie Le Pen est au deuxième tour de l’élection présidentielle. Au soir du 21 avril, le président du Front national a déclaré :

« Socialement je suis de gauche, économiquement de droite et, nationalement, je suis de France. »

Une phrase antisémite ? « En déclarant qu’il était socialement de gauche et nationalement de France, Jean-Marie Le Pen a repris les termes employés par Adolf Hitler en novembre 1932 dans son discours de clôture du congrès du Parti national-socialiste. Le Pen a fait son coming-out et a révélé ses convictions hitlériennes », déclare Patrick Klugman, le vigilant président de l’Union des étudiants juif de France (UEJF). Klugman a en fait donné écho a une rumeur qui s’est rapidement repandue sur Internet, puis dans les médias et les organisations antiracistes, qui ont répercuté l’info : la phrase de Le Pen est un copier-coller d’une citation du Führer du 29 novembre 1932 au congrès du parti nazi !

 

 

Sauf que le lendemain de la sortie de Klugman, on peut lire ce petit entrefilet dans Libération :

« Renseignement pris, il n’y a pas eu de congrès du NSDAP en novembre 1932, et Hitler n’a jamais prétendu que son “cœur était de gauche”, pour reprendre les termes exacts de la rumeur. »

En réalité, il ne s’est rien passé ce 29 novembre 1932, sauf une chose : la naissance d’un certain Jacques Chirac.

 

5 – Quand le grand rabbin de France affabule

13 octobre 2000, 8h du matin. La seconde intifada a commencé depuis deux semaines en Palestine. En direct de Jérusalem, où il s’est rendu pour assister à la fête des Cabanes, le grand rabbin Sitruk est invité à réagir sur France Inter. Il lance : 

« Nous avons appris que [dans une école juive du XIXème arrondissement de Paris] des jeunes gens avaient été poignardés, six précisément. L’un d’eux est décédé des suites de ses blessures. C’est extrêmement grave. C’est la première fois qu’un juif est assassiné en France depuis la guerre, parce qu’il est juif et uniquement parce qu’il est juif. »

 

Le jour même, la police se rend sur place et découvre immédiatement qu’il s’agit d’une affabulation du grand rabbin Sitruk. Heureusement, Henri Tincq, « journaliste » et expert en religion du Monde, viendra à sa rescousse dans un article intitulé : « Le grand rabbin de France est victime de rumeurs » (15 octobre 2000). L’honneur est sauf, Joseph Sitruck est une « victime »…

L’article d’Henri Tincq a néanmoins le mérite de donner une explication au nombre pléthorique de fausses agressions antisémites :

« “De telles rumeurs, on en reçoit une cinquantaine par heure !”, dit-on dans les radios juives : femmes poussées sous le métro, enfants agressés à la sortie du lycée Yavné (13e arrondissement), etc. »

Et Libération (14 octobre 2000) de confirmer :

« Les fausses nouvelles se multiplient. Ainsi, le meurtre relaté vendredi par Joseph Sitruk avait déjà été “révélé” mercredi à la rédaction de Libération par un informateur qui précisait que la victime était scolarisée à Beth Ohr Joseph, une école privée du XIXème arrondissement parisien. Cette information, bien que démentie par l’école, a été colportée par des dizaines d’interlocuteurs de bonne foi. Michel Zerbib, directeur de l’information de Radio J, a reçu une cinquantaine de coups de fil pour la seule journée de mercredi : “On passe notre temps à vérifier des rumeurs presque toujours infondées.” »

 

4 – Les propos « négationnistes » de José Bové

3 avril 2002. José Bové mets les pieds dans le plat. De retour de Palestine, le leader de la Confédération paysanne donne une conférence de presse. Alors que quelques jours avant, des incendies de sont déclarés dans des synagogues, José Bové brise un tabou :

« Il faut se demander à qui profite le crime. Je dénonce tous les actes visant des lieux de culte. Mais je crois que le gouvernement israélien et ses services secrets ont intérêt à créer une certaine psychose, à faire croire qu’un climat antisémite s’est installé en France pour mieux détourner les regards. »

Lors de cette conférence de presse, il accuse également Israël de « purification ethnique ». Le lendemain de cette sortie, le B’nai B’rith « condamne avec la plus grande fermeté les propos de José Bové qui insinuent que la campagne menée par les Israéliens contre le terrorisme, certes brutale, s’apparente aux actes commis par les nazis. Ce qui revient ni plus ni moins à nier la Shoah. C’est une faute historique, une faute morale monstrueuse, que l’ensemble de la classe politique devrait condamner. »

Dans son communiqué, le B’naï B’rith « demande immédiatement » à José Bové de « s’excuser publiquement de la tenue de pareils propos ». Le 2 mai 2002 sur France Info, Alain Juppé l’accuse d’être « un des grands complices de M. Le Pen depuis des années ». Acculé, José Bové va s’excuser, d’abord dans Marianne, puis devant la France entière, sur France 2, le 14 septembre 2002 :

 

 

 

C’est à cette époque que José Bové, comme une dizaine d’autres militants antisionistes, pro-palestiniens ou modérément pro-israéliens (le militant écologiste Alain Lipietz, l’avocate et épouse de Carlos, Isabelle Coutant-Peyre, le cinéaste israélien Eyal Sivan ou le secrétaire général des Amitiés franco-irakiennes, Gilles Munier, etc.) reçoit une lettre jointe d’une balle de calibre 22 LR, accompagnée de la mention suivante : « La prochaine n’arrivera pas par la poste. »

Des plaintes sont déposées et la police ouvre une enquête, qui va déboucher sur l’arrestation d’un certain Raphaël Schoemann, un retraité de 65 ans, marié et père de deux enfants, au casier judiciaire vierge, qui voulait s’en prendre à des personnes qu’il estimait « antisémites ». Raphaël Schoemann signait ses courriers « Nadine Mouk », une formule qui signifie en arabe dialectal : « Maudite soit la religion de ta mère. » Lors de la perquisition de son domicile, les enquêteurs trouvent un véritable arsenal de guerre : un fusil à répétition SIG, un revolver Smith & Wesson, deux armes interdites à la vente en France et acquises illégalement en Suisse quelques mois après l’envoi des courriers, un fusil à pompe calibre 12, un revolver 22 LR, un fusil Winchester, une visée laser et des munitions. L’homme était inscrit à la Fédération française de tir et s’entraînait régulièrement. Lors de sa garde à vue, il assure évidemment :

« Je n’avais aucune intention de passer aux voies de fait, surtout avec des armes. »

Pour sa défense, il assure avoir été fortement marqué par l’expérience de ses parents, internés à l’arrivée des nazis en Allemagne. Pour le psychiatre, l’homme est lucide, il a l’entière responsabilité de sa conduite. S’il s’était agi d’un militant nationaliste ou d’un musulman, nul doute qu’au vu de l’arsenal et des menaces de morts proférées, menace terroriste oblige, l’affaire aurait été portée au sommet de l’État. Mais Raphaël Schoemann ne sera condamné en première instance par le Tribunal correctionnel de Paris qu’à 1 euro de dommage et intérêt à verser à chacune de ses victimes et 10 mois de prison avec sursis.

De son côté, bien qu’ayant fait Techouvah, José Bové va perdre le soutien que lui apportaient les médias. Devenu une « idole en fin de cycle » (L’Express, 1er mars 2004), il renonce à son mandat de porte-parole de la Confédération paysanne en août 2003. Après avoir fait 1,32 % lors de l’élection présidentielle de 2007, on le retrouvera en 2009 au côté de Daniel Cohn-Bendit comme député Europe Écologie les Verts de la région Sud-Ouest aux européennes. Depuis, on ne l’a plus entendu parler de la cause Palestinienne, puisqu’on ne l’a plus entendu parler du tout…

 

3 – Alex Moïse, victime des partisans de Dieudonné ?

9 janvier 2004. Alex Moïse se rend au commissariat de police du 18ème arrondissement. La veille au soir, il a reçu des menaces de mort et des injures racistes lors d’un appel téléphonique anonyme : « Sale youpin », «  tu vas crever, sale sioniste, tu vas crever ». À la police, il explique que ces menaces sont doute dues à son combat contre Dieudonné. Un mois plus tôt, l’humoriste a joué son fameux sketch chez Marc-Olivier Fogiel sur France 3. Un sketch antisémite pour Alex Moïse, qui, du coup, à lancé un « comité citoyen antiraciste » . En tant que président de ce « comité citoyen antiraciste », Alex Moïse appelle les salles où doit se produire Dieudonné et obtient l’annulation de ses spectacles à Roanne, Deauville, Bourg-Lès-Valence. Il est également à l’origine de la pétition réclamant l’annulation du spectacle du 20 février 2004 à l’Olympia.

Cinq mois après la plainte, l’affaire de menaces antisémites se dégonfle totalement. Alex Moïse est condamné le 6 mai 2004 à 750 euros d’amendes et deux mois de prison avec sursis. Les investigations auprès de l’opérateur téléphonique ont prouvé qu’il s’était adressé à lui-même des insultes antisémites par téléphone. Rien à voir donc avec de prétendus « partisans de Dieudonné ».

 

 

 

 

Cette affaire pourrait prêter à sourire si Alex Moïse n’était qu’un marginal. Mais l’homme est un militant communautaire de premier plan. Né en 1964, il a participé dès 1980 à la création de la Fédération sioniste de France et fait partie des fondateurs de Radio Shalom, sur laquelle il anime l’émission Shalom Hebdo. « Attaché à l’idéologie du Grand Israël » (Actualité juive du 24 juillet 2008), ce porte-parole en France du Likoud figurait sur la liste RPR-UDF dans le 2ème arrondissement de Paris aux élections municipales de 1995, puis en 2001 sur la liste de Jean-Pierre Pierre-Bloch (candidat de Jean Tibéri) dans le 18ème arrondissement. Lors de son décès en décembre 2012, le président du CRIF Richard Prasquier saluera « un militant exceptionnel, recherchant toujours l’intérêt collectif avant les préoccupations d’amour-propre personnelles. Il avait l’amour d’Israël chevillé au corps, était au premier rang quand il s’agissait de lutter contre les manifestations de haine anti-israélienne. »

 

2 – L’Affaire du RER D

10 juillet 2004, 19h42. Une dépêche de l’AFP tombe : « Ils agressent une femme et lui dessinent des croix gammées sur le ventre. » Le récit est affirmatif et ne comporte aucun conditionnel.

La veille, vers 9h30 Marie–Léonie L., 23 ans, prend le RER D en gare de Louvres (Val-d’Oise) avec son enfant de 13 mois. Six garçons sont montés avant elle, soit à Borne-Blanche ou à Survilliers-Fosses. À en croire le récit de la jeune femme, elle « voit du coin de l’œil six loulous costauds et baraqués, qui ont l’air d’avoir entre 15 et 20 ans, descendre de l’étage et se ruer sur elle […]. Ils l’entourent et lui appuient tout de suite sur la nuque pour qu’elle garde la tête baissée en permanence. » Ils ont le look « racailles de banlieue », portent des casquettes et tiennent, pour trois d’entre eux, des poignards à la main. Elle pense « qu’il y a trois Maghrébins et trois Africains ».

Ils s’en prennent aussitôt à sa poussette et lacèrent le sac à langer posé sur le bébé avant de s’en prendre à son sac à dos, qu’ils fouillent, trouvent son argent (200 €) et sa carte bleue, puis tombent sur ses papiers d’identité. À la lecture de son adresse dans le 16ème arrondissement de Paris, ils s’énervent. « Dans le 16ème, y a que des gosses de riches, y a que des feujs », lance l’un d’eux. Ils sont persuadés qu’elle est juive. Le doute n’est plus permis : l’agression est antisémite.

Ses agresseurs, toujours selon la jeune femme, déchirent son t-shirt et mettent ses vêtements en lambeaux. Avec la pointe d’un poignard, ils la griffent sur le cou, les mains, le corps, puis sortent un feutre et dessinent sur son ventre, sous les seins jusqu’au pubis, trois croix gammées.

Au bout d’un quart d’heure de mauvais traitements, depuis Louvres, le RER arrive en gare de Garges-Sarcelles dans le Val d’Oise. Non content de lui infliger un coup de pied qui la laisse à terre, ils prennent son sac et sa carte bancaire puis « balancent la poussette sur le quai et le bébé roule sur trois mètres ». Des témoins de la scène portent alors secours à la mère et au bébé. La jeune femme appelle son compagnon, qui vient la chercher et l’accompagne au commissariat d’Aubervilliers, en Seine-Saint-Denis, où elle réside. Transportée à l’unité médico-judiciaire avec son enfant, qui n’a rien, elle se voit attribuer un arrêt temporaire de travail de dix jours. La police judiciaire de Versailles est saisie par le procureur. La police se met alors en quête de témoins et notamment les passagers installés au premier étage du wagon. Mais personne ne s’est manifesté pour témoigner de cette agression barbare.

Le soir où tombe la dépêche AFP, les réactions s’enchaînent. Dominique de Villepin, alors ministre de l’Intérieur, embraye :

« Le ministre de l’Intérieur condamne cette agression ignoble […] aggravée de gestes racistes et antisémites. »

Il donne des « instructions pour retrouver les auteurs dans les plus brefs délais ».

Dans la foulée, le président de la République, Jacques Chirac, lance ce communiqué :

« J’apprends avec effroi l’agression à caractère antisémite dont ont été victimes une jeune femme et son enfant. […] Je lui exprime ainsi qu’à tous les siens ma vive émotion et ma profonde sympathie. »

11 juillet. Nicole Guedj, secrétaire d’État aux droits des victimes (qui occupait avant sa nomination le poste d’administratrice du Consistoire israélite de France), s’entretient l’après-midi avec la jeune femme au téléphone puis lui rend visite le lendemain :

« J’ai trouvé une jeune femme digne, courageuse, très lucide, déterminée à ce qu’on mette tout en œuvre pour retrouver les agresseurs. Mais aussi une jeune femme qui craint que ses agresseurs ne la retrouvent […] Tout est insoutenable, surtout après l’appel « au sursaut » du président de la République […] Il faut que la loi soit pleinement appliquée. » (Actualité juive, 14 juillet 2004)

Claude Goasguen, député UMP du XVIème arrondissement, appelle à « modérer les discours sur Israël » :

« Dans cet acte épouvantable, il y a un mélange de racisme social, d’antisémitisme et d’antisionisme. […] Le mélange d’anticapitalisme et d’antisémitisme rappelle furieusement un passé tragique et honteux de la France. Il est grand temps que les pouvoirs publics prennent conscience que dans la politique du Moyen-Orient, Israël n’est pas forcément le coupable de tous les maux. Tous ceux qui en sont conscients doivent modérer leur discours sur Israël. […] Ce qui n’enlève rien à la nécessité de poursuites contre des éléments désormais dangereux pour la société française. »

Philippe Douste-Blazy, alors ministre de la Santé, dénonce, au nom du gouvernement, le racisme, la xénophobie et l’antisémitisme, « les pires dérives mortelles pour notre démocratie ». Alain Juppé, alors à la tête de l’UMP, dénonce une agression « odieuse et barbare ». Plus inattendu, Mouloud Aounit, secrétaire général du MRAP, dénonce un « insoutenable acte fasciste », considérant qu’un « pas supplémentaire vient d’être franchi dans l’ignominie antisémite ».

Le soir, l’affaire fait la une de tous les JT.

 

 

 

 

12 juillet. Le Figaro titre : « Le train de la haine » ; Libération : « Antisémitisme. Une historie française » ; Le Parisien : « Mobilisation contre l’antisémitisme » ; etc. La LICRA dénonce ces « nazis de banlieue (qui) défient la France ». À gauche, chacun y va de son indignation, la palme revenant sans doute à Jean-Paul Huchon, qui ouvre une réunion exceptionnelle du conseil régional d’Île-de-France par la phrase : « Les loups sont entrés dans Paris. »

 

 

Pendant ce temps, la SRPJ de Versailles cherche les coupables et recueille le témoignage spontané d’une proche de la victime. Elle souligne la mythomanie de la jeune femme. Elle raconte aux enquêteurs que celle-ci n’en est pas à son coup d’essai. Des accusations que les policiers vont prendre avec prudence dans un premier temps. Un second témoignage est plus embarrassant : la victime présumée aurait été vue montant dans le RER D à la station Louvres avant son agression, avec des vêtements déjà déchirés.

Par ailleurs, la lecture des vidéos de la SNCF pouvant aider à l’identification des agresseurs à la gare de Garges-Sarcelles, ceux-ci ayant sauté sur le quai avant de s’enfuir, ne montrent rien d’une telle scène. Puis la police découvre que la jeune femme a déjà porté plainte six fois dans les cinq dernières années dans des affaires de vol ou d’agression. Des plaintes restées sans lendemain.

13 juillet. Lors de son audition à l’antenne de police judiciaire de Cergy-Pontoise (Val-d’Oise) dans l’après-midi, Marie-Léonie L. est placée par ses enquêteurs face à ses contradictions et aux incohérences de son récit apparues au fil des vérifications. Elle commence par déplacer le lieu de l’agression en dehors du train, puis rapidement, finit par craquer et admet avoir tout inventé de A à Z. Placée en garde à vue pour « dénonciation de délit imaginaire », elle reconnaîtra s’être elle-même porté les marques de coups de couteau, s’être coupé une mèche de cheveux et avoir tracé les croix gammées.

Le commissaire chargé de l’enquête explique :

« Elle voulait attirer l’attention sur elle et son entourage pour qu’on s’occupe d’elle. Elle avait le bourdon, ça n’allait pas dans sa tête et dans sa vie. En fait, elle est fatiguée du cerveau et, nous, on pédale depuis deux jours entre Louvres et Aubervilliers pour vérifier sa plainte. »

Le soir, l’affaire, définitivement dégonflée, fait de nouveaux la une des JT :

 

 

 

 

17 juillet. Filmée de dos par une caméra, Marie-Léonie L. lit un cours texte :

« Je suis profondément désolée de tout ce qui est arrivé par ma faute. Je présente mes excuses au président de la République, à Nicole Guedj, aux personnes qui ont manifesté leur soutien à mon mensonge. »

 

1 – Le Commissaire Ghozlan, pourvoyeur de fausses agressions antisémites

L’affaire du RER D pose une question : comment une information non-vérifiée (et qui s’avère être mensongère) peut-elle, en moins de 24 heures, mobiliser toute la République et devenir le centre d’attention de la machine politico-médiatique ? L’étude du cas Sammy Ghozlan est indispensable pour comprendre comment nombre de pseudo-affaires sont montées et relayées.    

 

Originaire de Constantine, où il a grandit avec Enrico Macias, Alain (de son vrai prénom) Ghozlan est arrivé en France en 1961.

Après avoir été instituteur, il a passé le concours de commissaire de police, avant de rejoindre l’Office central des stupéfiants. Candidat à diverses élections en Seine-Saint-Denis, il a notamment été élu conseiller municipal RPR-UDF au Blanc-Mesnil, tout en s’engageant pleinement dans la vie communautaire juive. Il a animé Génération dance sur Judaïque FM, chanté dans les mariages et les Bar Mitsvah et sa personnalité truculente a inspiré Alexandre Arcady pour le rôle de l’inspecteur de police Sam Bellamy, incarné par Patrick Bruel dans le film K, sorti en 1997 (cf. Tribune juive, 12 septembre 1996).

Commissaire de police honoraire, Sammy Ghozlan est membre de Siona (« Association d’aide aux plus démunis en France et en Israël »), du Secours français pour Israël, du Fond social juif unifié et de la loge Deborah-Sam Hoffenberg du B’naï B’rith à Vincennes. Il préside également le Conseil des communautés juives de Seine-Saint-Denis (CCJ93) et occupe la vice-présidence du Consistoire de Paris. 

En mars 2002, avec les soutiens de l’Union des patrons juifs de France et de l’Association Verbe et Lumière (émanation du centre Simon Wiesenthal), le commissaire Ghozlan monte le Bureau national de vigilance contre l’antisémitisme (BNVCA). Fort de réseaux à cheval entre la communauté juive et les institutions politiques, policières et judiciaires, il obtient que le BNVCA « édite un formulaire de déclaration qui constitue une véritable saisine judiciaire de nature à compléter, voire remplacer le procès-verbal en cas de difficulté à déposer plainte auprès d’un service de police. Ces formulaires sont reconnus par les autorités judiciaires et préfectorales. »    

 

À en croire le BNVCA, en cas d’agression antisémite, plus besoin de la police, un formulaire pré-rempli sur Internet remplacerait un procès-verbal des autorités policières et serait reconnu par les autorités judiciaires et préfectorales. Bientôt plus besoin de juge non plus ?

Avec de telles méthodes, on comprend aisément le nombre pléthorique de fausses agressions antisémites pouvant être montées en épingle. EuroPalestine (23 septembre 2010) a dénoncé le rôle du BNVCA dans l’affaire du RER D :

« En début de soirée, le BNCVA passe en effet un appel téléphonique à l’Agence France-Presse (AFP), où il a une correspondante bien disposée à son égard. Il la branche sur ce “gros coup”. La journaliste appelle alors les services de police, qui lui confirment qu’il y a bien une plaignante correspondant à ce que la journaliste leur raconte. L’AFP lance alors l’affaire, relayée en quelques dizaines de minutes par des communiqués indignés du ministre de l’Intérieur, Dominique de Villepin, puis du président de la République, et par ricochet, de tout l’établissement politique et médiatique. »

Aussi Sammy Ghozlan a-t-il tendance à transformer de simples bagarres où des juifs sont impliqués en agressions antisémites odieuses. Comme dans l’affaire Rudy Haddad, en juin 2008, ou lors d’une bagarre dans un train au printemps 2012. À l’époque, Alain Soral avait démonté l’affaire :

 

 

 

 

Après une énième affaire de fausse agression antisémite relevée en février 2011 (une synagogue incendiée accidentellement en Tunisie s’était transformé en « saccage antijuif », cf. Actualité juivedu 3 février 2011) et une plainte déposée pour antisémitisme contre Stéphane Hessel (!), le président du CRIF de l’époque, Richard Prasquier, jugeant Ghozlan « incontrôlable » (Actualité juive, 3 mars 2011), le suspend de ses fonctions au comité directeur du CRIF, où il l’avait pourtant coopté.

Malgré ses méthodes, Sammy Ghozlan reste une personnalité incontournable tant en France qu’à l’international. En juin 2006, lors d’un discours au prestigieux Forum de Crans-Montana, ce simple militant communautaire a pu, par exemple, sermonner publiquement Tariq Ramadan. Il figure dans le dernier Top 100 des personnes influençant positivement la vie juive dans le monde, établi par The Algemeiner, l’organe de référence de la communauté juive new-yorkaise (Elie Wiesel en préside le conseil de surveillance). À titre de comparaison, les autres « Français » figurant dans ce classement sont le président du CRIF, Roger Cukierman, le président du Consistoire, Joël Merghi, le grand rabbin Haïm Korsia, Jonathan Simon-Sellem, Bernard-Henri Lévy, Alain Finkielkraut, Patrick Drahi et Manuel Valls…    En juillet 2010, Brice Hortefeux, alors ministre de l’Intérieur, avait remis les insignes de Chevalier de la légion d’Honneur à ce « policier républicain ».

 

 

Pour en finir avec la mystification de l’antisémitisme, nous conseillons de voir ou revoir Defamation, le reportage d’un jeune israélien au cœur de l’Anti-Defamation League du B’naï B’rith, la plus grande organisation mondiale de « lutte contre l’antisémitisme » :

 

 

 

Remerciements à Emmanuel Ratier et à la revue Faits & Documents pour la documentation nécessaire à cet article.

Notes

[1] La mezouzah (hébreu : מזוזה, poteau de porte ; plur. mezouzot) est un objet de culte juif, qui consiste le plus souvent en un rouleau de parchemin comportant deux passages bibliques, emboîté dans un réceptacle, et fixé au linteau (ou aux poteaux) des portes d’un lieu d’habitation permanente, à l’exclusion des lieux d’aisance et de rangement. (Source : Wikipédia.)

 

Source : https://www.egaliteetreconciliation.fr/Le-Top-10-des-fausses-agressions-antisemites-31321.html

 


4) ""Diffamation" de Yoav Shamir

Ce film est une dénonciation stupéfiante des conditions morbides qui tiennent prisonnière l'identité juive séculière. Il explore et tourne en ridicule la notion courante d'antisémitisme ainsi que les lobbies qui participent à la diffusion d'une telle phobie. Il dénonce aussi ces propagandistes juifs ethniques qui insistent, pour une raison qu'eux seuls connaissent, pour organiser leur identité autour de l'idée phantasmatique selon laquelle ils seraient pourchassés, diffamés ou haïs pour des raisons « raciales ».

 

Etant Israélien, Yoav Shamir, qui a réalisé ce film, a réussi à infiltrer l'Anti-Defamation League d'Abe Foxman. Il a même réussi à se faire engager dans une « mission internationale » de Foxman. Il a également suivi le voyage de lycéens israéliens à Auschwitz. Il nous donne une vision intime de la jeunesse israélienne que l'on endoctrine afin de la placer dans une anxiété collective et dans une névrose totale juste avant son incorporation dans l'armée.

 

by yoav shamir MAJ le 24/03/2015

 

Source : http://openyoureyes.over-blog.ch/defamation-docu-vf



5) Antisémitisme : pourquoi y a-t-il deux définitions ? par Michel Collon

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Pourquoi ?

1. Qui est derrière l’IHRA ?

2. Une définition qui n’est pas très bonne… pour les juifs

3. Des « exemples » qui parlent de tout autre chose !

4. Emmanuel Macron se prend-il pour un historien ?

5. Du sionisme aussi, il y a deux définitions !

6. Y aurait-il un ancien et un nouvel antisémitisme ?

C’est quoi,l’antisémitisme ? Auparavant, il existait une seule définition. Aujourd’hui, il y en aurait deux. A cette nouvelle définition se sont ralliés Emmanuel Macron, François Hollande, Manuel Valls et aussi le parlement européen.Jeremy Corbyn a été sommé de s’y soumettre, s’il voulait garder une chance de devenir Premier ministre. Autour de cette définition, des procès en justice se multiplient en divers pays.7. Sans valeur légale et en contradiction avec les Droits de l’Homme

8. Pourquoi le Parlement européen a-t-il capitulé ?

9. Le lobby pro-Israël croit-il à ce qu’il raconte ?

10. De plus en plus de juifs se détournent du sionisme

11. La guerre d’Israël contre l’opinion

12. L’accusation « antisémitisme », l’ultime arme qui leur reste ?

 

En soi, c’est une bonne chose qu’on définisse l’antisémitisme. Lutter contre le racisme exige une base légale claire : qu’est-ce qui est punissable comme appel à la haine, et qu’est-ce qui relève de la controverse politique et donc de la libre expression ? Bien entendu, il faudrait le faire aussi pour l’islamophobie et les autres racismes.

Le 1er juin 2017, une résolution du Parlement européen a invité les États membres et les institutions de l’U.E. à adopter et appliquer la définition de l’antisémitisme prônée par l’Alliance internationale pour la Mémoire de l’Holocauste (IHRA). Selon cette définition, « l’antisémitisme est une certaine perception des Juifs, qui peut s’exprimer par la haine envers les Juifs. Les manifestations rhétoriques et physiques de l’antisémitisme sont dirigées contre des personnes juives ou non-juives et/ou  leur  propriété, contre  les  institutions de  la  communauté juive  ou  les lieux religieux »

Dans cette petite enquête, nous allons examiner qui est l’IHRA, a-t-elle autorité pour trancher ce débat, cette définition est-elle assez précise sur le plan juridique, y aurait-il des intentions cachées derrière cette controverse ?

1. Qui est derrière l’IHRA ?

D’abord, il faut expliquer qui est l’IHRA. On pourrait croire qu’il s’agit d’une ONG ou d’une respectable association d’historiens. Pas du tout. Il s’agit d’un organe intergouvernemental qui rassemble Israël, les États-Unis,la Grande-Bretagne, la France, la Belgique et vingt-six autres gouvernements du camp occidental. Bref, une minorité de la communauté internationale, une minorité qui se caractérise par son soutien inconditionnel à Israël et par des liens économiques et militaires très importants avec cet État fort controversé. C’est donc un organe où le gouvernement Netanyahou exerce toute son influence. Comme nous allons le constater…

2. Une définition qui n’est pas très bonne… pour les juifs

Examinons de près cette définition : « L’antisémitisme est une certaine perception des Juifs, qui peut s’exprimer par la haine envers les Juifs. » Sincèrement,je pense que cette définition ne vaut rien. D’abord, « une certaine perception » est un terme beaucoup trop vague pour permettre des poursuites judiciaires. Quand on inculpe quelqu’un, on doit le faire sur base non pas de ses « perceptions » mais de ses actes. Il faut des faits précis juridiquement bien définis. « Une certaine perception » en est tout le contraire.

Ensuite, « s’exprimer » n’est pas correct non plus. Un raciste peut très bien discriminer sans rien exprimer publiquement mais en refusant d’embaucher un juif ou de lui louer un appartement (bien que de nos jours, ce sont évidemment les musulmans qui souffrent le plus de ce genre de discriminations). La définition est donc erronée sur ce point.

Enfin, « peut s’exprimer par la haine des Juifs » est complètement flou. Par quoi d’autre pourrait s’exprimer la haine des Juifs ? En ne le disant pas clairement, on place toute la définition dans le vague et l’inefficacité. Ou bien est-ce qu’en laissant ainsi la porte ouverte à une autre chose, pas du tout définie, on aurait en tête un agenda caché ?

En tout cas, cette définition imprécise et parfois carrément erronée offre aux juifs une protection insuffisante. Telle est aussi l’opinion du célèbre juriste anglais Hugh Tomlinson, spécialiste du droit de l’information. Consulté sur la validité de la définition et des exemples de l’IHRA, il conclut : « Le langage utilisé est inhabituel et peut prêter à confusion. La définition IHRA de l’antisémitisme n’est pas claire, elle est confuse. »[1]

3. Des « exemples » qui parlent de tout autre chose !

Pour faire comprendre la portée de sa définition, l’IHRA a ajouté des « exemples », selon elle, de comportements antisémites. Examinons-les…

EXEMPLE n°1de l’IHRA : « Nier le droit à l’autodétermination du peuple juif, par exemple en déclarant que l’existence de l’État d’Israël est un projet raciste. » Ici, on ne parle plus du racisme envers les juifs, mais bien du débat politique sur la nature de l’État d’Israël ! Comme si tous les juifs étaient d’accord avec cet État et avec la politique du gouvernement Netanyahou ! Si on accepte cet exemple, alors il deviendra interdit d’estimer qu’il est raciste de s’emparer des terres du peuple palestinien, de chasser les habitants par les persécutions ou la violence directe, de confisquer les richesses de ce pays et de traiter en sous-citoyens la minorité arabe demeurée dans le territoire israélien. En disant ces vérités évidentes, on serait« antisémite » ?

Mais alors, il y a beaucoup d’ « antisémites » parmi les juifs, car ils sont très nombreux à dire exactement cela. Ainsi, le mathématicien et philosophe juif Moshé Machover, né en Israël et vivant aujourd’hui à Londres, a publié un texte remarquable sous le titre Pourquoi Israël est un État raciste. Il y écrit : « Qu’Israël est un État raciste est un fait bien établi. Le 9 juillet 2018, il a approuvé une loi de la nationalité quasi-constitutionnelle « Loi fondamentale : Israël comme Etat-nation du peuple juif » qui a été largement condamnée comme l’institutionnalisation de la discrimination envers les citoyens non juifs d’Israël. Comme beaucoup l’ont fait remarquer, cette loi codifie et formalise une réalité qui préexistait depuis longtemps. »

En effet. Israël se déclare lui-même un État juif tout en prétendant être démocratique. Machover démontre bien qu’il est impossible d’être les deux en même temps : « À l’intérieur de ses frontières d’avant 1967, Israël est une semi-démocratie illibérale. Il se définit lui-même comme « Juif et démocratique », mais les critiques signalent qu’il est « démocratique pour les Juifs, et Juif pour les autres ». Dans les territoires occupés depuis 1967, Israël est une tyrannie militaire appliquant un système de lois et règlements pour les colons juifs et un complètement séparé pour les Arabes palestiniens d’origine. Les méthodes de discrimination raciste par Israël sont trop nombreuses que pour en faire la liste ici. Adalah, le Centre Légal pour les Droits des Minorités en Israël, énumère une liste de 65 lois israéliennes qui discriminent directement ou indirectement les habitants palestiniens des territoires occupés. Outre ces lois, d’innombrables pratiques et règlements bureaucratiques non officiels opèrent des discriminations dans la vie quotidienne. La conclusion ne peut être niée : l’État d’Israël est structurellement raciste, c’est un État d’apartheid selon la définition officielle de ce terme par l’ONU. » Juridiquement, ces arguments sont incontestables. Mais si la définition de l’IHRA était appliquée comme une loi (ce qu’elle n’est heureusement pas), leprofesseur Moshé Machover serait envoyé en prison pour« antisémitisme » !

Consulté sur la validité des exemples de l’IHRA, le juriste anglais Hugh Tomlinson est lui aussi très clair : « À moins qu’une telle déclaration ne soit motivée par la haine des juifs, il ne serait pas antisémite de déclarer que l’État d’Israël est un projet raciste, dans la mesure où Israël se définit lui-même comme un État juif et donc par la race, et parce que les Israéliens non-juifs ainsi que les non-juifs placés sous son autorité subissent des discriminations. » [2]

Bref, ce premier exemple de l’IHRA se retourne contre Israël : puisque de nombreux juifs rejettent l’État d’Israël comme étant un projet raciste, on voit bien qu’il ne s’agit pas d’antisémitisme mais d’une condamnation politique et morale.

EXEMPLEn° 2 de l’IHRA : « Comparer la politique israélienne avec celle des nazis »

Personnellement, je n’ai pas recouru à ce type de comparaisons, mais je constate que diverses personnalités israéliennes antisionistes célèbres le font. Par exemple, l’historien Zeev Sternhell, qui est l’auteur de plusieurs études faisant autorité sur le fascisme et le nazisme (dont le remarquable livre Ni droite, ni gauche. L’idéologie fasciste en France) et doyen honoraire du département des sciences politiques à l’université hébraïque de Jérusalem. Il a publié dans le quotidien israélien Haaretz (19 janvier 2018) un article intitulé « En Israël, montée d’un fascisme et d’un racisme apparentés aux débuts du nazisme ». Cet article critiquait durement des déclarations racistes de Bezalel Smotrich, vice-président du parlement, et de Miki Zohar, président d’une des commissions de ce même parlement. Ce dernier avait osé déclarer : « Les Arabes ont un problème qui n’a pas de solution. Ils ne sont pas juifs et dès lors, leur sort dans ce pays ne saurait être le même que celui des juifs. »

Sternhell est loin d’être seul. L’historien Daniel Blatman (dontle livre Death Marches : The Final Phase of Nazi Genocide, a remporté en 2011 le prix international pour les recherches sur l’Holocauste) a lui aussi accusé ce même vice-président Smotrich « d’adopter des valeurs semblables à celles des SS allemands »[3].

Ces éminentes personnalités israéliennes sont-elle santisémites ? En réalité, les exemples de l’IHRA n’ont rien à voir avec la réalité et ont pour seul but d’étouffer la critique envers les dirigeants l’État israélien. Mais Israël et les gouvernements qui lui sont alliés n’ont aucune légitimité pour imposer ainsi une vérité officielle.

4. Emmanuel Macron se prend-il pour un historien ?

Certains essaient de s’abriter sous l’autorité du président français Emmanuel Macron selon qui « l’antisionisme » serait « la forme réinventée de l’antisémitisme »[4]. Il est heureux que les déclarations d’un Président de la République n’aient pas automatiquement force de lois s’imposant aux tribunaux et aux historiens, car il s’agit là d’une stupidité aisément démontrable. L’antisionisme consiste à s’opposer à la colonisation par les colons juifs de terres appartenant aux Palestiniens. Selon la Charte de l’ONU elle-même, aucun État n’a le droit de s’emparer de terres appartenant à un autre État ou à un autre peuple. L’antisémitisme, par contre, consiste à répandre la haine envers les juifs en tant que juifs, qu’ils habitent en Israël ou n’importe où dans le monde.

Confondre antisionisme et antisémitisme, c’est mélanger des pommes et des poires. En effet, comme le relève le chroniqueur Philippe Huysmans[5], prétendre que l’antisionisme serait« antisémite » est absurde car le racisme vise un peuple ou une religion, or « le sionisme n’est ni un peuple, ni une religion, c’est une idéologie politique ». En effet, comment pourrait-on être raciste envers une idéologie ?!

Et même plus : comment pourrait-on être raciste envers une idéologie qui est manifestement raciste ?! Le sionisme est bien une idéologie conquérante et raciste, qui a mené à la création de « l’État juif », au détriment des Palestiniens. Elle est donc de même nature que l’idéologie de l’ancien État sud-africain d’apartheid ou que l’idéologie des empires coloniaux britannique, français ou belge. Sera-t-on traité de raciste si l’on critique aujourd’hui, à bon droit, l’idéologie raciste de ces anciens empires ?

Le caractère raciste de cet État a été amplement démontré par le rapport Falk et Tilley, publié en mars 2017 par la Commission économique et sociale pour l’Asie occidentale (CESAO) des Nations unies. Richard Falk est un professeur juif vivant aux USA et Virginia Tilley est une chercheuse vivant en Afrique du Sud, experte sur l’apartheid en ce pays. Tous deux ont estimé qu’Israël présentait toutes les caractéristiques d’un État d’apartheid. Plutôt que de débattre, Washington et Tel-Aviv ont fait pression pour que le rapport soit enterré. Les faits dérangent.

Pour en revenir à la déclaration bizarre d’Emmanuel Macron, celui-ci a été mieux inspiré le jour où il a déclaré : « Je ne crois pas à la police de l’Histoire. »[6] Il ferait bien de l’appliquer à lui-même.

5. Du sionisme aussi, il y a deux définitions !

L’IHRA et Macron font comme s’il n’y avait qu’une seule définition du sionisme : la leur. Mais là aussi, il en existe deux et il convient de se demander pourquoi…

Moshé Machover les confronte dans un autre article[7]. Première définition : « Le cœur de l’idéologie sioniste est la croyance que les juifs de tous pays constituent une entité nationale unique et non une simple définition religieuse et que cette entité nationale possède le droit à l’auto-détermination, qui s’exerce en réclamant sa patrie historique (ou « donnée par Dieu ») : Eretz Israël (la Terre d’Israël) qui comprend – au minimum – la Palestine d’avant 1948. » C’est-à-dire que les sionistes ont fait semblant en 1948 d’accepter qu’une partie de la Palestine demeurerait palestinienne, mais qu’ils comptaient occuper beaucoup plus que ce que l’ONU leur avait accordé.

Très différente est la définition donnée par les sionistes eux-mêmes : « Le sionisme est le mouvement de renaissance nationale des juifs. Cela signifie que les juifs sont un peuple et possèdent dès lors le droit à l’autodétermination dans leur propre patrie. Cela exige de protéger et soutenir une patrie pour les juifs dans leur foyer national historique, et d’initier et stimuler la renaissance de la vie nationale, de la culture et du langage juifs. »[8]

Le point essentiel est donc que les juifs constitueraient une nation dans le sens moderne et laïc, au même titre que la nation française ou la nation allemande. Mais bien sûr, cela soulève plusieurs problèmes, bien décrits par Machover. Tout d’abord, de nombreux juifs contestent totalement cette idée et cela dès le début du projet sioniste.

Ainsi, lorsque lord Balfour, ministre des Affaires étrangères, émit en 1916 la célèbre déclaration qui porte son nom et qui prônait« l’établissement en Palestine d’un foyer national pour les Juifs » », il agissait sous la pression exercée notamment par Chaïm Weizmann auprès de Lord James de Rothschild. Mais Lucien Wolf, journaliste célèbre et membre de la direction du « Conjoint Foreign Committe »des juifs britanniques, protesta immédiatement auprès de Rotschild : « L’allégation du Dr Weizmann d’une nationalité juive soulève une question de principe. Les sionistes ne se contentent pas de proposer la formation et l’établissement d’une nationalité juive en Palestine, mais ils prétendent que tous les juifs forment actuellement une nationalité distincte et dépossédée, pour laquelle il serait nécessaire de trouver un centre politique organique, car ils sont et devraient toujours être des étrangers dans les pays où ils se trouvent actuellement et, plus particulièrement, que ce serait « une illusion absolue » de croire qu’aucun juif puisse être en même temps « Anglais de nationalité et juif par la foi ».

Cette thèse est directement combattue avec force par Wolf : « J’ai passé la plus grande partie de ma vie à combattre ces doctrines, lorsqu’elles m’étaient présentées sous la forme de l’antisémitisme, et je ne peux que les considérer extrêmement dangereuses lorsqu’elles se présentent maintenant déguisées en sionisme. Elles constituent une capitulation face à nos ennemis, elles n’ont aucune justification dans l’Histoire, dans l’ethnologie ou dans les faits de la vie quotidienne, et si elles devaient être admises par l’ensemble des juifs, le résultat en serait que la terrible situation vécue par nos coreligionnaires en Russie et en Roumanie (allusion aux pogroms et violences racistes exacerbées dans ces pays à l’époque) deviendraient le sort commun de la judaïté dans le monde entier. »[9]

Wolf n’est pas du tout le seul à s’inquiéter. En fait, les sionistes sont très minoritaires et s’ils ont trouvé écho chez Rotschild et Balfour, c’est que leur projet de coloniser la Palestine est jugé très utile par les impérialistes britanniques de l’époque, conscients que l’Empire britannique affaibli n’a plus les moyens d’occuper tant de terres et qu’il faut trouver des troupes de rechange. Alexandre et Claude Montefiore, présidents respectivement du Conseil des Députés britanniques juifs et l’Anglo-Jewish Association, écrivent au Times pour protester contre le danger politique du sionisme : « L’établissement d’un foyer national juif en Palestine, basé sur la théorie de l’absence de patrie juive, aura pour effet à travers le monde d’étiqueter les juifs comme étant des étrangers dans leur pays natal et de saper les positions acquises durement en tant que citoyens et ressortissants de ces pays. » Les deux comités rejettent donc fermement la proposition sioniste.

En France aussi, un homme politique juif célèbre, Alfred Naquet, polémique avec le sioniste Bernard Lazare. Pour Naquet, l’idée que les juifs formeraient une nation séparée, ne diffère pas des discours d’Edouard Drumont, fondateur de la Ligue nationale antisémitique de France : « Si cela fait plaisir à Bernard Lazare de se considérer citoyen d’une nation indépendante, c’est son problème, mais je déclare qu’en dépit du fait d’être né Juif (…) je ne reconnais pas la nationalité juive (…) Je n’appartiens à aucune autre nation que la française (…). Les Juifs sont-ils une nation ? Malgré le fait qu’ils en constituèrent une dans le passé, ma réponse est un non catégorique.

« Le concept de nation implique certaines conditions qui n’existent pas dans ce cas.Une nation doit avoir un territoire dans lequel elle se développe et, à notre époque, du moins jusqu’à ce qu’une confédération mondiale s’étende partout, une nation doit avoir une langue commune. Mais les Juifs n’ont plus ni territoire ni langue communes (…). Tout comme moi, Bernard Lazare ne connaît probablement pas un seul mot en hébreux (…). Les Juifs allemand et français sont très différents des Juifs polonais et russes. Les traits caractéristiques des Juifs n’ont rien à voir avec l’empreinte de la nationalité. Si l’on permettait aux Juifs de les reconnaître en tant que nation, comme le fait Drumont, ce serait une nation artificielle. »[10]

En Russie,où sévissait un racisme très violent contre les juifs, se développa le mouvement Bund, bien plus populaire que le sionisme. Bien qu’il existât dans ce pays une langue juive, le yiddish, car la communauté vivait dans certaines régions précises, où ils étaient même parfois majoritaires, le Bund ne réclamait aucunement la séparation et l’indépendance mais seulement une autonomie culturelle nationale et une meilleure protection.

Bref, la prétention des sionistes à représenter tous les juifs du monde ne tient pas debout. Hier, comme aujourd’hui, la majorité d’entre eux ne se reconnaît pas dans Israël et ne souhaite pas du tout y vivre. Machover souligne : « La condition nécessaire et suffisante pour qu’un non-juif devienne juif c’est la conversion religieuse (giyyur). Les juifs peuvent appartenir à des nations diverses : un juif peut être Français, Américain, Italien, Ecossais et ainsi de suite. Mais la judaïté exclut d’autres affiliations religieuses : un juif ne peut être musulman, hindou ou catholique romain. Donc la prétention sioniste que tous les juifs de la planète constituent une seule entité nationale distincte plutôt qu’une communauté basée sur la religion est un  mythe idéologique, inventé comme une façon erronée de traiter la discrimination et la persécution envers les juifs. ».

Et Machover de relever que ce mythe est « partagé par les antisémites les plus virulents ». Et il prend pour exemple… un des principaux leaders nazis, le SS-Oberguppenführer Reinhard Heydrich ! Celui-ci écrivait en effet dans le journal des SS : « Dans le contexte de sa conception du monde, le national-socialisme n’a aucunement l’intention d’attaquer le peuple juif. Au contraire, la reconnaissance de la judaïté comme communauté raciale basée sur le sang, et non comme une communauté religieuse, amène le gouvernement allemand à garantir la séparation raciale de cette communauté sans aucune limitation. »[11]

Quelle que soit l’interprétation qu’on fera de cette déclaration, il faut bien constater deux faits incontestables : 1. Le sionisme n’était et n’est qu’un seul des courants politiques existant au sein de la communauté juive. 2. Son argumentation fondamentale repose sur le même concept que celui des antisémites. Tout ceci devrait être débattu politiquement et non étouffé sous le voile d’un monopole de l’expression comme le prônent l’IHRA et le gouvernement israélien.

On aura remarqué un terme important dans l’argumentaire sioniste : « autodétermination ». L’idée qu’il existerait une nation juive distincte entraînerait ce droit à l’autodétermination. Aujourd’hui, la propagande israélienne avance ce concept qui a une réputation positive : les peuples colonisés se sont battus pour leur doit à l’autodétermination. Mais ce droit ne confère nullement la permission d’envahir et d’occuper la terre d’un autre peuple. Le droit à l’autodétermination, ce n’est pas choisir comme dans un menu le territoire dont on éjectera son peuple. Prétendre que vos ancêtres y vivaient il y a deux mille ans (ce qui est d’ailleurs complètement faux) ne vous donne toujours pas ce droit. Prétendre qu’il était nécessaire de se réfugier en Palestine à cause d’Hitler est un argument à côté de la plaque puisque le projet est né en 1895 et que la colonisation a commencé vers 1916[12].

Il ne s’agit donc pas d’autodétermination, mais de colonialisme,ce qui est exactement le contraire de l’autodétermination. D’ailleurs, dans un premier temps, les dirigeants ne se cachaient nullement et employaient le vocabulaire de la colonisation par la violence : « Chassez la population pauvre au-delà de la frontière en lui refusant du travail. Le processus d’expropriation et de déplacement des pauvres doit être mené discrètement et avec circonspection. » (Herzl, fondateur su sionisme en 1895). « A-t-on vu un seul peuple abandonner son territoire de sa propre volonté ? De la même façon, les Arabes de Palestine n’abandonneront pas leur souveraineté sans l’usage de la violence. » (Jabotinski, 1923) « Nous devons expulser les Arabes et prendre leur place. » (Ben Gourion,futur premier Premier ministre d’Israël, 1937). « Politiquement, nous sommes les agresseurs et ils se défendent.Ce pays est le leur, parce qu’ils y habitent et que nous venons nous y installer. » (Ben Gourion, 1938). « Nous devons utiliser la terreur, les assassinats, l’intimidation, la confiscation des terres et l’arrêt de tous les programmes sociaux afin de débarrasser la Galilée de sa population arabe. » (Ben Gourion, 1948). Et on pourrait continuer longtemps…

Aujourd’hui, ça ne passerait plus, il faut donc un autre marketing politique et les sionistes actuels ont caché ce langage agressif dans leurs placards, mais ils ne le renient pas et poursuivent la colonisation violente avec un autre vocabulaire.

Cependant, les dirigeants sionistes ont un sérieux problème : même si on acceptait l’idée d’une nation juive comprenant tous les juifs, l’autodétermination ne serait toujours pas un argument pour cette nation. L’historien israélien sioniste Ygal Elam le reconnaît : « Le sionisme ne saurait faire appel au principe d’autodétermination et se baser là-dessus en ce qui concerne la Palestine. Ce principe n’était valable que contre elle et en faveur du mouvement arabe nationaliste local… Du point de vue de la théorie nationale, le sionisme avait besoin d’une fiction… »[13]

Quelle sera alors cette fiction ? Eh bien, n’ayant plus aucun argument présentable, les sionistes se cachent derrière leur seule feuille de vigne : l’antisémitisme. Comme l’ancien ne leur suffit pas, ils en inventent un« nouveau ».

6. Y aurait-il un ancien et un nouvel antisémitisme ?

Comme l’explique le professeur François Dubuisson (Université Libre de Bruxelles) : « On ne compte plus les ouvrages et articles parus ces dernières années avançant la thèse de l’avènement d’un « nouvel antisémitisme » (ou « nouvelle judéophobie») (…) : la défense de la cause palestinienne ou l’antiracisme serait devenu le moyen par lequel s’exprimerait, de manière masquée, un « inconscient antisémite» longtemps refoulé. »[14]

Évidemment, les tenants de cette thèse seraient bien aimables d’indiquer quand exactement serait né ce « nouvel » antisémitisme. Puisque la critique envers le projet Israël a été constante et radicale dès le début, nous l’avons vu au point 5.

Et pourquoi « nouveau » ? « Cet antisémitisme serait « nouveau » en ce sens qu’il devrait être évalué à l’aune de critères se dégageant des éléments traditionnels de l’antisémitisme, classiquement défini comme visant la haine des Juifs. Bien que cette thèse ait été critiquée par une série d’auteurs, peu suspects de complaisance avec l’antisémitisme, elle n’en a pas moins largement influencé certains travaux officiels menés récemment, visant ou aboutissant à criminaliser certaines formes de critiques de la politique d’Israël, assimilées à l’antisémitisme. »

Dans ce sens, Dubuisson critique un rapport français rédigé en 2004 par Jean-Christophe Rufin : « En se référant à une notion très floue d’ « antisionisme radical », conçue en réalité de manière très large, le Rapport en arrive à prôner une large criminalisation de la critique de la politique d’Israël, que ce soit en l’assimilant à l’antisémitisme (qui constitue, en tant que forme de discrimination raciale, un délit pénal) ou en introduisant une infraction nouvelle, aux contours incertains »

Le professeur Dubuisson s’appuie sur la distinction bien établie en 2004 par une agence de l’UE, l’Observatoire européen des phénomènes racistes et xénophobes (EUMC) : « Ce qu’il ne faut pas considérer comme antisémite et ce qui, par conséquent, n’a pas besoin d’être observé en tant que tel, c’est l’hostilité à l’égard d’Israël comme un pays que l’on critique en ce qui concerne sa politique concrète. Pour ceux qui,comme nous, souhaitent attribuer l’étiquette de l’antisémitisme sans se tromper, il importe peu que la critique à l’égard d’Israël pour ce qu’il est et pour ce qu’il fait soit injuste, équilibrée ou tendancieuse. […] Elle ne devient antisémite que si le point de référence sous-jacent est l’assimilation d’Israël au “Juif” (du stéréotype). »

Dès lors, le juriste Dubuisson dénonce clairement « une conception dangereuse de l’antisémitisme, attentatoire à la liberté d’expression ». Et il réclame de la précision juridique :« La définition d’une notion aussi importante et délicate que l’antisémitisme devrait être établie en prenant le maximum de précaution scientifique, de façon à aboutir à une acception susceptible d’être généralement acceptée. L’antisémitisme constitue une infraction pénale dans la plupart des États de l’Union européenne, et représente à ce titre une dérogation à la liberté d’expression. On comprend dès lors que ce concept doive être défini de manière stricte, de façon à couvrir uniquement des actes ou des opinions relevant de la discrimination ou de la haine raciales. Il ne s’agit pas, par contre, d’y inclure des actes ou des opinions que l’on peut simplement juger, de l’un ou l’autre point de vue, comme politiquement ou moralement condamnables, comme inappropriés, comme exagérés… »

Ce que Hugh Tomlinson souligne en écrivant : « Il ne serait pas justifié légalement d’interdite une activité sur la seule base que les supporters de l’État d’Israël la trouvent irritante ou agressive. »[15] On ne peut envoyer quelqu’un en prison parce que ses opinions dérangent Israël ou un autre gouvernement occidental.

7. Sans valeur légale et en contradiction avec les Droits de l’Homme

Cette définition a-t-elle une valeur légale ? Non. La définition de l’antisémitisme par l’IHRA (que nous avons analysée aux points 2et 3) est qualifiée par ses promoteurs eux-mêmes de « non-legally binding working definition » (définition de travail sans valeur légale). Ce curieux terme ‘working definition’ indique qu’il s’agit seulement d’un document de travail fournissant des réflexions ou des suggestions. Rien de plus. D’ailleurs, le terme « non-legally binding » est très clair : cette définition n’a pas valeur de loi. Elle ne peut servir de base à des décisions de la Justice ou d’autres institutions.

Certes, le gouvernement britannique a déclaré« adopter » cette définition, et c’est regrettable vu son caractère vague et les manipulations par le lobby pro-Israël. Mais ce terme« adopter » exprime qu’il s’agit d’une prise de position politique et non d’une loi. D’ailleurs, ce gouvernement a aussi indiqué qu’il n’y aurait aucune modification des lois existantes, car celles-ci étaient suffisantes pour réprimer les actes racistes. « En résumé, analyse Hugh Tomlinson, la décision du gouvernement d’ « adopter » la définition IHRA n’a, en soi, aucune conséquence légale immédiate ou directe. »[16]

Dès lors, aucune institution publique – que ce soit un tribunal,une université, une administration locale – « ne peut interférer avec la liberté d’expression, à moins que ce soit justifié parl’article 10§2(concernant les limites éventuelles à la liberté d’expression) de la Convention des Droits de l’Homme ou l’article 11§2 (concernant les limites éventuelles à la liberté de réunion) ».

Hugh Tomlinson a aussi déclaré que si une université, par exemple, était mise sous pression pour interdire une activité de solidarité avec les Palestiniens (comme le mouvement de boycott BDS), elle n’aurait pas le droit d’interdire cette activité sur base de cette définition ou d’exiger que les organisateurs approuvent cette définition.

La « nouvelle » définition de l’antisémitisme est effectivement très dangereuse. Parce qu’elle nie la liberté d’expression et l’égalité des citoyens reconnues et protégées par la Constitution de la France, de la Belgique et d’autres pays européens. Elle contredit aussi la Convention européenne des Droits de  l’Homme dont l’article 10 garantit : « la liberté d’opinion et la liberté de recevoir ou de communiquer des informations ou des idées sans qu’il puisse y avoir ingérence d’autorités publiques et sans considération de frontière ».

Ceci vise absolument toutes les opinions même si elles vont à contre-courant. La Cour Européenne des Droits de l’Homme a confirmé que : « La liberté d’expression consacrée par l’article 10 [de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme] […] vaut non seulement pour les “informations” ou “idées” accueillies avec faveur ou considérées comme inoffensives ou indifférentes, mais aussi pour celles qui heurtent, choquent ou inquiètent : ainsi le veulent le pluralisme, la tolérance et l’esprit d’ouverture sans lesquels il n’est pas de “société démocratique” » (not. affaire Lehideux c/ France, arrêt du 23 septembre 1998).

Dans un autre arrêt, la Cour a jugé que les autorités de tout pays ont même une obligation« positive » : « créer un environnement favorable pour que participent aux débats publics toutes les personnes concernées, même si leurs opinions et idées sont contraires à celles défendues par ces autorités officielles ou pour par une large partie de l’opinion publique, et même si ces opinions et idées irritent ou offensent le public. »[17]

Mais la pression du lobby crée des précédents dangereux. En Grande-Bretagne, la « définition de travail » a été appliquée sur un campus universitaire, celui de l’université centrale du Lancashire en février 2017. L’université a annoncé l’interdiction d’une « Israël Apartheid Week »car elle aurait « violé la définition gouvernementale de l’antisémitisme »[18].  À l’université de Manchester, Marika Sherwood,survivante de l’Holocauste, a été obligée de changer le titre de sa conférence suite à des pressions de l’ambassade d’Israël[19]. Le danger est donc très réel que cette pression du lobby transforme une mauvaise définition en une « loi » censurant les opinions dérangeantes.

8. Pourquoi le Parlement européen a-t-il capitulé ?

On se demande alors pourquoi le Parlement européen a jugé bon d’approuver une nouvelle définition de l’antisémitisme qui est inexacte, imprécise et insuffisamment protectrice pour l’ensemble des juifs. Peut-être faut-il chercher l’explication outre-Atlantique en écoutant Thomas Friedman ? C’est un des plus influents journalistes US, éditorialiste au NewYork Times et triple lauréat du Prix Pulitzer. C’est un ardent partisan d’Israël et en général des guerres de la mondialisation. Le 13 décembre 2011,il publiait une étonnante chronique dans le NewYork Times : « J’espère que le Premier ministre israélien, Benyamin Netanyahou, comprend que, s’il a été gratifié de l’ovation reçue au Congrès cette année, ce n’était pas pour sa politique. Son ovation a été achetée et payée par le lobby israélien. À chaque visite aux États-Unis d’un Premier ministre israélien,le Congrès l’accueille avec plus de ferveur que le président américain lui-même. »

Et d’où provient ce curieux phénomène ? « Du réseau d’organisations du leadership juif et des comités d’action politique aux États-Unis, tous agressivement pro-israéliens, qui, lors des élections, peuvent fournir des fonds très importants pour ou contre les candidats au Congrès », explique le journaliste anglais Jonathan Cook, basé en Palestine[20]. C’est exact. Chaque membre du Congrès est ainsi très vulnérable. Il risque de perdre de généreux donateurs, mais aussi de se retrouver face à un adversaire généreusement financé. Tout ceci sera confirmé par la caméra cachée du film The Lobby,tourné puis autocensuré par Al Jazeera[21]. Un directeur de ce lobby explique à un jeune stagiaire (qui est en réalité un infiltré avec caméra cachée) : « Les membres du Congrès ne font rien si on ne fait pas pression sur eux, et la seule manière, c’est l’argent. »

Ce phénomèneest-il limité aux seuls États-Unis ou bien l’Europe est-elle également touchée ? On ne peut accuser sans preuves nos honorables europarlementaires. Mais quand on constate qu’ils ont adopté une résolution qui ne tient pas debout car elle contredit les définitions les plus élémentaires du dictionnaire et qu’elle se met à genoux devant les discours de censure du gouvernement Netanyahou, on est obligé de se poser des questions. En envisageant toutes les hypothèses. S’agit-il, en tout cas au sommet de certains partis, d’une résolution « achetée » selon l’expression de Friedman ? S’agit-il de la peur de se voir diabolisé et calomnié en perdant ses chances d’être réélu ? Ou bien est-ce simplement une capitulation devant une campagne qui joue sur la culpabilisation des Européens ?

La seule manière de le savoir serait que ces europarlementaires acceptent le débat public. Ont-ils été manipulés par de fausses informations ? Ont-ils été menacés? Étant des élus, ne devraient-ils pas rendre des comptes à leurs électeurs ? A l’approche des élections européennes de mai 2019, c’est sans doute le moment de les interpeller.

9. Le lobby pro-Israël croit-il à ce qu’il raconte ?

Absolument pas, estime Norman Finkelstein dont les parents sont tous deux rescapés des camps de la mort. Il trouve franchement que ces lobbies exagèrent : « Peut-on sérieusement affirmer que face aux multiples crises nationales et mondiales qui déchirent la société britannique – les sans-logis, la sécurité sociale, le chômage, le Brexit, la prolifération nucléaire, le changement climatique… –, l’antisémitisme occupe une place importante dans les affaires urgentes qui requièrent une attention immédiate ? Ou que les ressources limitées dont dispose la Grande-Bretagne pour lutter contre ces problèmes de vie et de mort devraient plutôt être réorientées vers la lutte contre de vagues futurs scénarios apocalyptiques ? »[22]

C’est un fait. Si l’antisémitisme en Grande-Bretagne était vraiment si terrifiant, de nombreux juifs auraient émigré en Israël ou se prépareraient à le faire. Le raisonnement de Finkelstein paraîtra original, mais en fait il est très perspicace : « La vérité est que les élites juives ne croient pas un seul instant que l’antisémitisme est une question brûlante. S’ils craignaient vraiment qu’il soit un danger clair et présent maintenant ou dans un avenir prévisible, ils ne crieraient pas sur les toits que Corbyn est un « putain d’antisémite ». Car si le Royaume-Uni regorgeait véritablement d’antisémites refoulés, en toute logique, la diffusion de cette accusation ferait de la publicité gratuite à Corbyn, car ce serait une douce musique aux oreilles des électeurs potentiels. Loin de l’endommager, sa diffusion ne pourrait que faciliter la victoire de Corbyn et ouvrir la voie à un second Holocauste. Au contraire, les organisations juives savent très bien que dénigrer Corbyn en tant qu’antisémite réduira considérablement son attrait, car l’antisémitisme ne résonne que parmi les antédiluviens, les troglodytes et les tarés. En d’autres termes, la preuve irréfutable que les lyncheurs de Corbyn ne croient pas un mot de ce qu’ils disent, c’est qu’en le qualifiant d’antisémite, ils espèrent et s’attendent à l’isoler. »[23]

Que cache alors cette campagne hystérique contre Jeremy Corbyn si le lobby ne croit pas lui-même à sa propre accusation d’« antisémitisme » ? La volonté de faire capituler Corbyn pour qu’il abandonne sa solidarité avec le peuple palestinien. S’il ne cède pas, la diabolisation médiatique se déchaînera encore plus fort, sous des formes très diverses et surtout en employant toutes les techniques de manipulation des réseaux sociaux, afin de l’empêcher de devenir Premier ministre. L’objectif réellement poursuivi n’est pas forcément celui qui est officiellement mis en avant.

C’est pourquoi il est important d’analyser (et de démasquer publiquement) les méthodes employées par l’appareil de propagande israélien et ses techniques de diabolisation. Car Corbyn n’est qu’une victime parmi de nombreuses autres. En réalité, toute personnalité qui critique Israël et appelle à la solidarité avec les Palestiniens sera ciblée. Le véritable but du lobby, explique Finkelstein, n’est pas « combattre l’antisémitisme, mais plutôt exploiter la souffrance historique des Juifs dans le but d’immuniser Israël contre les critiques. » Nous y reviendrons.

10. De plus en plus de juifs se détournent du sionisme

Israël et ses lobbies prétendent parler au nom des juifs. De tous les juifs. En réalité, de nombreux auteurs juifs rejettent cette assimilation trompeuse entre « les juifs » et « Israël ». Beaucoup s’opposent à l’existence d’un Etat se définissant comme « juif » et qui exclut les non-juifs ou les condamne à un statut de sous-citoyens. Tout cela, ils le critiquent non parce qu’ils seraient « antisémites » mais parce qu’ils estiment malhonnête de mélanger la lutte contre le racisme anti-juifs et la justification d’une politique de colonisation israélienne qu’ils jugent raciste. On peut citer parmi eux Norman Finkelstein, Rony Brauman, Denis Sieffert, Sylvain Cypel, Daniel Lindenberg, Pierre Stambul, Michel Stazewski, Michel Warschawski, Eric Hazan et bien d’autres…

Même en Israël, on entend de telles critiques. Ainsi, dans le journal sioniste Yediot Ahronot, Susan Becher a publié un article intitulé « Le gouvernement qui crie : Au loup ! » : « La définition de l’antisémitisme par l’IHRA est problématique, car il existe une différence entre la haine des juifs et l’opposition aux politiques du gouvernement israélien. » Et Becher met les juifs en garde : « Si Israël continue à crier « Au loup ! », la communauté juive internationale pourra constater que les alertes justifiées contre l’antisémitisme vont tomber dans l’oreille d’un sourd. Le fait que le gouvernement israélien estompe de façon délibérée la ligne de séparation entre l’antisémitisme et l’opposition à ses politiques, ou même l’opposition au concept d’un État juif, devrait alerter les juifs du monde entier. »[24]

Donc Becher estime qu’Israël fait du tort aux juifs en les assimilant de force à une politique raciste, violente et suscitant de plus en plus de colère. D’ailleurs, elle traite carrément de « chantage » l’opération organisée à Bruxelles contre les europarlementaires, que nous avons analysée au point 8 : « Ce phénomène préoccupant a été illustré lors d’une conférence tenue à Bruxelles ce mois-ci dans une tentative pour obtenir des euro-parlementaires la signature d’un texte basé sur la définition de l’antisémitisme par l’IHRA, avant les élections européennes prévues en mai l’an prochain. Il s’agit de rien moins qu’un chantage politique, puisque tout parlementaire qui montre une réticence devra affronter des accusations d’antisémitisme à un moment où il est particulièrement sensible à la désinformation envers son électorat. Le problème ne réside pas dans la définition elle-même, qui parle essentiellement de la haine envers les juifs. Ce sont les exemples illustratifs qui font problème. Notamment « cibler l’État d’Israël » et « nier le droit du peuple juif à son auto-détermination ». Par ces phrases l’IHRA brouille la distinction entre la haine du peuple juif et l’opposition aux politiques du gouvernement israélien, la notion d’Israël comme État juif ou même l’establishment de l’Etat d’Israël. »

Voilà qui est clair : la ligne officielle d’Israël suscite de fortes inquiétudes y compris dans le camp des partisans d’Israël. Un autre exemple est Kenneth Stern. Qu’on ne suspectera pas d’être mal intentionné puisque ce professeur a donné des cours sur l’antisémitisme et dirige la Fondation Justus & Karin Rosenberg qui travaille à « améliorer la compréhension de la haine et de l’antisémitisme ». Témoignant le 17 novembre 2017 devant la Commission Justice du Congrès US, il y souhaitait que « tout effort pour combattre l’antisémitisme sur les campus soit cohérent avec les valeurs de la liberté académique. (…) Ma crainte est que des groupes extérieurs vont essayer et supprimer – plutôt que d’y répondre – les discours politiques qu’ils n’aiment pas. L’université, les étudiants juifs et la possibilité d’enseigner sur les questions juives vont tous en souffrir. »[25]

En fait, ce que craint Israël ainsi que ses lobbies, ce n’est pas tant les critiques de telle ou telle personnalité, mais c’est surtout de perdre le soutien des citoyens juifs des USA, et particulièrement de la jeune génération. Cette désaffection ne cesse de se renforcer depuis quelques années…

Dès 2013, trois-quarts des jeunes juifs des USA ne croyaient plus que le gouvernement Netanyahou« faisait un effort sincère pour obtenir un accord de paix avec les Palestiniens ». Et les sondeurs analysaient ainsi :« Pour beaucoup, le problème avec Israël n’est pas seulement son Premier ministre actuel, les politiques gouvernementales ou l’occupation depuis 51 ans de la Cisjordanie. C’est Israël lui-même qui les dérange, particulièrement son caractère d’État juif. »[26] Lorsqu’on leur demande quelles valeurs leur semblent les plus importantes pour leur identité juive, près de la moitié (46 %) répondent la Justice sociale, et seulement 20 % le soutien à Israël.

En 2018, seulement 34 % des juifs citoyens des Etats-Unis approuvaient la politique israélienne agressive de Donald Trump (notamment le transfert de l’ambassade US à Jérusalem)[27]. Toujours selon la même agence Pew, 79 % des électeurs républicains sympathisent avec Israël mais seulement 27 % des électeurs démocrates. Cela s’est reflété dans le refus de Bernie Sanders d’aller parler au banquet annuel du lobby AIPAC en 2016, lors de sa campagne pour les primaires présidentielles.

La jeune Emily Mayer explique ainsi ce rejet : « Le soutien à Israël parmi les étudiants juifs a baissé à un étonnant 32 % en 2016. On ne peut ignorer ce fait : ma génération n’a connu Israël qu’en tant qu’occupant qui nie le droit de millions de Palestiniens à un accès à l’eau, des soins médicaux corrects et la capacité d’élire leur propre gouvernement. Soutenir comme un dogme un tel système est une complète impasse pour l’avenir juif que nous souhaitons. »[28]

Tous ces sondages défavorables inquiètent fortement le lobby pro-Israël. Par exemple, Avital Leibovich, directrice de l’American JewishCommitte en Israël : « Une part croissante de la jeune génération (juive) aux USA ressent que l’État d’Israël ne représente plus les valeurs auxquelles ils croient. Cette situation met en danger le soutien des juifs américains à Israël. »[29]

Directrice du ministère israélien des affaires stratégiques (dont nous parlerons un peu plus loin), Mme Sima Vaknin-Gil, a exprimé la même inquiétude : « Nous avons perdu la génération des Juifs nés après l’an 2000. Leurs parents viennent m’expliquer les difficultés qu’ils rencontrent avec leurs enfants durant des dîners de shabbat. [Les plus jeunes] ne reconnaissent pas l’État d’Israël et ne nous voient pas comme une entité à admirer. »[30]

Cette perte a deux conséquences. La première est financière : selon une étude du ministère israélien de la diaspora « 6,35 % de l’économie israélienne est liée aux activités et donations des juifs de la diaspora (…) ce qui signifie qu’en cas d’arrêt des contributions et donations des juifs américains, Israël perdra une source importante de soutien. »[31] La seconde conséquence : si la jeune génération juive ne soutient plus Israël, l’impact du lobby sioniste aux USA s’affaiblira et sans doute aussi le soutien à Israël des États-Unis eux-mêmes.

De tout ceci, les médias dominants ne parlent guère. Si certains donnent parfois la parole à des Israéliens contestataires, la tendance générale est de présenter une communauté juive internationale plus ou moins unanime derrière ce lobby et sa campagne agressive et de mauvaise foi sur « le nouvel antisémitisme ».

D’où l’importance de mettre en évidence les voix juives dissidentes et critiques qui sont en réalité nombreuses mais pas médiatisées. Il est important de souligner que toute personne honnête et un peu informée, qu’elle soit juive ou non, rejette ces politiques de l’élite israélienne. L’élite rassemblée autour de Netanyahou prétend représenter tous les juifs, mais il faut briser ce « monopole ». Et pour cela démasquer la véritable guerre qu’Israël mène contre l’opinion publique internationale…

11. La guerre d’Israël contre l’opinion

D’abord, il convient de souligner qu’Israël et ses lobbies n’attaquent pas seulement des non-juifs. Comme le constate le professeur US Kenneth Stern, spécialiste de la lutte contre l’antisémitisme : « Nous avons vu que certains étudiants (juifs), considérés par d’autres comme« progressistes », et même les étudiants de J-Street qui sont sionistes et contre BDS, ont subi un harcèlement et des menaces par d’autres juifs. En mai dernier, à l’université de California-Irvine, d’anciens soldats des Forces de Défense israéliennes ont visité le campus et un étudiant juif m’a confié s’être fait dire ‘Je ne suis pas un vrai juif, je ne mérite pas d’être juif étant donné que je soutiens les droits des Palestiniens et que je devrais donc enlever ma kippah’. » Également, l’an dernier, à l’université de Santa Barbara, (…) le responsable d’une organisation juive du campus a dit explicitement que les juifs favorables au désinvestissement ne pouvaient s’appeler des juifs. [32] Stern dénonce l’idée « que les juifs antisionistes devraient avoir moins de protection que les juifs sionistes. »

Stern a raison. La mauvaise foi de l’appareil de propagande israélien va très loin : ainsi, les écrivains juifs – Noam Chomsky en tête- qui critiquent la colonisation et l’apartheid sont étiquetés comme étant des « self hating Jew » (juifs s’auto-détestant), qui au fond seraient également des antisémites. Ridicule !On préfère recourir à de la psychiatrie à deux balles plutôt qu’avouer que la politique israélienne mérite un débat et mérite en fait d’être condamnée.

Vu toutes ces incohérences et cette mauvaise foi, il est temps de s’interroger. Non seulement sur les « arguments » employés dans cette campagne antisémitisme, mais aussi sur les méthodes employées pour la répandre : comment réussit-elle à envahir et dominer Internet ? Les gens naïfs peuvent avoir l’impression que toutes ces calomnies diffusées sur les réseaux sociaux tombent du ciel. Qu’il s’agit d’initiatives spontanées de telle ou telle personne ou de petits groupes mus par leurs convictions sincères. Pas du tout. Il s’agit d’une opération globale, menée à l’échelle mondiale et très coordonnée. A Tel-Aviv. Par qui ? Par le très discret ministère des Affaires stratégiques, qui dépend directement du Premier ministre Benyamin Netanyahou.

Ce ministère des Affaires stratégiques coordonne un programme (secret au départ) du gouvernement et de l’armée. Des dizaines de millions de dollars. Des experts sans scrupules. Plusieurs milliers de jeunes soldats et des étudiants fanatisés, payés deux mille dollars par mois pour un travail de quelques heures par semaine. Leur mission : inonder Internet en permanence, manipuler Wikipedia, censurer Youtube, trafiquer Google.[33] Pour éviter toute accusation de complotisme, nous citerons ici uniquement les responsables eux-mêmes de cet appareil de propagande israélien. De leurs déclarations ci-dessous ressortent une série de leçons extrêmement importantes pour la riposte contre la diabolisation.

Voici d’abord un échantillon des instructions donnée par les stratèges de cette campagne israélienne : « Les responsables de la délégitimation (d’Israël) devraient être combattus comme dans une guerre. Ils devraient être ciblés et combattus, et non affrontés sur le plan intellectuel ; et il faut recourir à tous les moyens encore jamais utilisés auparavant. »[34] Leçon n°1 : Fuyez la discussion et calomniez ! Se sachant à court d’arguments sur les faits, et certain de perdre le débat,  l’appareil de propagande israélien recommande à ses agents de ne pas discuter sur les faits.

Très révélatrice également, cette instruction du général Eitan Dangot, coordinateur de la politique israélienne dans les territoires occupés : « La guerre contre la délégitimation et l’opinion publique n’est pas plus facile que celle que l’on mène sur le champ de bataille. »[35]  Leçon n° 2 : c’est bien contre l’opinion que se mène cette guerre, et elle est prise en mains par l’armée elle-même.

Pour éviter d’être démasqués, les programmes changent de nom et se succèdent. L’un d’eux s’appelait Camera, son objectif était de « retourner » Wikipedia à l’avantage d’Israël et en 2008, un des ses responsables, Gilead Ini, recommandait à son équipe de manipulateurs : « Évitez de choisir un nom qui vous marque comme pro-Israël, évitez que les gens connaissent votre véritable nom. »[36] Leçon n° 3 : le secret. Toujours éviter un débat perdu d’avance.

Ce ministère opère de façon illégale à l’extérieur et l’un de ses responsables confie toujours dans le film The Lobby « Nous sommes un gouvernement qui travaille sur un territoire étranger et nous devons être très, très prudents. » Leçon n° 4 : c’est bien une opération internationale, étatique et illégale.

Avec quelles méthodes ? Essentiellement, jeter de la boue. Directeur exécutif du Comité d’urgence pour Israël (ECI), M. Noah Pollak synthétise, toujours dans le même film, la méthode employée face aux critiques : « Pour discréditer le message, il faut discréditer le messager. Quand vous évoquez BDS, vous devez dire que c’est un groupe qui prône la haine, la violence contre les civils. C’est-à-dire qu’il soutient le terrorisme. » Leçon n° 5 : sans aucune morale, ces agents mentent délibérément pour discréditer le messager.

Et comment ? Alain Gresh qui a exposé en France le contenu du fameux film interdit, l’explique : « Pour« discréditer le messager », il faut accumuler des informations variées, qui vont de sa vie privée à ses activités professionnelles, en passant par ses convictions politiques. Le lobby pro-israélien a instauré ces dernières années un réseau d’espionnage. « Nos opérations de recherche, s’enorgueillit M. Baime, disposent d’une technologie de pointe. Quand je suis arrivé, il y a quelques années, notre budget était de quelques milliers de dollars ; il est aujourd’hui de 1,5 million, sans doute 2. Je ne sais même pas ; c’est énorme. » Mais ses amis et lui tiennent à rester « invisibles » :« Nous faisons cela de manière sécurisée et anonyme ; c’est la clé. »[37] Leçon n° 6 : les budgets sont énormes et il est très difficile, voire impossible, pour un individu ou un petit groupe de défendre son honneur.

Cet appareil agit « de manière sécurisée et anonyme » et voilà pourquoi les gens non avertis peuvent croire que les calomnies sont des phénomènes isolés qui proviennent de gens sincères. Mais que se passe-t-il si les espions n’ont rien trouvé d’intéressant ? Alors cet appareil recourt au bon vieux « Mentez, mentez, il en restera toujours quelque chose ». Il répand sur la « cible » des rumeurs. Non seulement sur la question d’Israël, mais aussi sur d’autres thèmes où il peut jeter de la confusion. Par exemple, si un journaliste ou un écrivain s’oppose à la guerre conte l’Irak, contre la Libye ou la Syrie, on déformera sa position en prétendant qu’il soutient ces dictateurs, voire en insinuant qu’il est payé par eux. Et l’appareil fera passer ce message à travers plusieurs intermédiaires qui semblent indépendants. D’ailleurs, un des responsables de l’appareil de propagande israélien démasqué dans le film The Lobby confirme la méthode employée : « Avec les anti-Israéliens, le plus efficace est de faire des recherches sur eux, que vous mettez en ligne sur un site Web anonyme et que vous diffusez par des annonces ciblées sur Facebook. » Leçon n° 7 : l’appareil central utilise de nombreuses couvertures.

Ces rumeurs sont complètement fausses ? Peu importe, en les répandant de plusieurs côtés, on créera un effet de masse : « Il n’y a pas de fumée sans feu » et les gens qui n’ont pas le temps de vérifier se détourneront par « prudence », sans se rendre compte qu’ils ont été manipulés. Le but est aussi de placer la « cible » sur la défensive, de l’obliger à gaspiller son énergie dans des polémiques absurdes ou des procès coûteux.

Bref,quand votre nom se retrouve associé à « antisémitisme » sur Google alors que jamais de votre vie, vous n’avez commis le moindre acte ou la moindre parole de ce genre, cela ne tombe pas du ciel, c’est le résultat d’une opération coordonnée à Tel-Aviv.

Entre 2009 et 2011, ces efforts de propagande israéliens ont été menés en ordre dispersé par de petits groupes. Depuis, l’État a pris l’affaire en mains avec d’énormes budgets. Sima Vaknin-Gil, directrice générale du ministère des Affaires stratégiques, le reconnaît : « En ce qui concerne la collecte de données, l’analyse de l’information, le travail sur les organisations militantes, la piste de l’argent, c’est quelque chose que seul un pays, avec les ressources dont il dispose, peut faire au mieux. (…) Le fait que le gouvernement israélien ait décidé d’être un acteur-clé signifie beaucoup, parce que nous pouvons apporter des compétences que ne possèdent pas les organisations non gouvernementales impliquées dans cette affaire. Nous sommes le seul acteur du réseau pro-israélien à pouvoir combler les lacunes. (…) Nous avons le  budget, et nous pouvons mettre sur la table des choses bien différentes. » Et elle menace : « Tous ceux qui ont quelque chose à voir avec BDS doivent s’interroger à deux fois : est-ce que je dois choisir ce camp ou bien l’autre ? »[38]

Il faut espérer que ces déclarations cyniques et révélatrices aideront à ouvrir les yeux. Il y a encore beaucoup trop de naïveté parmi les progressistes :« Ils n’oseraient quand même pas faire ça ! » Eh bien, si. Pour défendre la marque Israël, gravement discréditée par tant de crimes, la seule arme qui leur reste, c’est le chantage à l’antisémitisme, avec une calomnie organisée et massive. Discréditer le messager afin qu’on ne discute pas sur le message.

12. L’accusation d’ « antisémitisme » est la seule arme qui leur reste

Pourquoi cet appareil se montre-t-il si agressif et si acharné ? Parce que l’élite israélienne est inquiète. Elle craint de perdre la bataille pour l’opinion internationale, comme les États-Unis l’ont un jour perdue à propos de la guerre du Vietnam. Elle constate, on l’a vu, que les juifs des États-Unis, particulièrement la jeune génération, se détournent d’Israël.

Mais les Européens aussi ont rompu avec la belle image d’Israël créée par un marketing sophistiqué. Elle a été démentie par les faits qui grâce à Internet circulent beaucoup plus librement. Dès 2003, un sondage de la Commission européenne indiquait que pour 59 % des sondés Israël représentait « la première menace pour la paix dans le monde ».[39]

Les agressions commises contre Gaza et d’autres crimes ont aggravé cette perception. En mai 2018, une enquête réalisée par l’IFOP à la demande de l’Union des étudiants juifs de France[40] révèle une dégradation sensible de l’image d’Israël en France :

 – 57 % des sondés ont une « mauvaise image d’Israël »;

– 69 % une « mauvaise image du sionisme »;

– 71 % pensent qu’ « Israël porte une lourde responsabilité dans l’absence de négociation avec les Palestiniens »;

– 57 % jugent qu’ « Israël constitue une menace pour la stabilité régionale »…

– 50 % considèrent le  sionisme comme « une idéologie raciste ».

Mauvais bulletin ! Cependant, il subsiste une confusion puisque 54 % considèrent encore que « l’antisionisme constitue une forme d’antisémitisme ». C’est contradictoire : comment pourrait-on être raciste envers une idéologie raciste ? Mais cela  révèle l’impact de la propagande « antisémitisme » menée par les élites politiques et médiatiques françaises.

Ce point est crucial. Voilà précisément le verrou psychologique qu’il s’agit de faire sauter : ce fameux chantage à l’antisémitisme. C’est la toute dernière arme qui reste à Israël : calomnier ceux qui révèlent les faits, diaboliser les lanceurs d’alerte et culpabiliser le public.

Alors, comment contrer ce chantage manipulateur ? À mon avis,il est très important de faire savoir que la communauté juive n’est pas unie derrière Israël et sa campagne « antisémitisme ». Donner la parole aux autres courants présents dans cette communauté. Briser le monopole du lobby sioniste dans le flux des infos et opinions. Et appeler toutes les organisations progressistes et antiracistes à ne plus craindre d’organiser ce débat.

De façon plus générale, il convient de coordonner davantage les efforts de tous ceux qui informent sur Israël, souvent très bien, mais de façon dispersée. Créer des campagnes communes. Développer des recherches et des publications sur l’histoire réelle de la Palestine. Traduire davantage les documents publiés dans d’autres langues. Créer un observatoire de la censure et de la désinformation…

Dès les années 70, avec le procès Eichmann, Israël a essayé de se faire passer pour le refuge des juifs menacés par de nouveaux Hitler. Mais çan’a pas marché. « Cet échec, conclut l’historien et journaliste israélien Tom Segev, engendra une grande confusion idéologique (en Israël). Il fallut donc renforcer l’idéologie sioniste par de sombres prédictions sur l’avenir de la communauté juive mondiale, évoquant la menace d’un nouvel holocauste. »[41]

L’actuelle campagne de chantage à l’antisémitisme est en fait la dernière arme qui reste à l’appareil de propagande d’Israël, tout le reste a été démenti par les faits. Si nous parvenons à neutraliser cette dernière arme,alors la voie est ouverte : tous les citoyens honnêtes et informés rejetteront entièrement la politique de Netanyahou pour exiger la paix et la justice. La solidarité concrète pourra se renforcer avec le boycott BDS. Un tel mouvement a fort contribué à faire plier le régime sud-africain d’apartheid dans les années 90 et il peut réussir à nouveau. Mais ceci implique de ne plus céder aux chantages et de contre-attaquer en exposant l’espionnage, les calomnies et les chantages du lobby.

Il faut montrer que la définition du « nouvel antisémitisme » est inexacte et dangereuse : les juifs ne sont pas protégés mais au contraire mis en danger par Israël. Il faut mettre fin à la police de la pensée, mettre fin au monopole et à l’actuelle chasse aux sorcières.


 

Source: Investig’Action

Photo: Alisdare Hickson


NOTES:

[1] Hugh Tomlinson, In the matter of theadoption and potential application of the International Holocaust RemembranceAlliance working definition of antisemitism. COMPLETER

[2] Hugh Tomlinson, In the matter of the adoption and potential application of the International Holocaust Remembrance Alliance working definition of antisemitism. Point 10. (communication personnelle)

[3] Daniel Blatman, The Isr aeli Lawmaker Heralding Genocide against palestinians, Haaretz 23 mai 2017.

[4] Discours à la Commémoration du 75ème anniversaire de la Rafle du Vel d’Hiv, 16 mars 2017.

[5] Philippe Huysmans, Les voleurs de mots, Le vilain petit canard, 1er décembre 2018.

[6] France 3, 8 novembre 2018.

[7] Mosché Machover, An immoral dilemma : the trap of Zionist propaganda, Journal of Palestine Studies, été 2018, p. 69.

[8] Zionism defines, Zionism on the Web, 2005.

[9] Photocopie d’une lettre manuscrite dans Bejtullah Destani, The Zionist Movement and the Foundation of Israël, 1839-1972, Farnham Common Archives 2004, p. 727.

[10] Alfred Naquet, « Drumont et Bernard Lazare », La Petite République » 24 septembre 1903.

[11] Reinhard Heydrich, Des Schwarze Korps, 26 septembre 1935.

[12] Michel Collon, Sionisme et antisémitisme, vidéos 1 et 2, 9 et 18 septembre 2018.

[13] Ygal Elam, New assumptions fo the new Zionism, revue Ot, hiver 1967.

[14] Francis Dubuisson, Vers une criminalisation de la critique de la politique d’Israël ?, Cahiers du Libre Examen – ULB, mars 2006.

[15] Hugh Tomlinson, In the matter of the adoption and potential application of the International Holocaust Remembrance Alliance working definition of antisemitism. Point 19.

[16] Hugh Tomlinson, In the matter of the adoption and potential application of the International Holocaust Remembrance Alliance working definition of antisemitism. Point 13.

[17] Cour européenne des droits de l’homme, arrêt du 14 septembre 2010, condamnant la Turquie à propos de la non-protection du journaliste assassiné Hrant Dink.

[18] The Times of Israël, 21 février 2017.

[19] UK university censors title of Holocaust survivor’s speech criticising Israël, 29 septembre 2017.

[20] Michel Collon, USA, les 100 pires citations, Investig’Action, 2018, citation 91.

[21] https://www.aljazeera.com/investigations/thelobby/

[22] http://normanfinkelstein.com/2018/08/25/finkelstein-on-corbyn-mania/

[23] http://normanfinkelstein.com/2018/08/25/finkelstein-on-corbyn-mania/

[24] Susie Becher, The government that cried ‘wolf ‘, yetnews, 31 novembre 2018.

[25] Témoignage écrit pour l’audition du 7 novembre 2017 examinant l’antisémitisme sur les campus.

[26] Pew Research Center, 1er octobre 2013.

[27] AJC Comparative Surveys of Israeli, U.S. Jews Show Some Serious Divisions, 10 juin 2018.

[28] https://www.haaretz.com/opinion/.premium-progressives-welcome-aipac-is-all-just-gaslighting-1.5871623

[29] AJC Comparative Surveys of Israeli, U.S. Jews Show Some Serious Divisions, 10 juin 2018.

[30] Alain Gresh, Lobby israélien, le documentaire interdit, Monde Diplomatique, septembre 2018.

[31] https://gulfnews.com/opinion/op-eds/are-american-jews-losing-interest-in-israel-1.2275678

[32] Témoignage écrit pour l’audition du 7 novembre 2017 examinant l’antisémitisme sur les campus.

[33] Michel Collon, Comment Internet manipule Internet et l’opinion, https://www.investigaction.net/fr/comment-israel-manipule-internet-et-lopinion/

[34] Résumé de la onzième conférence de Herzliya, herzliafonerence.org, cité par Ilan Pappé, La Propagande d’Israël, Investig’Action, 2016, p. 429.

[35] Eitan Dangot, Strategies for Countering Delegetimisation and for Shaping Public Perceptions, panel discussion Netanay Academic College, 16 avril 2012.

[36] Emails interceptés et publiés par Electronic Intifada, 21 avril 2008.

[37] Alain Gresh, Lobby israélien, le documentaire interdit, Monde Diplomatique, septembre 2018.

[38] Cité dans Alain Gresh, Lobby israélien, le documentaire interdit, Monde Diplomatique, septembre 2018.

[39] Institut Gallup, octobre 2003.

[40]Les Français et l’image d’Israël, sondage IFOP pour l’UEJF,14 mai 2018. Le sondage n’est plus disponible sur la page IFOP, mais bien sur le site La règle du jeu.

 

[41] Tom Segev, Les premiers Israéliens, Calmann-Lévy, 1998, p. 140.

 

Source : https://www.investigaction.net/fr/antisemitisme-pourquoi-y-a-t-il-deux-definitions/

Commentaires: 1
  • #1

    patrick tiso (lundi, 25 février 2019 18:38)

    Le fait d'amalgamer le judaïsme, avec le sionisme est particulièrement grave, le sionisme, depuis plus de soixante-dix ans, a persécuté le peuple palestinien, détruisant les villages, tuant les femmes, les personnes âgées et les enfants, actuellement la plupart de la population française est d'origine maghrébine, ce qu'ils font est criminel, car les juifs d'Europe payeront, pour les crimes qui ne sont pas les leurs.