BRICS

 

Neuf pays supplémentaires deviennent partenaires des BRICS au 1er janvier 2025

Source : Le Saker francophone - Le 25/12/2024.

Par Russia Today – Le 23 décembre 2024

Neuf pays rejoindront officiellement les BRICS en tant qu’États partenaires en janvier, a déclaré le conseiller présidentiel russe, Iouri Ouchakov, ajoutant que le groupe économique était ouvert à des partenaires partageant les mêmes idées.

Le nouveau statut de « pays partenaire » a été approuvé lors du sommet des BRICS en octobre, organisé par la Russie à Kazan, et doit servir d’alternative à l’adhésion après que plus de 30 nations ont demandé à rejoindre l’organisation. Ce statut prévoit une participation permanente aux sessions spéciales des sommets des BRICS et aux réunions des ministres des affaires étrangères, ainsi qu’à d’autres événements de haut niveau. Les partenaires peuvent également contribuer aux documents finaux du groupe.

 

Lors d’une conférence de presse tenue lundi, Ushakov a souligné l’importance de l’approbation du statut d’État partenaire, précisant que la Biélorussie, la Bolivie, l’Indonésie, le Kazakhstan, la Thaïlande, Cuba, l’Ouganda, la Malaisie et l’Ouzbékistan deviendront officiellement des partenaires des BRICS à partir du 1er janvier. La confirmation de quatre autres pays, qui ont également été invités à devenir des États partenaires, est attendue dans un avenir proche.

Les BRICS comprenaient initialement le Brésil, la Russie, l’Inde, la Chine et l’Afrique du Sud. Ils ont été élargis au début de l’année pour inclure l’Égypte, l’Iran, l’Éthiopie et les Émirats arabes unis.

L’Arabie saoudite a suspendu son processus d’adhésion aux BRICS parce que les « procédures internes » nécessaires pour devenir un membre à part entière n’ont pas encore été achevées, selon Ushakov, citant des représentants de Riyad.

Le conseiller du Kremlin a souligné que 35 demandes d’adhésion aux BRICS, sous un statut ou un autre, avaient été reçues avant le sommet de Kazan. « Certains pays souhaitaient bénéficier immédiatement d’une participation à part entière, tandis que d’autres voulaient participer à des événements particuliers en tant qu’observateurs », a-t-il expliqué.

À l’heure actuelle, plus d’une vingtaine de pays manifestent leur intérêt pour une coopération avec les BRICS, selon Ushakov. Il s’agit de l’Azerbaïdjan, du Bangladesh, de Bahreïn, du Burkina Faso, du Venezuela, du Honduras, du Zimbabwe, du Cambodge, de la Colombie, de la République du Congo, du Laos, du Koweït, du Maroc, du Myanmar, du Nicaragua, du Pakistan, de la Palestine, du Sénégal, de la Syrie, du Tchad, du Sri Lanka, de la Guinée équatoriale et du Sud-Soudan.

Ushakov a souligné que le rôle des BRICS dans la politique internationale s’accroît. Le groupe a également renforcé son autorité dans le domaine de l’économie et de la finance, ainsi que dans la réponse aux défis climatiques et le renforcement de la sécurité alimentaire et énergétique mondiale.

RT

Traduit par Wayan, relu par Hervé, pour le Saker Francophone.

 

Les obstacles à venir pour le monde multinœudal souverain harmonieux

Source : RzO International - Le 03/11/2024. 

par Pepe Escobar

Il nous faudra des semaines, des mois, des années pour saisir pleinement l’énormité de ce qui s’est passé à Kazan lors du sommet annuel des BRICS sous présidence russe. Pour l’instant, chérissons sans doute la définition la plus appropriée des BRICS en tant que laboratoire du futur : Ce laboratoire, contre des obstacles presque insurmontables, est activement engagé dans la création d’un monde multinœudal souverain harmonieux.

Bien sûr, les défis sont immenses. Dans son évaluation post-BRICS, le vice-ministre des Affaires étrangères Sergueï Ryabkov – le plus haut sherpa russe tout au long de l’année, avec une performance impeccable – a souligné le «caractère inacceptable des sanctions unilatérales illégitimes appliquées par le groupe occidental contre de nombreux membres des BRICS, liant les sanctions à l’agenda climatique et aux droits de l’homme».

Ce n’est qu’un des nombreux sujets de discorde que les BRICS insistent pour qu’ils soient abordés dans le cadre d’une – possible ? – une réforme en profondeur du système actuel des relations internationales.

La Déclaration de Kazan, extrêmement détaillée – et assez polie – qui décrit tout ce qui doit être réformé, n’a peut-être pas été assez énergique pour apaiser la colère croissante et les craintes éternelles exprimées sans relâche par la majorité mondiale.

Les critiques selon lesquelles la Déclaration de Kazan ne fait que reproduire à bien des égards le bla bla bla argenté colporté par le G7 et le G20 (dont le sommet, le mois prochain à Rio, est en fait détourné par le G7) se poursuivent.

Pour un certain nombre de raisons, y compris des désaccords internes, les BRICS – définis par le président Poutine non pas comme un groupe «anti-occidental» mais comme un groupe «non occidental» – procèdent avec une extrême prudence pour ne pas contrarier directement ce dangereux animal acculé qu’est l’Hydre de «l’ordre international fondé sur des règles». La Déclaration de Kazan n’est pas un document révolutionnaire ; il s’agit plutôt d’une lettre d’intentions pour l’ensemble des pays du Sud.

Cela ne va pas à l’encontre de la «gouvernance mondiale» et du «rôle central de l’ONU» – même si l’ONU a été réduite à une coquille vide, contrainte par ses accords douteux avec le Forum économique mondial (FEM), l’OMS et l’OTAN.

Cela ne va pas à l’encontre du rôle de premier plan du FMI dans la finance mondiale.

Cela ne va pas à l’encontre de l’Agenda 2030 de l’ONU – rédigé par le WEF et le gang de Davos – pour le développement durable soutenu par des «actionnaires» flous, un euphémisme pour Big Pharma, Big Tech et Big Banking.

Cela ne va pas à l’encontre de l’OMS et de son «rôle central de coordination» dans la consolidation du «système international de prévention, de préparation et de réponse aux pandémies» – alors que la prochaine pandémie pré-planifiée/prévue est juste au coin de la rue.

Et cela ne va pas à l’encontre du redoutable Pacte de l’ONU pour l’avenir, qui est essentiellement la mise en œuvre douce de la Grande Réinitialisation écrite par Davos.

Le laboratoire teste des modèles sans relâche

Ce qui doit être scruté à partir de maintenant, c’est le processus du «diable dans les détails» qui consiste à établir les faits sur le terrain – comme le président Poutine à Kazan suggérant une nouvelle plate-forme de financement des BRICS en contournant le FMI et la Banque mondiale. C’est ce que signifie en pratique la mise en place d’un système post-Bretton Woods.

C’est encore loin. Kazan n’est que la gare de départ du voyage. Lorsque le train à grande vitesse BRICS+ y arrivera – les 9 actuels, plus l’Arabie saoudite encore indécise, plus les 13 nouveaux partenaires – il sera impératif de former un secrétariat des BRICS et de développer une politique conjointe et intégrée de développement économique, de commerce et de défense.

Et puis, sans doute au cours de la prochaine décennie, les BRICS pourraient enfin se mettre d’accord sur une nouvelle monnaie de réserve – qui pourrait être appelée la monnaie virtuelle des BRICS -, assez similaire au mécanisme des DTS (droits de tirage spéciaux) du FMI, mais totalement indépendant du FMI et du dollar américain : une monnaie basée sur la moyenne pondérée de toutes les monnaies de tous les pays BRICS.

Yaroslav Lissovolik est un analyste de renom de l’évolution des BRICS depuis la dernière décennie. Lors d’un déjeuner de travail à Moscou il y a près de six ans, il m’a offert une présentation concise de son idée de créer une monnaie BRICS appelée 5R – alors basée sur le rouble, le renminbi, le real, la roupie et le rand.

Lissovolik a noté comment les BRICS à Kazan ont exprimé leur soutien à l’OMC «en tant que cœur d’un système commercial multilatéral fondé sur des règles».

Les BRICS ont également exprimé leur soutien au FMI «qui est au centre du filet de sécurité financière mondial de l’économie mondiale» – tout en demandant «d’élargir la part et la représentation des pays du Sud» (qui tombera dans l’oreille d’un sourd hégémon). Les BRICS soutiennent également le G20 (voyons ce qui se passera en pratique lors du sommet de Rio le mois prochain).

En ce qui concerne la NDB – la banque des BRICS basée à Shanghai – c’est maintenant là que l’action devrait être. Lissovolik a noté que les BRICS font les bons pas : demander une plus grande utilisation par la NDB des monnaies nationales (pour l’instant, il s’agit d’un pitoyable moins de 30%) ; et l’inciter à attirer plus de membres et à financer plus de projets dans les pays du Sud.

En ce qui concerne l’arrangement de réserve d’urgence (CRA) des BRICS, Lissovolik note à juste titre qu’il y a encore trop à faire. L’ARC, comme l’a souligné la déclaration conjointe des ministres des Finances et des gouverneurs des banques centrales des BRICS publiée une semaine avant Kazan, offre un soutien financier «en période de crise de la balance des paiements et préserve leur stabilité économique». Ce que les BRICS doivent faire, rapidement, c’est incorporer toutes les devises des 9 membres dans le panier.

Enfin, il y a le Graal : les colonies transfrontalières. Comme je l’ai examiné ici – et c’était évident à Kazan – les BRICS en sont encore au stade de la discussion et de l’essai de modèles. Ils sont tous sur la table maintenant – et un certain nombre d’entre eux seront testés dans les prochains mois.

Lissovolik a souligné trois «pistes» qui devraient s’accélérer le plus rapidement possible : la libéralisation du commerce (en cours) ; la monnaie unique des BRICS (encore loin) ; et «la coopération entre les banques centrales des économies des BRICS dans le domaine de l’interopérabilité des CBDC» (le ministère russe des Finances est en avance sur tout le monde ; des percées sont attendues prochainement).

Bienvenue sur la Nouvelle Route de la Soie Nord-Sud des BRICS

Les grandes percées des BRICS concernent la géoéconomie, toutes tournant autour des corridors de connectivité.

Tout d’abord, le Corridor international de transport Nord-Sud (INSTC) : multimodal (navire, rail, route) ; 7200 km de long ; sillonnant l’Eurasie, reliant de facto la Baltique – et l’Arctique – via la Caspienne au golfe Persique et à l’océan Indien.

Stratégiquement, l’INTSC relie non seulement les trois principaux BRICS – la Russie, l’Iran et l’Inde – mais aussi l’Arménie, l’Azerbaïdjan, le Kazakhstan, le Kirghizistan, le Tadjikistan, la Turquie, l’Ukraine (après-guerre), la Biélorussie, Oman et la Syrie, avec la Bulgarie en tant que membre observateur. L’INSTC s’articulera autour de trois axes majeurs : l’Occident (Russie-Azerbaïdjan-Iran) ; Transcaspienne (via les ports russes d’Astrakhan et de Makhatchkala) ; et orientale (Russie-Kazakhstan-Turkménistan-Iran par chemin de fer).

Appelez-la la Nouvelle Route de la Soie Nord-Sud des BRICS. Il n’est pas étonnant que Poutine à Kazan ait désigné l’INTSC – avec la Route de la soie arctique (c’est la dénomination chinoise) – comme les deux principaux corridors de liaison en développement de l’avenir. L’INSTC n’autorisera que le temps de transit du fret de 15 à 24 jours, contre 45 à 60 jours via le canal de Suez.

Ensuite, il y a le corridor de transport est-ouest – englobant la Russie, la Chine, la Mongolie, la Corée du Nord et le Kazakhstan, basé principalement sur le chemin de fer transsibérien de 10 000 km de long, qui sera bientôt modernisé. Et bien sûr, la route des steppes mongoles, prévue il y a dix ans et destinée à inclure une autoroute Russie-Chine de 997 km de long.

En plus de ces trois corridors, la Russie veut façonner une variante : un corridor de transport de l’Eurasie centrale de la Russie à la Mongolie et au Xinjiang en Chine, en fait la modernisation du chemin de fer transmongol, une branche du Transsibérien qui commence en Russie près d’Oulan-Oude, sur les terres des Bouriates.

La route maritime du Nord – la terminologie russe pour désigner la Route de la soie arctique – est en train de faire paniquer la sphère de l’OTAN et son Conseil nordique, qui sont, comme on pouvait s’y attendre, bien en retard sur Moscou dans le développement de l’infrastructure arctique et uniquement obsédés par la militarisation.

Poutine n’a pas cessé d’insister sur les efforts fédéraux russes en faveur de la construction et de la modernisation d’aéroports, de ports et de défense aérienne dans l’Arctique, ainsi que sur l’augmentation étonnante de la taille – et de la portée – de la flotte russe de brise-glaces nucléaires et diesel, ainsi que sur le lancement de systèmes de surveillance de l’Arctique basés dans l’espace.

Enfin, les partenaires de la Russie dans les BRICS ont été fortement encouragés à participer à des projets de coopération économique et scientifique dans l’Arctique.

En bref, le laboratoire de Kazan a établi plusieurs feuilles de route géoéconomiques et prend sérieusement en compte les inévitables obstacles. Ce qui compte, c’est que le train à grande vitesse ait déjà quitté la gare de Kazan ; Il ne s’agit plus que d’atteindre une vitesse inexorable et irréversible.

Pepe Escobar

source : Strategic Culture Foundation via Les Semeurs

A Kazan, l'ordre du Monde à basculé

 

Source : RzO Voltaire - par Thierry Meyssan - Le 28/10/2024.

 

Le sommet des BRICS à Kazan a marqué la fin de la domination du G7 sur le monde. Les règles anglo-saxonnes qui organisaient les relations internationales seront progressivement remplacées par les engagements pris par chacun qui devront désormais être respectés. Cette révolution nous ramène aux tentatives de la Russie et de la France, en 1899, de fonder un droit international, mises à mal par la Conférence de l’Atlantique et le duopole États-Unis/Royaume-Uni.

 

Les neuf chefs d’État et de gouvernement des États membres des BRICS+.

Le XVI° sommet des BRICS élargis s’est tenu à Kazan (Russie), du 22 au 24 octobre 2024 [1]. Outre les neuf chefs d’État et de gouvernement déjà membres de cette organisation, onze autres y ont assisté, et une vingtaine d’États supplémentaires ont déposé leur demande d’adhésion.

Cet évènement est l’aboutissement de la stratégie initiée en 2009 par le président brésilien, Luiz Inácio Lula da Silva, le président du gouvernement russe, Vladimir Poutine, le Premier ministre indien, Manmohan Singh, et le président chinois, Hu Jintao. Ces quatre hommes avaient imaginé des relations internationales, fondées sur la charte des Nations unies, permettant à chaque pays de se développer. Il ne s’agissait pas pour eux de se dresser contre l’impérialisme occidental du G8 (dont la Russie était membre jusqu’au coup d’État occidental du Maïdan), mais d’explorer une autre voie, sans les Anglo-Saxons.

Vladimir Poutine a joué un rôle central dans la création de cet organe de coopération économique comme le tsar Nicolas II l’avait joué dans l’invention du droit international, en 1899 [2]. C’est lui qui a organisé le premier sommet à Iekaterinbourg, même si c’est le président Dmitri Medvedev qui y représentait la Russie.

Dans une interview à l’occasion du sommet de Kazan, Vladimir Poutine, citant les propos du Premier ministre indien, Narendra Modi, a réaffirmé que « les BRICS ne sont pas une organisation antioccidentale, mais non-occidentale ».

Dans leur déclaration finale, les chefs d’État et gouvernement abordent quatre sujets distincts [3] :
 Le multilatéralisme ;
 La coopération pour la stabilité et la sécurité ;
 La coopération économique et financière ;
 Les échanges interpersonnels.

LE MULTILATÉRALISME

 

Après avoir observé que, indépendamment des centres de pouvoirs occidentaux, de nouveaux centres émergent. Ils réaffirment leur attachement à la Charte des Nations unies à la rédaction de laquelle tous participèrent, sauf les Émirats arabes unis qui n’étaient pas encore indépendants. Puis ils plaident pour une réforme de l’ONU et de ses agences afin que ses institutions s’adaptent au monde actuel et intègrent les nouveaux pouvoirs. S’ils ne donnent aucune date pour une réforme du Conseil de sécurité et du FMI, ils fixent l’horizon 2025 pour obtenir celle de l’Organisation mondiale du Commerce (OMC) et celle du conseil d’administration de la Banque internationale pour la reconstruction et le développement (BIRD) .

 

Ils qualifient les « mesures coercitives unilatérales », c’est à dire les « sanctions » prises hors du Conseil de sécurité, comme « illégales », qu’elles soient politiques ou économiques.

Ils appuient les travaux du Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC), mais ne se prononcent pas sur les conclusions que les Occidentaux en tirent. Ils se disent profondément préoccupés par les tentatives visant à lier la sécurité au programme relatif aux changements climatiques. Plus loin dans le texte (§ 83), ils condamnent l’usage du prétexte climatique pour imposer des mesures protectionnistes unilatérales, punitives et discriminatoires. En outre, ils soutiennent les coopérations en matière de lutte contre les gaz à effet de serre, conformément à l’article 6 des accords de Paris (§ 85). Rappelons que l’académie des Sciences de Russie récuse l’interprétation anthropocentrique occidentale des changements climatiques.

 

Ils s’engagent à promouvoir et à protéger les droits de l’homme, y compris le droit au développement, et les libertés fondamentales dans le cadre des principes d’égalité et de respect mutuel. Identiquement, ils s’engagent à intensifier la lutte contre le racisme, la discrimination raciale, la xénophobie et l’intolérance qui y sont associées, ainsi que la discrimination fondée sur la religion, la foi ou la conviction, et toutes leurs formes contemporaines dans le monde, y compris les tendances alarmantes de l’augmentation des discours haineux.

LA COOPÉRATION POUR LA STABILITÉ ET LA SÉCURITÉ

 

Ils s’entendent sur une position commune face aux conflits actuels non sans avoir fait référence à la résolution 2686 (2023) du Conseil de sécurité (qui dénonce les discours d’intolérance et de haine) et à la résolution 46/182 (1991) de l’Assemblée générale des Nations Unies (sur l’aide humanitaire d’urgence). De même, ils rappellent la nécessité de respecter les préoccupations légitimes et raisonnables en matière de sécurité de tous les pays.

Suit une longue liste de prises de position.

• Gaza (§ 30)
Ils soulignent qu’il est urgent d’instaurer un cessez-le-feu immédiat, global et permanent dans la bande de Gaza, de libérer immédiatement et sans condition tous les otages et détenus des deux parties qui sont détenus illégalement en captivité et de fournir de l’aide humanitaire durable et à grande échelle, et de mettre fin à toutes les actions d’agression. Ils soutiennent cependant la solution à deux États (initialement le plan colonial de Lord Peel) qui leur paraît la seule solution pacifique possible.

• Liban (§ 31-32)
Ils condamnent « l’acte terroriste prémédité » consistant à faire exploser des bipers et des talkies-walkies, le 17 septembre 2024. Ils condamnent identiquement les attaques contre le personnel de l’ONU, les menaces à leur sécurité et demandent à l’État hébreu de cesser immédiatement ces activités au Liban. Ils se prononcent pour un strict respect de la résolution 1701 (2006), étant entendu qu’elle s’applique identiquement à Israël qui doit donc se retirer derrière la « ligne bleue » (ligne de démarcation).

 

• Yémen (§ 33)
Ils se prononcent pour la liberté de navigation, mais, au lieu de condamner Ansar Allah comme les Occidentaux, ils entendent s’attaquer aux causes du conflit, et soutiennent le dialogue et le processus de paix sous les auspices de l’ONU.

• Syrie (§ 34)
Ils insistent sur le fait que la souveraineté et l’intégrité territoriale de la Syrie doivent être strictement respectées. Ils condamnent la présence militaire étrangère illégale qui entraîne une augmentation des risques d’un conflit à grande échelle dans la région. Ils soulignent que les « sanctions unilatérales » illégales exacerbent gravement les souffrances du peuple syrien. Ils se prononcent par ailleurs (§ 43) contre l’occupation israélienne du Golan syrien.

• Iran (§ 35 et 37)
Ils condamnent l’attaque contre les locaux diplomatiques de la République islamique d’Iran à Damas. Ils rappellent que l’accord JCPOA a été validé par le Conseil de sécurité et les Etats-Unis ne peuvent pas s’en retirer comme ils l’ont fait.

 

• Ukraine (§ 36)
Ils soulignent que tous les États devraient agir conformément aux buts et principes de la Charte des Nations Unies dans leur intégralité (ce qui donne raison à l’interprétation russe du conflit). Ils notent avec satisfaction les propositions pertinentes de médiation et de bons offices (de la Chine, de l’Afrique du Sud et de l’Inde), visant à régler pacifiquement le conflit par le dialogue et la diplomatie.

• Soudan (§ 40)
Ils condamnent l’attaque, par les troupes du président Abdel Fattah al-Burhan, contre la résidence du chef de la mission de l’ambassade des Émirats arabes unis, le 29 septembre 2024 ; une attaque comparable à celle des locaux diplomatiques iraniens en Syrie par Israël. Ils appellent à un cessez-le-feu immédiat, permanent et inconditionnel.

• Afghanistan (§ 42)
Ils défendent le principe d’un État indépendant, uni et pacifique, exempt de terrorisme, de guerre et de drogue. Ils soulignent la nécessité de fournir une aide humanitaire urgente et ininterrompue au peuple afghan et de protéger les droits fondamentaux de tous les Afghans, y compris les femmes, les filles et les différents groupes ethniques, ce qui implique l’annulation des interdictions effectives des études secondaires et supérieures.

 

• Désarmement (§ 43-46)
Ils se prononcent pour accélérer l’application des résolutions sur la création d’une zone exempte d’armes nucléaires et d’autres armes de destruction massive au Moyen-Orient (c’est-à-dire pour la dénucléarisation d’Israël), conformément à la proposition iranienne.
Ils se prononcent également pour la prévention d’une course aux armements dans l’espace, malgré l’opposition des États-Unis.

• Terrorisme (§ 47-49)
Ils rejettent toute tentative de politisation des questions de lutte contre le terrorisme et l’utilisation de groupes terroristes pour atteindre des fins politiques et soulignent que seuls les BRICS sont une organisation efficace en la matière —allusion directe aux opérations secrètes des États-Unis et du Royaume-Uni— . Ils plaident pour l’adoption rapide de la Convention générale sur le terrorisme international dans le cadre des Nations Unies.

• Criminalité transnationale (§ 50-53)
Sous l’impulsion de la Russie, les BRICS abordent les questions des drogues, de la criminalité transnationale et de la corruption en renforçant une réponse coordonnée répressive.

COOPÉRATION ÉCONOMIQUE ET FINANCIÈRE

 

Les BRICS étudient d’abord la nécessité de disposer d’une chambre de compensation pour échanger des liquidités entre eux (sans avoir à passer par le système SWIFT créé par les réseaux stay-behind de l’OTAN) et d’un système de réassurance pour sécuriser les transports de marchandises (sans avoir à passer par des sociétés anglo-saxonnes ou indirectement contrôlées par elles).

Ils n’abordent pas le commerce sous l’angle du libre-échange ou des droits de douanes, mais sous celui de la sécurité, de la résilience, de la stabilité et de l’efficacité des chaînes d’approvisionnement. Ils mettent place depuis un an un programme pour harmoniser et coordonner leur usage de l’informatique (PartNIR) dans l’économie et le commerce.

Concernant la lutte contre les maladies, les BRICS , tout en se félicitant du travail de l’Organisation mondiale de la santé (OMS), développent leur propre système d’alerte et d’entre-aide.

Concernant la propriété intellectuelle, les BRICS, ayant conscience que les droits d’auteurs et autres brevets sont aujourd’hui la principale source de revenus des Anglo-Saxons (et non pas leur production réelle ou financière), les BRICS entendent remettre ce système d’aplomb en ciblant la lutte contre les contrefaçons et non plus en valorisant leurs revenus. Ils entendent multiplier les coopérations dans les programmes de recherche, de développement et d’innovation dans les secteurs biomédicaux, les énergies renouvelables, les sciences spatiales et astronomiques, les sciences océaniques et polaires.

LES ÉCHANGES INTERPERSONNELS

 

Les BRICS entendent principalement lutter contre l’idéologie anglo-saxonne de la « guerre des civilisations » [4] en s’appuyant sur deux agences de l’ONU, l’UNICEF et l’Alliance des civilisations. Ils souhaitent multiplier les échanges interpersonnels entre eux dans les domaines des médias, de la culture, de l’éducation, des sports, des arts, des jeunes, de la société civile, de la diplomatie publique et des échanges universitaires.

Les BRICS se dressent là contre un retour en arrière : le concept de guerre des civilisations, qui avait été une pièce essentielle du discours du président George Bush Jr., semblait définitivement oublié. Il revient à la mode avec la candidature de Kamala Harris soutenue par les néo-conservateurs. Il ne s’agit, ni plus ni moins, que d’une forme prétendument savante du vieux discours violent des années 1930-1945 : pour survivre, les Occidentaux n’ont d’autre choix que d’éliminer les autres.

 

Les chefs d’État et de gouvernements présent au sommet de Kazan, membres et invités. Cette photo suffit à mesurer l’échec du G7 à isoler la Russie

 

REMARQUES SUR CE SOMMET

 

Ce sommet s’est tenu alors que le monde assiste en direct à un nettoyage ethnique israélien, d’abord à Gaza, puis au sud du Liban. Simultanément, l’opération militaire spéciale russe visant à appliquer en Ukraine la résolution 2202 du Conseil de sécurité (les accords de Minsk) tourne au profit de Moscou. L’armée ukrainienne ne passera pas l’hiver et les « mesures coercitives unilatérales » occidentales ont toutes échoué. Désolé, d’un point de vue de la « guerre des civilisations », les arabes de Gaza et les russes d’Ukraine menacent l’Occident et doivent être éliminés.

 

La participation aux BRICS apparaît donc comme une révolte contre l’Ordre mondial anglo-saxon. On ne peut donc qu’être déçu par le recul du président brésilien, Luiz Inácio Lula da Silva, qui n’a pas osé venir à Kazan et s’est fait représenter par son ministre des Affaires étrangères, Mauro Vieira. Le Brésil est pourtant membre fondateur des BRICS. Cependant, il est vrai que le Brésil est impliqué puisqu’il assure la présidence de la Nouvelle banque de développement. Celle-ci est présidée par l’ancienne présidente Dilma Youssef qui avait été renversée lors d’une opération téléguidée par les États-Unis et Israël.

La même remarque doit être faite à propos du refus, au dernier moment, du prince Mohammed Ben Salmane d’Arabie saoudite de prendre parti pour l’un ou l’autre camp et de se rendre à Kazan, alors même que son allié privilégié, les Émirats arabes unis, sont désormais membres des BRICS et que leur président, cheikh Mohammed ben Zayed Al Nahyane, était présent.

La Russie avait choisi pour héberger ce sommet Kazan, capitale du Tatarstan, car cette ville dynamique illustre à la fois l’intégration des musulmans à la Fédération de Russie et la capacité de Moscou à déléguer ses pouvoirs.

 

Au plan économique, le sommet a avancé dans la dédollarisation du commerce international. Les BRICS se dirigent vers un étalon monétaire numérique. Ont été évoquées des pistes vers une autorité
fiscale commune, celles d’un tribunal pour l’arbitrage des litiges économiques entre pays membres, ou encore l’idée d’une bourse aux céréales. Également la possibilité d’établir une infrastructure indépendante de règlements et de dépôts transfrontaliers, « BRICS Clear ». Enfin, les BRICS avancent dans l’élaboration d’un système de carte de paiement dénommé « BRICS Pay », présenté lors du sommet de Kazan. Son fonctionnement paraît relativement classique : la carte « BRICS Pay » devrait permettre de régler des paiements en devise nationale via l’utilisation d’un QR-code en débitant un
portefeuille électronique alimenté via une application éponyme, en y rattachant une carte bancaire Visa, MasterCard ou Mir. Le problème est de conserver une souveraineté complète tout en participant à une monnaie collective.

Le sommet a surtout montré, au plan politique, en présence du secrétaire général de l’ONU, António Guterres, que les BRICS rejettent les changeantes règles occidentales, fixées par le G7 à la tête du client, et lui préfèrent le respect de la parole donnée, c’est-à-dire le droit international. Les pays du « Sud global » (par opposition à « l’Occident collectif ») ont une conscience aigüe des engagements et traités signés par les Anglo-Saxons et violés sans vergogne par eux. Les Occidentaux considèrent en effet qu’au nom de la démocratie, un chef d’État ou de gouvernement élu peut ne pas se sentir obligé par la signature de ceux qui l’ont précédé, tandis que les autres États, qu’ils soient à leurs yeux illibéraux ou dictatoriaux, ont l’obligation de le faire. Par exemple, Donald Trump a laissé tomber le JCPOA (accord sur le nucléaire iranien) que son prédécesseur, Barack Obama, avait longuement négocié. Ou Joe Biden ne s’est pas considéré comme engagé par deux documents signés par son ami Barack Obama, ni par celui d’Istanbul (1999 [5]), ni par la résolution 2202 (2015) sur les accords de Minsk. Il prétend donc que la Russie a envahi l’Ukraine et viole la Charte des Nations unies, alors que de nombreux textes ultérieurs montrent que la Russie est la seule à en avoir suivi tous les principes à la lettre.

Le FMI vient de revoir ses modes de calculs et de placer le PIB russe en parité de pouvoir d’achat en quatrième position derrière celui de la Chine, des États-Unis et de l’Inde. Il a donc brusquement augmenté de 23 % et quitté la 48° place où il se morfondait. Cependant, au-delà des réalités économiques (les BRICS représentent 37 % du PIB mondial et 45 % de l’humanité, tandis que le G7 ne représente plus que 29 % du PIB et 10 % de la population mondiale), ce sommet a ouvert les yeux de nombreux malvoyants.

Le monde a basculé. Il n’est plus dominé par Washington et Londres.

Thierry Meyssan

Lire aussi : 

Les BRICS marquent l’histoire – peuvent-ils préserver le Momentum

 

 

 

Discours de Vladimir Poutine lors de la réunion dans le format élargi du sommet des BRICS

Réunion dans le format large du sommet des BRICS

23 octobre 2024, 14 :50, Kazan

Le président russien Vladimir Poutine, le président brésilien Luiz Inacio Lula da Silva (par liaison vidéo), le président égyptien Abdelfattah Sisi, le Premier ministre indien Narendra Modi, le président iranien Massoud Pezechkian, le président chinois Xi Jinping, le président des Émirats arabes unis Mohammed bin Zayed Al Nahyan, le Premier ministre éthiopien Abiy Ahmed et le président sud-africain Cyril Ramaphosa ont tenu une réunion dans le format élargi du sommet des BRICS.

Le ministre brésilien des Affaires étrangères Mauro Luiz Iker Vieira, la présidente de la Nouvelle Banque de développement Dilma Rousseff, le président du Conseil des affaires des BRICS, le président de la Chambre de commerce et d’industrie russienne Serguey Katyrine, le président de l’Alliance des femmes d’affaires des BRICS, la présidente du conseil d’administration de Global Rus Trade Anna Nesterova, le président du Mécanisme de coopération interbancaire des BRICS, le président de la Société nationale de développement VEB.RF Igor Chouvalov, ont également participé à la réunion.

Du côté russien, le ministre des Affaires étrangères Sergueï Lavrov, le vice-Premier ministre Alexandre Novak, le vice-Premier ministre Alexey Overtchouk, le chef adjoint de l’administration présidentielle, le représentant spécial du président pour la coopération financière et économique avec les pays du BRICS et la coopération avec la Nouvelle Banque de développement Maxime Orechkine, le chef adjoint de l’administration présidentielle, attaché de presse du président Dmitry Peskov, l’assistant du président Youry Ouchakov, le ministre de l’Industrie et du Commerce Antone Alikhanov, le ministre des Ressources naturelles Alexandre Kozlov, le ministre de l’Agriculture Oksana Loutt, le ministre du Développement économique Maxime Rechetnikov, le ministre des Finances Antone Silouanov, le ministre des Transports Roman Starovoït, le président de la banque centrale Elvira Nabioullina, le chef de la République du Tatarstan Roustam Minnikhanov assistaient aussi à la réunion.

Vladimir Poutine : Chers collègues, chefs d’État ! Mesdames et Messieurs, chers amis !

Nous poursuivons nos travaux dans un format élargi, et avant cela, nous devons approuver l’ordre du jour. Il est connu de tous. Question : y a-t-il des commentaires, des propositions, des amendements à cet égard ? Non ? Alors nous considérons que l’ordre du jour est approuvé. Je vous remercie.

Si vous le permettez, je vais ouvrir notre séance, ou plutôt la poursuivre.

Nous allons examiner des questions d’actualité relatives aux activités des BRICS, principalement dans les domaines économique et humanitaire, et nous allons également suivre les rapports des dirigeants des structures pertinentes de notre association, à savoir la présidente de la Nouvelle Banque de développement Mme Dilma Rousseff, le président du Conseil des affaires M. Katyrine, le président du Mécanisme de coopération interbancaire M. Chouvalov, et la présidente de l’Alliance des femmes d’affaires Mme Nesterova.

Le commerce mondial et l’économie mondiale en général – nous venons de le reconnaître [lors de la réunion] dans le format restreint – subissent des changements significatifs. Ce qui est positif, c’est que le centre de l’activité commerciale se déplace progressivement vers les marchés émergents. Un modèle multipolaire émerge, qui déclenche une nouvelle vague de croissance, principalement grâce aux pays du Sud et de l’Est – et, bien sûr, des pays BRICS.

Cependant, le potentiel de crise reste important, non seulement en raison des tensions géopolitiques croissantes, mais aussi car la croissance chronique du fardeau de la dette dans les pays développés se poursuit, car la pratique des sanctions unilatérales, du protectionnisme et de la concurrence déloyale s’étend. Il en résulte directement une fragmentation du commerce international et du marché des investissements directs étrangers, en particulier dans les pays en développement.

La volatilité des prix des matières premières est élevée, et la hausse de l’inflation fait baisser les revenus des ménages et les bénéfices des entreprises dans de nombreux pays.

La mise en œuvre de l’Agenda 2030 des Nations unies pour le développement durable est également au point mort, les pays les moins avancés souffrant le plus de l’instabilité de l’environnement économique mondial, principalement de l’inflation des denrées alimentaires et de l’énergie.

Quant aux économies des BRICS, elles affichent dans l’ensemble une stabilité suffisante grâce aux politiques macroéconomiques et financières et de crédit responsables de nos gouvernements, et la plupart des pays des BRICS devraient surperformer à moyen terme. Ainsi, le taux de croissance moyen des économies des BRICS en 2024-2025 devrait être de 3,8%, tandis que le taux de croissance du PIB mondial devrait également se situer entre 3,2 et 3,3%.

La part des pays des BRICS en parité de pouvoir d’achat à la fin de 2024 sera de 36,7%, ce qui dépasse largement la part des pays du Groupe des Sept – cette part était de 30% à la fin de 2023 et sera légèrement plus élevée en 2024.

La tendance au maintien de la position de leader des BRICS dans l’économie mondiale semble devoir se renforcer, principalement en raison de facteurs objectifs tels que la croissance démographique, l’accumulation de capital, l’urbanisation et l’augmentation de la productivité de la main-d’œuvre accompagnée d’innovations technologiques.

Afin de maximiser le potentiel de nos économies en croissance et de tirer pleinement parti de la nouvelle vague de croissance économique mondiale, nos pays doivent intensifier leur coopération dans des domaines tels que la technologie, l’éducation, le développement efficace des ressources, le commerce et la logistique, la finance et l’assurance, ainsi que multiplier le volume des investissements en capital.

À cet égard, nous proposons de créer une nouvelle plateforme d’investissement des BRICS, qui deviendrait un outil puissant pour soutenir nos économies nationales et fournir des ressources financières aux pays du Sud et de l’Est.

Je voudrais souligner que cette année notre groupement a réussi à se mettre d’accord sur un certain nombre d’initiatives visant à relever des défis communs cruciaux.

En particulier, nous parlons d’améliorer la durabilité des chaînes d’approvisionnement et de valeur ajoutée, de lutter contre le protectionnisme, de développer le commerce électronique et d’établir des contacts par le biais de zones économiques spéciales.

Nous pensons que le lancement d’un mécanisme spécial pour les consultations des BRICS sur l’Organisation mondiale du commerce facilitera l’élaboration d’une position commune sur la formation de règles du jeu plus équitables dans l’économie mondiale et la réforme du système financier international.

Nous devons continuer à travailler ensemble pour promouvoir des approches équilibrées des questions liées à la transition de l’économie mondiale vers des modèles de développement à faibles émissions et nous opposer par tous les moyens possibles aux tentatives d’utiliser l’agenda climatique pour éliminer les concurrents du marché, en particulier dans les marchés émergents. Le groupe de contact des BRICS sur le climat et le développement durable est étroitement impliqué dans tout cela. Nous pensons que les initiatives concernant un partenariat BRICS sur les marchés du carbone et une plateforme de recherche sur le climat sont prometteuses.

Les pays BRICS intensifient leur coopération sur l’expansion du commerce électronique sans barrières. La croissance dynamique des ventes en ligne entraîne également une augmentation des litiges commerciaux qui nécessitent un examen rapide et équitable.

La présidence russienne a proposé d’établir des informations mutuelles sur les pratiques de lancement de services de résolution des litiges en ligne dans le domaine du commerce électronique afin de créer des procédures-cadres communes pour la résolution des litiges avant le procès à l’avenir. Je voudrais également rappeler nos initiatives visant à créer un centre d’arbitrage des investissements des BRICS et à élaborer une convention sur le règlement des différends en matière d’investissement, ce qui renforcerait la protection des investissements mutuels.

Il existe actuellement plus de 2500 zones économiques spéciales dans l’espace des BRICS. Nous pensons qu’il est important d’établir des liens directs entre les équipes de gestion de ces territoires bénéficiant de régimes préférentiels et privilégiés, afin qu’elles puissent échanger leurs expériences en matière de construction de centres logistiques, de localisation de la production industrielle et de garantie de conditions concurrentielles mondiales favorables pour les investisseurs.

Un certain nombre de pays des BRICS figurent parmi les plus grands producteurs mondiaux de céréales, de légumineuses et d’oléagineux. À cet égard, il a été proposé d’ouvrir une bourse des céréales des BRICS, qui faciliterait la formation d’indicateurs de prix équitables et prévisibles pour les produits et les matières premières, en tenant compte de son rôle particulier dans la garantie de la sécurité alimentaire.

La mise en œuvre de cette initiative contribuera à protéger les marchés nationaux des interférences négatives extérieures, de la spéculation et des tentatives de créer des pénuries alimentaires artificielles. Avec le temps, nous pourrions également envisager de transformer la bourse des céréales en une véritable bourse des matières premières.

La contribution des pays BRICS à la sécurité énergétique mondiale est indéniable. L’association comprend à la fois des producteurs et des consommateurs clés de ressources énergétiques. Une plateforme commune de recherche sur l’énergie donne de bons résultats.

La Russie est également favorable au développement de la coopération dans le domaine de l’utilisation du sous-sol. En juillet, la première réunion de la plateforme géologique des BRICS s’est tenue à Moscou, ce qui a permis d’intensifier l’échange d’expériences dans le domaine de l’exploration et de la production minières.

Nous estimons qu’il est opportun de créer une plateforme BRICS distincte sur les métaux précieux et les diamants, car ce marché est fortement réglementé par diverses barrières commerciales, contournant le système de certification universel du processus de Kimberley.

Le Centre international BRICS pour le droit et la politique antitrust a obtenu de bons résultats. Nous pensons qu’il est nécessaire de développer davantage ce domaine, notamment en lançant une plateforme interétatique sur la concurrence loyale.

Je tiens à souligner le succès de la réunion des chefs et experts des services fiscaux des pays des BRICS, qui s’est tenue à Moscou en septembre. Les collègues ont proposé des idées utiles pour le développement d’un site web de coopération fiscale des BRICS et d’une plateforme en ligne pour les solutions numériques des services fiscaux. Pour sa part, la Russie a proposé d’établir un secrétariat fiscal permanent tournant des BRICS.

L’augmentation de l’interconnectivité des transports entre nos pays mérite une attention particulière, car elle offre des possibilités supplémentaires de croissance et de diversification du commerce mutuel. Cette année, un dialogue régulier des BRICS sur ce sujet a été lancé, et des sous-groupes sur le transport et la logistique ont été créés dans le cadre du Conseil d’affaires.

Des projets prometteurs tels que la création d’une plateforme logistique permanente des BRICS, la compilation d’une vue d’ensemble des routes de transport, l’ouverture d’une plateforme de communication électronique sur le transport et la création d’un pool de réassurance sont en cours de discussion.

La coopération des BRICS dans le domaine de la santé a fait des progrès notables, qui ont été facilités par la réunion d’octobre des ministres concernés. Elle a permis de définir un axe de travail à long terme dans le secteur de la santé.

Un groupe sur la médecine nucléaire a été créé pour développer la coopération dans la production de produits radiologiques et de diagnostics innovants. Le premier forum des BRICS sur la médecine nucléaire, qui s’est tenu à Saint-Pétersbourg, a également été utile.

Un système complet d’alerte précoce sur les risques de maladies infectieuses de masse a été lancé. La Russie a également présenté une initiative visant à établir un réseau de recherche des BRICS sur la santé publique, conçu pour renforcer les systèmes de santé nationaux par l’échange de bonnes pratiques. Il est important de renforcer les capacités du centre de vaccination des BRICS et du réseau de recherche sur la tuberculose.

Je voudrais également souligner le lancement du premier numéro du BRICS Medical Journal. Désormais, les médecins, les scientifiques et les étudiants en médecine ont la possibilité de publier leurs idées novatrices. La coopération des BRICS dans le domaine de la science et de la technologie contribue de manière significative aux efforts visant à réduire la fracture numérique mondiale, au développement de l’intelligence artificielle et d’autres nouvelles technologies.

J’attire l’attention sur la proposition russienne de créer une alliance des BRICS dans le domaine de l’intelligence artificielle. Son objectif est de réglementer les technologies d’intelligence artificielle, et notamment d’empêcher leur utilisation illégale. En Russie, le monde d’affaires a adopté un code d’éthique dans ce domaine, qui pourrait être rejoint par nos partenaires des BRICS et d’autres pays.

Nous nous félicitons des accords sur les approches unifiées de la formation d’un système de bases de données scientométriques et sur l’élargissement des domaines de coopération et du nombre de participants à l’Université en réseau.

Il convient de mentionner la décision d’instituer la Journée des géographes des BRICS, qui sera désormais célébrée chaque année le 18 août. Une expédition scientifique dans les réserves naturelles du kraï de Krasnoïarsk et de la Khakassie en Russie a déjà été programmée pour coïncider avec cette date.

Au cours de l’année de la présidence russienne, nous avons mis l’accent sur le développement des contacts dans le domaine culturel et humanitaire. Le Festival international du film et le Festival culturel des BRICS ont été organisés avec succès, et l’Alliance de la culture de la danse folklorique et l’Association des écoles de cinéma ont été créées.

L’organisation de jeux sportifs BRICS à grande échelle s’est avérée être une bonne pratique. Cette année, Kazan a accueilli les cinquièmes jeux de ce type dans 27 sports. Pour la première fois, ils ont été organisés dans un format ouvert. Des athlètes des pays BRICS, mais aussi de plus de 80 autres pays, ont participé à la compétition. Ces Jeux ont clairement démontré que la Russie dispose d’une infrastructure moderne et d’un potentiel de ressources humaines pour organiser des événements sportifs majeurs de niveau mondial. Afin de développer davantage les Jeux des BRICS, nous proposons d’élaborer un programme intergouvernemental spécial et d’établir un organe de coordination pour mettre en œuvre des projets dans le domaine de la culture physique et des sports.

Cette année, le dialogue interparlementaire dans le cadre de l’association a été considérablement intensifié. Un nouveau format de réunion des présidents des commissions des affaires internationales des organes législatifs a été mis en place.

De larges perspectives s’ouvrent pour la coopération entre les régions, les villes et les municipalités. Les forums thématiques organisés à Moscou, Nijny Novgorod et Kazan ont permis de discuter des perspectives de coopération en matière de développement durable des municipalités, de gestion efficace de l’économie et des infrastructures urbaines, et d’amélioration de l’accessibilité des services urbains.

Chers collègues ! Je vous remercie de votre attention et j’invite mes collègues à commenter les résultats des travaux exposés dans les volets économique et humanitaire.

source : Kremlin

traduit par Valerik Orlov

Kazan 2024 : Le sommet de la nouvelle donne de la gouvernance mondiale

Source : RzO International - Le 24/10/2024.

par Mohamed Lamine Kaba

À Kazan, les BRICS ont fait trembler le monde ! Le premier jour du 16ème sommet a été une réussite retentissante, marquant un tournant historique dans la coopération entre les puissances émergentes. Un nouveau chapitre s’ouvre pour les pays du Sud, prêts à prendre leur destin en main et à façonner l’avenir de la planète.

Ce sommet grandeur-nature démontre le rôle incontournable de la Russie sur la scène mondiale malgré les tentatives d’isolement de la minorité occidentale. Lors de cette première journée de cet événement diplomatique majeur, le Kremlin a réuni des chefs d’État et des figures influentes de plus de 30 pays, incluant des personnalités telles que Dilma Rousseff, Narendra Modi, Cyril Ramaphosa, Xi Jinping, Abdel Fattah el-Sisi, Massoud Pezeshkian, Recep Tayyip Erdogan, Abiy Ahmed Ali, Mahmoud Abbas, António Guterres, Thongloun Sisoulith, Mohamed Ould Ghazwani, Luis Arce, Mohammed ben Zayed Al Nahyane et Pham Minh Chinh. Se positionnant comme un véritable succès diplomatique face à l’Occident, cet événement souligne l’échec des tentatives d’isolement du maître du Kremlin, Vladimir Poutine (qui certainement est le maître du monde).

Contexte géopolitique

À l’aube d’une nouvelle ère géopolitique, les BRICS se réunissent à Kazan pour défier l’ordre établi. Alors que les tensions mondiales atteignent un point de non-retour, les puissances émergentes s’apprêtent à redessiner les contours du monde. Le 16ème sommet des BRICS sera-t-il le coup d’envoi d’une révolution géopolitique ? Les puissances occidentales tremblent-elles devant l’émergence d’un nouveau monde multipolaire ?

Kazan, ville symbole de la convergence des civilisations, devient le théâtre d’un jeu d’échecs géopolitique où l’enjeu n’est rien moins que l’avenir de la planète. Ainsi, inauguré le 22 octobre 2024 à Kazan en Russie, le 16ème sommet des BRICS réunit les dirigeants des pays membres de l’Alliance et leurs alliés d’Afrique, d’Asie et d’Amérique Latine pour aborder les enjeux mondiaux critiques et fortifier leur coopération économique et politique. Offrant une alternative à l’hégémonie occidentale, les BRICS promeuvent un modèle de gouvernance mondiale ancré sur la multipolarité, la solidarité et le respect de la souveraineté nationale. Les priorités incluent l’expansion de leur influence économique et politique, la création d’un fonds d’investissement commun, ainsi qu’une monnaie de réserve partagée.

L’intégration de nouveaux pays – Égypte, Émirats arabes unis, Éthiopie, Iran et Arabie saoudite – accentue leur poids sur la scène internationale. Des annonces marquantes ont ponctué le premier jour, notamment la création d’un Parlement des BRICS et l’établissement d’une stratégie collective pour la coopération. En s’engageant pour un monde plus équitable, ce sommet marque un tournant historique pour la coopération Sud-Sud, promettant une nouvelle ère de gouvernance mondiale. Les BRICS, désormais incontournables, sont voués à accroître leur influence dans les années à venir. Kazan a ainsi vu naître un nouveau monde. Les BRICS ont franchi le Rubicon, déclarant leur indépendance vis-à-vis de l’hégémonie occidentale. L’émergence d’un ordre mondial multipolaire est désormais inéluctable. Les puissances émergentes ont pris les rênes de l’histoire, dessinant un avenir où la diversité est une force et la coopération une règle.

L’avenir est écrit, mais une question reste : quels seront les contours de ce nouveau monde ? Et place occupera désormais la minorité occidentale dans l’échiquier mondial ?

Succès du premier jour du sommet : L’inquiétude des occidentaux

Alors que les BRICS se réunissent à Kazan, une ombre plane sur les capitales occidentales. Le premier jour du sommet a sonné l’alarme : les puissances émergentes s’unissent, défiant ouvertement l’hégémonie occidentale. Les grandes puissances traditionnelles tremblent-elles devant l’émergence d’un nouveau monde multipolaire ? Les décisions prises à Kazan font trembler les fondements de l’ordre mondial unipolaire établi depuis des décennies.

L’émergence des BRICS, accentuée par le sommet de Kazan du 22 au 24 octobre 2024, attire l’attention de l’Occident, jusqu’alors endormi face à cette réalité géopolitique. Avec plus de 200 réunions officielles cette année, les pays de l’Alliance BRICS renforcent leur position stratégique. Selon Reuters, ce forum menace le système financier mondial dominé par les États-Unis en envisageant une plateforme alternative de paiements internationaux. Ce réseau, innovant grâce à l’utilisation de la Blockchain, relie les banques centrales des BRICS et facilite les transactions en devises nationales, contournant ainsi le dollar et répondant aux contraintes imposées par les sanctions occidentales.

Avec la présence d’une vingtaine de chefs d’État influents et un poids économique surpassant déjà celui du G7, l’isolement de l’Occident se profile, marquant peut-être la fin de l’hégémonie américaine. C’est ainsi qu’au cœur des discussions géopolitiques actuelles, le sommet des BRICS à Kazan suscite une attention particulière de la part des observateurs occidentaux, perçus comme focalisés sur leurs propres intérêts stratégiques. Face à cette organisation internationale qui regroupe désormais des puissances émergentes telles que l’Égypte, l’Iran, les Émirats arabes unis, l’Arabie saoudite et l’Éthiopie, l’Occident semble réagir avec une inquiétude palpable. Historiquement à l’origine de structures comme l’OTAN ou l’Union européenne, l’Occident perçoit ces alliances nouvelles sous un prisme souvent critique, les interprétant comme des menaces potentielles.

Les BRICS apparaissent ainsi non seulement comme un bloc influent, mais aussi comme un vecteur de stratégies alternatives face à l’hégémonie traditionnelle, notamment avec la Russie et la Chine jouant des rôles clés. Leurs démarches sont, sans doute, considérées par certains observateurs de ligne occidentale comme de la désinformation, mais pour beaucoup, elles reflètent des aspirations légitimes au développement et à la coopération internationale authentique. L’Alliance BRICS a mis le feu aux poudres de l’ordre mondial unipolaire. Kazan, ville symbole de la résistance, a vu naître une nouvelle ère de coopération et de défiance. Les puissances émergentes ont pris le pouvoir, renversant la donne géopolitique. Le monde tremble, mais les BRICS avancent, dessinant un avenir où la diversité est une force et la coopération une règle.

Un tournant historique pour la coopération Sud-Sud : Les BRICS à l’aube d’une nouvelle ère

Les BRICS, moteurs d’une révolution géopolitique, s’apprêtent à faire basculer l’ordre mondial américano-occidental. La coopération Sud-Sud entre dans une nouvelle ère, où les puissances émergentes prennent les rênes de leur destin. Les BRICS sont-ils prêts à prendre le relais des puissances occidentales et à redessiner l’avenir de la planète ?

À l’aube d’une nouvelle ère géopolitique, le 16ème sommet des BRICS à Kazan s’affirme comme un tournant historique pour la coopération Sud-Sud. Réunissant les dirigeants de l’Alliance BRICS et leurs alliés, ce sommet démontre la capacité de cette Alliance à façonner un modèle innovant de gouvernance mondiale fondé sur la solidarité et la complémentarité. Avec la volonté de renforcer la coopération économique et politique, de créer un fonds d’investissement commun et d’adopter une monnaie de réserve partagée, les BRICS proposent une alternative ambitieuse à l’hégémonie occidentale. En pleine transformation paradigmatique, ces nations émergentes s’engagent à promouvoir un monde plus multipolaire et équitable, en dénonçant les sanctions unilatérales et en réclamant une refonte des institutions internationales.

Portant la responsabilité historique d’unir leurs forces, les BRICS aspirent à initier un leadership mondial fondé sur la collaboration et la justice, façonnant ainsi un avenir socioéconomique plus égalitaire et paisible. Les BRICS ont sonné l’heure de la libération. La coopération Sud-Sud est désormais une réalité géopolitique majeure, libérant les pays du Sud de la tutelle occidentale. Un nouveau monde émerge, où les puissances émergentes dessinent l’avenir de la planète avec courage et détermination.

De ce qui précède, on peut dire que Kazan, ville symbole de la convergence des civilisations, a vu naître une nouvelle ère de coopération. Les BRICS ont franchi une étape décisive vers une gouvernance mondiale plus plurielle, plus équitable et plus forte. Le monde bipolaire cède la place à un monde multipolaire, où les pays émergents prennent leur destin en main. L’Alliance BRICS dessine l’avenir, un avenir où la diversité est une force, où la coopération est une règle et où la prospérité est partagée. Mais pouvons-nous vraiment imaginer un monde où les BRICS seraient les nouveaux architectes de l’ordre mondial ? Les puissances occidentales sont-elles prêtes à partager le pouvoir ? L’avenir le dira, mais une chose est certaine : l’histoire vient de prendre un nouveau virage.

source : New Eastern Outlook

«BRICS Pay» déjoue les sanctions de l’OTAN

par Pepe Escobar

 

Source : RzO International - Le 23/10/2024. 

par Danny Haiphong

L’analyste géopolitique et journaliste Pepe Escobar a rejoint l’émission pour décomposer le système de paiement des BRICS dirigé par la Russie, qui est sur le point de CHOQUER l’ordre hégémonique du dollar dirigé par les États-Unis et l’OTAN et de détruire les sanctions une fois pour toutes. Cette vidéo est incontournable pour la bombe géopolitique et géoéconomique qui va être lancée lors du Sommet des BRICS 2024 en Russie. 

Pepe Escobar

source : Danny Haiphong via SaneVox

 

Rendez-vous avec le destin – Les BRICS offrent de l’espoir en temps de guerre

par Pepe Escobar

Nous y sommes. Un rendez-vous avec le destin. Tout est prêt pour le rassemblement géopolitique/géoéconomique le plus crucial de l’année et sans doute de la décennie : le sommet des BRICS sous la présidence russe à Kazan, capitale du Tatarstan, où les Tatars sunnites coexistent en parfaite harmonie avec les chrétiens orthodoxes.

Tout le travail minutieux des sherpas et des analystes tout au long de 2024 – supervisé par le principal diplomate russe en charge des BRICS, le vice-ministre des Affaires étrangères Sergey Ryabkov – a convergé vers trois réunions clés finales et distinctes à Moscou avant le sommet, regroupant les ministres des Finances et les gouverneurs des banques centrales des BRICS, les groupes de travail et le Conseil d’affaires.

Tout cela dans un contexte désormais familier pour la Majorité mondiale. Le PIB combiné des pays BRICS actuels dépasse les 60 000 milliards de dollars, loin devant le G7 ; leur taux de croissance moyen d’ici la fin de l’année devrait être de 4%, supérieur à la moyenne mondiale de 3,2% ; et l’essentiel de la croissance économique dans un avenir proche proviendra des pays membres des BRICS.

Avant même la réunion des ministres des Finances et des gouverneurs des banques centrales, le ministre russe des Finances Anton Siluanov soulignait que les BRICS souhaitaient contourner les plateformes occidentales «politisées» – une référence subtile au tsunami de sanctions et à la militarisation du dollar américain – alors que les BRICS travaillent à la création de leur propre système de paiement international favorable à la Majorité mondiale.

Le contexte de ce qui sera décidé à Kazan cette semaine n’est rien moins qu’incandescent, car le chaos incontrôlé des guerres éternelles de l’Hégémon – de l’Ukraine au Moyen-Orient – a même matériellement affecté le lourd travail des BRICS et la nécessité de construire un nouveau système international de relations géoéconomiques pratiquement à partir de zéro.

Un scénario crédible d’escalade de la guerre a peut-être été contrecarré par la fuite d’informations secrètes de haut niveau aux Cinq Yeux sur les préparatifs d’Israël et des États-Unis en vue d’une attaque contre l’Iran. L’attaque finira par se produire – avec des conséquences désastreuses – mais probablement pas cette semaine, alors qu’elle aurait pu être programmée pour perturber explicitement et complètement le sommet de Kazan et l’expulser des grands titres de la presse mondiale.

La déclaration commune des ministres des Finances et des gouverneurs des banques centrales des BRICS ne semble peut-être pas très aventureuse, mais ses contraintes reflètent non seulement la prudence face à un Hégémon dangereux et acculé, mais aussi les contradictions internes entre les membres des BRICS.

La déclaration reconnaît «la nécessité d’une réforme globale de l’architecture financière mondiale pour renforcer la voix des pays en développement et leur représentation». Pourtant, il est clair que les États-Unis n’ont aucun intérêt à réformer en profondeur le FMI, la Banque mondiale et le système de Bretton Woods. La Russie et la Chine, en particulier, sont parfaitement conscientes de la nécessité d’un système post-Bretton Woods.

La déclaration est plus ferme sur l’initiative des BRICS en matière de paiements transfrontaliers, appelée BCBPI, saluant «l’utilisation des monnaies locales dans le commerce international» et «le renforcement des réseaux bancaires» pour les rendre possibles. Pour l’instant, tout cela n’est que «volontaire et non contraignant». Kazan devrait donner un coup de pouce au processus.

Pas un groupe anti-occidental, juste un groupe non-occidental

Dans son discours au Conseil d’affaires des BRICS vendredi dernier et dans une table ronde ultérieure avec les chefs des groupes de médias des membres des BRICS, le président Poutine a en fait résumé tous les grands dossiers. En voici les grandes lignes.

Sur le rôle de la NDB, la banque des BRICS, basée à Shanghai : La Russie «élargira les capacités de la NDB» ; la banque devrait devenir le principal investisseur dans les grands projets technologiques et d’infrastructure pour les membres des BRICS et le Sud mondial au sens large. C’est tout à fait logique, la NDB finançant le développement d’infrastructures et s’impliquant commercialement auprès d’entreprises locales et privées. D’ailleurs, le prochain président de la NDB sera russe ; le principal candidat est Aleksei Mozhin, qui travaillait auparavant au FMI.

En ce qui concerne la création d’une infrastructure numérique unique pour les BRICS, c’est déjà en cours. La Russie travaille sur «l’utilisation des monnaies numériques dans les processus d’investissement dans l’intérêt d’autres économies en développement». Cela rejoint les travaux des BRICS sur leur propre version de SWIFT pour les transactions financières internationales. Il en va de même pour BRICS Pay, une carte de débit dont le premier essai a eu lieu lors du Conseil des affaires la semaine dernière, qui n’est pas sans rappeler AliPay en Chine, et qui sera bientôt déployée dans tous les pays membres des BRICS.

Une monnaie unique des BRICS : «Cette question n’est pas encore envisagée, elle n’est pas encore mûre». La dédollarisation, a souligné Poutine, se déroule étape par étape : «Nous prenons des mesures individuelles, l’une après l’autre. En ce qui concerne la finance, nous n’avons pas abandonné le dollar. Le dollar est la monnaie universelle. Mais ce n’est pas nous qui l’avons laissé tomber : on nous a interdit de l’utiliser. Et maintenant, 95% de tout le commerce extérieur de la Russie est libellé en monnaies nationales. Ils l’ont fait eux-mêmes, de leurs propres mains. Ils pensaient que nous allions nous effondrer».

Le défi d’une monnaie unifiée des BRICS : Cela «nécessite une intégration économique approfondie (…) Outre un niveau élevé d’intégration entre les membres des BRICS, l’introduction d’une monnaie unique des BRICS impliquerait une qualité et un volume monétaires comparables (…) Sinon, nous serons confrontés à des problèmes encore plus importants que ceux qui se sont produits dans l’UE». Poutine a rappelé que lors de l’introduction de l’euro dans l’UE, leurs économies n’étaient ni comparables ni égales.

Poutine aura au moins 17 réunions bilatérales à Kazan. Il a souligné, une fois de plus, que «les BRICS ne sont pas un groupe anti-occidental, c’est juste un groupe non-occidental».

Il a également cité les principaux moteurs économiques de l’avenir proche : l’Asie du Sud-Est et l’Afrique. 

Le développement «aura objectivement lieu principalement dans les pays membres des BRICS. Il s’agit du Sud mondial. C’est l’Asie du Sud-Est. C’est l’Afrique. Une croissance positive existera dans des pays puissants comme la Chine, l’Inde, la Russie et l’Arabie saoudite, mais les pays d’Asie du Sud-Est et d’Afrique connaîtront une croissance plus rapide pour plusieurs raisons».

Il a également mis l’accent sur les principaux projets de développement d’infrastructures entre les BRICS et le Sud mondial : la Route maritime du Nord – que les Chinois définissent comme la Route de la soie arctique – et le Corridor international de transport Nord-Sud (INSTC), avec la triade BRICS Russie-Iran-Inde comme partenaires clés. En ce qui concerne la route maritime du Nord, Poutine a souligné que «nous construisons une flotte de brise-glaces qui n’a pas d’équivalent dans le monde. Il s’agira d’une flotte unique, composée de sept brise-glaces nucléaires et de 34 brise-glaces à propulsion diesel, de grande classe et à usage intensif».

Sur le partenariat stratégique Russie-Chine : c’est l’un des facteurs clés de la stabilité dans le monde ; dans les relations entre les deux pays, «il n’y a pas d’aînés ou de cadets». Sur le grand échiquier, «la Russie n’interfère pas dans les relations entre les États-Unis et la Chine», même si «les Européens ont été entraînés en Asie par l’OTAN. Personne ne demande aux Européens s’ils veulent gâcher leurs relations avec la Chine, s’ils veulent utiliser les entités de l’OTAN pour pénétrer en Asie et créer une situation qui serait source d’inquiétude pour la région, pour la Chine en particulier. Pourtant, ils sont traînés comme des chiots».

Les guerres éternelles visent les BRICS

Il y aura une session spéciale sur la Palestine à Kazan avec les membres des BRICS plus «l’extension» des BRICS – comme dans partenaires (la Turquie est incluse). Poutine estime que «la dissolution du Quartet pour le Moyen-Orient a été une erreur». Le Quartet comprenait la Russie, les États-Unis, l’ONU et l’UE. En théorie, il aurait dû servir de médiateur dans le processus de paix israélo-palestinien. En pratique, il n’en a rien été.

Le belliciste notoire Tony Blair faisait partie du Quartet. Sur le plan diplomatique, Poutine a déclaré : «Je n’ai pas l’intention d’accuser les États-Unis sur tous les plans, mais la dissolution des quatre [le Quartet] a malheureusement été une erreur».

Il a de nouveau souligné que «la Russie a toujours maintenu le point de vue selon lequel la décision du Conseil de sécurité des Nations unies de créer deux États – Israël et la Palestine – devrait être mise en œuvre». Enfin, il a ajouté que «la Russie est en contact permanent avec Israël et la Palestine».

Cela peut être interprété comme une médiation stratégique et des échanges sérieux en coulisse. Il ne s’est toutefois pas aventuré sur le terrain, se contentant de dire qu’il espérait que les «échanges de coups sans fin» entre Israël et l’Iran cesseraient, tout en ajoutant que «la recherche d’un compromis dans le conflit israélo-arabe est possible, mais qu’il s’agit d’une zone très délicate».

Tout ce qui précède est hautement significatif pour le contexte des BRICS, car les guerres éternelles au Moyen-Orient ont sérieusement interféré avec le travail au sein des BRICS. Et pour couronner le tout, les guerres éternelles, froides, hybrides et chaudes, sont en fait essentiellement dirigées contre trois membres des BRICS, la Russie, l’Iran et la Chine – qui ne sont pas décrits par hasard comme les trois principales menaces existentielles pour l’Hégémon.

Et cela nous amène inévitablement à l’Ukraine. Poutine a souligné que «l’armée russe est devenue l’une des armées les plus efficaces au combat et les plus high-tech au monde (…) Quand l ‘OTAN se lassera de mener cette guerre contre nous, il suffira de leur demander. Nous sommes prêts à continuer à nous battre, à poursuivre la lutte, et nous aurons le dessus».

Confirmant ce que l’analyste militaire de pointe Andrei Martyanov étudie depuis des années, Poutine a expliqué comment la guerre moderne est la guerre des mathématiciens – ce qui échappe totalement aux guerriers en fauteuil de l’OTAN : «Les gens qui se battent sur le terrain m’ont dit que la guerre d’aujourd’hui est la guerre des mathématiciens. Les dispositifs de brouillage radioélectrique seraient efficaces contre certains vecteurs et les supprimeraient. L’autre partie a, par exemple, calculé et estimé quelle est la contre-force et reprogramme le logiciel de ses moyens de frappe en une semaine ou trois semaines».

En ce qui concerne le champ de bataille, avec «l’ordre international fondé sur des règles» rencontrant sa fin humiliante sur le sol noir de Novorossia, Poutine ne pourrait pas être plus catégorique sur le pari de «l’Ukraine nucléaire» : «Il s’agit d’une provocation dangereuse, car tout pas dans cette direction entraînera une réponse (…) Je le dis sans ambages, la Russie ne permettra pas que cela se produise, quoi qu’il arrive».

Les enjeux à Kazan ne pourraient être plus élevés. D’ici la fin de la semaine, la Majorité mondiale saura si Kazan entrera dans l’histoire comme le point de repère d’un nouveau système émergent de relations internationales, ou si des tactiques grossières visant à diviser pour régner continueront à repousser la disparition inexorable de l’ancien ordre.

Pepe Escobar

source : Sputnik Globe

Un Bretton Woods des BRICS aura-t-il lieu à Kazan ?

par Pepe Escobar

À moins d’un mois du sommet annuel crucial des BRICS qui se tiendra à Kazan sous la présidence russe, des discussions sérieuses et informées font rage à Moscou et dans d’autres capitales eurasiennes sur ce qui devrait être mis sur la table en matière de dédollarisation et de systèmes de paiement alternatifs.

Au début du mois, Andrey Mikhailishin, chef du groupe de travail sur les services financiers du Conseil des affaires des BRICS, a détaillé la liste des principaux projets à l’étude. Ils comprennent notamment :

• Une unité de compte commune – comme dans The Unit, dont les contours ont été révélés en exclusivité par Sputnik.

• Une plateforme pour les règlements et les paiements multilatéraux dans les monnaies numériques des BRICS, reliant les marchés financiers des membres des BRICS : C’est le BRICS Bridge, qui présente des similitudes avec le MBridge lié à la Banque des règlements internationaux, déjà en vigueur. Cela complétera les systèmes intrabancaires déjà en place, comme le SPFS russe et le CPAM iranien, qui règlent les transactions financières – et 60% de leurs échanges – dans leurs propres monnaies.

• Un système de paiement basé sur la blockchain qui contourne entièrement le dollar américain : BRICS Pay. Vraisemblablement, 159 participants pourraient être prêts à adopter immédiatement ce mécanisme qui échappe aux sanctions et qui s’apparente au SWIFT.

• Un dépositaire de règlement (Clear).

• Un système d’assurance.

• Et surtout une agence de notation des BRICS, indépendante des géants occidentaux.

Ce qui est en jeu, c’est la conception extrêmement complexe d’un tout nouveau système financier – décentralisé et utilisant la technologie numérique. BRICS Clear, par exemple, utilisera la blockchain pour enregistrer les titres et les échanger.

Quant à The Unit, la valeur de l’unité de compte commune est arrimée à hauteur de 40% à l’or et de 60% à un panier de monnaies nationales des membres des BRICS. Le Conseil des affaires des BRICS considère The Unit comme un instrument «pratique et universel», puisqu’une unité peut être convertie dans n’importe quelle monnaie nationale.

Cela résoudrait définitivement le problème lancinant de la volatilité des taux de change lorsque des soldes de trésorerie s’accumulent à la suite de règlements en monnaies nationales ; par exemple, une montagne de roupies indiennes utilisées pour payer l’énergie russe.

Qui dois-je appeler pour parler aux BRICS ?

J’ai posé une question très directe à deux analystes russes, l’un d’entre eux étant un cadre dans le domaine de la technologie financière avec une vaste expérience à travers l’Europe, et l’autre étant à la tête d’un fonds d’investissement d’envergure mondiale. Compte tenu de la sensibilité de leurs messages, ils préfèrent rester anonymes.

La question est la suivante : Les BRICS sont-ils prêts à devenir un acteur à Kazan le mois prochain, et qu’est-ce qui devrait être sur la table en termes de stratégie pour établir un système de paiement alternatif ?

Les réponses. Analyste 1

«Le temps est venu pour les BRICS de devenir un véritable acteur. Le monde l’exige. Les dirigeants des pays BRICS l’ont bien compris. Ils ont le pouvoir moral et la volonté politique de mettre en place une organisation pour fournir un numéro d’appel aux BRICS – c’est la meilleure question pour le prochain sommet».

L’analyste fait référence à ce que l’on pourrait appeler «le moment Kissinger», lorsque le Dr. K a déclaré, à l’époque de la guerre froide, «quand je veux parler à l’Europe, qui dois-je appeler ?»

Passons maintenant à l’analyste 2

«Pour qu’un accord BRICS entre pays ait un sens, les pays doivent se mettre d’accord sur un cadre d’action, ce qui signifie accepter certaines responsabilités en échange de certains droits. Et il semble qu’il n’y ait pas de meilleur moyen d’y parvenir que d’arriver à des obligations mutuellement convenues sur le règlement des transactions financières».

L’un des analystes a ajouté un point spécifique très important : «La situation est désormais assez claire : il faut traiter correctement la question des paiements transfrontaliers. Le meilleur mécanisme devrait être basé sur la Nouvelle Banque de développement (NBD), étant donné que la Russie a un mandat pour proposer le nouveau président de cette organisation. Quel que soit le candidat, les paiements transfrontaliers devraient figurer en tête de son programme».

La NBD est la banque des BRICS, basée à Shanghai. L’analyste espère que la décision sur l’avenir de la NBD sera prise avant le sommet des BRICS : «Compte tenu des considérations diplomatiques et politiques, le candidat devrait être connu, officiellement ou officieusement, des pays membres».

En l’état actuel des choses, les cercles moscovites informés estiment qu’Alexey Mohzin, directeur exécutif du FMI pour la Russie, a 60% de chances d’être nommé à la NBD. Parallèlement, Ksenia Yudaeva, ancien sherpa du G20 et ancien adjoint d’Elvira Nabiullina de la Banque centrale de Russie, pourrait devenir la nouvelle représentante du FMI.

Il se pourrait donc que l’on assiste à un remaniement de la NBD et du FMI sur le front russe. L’accent devrait être mis sur le potentiel de changement productif futur, plutôt que sur les occasions manquées ; les politiques de la NBD n’ont pas été vraiment révolutionnaires jusqu’à présent, étant donné que les statuts de la banque sont liés au dollar américain.

Le nouvel accord pourrait faire de la NBD un levier pour une réforme du FMI, plutôt qu’une alternative à ce dernier.

Le «moment Kissinger» joue un rôle clé dans cette équation. Cela soulignera que jusqu’à ce que ce moment devienne réalité, la NBD devrait être le seul acteur pour des changements effectifs dans des domaines cruciaux tels que la stabilité de l’infrastructure financière.

Et de ce point de vue, comme le note l’un des analystes, «The UNIT et tous les autres projets similaires peuvent être présentés comme des outils complémentaires de gestion des risques pour se prémunir contre les politiques monétaires imprudentes et les risques liés à la deuxième crise financière mondiale».

Mais le temps presse, et vite. Le président Poutine a récemment rencontré l’Union des industriels russe. Ils ont envoyé une lettre à l’administration et à la Banque centrale russe, dans laquelle ils exposent les idées qu’ils considèrent comme les plus prometteuses.

The Unit en fait partie. Le gouvernement du Premier ministre Michoustine en est maintenant à la phase finale du choix des projets à soutenir : Pour le sommet des BRICS à Kazan, et une semaine avant, pour le sommet annuel du Conseil des affaires des BRICS à Moscou.

Un Bretton Woods des BRICS ?

J’ai posé la même question sur les BRICS aux analystes russes, ainsi qu’à l’indispensable professeur Michael Hudson, qui a fourni une critique concise et approfondie de ce qui pourrait être sur la table, tout en proposant une solution différente.

Pour le professeur Hudson, «une nouvelle institution doit être créée – une banque centrale habilitée à émettre des crédits pour financer les déficits commerciaux et de paiement de certains pays, avec un DTS [droits de tirage spéciaux] artificiel de type bancor».

Le professeur Hudson affirme que «cela serait différent d’un système de chambre de compensation pour les banques existantes. Il s’agirait d’un FMI des BRICS. Le crédit ou le bilan de son bancor ne servirait qu’à des règlements entre gouvernements, et non à une monnaie généralement échangée. En effet, faire du bancor un véhicule spéculatif largement échangé (comme l’est The UNIT) introduirait une instabilité majeure et n’aurait rien à voir avec le bilan de transfert bancaire nécessaire».

Une NBD réformée, peut-être l’année prochaine sous une nouvelle présidence russe, devrait avoir tout ce qu’il faut pour devenir un «FMI des BRICS».

Le professeur Hudson ajoute que «pour réussir, la conférence de Kazan devrait être un véritable Bretton Woods des BRICS. Il est peut-être trop tôt pour mettre en place un fait accompli. Ce serait peut-être l’occasion d’ouvrir une série d’alternatives – notamment ce qui se passerait si l’on ne faisait rien et que l’on conservait le système actuel du FMI. Le fait que le FMI vienne d’annuler sa mission d’analyse de l’économie russe pourrait être un catalyseur».

Le professeur Hudson se réfère en fait directement au directeur exécutif pour la Russie, Alexey Mohzin, qui a confirmé que le FMI aurait dû se rendre en Russie pour des consultations, dans le cadre de son examen annuel de l’économie russe, mais qu’il a annulé cette visite en raison d’une «impréparation technique».

Tout cela nous ramène une fois de plus au «moment Kissinger» ; on ne sait pas si Kazan proposera un «numéro BRICS»que tout le monde pourrait appeler.

Le professeur Hudson soulève un dernier point essentiel sur la dette en dollars du Sud mondial : Il souligne que «la manière de gérer le surendettement actuel des membres des BRICS en dollars» est un problème majeur.

Ce qui est clair, c’est que «la banque des BRICS [la NBD] ne devrait pas financer les déficits des pays membres pour de tels paiements. Dans la pratique, il faudrait un moratoire sur ces paiements – compte tenu de la militarisation actuelle de la finance occidentale».

Le professeur Hudson rappelle le chapitre de son livre «Super Imperialism» «sur la façon dont les États-Unis ont agi contre la Grande-Bretagne en 1944 pour obtenir un accord qu’ils ont ensuite présenté à l’Europe comme un fait accompli en faveur des États-Unis». Le livre «passe en revue tous les arguments qui ont été avancés».

Le professeur Hudson souhaiterait faire partie du nouveau processus en cours. Imaginez que les BRICS+ y parviennent : Obtenir un accord approuvé par la Majorité mondiale sur un nouveau système financier équitable et juste, puis le présenter à la superpuissance endettée de 35 000 milliards de dollars comme un fait accompli.

Pepe Escobar

source : Sputnik Globe

Poutine prépare le système de paiement BRICS à Kazan

par The Duran

«C’est désormais une priorité pour les Chinois et les Russes alors que les Américains tentent de perturber le système commercial en imposant des sanctions secondaires à quiconque souhaite commercer avec ces pays».

 

Le panafricanisme et l’alliance BRICS constituent deux piliers indissociables pour façonner un Sud global en pleine émergence

par Mohamed Lamine Kaba

Le panafricanisme et l’alliance BRICS représentent deux forces puissantes qui peuvent contribuer à façonner un Sud global en pleine émergence. Alors que le panafricanisme promeut l’unité, la solidarité et la coopération entre les nations africaines, l’alliance BRICS/BRICS+ quant à elle, représente un groupe de pays émergents qui cherchent à renforcer leur influence économique et politique sur la scène internationale. Ensemble, ils peuvent s’allier pour renforcer la coopération Sud-Sud, promouvoir un développement plus équitable, contrecarrer l’hégémonie des puissances occidentales et favoriser l’émergence de nouvelles voies de développement. Cette alliance peut ainsi contribuer à façonner un Sud global plus uni, plus fort et plus influent sur la scène internationale, promouvant la paix, la sécurité et la stabilité dans les régions du Sud et dans le monde multipolaire. Comme deux jumeaux univitellins, le panafricanisme et l’alliance BRICS doivent se marier pour consolider le multipolarisme.

Contexte

Depuis des décennies, la scène mondiale est marquée par une transformation profonde de l’ordre mondial, avec l’émergence de nouvelles puissances et la remise en cause de l’hégémonie occidentale. L’Afrique, une force dynamique avec son potentiel démographique, économique et culturel, se trouve au cœur de cette transformation. Le panafricanisme, qui prône l’unité et la solidarité entre les nations africaines, gagne en influence et en pertinence. Dans le même temps, l’alliance BRICS (Brésil, Russie, Inde, Chine et Afrique du Sud) se renforce (BRICS+), cherchant à promouvoir un ordre mondial plus multipolaire et plus équitable. Les BRICS représentent désormais une force économique, politique et militaire considérable, capable de contrecarrer l’influence des puissances occidentales. C’est dans ce contexte que l’alliance entre le panafricanisme et les BRICS prend tout son sens, offrant une opportunité unique pour l’Afrique et les pays émergents de renforcer leur coopération, de promouvoir leur développement et de redéfinir les équilibres de pouvoir mondiaux. C’est pourquoi, l’alliance entre le panafricanisme et les BRICS/BRICS+ représente un tournant majeur dans la géopolitique mondiale, avec des enjeux géostratégiques considérables. Cette alliance dynamique entre la quête d’unité et de développement de l’Afrique, incarnée par le panafricanisme, et le groupe de pays émergents BRICS, cherchant à redéfinir l’ordre mondial, crée un nouveau pôle de puissance et d’influence. Les enjeux sont multiples : renforcement de la coopération Sud-Sud, remise en cause de l’hégémonie occidentale, émergence de nouvelles voies de développement, et redéfinition des équilibres de pouvoir mondiaux. Cette alliance a le potentiel de façonner un nouveau paysage géopolitique, avec des implications profondes pour la paix, la sécurité et le développement durable à l’échelle mondiale. Mais quels sont les enjeux géopolitiques et géostratégiques de cette alliance ? Comment les acteurs africains et BRICS vont-ils naviguer dans ce nouveau paysage ? Quelles sont les opportunités qui se présentent à eux ?

Enjeux géopolitiques et géostratégiques du couple panafricanisme-alliance BRICS

L’alliance entre le panafricanisme et les BRICS représente une opportunité historique pour les pays africains et émergents de renforcer leur coopération, promouvoir leur développement et redéfinir leur place dans l’ordre mondial. Cette alliance permet de créer un espace de coopération Sud-Sud, où les pays africains et les BRICS peuvent partager leurs expériences, leurs connaissances et leurs ressources pour atteindre des objectifs communs. Elle favorise la création d’un modèle de développement plus équitable et durable, qui prend en compte les spécificités et les besoins des pays du Sud. Cette alliance permet également de renforcer la coopération économique, politique, militaire et culturelle entre les pays africains et les BRICS, en créant des opportunités de partenariat et de coopération dans des domaines tels que le commerce, l’investissement, la technologie et l’éducation. En outre, cette alliance contribue à promouvoir la paix, la sécurité et la stabilité dans les régions du Sud, en favorisant la résolution des conflits et la coopération régionale. Elle encourage également la démocratisation de la gouvernance mondiale, en donnant une voix plus forte aux pays du Sud dans les institutions internationales et en promouvant une plus grande représentation et participation des pays africains et émergents dans les processus de décision mondiaux. Cette alliance représente un pas important vers un monde multipolaire plus équitable, plus juste et plus durable, où les pays africains et émergents peuvent jouer un rôle plus important et plus influent dans l’ordre mondial. Elle offre une opportunité unique pour les pays du Sud de prendre leur destin en main et de créer un avenir plus prospère et plus durable pour leurs peuples.

Comment les acteurs africains et de l’alliance BRICS vont-ils naviguer dans ce nouveau paysage multipolaire ?

Les acteurs africains et de l’alliance BRICS peuvent naviguer dans ce nouveau paysage multipolaire en adoptant des stratégies communes pour promouvoir leurs intérêts et renforcer leur coopération. Ils peuvent à cet effet mettre l’accent sur la coopération Sud-Sud, le renforcement des capacités propres, la diversification des alliances et partenariats, et la promotion de la diplomatie économique et de la coopération régionale. Ils peuvent également utiliser des plateformes de l’alliance BRICS, telles que le Nouveau Banque de développement et le Fonds de réserve des BRICS, pour financer des projets de développement et renforcer la coopération économique. Dans cette perspective, les acteurs africains et ceux de l’alliance BRICS peuvent travailler ensemble pour promouvoir la réforme des institutions internationales et renforcer la représentation des pays du Sud dans les processus de décision mondiaux. En outre, ils peuvent mettre l’accent sur la coopération dans des domaines tels que la technologie, l’énergie, l’agriculture et la sécurité, pour renforcer leur autonomie et leur résilience face aux défis mondiaux. Les acteurs africains et ceux de l’alliance BRICS peuvent ainsi naviguer dans ce paysage multipolaire en adoptant une approche collaborative et solidaire, pour promouvoir un monde plus équitable et plus durable.

Quelles sont les opportunités qui se présentent à eux ?

Comme mentionnée plus haut, les acteurs africains et BRICS ont l’opportunité de renforcer la coopération Sud-Sud et de promouvoir un développement plus équitable et durable. Ils peuvent créer de nouveaux marchés et de nouvelles opportunités économiques, partager des connaissances et des expériences pour répondre aux défis mondiaux, et promouvoir la réforme des institutions internationales. Cette coopération peut également permettre de développer des projets communs dans des domaines tels que l’infrastructure, l’énergie, les technologies et l’agriculture, et de renforcer les liens économiques, politiques et culturels entre les pays africains et les membres de l’alliance BRICS. C’est ainsi que cette coopération peut contribuer à promouvoir la paix, la sécurité et la stabilité dans les régions concernées, et à renforcer la représentation des pays du Sud dans les institutions internationales. Il s’agit d’une opportunité historique pour les acteurs africains et BRICS de travailler ensemble pour, comme indiqué plus haut, créer un avenir plus prospère et plus durable pour leurs peuples.

À la lumière de ce qui précède, nous pouvons déduire que l’alliance entre le panafricanisme et l’alliance BRICS représente une opportunité historique pour les pays africains et les BRICS de renforcer leur coopération, promouvoir leur développement et redéfinir leur place dans l’ordre mondial. Cette alliance permet de créer un espace de coopération Sud-Sud, où les pays africains et les BRICS peuvent partager leurs expériences, leurs connaissances et leurs ressources pour atteindre des objectifs communs. Elle offre également une opportunité pour les pays africains et les BRICS de promouvoir un modèle de développement plus équitable et durable, qui prend en compte les spécificités et les besoins des pays du Sud. Cette alliance contribue ainsi à promouvoir la paix, la sécurité et la stabilité dans les régions du Sud, en favorisant la résolution des conflits et la coopération régionale.

On peut donc dire que le mariage du panafricanisme à l’alliance BRICS est une étape importante vers un monde multipolaire plus équitable, plus juste et plus durable, où les pays africains et les BRICS peuvent jouer un rôle plus important et plus influent dans l’ordre mondial.

source : New Eastern Outlook

Les BRICS comme moteur de développement durable

par Mikhail Gamandiy-Egorov

Les événements globaux contemporains, aussi bien géopolitiques que géoéconomiques, apportent de nombreuses réponses quant au fait qui représente véritablement des concepts honnêtes et adaptés pour les nations de la majorité mondiale en matière de développement durable. À ce titre, il n’est pas surprenant que le bloc des BRICS représente l’attrait par excellence pour de nombreuses nations du Sud global, au moment où l’Occident n’a rien de véritablement viable à proposer.

Les notions de ce qui est appelé développement durable sont souvent abordées au même titre que nombre de définitions datant de différentes périodes et via divers acteurs. Sur le site des Nations unies, 17 objectifs en rapport avec le développement durable sont énumérés. Le fait est que ledit aspect est effectivement source d’innombrables interprétations, traduisant des intérêts bien souvent divergents et surtout contradictoires.

À titre d’exemple, dans l’espace de la minorité planétaire occidentale, une grande attention est accordée à l’énergie dite «verte», dont les bienfaits seraient «notables» pour l’écologie et justement pour le développement durable. Le seul souci, c’est qu’il s’agit à bien des égards d’un chantage pur et simple à l’encontre des nations de la majorité globale. En d’autres termes, l’Occident ayant connu une industrialisation sur la base de l’exploitation des ressources des peuples colonisés non-occidentaux et qui durant des décennies n’avait que faire des problèmes écologiques liés justement à cette industrialisation, à la pollution et aux méfaits de cette période.

Aujourd’hui se retrouvant face à la réalité que les nations de la majorité globale se sont soit déjà elles aussi industrialisées ou sont en cours d’industrialisation, ou encore aspirent à le faire, il est évident que dans ce cadre, et aussi en tenant compte des bouleversements sur la scène géopolitique et géoéconomique mondiale actuelle, il est impératif pour les régimes occidentaux à chercher de freiner, voire de stopper ce processus. D’autant plus que malgré toutes les belles paroles en provenance de l’espace occidental, lui-même est très loin d’être arrivé à une quelconque étape sérieuse de transition énergétique, voulant l’imposer aux autres, sans être en mesure à l’appliquer pleinement chez soi.

Ceci étant dit, c’est très loin d’être le seul exemple de toute la contradiction et de l’hypocrisie en provenance des régimes et affiliés de la minorité planétaire. L’Occident ne pratiquant aucun transfert technologique digne de ce nom en direction des pays non-occidentaux où il possède des intérêts. Tout en étant extrêmement dépendant des ressources stratégiques en provenance des pays non-occidentaux. Des ressources qu’il souhaite continuer à pouvoir exploiter à l’état brut, pour ensuite les transformer chez soi et obtenir des produits dont la valeur est multipliée de plusieurs fois, une valeur ajoutée obtenue grâce encore une fois aux ressources qui n’appartiennent pas à l’espace occidental, mais dont il veut être le bénéficiaire de loin principal.

D’ailleurs et lorsque parfois certains ont du mal à comprendre d’où provient cette arrogance d’une évidente minorité planétaire, tout s’explique, y compris, à travers les exemples cités, comme nombreux autres. Autrement dit, la posture coloniale et néocoloniale n’a jamais évolué, à la seule différence des interprétations données en fonction des époques et des quelques adaptions nécessaires en fonction des intérêts contemporains.

Mais le monde a énormément changé. L’ordre multipolaire international n’accepte pas qu’un schéma ouvertement gagnant/perdant puisse continuer d’exister, à la grande rage de ceux si longtemps habitués à dominer et à obtenir le profit maximal. Cela explique d’ailleurs pourquoi les nations du Sud global cherchent activement soit à intégrer, ou au moins à se rapprocher, des BRICS. Où le cadre des échanges et des partenariats se fait sur une base totalement différente de celle des Occidentaux. La rage, mais aussi et tout simplement la peur de ces derniers, sont également dues au fait que non seulement l’écrasante majorité des ressources stratégiques, dont l’espace occidental, à quelques rares exceptions, est très globalement stérile, se trouvent précisément dans les pays de la majorité mondiale non-occidentale. Le tout au moment où le développement technologique et industriel, longtemps associé aux régimes de l’Occident + Japon (d’où le G7), est désormais largement présent au sein des principales puissances mondiales non-occidentales.

D’où les nouvelles réalités économiques propres à l’ordre multipolaire international et qui continuent d’évoluer. À l’issue déjà de 2022, les cinq premiers membres des BRICS (Brésil, Russie, Inde, Chine, Afrique du Sud) avaient déjà dépassé en termes de PIB combiné le fameux club du G7 (composé de six régimes occidentaux + Japon). Et plus récemment encore, la Russie est devenue la quatrième puissance économique du monde en termes de PIB à parité du pouvoir d’achat, renforçant encore plus le fait que dans le Top 5 mondial, trois sont membres des BRICS avec la Chine, l’Inde et la Russie, respectivement première, troisième et quatrième.

En parlant justement de la Chine et de la Russie, les deux principales forces promotrices du monde multipolaire contemporain, il est aujourd’hui certainement important à développer et multiplier les projets de transfert technologique en faveur des alliés et partenaires stratégiques du Sud global, notamment en Afrique. Chose que les Occidentaux ne feront par essence, jamais.

Mais au-delà des aspects propres à la géopolitique, la géoéconomie, aux processus stratégiques actuels et à venir à l’échelle mondiale, les BRICS représentent en effet le pôle d’attractivité par excellence pour les nations non-occidentales, et donc de la majorité globale, également dans le cadre de la diversité culturelle et civilisationnelle. Une diversité qui reste également attachée aux valeurs traditionnelles de l’écrasante majorité des peuples du monde. Et c’est là toute la différence avec la minorité planétaire occidentale. Le véritable développement durable ne pourra se faire que sur cette base d’un partenariat gagnant-gagnant. Et non pas sur des arnaques déguisées en belles paroles d’une minorité qui espère simplement réimposer son diktat et sa domination.

Mikhail Gamandiy-Egorov

source : Observateur Continental

Les BRICS préparent un coup de maître contre le dollar

par Luc Jose A.

Les pays membres des BRICS intensifient leurs efforts pour instaurer une nouvelle dynamique économique mondiale. Cette initiative, portée par des développements récents et des accords majeurs, pourrait bouleverser l’équilibre actuel des échanges internationaux.

L’engagement des BRICS dans la dédollarisation

Le ministre russe des Affaires étrangères, Sergueï Lavrov, a récemment souligné lors d’une conférence de presse que le processus de dédollarisation au sein des BRICS est en cours. Il a notamment affirmé que ce processus ne peut être arrêté. Lavrov a également évoqué le développement en cours d’un système de paiement alternatif pour le bloc BRICS. Ce système devrait faire l’objet de recommandations lors du sommet de cette année.

Les BRICS montrent un engagement croissant pour réduire l’utilisation du dollar dans leurs transactions internationales. En juillet, un accord commercial majeur de 100 milliards de dollars a été signé entre la Russie et l’Inde. Cet accord favorise les échanges en monnaies locales et marque un tournant significatif dans la stratégie de dédollarisation du bloc. Il s’inscrit dans une série d’initiatives similaires, dont un accord antérieur avec l’Iran.

Vers un nouveau système de paiement

Les projets de dédollarisation des BRICS ne se limitent pas seulement à des accords bilatéraux. Ils incluent également des développements dans les systèmes de paiement. Lavrov a mentionné les «idées de création de plateformes de paiement alternatives» lors du sommet de 2023. L’Iran a récemment exprimé son soutien à ce système, souhaitant que celui-ci connecte toutes les banques centrales du bloc.

Cette initiative pourrait avoir des répercussions majeures sur l’utilisation du dollar à l’échelle mondiale, réduisant ainsi l’influence financière des États-Unis. Les BRICS poursuivent également la mise en place d’un mécanisme de règlement des paiements et des comptes. Ce développement pourrait potentiellement bouleverser les pratiques financières internationales établies.

En résumé, les BRICS sont plus déterminés que jamais à poursuivre leur stratégie de dédollarisation. Le processus est désormais irréversible et promet de transformer les dynamiques économiques mondiales. L’impact de ces changements mérite une attention soutenue, car ils pourraient remodeler les marchés financiers internationaux et l’équilibre des pouvoirs économiques.

source : Cointribune via Strategika

 

BRICS 2024 et la marche de la multipolarité

Source : RzO International - Le 10/01/2024

par Mikhail Gamandiy-Egorov

L’élargissement de l’alliance des BRICS en direction de nouveaux pays représente désormais la nouvelle étape importante pour l’ordre multipolaire international. Et pendant que les prétendus experts d’un monde révolu continuent à lui chercher des failles, l’essentiel étant que l’agenda du bloc pro-multipolarité continue sa marche résolue vers l’avant. Le tout en sachant que les étapes d’élargissement de l’alliance sont bien loin d’être terminées.

Les BRICS (Brésil, Russie, Inde, Chine, Afrique du Sud) se sont officiellement élargis en faveur de cinq nouveaux membres, à savoir l’Iran, l’Arabie saoudite, l’Égypte, l’Éthiopie et les Émirats arabes unis. Représentant désormais ensemble près de 30% de la surface terrestre et 45% de la population mondiale. Comme le note d’ailleurs Bloomberg, l’organisation internationale regroupe désormais certains des plus grands producteurs d’énergie de la planète, de même que certains des plus importants consommateurs parmi les pays dits «en développement», renforçant par la même occasion l’influence économique du groupe dans un monde «dominé par les États-Unis».

Évidemment et là où l’instrument médiatique et financier étasunien se trompe considérablement, c’est précisément quant au monde prétendument «dominé» par les USA. Cette réalité est révolue et ne fera que prendre encore plus d’ampleur dans les mois et les années à venir. Comme prévu, les experts autoproclamés de la minorité planétaire occidentale continuent à tenter de chercher des «failles» au sein de l’alliance des BRICS. Stipulant à chaque fois que les pays membres ont beaucoup de différences et de particularités sur les plans culturel, politique ou économique.

Le souci pour la minorité occidentale est qu’elle n’arrive justement pas à comprendre que la force d’organisations internationales telles que les BRICS réside précisément dans la diversité, la véritable diversité. Et cette diversité représente désormais un contrepoids de très grande taille aux tentatives occidentales à vouloir unifier le monde sous la coupe de fausses valeurs de l’Occident. Des valeurs dont l’écrasante majorité des peuples non-occidentaux, et donc de la large majorité mondiale – ne souhaite pas.

En parlant d’ailleurs toujours de cette diversité au sein des BRICS – l’a-t-elle empêché de dépasser le club d’un autre âge regroupant plusieurs régimes occidentaux + Japon du G7 en termes de PIB combiné ? Et ce en passant uniquement sur la base des cinq premiers membres de l’organisation. Cette diversité véritable a-t-elle empêché le groupe pro-multipolaire à lancer et développer activement le processus de dédollarisation ? Une dédollarisation à laquelle d’ailleurs se joignent d’autres nations du Sud global – pas encore membres des BRICS – mais qui aspirent à le devenir.

Un processus par la même occasion qui ne se limite pas uniquement à l’aspect très important de dédollarisation, mais qui concerne désormais plus globalement parlant l’indépendance vis-à-vis des instruments financiers occidentaux. Ajoutons effectivement à cela le rôle actualisé des BRICS sur le marché énergétique international, qui peut d’ailleurs, outre le pétrole et le gaz, être étendu à d’autres ressources stratégiques appartenant aux peuples représentant la majorité planétaire – et le tour est joué.

Le tout évidemment sans oublier une coordination de plus en plus accrue entre les nations concernées dans les affaires internationales sur les plans politique, géopolitique ou encore sécuritaire. Et ce pas uniquement sur la base d’une coordination stratégique internationale reconnue entre la Chine et la Russie – deux membres permanents du Conseil de sécurité onusien. Tout cela représente quelques des éléments de réponse aux «doutes» émis par les nostalgiques de l’unipolarité quant à l’avenir des BRICS. Des pseudo-doutes qu’ils ne font d’ailleurs qu’exprimer depuis déjà de longues années, mais avec à chaque fois des erreurs évidentes de calculs. Y compris en matière en prévision du timing lorsque les BRICS auront dépassé économiquement le G7… À la plus grande amertume des analystes occidentaux, cela est arrivé non pas à partir de 2030, mais précisément à l’issue de… 2022. Pour l’anecdote durant la fameuse période où l’establishment occidental espérait si fortement mettre la Russie «à genoux» économiquement, via des sanctions unilatérales illégales.

En parlant justement de sanctions – la réalité contemporaine démontre en ce moment même que lesdites sanctions ne sont plus le monopole exclusif de la minorité occidentale. Comme le confirme d’ailleurs l’annonce par la Chine en ce 7 janvier 2024 de sanctions à l’encontre de cinq entreprises étasuniennes de l’industrie de la défense, pour avoir livré des armes à la région chinoise de Taïwan, ainsi qu’en réponse à l’imposition par Washington de plusieurs sanctions contre Beijing, encore une fois unilatérales et illégales.

Pour finir, le seul petit point «positif» dont aimeraient se vanter les élites de l’Occident étant le désistement de l’Argentine à rejoindre les BRICS suite à l’élection d’un nouveau président résolument pro-occidental. Ceci étant dit et là aussi les faux exceptionnels de l’Ouest se retrouvent face une situation plutôt désagréable – sachant que le pouvoir argentin actuel a déjà affirmé vouloir récupérer les îles Malouines au régime britannique, appelées «îles Falkland» par ce dernier. Pas très aimable d’ailleurs vis-à-vis «d’amis» anglo-étasuniens.

Dans tous les cas et pendant que Buenos Aires dans sa nouvelle configuration aura à discuter de l’avenir des dits territoires avec Washington et Londres, tout en ayant à gérer une situation économique difficile surtout après les opportunités perdues, du moins pour le moment – les BRICS version 2024 sous la présidence de Moscou auront beaucoup de travail sérieux à accomplir.

Mikhail Gamandiy-Egorov

source : Observateur Continental

BRICS : Cette initiative voulue par la Russie va tout bouleverser

 

Source : RzO International - Le 06/01/2024.

par Luc Michel

À l’heure où les dynamiques géopolitiques mondiales évoluent rapidement, la Russie, membre influent des BRICS, démontre son ambition de redéfinir les règles du jeu international, non seulement dans le domaine économique mais aussi agricole et pétrolier.

Récemment, la Russie a intensifié ses efforts de dédollarisation en dialoguant avec l’Arabie saoudite, nouveau membre potentiel des BRICS, pour utiliser leurs monnaies nationales dans les échanges commerciaux, une stratégie visant à réduire leur dépendance au dollar américain.

Cette démarche, particulièrement pertinente dans le contexte des sanctions internationales et des fluctuations du marché pétrolier, témoigne de la volonté russe de diversifier et de renforcer ses alliances économiques.

Le domaine agricole rentre dans la danse

Dans ce contexte, la Russie a pris des mesures audacieuses dans le secteur agricole. Cette année, le pays a exporté 62,5 millions de tonnes de céréales, enregistrant une augmentation substantielle par rapport à l’année précédente. Parallèlement, la Russie a fait preuve de solidarité envers les pays africains en proie à l’insécurité alimentaire, en fournissant gratuitement du blé à six nations nécessiteuses.

Dans un contexte international tendu, où de plus en plus de zones de tensions apparaissent… S’appuyant sur cette dynamique, la Russie a proposé la création d’une bourse des céréales BRICS, dans le cadre de sa présidence de l’organisation en 2024.

L’objectif est de mettre en place une infrastructure commerciale et de compensation unifiée pour les échanges de céréales entre les pays membres. Cette initiative est d’autant plus pertinente que les pays du BRICS produisent plus d’un milliard de tonnes de céréales par an, représentant une part importante de la production et de la consommation mondiale.

L’initiative de créer une bourse des céréales BRICS est une réponse directe à la prédominance actuelle des infrastructures du marché mondial des céréales, largement influencées par les États-Unis depuis la Seconde Guerre mondiale. Les prix mondiaux des céréales, essentiels pour la sécurité alimentaire et l’économie des pays du BRICS, sont souvent formés et manipulés dans des pays tiers, avec une dépendance marquée envers le dollar américain. La création de cette bourse pourrait donc rééquilibrer le pouvoir dans ce secteur vital.

L’initiative de la Russie de créer une bourse des céréales BRICS, couplée aux efforts de dédollarisation, illustre la stratégie multifacette de Moscou pour renforcer son influence économique et géopolitique dans un contexte de sanctions sévères.

En jouant un rôle de premier plan dans des secteurs aussi divers que l’agriculture, l’énergie et les finances, la Russie se positionne sur tous les fronts, cherchant à façonner un nouvel ordre mondial où les BRICS joueraient un rôle central. Ces développements pourraient non seulement transformer le marché (mondial) des céréales, mais également modifier de manière significative les équilibres géopolitiques et économiques à l’échelle mondiale.

source : Luc Michel’s Transnational Action

Les BRICS appellent à une trêve à Gaza

Source : Le Courrier des Stratèges - par Edopuard Husson - Le 21/11/2023.

Les BRICS appellent à une trêve à Gaza

Réunis dans un sommet virtuel extraordinaire, les BRICS ont fermement appelé à une trêve humanitaire à Gaza. Le président sud-africain, qui exerce la présidence du groupe jusqu’à la fin de l’année, est allé jusqu’à dénoncer un génocide commis par les Israéliens. Les médias occidentaux se plaisent à souligner, par contraste, la position en retrait de l’Inde. En réalité, le résumé de la discussion est important parce qu’il répète l’importance des résolutions de l’ONU et appellent à la création d’un Etat palestinien. Cette déclaration survient à un moment où l’on parle de plus en plus d’un cessez-le-feu provisoire pour un échange d’otages, sous l’égide du Qatar.

La déclaration des BRICS sur le conflit à Gaza

La bataille du Proche-Orient

Lu sur “Rybar In English”:

Escalade dans la zone de conflit israélo-palestinienne – chronique des événements jusqu’au 20 novembre 2023

Les troupes israéliennes poursuivent leurs opérations terrestres dans la bande de Gaza. Dans le secteur nord, un groupe blindé de l’IDF a atteint l’ hôpital indonésien. L’établissement médical, qui accueille plus d’un millier de patients, a été privé d’électricité tout au long de la journée.

Dans les prochains jours, nous pourrions assister à une situation similaire à l’hôpital Al-Shifa, où environ 200 personnes sont mortes en raison de la défaillance des systèmes de maintien en vie. Actuellement, les soldats des FDI occupent les bâtiments proches de l’hôpital et tirent sur tout mouvement à proximité de l’établissement médical.

Des images ont également été diffusées sur Internet, confirmant l’avancée israélienne au sud de Gaza. D’après ces images, des unités des Forces de défense israéliennes sont positionnées dans la zone de la Cour suprême. Il est possible que le bâtiment subisse le même sort que d’autres installations administratives détruites par les FDI pour éliminer les sorties des tunnels souterrains.

Pendant ce temps, les tensions restent vives à la frontière nord d’Israël. Aujourd’hui, les combattants du Hezbollah ont à nouveau utilisé des missiles Burkan, ciblant cette fois avec succès la caserne située sur le terrain de la base militaire de Biranit. Tout au long de la journée, le groupe a lancé plus de 40 missiles et trois drones.

https://t.me/rybar_in_english

Les tirs depuis les deux côtés de la frontière du Liban ont continué:

 

Les Houthis (yéménites) s’emparent d’un navire marchand israélien avec un équipage étranger

Sur Infobrics, Lucas Leiroz tire un bilan mitigé de l’effort militaire israélien depuis le 7 octobre. Il revient en particulier sur l’arraisonnement par les Houthis:d’un navire marchand israélien:

Il apparaît de plus en plus clairement que le conflit en Palestine n’est pas une tâche facile pour Israël. Outre les difficultés à progresser sur le champ de bataille et les lourdes pertes subies par les FDI lors des affrontements avec les troupes palestiniennes, des défaites en mer commencent à se produire. Les forces yéménites, qui avaient auparavant déclaré leur soutien total à la Palestine, ont capturé un important navire marchand israélien, prenant de nouveaux otages et renforçant le pouvoir de négociation des Palestiniens dans le processus de négociation de l’échange de prisonniers.

Il ne fait aucun doute qu’Israël est plus fort que ses adversaires dans la guerre palestinienne actuelle. Tel-Aviv est un État doté d’une structure complexe et organisée, d’une armée nationale régulière et d’une force suffisante pour vaincre les milices armées telles que le Hamas et de nombreux autres groupes armés palestiniens. Le problème est que les combats ne sont pas symétriques et que, malgré des avancées territoriales, Israël subit manifestement des dommages importants, ce qui pourrait engendrer de grandes difficultés dans un avenir proche.

Les Brigades Al-Qassam, la branche militaire du Hamas, annoncent fréquemment la neutralisation de soldats et de chars israéliens. Plusieurs vidéos ont été publiées sur les médias sociaux montrant des combattants du Hamas utilisant des roquettes et des grenades contre des chars israéliens et les mettant instantanément hors d’état de nuire. Confirmant les prévisions des analystes, Israël éprouve des difficultés à utiliser ses véhicules de combat dans une zone urbaine pleine de débris. Les bombardements de Tsahal ont détruit des bâtiments civils, rendant le terrain de Gaza difficile pour les chars, qui finissent par devenir une cible facile pour le Hamas.

De même, il est important de rappeler qu’Israël n’a pas encore réussi à pénétrer dans les tunnels du Hamas. Les FDI ont prétendu que la Résistance palestinienne utilisait l’hôpital Al Shifa et d’autres installations civiles comme bouclier humain. Avec ces excuses, plusieurs bombardements ont été effectués contre des hôpitaux, mais aucun bunker n’a été trouvé. Dans la pratique, les FDI sont incapables de trouver le bon moyen d’atteindre le système souterrain de l’ennemi. Les bombardements contre les civils n’ont donc aucune valeur stratégique.

Cependant, la situation n’est pas seulement compliquée sur le champ de bataille terrestre. En mer, les choses s’aggravent pour l’État sioniste, qui commence à subir des pertes non seulement militaires mais aussi commerciales. Le 19 novembre, les forces armées houthies du Yémen ont capturé un important navire marchand israélien en mer Rouge. Le navire appartient à un homme d’affaires israélien et était exploité par des employés de sociétés allemandes et japonaises pour un voyage de la Turquie à l’Inde.

Le porte-parole militaire des Houthis, Yahya Saree, a déclaré sur les réseaux sociaux que cette capture était une réponse aux “actes odieux commis contre nos frères palestiniens à Gaza et en Cisjordanie”, ajoutant que “si la communauté internationale se préoccupe de la sécurité et de la stabilité régionales, elle devrait mettre fin à l’agression d’Israël contre Gaza au lieu d’étendre le conflit”.

Vingt-cinq personnes auraient été faites prisonnières par les Houthis. Aucun membre de l’équipage ne serait citoyen israélien, ce qui rend l’affaire encore plus complexe. En capturant un navire israélien avec un équipage étranger, les Houthis créent une situation d’instabilité diplomatique pour Tel-Aviv. Les pays dont les citoyens ont été capturés exigeront une opération de sauvetage rapide et sûre, mais il est pratiquement impossible d’y parvenir par des moyens militaires. Le pouvoir de négociation des Palestiniens s’en trouve donc renforcé. Pour éviter une crise diplomatique et la mort éventuelle d’étrangers lors d’une opération navale, Israël devra accepter de libérer des prisonniers palestiniens, de se retirer militairement ou de répondre à toute autre demande des Yéménites.

Tous ces facteurs placent Israël dans une situation diplomatiquement et militairement difficile. Tsahal doit faire face à une longue usure militaire, à de lourdes pertes et, parallèlement, Tel-Aviv connaît une grande instabilité diplomatique et politique. Le gouvernement Netanyahou est le plus touché par cette crise, car toutes ses actions se retournent contre lui. Si Netanyahou augmente les attaques, il est critiqué pour violation des droits de l’homme et fomentation de la guerre. S’il réduit l’intensité des combats, ses adversaires le qualifient de dirigeant faible et incapable d’atteindre les objectifs d’Israël.(…)

infobrics, 20 novembre 2023

Il a commencé à neiger sur la ligne de front en Ukraine

Lu sur southfront.org:

Le froid s’installe sur les lignes de front ukrainiennes. La première neige est tombée sur le champ de bataille dans certaines zones, tandis que les pluies continuent dans d’autres. La détérioration du temps affecte certainement les hostilités en cours. Cependant, alors que l’armée de Kiev tente de justifier ses défaites dans la bataille par “des buissons et de la boue”, selon les services de renseignement britanniques, et que l’OTAN reproche hystériquement à Poutine d’utiliser le gel comme arme, l’armée russe continue d’avancer dans les bastions ukrainiens lourdement fortifiés dans le Donbass.

Ces derniers jours, les forces russes ont réalisé de nouveaux gains à Avdeevka. Elles ont percé les défenses ukrainiennes dans la zone industrielle au sud de la ville. Les combattants russes ont pris le contrôle de nouvelles positions près de la station Yasinovataya-2, que l’armée ukrainienne renforçait depuis des années dans le cadre de l’opération antiterroriste menée contre la population du Donbass. Malgré la résistance acharnée des Ukrainiens, l’opération de nettoyage se poursuit dans cette zone.

Les combattants russes conservent également l’initiative militaire sur le flanc nord d’Avdeevka. Au cours de la semaine dernière, l’armée russe a étendu sa zone de contrôle le long et au-delà de la ligne de chemin de fer, et les combats ont également approché la périphérie de Novokalinovo. À Avdeevka même, les forces russes ont pris le contrôle de bâtiments industriels dans la zone de la décharge de cendres et ont pénétré sur le territoire de l’usine de coke et de produits chimiques. Les soldats ukrainiens sont contraints de se cacher dans les sous-sols d’une immense usine, comme ils l’ont fait à Azovstal, à Marioupol.

Après de longs mois d’attaques sanglantes autour de Bakhmut, les militaires ukrainiens ont perdu l’initiative dans cette zone et se sont finalement mis sur la défensive. Les troupes russes poursuivent leur assaut sur Kleshcheevka et avancent sur sa partie nord. Les batailles pour le bastion principal au nord-ouest du village se poursuivent. Andreevka est à nouveau passé dans la zone grise. Sur le flanc nord de Bakhmut, les forces russes ont pris le contrôle total du territoire autour du réservoir de Berkhovka et visent à couper la route stratégiquement importante utilisée par le groupe ukrainien à Khromovo.

La semaine dernière a été marquée par les tentatives des forces ukrainiennes de lancer des attaques près de Gorlovka. Plusieurs de leurs assauts ont été repoussés à la périphérie ouest de la ville. Ces opérations visent très probablement à forcer le commandement russe à transférer des réserves d’autres zones.

Pendant ce temps, les combats se poursuivent dans la région de Zaporozhye. Les militaires russes repoussent les assauts et les contre-attaques ukrainiens. Aucun des deux camps n’a l’avantage pour le moment, mais les forces ukrainiennes n’abandonnent pas leurs tentatives de percer la défense russe.

Sur la rive orientale du Dniepr, les combats se poursuivent dans la tête de pont ukrainienne de Krynki. La partie centrale du village reste sous le contrôle des forces ukrainiennes, qui étendent parfois leur zone de contrôle. Elles ont légèrement progressé vers le nord mais ont été presque repoussées des zones forestières au sud.

southfront.org, 21 novembre 2023

Le monde multipolaire en gestation

Source : The Saker francophone - Par Moon of Alabama − Le 23 octobre 2023

 

En 2007, lors de son célèbre discours de Munich, le président russe Vladimir Poutine a souligné la montée inéluctable d’un monde multipolaire.

Il a commencé par définir l’état opposé :

Mais qu’est-ce qu’un monde unipolaire ? Quelle que soit la manière dont on embellit ce terme, il se réfère en fin de compte à un type de situation, à savoir un centre d’autorité, un centre de force, un centre de décision.

C’est un monde où il n’y a qu’un seul maître, un seul souverain. Et en fin de compte, c’est pernicieux non seulement pour tous ceux qui font partie de ce système, mais aussi pour le souverain lui-même, parce qu’il se détruit de l’intérieur.

 

Les tendances unilatérales des États-Unis et de l’Occident en général ont été décrites comme des impasses :

Ce qui se passe dans le monde d’aujourd’hui – et nous venons juste de commencer à en discuter – est une tentative d’introduire précisément ce concept dans les affaires internationales, le concept d’un monde unipolaire.

Et avec quels résultats ?

Les actions unilatérales et souvent illégitimes n’ont résolu aucun problème. En outre, elles ont provoqué de nouvelles tragédies humaines et créé de nouveaux foyers de tension.

Nous assistons à un mépris de plus en plus grand des principes fondamentaux du droit international. Et les normes juridiques indépendantes se rapprochent de plus en plus du système juridique d’un État. Un État, et bien sûr en premier lieu les États-Unis, a dépassé ses frontières nationales dans tous les domaines. Cela se voit dans les politiques économiques, politiques, culturelles et éducatives qu’ils imposent aux autres nations. Mais qui aime cela ? Qui s’en réjouit ?

Il a souligné les changements inévitables qui se produisent dans le monde pour contrer cette tendance :

Le PIB combiné, mesuré en parité de pouvoir d’achat, de pays comme l’Inde et la Chine est déjà supérieur à celui des États-Unis. Et un calcul similaire avec le PIB des pays BRIC – Brésil, Russie, Inde et Chine – dépasse le PIB cumulé de l’UE. Et selon les experts, cet écart ne fera que s’accroître à l’avenir.

Il n’y a aucune raison de douter que le potentiel économique des nouveaux centres de croissance économique mondiale sera inévitablement converti en influence politique et renforcera la multipolarité.

Voilà la multipolarité, le “gros mot” que les États-Unis n’ont pas osé prendre au sérieux. Poutine a été moqué, puis condamné, pour avoir fait ces prédictions très claires.

Mais aujourd’hui, la multipolarité a progressé.

Nous vivons aujourd’hui dans un monde multilatéral. Nous voyons la Russie, la Chine et de nombreux petits pays unis dans leur volonté de préserver leurs droits et leur sécurité. La guerre froide est terminée. Les décennies quelque peu unilatérales qui l’ont suivie sont désormais révolues. Nous avons besoin d’un nouvel ordre mondial.

Aux États-Unis, cet état d’esprit a enfin commencé à être compris.

Mais pas totalement. Nous ne savons pas encore s’il va prédominer.

Il y a deux jours, le président américain Joe Biden a pris la parole lors d’une soirée de campagne. Parmi les nombreux bla-bla habituels, ce paragraphe a retenu l’attention :

Pendant 50 ans, nous avons connu une période d’après-guerre qui a très bien fonctionné, mais elle s’est en quelque sorte essoufflée. Il faut un nouvel – un nouvel ordre mondial en quelque sorte, comme c’était le cas pour l’ordre mondial.

Et voilà – on peut voir le doute s’installer.

Les États-Unis ont peu de temps pour préserver une partie de leur influence dans le nouvel ordre mondial qui se met en place :

Écoutez, nous sommes à un point d’inflexion de l’histoire – littéralement un point d’inflexion de l’histoire – car les décisions que nous prendrons dans les quatre ou cinq prochaines années détermineront ce à quoi ressembleront les quatre ou cinq prochaines décennies. Et c’est – c’est un fait.

Le site d’information ukrainien Strana, qui a été le premier à relever la reconnaissance du changement global par Biden, décrit les implications de cette réflexion (traduction automatique) :

Il convient de noter que la “sacrée bonne” paix d’après-guerre de 50 ans dont a parlé Biden est le résultat de la guerre la plus brutale de l’histoire de l’humanité. Elle est également apparue à la suite des accords conclus entre l’URSS et les États-Unis, qui ont essentiellement divisé les sphères d’influence en Europe.

Si nous partons de ce contexte historique, il s’avère que Biden propose soit de remporter une victoire militaire sur la Fédération de Russie et la Chine, avec lesquelles les États-Unis sont actuellement en froid, soit de négocier avec elles et d’organiser un “nouveau Yalta” avec la division du monde en sphères d’influence.

De quel côté penchera la balance ? Du côté nouvelle guerre mondiale ? Ou du côté nouvelles négociations ?

Conférence de Yalta

Nous ne le savons pas encore.

Poutine avait prédit que la poursuite d’un pouvoir unilatéral conduirait automatiquement à la fin de celui qui le recherche. Comme le reconnaît Biden, les États-Unis, dans leur illusion, sont en train de se déchirer.

Avant l’événement de la campagne, Joe Biden avait prononcé un discours public depuis la Maison Blanche.

Adam Tooze y a réfléchit :

Biden :

Le leadership américain est ce qui maintient l’unité du monde.

Le président n’a pas improvisé. Il n’a pas prononcé beaucoup de discours depuis le Bureau ovale. C’est une équipe de rédacteurs qui a conçu cette phrase extraordinaire.

Elle reflète les convictions profondes de Washington. En février 2021, le nouveau secrétaire d’État Antony Blinken a prononcé plusieurs discours et interviews dans lesquels il a répété cette phrase :

Le monde ne s’organise pas tout seul. Lorsque nous ne nous engageons pas, lorsque nous ne prenons pas l’initiative, deux choses se produisent : soit un autre pays essaie de prendre notre place, mais probablement pas d’une manière qui favorise nos intérêts et nos valeurs, soit personne ne le fait, et c’est alors le chaos.

Cette idée, selon laquelle il existe une “place” dans le monde, qui est celle de “l’Amérique en tant qu’organisateur“, et que si l’Amérique n’occupe pas cette place et ne fait pas son travail, le monde s’effondrera, ou une autre puissance prendra la place de l’Amérique en tant qu’organisatrice, est profondément ancrée dans le cercle politique américain.

En tant que proposition métaphysique, elle est stupide et illusoire. Il est bizarre d’imaginer que le monde a besoin de l’Amérique pour “tenir ensemble“. L’Amérique elle-même est loin d’être en un seul morceau.

L’auteur décrit les conséquences mondiales négatives de cette pensée américaine délirante pour ensuite s’interroger sur ses résultats :

Quel est l’impact d’un système politique américain dysfonctionnel, où l’aile la plus raisonnable de l’élite dirigeante s’accroche à des idées systématiquement illusoires sur le rôle de l’Amérique ? On pourrait dire que l’hypocrisie est normale. C’est le péché capital du libéralisme. Mais à la lumière de l’ampleur des problèmes mondiaux qui se profilent à l’horizon et de la modification de l’équilibre des pouvoirs qui s’est déjà produite, sans parler de celle qui est peut-être encore à venir, combien de temps cette tension pourra-t-elle être maintenue et quel en sera le prix ?

Il semble se demander si les choses changeront un jour :

La seule chose qui semble certaine est que nous devrions éviter de tomber dans le piège de ce que j’ai appelé la fin-fiction ou la fin-fi, qui suppose que parce que ces tensions semblent insupportables, elles doivent par conséquent se résoudre d’une manière logique, par exemple dans la spéculation sur la fin de l’hégémonie du dollar ou ce qui semble être le fantasme de Biden d’un retour à la normalité du leadership américain.

Je suis même sceptique à l’idée d’invoquer des termes tels que “interrègne“, signifiant un hiatus temporaire entre deux ordres de pouvoir.

Qu’est-ce qui nous permet de croire que notre situation actuelle est temporaire et qu’un nouvel ordre, semblable à l’ancien, émergera ?

Ne s’agit-il pas d’une autre version du type de pensée qui affirme que le monde “a besoin d’être organisé” par une puissance assise à la tête de la table – à la “place de l’Amérique” ?

Cette question me semble passer à côté de ce que signifie réellement le multilatéralisme. Il ne s’agit pas d’un unilatéralisme dirigé par un autre pays. Il s’agit d’un système de Nations unies quelque peu démocratique, avec un Conseil de sécurité élargi qui inclut les pays les plus peuplés de chaque continent.

Cela signifie qu’il faut respecter le droit international.

Les États-Unis participeront-ils à ce système ? Ou faudra-t-il une guerre mondiale pour en décider ?

Moon of Alabama

Traduit par Wayan, relu par Hervé, pour le Saker Francophone.

 

 

La puissance des BRICS dans le domaine des matières premières peut-elle imposer un nouvel “ordre” économique ?

Source : The Saker francophone.

 

Qui contrôle désormais l’inflation aux États-Unis ? Une Fed piégée ou le nouveau roi des matières premières ?


Par Alastair Crooke – Le 18 septembre 2023 – Source Strategic Culture

Un “tournant” tranquille s’est produit. Il n’y a rien eu d’éclatant, beaucoup l’ont peut-être à peine remarqué, mais il est pourtant significatif. Le G20 n’a pas sombré dans la confrontation sordide attendue, les États du G7 (que Jake Sullivan a qualifié de “comité directeur du monde libre”) exigeant une condamnation explicite de la Russie au sujet de l’Ukraine, contre le Reste – comme cela s’est produit l’année dernière à Bali. Non, le G7 s’est “rendu” de manière inattendue à un “non-Occident” mondial en pleine ascension, qui a insisté de manière cohérente sur sa position collective.

Les prémisses de l’insurrection étaient évidentes depuis le sommet des BRICS au mois d’août – le message était clair. Le non-Occident ne se laisserait pas corrompre ou contraindre à soutenir la “ligne” du G7 à l’égard de la Russie. La guerre en Ukraine a été à peine mentionnée dans la déclaration finale – commune – et l’exportation de céréales (russes et ukrainiennes) a été traitée de manière équitable. C’était un chef-d’œuvre de diplomatie de la part de l’Inde.

Le G7 a manifestement décidé que le “jeu des points” à propos de l’Ukraine n’en valait pas la chandelle. Il a donné la priorité à la recherche d’un consensus, plutôt que de faire échouer le G20 (peut-être “finalement” , avec une déclaration en suspens).

Mais pour que les choses soient claires, ce n’est pas la minimisation de l’Ukraine qui a marqué le “tournant” . Le changement de cap sur l’Ukraine – désormais consolidé dans le cadre d’un changement plus large de la politique américaine à l’égard de l’Ukraine – était très important mais pas primordial.

Ce qui a été “primordial” , c’est que l’ensemble des pays non occidentaux a pu se rassembler autour de sa demande urgente d’une réforme radicale du système mondial. Ils veulent un changement dans l’architecture économique mondiale ; ils contestent les structures (c’est-à-dire les systèmes de vote qui se cachent derrière ces structures institutionnelles telles que l’OMC, la Banque mondiale et le FMI) – et surtout ils s’opposent à l’hégémonie militarisée du dollar.

La demande – pour dire les choses clairement – est d’avoir un siège à la table des négociations. Point final.

Rien de tout cela n’est nouveau, cela germe depuis la fameuse déclaration de Bandung (1955), dont la résolution a jeté les bases du mouvement des non-alignés. À l’époque, ces États n’avaient pas le poids nécessaire pour atteindre leurs objectifs. Il en va autrement aujourd’hui : menés par la Chine, la Russie, l’Inde et le Brésil, les BRICS ont le poids économique et la “position de première ligne face à l’Occident” nécessaires pour contester l’“ordre fondé sur des règles” et insister sur le fait que s’il doit y avoir des “règles” , elles doivent être consensuelles.

Il s’agit là d’un programme véritablement radical. Une fois encore, le “tournant” est que le non-Occident, même en l’absence des présidents Xi ou Poutine, a montré qu’il avait le poids nécessaire pour faire tomber le G7.

C’est une bonne chose en théorie, mais il faut maintenant passer au concret : l’Inde aspire à un siège permanent au Conseil de sécurité des Nations unies. Beaucoup diront que l’Inde est bien qualifiée. La structure du Conseil de sécurité tend aujourd’hui à ressembler à une relique fossilisée de l’après-guerre.

Pourtant, qui se porterait volontaire pour céder son siège à une Inde qui se respecte ? Le Brésil (surprise, surprise) pense que l’Amérique du Sud devrait également avoir son mot à dire au sein du Conseil. En somme, la réforme du Conseil est une question qui, du moins jusqu’à présent, restait “intouchable” . Mais les temps changent. Il s’agit d’une question sur laquelle le Sud global s’acharne et continuera à s’acharner, quoi qu’il en soit, à la manière d’un terrier.

Il y a ensuite la question des “deux sphères” . Les déclarations des BRICS et du G20 insistent toutes deux sur le fait que leur objectif n’est pas de supplanter l’“ordre” existant, mais de l’habiter dans des conditions équitables, après une reconstruction et une réorientation majeures.

L’Inde, en particulier, est réticente à l’idée de brûler tous les ponts avec l’Occident et penche en faveur d’une réforme progressive de la structure économique mondiale, conduisant à l’établissement d’une sphère commerciale unique (l’Inde a de nombreux intérêts en Occident). D’autres États des BRICS partagent également ce point de vue. Ils refusent d’être contraints de choisir entre deux sphères incompatibles. (La Chine était de cet avis, mais elle constate aujourd’hui que ce sont les États-Unis, malgré leurs dénégations, qui ont l’intention de brûler les ponts avec la Chine !)

Mais n’est-il pas un peu naïf d’attendre de l’Occident qu’il abjure son colonialisme furtif ?

La primauté occidentale repose sur les piliers que sont la menace d’une guerre financière et de sanctions, le monopole des brevets technologiques, les normes et protocoles réglementaires, ainsi que la détention et le maintien d’une “avance technologique” mondiale. Le Premier ministre Modi pense-t-il vraiment que l’Occident peut être incité à renoncer à ces atouts simplement parce que le Sud le lui demande ?

Cela semble “tiré par les cheveux” (même s’il ne fait aucun doute que Xi et Poutine ont expliqué à Modi certains de ces “choses financières de la vie”).

Eh bien, ces “choses de la vie” , que certains membres des BRICS ne sont pas encore prêts à intérioriser, sont précisément la raison pour laquelle la Russie et la Chine préparent une sphère économique alternative, totalement séparée du dollar et du système bancaire et financier lié au dollar. Il s’agit d’un plan “B” , qui peut facilement devenir un plan “A” .

Ce débat (une sphère commerciale unique ou deux) pourrait devenir la question clé à laquelle seront confrontés les BRICS et l’Occident. C’est la réaction de l’Occident qui est en jeu : sera-t-il possible de contraindre les États-Unis à procéder à des réformes aussi radicales des institutions et structures actuelles alignées sur les États-Unis, de sorte qu’une sphère économique non occidentale tout à fait distincte ne soit plus nécessaire ?

Ces questions pourraient faire surface plus tôt que prévu – peut-être même lors de l’Assemblée générale des Nations unies la semaine prochaine.

Pour parler franchement, la dure réalité est que si les États-Unis cèdent leur emprise sur l’architecture financière mondiale, on peut s’attendre à ce que le niveau de vie des Américains baisse de manière significative à mesure que la demande de dollars diminuera (avec l’augmentation des échanges de devises propres au niveau mondial). Bien entendu, la demande de dollars ne disparaîtra pas complètement.

Cette demande collective d’une nouvelle architecture financière – un nouvel accord de Bretton Woods – ne pouvait pas arriver à un moment plus délicat pour l’Occident. Un heureux hasard pour la Russie et la Chine… ?

De nombreux Occidentaux pensent que tout va bien, que la Fed américaine va probablement maîtriser l’inflation et qu’elle va bientôt réduire les taux d’intérêt. Pourtant, les prix du pétrole ont augmenté de 37 % et continuent de grimper. C’est le cas depuis que les prix ont atteint leur niveau le plus bas il y a quelques mois. “Les gens oublient que les prix du pétrole ont chuté de près de 50 % par rapport à leur sommet, et que cette chute s’est terminée en mai de cette année. Et cette forte baisse des prix du pétrole a été le principal facteur qui a fait passer l’inflation globale de 9 % à 3 %” . L’énergie est un coût important qui doit être répercuté sur les consommateurs. Il en va de même pour les intérêts de la dette, qui augmentent à mesure que les taux d’intérêt augmentent dans l’ensemble de l’économie.

Tout le monde attend que la Fed réduise ses taux, car la seule façon pour le gouvernement américain, les consommateurs américains et les entreprises de gérer leur dette actuelle (sur laquelle ils se sont engagés – à taux zéro) est que les taux d’intérêt baissent. Les gens peuvent comprendre cela, mais ils supposent simplement que ce ne sera pas un problème parce que, bien sûr, la Fed “va réduire les taux” .

Il est cependant très peu probable que les autorités occidentales soient en mesure de ramener les taux à zéro. La vente de pétrole supplémentaire à partir de la réserve stratégique américaine n’est tout simplement pas envisageable : à l’heure actuelle, l’économie américaine ne peut fonctionner que pendant 20 jours avec ses réserves de pétrole actuelles.

Et la Fed ne sera pas en mesure de lancer une nouvelle campagne d’impression monétaire si l’économie devait tomber en récession. La Fed peut tenter de sauver l’économie de cette manière, mais lorsque l’inflation est le problème, il n’est pas possible de résoudre un problème d’inflation en créant davantage d’inflation. L’inflation (et les taux d’intérêt), après un court délai, augmenterait à nouveau.

Le fait est qu’une grande partie des couches dirigeantes n’a toujours pas “capté” : l’expérience de décennies d’inflation quasi nulle que l’Occident a connue s’est imprimée dans l’esprit collectif – mais ce monde où l’on gagnait de l’argent sans effort était une aberration, et non une norme. En clair, l’Occident est aujourd’hui en quelque sorte pris au piège de divers mécanismes financiers, tels que l’épuisement budgétaire (le déficit américain a atteint 8,5 % du PIB).

S’il est vrai que de nombreux Occidentaux ne comprennent pas que l’ère de l’inflation zéro était une aberration, causée par des facteurs qui ne sont plus d’actualité, il est certain que cette aberration est bien comprise à Pékin et à Moscou.

Liam Halligan note également que les prix du pétrole ont augmenté de près d’un tiers au cours des trois derniers mois : “Il s’agit d’une augmentation extrêmement importante qui pourrait sérieusement aggraver la crise du coût de la vie. Pourtant, cette hausse semble avoir été à peine remarquée par une grande partie de notre classe politique et médiatique” .

Les marchés du brut ont commencé à se resserrer au début de l’été, après que le groupe des exportateurs de l’OPEP a décidé de suspendre l’approvisionnement en pétrole pour tenter de faire monter les prix, et Halligan fait une observation acerbe : “Quiconque minimise le pouvoir de l’OPEP ne connaît rien aux marchés mondiaux de l’énergie et encore moins à la géopolitique . (C’est nous qui soulignons).

Est-ce un hasard si une guerre financière discrète, déclenchée par le processus lent de dédollarisation et l’augmentation des coûts de l’énergie, pourrait finalement donner aux BRICS les moyens de contraindre l’Occident à changer de politique ? Et si la réticence de l’Occident à se restructurer persiste, le leadership des BRICS pourrait-il se renforcer ? Après tout, les BRICS nouvellement élargis sont désormais une puissance dans le domaine des matières premières.

Alors, qui contrôle désormais l’inflation aux États-Unis ? Une Fed piégée ou le nouveau roi des matières premières ?

Alastair Crooke

Traduit par Zineb, relu par Wayan, pour le Saker Francophone

 

 

 

L’Occident ne sait plus faire qu’une chose : Menacer ! Il n’a plus rien à offrir. L’Histoire se fait ailleurs

par Alastair Crooke - Le 02/10/2023.

Nous avons connu un «déluge de sommets» : le sommet de l’OTAN en juillet, où le président Zelensky a été refroidi ; puis il y a eu le sommet des BRICS, au cours duquel six nouveaux membres ont été admis. Cela a été suivi par le G20 à Delhi. Le président Poutine a assisté virtuellement à la réunion des BRICS, mais ni lui ni le président Xi, qui avait assisté personnellement à la réunion des BRICS, ne se sont rendus au G20. Ni l’un ni l’autre n’étaient présents à l’Assemblée générale des Nations unies (AGNU). 

Le président Poutine a cependant accueilli la réunion du Forum économique oriental qui a lieu chaque année depuis 2015 pour souligner la priorité absolue du pivotement de la Russie vers son propre Extrême-Orient – qui, avec d’autres économies d’Extrême-Orient, est en train de devenir rapidement la dynamo de l’économie mondiale.

Mais quelque chose d’important était visible à l’AGNU. Avez-vous vu les discours des chefs d’État ? C’était surprenant : sur les images de MSM, tout le monde était là, à leur place, écoutant Zelensky, mais la réalité était différente : si vous cherchez autour, vous trouverez des images de l’Assemblée générale pendant que Zelensky parlait, et elle était presque entièrement vide, ou au mieux, un tiers plein.

La majorité mondiale s’est retirée. 

Et cherchez plus loin : le Premier ministre Netanyahou s’est également adressé à l’Assemblée générale, tout comme le chancelier Scholtz, et encore une fois, pour chacun d’entre eux, l’auditorium de l’ONU contenait une poignée de preneurs de notes, et dans le cas du Premier ministre Netanyahou, «un petit groupe de loyalistes – du gouvernementministre, conseillers, assistants et partisans – qui ont fourni une bande sonore d’applaudissements aux Israéliens qui regardaient le discours chez eux». (Il convient également de noter que lors de son discours à l’Assemblée générale, Netanyahou a brandi une carte qui a complètement effacé la Palestine de la carte)

Cela n’a jamais été comme ça dans le passé. Que se passe-t-il ? 

Le professeur Michael Hudson, qui a noté le même phénomène, a fait remarquer : «Il y a donc en réalité deux mondes différents, et ils ne semblent plus se mélanger, sauf dans la mesure où les États-Unis peuvent essayer d’intervenir – et de ralentir l’ensemble du processus et essayer d’empêcher l’horloge de bouger».

La tentative de geler les aiguilles de l’horloge était en effet très évidente dans le discours du président Biden. Le message de Biden était qu’il n’y aurait aucun compromis en ce qui concerne l’Ukraine. Il a déclaré :

«Mais je vous pose la question suivante : si nous abandonnons les principes fondamentaux de la Charte des Nations unies, pour apaiser un agresseur, un État membre peut-il avoir l’assurance d’être protégé ? Si nous laissons l’Ukraine se diviser, l’indépendance d’une nation est-elle garantie ? La réponse est non. Nous devons nous opposer aujourd’hui à cette agression flagrante – [afin] de dissuader demain d’autres agresseurs potentiels». [Souligné dans l’original]

Pour être clair, lorsque Biden déclare qu’il «ne permettra pas que l’Ukraine soit divisée», il affirme qu’il ne peut y avoir aucun compromis territorial concernant l’Ukraine. «La réponse est non ; nous devons résister à une agression pure et simple».

Il dit peut-être cela pour sauver sa candidature d’une humiliation, mais les mots ont un sens. Et le sens qu’il vient de leur attribuer aura des implications. 

À Moscou, des conclusions sévères ont dû être tirées. 

Sergueï Karaganov, l’un des fondateurs du Club Valdaï, a déclaré sans ambages à Vladivostok que l’époque où la Russie cherchait à s’allier avec l’Occident était «révolue» et, ce faisant, a mis le doigt sur le changement radical pour lequel l’Assemblée générale était emblématique. Karaganov a déclaré sans ambages que la Russie ne reviendrait jamais à cette époque, et vers la fin de ses commentaires, il a ajouté : De toute façon, «Qui voudrait s’allier avec l’Occident ? C’est ennuyant. La véritable excitation est en Asie».

Eh bien, il est évident que la vieille Europe ennuyeuse est à l’abandon : les économies européennes s’effondrent, tandis que le reste du monde, réuni à Vladivostok, «se construit». 

L’un des aspects du fait que les pays non occidentaux coupent de plus en plus – ou réduisent considérablement – leurs liens avec l’Occident pourrait être l’abandon presque total de la diplomatie à l’Ouest. 

Le discours de Biden à l’Assemblée générale n’a même pas tenté d’effleurer la géostratégie ou le langage diplomatique approprié. Aujourd’hui, tout n’est que menace – explicite ou implicite. Il semble que le reste du monde s’ennuie des menaces et s’emploie à construire ses propres solutions de contournement.

Eh bien, Biden ayant dit «une chose» au début de la semaine (pas d’ATACMS pour l’Ukraine), s’est inversé en fin de semaine et a dit «oui» – mais «seulement quelques-unes».

Ensuite, il a nommé un inspecteur général pour l’Ukraine chargé de rendre compte de l’application par Kiev du financement américain. Jusqu’à présent, il n’y a eu absolument aucune comptabilité des dépenses.

De toute évidence, Biden espère, par ces mesures, persuader les Républicains d’adopter un projet de loi dans lequel 24 milliards de dollars supplémentaires pour l’Ukraine ont été intégrés – ainsi que d’autres éléments sans rapport, tels que les secours en cas de catastrophe à Hawaï. 

Cela suffira-t-il aux rebelles républicains qui exigent de voter seuls sur le financement de l’Ukraine ? Jusqu’à présent, le groupe républicain reste fermement opposé à son financement, alors que l’opposition au financement de la guerre en Ukraine grandit au sein de la base du Parti, alors que les besoins nationaux sont si présents. 

Il est probable que cela finira par passer. La pression politique sur les «rebelles» est intense. Mais rappelez-vous que les 24 milliards de dollars sont réservés à un seul trimestre (c’est-à-dire du 1er octobre au 31 décembre), après quoi 24 milliards de dollars supplémentaires doivent être approuvés. 

Le budget fédéral annuel total de l’Ukraine nécessite environ 50 milliards de dollars rien que pour faire fonctionner les services gouvernementaux – sans compter les dépenses militaires et de guerre qui se situent entre 60 et 100 milliards de dollars. Cela signifie que l’Ukraine a besoin d’un total d’environ 100 milliards de dollars ou plus par an pour diriger l’État et poursuivre la guerre. C’est pourquoi ces injections de 25 milliards de dollars actuellement débattues à Washington sont essentiellement «trimestrielles».

La dure réalité est que même si l’Ukraine obtient cette tranche trimestrielle, «la demande» pour la suivante sera presque certainement encore plus problématique. L’argent s’épuisera le 31 décembre, date à laquelle la capacité de l’Ukraine à monter une quelconque résistance militaire sera remise en question – en l’absence d’un sauvetage de l’UE. Mais un sauvetage de l’UE est-il réalisable alors que le niveau de vie de l’Europe s’effondre ?

source : Bruno Bertez

Une deuxième étape géostratégique (autre que l’Ukraine) est en train d’advenir

Source : The Saker francophone.


Les BRICS 11 établissent un pôle d’influence et une puissance mondiale qui ont le potentiel d’éclipser la portée du G7.


Par Alastair Crooke – Le 28 août 2023 – Source Strategic Culture

Alors qu’il est devenu évident pour un nombre croissant de personnes en Occident que quelque chose a terriblement mal tourné dans le projet ukrainien des élites, et que les prédictions et attentes exagérées de voir les forces russes “mises KO” par un “poing” blindé se sont révélées spectaculairement erronées, ces mêmes élites se trompent à nouveau – sur une autre question stratégiquement décisive : elles ignorent à nouveau largement la “réalité” – au nom du contrôle de la “narration” . Dans ce cas, l’Occident préfère se moquer des implications des nouvelles adhésions aux BRICS (sans parler des 40 autres États prêts à les rejoindre) : “il n’y a rien à voir” .

Les BRICS ne sont qu’un amalgame d’États dépourvus de toute cohésion, de tout fil conducteur, proclament les médias officiels occidentaux. Ils ne pourront jamais défier la puissance mondiale des États-Unis, ni le poids financier de la sphère du dollar. Cependant, le Global Times chinois explique, sur un ton modéré, une toile de fond différente :

La raison pour laquelle le mécanisme des BRICS exerce un tel attrait … reflète la déception générale de nombreux pays en développement à l’égard du système de gouvernance mondiale dominé par les États-Unis et l’Occident et dans lequel ils interfèrent. Comme la Chine l’a souligné à plusieurs reprises, le système traditionnel de gouvernance mondiale est devenu dysfonctionnel, déficient et inopérant, et la communauté internationale attend de toute urgence du mécanisme des BRICS qu’il renforce l’unité et la coopération.

D’autres pays du Sud l’expriment de manière plus directe : Le mécanisme des BRICS est perçu comme un moyen de se débarrasser des derniers vestiges du colonialisme occidental et d’acquérir de l’autonomie. Oui, bien sûr, les BRICS 11 seront d’abord plus cacophoniques que fluides, mais ils n’en représentent pas moins un changement profond de la conscience mondiale.

Les BRICS 11 établissent un pôle d’influence et une puissance mondiale qui ont le potentiel d’éclipser la portée du G7.

Le “désordre” en Ukraine est généralement attribué à une simple “erreur de calcul” de la part des élites occidentales : Elles ne s’attendaient pas à ce que la société russe soit aussi robuste, ni aussi résistante à la pression.

En effet, la reconnaissance des contradictions doctrinales de l’OTAN, de son armement de second ordre et de son incapacité à penser rigoureusement – au-delà de la petite phrase du lendemain – a (involontairement) mis en lumière le dysfonctionnement plus profond de l’Occident – un dysfonctionnement qui va bien au-delà de la seule situation liée au projet ukrainien. Nombreux sont ceux qui, en Occident, voient les principales institutions de la société enfermées dans une orthodoxie étouffante, dans un niveau intense de polarisation politique et culturelle, et dans une réforme politique effectivement bloquée.

La guerre par procuration contre la Russie a néanmoins été lancée par le biais de l’Ukraine, précisément pour réaffirmer la vigueur mondiale de l’Occident. Or, c’est le contraire qui est en train de se produire.

La guerre financière (par opposition à la guerre terrestre en Ukraine) était le contre-pied au changement de régime à Moscou : La guerre financière visait à souligner la futilité de s’opposer à l’hégémonie du dollar – agissant de concert. C’était l’hégémon jaloux qui exigeait l’obéissance.

Mais cela s’est soldé par un revers spectaculaire. Et cela a directement contribué non seulement à l’expansion des BRICS, mais aussi à ce que les ressources énergétiques du Moyen-Orient et les matières premières de l’Afrique échappent au contrôle de l’Occident. Au lieu que les menaces occidentales de sanctions et d’ostracisme financier créent la peur et renforcent l’obséquiosité, ces menaces ont au contraire mobilisé des sentiments anticoloniaux dans le monde entier ; elles ont permis de comprendre que la construction financière occidentale équivalait à une tutelle et que toute acquisition de souveraineté nécessitait la dédollarisation.

Et là encore, de graves erreurs ont été commises : Des erreurs d’une ampleur géostratégique ont été commises presque par hasard et sans la diligence requise.

L’erreur primordiale fut celle de l’équipe Biden (et de l’UE) qui saisit illégalement les avoirs de réserve de la Russie à l’étranger, expulsa la Russie du système de compensation financière SWIFT et imposa un blocus commercial si complet que (espérait-on à la Maison Blanche) ses effets démoliraient le président Poutine. Le reste du monde a compris qu’il pourrait facilement être le prochain sur la liste. Ils avaient besoin d’une sphère résistante aux prédations financières occidentales.

Pourtant, la seconde erreur stratégique de Biden (& Co.) a amplifié l’erreur de leur premier blitz financier “sans précédent” . Cette bévue a marqué le deuxième épisode de la défenestration de l’imperium financier américain par Biden : Il a traité Mohammad ben Salmane (et les Saoudiens en général) avec mépris. Il leur a ordonné d’augmenter la production de pétrole (afin de faire baisser le prix de l’essence avant les élections de mi-mandat au Congrès) et a dédaigneusement menacé le royaume de “conséquences” s’il n’obtempérait pas.

Peut-être que Biden, tellement préoccupé par ses perspectives électorales, n’a pas réfléchi à la question. Aujourd’hui encore, il n’est pas certain que la Maison-Blanche comprenne les conséquences du fait qu’elle a traité MbS comme un sous-fifre. On assiste à une tentative de dernière minute pour dissuader l’Arabie saoudite de rejoindre les BRICS, mais il est trop tard. Sa demande d’adhésion a été approuvée et prendra effet le 1janvier 2024. L’Occident a mal interprété l’ambiance.

Les États du Golfe partagent un même ethos, celui de dirigeants sûrs d’eux et affirmés, qui ne sont plus disposés à accepter les exigences binaires des États-Unis, “avec nous ou contre nous” .

Pour éviter tout malentendu, Biden, par la combinaison de ces deux erreurs stratégiques, a lancé l’hégémonie financière de l’Occident sur une voie de garage menant à la disparition progressive d’une grande partie des 32 000 milliards de dollars d’investissements étrangers en dollars fiduciaires qui se sont accumulés dans le système américain au cours des 52 dernières années – avec une accélération implicite vers le “commerce de devises propres” parmi la majorité des États non occidentaux.

En fin de compte, cela conduira probablement à un moyen de règlement des échanges commerciaux des BRICS, éventuellement indexé sur l’or. Si une monnaie d’échange était indexée d’une manière ou d’une autre sur un gramme d’or, cette monnaie acquerrait, bien entendu, le statut de réserve de valeur, basé sur celui de la matière première sous-jacente (dans ce cas, l’or).

L’idée est que lorsque l’inflation était nulle, les bons du Trésor américain étaient considérés comme une réserve de valeur (durable). Toutefois, une large dédollarisation sape la demande synthétique (c’est-à-dire imposée) de dollars qui était entièrement due aux cadres de Bretton Woods et au pétrodollar (qui exigeaient que les marchandises soient échangées uniquement en dollars américains) et à l’idée implicite que les bons du Trésor américain offraient une certaine réserve de valeur.

Mais qu’a fait l’équipe Biden ? Elle a poussé l’Arabie saoudite – la cheville ouvrière du pétrodollar et l’un des piliers (avec d’autres États du Golfe et la Chine) des énormes avoirs en bons du Trésor américain – dans les bras des BRICS. En d’autres termes, les BRICS 11 regroupent six des neuf principaux producteurs d’énergie au niveau mondial, ainsi que les principaux consommateurs d’énergie. En fait, l’OPEP+ a été intégrée pour former un cercle fermé et autosuffisant d’échanges d’énergie (et de matières premières) qui n’a pas besoin de toucher au dollar. Et à terme, cela constituera un choc monétaire majeur.

Les “conséquences” évoquées par la Maison Blanche à l’égard de l’Arabie Saoudite sont devenues sans importance. L’Arabie saoudite et l’Iran peuvent vendre leur pétrole aux autres consommateurs des BRICS (dans des devises autres que le dollar). Les membres n’ont plus à s’inquiéter des menaces occidentales – l’une des principales dispositions des BRICS étant le refus commun de tous les membres de permettre ou de faciliter toute manœuvre de “changement de régime” à l’encontre des membres des BRICS.

Pour être clair, tout cela signifie une poursuite de l’inflation des prix en Occident, reflétant la baisse du pouvoir d’achat des monnaies fiduciaires à mesure que la demande de dollars diminue. Inévitablement, l’affaiblissement du dollar entraînera une hausse des taux d’intérêt aux États-Unis, ce qui sera tout simplement l’une des principales conséquences de la dédollarisation. La hausse des taux d’intérêt imposera une forte pression sur les banques américaines et européennes.

Le premier sommet des BRICS 11 est prévu pour octobre 2023 à Kazan. “Comme par hasard” , l’adhésion à part entière des nouveaux États coïncidera avec l’arrivée de la Russie à la présidence annuelle tournante des BRICS, le 1e janvier 2024. Poutine a déjà fait part de sa détermination à résoudre les difficultés liées à la création d’une monnaie distincte pour les BRICS, “d’une manière ou d’une autre” .

Alastair Crooke

Traduit par Zineb, relu par Wayan, pour le Saker Francophone

 

La nouvelle centrale des matières premières

Source : The Saker francophone.

 


Les 11 BRICS représentent aujourd’hui 37 % du PIB mondial (en matière de PPA) et 46 % de la population mondiale. À titre de comparaison, le PIB du G7 est de 29,9 % (en matière de PPA).


Par Alastair Crooke – Le 2 septembre 2023 – Source Al Mayadeen

Le groupe hétérogène des BRICS a réussi – il s’est rassemblé, malgré de multiples tentatives pour “écarter” certains États clés. Il s’agit d’une réussite diplomatique et géostratégique remarquable, née du désir largement partagé de trouver une solution de contournement à l’excès américain et son “exceptionnalisme” en matière de dollars après la Seconde Guerre mondiale – les accords de Bretton Woods et le “mandat” du pétrodollar, en vertu duquel tous les échanges d’énergie et de matières premières doivent être fixés en dollars et effectués en dollars (rendant ainsi tous les États vulnérables aux sanctions de l’Occident).

C’est ce point commun capital qui est à l’origine de l’élargissement des BRICS. La guerre financière a peut-être commencé dans les années 1980 avec l’accord du Plaza qui a volontairement fait stagner la croissance du Japon pendant des décennies. Depuis février 2022, les États-Unis et l’Europe se sont concentrés sur l’effondrement de l’économie russe. Aujourd’hui, les États-Unis et l’Union européenne se préparent à appliquer le “traitement japonais” à la Chine, par le biais de réglementations, de droits de douane et d’un resserrement de la ceinture de “sécurité nationale” des échanges commerciaux interdits.

Un premier travail de réflexion ad hoc était indispensable. Et c’est ce qui s’est passé : négocier dans ses propres monnaies et compenser les transactions dans ses propres monnaies par le biais d’un système de monnaies numériques nationales de banque centrale, qui serait “compensé” en temps réel entre les banques centrales, sans toucher au dollar. Le système a déjà fait ses preuves dans le cadre d’un projet pilote appelé “m-CBDC Bridge” . L’idée est que chaque État des BRICS conserve ses propres monnaies pour l’usage quotidien, les monnaies numériques étant limitées aux transactions numériques de change entre les banques centrales.

La perspective d’une monnaie commune des BRICS a fait couler beaucoup d’encre dans la presse occidentale. Mais ce sera pour plus tard. (La création d’une monnaie de réserve a toujours été un faux-fuyant occidental ; le statut de réserve n’est pas recherché par la Russie ou la Chine, et ce n’est pas non plus une aspiration).

Mais peut-être que l’absence d’une “nouvelle monnaie” qui aurait fait grand bruit dans les médias a conduit les observateurs à sous-estimer l’impact de ce qui a été réalisé lors de ce sommet. L’élargissement (d’autres États suivront l’année prochaine) donne à la Chine l’espace stratégique dans lequel elle peut situer sa restructuration de l’économie chinoise. Il donne à la Russie et à la Chine la possibilité de développer et d’étendre pleinement le corridor Nord-Sud (INSTC) dans les deux sens. Les BRICS ont intégré deux économies potentiellement florissantes en Afrique et deux en Amérique latine.

Les 11 BRICS représentent aujourd’hui 37 % du PIB mondial (en matière de PPA) et 46 % de la population mondiale. À titre de comparaison, le PIB du G7 est de 29,9 % (en matière de PPA).

Il ne faut pas s’attendre à ce qu’il se passe quelque chose de spectaculaire dans l’immédiat. Toutefois, la diminution progressive de l’utilisation du dollar dans une si grande partie de l’économie mondiale transformera le système monétaire mondial de plusieurs façons : la demande de dollars diminuant (alors que Washington continue d’en imprimer), la valeur des dollars fiduciaires baissera, ce qui signifie que pour financer de nouvelles dettes, les États-Unis devront payer à leurs créanciers des intérêts plus élevés (pour compenser la baisse concomitante de la valeur des obligations).

La “cerise” la moins remarquée sur le gâteau, bien sûr, est qu’avec l’ajout de l’Iran, des Émirats arabes unis et de l’Arabie saoudite, les BRICS contrôlent désormais ~54 % de la production mondiale de pétrole – et comprennent certains des plus grands consommateurs du monde.

En bref, les BRICS, avec leurs ressources en énergie et en matières premières, sont devenus centraux dans le domaine des matières premières.

Ce qui nous amène aux deux points communs suivants au sein d’un groupe apparemment disparate : premièrement, lorsque ces États échangent des monnaies telles que le rouble, le rial ou le renminbi, ils le font dans une monnaie qui a une valeur inhérente, basée sur une matière première, telle que le pétrole ou l’or.

En d’autres termes, les BRICS s’alignent sur des monnaies fondées sur la valeur d’un produit de base plutôt que sur des instruments monétaires fiduciaires qui se dévalueront au fur et à mesure que l’inflation rongera leur valeur relative.

Le deuxième grand point commun est le passage de l’emprise du modèle occidental néolibéral hyperfinanciarisé à un modèle qui prévoit une plus grande autosuffisance nationale. Par conséquent, la simple remise en question des fondements philosophiques du système politique et économique anglo-saxon – qui sous-tend l’“ordre fondé sur des règles” – est aussi importante, à sa manière, que la simple dédollarisation.

Les États non occidentaux affirment depuis un certain temps que le modèle néolibéral est en contradiction avec les besoins mondiaux. Le président Xi l’a dit sans détour : “Le droit des peuples à choisir de manière indépendante leurs voies de développement doit être respecté… Seul celui qui porte les chaussures sait si elles lui vont ou non” .

Le problème est qu’avec une consommation basée sur l’endettement – comme dans le modèle hyper-financiarisé occidental – le système s’éloigne de la création de richesse, ce qui rend finalement impossible de consommer autant ou d’employer autant de personnes.

Cette atténuation de l’économie réelle, par le biais de la financiarisation et de l’accent mis sur les “produits” financiers dérivés, asphyxie la production réelle. L’autosuffisance s’érode et une base de création de richesses réelles de plus en plus réduite soutient un nombre de plus en plus restreint d’emplois correctement rémunérés.

Une fois de plus, le changement conceptuel qui consiste à construire la souveraineté par le biais d’une approche de l’économie réelle, par opposition au financiarisme, aura de profondes implications pour Wall Street – à plus long terme. La dédollarisation, combinée au paradigme de l’économie réelle, est donc susceptible de bouleverser le monde.

Alastair Crooke

Traduit par Zineb, relu par Wayan, pour le Saker Francophone

Le sommet des BRICS prouve que la géographie l’emporte sur la monnaie

Source : The Saker francophone.

 

Plus je vieillis, plus je passe de temps à me poser la question : “Pourquoi quelqu’un veut-il que je sache cela ?” Nos médias sont tellement compromis que s’interroger sur la partialité éditoriale de chaque sujet est un travail à plein temps.


Par Tom Luongo – Le 1e septembre 2023 – Source Gold Goats ‘N Guns

Et je sais que c’est fait exprès pour nous détourner des vrais problèmes dans certains cas et pour faire avancer un programme dans d’autres.

En 2023, le thème de la dédollarisation a fait fureur. Il s’agit d’un déferlement ininterrompu de battage médiatique et d’hyperboles. Le vacarme des discussions sur la dédollarisation est devenu si fort dans la période précédant le récent sommet des BRICS qu’il a noyé ce qui était réellement à l’ordre du jour pendant ces quelques jours.

Ce discours est venu de tous les côtés, des dirigeants des BRICS eux-mêmes ainsi que de la presse occidentale dominée par les intérêts britanniques et ceux de Davos.

Les gens se sont mis à parler de la “monnaie des BRICS adossée à l’or en essayant de se démarquer les uns des autres en étant à l’avant-garde sur cette question. Au bout d’un moment, on s’est demandé à qui profitait cette amplification.

Cela fait des années que j’écris sur ce sujet, sachant que ceux qui contrôlent la production des matières premières finiraient par se lasser des systèmes d’extraction de richesse mis en œuvre par les maîtres de la financiarisation à New York, Londres et Zurich.

Ce n’était qu’une question de temps avant qu’ils ne passent à l’action.

Et je peux vous dire que je n’ai jamais été amplifié sur un sujet comme celui-ci jusqu’à ce que les gens de Moscou, Bruxelles et Pékin veuillent que ce commentaire soit diffusé.

Ne prenez pas cela pour de la grogne, car ce n’en est pas. C’est juste une observation née d’années d’expérience. J’en suis venu à comprendre ce que signifie un manque d’amplification ; C’est l’histoire que personne ne veut qu’on lui raconte.

D’où la question : Pourquoi veulent-ils qu’on la raconte maintenant ?

À bien des égards, c’est ainsi que je sais que je suis généralement sur la bonne voie en ce qui concerne une question particulière. C’est ainsi que je me rappelle toujours du grand joueur de base-ball Wee Willy Keeler, qui a dit que le base-ball est un jeu facile : “Il suffit de les frapper là où ils ne sont pas” .

Cette année, de nombreuses personnes importantes ont voulu nous informer sur la dédollarisation. Ils avaient leurs raisons de promouvoir ce concept. Et, comme toujours, il s’agit d’influencer les flux de capitaux mondiaux tout en détournant les commentaires de ce qui est réellement à l’ordre du jour.

Pour Davos, la dédollarisation n’est qu’un autre vecteur d’attaque contre les États-Unis. En mettant l’accent sur les problèmes intérieurs et géopolitiques des États-Unis, ils créent de l’incertitude. Le capital déteste l’incertitude.

Ajoutez à cela une administration “Biden” volontairement belliqueuse et incompétente et vous obtenez un cocktail parfait d’incertitude qui maintient la méfiance des marchés de capitaux à l’égard de la politique à court terme et des tendances à long terme.

Conclusion ? Les États-Unis sont complètement foutus.

La Russie est en guerre contre l’Occident, alors, bien sûr, Vladimir Poutine parlera de son livre sur la dédollarisation. Il est l’homme de confiance des BRICS qui sont “anti-dollar” .

Il n’y a qu’un seul petit problème dans tout cela : Le dollar américain lui-même et le manque d’infrastructures alternatives pour s’en débarrasser. Malgré tout le bla-bla et, franchement, la propagande sur ce sujet, la réalité est très, très différente.

Alors que tout le monde parle de dédollarisation, la véritable monnaie qui perd sa position dans le commerce mondial est l’euro. Mais personne ne parle de dé-euroïsation. Je suppose que ce terme ne roule pas aussi bien sur la langue ?

Selon les dernières données du SWIFT RMB Tracker, aucune monnaie n’a perdu plus de terrain dans le commerce mondial que l’euro. En un peu plus de deux ans, l’euro est passé de 39,5% des paiements mondiaux en dehors de la zone euro à seulement 13,6 %.

Le dollar a absorbé la plupart de ces paiements, la livre sterling, le yen japonais et, oui, le renminbi chinois se charge du reste.

Ainsi, la grande distraction autour de la dédollarisation consiste, en partie, à ne pas prêter attention à l’effondrement rapide de l’euro et à la crise émergente des obligations souveraines que la présidente de la BCE, Christine Lagarde, s’efforce chaque jour d’étouffer.

J’en ai tellement parlé que les gens commencent à en avoir assez. (IciIciIci et Ici)

En fin de compte, cependant, peu importe les efforts déployés pour truquer les calculs, falsifier les données boursières et conclure des accords pour sauver les apparences, les marchés sont tout simplement plus intelligents que les planificateurs centraux.

C’est pourquoi je m’attends à ce que les défenseurs des obligations reviennent en force au cours des deux prochains mois, maintenant que Jerome Powell a attiré l’attention de tous. Il peut encore renforcer sa street cred avec une nouvelle hausse de 25 points de base en septembre, mais honnêtement, il n’aura peut-être pas à le faire.

BRICS in the Wall

Mais revenons aux BRICS. Si la dédollarisation n’était pas l’objectif du sommet de cette année, alors qu’est-ce qui l’était ?

L’expansion.

Et pas seulement l’expansion pour le plaisir de l’expansion, mais l’expansion géographiquement stratégique.

Les BRICS ont officiellement ajouté six pays : L’Iran, l’Arabie saoudite, les Émirats arabes unis, l’Argentine, l’Égypte et l’Éthiopie. Ils auraient pu en ajouter d’autres et ont failli ajouter l’Algérie sans le veto de dernière minute de l’Inde pour le compte de la France.

L’Algérie est le symbole de la lutte entre l’Italie et la France pour l’accès au pétrole et au gaz africains. Il ne peut y avoir d’Ital-exit hors de l’UE sans que l’Italie ne minimise l’influence de la France en Afrique du Nord, en renforçant ses besoins énergétiques comme garantie d’un retour à la lire.

Heureusement, avec l’aide de la Russie et de la Chine, les Africains s’occupent eux-mêmes du problème français des Italiens.

S’il existe un thème commun à ces six pays, au-delà de la géographie (nous y reviendrons), c’est leur relation avec le prétendu ancien empire britannique. Des États arabes et de l’Égypte à ceux qui ont défié les Britanniques dans le passé – par exemple l’Iran et l’Argentine – ces ajouts représentent un changement de pouvoir profond.

Un simple coup d’œil sur la carte du monde suffit pour s’en convaincre.

Les pays en rouge sont membres de l’alliance. Les pays en vert ont officiellement demandé à en faire partie et les pays en jaune ont ouvertement exprimé leur intérêt.

Mais ce sont les cinq pays regroupés autour du centre du commerce mondial qui devraient attirer votre attention. En effet, tous les discours sur la monnaie commune des BRICS ne sont que du théâtre s’il n’existe pas une chaîne d’approvisionnement financière alternative pleinement développée pour capturer les bénéfices et minimiser les risques de change et les frictions pour tous les membres.

Prenons-les un par un.

L’Iran

Commençons par le plus facile. Selon moi, l’Iran est le “I” des BRICS depuis des années. En effet, l’Inde maintenant constamment tout le monde en déséquilibre, un peu comme Erdogan en Turquie, cela a incité la Russie et la Chine à investir massivement en Iran, en contrepoint, faisant de ce pays la clé de l’initiative chinoise Belt and Road (BRI) et du Corridor international de transport nord-sud (INSTC) tant désiré par la Russie.

L’Inde a traîné les pieds pendant si longtemps pour réaliser les travaux prévus dans le port iranien de Chabahar que l’Iran a annulé le contrat et l’a confié à la Chine, qui a ensuite achevé les travaux en moins de temps qu’il n’en a fallu à l’Iran pour appeler l’Inde au téléphone et se plaindre.

C’est le genre de pivot qui donne des résultats. La Chine et la Russie ont promis des centaines de milliards d’investissements et de ventes à l’Iran, les soutenant après que l’ancien président Trump a déchiré le JCPOA et mis en place des sanctions qui n’ont pas fonctionné, à moins que l’objectif de Trump n’ait été de garantir ce qui s’est passé depuis.

C’est une nouvelle preuve que Trump ne joue pas aux échecs en quatre dimensions.

Les ports de Chabahar et de Bandar Abbas servent désormais à faire sortir le commerce asiatique, en particulier celui en provenance de Russie, au-delà des points d’étranglement autour de la Méditerranée, de la mer Rouge et de la mer Noire.

L’Iran a donc toujours été le premier pays ajouté au bloc. L’Inde a ainsi été rapidement avertie qu’elle devait cesser ses petits jeux.

Arabie saoudite

L’ajout de l’Arabie saoudite et des Émirats arabes unis n’était dans l’esprit de personne pendant l’inter-règne de Trump, car ce dernier avait compris l’importance des Saoudiens pour le maintien de la présence américaine dans la région.

Le problème pour Trump était que les Saoudiens savaient qu’il n’était pas une solution à long terme pour les États-Unis. Tout au long de sa présidence, des événements se sont produits qui remontent directement à la politique étrangère d’Obama. Saper Trump était le seul objectif du gouvernement fantôme d’Obama, en particulier notre relation avec les Saoudiens.

Avec l’intervention réussie de la Russie en Syrie, et leurs propres résultats désastreux dans la guerre au Yémen, ce n’était qu’une question de temps avant que le prince héritier Mohammed ben Salman (MbS) ne reprenne ses esprits.

L’avenir de l’Arabie saoudite était avec les BRICS et non avec les restes de l’empire britannique. Soit dit en passant, je parle sans cesse des néocons et la meilleure façon de les considérer, au-delà de leur haine d’à peu près tout le reste du monde, est de les voir comme les héritiers de la politique étrangère de l’empire britannique.

Les États-Unis ont adopté cette politique étrangère il y a un siècle sous Woodrow Wilson (voir mon podcast avec Richard Poe). Depuis lors, c’est la seule chose, à part les dépenses ruineuses, qui unit le Parti unique au Capitole. L’empire ou l’échec. Au vu de l’état de délabrement de nos finances et de notre politique intérieure, l’issue la plus évidente était l’effondrement.

L’Arabie saoudite n’avait pas d’autre choix que de s’aligner sur son partenaire de l’OPEP+, la Russie, si MbS voulait que le pays survive à la fin de ses réserves de pétrole.

Émirats arabes unis

L’ajout des Émirats arabes unis fait définitivement partie de la discussion sur la monnaie. Dubaï et Abu Dhabi sont rapidement devenus des centres de négoce de matières premières stratégiques, avec des échanges d’or et de pétrole très fructueux et de plus en plus importants. Dubaï dispose de son propre indice de référence pour le pétrole brut. Même Moscou n’en a pas (encore).

Comme Vince Lanci et moi-même l’avons longuement expliqué lors d’une récente apparition sur Palisades Gold Raio (parties I et II ici), pour pouvoir ne serait-ce que parler d’une forme de système de règlement des échanges soutenu par l’or, il faut qu’il y ait une chaîne d’approvisionnement et une industrie financière profonde et liquide en place pour faciliter à la fois ce règlement et minimiser les risques de stockage de l’or et les risques de change des membres de l’alliance négociant bilatéralement sans le dollar comme intermédiaire.

L’ajout de Dubaï en tant que nœud de ce réseau échappant au contrôle de la Chine était donc important pour instaurer la confiance. La multiplicité des échanges, des coffres-forts et des raffineries simplifie tout. Cela permet de minimiser la “prime de commodité” liée à l’utilisation du dollar américain et de maximiser l’utilisation des monnaies locales par les membres, l’or jouant le rôle de couche de confiance universelle et une blockchain pour les fonctions d’arrière-guichet et d’audit.

Donc, d’abord, vous ajoutez le centre financier, puis vous commencez vraiment à parler de la “monnaie BRICS adossée à l’or” . L’ordre des opérations est important.

Les Émirats arabes unis étaient nécessaires pour que l’Inde envisage de s’associer à la Russie et à la Chine sur cette idée. C’est pourquoi le dirham des Émirats arabes unis sera la monnaie de règlement entre l’Inde et la Russie pour les ventes de pétrole, et non le rouble. Cela crée une validité pour une tierce partie tout en évitant à l’Inde d’enfreindre directement les sanctions américaines en achetant de l’énergie russe.

L’Argentine

Il ne faut pas sous-estimer les ravages causés par le FMI et la corruption européenne en Argentine au fil des ans. Il s’agit d’un autre pays riche en ressources naturelles qui a été maintenu dans un état de bouleversement constant et qui a maintenant l’occasion, comme l’Égypte, de sortir du giron du FMI, privant ainsi les capitalistes vautours de tout l’Occident de l’occasion de piller le pays une fois de plus.

En outre, l’Argentine devrait voir les fonds de développement nécessaires à l’exploitation de ses importantes réserves de schiste de Vaca Muerta arriver dans le pays. Cela stabilisera ses réserves de change et l’accès à la Nouvelle banque de développement (NDB) des BRICS lui offrira une alternative aux usuriers du FMI.

Les prochaines élections pourraient rapidement devenir un référendum sur les exigences du FMI et le contrôle des capitaux.

Égypte et Éthiopie

La tournure des événements en Égypte est fascinante, car la faiblesse financière de l’Égypte est précisément ce qui a créé une opportunité stratégique pour la Russie et la Chine de faire une grande offre au président Al-Sisi. Utilisez notre nouvelle banque de développement et faites pression sur le Fonds monétaire international s’ils ne veulent pas négocier une réduction de la dette.

À l’instar de l’Argentine, l’Égypte dispose désormais d’un levier de négociation qu’elle n’avait pas auparavant.

D’une manière ou d’une autre, le FMI est perdant, car l’Égypte dispose d’un autre prêteur, qui peut forcer le FMI à réduire sa dette pour la première fois de son histoire, ou elle peut tout simplement faire défaut. La Chine est déjà prête à renoncer à 8 milliards de dollars de dettes égyptiennes, alors que le FMI ne tient qu’à une restructuration.

Et si vous pensez que l’Égypte n’a pas cette influence, n’oubliez pas que le canal de Suez assure encore 12 % du commerce mondial par jour. Les BRICS ont désormais un allié politique qui contrôle le canal de Suez.

Avec l’Éthiopie, ainsi que la diplomatie habile de la Russie avec l’Érythrée et celle de la Chine avec Djibouti où ils ont un accès portuaire, les BRICS ont désormais un accès sans entrave à la mer Rouge. La pression augmentera pour que l’Érythrée et Djibouti fassent la paix avec l’Éthiopie, ouvrant ainsi le commerce en Afrique de l’Est.

L’accès aux points d’étranglement historiques du commerce mondial ou leur contournement est un objectif de longue date de la Russie et de la Chine. Et il semble qu’avec ces ajouts au bloc des BRICS, elles y soient enfin parvenues.

Rencontrer le nouveau patron ?

Dans mon dernier article sur la géopolitique, j’ai évoqué l’importance des garanties physiques pour l’avenir de la domination financière de l’Occident, en particulier de l’Europe. La principale raison pour laquelle je continue à insister sur les difficultés de l’Europe est qu’il est désormais évident que les détenteurs de garanties physiques, y compris les États-Unis, ne sont plus intéressés par la vente de ces garanties à des prix réduits à une Europe à l’esprit colonial.

La Russie, sous Poutine, était heureuse de courtiser l’UE en tant que partenaire énergétique parce qu’elle pensait que cela garantirait l’avenir de la Russie contre une guerre potentielle contre l’Europe. Il était prêt à vendre à l’Europe du gaz bon marché pour maximiser le profit total de la Russie, qui n’est pas directement mesurable par des éléments tels que le PIB ou les balances commerciales.

Certains capitaux sont politiques. Certains profits sont sociaux, même si les commentaires marxistes les plus minables prétendent le contraire.

C’est la raison pour laquelle il a accepté l’appel de l’ancienne chancelière allemande Angela Merkel en faveur de la construction de Nordstream 2, tout en sachant que cela irriterait les néoconservateurs américains et britanniques.

Les dividendes de la paix pour la Russie étaient tout simplement trop importants pour ne pas tenter le coup. La trahison par Merkel de Poutine au sujet de NS2 et des accords de Minsk expliquent pourquoi nous sommes dans le pétrin dans lequel nous nous trouvons aujourd’hui.

Les néoconservateurs ont touché le jackpot géopolitique en faisant exploser Nordstream, privant ainsi l’Allemagne et la France du gaz dont elles ont tant besoin. La situation est si grave en Allemagne que les Allemands démantèlent tranquillement leurs parcs éoliens pour reconstruire des centrales au charbon, revenant ainsi à la seule source d’énergie dont ils disposent en abondance en Europe.

Aujourd’hui, l’Afrique se révolte contre la France. Le mois dernier, c’était le Niger. Ce mois-ci, c’est le Gabon. La France ne peut pas répondre seule à toutes ces révoltes. Elle a besoin d’une intervention extérieure qui ne semble pas prête d’arriver.

La reine de la guerre Vicky Nudelman s’est rendue au Niger et a été rejetée. Des rapports circulent maintenant sur le fait qu’elle et son personnel ont été pris complètement par surprise par les événements en Afrique et qu’ils n’avaient pas de solutions, d’offres ou même de menaces crédibles à apporter.

Pretoria connaissait bien la réputation de faucon de Mme Nuland, mais lorsqu’elle est arrivée à Pretoria, le fonctionnaire l’a décrite comme “totalement prise au dépourvu” par les vents de changement qui engloutissent la région. Le putsch de juillet, qui a vu une junte militaire populaire prendre le pouvoir au Niger, a suivi les coups d’État militaires au Mali et au Burkina Faso, inspirés de la même manière par un sentiment anticolonialiste de masse.

 

Bien que Washington ait jusqu’à présent refusé de qualifier de coup d’État l’évolution de la situation dans la capitale nigérienne de Niamey, la source sud-africaine a confirmé que Mme Nuland avait demandé l’aide de l’Afrique du Sud pour répondre aux conflits régionaux, y compris au Niger, où elle a souligné que Washington détenait non seulement des investissements financiers importants, mais maintenait également un millier de ses propres soldats. Pour Nuland, la prise de conscience qu’elle négociait en position de faiblesse a probablement été un choc.

Si vous assimilez Nuland aux néocons britanniques/américains qui ne sont pas nécessairement alignés sur Davos, ce rapport devrait vous choquer, car il nous apprend que ni les uns ni les autres ne sont capables d’occuper le vide laissé par ces juntes qui s’emparent du pouvoir.

Il affirme, sans ambages, que toutes les puissances coloniales d’Europe sont des tigres de papier. Ce qui a commencé au Burkina Faso et au Mali se propage comme des feux de forêt allumés par des pyromanes du changement climatique du Canada à travers l’Afrique.

Le président français Emmanuel Macron ne peut que crier son impuissance à Paris, Nuland peut bien agiter le poing en criant “Vous regretterez le jour où…” , et le ministère américain de la défense restera là sans rien dire.

Dans le même temps, les affrontements entre les troupes de l’Armée arabe syrienne et les forces d’occupation américaines à l’est de l’Euphrate font à nouveau la une des journaux.

Comprenez-vous déjà le tableau ?

La lutte pour les biens matériels s’accorde parfaitement avec la prise de contrôle des principales routes commerciales. Alors que le Royaume-Uni et ses collabos néocons s’acharnent à déclencher une troisième guerre mondiale à cause de l’Ukraine (cf. les frappes de drones sur l’aéroport russe de Pskov depuis la Lettonie), le bloc des BRICS comprend que sa meilleure ligne de conduite est de continuer à établir de nouvelles relations et de nouveaux réseaux, et de faire pression sur les réseaux coloniaux centenaires qui ont financé son pouvoir.

Rester à l’écart d’une guerre chaude directe est tout simplement une question de bon sens stratégique. L’attrition est une saloperie, sur le plan énergétique.

Aujourd’hui, ils sont contraints de dépenser leur capital de départ accumulé au cours de ces siècles pour influencer les événements à leur convenance, et il est clair qu’ils n’ont pas vraiment les ressources nécessaires pour le faire encore très longtemps.

Dans ce contexte, la dédollarisation est le cadet de leurs soucis. Il s’agira d’un phénomène qui se déroulera en arrière-plan, comme la réduction du bilan de la Fed par Powell, et qui émergera simplement de ces événements.

Le choix auquel l’Occident est maintenant confronté est de savoir à quel moment il va cesser de se battre et enfin s’asseoir à la table des négociations. Certaines factions, comme l’armée américaine et le secteur bancaire, ont déjà fait connaître leurs intentions.

Les autres ? Pas vraiment.

Lorsque que quelqu’un est confronté à l’extinction, c’est là que l’on découvre ses véritables allégeances.

Tom Luongo

Traduit par Zineb, relu par Wayan, pour le Saker Francophone

40 BRICS de plus dans le mur

Source : the Saker francophone.

 


Par Dmitry Orlov – Le 23 aout 2023 – Source Club Orlov

La conférence des BRICS qui se tient actuellement à Johannesburg a déjà produit quelques révélations étonnantes. D’une part, la part des échanges commerciaux entre les membres actuels des BRICS qui se font encore en dollars américains est tombée à moins d’un tiers ; d’autre part, pas moins de 40 pays sont à un stade ou à un autre de l’adhésion aux BRICS.

 

Il s’agit bien sûr de développements très positifs, mais il reste encore beaucoup de travail à accomplir. À l’ordre du jour figure la tâche de remplacer le dollar américain en tant qu’étalon utilisé par tous pour fixer le prix des matières premières et d’autres produits, et de choisir une unité notionnelle neutre qui ne soit pas affectée par les taux de change, lesquels sont sujets à des manipulations politiques : lorsqu’un pays fait quelque chose qui ne plaît pas aux Washingtoniens, sa monnaie s’effondre rapidement. Les prix des produits exprimés dans la nouvelle unité notionnelle seraient soumis à l’offre, à la demande, au contenu en énergie et en main-d’œuvre et à d’autres considérations du monde réel, et non aux caprices des spéculateurs monétaires.

Une autre caractéristique essentielle de l’unité notionnelle, qui la distingue du dollar américain, est qu’elle ne peut être ni prêtée ni empruntée. Il s’agit simplement d’un mécanisme de fixation des prix. De plus, il n’y a pas de taux de change entre cette unité et les monnaies nationales que les spéculateurs peuvent manipuler – puisqu’il n’y a rien à échanger – et chaque pays est libre de fixer le prix de sa monnaie nationale en unités notionnelles comme il le souhaite, avec l’objectif de maintenir une balance commerciale nulle. Bien entendu, toute balance commerciale qui se développerait, qu’elle soit positive ou négative, devrait être couverte par un échange d’or ou, si la situation l’exige, être reportée ou annulée.

Une grande partie des discussions dans la presse occidentale n’aborde même pas ces questions, mais se concentre plutôt sur la question suivante

Quelle sera la nouvelle monnaie de réserve ?

Cela soulève évidemment la question suivante : “Pourquoi une monnaie de réserve ?” qui est également ignorée. Plus de cinq siècles d’impérialisme occidental ont appris aux Occidentaux à penser qu’il doit y avoir un chef : si ce n’est pas l’Espagne, c’est la Grande-Bretagne, et si ce n’est pas la Grande-Bretagne, ce sont les États-Unis.

Naturellement, ils pensent que le nouveau chef de file sera la Chine, sans tenir compte du fait que la Chine n’a aucun intérêt à jouer un quelconque rôle impérial. Mais si les pays se traitent d’égal à égal (comme les membres actuels et futurs des BRICS aimeraient beaucoup le faire), il n’y a aucune raison pour qu’un pays détienne en réserve de grandes quantités de la monnaie d’un autre pays, en particulier lorsque ces réserves

  1. sont soutenues par une montagne de dette fédérale américaine qu’il n’est pas prévu de rembourser et
  2. peuvent être confisquées à tout moment sans préavis si un pays ne suit pas les diktats de Washington.

Mais la question la plus importante est la suivante : Alors que les BRICS vont bientôt se tailler la part du lion dans l’économie, la capacité de production et les ressources physiques de la planète, qu’en sera-t-il de l’Occident ? Les États-Unis et l’Union européenne accusent des déficits commerciaux de l’ordre de mille milliards de dollars par an. Jusqu’à présent, ce déficit était comblé par la dette souveraine, en forçant les partenaires commerciaux à acheter des instruments de dette émis par les États-Unis et l’Union européenne. Mais comme le dollar américain (et son parent pauvre l’euro) n’est plus nécessaire au commerce international, comment ce déficit commercial va-t-il être financé ? En l’absence de commerce extérieur financé par la dette, les États-Unis et l’Union européenne, ainsi que leurs États et pays constitutifs, s’effondreraient rapidement sur le plan économique et politique.

Cela finira par arriver, mais à court terme, la tâche des BRICS consiste à organiser une transition en douceur jusqu’à ce que les États-Unis et l’UE soient trop affaiblis pour causer des dommages significatifs. Ce sera peut-être le principal sujet de discussion du prochain sommet des BRICS, qui se tiendra en octobre de l’année prochaine dans la belle ville moderne de Kazan, dans la République du Tatarstan (Fédération de Russie). Pour l’heure, l’organisation a fort à faire avec la définition de la nouvelle unité notionnelle qui remplacera le dollar américain en tant qu’étalon et avec l’acceptation de nouveaux membres.

Dmitry Orlov

Soutenez mes efforts sur https://boosty.to/cluborlov.

Le livre de Dmitry Orlov est l’un des ouvrages fondateurs de cette nouvelle « discipline » que l’on nomme aujourd’hui : « collapsologie » c’est à-dire l’étude de l’effondrement des sociétés ou des civilisations.

Il vient d’être réédité aux éditions Cultures & Racines.

Il vient aussi de publier son dernier livre, The Arctic Fox Cometh.

Traduit par Hervé, relu par Wayan, pour le Saker Francophone

Déclin de l’Occident et avènement des BRICS

Source : TV Libertés

Jacques Sapir dans Le Samedi Politique - Le 03/09/2023.

Les transformations du monde s’accélèrent à un train d’enfer depuis le 24 février 2022. La crise en Ukraine s’embourbe depuis près de 18 mois et les politiques de sanctions à l’égard de la Russie ont fait intégrer à tous les pays en voie de développement les dangers de s’arrimer aux États-Unis.

L’Occident, sous l’égide de Washington, est devenu peu à peu un repoussoir pour tous les pays souverains qui aspirent à le rester ou ceux qui aspirent à le devenir. Le continent africain ne fait pas exception. La France, malgré son poids colossal notamment grâce à sa langue, a perdu pieds. Les coups d’État s’enchainent et les réactions diplomatiques sont plus catastrophiques les unes que les autres. Pendant que l’Occident creuse sa tombe, les BRICS, eux, bâtissent le monde de demain avec une philosophie bien différente de coopération.

L’économiste spécialiste des questions stratégiques et membre de l’académie des Sciences en Russie, Jacques Sapir, nous livre ses analyses sur ce monde dangereux aux transformations à grande vitesse auquel l’Europe et la France auront bien du mal à raccrocher les wagons.

Du 24 février (2022) au 24 août (2023) : Les USA ont perdu le contrôle du monde

Source : Le Courrier des Stratèges- par Edouard Husson - Le 28/08/2023.

 

Du 24 février (2022) au 24 août (2023) : les USA ont perdu le contrôle du monde

En dix-huit mois (24 février 2022-24 août 2023), les États-Unis ont perdu le contrôle des affaires mondiales. Le sommet des BRICS, en effet, signe une défaite politique majeure, à l’opposé des espoirs que Washington avait mis dans le “piège ukrainien”, qui devait faire s’effondrer le le régime de Poutine et conforter la position américaine face à la Chine.

La nouvelle carte des BRICS, à onze membres, montre que l’enjeu est d’abord géopolitique. Nous avons déjà parlé de la diagonale de la géopolitique mondiale en émergence, de Vladivostok à Santiago du Chili. En admettant six nouveaux membres, les BRICS ont renforcé cet axe.

Il est vrai que l’admission de l’Argentine est, en réalité, suspendue, au résultat de l’élection présidentielle. Le candidat libertarien, actuellement en tête des sondages, et dont Le Courrier vous a expliqué pourquoi sa candidature est intéressante, semble hostile à la logique des BRICS.

Cependant, l’essentiel, concernant les nouvelles admissions, s’est joué ailleurs : la Russie et l’Afrique du Sud ont convaincu l’Inde d’accepter quatre pays musulmans (Iran, Émirats, Arabie Saoudite, Égypte), dans le club. Si l’on ajoute l’Éthiopie, on voit que l’idée est d’abord un contrôle de régions stratégiques, pour en écarter les USA.

L’enjeu de la coordination sur les transports

Vladimir Poutine y a insisté. Le contrôle d’un certain nombre de routes mondiales sera au cœur de la coordination des BRICS.

L’Arabie saoudite, l’Égypte, les Émirats arabes unis (EAU), l’Iran, l’Argentine et l’Éthiopie ayant rejoint les BRICS, l’organisation aura accès à un vaste réseau de ressources logistiques stratégiques. Le vaste réseau logistique du groupe comprendra la route maritime du Nord, les corridors de transport Nord-Sud et Ouest-Est, les entrées du golfe Persique, la mer Rouge et le canal de Suez.

Outre l’accès à la haute mer, les pays cherchent à trouver des solutions alternatives aux “goulots d’étranglement”, tels que le détroit de Singapour, le détroit de Malacca, le canal de Suez, le Bosphore et le détroit d’Ormuz.

L’autre projet important est le corridor nord-sud qui relie l’ouest et le nord de la Russie au golfe Persique. La route maritime du Nord (NSR) est essentielle pour la Russie, car elle l’aidera à éviter un éventuel blocus maritime de la part des États occidentaux dans le cadre des sanctions en cours. De même, le canal de Suez et la mer Rouge seraient situés dans la juridiction des partenaires BRICS de la Russie après l’inclusion de l’Arabie saoudite et de l’Égypte. Le partenariat des BRICS contribuera également à résoudre les tensions autour du canal de Suez et du détroit d’Ormuz.

Monnaie : Ne pas mettre la charrue avant les bœufs

Les membres des BRICS ont fait part d’une initiative visant à commencer à travailler sur un système de paiement et une monnaie de règlement inter-BRICS. Le calendrier n’est pas immédiat, mais ils espèrent en développer un d’ici 5 à 10 ans. Aucun chiffon rouge n’est donc agité face aux USA. Mais ceux-ci ont des raisons d’être inquiets. Dans l’intervalle, en effet, les BRICS multiplieront les initiatives visant à régler les transactions dans leurs propres monnaies, en s’éloignant du dollar. La dédollarisation va donc continuer à s’accélérer,.

Monnaie commune et politique des petits pas. Ils convertiront leurs propres monnaies plutôt que d’utiliser une nouvelle monnaie unique inter-BRICS, à l’instar de l’euro utilisé par l’UE.

Le contrôle de l’énergie

Malgré toute la prudence affichée, il est évident que la défaite géopolitique des USA, en dix-huit mois, est terrible. Imaginez que l’on vous ait dit, il y a dix-huit mois que l’Arabie Saoudite et l’Iran rejoindraient les BRICS rapidement….Vous auriez regardé l’interlocuteur avec incrédulité.

Les nouveaux BRICS, avec l’Iran, les Émirats arabes unis et l’Arabie saoudite, contrôlent désormais environ 54 % de la production mondiale de pétrole.

Les sanctions occidentales sont une indéniable réussite !

BRICS +n  :  Expansion vers l’Est, avec quels critères ?

par Mohamed Achir - Le 25/08/2023.

1. Le PIB n’est pas un critère retenu par les BRICS. Le PIB de l’Algérie fait presque deux fois celui de l’Éthiopie (120 Mds de dollars). Le PIB du Nigeria est de 477 milliards de dollars, supérieur à celui de l’Afrique du Sud, 405 Mds de dollars et supérieur à celui de l’Égypte 476 Mds de dollars.

2. Pas de critères du développement qualitatif et du développement durable (l’Algérie étant première en Afrique en ODD et sécurité alimentaire).

3. La position géopolitique et géographique et le niveau des relations économiques et politiques bilatérales avec les BRICS n’ont pas pesé semble-t-il dans le choix des nouveaux membres.

4. La participation au capital de la NBD non plus !

Je pense que la Méditerranée occidentale n’est pas encore une priorité pour les BRICS et le développement des nouvelles routes de la soie (BRI).

Le choix de l’Égypte et de l’Éthiopie ne cache pas une stratégie de renforcement de la position des BRICS et surtout de la Chine dans une zone stratégique et importante pour le commerce international.

Il s’agit de la région Est de l’Afrique de l’Est, la Corne de l’Afrique, mais aussi le golfe d’Aden, la mer Rouge, le canal de Suez.

La Chine cherche pour ses BRI une position géographique privilégiée. Elle a déjà investi énormément en Éthiopie et plus de 14 milliards de dollars à Djibouti (ports, chemins de fer, routes, aéroports, zone franche, etc.), avec même une base militaire.

La corne Africaine, la zone Indopacifique comptent beaucoup pour les BRICS.

Les prochaines adhésions seront actées dans les prochaines années par les BRICS en fonction des enjeux géopolitiques et économiques et l’avancement des Nouvelles routes de la soie.

source : Jazairhope

envoyé par Amar Djerrad

Le général Dominique Delawarde sur les BRICS+, les États-Unis et Israël, et le cas de l’Algérie

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par Jazair Hope - Le 26/08/2023

Jarair Hope : Quels sont les critères qui ont permis la sélection des 6 pays admis au BRICS, surtout que économiquement quel que soit le critère il y a des candidats meilleurs qui n’ont pas été admis ?

Dominique Delawarde : Bien sûr, je ne suis pas dans le secret des Dieux, mais voici ma lecture du choix des BRICS pour l’adhésion dès le premier janvier 2024.

– À l’analyse, l’Iran était probablement le candidat le plus assuré d’entrer dans les BRICS parce qu’il appartient aussi à l’Organisation de Coopération de Shangaï, comme la Chine, la Russie et l’Inde. Ses diplomates connaissent déjà parfaitement le fonctionnement des diplomaties de ses partenaires de l’OCS. On peut noter que l’Iran a mis 12 ans entre le dépôt de sa candidature à l’OCS et son admission comme membre à part entière. Par ailleurs, l’Iran, gros producteur de gaz et de pétrole, est aussi une pièce maîtresse pour assurer une stabilité géopolitique en Asie de l’Ouest.

– La stabilisation et le retour à la paix entre pays riverains du Golfe passaient par la réconciliation entre l’Iran et l’Arabie saoudite. Obtenue sous l’égide de la Chine, cette réconciliation qui est dans l’intérêt supérieur des BRICS a probablement fait l’objet d’un deal : réconciliation avec en corollaire entrée au plus tôt dans les BRICS. Les BRICS avaient tout intérêt à stabiliser cette réconciliation pour éviter tout retour en arrière de la part de l’Arabie saoudite et des EAU. Ces deux pays, dont une forte majorité de la population et des responsables politiques hait les USA depuis fort longtemps, avaient besoin d’un nouveau protecteur pour se substituer aux USA. Les BRICS vont désormais jouer ce rôle. Arabie saoudite et EAU naviguaient dans l’orbite US, contraints et forcés («Baises la main que tu ne peux trancher»). Ces deux pays ont trouvé des parrains et protecteurs qu’ils jugent moins nocifs à leurs intérêts.

Les BRICS ont donc bien joué en admettant simultanément l’Iran, l’Arabie Saoudite et les EAU parmi eux. 

Arabie saoudite et EAU vont pouvoir jouer un rôle de premier plan dans la dédollarisation en vendant leur pétrole aux gros consommateurs que sont l’Inde et la Chine en monnaie nationale et non plus en dollars. Ils vont donc participer à l’affaiblissement de l’hégémonie US.

– S’agissant de l’Argentine et de l’Égypte, ces deux pays sont deux pays importants dans leur continent respectifs, qui ont longtemps eu un pied dans chaque camp. Il est important qu’ils choisissent leur camp et s’y tiennent. L’adhésion au BRICS va les y aider. On notera que, dans les nouveaux arrivants, deux états sont aujourd’hui membres du G20 (l’Argentine et l’Arabie saoudite). Leur adhésion aux BRICS va renforcer la position des BRICS au sein du G20. Ils seront désormais 7 à défendre, ensemble, une position alternative à celle des USA. Si l’on ajoute le Mexique et l’Indonésie, pays amis des BRICS, et à un certain degré la Turquie, le G20 n’est plus la chasse gardée de l’occident global.

– S’agissant enfin de l’Égypte et de l’Éthiopie, chacun notera que ces deux pays sont en très forte opposition sur le problème de l’exploitation du Nil. Le meilleur moyen d’apaiser les tensions dans la région n’est-il pas de les admettre simultanément au BRICS pour trouver les moyens de gérer le problème de l’exploitation du Nil avec des moyens financiers et humains beaucoup plus importants ? Ceux des BRICS, et d’éviter ainsi qu’une région favorable aux BRICS ne tombe dans la guerre et le chaos, dont les occidentaux tirent toujours profit. Certes l’adhésion de certains pays est repoussée d’un an ou deux.

C’est incontestablement le cas de l’Algérie, allié à la fidélité indéfectible, dont le PIB est supérieur à celui de l’Éthiopie. C’est justement parce qu’elle ne pose pas de problème urgent à résoudre qu’elle peut attendre une ou deux années de plus. Se souvenir que l’Iran a su attendre 12 ans avant d’être finalement admis, d’abord dans l’OCS, puis dans les BRICS. Je ne pense pas que l’Algérie attende aussi longtemps son tour.

JH : Quelle est votre lecture de l’admission des Émirats, l’Arabie et l’Iran étant donné l’antagonisme entre ces pays vis à vis d’Israël, n’est-ce pas une menace supplémentaire pour les accords d’Abraham d’avoir les Émirats dans le même groupe que l’Iran ?

DD : Je pense que les EAU sont un pays pragmatique et réaliste. Il connaît sa taille, sa force et ses moyens. S’il peut s’entendre avec l’IRAN dans le cadre des BRICS, il choisira l’IRAN plutôt qu’Israël. Beaucoup d’accords signés par les EAU ont été signés sous les pressions occidentales (US et France). Un accord n’est jamais signé dans le marbre pour l’éternité.

Par ailleurs, les accords d’Abraham ne sont valides que sous réserve qu’Israël cesse d’annexer des territoires palestiniens. Or ce n’est pas le cas et n’a jamais été le cas. En clair, les accords d’Abraham sont fragiles et peuvent être dénoncés par les parties arabes lorsqu’elles le décideront.

L’appartenance de l’Iran et des EAU à un même groupe dirigé par la Russie et la Chine est davantage un facteur de paix qu’un facteur de guerre. Les causes palestinienne et syrienne restent très populaires dans les rues arabes. Le monde arabe semble se réunifier toujours davantage et avoir pris conscience qu’il ne peut compter vraiment que s’il est uni.

Les USA et Israël devraient en tenir compte.

source : Jazair Hope

Général Dominique Delawarde

L’ampleur du rassemblement anti-russe en Afrique du Sud lors du sommet des BRICS

par Russosphère - Le 23/08/2023.

Il semble que même les participants à l’action à grande échelle réfléchissent eux-mêmes à la manière de rentrer rapidement chez eux.

source : Russosphère

Sergueï Lavrov au sommet des BRICS : Le monde rejette les pratiques occidentales, coloniales et racistes

En préambule au sommet des BRICS, cet article présente l’analyse de Sergueï Lavrov, qui explore les opportunités de coopération entre les pays membres au sein d’un monde en constante évolution. Les dynamiques multipolaires, la quête d’équité et l’émergence de centres d’influence sont examinés en détail, mettant en lumière la diplomatie multilatérale préconisée par les BRICS et leur rôle croissant sur la scène mondiale.

Article de Sergueï Lavrov, ministre des Affaires étrangères de la Fédération de Russie pour le magazine sud-africain «Ubuntu».

*

À la veille du sommet des BRICS, j’aimerais partager avec nos chers lecteurs mes réflexions sur les perspectives de coopération dans le cadre de ce groupe dans le contexte géopolitique actuel.

Le monde d’aujourd’hui connaît des changements tectoniques. La possibilité de domination d’un pays ou même d’un petit groupe d’États disparaît. Le modèle de développement international fondé sur l’exploitation des ressources de la majorité mondiale au profit du bien-être du «milliard d’or» est désespérément dépassé. Il ne reflète pas les aspirations du monde entier.

Un ordre mondial multipolaire plus juste est en train de naître sous nos yeux. De nouveaux centres de croissance économique et de prise de décision politique d’importance mondiale en Eurasie, dans la région Asie-Pacifique, au Moyen-Orient, en Afrique et en Amérique latine sont guidées avant tout par leurs propres intérêts et placent la souveraineté nationale au centre de leurs préoccupation, et c’est dans cet esprit qu’elles réalisent des progrès impressionnants dans des domaines divers et variés.

Les tentatives de l’Occident collectif d’inverser cette tendance pour préserver sa propre hégémonie ont un effet complètement contraire. La communauté mondiale en a assez du chantage et de la pression de la part des élites occidentales et de leurs pratiques coloniales et racistes. C’est pourquoi, par exemple, non seulement la Russie, mais aussi un certain nombre d’autres pays réduisent constamment leur dépendance au dollar américain, passant à des systèmes de paiement alternatifs et à des règlements en monnaies nationales. Dans ce contexte, les paroles sages de Nelson Mandela me viennent à l’esprit : «Lorsque l’eau commence à bouillir, il est absurde d’arrêter de la chauffer». Et c’est effectivement le cas.

La Russie, État de nature civilisatrice et première puissance eurasienne et euro-pacifique, continue ses efforts de démocratisation de la vie internationale et de formation d’une architecture de relations interétatiques fondée sur les valeurs d’une sécurité égale et indivisible, de la diversité culturelle et civilisationnelle, et offrant des chances égales de développement à tous les membres de la communauté mondiale, sans exception. L’architecture des relations interétatiques serait fondée sur les valeurs d’une sécurité égale et indivisible, de la diversité culturelle et civilisationnelle et offrirait des chances égales de développement à tous les membres de la communauté mondiale, sans exception. Comme l’a souligné le président Vladimir Poutine dans son discours à l’Assemblée fédérale de la Fédération de Russie le 21 février 2023 : «Dans le monde moderne, il ne devrait pas y avoir de répartition entre les soi-disant «pays civilisés» et tous les autres… Il devrait y avoir un partenariat honnête qui, en principe, refuse toute exclusivité, en particulier l’exclusivité agressive». À notre avis, tout cela est conforme à la philosophie de l’Ubuntu, qui promeut la cohésion entre les nations et les peuples.

Dans ce contexte, la Russie s’est toujours prononcée en faveur du renforcement de la position du continent africain dans l’ordre mondial multipolaire. Nous poursuivrons notre soutien à nos amis africains dans leurs efforts pour jouer un rôle de plus en plus important dans la résolution des problèmes fondamentaux de notre époque. Cela s’applique aussi pleinement au processus de réforme du Conseil de sécurité des Nations unies, dans le cadre duquel, selon notre conviction profonde, les intérêts légitimes des pays en développement, y compris l’Afrique, doivent être garantis avant tout.

La diplomatie multilatérale ne reste pas à l’écart des tendances mondiales. Les activités d’une association telle que les BRICS symbolisent une véritable multipolarité et sont un exemple de communication interétatique honnête. Au sein de cette association, des États ayant des systèmes politiques différents, des plateformes de valeurs distinctes et des politiques étrangères indépendantes coopèrent avec succès dans divers domaines. Je pense qu’il n’est pas exagéré de constater que les BRICS sont une sorte de «grille» de coopération au-dessus des lignes traditionnelles Nord-Sud et Ouest-Est.

Effectivement, nous avons des choses à présenter à notre public. Grâce à des efforts conjoints, les BRICS sont parvenus à créer une culture du dialogue fondée sur les principes de l’égalité, du respect du choix de notre propre voie de développement et de la prise en compte des intérêts de chacun. Cela nous aide à trouver un terrain d’entente et des «solutions», même sur les problèmes les plus complexes.

La place et l’importance des BRICS aujourd’hui et leur potentiel d’influence sur la formation de l’agenda mondial sont déterminés par des facteurs objectifs. Les chiffres parlent d’eux-mêmes. La population des pays des BRICS représente plus de 40% de la population mondiale et leur territoire représente plus d’un quart de la masse continentale de la planète. Selon les prévisions des experts, en 2023, le groupe des BRICS représentera environ 31,5% du PIB mondial (en termes de parité de pouvoir d’achat), tandis que la part du G7 a chuté à 30% sur cet indicateur.

Aujourd’hui, le partenariat stratégique des BRICS prend de l’ampleur. L’association elle-même propose au monde des initiatives créatives et tournées vers l’avenir, visant à atteindre les objectifs de développement durable, à garantir la sécurité alimentaire et énergétique, la croissance saine de l’économie mondiale, la résolution des conflits et la lutte contre le changement climatique, y compris à travers le prisme d’une transition énergétique juste.

Un système étendu de mécanismes a été créé pour réaliser ces objectifs. La stratégie de partenariat économique jusqu’en 2025 est en cours de mise en œuvre et définit les points de référence de la coopération à moyen terme. La plateforme de recherche énergétique des BRICS, lancée à l’initiative de la Russie, fonctionne. Le Centre des BRICS pour la recherche et le développement de vaccins a été lancé pour promouvoir des réponses efficaces aux défis posés au bien-être épidémique de nos pays. Des initiatives sur l’élimination des «refuges» pour les personnes corrompus et les actifs criminels, sur le commerce et l’investissement dans le but d’un développement durable, et sur le renforcement de la coopération dans le domaine des chaînes d’approvisionnement, ont été approuvées. La stratégie des BRICS en matière de sécurité alimentaire a été adoptée.

Parmi les priorités inconditionnelles figurent le renforcement du potentiel de la Nouvelle banque de développement et du Fonds de réserve de change des BRICS, l’amélioration des mécanismes de paiement et le renforcement du rôle des monnaies nationales dans les règlements mutuels. Il est prévu que ces aspects fassent l’objet d’une attention particulière lors du sommet des BRICS à Johannesburg.

Nous ne cherchons pas à remplacer les mécanismes multilatéraux existants, et encore moins à devenir un nouvel «hégémon collectif». Au contraire, les membres des BRICS ont toujours privilégié la création de conditions favorables au développement de tous les États, ce qui exclut la logique de bloc de la guerre froide et des jeux géopolitiques à somme nulle. Les BRICS s’efforcent de proposer des solutions inclusives fondées sur une approche collective.

Dans ce contexte, nous nous efforçons constamment de développer la coopération entre l’association et les pays de la majorité mondiale. En particulier, le renforcement de la coopération avec les pays africains est devenu l’une des priorités de la présidence sud-africaine. Nous partageons entièrement cette approche. Nous sommes prêts à contribuer à la croissance économique du continent et à y renforcer la sécurité, y compris ses composantes alimentaires et énergétiques. Les résultats du deuxième sommet Russie-Afrique qui s’est tenu les 27 et 28 juillet 2023 à Saint-Pétersbourg en sont la preuve irréfutable.

Dans ce contexte, il est naturel que notre association compte de nombreuses personnes partageant les mêmes idées dans le monde entier. Les BRICS sont considérés comme une force positive qui serait susceptible de renforcer la solidarité des pays du Sud et de l’Est et de devenir l’un des piliers d’un nouvel ordre mondial polycentrique plus équitable.

Les BRICS sont prêts à répondre à cette demande. C’est pourquoi nous avons lancé le processus d’élargissement. Il est symbolique qu’il ait pris un tel rythme l’année de la présidence de l’Afrique du Sud, un pays qui a été admis au sein des BRICS à la suite d’une décision politique consensuelle.

Je suis persuadé que le 15ème sommet qui marquera son anniversaire deviendra un nouveau jalon dans nos relations de partenariat stratégique et définira les priorités majeures pour les années à venir. Nous apprécions vivement les efforts de la présidence sud-africaine dans ce contexte, notamment l’intensification des activités visant à améliorer l’ensemble des mécanismes de fonctionnement de l’association et à approfondir le dialogue avec d’autres pays.

source : Ministère des Affaires étrangères de la Fédération de Russie via Le Média en 4-4-2

BRICS : Le facteur Chine-Inde

par Pepe Escobar - Le 24/08/2023.

Après une longue préparation marquée par d’immenses attentes dans l’ensemble du Sud mondial, de la Majorité mondiale ou du «Globe mondial» (selon l’expression du président de Biélorussie Loukachenko), le sommet des BRICS en Afrique du Sud a révélé, dès son premier jour, un incident «perdu dans la traduction» qui devrait être considéré comme un sérieux avertissement.

La transmission du Forum des affaires des BRICS sur la chaîne sud-africaine SABC s’est transformée en une Babel linguistique des BRICS. Les voix de tous les traducteurs, simultanément, s’entrechoquaient sur le fil. Les explications vont de la volonté de créer un nouvel espéranto (peu probable) à l’incompétence de l’équipe d’ingénieurs du son, en passant par l’isolement des traducteurs dans une cabine séparée, qui n’ont pas été prévenus qu’ils devaient éteindre leurs micros, ou encore par les interférences de la NSA, qui ont perturbé les fréquences des micros des traducteurs.

Quoi qu’il en soit, la métastase s’est transformée en une sérieuse entrave à la compréhension des débats par le public sud-africain – et international – en ligne. Même si les «problèmes de traduction» n’annule pas l’ambitieux programme de changement des BRICS, elle sera certainement exploitée au maximum par les suspects habituels du «diviser pour régner» pour renforcer leur guerre hybride tous azimuts contre les BRICS, déjà en cours.

Le drame shakespearien de la dédollarisation

Quels que soient les résultats concrets finaux de ces journées qui pourraient changer la donne à Johannesburg – j’ai analysé les thèmes clés ici – les faits de base sont immuables.

La Chine et la Russie, en tant que principaux moteurs, sont déterminées à s’étendre vers les BRICS+ pour résister à l’intimidation impériale, diplomatique et autre ; construire des alternatives à SWIFT ; promouvoir l’autosuffisance économique parmi les membres et l’autonomie par rapport à la démence des sanctions (qui ne fera qu’augmenter) ; et finalement forger une alliance contre les menaces militaires impériales – avec la possibilité que les BRICS+ fusionnent à l’avenir avec l’Organisation de coopération de Shanghaï (OCS).

Le facteur chinois est sans doute le vecteur clé de tous ces processus complexes et entrelacés. Il n’est pas étonnant que le président Xi, lors de sa deuxième visite d’État à l’étranger en 2023 (après la Russie), organise une réunion spéciale à Johannesburg avec des dizaines de chefs d’État africains.

L’opinion publique chinoise est absolument captivée par le sommet des BRICS, dont «l’intérêt dépasse celui du G7». L’ensemble de l’ordre du jour défiant l’Empire – de la dédollarisation à l’influence accrue sur le marché de l’énergie – fait l’objet d’un débat approfondi, de même que le fossé entre la Chine et l’Inde, New Delhi étant souvent désignée comme un agent hostile à l’intérieur des BRICS.

Les sherpas, officieusement, ainsi que les diplomates des cinq BRICS actuels (qui devraient bientôt s’agrandir) ont été très prudents pour encadrer l’ensemble du débat non pas sur la dédollarisation – qui reste une perspective lointaine – mais sur les systèmes alternatifs de commerce et de paiement en monnaies locales.

Pourtant, dans son discours par vidéoconférence – salué comme une rock star – le président Poutine a été catégorique : le processus de dédollarisation au sein des BRICS est irréversible.

Pourtant, ce sont les contradictions internes qui ressortent lorsqu’il s’agit des BRICS+. New Delhi s’est montrée extrêmement prudente, même si les sherpas ont fait savoir que les principales règles d’admission avaient été approuvées.

Les proverbiaux «Diviser pour mieux régner» ont fait croire que Pékin voulait que les BRICS+ soient un concurrent du G7. C’est absurde. La géopolitique chinoise est bien plus sophistiquée et n’imposerait jamais à ses partenaires un impératif de fer. Pékin veut consolider son rôle de facto de leader géoéconomique du Sud mondial en séduisant un maximum de partenaires, et non en les intimidant.

D’où l’importance de la rencontre Chine-Afrique. L’Afrique du Sud a été le premier pays africain à adhérer à l’Initiative Ceinture et Route (BRI). Pékin et Pretoria célèbrent 25 ans de relations diplomatiques. Xi et Ramaphosa parleront de l’intégration économique globale de l’Afrique, en détail, avec tous ces chefs d’État.

Que veut vraiment l’Inde ?

La vision de la Chine pour les BRICS+ et surtout pour l’Afrique est intrinsèquement liée à la BRI, qui après tout est le concept global de politique étrangère de Pékin pour les prochaines décennies.

L’Inde, pour sa part, a d’autres idées lorsqu’il s’agit de se configurer en tant que leader du Sud mondial. Au début de l’année, New Delhi a accueilli un sommet sur la voix du Sud mondial, auquel ont participé plus de 100 pays. Ce sommet aurait pu constituer une sorte d’alliance multilatérale informelle, avec des valeurs diverses, mais se concentrant largement sur les mêmes objectifs que ceux promus par les BRICS.

Si la Chine roule avec la BRI, l’Inde roule avec une sorte de contrepartie – complémentaire – : le Corridor international de transport Nord-Sud (INSTC), dont elle est l’un des principaux acteurs aux côtés de la Russie et de l’Iran. Nous avons donc ici un membre important des BRICS et un membre potentiel des BRICS+ : l’Inde est très intéressée par l’adhésion de l’Iran.

Tout cela va en fait dans le sens d’une intégration des BRICS, de la BRI, de l’INSTC et aussi de l’OCS (la Russie, la Chine, l’Inde et l’Iran en sont tous membres). Une fois de plus, le diable sera dans les détails «perdus dans la traduction». Il n’y a pas d’impératif catégorique indiquant que les priorités chinoises et indiennes ne peuvent pas converger.

Les RIC (Russie, Chine, Inde) ont également noté que l’écrasante majorité des pays du Sud mondial et de la Majorité mondiale n’ont pas soutenu – ni adhéré – au rêve humide collectif de l’Occident de supprimer stratégiquement la Russie. Même si la Russie est aujourd’hui la cinquième économie mondiale en termes de PPA (plus de 5000 milliards de dollars) – devant les vassaux européens impériaux – le Sud mondial perçoit Moscou comme «l’un des nôtres».

Tout cela confère un pouvoir supplémentaire au nouveau Mouvement des non-alignés (MNA), qui doit être courtisé en permanence par les RIC. Les «initiatives» tardives du Nord telles que l’initiative américaine «Build Back Better World» et la «Global Gateway» de l’UE sont considérées au mieux comme de la rhétorique luxuriante.

Même si la Chine est tenue de renforcer son rôle de premier plan dans le Sud mondial, en particulier en Afrique, après le sommet, l’Inde compte également sur un coup de pouce dans le rôle de puissance Nord-Sud qu’elle s’est donné. Cela peut être considéré comme une sorte de jeu de couverture, car l’establishment de New Delhi s’enorgueillit d’être entrelacé avec le Sud mondial lorsqu’il s’agit d’objectifs stratégiques (le Quad ? Vraiment ?) tout en restant un acteur du Sud mondial.

Tôt ou tard, il faudra bien que quelque chose cède. L’Empire a conçu sa fausse terminologie et sa stratégie «Indo-Pacifique» spécifiquement pour piéger l’Inde. Personne en Asie-Pacifique n’a jamais fait référence à la région en termes d’«Indo-Pacifique». Pourtant, d’un seul coup, l’Empire se débarrasse de la Chine, de la mer de Chine méridionale et même de l’Asie du Sud-Est pour accueillir dans un slogan accrocheur ce qu’il considère au mieux comme une néo-colonie géopolitique et un bélier contre la Chine.

Il semble que New Delhi développe une tendance : Ne jamais être à la hauteur de son potentiel lorsqu’il s’agit d’exercer sa souveraineté pour défier l’hégémon.

Miner les BRICS+ de l’intérieur

Le champ d’action de la Russie est bien plus ambitieux : il s’étend de l’espace post-soviétique au Heartland, en passant par l’Asie-Pacifique réelle, l’Asie occidentale et, à l’instar de la Chine, l’Afrique. Tous ces acteurs dépendent de l’énergie, des denrées alimentaires, des engrais chimiques et d’une multitude de produits de base russes. Pour eux, il n’y aura pas de «découplage» ou de «réduction des risques» lorsqu’il s’agira de commercer avec la Russie.

Dans son discours par vidéoconférence aux BRICS, Poutine a évoqué le front de la connectivité, en développant sur l’INSTC et la route maritime du Nord. Il a également fait référence à la fourniture gratuite de céréales aux pays africains les plus pauvres. Il a fustigé le «soi-disant» accord sur les céréales : Moscou envisagerait d’y revenir, mais seulement si ses demandes légitimes sont satisfaites.

Contrairement à l’expansion rapide du «soft power» russe, comment Pékin pourrait-il développer le sien – qui pourrait être gravement déficient dans plusieurs domaines ? La création d’instituts Confucius ne suffit pas ; idéalement, les Chinois devraient commencer à promouvoir une série de groupes de réflexion du Sud mondial, de l’Asie occidentale à l’Afrique et à l’Amérique latine, afin d’analyser les défis géopolitiques et géoéconomiques de plus en plus importants qui se posent à la route multipolaire.

Pour l’instant, Pékin va donner un coup de fouet aux formes institutionnelles d’interactions Sud-Sud, telles que le Forum Belt and Road (le prochain aura lieu en octobre), le Forum sur la coopération sino-africaine et le Forum Chine-CELAC avec l’Amérique latine et les Caraïbes.

Mais encore une fois, au sein des BRICS, tout revient à la Chine et à l’Inde. L’année 2023 pourrait marquer un tournant dans leurs relations bilatérales. New Delhi a organisé le dernier sommet de l’OCS (malheureusement uniquement en ligne ; les rumeurs de dissensions internes n’ont jamais été totalement démenties). Elle présidera également le prochain sommet du G20.

Et puis il y a le facteur externe toxique : la guerre hybride impériale déjà en cours contre les BRICS. Les suspects habituels ne reculeront devant rien pour opposer Pékin à New Delhi, d’autant plus que tout ce qu’ils ont lancé contre Moscou a lamentablement échoué.

Cette guerre hybride à multiples facettes a été conçue pour miner les BRICS+ de l’intérieur, en particulier les nœuds plus faibles que sont le Brésil et l’Afrique du Sud, et notamment l’Iran, qui fait déjà l’objet de méga-sanctions s’il devient membre. L’Empire ne reculera devant rien pour ne pas perdre les pivots clés de l’hégémonie latino-américaine et africaine.

Dans l’ensemble, les RIC – et peut-être bientôt les RIIC – devraient concentrer leur attention sur l’Afrique. Cela ne signifie pas qu’une foule de pays africains devraient être autorisés à rejoindre les BRICS+ littéralement demain ; la question est de pouvoir les aider dans plusieurs domaines cruciaux car le processus de rupture avec le contrôle impérial/néocolonial est désormais irréversible.

L’Empire ne dort jamais – du moins ceux qui dirigent vraiment : Les mannequins de crash test qui se font passer pour des présidents, c’est une autre affaire. Les rêves de faux drapeaux taïwanais s’estompant rapidement, il y a fort à parier que l’Empire pourrait organiser sa prochaine grande guerre psychologique en Afrique.

Pepe Escobar

source : Global South

traduction Réseau International

Lavrov : «La possibilité de domination d’un pays ou même d’un petit groupe d’États disparaît»

par RT France - Le 22/08/2023.

À la veille du sommet des BRICS, qui se tiendra à Johannesburg du 22 au 24 août, le chef de la diplomatie russe a exposé dans une tribune les enjeux et ambitions de cet événement. Leur objectif commun : L’avènement d’un ordre mondial plus «juste».

«Un ordre multipolaire plus juste est en train de se faire jour sous nos yeux», affirme ce 21 août Sergueï Lavrov dans une tribune pour le magazine sud-africain Ubuntu.

«La possibilité de domination d’un pays ou même d’un petit groupe d’États disparaît», estime le chef de la diplomatie russe, qui évoque l’émergence à travers le globe de «nouveaux centres de croissance économique et de décision politique importants» qui privilégient «leur souveraineté nationale».

Aux yeux de Sergueï Lavrov, le «modèle de développement fondé sur l’exploitation des ressources de la majorité de la population mondiale au seul bénéfice du «milliard doré» est condamné car ne il ne reflète pas les «attentes de l’humanité toute entière».

Le monde las «du chantage des élites occidentales»

La Russie poursuit son travail de «démocratisation de la vie internationale et d’élaboration d’une architecture de relations interétatiques basée sur une sécurité partagée par tous, sur la diversité des cultures et des civilisations et assurant le développement de tous», assure le ministre.

Fustigeant «les tentatives de l’«Occident collectif» d’étouffer dans l’œuf cette tendance pour conserver son hégémonie», Sergueï Lavrov estime que celles-ci ne font «qu’aboutir au résultat inverse». «La communauté internationale est lasse du chantage et des pressions des élites occidentales, de leurs manières racistes et coloniales», assène-t-il.

Les BRICS en passe de doubler le G7 ?

Dans ce nouvel ordre multipolaire, les BRICS sont appelés à jouer un rôle décisif «en dépassant les lignes traditionnelles de partage Est-Ouest et Nord-Sud», estime le diplomate russe.

Celui-ci met en avant des «facteurs objectifs», tels que le poids de ces pays qui représentent «40% de la population mondiale, un quart des terres émergées et 31,5% du PIB mondial, selon les prévisions pour 2023» contre, toujours selon lui, «30% pour les pays du G7».

À cet égard, «la Russie continuera à soutenir ses amis africains dans leurs efforts pour résoudre les problèmes contemporains», assure le chef de la diplomatie russe, notamment «dans le cadre de la réforme de l’ONU, qui doit prendre en compte les intérêts des pays en développement, dont l’Afrique 

La Nouvelle banque de développement à l’honneur

«Les BRICS ont lancé un processus d’élargissement», indique le ministre, suite aux attentes «de leurs nombreux partisans de par le monde». En outre, Sergueï Lavrov énumère les nombreux mécanismes créés afin de faciliter la coopération des membres de l’organisation dans les domaines de «la sécurité alimentaire et énergétique», de «la régulation des conflits» ou encore de «la lutte contre le réchauffement climatique».

Aux yeux du ministre, «la priorité absolue» demeure le «renforcement du potentiel de la Nouvelle banque de développement», comprenant notamment «l’amélioration des mécanismes de paiement et l’augmentation du rôle des monnaies de réserve nationale». Il précise que ces questions seront «au centre de l’attention du sommet de Johannesburg».

Le sommet des BRICS s’ouvrira le 22 août dans la capitale économique de l’Afrique du Sud, sous la présidence de Cyril Ramaphosa. Vladimir Poutine participant par visioconférence, la délégation russe sera emmenée par Sergueï Lavrov. Une vive polémique a fait rage en Afrique du Sud autour de l’arrestation ou non du président russe, cible d’un mandat d’arrêt de la Cour pénale internationale (CPI), dont Pretoria est membre.

source : RT France

De BRICS et de Broques

par Benoit Tement - Le 03/08/2023.

Le 22 août 2023 à Johannesburg marquera sans doute une étape importante dans l’histoire mondiale.

Les BRICS parleront de stratégie à long terme et proposeront peut-être une nouvelle monnaie internationale.

Cette stratégie sera-t-elle exclusivement dictée par l’affranchissement du Sud Global à l’influence occidentale ? Sera-t-elle axée sur les intérêts propres de ses membres, débarrassés d’une analyse conflictuelle des rapports à l’occident ? Serait-elle l’avènement de la révolution du prolétariat mondial réactualisée version romantique, version numérique ? Un peu de tout ? Nous n’en savons rien et d’autant plus que nous, en France, sommes mal placés pour la penser.

Les BRICS éviteront certainement une construction en négatif de celle de l’occident. On ne fera pas contre, en opposition, on fera différemment, optimalement.

Toujours est-il que paradoxalement et contre-intuitivement j’espère la réussite de ce sommet, et par conséquent j’attends son corolaire : la destruction de notre économie et in fine de notre gouvernance. Ce passage est obligé pour nous débarrasser de la clique Macrondialiste et recouvrer l’espoir de voir la France en phœnix se reconstruire autour de nos intérêts nationaux. Les BRICS replaceront donc nos pavés puisque la révolution est impossible.

Un pour tous, chacun pour soi !

Pourtant les BRICS portent en eux-mêmes nombre de contradictions. C’est un peu comme le club des Cinq. Chacun apporte au tout ses différences pour résoudre une énigme. Mais contrairement aux romans pour jeunes lecteurs, les BRICS constituent surtout un contrepouvoir. Chaque pays continuera donc à promouvoir son propre intérêt, parfois en concurrence avec un autre membre du groupe :

Le Brésil dépend économiquement des Etats Unis et doit donc modérer ses engagements.

L’Inde et la Chine ont des conflits territoriaux non résolus (Affrontement de Doklam en 2017) et l’Inde a peur du «collier de perles», un ensemble d’infrastructure chinoises encerclant complétement l’Inde, dans le cadre de sa «Route de la Soie».

L’Afrique du Sud n’a pas la taille critique et hésite à quitter l’occident, grand client minier en particulier.

Finalement, ce qui était un regroupement de pays en devenir il y 20 ans est devenu une puissance politique qui dépasse de loin par l’espoir économique qu’elle fait naître dans le monde et ses possibilités politiques ce que le Brésil, l’Afrique du Sud et l’Inde avaient eux-mêmes imaginés.

La Russie, est en guerre, et donc utilise tous les moyens pour affaiblir l’occident :

  • En étant le fer de lance de la dédollarisation.
  • En jouant sur les liens tissés lors de la décolonisation pour s’allier l’Afrique.
  • En dressant contre l’occident «décadent» une communication forte axée sur le respect des valeurs de la famille, des cultures, religions, et des peuples.
  • En occupant les terrains :
  • Diplomatiques (ouvertures d’ambassades, respect du protocole pointilleux),
  • Médiatiques, (essaimage de TASS et partenariat, RT, Sputnik),
  • Militaires. (Nombreux accords de coopération, de formation et d’armement, sans parler de l’influence de Wagner)
  • Culturels (augmentation du nombre d’étudiants en Russie, ouverture de centre culturels). L’industrie du cinéma reste cependant à mettre à la hauteur des autres arts où la Russie a déjà ses lettres de noblesse.
  • Sportifs (invitations aux Jeux Mondiaux de l’Amitié).
  • Économique (accords céréaliers, investissements dans les réseaux énergétiques, miniers, abandon de créances sur les pays les plus faibles.)

En termes d’échanges, que peut fournir l’Afrique à la Russie qu’elle n’aurait pas ? La Russie pratique donc ici une guerre d’influence qui parachève le caractère global du conflit en dérobant des pays, des populations entières à l’hégémonie chancelante américaine : il s’agit bien d’un conflit mondial civilisationnel.

Quant à la Chine, elle continue son expansion commerciale. L’Afrique peut donc échanger valablement matières premières contre biens de consommation, infrastructures et investissements. La dynamique de la Chine est donc très différente de celle de la Russie.

Il semble que la Chine et la Russie se soient réparti en ce moment les zones d’influences : à la Chine, l’Amérique centrale et du Sud, à la Russie, l’Afrique et ensemble à l’OCS, l’Asie centrale.

Reconnaissons que la Chine et la Russie, à elles seules, pourraient vivre et se développer en autarcie complète. C’est probablement en partie cette duplicité invisible mis en œuvre il y plusieurs décennies qui a permis à la Russie d’être prête à relever en même temps les défis militaires et économiques.

Il est donc logique que face à la frilosité de 3 des 5 associés, les deux autres s’engagent dans des partenariats bilatéraux et à travers des organisations plus régionales (conférence Russie Afrique, OCS, UEEA, BRI, etc.). La visibilité de ce travail est moindre. Tous les projecteurs se tournent maintenant vers l’Afrique du Sud et son sommet BRICS de fin août, mais la diplomatie russe et la Belt Road Initiative chinoise ont déjà bien érodé le monopolistique état du monde.

Les Candidats BRICS +

La politique des BRICS doit s’inscrire dans le long terme. C’est une question de survie pour la Russie et la Chine et une question d’espoir pour les autres acteurs.

Il s’agit donc de poser lentement mais sûrement les bases du monde de demain. En effet, la moindre erreur, la moindre précipitation sera exploitée avec avidité par l’occident. Il en va de même pour la guerre en Ukraine. La lenteur est ici un gage d’efficacité tout comme la détente adiabatique en thermodynamique présente le meilleur rendement énergétique.

La tâche sera ardue : En effet le profil des BRICS et des candidats déclarés (pour ne tenir compte que d’eux) est pour le moins hétéroclite. Nous pouvons les passer au crible de :

  • La puissance économique
  • L’endettement.
  • Les animosités rémanentes (Inde/Chine, Iran /Arabie saoudite, etc.)
  • La richesse en matière première.
  • Degré de développement social, culturel et de l’éducation / Aspiration des populations.
  • Type de gouvernance

Statistiques :

Pour appréhender un peu plus précisément la difficulté à construire un monde d’après, j’ai effectué quelques calculs statistiques.

J’ai trouvé intéressant de comparer les BRICS, les candidats BRICS++ et une communauté bien connue de pays : L’Union européenne.

J’ai donc calculé la moyenne et l’écart type des PIB. J’ai fait ce calcul pour les 24 pays intéressés par une adhésion BRICS, pour les 5 BRICS historiques, et pour les 27 membres de UE. Mes données sont celles de Wikipédia.

La notion de PIB en Dollar de chaque nation est contestable car elle ne représente pas les proportions relatives des secteurs primaires, secondaires et tertiaires des pays. Il faudrait adjoindre à chaque secteur des coefficients correctifs, valorisants le secteur secondaire pour estimer la capacité économique structurelle de chaque pays, capacité à résister à un test crash.

Voici le tableau résultant de ce travail, en annexe la liste des 29 pays possiblement candidats aux BRICS.

Constats intéressants :

• Le groupe des candidats BRICS a donc une homogénéité meilleure que les BRICS historiques et que les 27. Du point de vue du PIB, l’intégration des candidats BRICS semble donc possible puisque la dispersion de leur PIB est inférieure à celle des 27 aujourd’hui. Il ne s’agit bien sûr que d’un des paramètres à prendre en ligne de compte. De plus l’intégration se fera chronologiquement en privilégiant les candidats les mieux placés.

• Le ratio des PIB moyens entre les 27 et les candidats est de 1.75 ce qui est faible au regard du même ratio au BRICS : 15 ! Les candidats BRICS confondus ne sont donc pas si loin de rattraper les 27 en termes de PIB, d’autant plus que l’effet d’une croissance durable cumulatif est à mesurer sur une échelle logarithmique.

• La moyenne du PIB des candidats BRICS est 15 fois inférieure à celle des BRICS historiques. Ce ratio est imposant. Il participe à l’idée que les BRICS ont les moyens de leurs ambitions.

En conséquence, la stratégie que mettra en place les BRICS sera indubitablement liée à différents paramètres dont la priorisation sera le travail central.

1er paramètre : La Nouvelle Banque de Développement

Ce que ne nous disent pas les statistiques c’est le nom des futurs lauréats au titre de BRICS+. Pour reprendre la notion de lenteur adiabatique, je pencherai plutôt pour une approche financière. L’outil économique qui ne devra pas décevoir les futurs adhérents est la Nouvelle Banque de Développement. Donc logiquement, place sera faite aux contributeurs potentiels à l’institution : En tête l’Arabie Saoudite, l’Indonésie et le Mexique.

2ème paramètre : Une monnaie de remplacement

La sagesse des stratèges les poussera surement à la prudence. Le choix d’une monnaie engage sur le long terme alors que s’accélèrent les changements géostratégiques du monde. Il est prévu que cette putative monnaie soit garantie, sur des fonds en or. Nous n’en savons guère plus. En revanche la dédollarisation par l’utilisation de monnaies locales sera encore d’avantage préconisée.

Il sera probablement proposé lors du sommet de cet été une ou plusieurs nouvelles solutions pour échapper à SWIFT, l’ex-monopole de transfert interbanques.

3ème paramètre : Un Outil Juridique

Ce que cherchent les candidats BRICS, et cette quête est commune, c’est la mise en place de lois internationalement reconnues et appliquées. Les Nations unies ont été discréditées par son inféodation à la superpuissance du monde d’avant. Les exemples sont nombreux et pas toujours connus du grand public :

  • OMS : le scandale du vaccin, le passeport sanitaire.
  • HCDH (Droits de l’Homme) n’est pas perçue comme impartiale.
  • Tribunal Pénal International lent peu efficace, accusé d’être partisan n’est reconnu ni par les États-Unis ni par le Russie.
  • PAM/WFP qui permet aux US d’écouler son surplus agricole et déstabilise gravement les structures agricoles préexistantes
  • Kyrielle de Mission de casques Bleus, peu motivés et de plus en plus rejetés par les pays où ils officient (Mali/MINUSMA), RDC/MONUSCO, Serbie/MINU).1
  • Résolutions onusiennes contre Israël sans effet.

La Russie et la Chine pensent que les Nations unies sont indispensables à un monde apaisé mais il faudra passer par une régénération de son personnel trop atlantiste, et une révision du Conseil de Sécurité.

Les BRICS proposent un cadre juridique simple et rassurant. Cet outil pourra rapidement être mis en place pour peu de frais.

Conclusion

Les cinq apprentis mécaniciens, à partir d’une trentaine de pièces détachées hétéroclites, sans schéma de montage, vont tenter de construire le monde d’après.

Bon courage.

L’Algérie est-elle le nouveau pivot géopolitique des BRICS ?

Source : RzO Internationalsource : Idriss J. Aberkane.
par Idriss Aberkane - Le 01/08/2023.

Si j’avais été un éditorialiste parisien un peu cheap j’aurais ouvert par «To BRICS or not to BRICS ?» mais dans le monologue de Hamlet, la plus grande question est : «dans le sommeil de la mort, quels rêves viendraient à moi ?»

L’Algérie est le plus grand pays d’Afrique par la superficie, mais ni par la population ni par l’économie. Si les BRICS la convoitent à l’heure où les pays de la Françafrique subsaharienne tombent les uns après les autres, c’est donc pour ses ressources et son territoire, mais si Alger veut maintenir son indépendance, seule une économie solide et diversifié pourra la protéger d’un avenir où elle ne serait qu’une pompe à essence pour Pékin. On fait le point dans cette vidéo.

D’abord nous allons à Moscou, puis nous prenons Pékin

par Pepe Escobar - Le 01/08/2023.

Trois interventions à Saint-Pétersbourg résument la volonté panafricaine de se débarrasser enfin du néocolonialisme exploiteur.

La Majorité mondiale est libre de choisir deux voies différentes pour contrer les psychopathes straussiens néocons rabiques et cognitivement dissonants en charge de la politique étrangère impériale ; les ridiculiser sans relâche ou travailler dur sur la route longue et sinueuse menant à une nouvelle réalité multipolaire.

La réalité a frappé fort lors du sommet Russie-Afrique de Saint-Pétersbourg, avec son ampleur et sa portée étonnantes, reflétées dans la déclaration officielle et les faits marquants tels que l’annulation par la Russie de pas moins de 23 milliards de dollars de dette africaine, et l’appel du président Poutine à l’entrée de l’Afrique au G20 et au Conseil de sécurité des Nations unies («Il est temps de corriger cette injustice historique»).

Trois interventions à Saint-Pétersbourg résument la volonté panafricaine de se débarrasser enfin du néocolonialisme exploiteur.

Isaias Afwerki, président de l’Érythrée : «Ils impriment de l’argent. Ils ne fabriquent rien du tout, c’est de l’argent qu’ils impriment. C’est l’une de leurs armes au niveau mondial – le système monétaire… des sanctions ici, des sanctions là… Nous avons besoin d’une nouvelle architecture financière au niveau mondial».

Le président du Burkina Faso, Ibrahim Traoré, visage d’un Sud mondial résurgent et plus jeune dirigeant du monde : «Un esclave qui ne se rebelle pas ne mérite pas la pitié. L’Union africaine (UA) doit cesser de condamner les Africains qui décident de se battre contre leurs propres régimes fantoches de l’Occident».

Yoweri Museveni, président de l’Ouganda : «L’une des facettes du néocolonialisme et du colonialisme a été de confiner l’Afrique à la production de matières premières, de cultures, comme le café, et de minéraux (…) Cette question est le principal facteur expliquant pourquoi les économies africaines sont rabougries ; elles ne se développent pas, parce que toute la valeur est prise par d’autres personnes (…) Donc, ce que je veux proposer à la Russie et à la Chine, c’est de décourager comme politique l’importation de matières premières d’Afrique, pour plutôt travailler avec les Africains afin d’ajouter de la valeur à la source».

En bref : les pays panafricains devraient se lancer à corps perdu dans la création de leurs propres marques et produits à valeur ajoutée, sans attendre l’«approbation» de l’Occident.

Le drame sud-africain

L’Afrique du Sud est un cas extrêmement complexe. Sous la pression extrême des suspects habituels, Poutine avait déjà succombé à l’hystérie collective de l’Occident liée à la participation de Poutine au prochain sommet des BRICS, se contentant de la présence physique du ministre des Affaires étrangères Lavrov et de Poutine par vidéoconférence.

Puis, lors d’une rencontre personnelle avec Poutine à Saint-Pétersbourg, le président Cyril Ramaphosa a décidé de parler au nom de tous les dirigeants africains, remerciant la Russie pour l’offre de céréales gratuites, mais soulignant qu’ils n’étaient pas venus pour «recevoir des cadeaux ; l’Afrique propose le retour de l’accord sur les céréales».

Traduction : il ne s’agit pas de céréales gratuites offertes pour plusieurs pays africains ; il s’agit de Pretoria qui veut encaisser l’accord, qui privilégie les oligarques mondialistes et leur vassal de Kiev.

Comparons maintenant avec la position russe. Poutine a une fois de plus été très clair : répondez à nos exigences et nous reviendrons à l’accord sur les céréales. En attendant, la Russie reste un leader dans la production de blé – comme elle l’était auparavant ; et tandis que les prix continuent d’augmenter sur les marchés mondiaux, Moscou partagera les revenus avec les pays africains les plus pauvres.

Les tensions au sein des BRICS, comme l’illustre ce cas, sont douloureusement réelles et proviennent des nœuds les plus faibles. Malgré toute la rhétorique sournoise, le fait est que l’Inde et le Brésil préfèrent que les BRICS+ avancent lentement, comme les sherpas le confirment officieusement.

Parmi les plus de 40 pays – et ce n’est pas fini – qui meurent d’envie de faire partie du club, l’Indonésie et l’Arabie saoudite sont très bien placées pour être acceptées dans le premier groupe de membres des BRICS+, contrairement à l’Argentine (qui a essentiellement payé un prêt du FMI pour pouvoir continuer à payer des prêts du FMI).

La réalité impose une approche lente. Biden – sous la pression extrême du «combo Biden» – dispose d’une marge de manœuvre minimale. Et New Delhi propose d’abord un statut d’«observateur» pour les membres potentiels, avant une admission à part entière. C’est un peu comme dans l’Organisation de coopération de Shanghai (OCS), dont New Delhi a décidé que le récent sommet se tiendrait en ligne. Pour une raison très simple : l’Inde ne voulait pas s’asseoir à la même table que la Chine.

Ce qui est inquiétant, c’est que le calendrier de travail pratique et gargantuesque des BRICS et de l’OCS est ralenti par un mélange toxique de querelles internes et d’ingérences étrangères. Pourtant, le partenariat stratégique Russie-Chine a dû l’anticiper et des mesures d’urgence ont été mises en place.

Ce qui est clair, c’est que, par exemple, l’admission éventuelle de l’Indonésie, de l’Iran et de l’Arabie saoudite au sein des BRICS+ modifiera immédiatement l’équilibre interne du pouvoir, et les maillons faibles devront nécessairement rattraper leur retard.

L’UEEA à la rescousse

Saint-Pétersbourg a également démontré un élément crucial sur le front de l’évolution des organisations multilatérales : l’importance renouvelée de l’Union économique eurasiatique (UEEA). L’UEEA s’étend rapidement au-delà de l’Asie centrale vers l’Asie du Sud-Est (un accord de libre-échange avec l’Indonésie est imminent), l’Afrique et, surtout, la RPDC : ce point a été discuté en détail lors de l’accueil en grande pompe du ministre de la Défense, Choïgou, à Pyongyang.

Tout cela dessine une feuille de route comme celle-ci : l’UEEA à l’avant-garde, parallèlement à la BRI de la Chine (forum crucial à venir à Pékin en octobre) jusqu’à ce que l’impasse des BRICS+ et de l’OCS soit résolue.

Un seul membre des BRICS, sans lequel il est impossible de construire l’intégration de l’Eurasie, a de sérieux problèmes avec la Chine : L’Inde (et notamment la rivalité pour l’influence en Afrique, en Asie occidentale et en Asie centrale).

Simultanément, il n’y a qu’un seul membre des BRICS capable d’influencer l’Inde : la Russie.

Il s’agit là d’un défi pour l’éternité. Pourtant, Moscou a le potentiel – et les compétences – pour réguler l’ensemble du nouveau système émergent de relations internationales. Le moment de la mise en œuvre de ce qui sera en fait un nouveau système mondial est maintenant, et tout de suite après : entre 2025 et 2030.

Ainsi, les relations entre la Russie et l’Inde deviendront sans doute la clé qui permettra de débloquer complètement les BRICS+. Il s’agira notamment de créer une route pétrolière russe à toute épreuve vers l’Inde via Rosneft, de résoudre l’énigme de l’Afghanistan (Moscou devant veiller à la synchronisation entre Pékin et New Delhi), d’assurer une présence plus musclée au sein de l’OCS, de renforcer les délibérations sur la sécurité entre les trois ministères de la Défense, d’inclure des observateurs chinois et indiens dans le processus Russie-Afrique, le tout étant microgéré par Poutine lui-même.

Si la concurrence entre la Chine et l’Inde est déjà importante, il faut s’attendre à ce qu’elle devienne encore plus complexe après 2030. La Russie est donc confrontée à une autre mission historique/culturelle primordiale. Cette mission va bien au-delà de l’Himalaya. Elle s’étend sur tout l’arc de la concurrence entre la Chine et l’Inde.

Et n’oubliez pas d’appeler le Chaton d’Acier

Il est toujours très instructif de suivre les analyses relatives aux BRICS de Sergey Glazyev, ministre de l’Intégration et de la Macroéconomie à la Commission économique de l’UEEA.

Glazyev, dans deux interviews majeures, a confirmé qu’une unité de compte numérique des BRICS «à l’abri des sanctions» est en cours de discussion, basée non seulement sur les monnaies nationales des BRICS mais aussi sur un panier de produits de base.

Il a également confirmé que «nous» travaillons à la création d’un groupe interne aux BRICS chargé de concevoir et d’établir le nouveau système (soit dit en passant, ces discussions au sein de l’UEEA sont bien plus avancées).

Selon Glazyev, un système de paiement en dehors de SWIFT peut être mis en place par le biais d’un réseau de monnaies numériques gérées par l’État – à ne pas confondre avec les crypto-monnaies soutenues uniquement par des spéculateurs privés.

Glazyev défend également avec force l’adoption du rouble numérique. Il affirme que c’est le moyen de suivre les transactions de la blockchain et d’empêcher l’utilisation non intentionnelle des fonds, comme le détournement vers les marchés spéculatifs.

En dehors de tous les énormes défis, la voie optimale à suivre consiste pour l’UEEA et les BRICS+ à respecter le droit international et à construire lentement mais sûrement le système de paiement capable de contourner les énormes points d’étranglement impériaux. La nouvelle monnaie des BRICS peut attendre. Ce qui compte, c’est l’évolution de tant d’interconnexions au fur et à mesure que l’infrastructure du nouveau système se construit.

Et cela nous amène une fois de plus à la Corée du Nord.

La visite de Choïgou a de facto ouvert la voie à la RPDC pour qu’elle s’aligne totalement sur le partenariat stratégique Russie-Chine dans le cadre du processus massif d’intégration, de développement et de sécurité mutuelle de l’Eurasie.

Oh, les ironies de l’histoire «post-tout». L’hégémon a peut-être été piégé en détruisant l’OTAN en tant que force militaire crédible au moment même où la Russie et la Chine ont revigoré un allié majeur en Asie du Nord-Est et en Extrême-Orient – avec une puissance nucléaire, des missiles balistiques et un complexe militaire industriel hyperproductif.

Les psychopathes straussiens néocons veulent donc étendre leur guerre éternelle impossible à gagner à la Pologne, hyène enragée, et aux chihuahuas de la Baltique ? Comme si c’était nous allons à Moscou, puis nous prenons Pékin ? Allez-y. Mais assurez-vous d’abord de passer un coup de fil à la puissance du Sud mondial, la RPDC. Le Chaton d’Acier Kim Yo-jong, la sœur cadette de Kim Jong Un, sera ravi.

Pepe Escobar

source : Strategic Culture Foundation

traduction Réseau International