...par Stratediplo
De formation militaire, financière et diplomatique, s'appuie sur une trentaine d'années d'investigations en sciences sociales et relations internationales.
Hier 15 août le Parti Populaire au pouvoir en Espagne a reconnu ce que les lecteurs de la Neuvième Frontière savaient déjà, en l'occurrence que le gouvernement espagnol ne tentera pas de recourir à l'article 155 de la constitution car il en a laissé passer les délais pratiques. Il n'y aura donc pas de prise de contrôle institutionnel des autorités catalanes par intimations formelles et tutelle de fait. Pour mémoire, les sondages indiquent qu'au cas où le referendum se tiendrait sans l'approbation du gouvernement espagnol, c'est le choix de l'indépendance qui l'emporterait, contrairement à ce qu'il en aurait été si le gouvernement avait accordé la tenue dudit referendum. Certes jusqu'au décompte des résultats rien n'est joué, et les prières des Catalans anti-indépendantistes peuvent être exaucées. Mais en tout cas le gouvernement espagnol s'est pour sa part limité à l'alternative, en cas de victoire indépendantiste, entre l'acceptation de la sécession et le déploiement militaire, après déclaration de l'état de siège par le parlement en application de l'article 116 de la constitution.
Ce choix n'empêche pas la persécution judiciaro-politique, puisqu'aujourd'hui 16 août le Tribunal Supérieur de Justice de Catalogne (justice espagnole décentralisée) a signifié à la présidente du parlement catalan Carme Forcadell la suspension (en attente de l'annulation) par le Tribunal Constitutionnel de la réforme du règlement du parlement catalan qui entendait introduire la procédure de vote accéléré sur lecture unique, pourtant en vigueur dans quatorze autres parlements autonomes d'Espagne ainsi qu'au parlement national. Mais par son avis consultatif 2010/25 la Cour Internationale de Justice a déterminé qu'au regard d'une déclaration d'indépendance les procédures et les compétences constitutionnelles d'un parlement sont sans importance puisqu'une telle déclaration s'effectue dans le cadre du droit international et ne relève pas du droit interne et de ses limitations. Le gouvernement espagnol voit bien que sa lente manoeuvre judiciaire n'a aucun effet dissuasif, mais il peut y voir un outil de justification internationale ultérieure, un discours selon lequel avant l'état de siège "il avait tout essayé". Sauf le retour à la constitution catalane abrogée par le Tribunal Constitutionnel après son vote par les deux parlements, sa publication par le roi et sa mise en application pendant quatre ans, sauf la négociation politique, sauf l'autorisation de la tenue du referendum, et sauf justement la mise sous tutelle par intimations directes au moyen de l'article 155 de la constitution : à part ça le gouvernement espagnol "aura tout essayé".
Devant le risque d'escalade, le gouvernement français a déjà été avisé, en mai dernier, de dédier une cellule au suivi de l'évolution de la situation.
Source : http://stratediplo.blogspot.fr/2017/08/lespagne-ne-peut-plus-quaccepter-la.html
Si les attaques indicibles perpétrées en Catalogne ce 17 août ont fait des victimes, c'est évidemment qu'il y a de nombreuses culpabilités, qu'il faudra corriger.
Comme l'indique El Periódico (catalan anti-indépendantiste), les polices catalane et espagnole sont coupables de ne pas coopérer notamment par l'échange d'informations, et de ne pas s'entendre sur leurs attributions respectives (culpabilité que le journal attribue aux policiers et pas aux politiciens). La police catalane est aussi coupable d'être insuffisamment formée et de ne pas avoir d'armes d'épaule, car évidemment il y a suffisamment de policiers pour couvrir, s'ils étaient bien armés, tous les lieux où un camion est susceptible de s'écarter soudain de la chaussée. Sont coupables aussi les salafistes, qui ne sont pas terroristes mais dont l'idéologie d'expansion récente "sert d'aliment doctrinal pour le djihadisme". Enfin sont coupables les autorités et la population, de ne pas s'être rendues compte que la notoriété de Barcelone en a fait une cible comparable aux grandes capitales.
Comme l'indique CNN, ces attentats "copient la méthodologie" de l'attaque néonazie d'extrême-droite (vu d'Amérique le national socialisme n'était pas un collectivisme marxiste de gauche) de Charlottesville. Il serait donc peut-être judicieux de remettre en ligne la méthodologie détaillée et commentée de l'écrasement automobile que Fox News a retirée de son site internet la semaine dernière après sept mois de publication, afin que les victimes potentielles sachent mieux à quoi s'attendre, et de recommander l'usage de véhicules de location, afin de faciliter l'identification du locataire.
Comme l'indique la CUP, parti anti-capitaliste qui a de fortes chances de participer au prochain gouvernement catalan, les capitalistes sont coupables de diffuser de par le monde le terrorisme fasciste. L'éradication du capitalisme instaurerait certainement un niveau de sécurité comparable à celui de Soumgaït et Bakou à l'époque soviétique. Sont coupables aussi les racistes et classistes (on ignorait que les attaquants étaient d'une autre race et d'une autre classe que les victimes) qui visent la répression et la militarisation de la société. La poursuite du programme de neutralisation de la police de Barcelone par la municipalité anarchiste des Communs et des Podemos devrait donc porter des fruits, de même que l'interdiction de l'augmentation des effectifs de la police catalane et de son accès aux données d'Interpol par le gouvernement espagnol.
Comme l'indique le Figaro, qui ne connaît la Catalogne que de nom puisqu'il croit que le président catalan de droite a volontairement limogé quatre ministres de son parti pour faire de la place à des extrémistes de gauche qui mettent tout en péril, le gouvernement catalan est coupable d'avoir toléré la "violence instrumentalisée" des indépendantistes ce qui a encouragé la "violence condamnée" des indicibles, puisqu'au Figaro le harcèlement des touristes et le massacre des insoumis sont deux expressions comparables d'une même "violence".
Comme l'indique Olivier Demeulenaere, la municipalité islamophile de Barcelone est coupable d'avoir lancé un boycott des produits israéliens ce qui ne pouvait qu'entraîner une punition israélienne, et l'exécutif catalan est coupable d'avoir annoncé la sécession immédiate en cas de victoire du oui au referendum ce qui ne pouvait qu'entraîner une riposte espagnole de nature à dissuader les Catalans d'aller voter pour l'indépendance.
Comme l'indique le madrilène El Mundo, le gouvernement catalan et la municipalité de Barcelone sont coupables de ne pas avoir suivi la recommandation policière d'installer des bornes ou des bacs de fleurs le long des trottoirs de l'avenue touristique. Il serait donc peut-être judicieux de prévoir aux budgets d'en installer là, mais, au cas où les indicibles préfèreraient tuer des insoumis ailleurs plutôt que de planter leurs véhicules-béliers sur des bornes à Barcelone, on devrait aussi mettre des bornes de séparation dans tous les villages où un trottoir serait susceptible de donner lieu à un regroupement de piétons, et fermer à la circulation les rues étroites sans trottoir. Et il faudrait certainement aussi prévoir des bornes escamotables pour les millions de passages piétons intermittents où un indicible pourrait avoir l'idée de griller un feu rouge. En France on pourrait mettre des bornes devant les pizzerias pour que les véhicules altéro-suicidaires choisissent d'autres destinations.
Néanmoins, au cas où la future omniprésence des bornes de trottoirs les forçaient à choisir la sortie des bars le samedi minuit ou la sortie des églises le dimanche midi, il n'y aurait plus qu'à fermer les bars et les églises, comme dans les pays où la persécution des insoumis a disparu avec les derniers insoumis.
Et puisque ce ne sont que les moyens qui sont en cause et jamais les motifs, si après la prohibition des véhicules particuliers et des bombonnes de gaz (moyen initialement envisagé) les praticiens de l'idéologie indicible se rabattent sur le couteau de cuisine ou le lacet de bottine il faudra aussi interdire ces articles-là.
En attendant, les presses dominantes catalane et espagnole s'entendent pour ne pas s'interroger sur la politique catalane de séduction de la Commission Européenne par l'invitation à la colonisation hostile, et appellent la population à s'apitoyer sur les malheureux adeptes de l'idéologie qui va comme d'habitude être vilipendée abusivement.
D'ailleurs, avec tant de coupables au sein de la société ciblée, il n'y a plus besoin de chercher des perpétrateurs.
Non, ce n'est pas l'Etat Islamique qui a frappé à Barcelone.
Quand bien même l'appel non authentifié de revendication serait venu d'Irak ou de Syrie, cet endossement publicitaire rétroactif ne coûte rien et ne prouve rien. On peut réitérer tout ce qu'on a écrit l'année dernière en réponse au ministre français de la défense selon lequel l'ennemi est "Daech" et rien que "Daech" (www.stratediplo.blogspot.com/2016/06/la-pire-erreur.html). Comme leurs prédécesseurs, les perpétrateurs de ces attaques n'ont certainement reçu ni mission ni moyens, de quelque commanditaire que ce soit. Ils n'appartenaient à aucune organisation, et s'ils s'identifiaient à une communauté de croyance c'est plus par un choix personnel déterminé par leurs lectures et auditions, que par une fatalité déterminée par leur lieu ou leurs conditions de naissance.
Les perpétrateurs, qu'ils soient de nationalité espagnole, marocaine ou française, ont appris les commandements de leur idéologie dans des salles de prêche qui ont pignon sur rue et auxquelles des autorités comme le ministre français de l'intérieur assurent que "ce n'est pas un délit de prôner" ça. Ils l'ont approfondie dans un livre en vente libre partout même dans les pays qui prétendent réprimer l'incitation à la violence. Ils en apprennent des exemples d'application sur des sites internet et des comptes de réseaux sociaux dont l'accès reste autorisé, sans qu'on sache si c'est par laxisme politique ou pour repérer et surveiller ensuite ceux qui s'y expriment.
Ils n'ont généralement "pas d'antécédents" du sacrifice bismillah de masse, car c'est une activité dont les conséquences ne permettent ni la récidive ni généralement la survie, et sont donc tous décrits, après coup par leur entourage, comme des gens jusque-là normaux sinon discrets dont le seul signe de moins en moins distinctif est de faire partie des 80% d'adeptes de leur idéologie qui déclarent ouvertement vouloir la mettre en pratique. Contrairement à ce qu'on dit, ils ne sont pas tous des terroristes, car ils ne cherchent pas nécessairement à engendrer la terreur par des frappes aléatoires comme leurs prédécesseurs d'il y a trente ans en France. Certains sont des agents d'initiative spontanée qui poursuivent un objectif précis (intimidation, publicité de recrutement, retrait des services étatiques) en visant des cibles déterminées en fonction de cet objectif, donc à l'opposé du principe terroriste interdisant de sélectionner la victime afin que chacun craigne d'être la prochaine. D'autres sont des croyants- pratiquants de base qui obéissent simplement au précepte d'occire le maximum de non-adeptes de leur idéologie. A une prochaine phase apparaîtront des combattants, regroupés en milices. Le terrorisme n'est donc ni un acteur ni un but en soi, il n'est que l'un des modes d'action, présent dans l'une des phases. Le but c'est la généralisation de l'idéologie, par l'intimidation des faibles et l'élimination des réfractaires. Et l'acteur c'est tous les adeptes de cette idéologie.
En France la doctrine officielle est la tolérance (et même la promotion) de l'idéologie au motif que certains adeptes peuvent ne pas la mettre en pratique, et que seuls ceux qui entendent l'appliquer à la lettre, que l'on appelle les radicalisés, sont susceptibles d'être dangereux, sans toutefois qu'on puisse en être certain et le leur reprocher avant la confirmation de cette intention de mise en pratique, c'est-à-dire le passage à l'acte. On assure que sur les (dix à quinze) millions d'adeptes il n'y aurait que dix-huit mille radicalisés recensés mais que la surveillance de chacun d'eux occuperait de quinze à vingt personnes à temps complet, soit une armée (d'avant Jacques Chirac). Il serait donc beaucoup moins coûteux pour la société de faire criminaliser par le législateur cette fameuse radicalisation et d'enfermer dans des emprises à surveillance commune ces dix-huit mille individus dangereux, c'est-à-dire de punir la radicalisation par une peine de prison d'une durée correspondant aux capacités physiques de nuisance de chaque radicalisé. Le concept existe et s'appelle incarcération préventive. Evidemment le législateur devrait définir les éléments constitutifs du délit de radicalisation, c'est-à-dire des critères objectifs permettant à la justice de déterminer si le délit a été commis ou non.
Tout cela n'est que palliatif très insatisfaisant, et ne vaut pas la seule solution efficace à long terme, à savoir l'interdiction et l'éradication de cette idéologie, donc la prohibition de sa pratique et de sa transmission sous quelque forme que ce soit, comme ce fut le cas, dans certains pays, du national-socialisme puis plus tard du communisme.
Source : http://stratediplo.blogspot.fr/2017/08/letat-islamique-bon-dos.html
Jo si que tinc por. Ce samedi 26 août a été organisée à Barcelone une manifestation d'annotation des événements du 17 août.
Il est difficile de qualifier cette manifestation de rue, convoquée, organisée et récupérée essentiellement par l'ultra-gauche séparatiste anarchiste islamophile catalane, qui a en tout cas rassemblé des centaines de milliers de personnes, mais aussi des personnalités aussi politiquement dissemblables que le maire de Barcelone, le président du gouvernement de Catalogne, le premier ministre espagnol et le roi d'Espagne.
Il ne s'agissait pas vraiment de réagir aux événements, puisque les réactions spontanées, de tristesse, de deuil ou de colère impuissante, côté population, et d'accusations réciproques, côté autorités, s'étaient déjà exprimées dans les jours suivant ces événements. Il ne s'agissait pas non plus de prendre en compte les événements, puisqu'aucune décision correctrice concrète ne pouvait sortir, et n'est sortie, d'un tel spectacle à vocation médiatique et à participation massive. Il ne s'agissait pas plus de réclamer la sécurité, puisque les autorités chargées d'y pourvoir étaient elles-mêmes au premier rang dans la rue, ni de demander justice, puisque le commanditaire bien connu n'a même pas été nommé par les manifestants.
Concrètement, le seul message délivré par ces foules immenses et ces autorités suprêmes à l'attention des médias du monde entier, c'est qu'on a pris note de ces événement, et que personne n'a peur. Or le but même du terrorisme est d'inspirer la terreur, autrement dit la peur. En clamant que les massacres destinés à les terroriser n'ont pas encore suffi à les effrayer, ces foules et ces autorités invitent le commanditaire à augmenter sa pression. Car ce commanditaire, dont le nom même signifie soumission, a clairement écrit dans ses textes fondateurs, dont la diffusion écrite et l'enseignement oral hebdomadaire sont autorisés en Espagne, par quels principes il entend se répandre et s'imposer. Les méthodes peuvent suivre l'évolution séculaire des techniques du monde pas encore soumis, mais les principes ont été appliqués avec constance, sans discontinuité, pendant près d'un millénaire et demi.
Certaines religions se répandent par la raison, donc le discours rationnel et l'invitation à la réflexion. D'autres religions se répandent par la proclamation de l'amour, soit entre humains soit de Dieu envers l'Homme. D'autres encore se répandent par la peur du châtiment divin, c'est-à-dire de la punition dans une autre vie par un Dieu juste ou vengeur, ou alors par la promesse d'une justice divice, c'est-à-dire de la récompense dans une autre vie des injustices subies en ce monde. Des idéologies matérialistes, niant l'existence d'un Dieu ou du moins la possibilité d'une relation avec celui-ci (la religion), invitent à la bonne conduite entre humains comme garantie du bien de tous, tandis que d'autres idéologies prônent l'exploitation d'une partie de l'humanité par ceux qui pourraient y parvenir. Certaines idéologies ont promis le bien-être matériel par le partage forcé d'un trésor détenu par peu, tandis que d'autres l'ont promis par la consommation irréversible et exterminatrice de l'univers vivant comme de l'inerte.
Cette idéologie de la soumission, pour sa part, a toujours annoncé sa vocation à absorber toute l'humanité, réduite à la partie qui accepte cette absorption. Depuis son origine, l'élimination violente des réfractaires contribue à la soumission des assimilables, et l'exercice de la violence par les assimilables (sur les réfractaires) démontre leur soumission. En termes religieux le sacrifice des réfractaires, accompagné de la prononciation de la formule dédiée de louange de ce Dieu plus assoiffé de sang que Quetzalcoatl, est un moyen de purification et de salut pour les exécuteurs. En termes sociaux le sacrifice des réfractaires est un moyen d'une part de nettoyage de la société et d'autre part d'intimidation des assimilables. Ces deux fonctions sont distinctes bien que souvent non distinguées par le spectateur extérieur et la presse confusive. Quand un "dérangé mental", selon la terminologie actuelle, exécute très rationnellement des "infidèles" à l'idéologie à laquelle ils n'accordent ni foi ni fidélité, il nettoie la société d'un certain nombre de réfractaires, en plus de gagner à titre personnel quelques points de paradis s'il n'oublie pas de prononcer la formule consacrée (bismillah). Quand un "djihadiste", selon la terminologie actuelle, exécute un acte de terrorisme, il intimide (au sens propre étymologique) un certain nombre d'assimilables, survivants bien entendu. L'acte d'élimination de réfractaires en vue de la réduction du domaine insoumis ou dar-al-harb est d'autant plus efficace qu'il est ciblé, l'acte de terrorisation ou de propagation de l'islamophobie en vue de la soumission est d'autant plus efficace qu'il est aléatoire.
A Barcelone, la presse islamophile a cherché en vain des victimes mahométanes, c'est-à-dire des pertes collatérales, au sens étymologique de pertes du côté qui a frappé (pas au contresens étatsunien de pertes chez l'ennemi frappé). S'il n'y en a pas eu l'acte d'élimination de réfractaires a été une pure réussite, la mort des acteurs n'étant pas une perte puisqu'à titre personnel ils ont gagné leur paradis et qu'aux yeux de la communauté ils sont devenus un exemple. Par contre si les survivants et spectateurs clament qu'ils n'ont pas été effrayés, l'acte de terrorisme, ou de propagation de l'islamophobie nécessaire à la soumission, a été un pur échec. Le prochain devra être plus lourd donc plus coûteux en vies, ou plus aléatoire donc plus imprévisible et imparable.
Sur un autre plan, le message des manifestants de Barcelone tombe comme pain béni pour les réducteurs budgétaires des moyens de lutte contre le sentiment d'insécurité. En Espagne comme ailleurs, avec certes un récent et surprenant contre-exemple d'efficacité réactive de la part de la police catalane, le motif principal des déploiements ostensibles de forces de l'ordre (voire de forces de défense dans certains pays) est la lutte contre le "sentiment d'insécurité", un sentiment qui, d'après le discours politicien, a une origine psychologique plutôt que factuelle. Si la commission de sacrifices de rue n'altère pas le sentiment de sécurité, voire suscite la congrégation de manifestations massives de déni de sentiment d'insécurité, les ministres de l'Intérieur peuvent jubiler : on doit pouvoir réduire encore les moyens dédiés à la lutte contre le sentiment d'insécurité.
Cela ne signifie pas pour autant que le danger soit moindre. Au contraire, la témérité proclamée par les Barcelonais, et reprise en choeur par tous les soutiens à la jesuisbarcelone, est doublement dangereuse. Elle est dangereuse parce que le déni de la réalité, la cécité volontaire (ou pas) face à un risque réel est une illusion grave, qui ne fait pas disparaître le danger mais la défense. C'est le contraire du courage, qui solidifie et arme face au danger réalisé et confronté. La peur est une protection, la témérité est une inconscience et ne pas avoir peur est une faiblesse périlleuse. Mais cette témérité est aussi dangereuse, comme on l'a vu plus haut, parce qu'en la proclamant on suscite un accroissement de la pression terroriste, le terrorisme devant frapper plus fort sur l'aveugle véritablement insconscient comme sur l'insolent qui, comme un adolescent bravache, se force à ne pas avouer sa douleur ou sa peur. Celui qui se vante, sincèrement ou fallacieusement, de ne pas avoir peur, se condamne à avoir encore plus mal.
La manifestation du 26 août à Barcelone ressemble à un déni du terrorisme, un déni de la réalité.
Les groupes parlementaires indépendantistes de Catalogne ont déposé les projets des deux principales lois dites de déconnexion, les lois de rupture.
Le projet de loi d'organisation du referendum d'autodétermination a été déposé le 31 juillet, et correspond à la présentation orale qui en avait été faite le 4 juillet devant la plus grande concentration de presse internationale jamais vue à Barcelone. Comme on l'a déjà relevé, son article 2, proclamant que le peuple de Catalogne est un sujet politique souverain, est déjà en soi une déclaration de souveraineté. Son article 3, qui charge le parlement catalan de représenter la souveraineté du peuple catalan et qui proclame la prévalence hiérarchique de cette loi sur toute autre norme, écarte s'il en était besoin le parlement et le système juridique espagnols. Et son article 4 oblige le parlement catalan à déclarer formellement l'indépendance dans les deux jours de la proclamation de l'éventuelle victoire du Oui au referendum. Ce projet de loi sera soumis au vote parlementaire mercredi ou jeudi prochain, lors de la session plénière des 6 et 7 septembre. Comme on l'avait supposé, le projet sera introduit par modification sans préavis de l'ordre du jour, permise par l'article 81 du règlement du parlement. Après le vote et dès la publication au journal officiel du parlement, le président catalan signera immédiatement le décret convoquant le referendum (pour le 1er octobre) et le décret réglant les détails complémentaires. Ces deux décrets auront donc été pris avant que le Tribunal Constitutionnel espagnol ne suspende la loi du referendum (dont la cassation pour anticonstitutionnalité prendra des mois voire des années), ce qui interviendra probablement le lendemain de sa publication légale. Finalement le maintien en éveil du gouvernement et de la justice espagnols depuis le 15 août ont été vains puisque le gouvernement avait fermement décidé d'attendre que les actes soient commis, c'est-à-dire qu'il soit trop tard (sauf pour une réaction militaire).
Pour sa part le projet de loi de transition juridique et de fondation de la république a été déposé lundi dernier 28 août. Le gouvernement catalan ne souhaitait pas qu'il soit présenté (et divulgué) si tôt, puisque c'est la pièce majeure des lois de rupture, sur laquelle le secret était donc bien gardé. Mais certains acteurs politiques pensent qu'il était nécessaire que l'électorat, et notamment les abstentionnistes potentiels, connaisse suffisamment tôt l'enjeu bien réel et les conséquences irréversibles du referendum. Ce projet de loi a donc été déposé exactement deux semaines avant la fête nationale, la Diada du 11 septembre, date d'une mobilisation qui, selon les événements, pourrait ne pas voir de démobilisation jusqu'avant la veille du referendum. Il y avait aussi des partisans de n'introduire ce projet de loi que dans les jours précédant immédiatement le referendum. En tout cas si cette loi n'est pas votée la semaine prochaine en même temps que la loi d'organisation du referendum, elle pourra encore être votée lors de la session plénière suivante, les 20 et 21 septembre. Sinon, comme d'ailleurs la loi sur le referendum, elle pourrait faire l'objet d'un décret-loi, à savoir un décret pris par le gouvernement puis soumis au parlement pour ratification dans les vingt jours.
Il est à noter que ce projet est, comme l'avait assuré le gouvernement catalan fin mai, différent de la version diffusée par le journal madrilène El País le 22 mai. Au chapitre de la nationalité, il y apparaît la volonté de négocier un traité avec l'Espagne, comme d'ailleurs pour la succession des administrations et le transfert des fonctionnaires. Au chapitre de l'incorporation des fonctionnaires et magistrats, il apparaît que l'interprétation donnée par El País, à savoir la nécessité de concourir pour conserver son poste, était erronée, et que l'interprétation donnée par Stratediplo, à savoir la titularisation immédiate pour ceux en fonction en Catalogne et la possibilité de concourir pour tout Espagnol en service ailleurs, était la bonne.
Ce mardi 29 une bonne partie de la presse étrangère titrait, commentait ou s'offusquait (selon les cas) que d'après ce projet de loi la Catalogne "prendrait immédiatement le contrôle de ses frontières" en cas de victoire indépendantiste au referendum. La plupart des médias en question citaient comme source l'AFP et ne prirent pas la peine de lire les quarante-cinq pages du projet de loi. En réalité il y a bien, comme dans le brouillon divulgué par El País le 22 mai, un article définissant le territoire de la Catalogne, mais il n'y a pas une seule ligne concernant le contrôle de ses frontières, et encore moins la prise immédiate du contrôle de ces frontières. Les communiqués de l'Agence Française de Presse, repris et commentés sans vérification, relèvent de la désinformation. Ce mensonge français n'ôte cependant aucune pertinence aux réflexions de Stratediplo concernant le poste frontière de la Farga de Moles.
Mais la différence essentielle entre le brouillon diffusé par El País en mai et le projet de loi déposé ce 28 août sont les dispositions finales, concernant les cas et modalités d'entrée en vigueur de cette loi de transition juridique et de fondation de la république. Le brouillon ci-dessus mentionné prévoyait l'entrée en vigueur de la loi "au moment où s'est officialisée l'indépendance par la voie du referendum", c'est-à-dire automatiquement, sans nécessité d'un nouveau vote, à la proclamation des résultats (positifs cela s'entend). Mais ce brouillon prévoyait aussi l'entrée en vigueur de la loi de manière immédiate si le parlement catalan constatait l'empêchement effectif de tenir le referendum. C'était la transcription concrète de ce que les partis indépendantistes appelaient depuis deux ans la "clause anti-blocage", et que le président catalan résumait par le slogan "referendum ou indépendance". Cette clause a disparu, vraisemblablement par souci de respectabilité internationale mais peut-être aussi parce que les politiciens catalans ont compris que l'Etat espagnol ne peut plus empêcher la tenue du referendum d'autodétermination.
Le projet de loi de transition juridique et de fondation de la république catalane ne prévoit qu'un seul mode d'entrée en vigueur, la déclaration formelle d'indépendance par le parlement dans les deux jours de la proclamation, par la commission électorale, du résultat positif du referendum. En clair, dès lors que cette loi aura été votée et promulguée, ce qui devrait intervenir soit le 6 ou le 7 septembre soit le 20 ou le 21, elle entrera en vigueur si, seulement si, et dès que, le parlement déclarera l'indépendance, dans les deux jours de la proclamation du résultat positif du referendum.
Comme pour montrer qu'il travaille déjà sur les sujets à soumettre à l'assemblée constituante, le président catalan a, dès le lendemain du dépôt de ce projet de loi, remis sur la table la nécessité de la refondation d'une armée catalane, et pas seulement défensive mais aussi capable de contribuer à une alliance, alors qu'il savait que cela ne pouvait que relancer la dispute avec le vice-président et toute la gauche antimilitariste. S'il relance cette querelle, pour séduire l'Union Européenne, c'est que cette coalition contre nature approche de la fin du mandat de sécession qui lui avait été confié en janvier 2016.
L'Espagne ne pourra pas empêcher la tenue du referendum. Il est impossible de prédire aujourd'hui l'issue du scrutin. Mais s'il est positif, la Catalogne fera sécession début octobre. Les détails et les conséquences sont dans la Neuvième Frontière.
Source : http://stratediplo.blogspot.fr/2017/09/la-catalogne-enregistre-les-lois-de.html
"Le peuple de Catalogne est un sujet politique souverain" (el poble de Catalunya és un subjecte polític sobirà), ainsi commence l'article 2 de la loi du referendum d'autodétermination ou loi 19/2017 (www.parlament.cat/document/bopc/232344.pdf) approuvée par le parlement catalan en sa 42° session plénière, le 6 septembre 2017, et entrée en vigueur dès sa publication officielle. L'article 3, qui énonce que la loi établit un régime juridique d'exception, édicte que parce qu'elle régule l'exercice d'un droit fondamental et inaliénable cette loi prévaut hiérarchiquement sur tout texte qui puisse entrer en conflit avec elle, ce qui sous-entend évidemment les lois espagnoles, le statut (constitution) de la communauté autonome de Catalogne et la constitution du royaume d'Espagne. Et l'article 4 oblige le parlement à déclarer formellement l'indépendance dans les deux jours suivant la proclamation des résultats du referendum, si les votes positifs l'emportent sur les votes négatifs.
Cette loi a été votée à la majorité absolue, et sans vote contre puisque les unionistes ont préféré s'abstenir en quittant l'hémicycle. Un peu avant minuit, dans les minutes suivant sa publication (électronique) au bulletin officiel du parlement, le gouvernement catalan a pris le décret 139/2017 de convocation du referendum, et le décret 140/2017 sur les règles complémentaires d'organisation. Le premier de ces décrets, consistant en un seul article, a été signé par tous les membres du gouvernement. Le deuxième décret, consistant en 108 pages, formulaires pour les bureaux électoraux et les observateurs internationaux inclus, a été signé simplement par le président et le vice-président.
Comme attendu, le lendemain jeudi le gouvernement espagnol a dénoncé la loi et les décrets au tribunal constitutionnel, qui a enregistré la requête ce qui, selon le cadre juridique espagnol, a automatiquement suspendu ces trois textes pour cinq mois, dans l'attente du jugement. Le tribunal constitutionnel, qui peut depuis une réforme de 2015 prendre lui-même des mesures pour imposer ses décisions, a informé jeudi après-midi de cette suspension conservatoire toutes les autorités concernées, dont évidemment le parlement et le gouvernement catalans mais aussi les 948 municipalités, pour leur interdire de collaborer à l'organisation dudit referendum. Dès le matin même le gouvernement catalan avait pris les devants en demandant aux municipalités de lui faire savoir sous quarante-huit heures les locaux qu'elles mettraient à sa disposition pour la tenue du referendum, ce qui lui permettra de compter réellement ses troupes samedi soir, et en particulier de connaître enfin la position de l'énigmatique maire de Barcelone, qui administre un cinquième de l'électorat de l'ancienne principauté. Mercredi soir c'est une députée de cette mouvance qui a spontanément retiré tous les drapeaux espagnols du parlement, mais le maire de Barcelone, qui avait déclaré jeudi sur Twitter avoir lancé le recensement des bureaux de vote pour répondre dans les délais, a fait interrompre ce recensement ce vendredi suite à la réaction judiciaire espagnole.
Selon le nouveau cadre juridique catalan établi par cette loi suprême à caractère exceptionnel, aucun texte espagnol, qu'il soit de nature constitutionnelle, législative et à plus forte raison judiciaire, ne peut avoir pour effet d'interdire l'exercice du droit fondamental et inaliénable (l'autodétermination) garanti par le droit international selon les textes dont certains sont cités en préambule de ladite loi, en particulier ceux signés et ratifiés par l'Espagne. La suspension de la loi et des décrets par la justice espagnole, l'interdiction faite aux municipalités, et l'éventuelle inhabilitation de responsables politiques sont donc sans effet aux yeux des autorités catalanes. Cela signifie d'une part que les politiciens catalans (hors les 10% de municipalités unionistes) n'interrompront pas la préparation du referendum, et d'autre part que la police catalane n'obéira à aucune réquisition judiciaire de les arrêter.
D'un point de vue international il faut noter que les députés catalans sont sortis du cadre constitutionnel espagnol. En effet lorsque l'opposition unioniste a demandé que le projet de loi soit présenté pour avis consultatif au conseil de garanties "statutaires" (constitutionnelles) de Catalogne, ce qui aurait retardé le vote d'un mois et donc fait dépasser la date du 1er octobre annoncée début juillet pour le referendum, les députés de la majorité indépendantiste ont refusé et sont passés au vote. Ce faisant, les séparatistes sont passés outre les règles de fonctionnement du parlement, ce que la Cour Internationale de Justice, en son fameux avis 2010/25, considère comme un élément important pour établir que de ce fait ils n'agissaient pas "dans les limites du cadre constitutionnel", que leur acte n'était pas destiné à prendre effet "dans le cadre de l’ordre juridique" antérieur, et que par conséquent ils n'ont "pas violé le cadre constitutionnel", en plus de n'avoir "violé aucune règle applicable du droit international", arguments fondamentaux dans sa très acclamée légitimation internationale de la déclaration d'indépendance de la diaspora albanaise de Serbie, en l'occurrence d'ailleurs sans referendum d'autodétermination populaire.
Afin de ne pas laisser dans l'esprit des électeurs le moindre doute concernant les conséquences irréversibles du referendum contraignant du 1er octobre, les partis indépendantistes ont ensuite, tôt ce vendredi 8 septembre, voté la loi de transition juridique et de fondation de la république ou loi 20/2017 (www.parlament.cat/document/bopc/232408.pdf), texte de nature constitutionnelle provisoire à entrée en vigueur différée et conditionnelle, en l'occurrence "une fois exécuté l'article 4.4 de la loi du referendum d'autodétermination", c'est-à-dire la déclaration formelle d'indépendance consécutive à la proclamation de la victoire du oui au referendum. Cette loi a également été votée à la majorité absolue, dans les mêmes conditions que la première, et sera elle aussi suspendue par le tribunal constitutionnel, sur requête espagnole. Comme on l'avait noté lorsque le projet de loi a été déposé, la "clause de déblocage" prévoyant son entrée en vigueur immédiate en cas de constatation par le parlement catalan de l'empêchement effectif de tenir le referendum, annoncée depuis deux ans et inclue dans les projets antérieurs, a disparu du dernier projet et donc de la loi votée, soit par souci de respectabilité internationale soit parce que les politiciens catalans ont compris que l'Etat espagnol ne peut plus empêcher la tenue du referendum (www.stratediplo.blogspot.com/2017/09/la-catalogne-enregistre-les-lois-de.html). Il est vrai aussi qu'en cas d'empêchement de la tenue du referendum, et puisque la loi de transition juridique et de fondation de la république permet expressément sa modification par majorité absolue, il reste possible d'en changer les conditions d'entrée en vigueur. Bien des indépendances, toutes celles d'Amérique par exemple, ont été proclamées plus sommairement, sans referendum (or la loi 20/2017 prévoit un referendum de ratification de la future constitution), par des autorités plus contestables et moins légitimement démocratiques, et cependant reconnues par les pays tiers.
Sur la question de la future reconnaissance de l'indépendance de la Catalogne les grandes puissances ont jusqu'à présent préféré la retenue ("c'est une affaire intérieure") qui sied à la préservation du traité tacite de non-prolifération étatique que l'on a évoqué dans le rapport sur la sécession catalane la Neuvième Frontière (www.lulu.com/fr/shop/stratediplo/la-neuvième-frontière/paperback/product-23271364.html), mais depuis le 9 juin toute la presse mondiale présente comme à peu près certain qu'un referendum se tiendra le 1er octobre, et depuis ce jeudi 7 septembre la presse non espagnole se fait largement l'écho de l'approbation de la loi référendaire et des deux décrets, certes sans systématiquement exposer le conflit de légitimités qui la sous-tend. Par contre la presse espagnole de jeudi 7
arborait dans l'ensemble un ton d'incrédulité voire de stupeur. Pourtant elle est évidemment beaucoup plus au courant de la question et a suivi le feuilleton politico-judiciaire du printemps et de l'été, mais il semble que, sincèrement ou sur injonction gouvernementale, elle croyait au discours de déni du premier ministre espagnol et au voeu de silence du roi, et pensait que quelques menaces verbales et condamnations judiciaires suffiraient à interrompre le programme officiel et transparent des autorités catalanes. On dirait qu'à force d'arguments et de controverses sur le fond la presse espagnole en a oublié la lucidité nécessaire au suivi des actes concrets.
Ainsi, alors que le gouvernement espagnol présentait sans états d'âme ses dossiers préparés à l'avance au tribunal constitutionnel, une bonne partie de la population espagnole ignore encore que la Catalogne a, très explicitement, proclamé sa souveraineté dans la nuit du 6 ou 7 septembre.
Source : http://stratediplo.blogspot.fr/2017/09/la-catalogne-endure-la-repression-pour.html
Source : http://stratediplo.blogspot.fr/2017/09/lespagne-accuse-la-russie-de.html
On demande un point de situation à la veille du conflit dit le "choc des trains" en Catalogne.
Sur le plan judiciaire, l'Espagne ne peut s'empêcher de continuer de montrer sa conception des principes communs aux Etats de droit et formellement souscrits par les membres du Conseil de l'Europe. Cette fois il s'agit du principe selon lequel on ne peut être jugé deux fois pour le même crime ou délit. En l'occurrence la Cour des Comptes surenchérit sur les condamnations à inéligibilité prononcées le 13 mars dernier par le Tribunal Supérieur de Justice de Catalogne à l'encontre de l'ancien président Artur Mas et de ses plus proches ministres pour avoir commis le délit de désobéissance en organisant la consultation du 9 novembre 2014. On rappellera que, pour des raisons occultes, l'Etat n'avait alors pas porté l'accusation de sédition, pourtant définie par l'article 544 du code pénal comme l'opposition publique mais non armée à l'application des lois, à l'autorité de l'Etat ou aux décisions judiciaires. Et il se trouve que les condamnations à deux ans d'inéligibilité n'ont pas dissuadé le gouvernement suivant (actuel) de poursuivre et même d'approfondir le programme de restauration de la souveraineté. Par conséquent la Cour des Comptes, aussi dépendante de l'exécutif que le reste du système judiciaire mais plus particulièrement connue pour son népotisme interne (elle recrute les parents et alliés de ses magistrats), jugera les mêmes actes sous l'angle cette fois de la malversation de fonds, et a sommé l'ancien président Mas, trois de ses ministres et sept hauts fonctionnaires de déposer en vue de leur comparution ultérieure une douzaine de millions d'euros le 25 septembre, à titre de garantie puisqu'ils sont poursuivis pour avoir utilisé 4,8 millions d'euros de fonds publics pour la consultation sur l'indépendance du 9 novembre 2014. Il est demandé à Artur Mas la bagatelle de 5,2 millions d'euros, et aux anciens ministres respectivement 3 millions, 2,1 millions et 0,8 millions... à titre de "dépôt en garantie" pré-judiciaire, donc sans jugement préalable, et s'ils ne s'exécutent pas sous quinze jours leurs biens seront saisis, sans égards pour leur présomption d'innocence. Evidemment de telles pratiques seront condamnées lorsqu'elles arriveront devant la Cour Européenne des Droits de l'Homme, dans quelques années, si la saisie de leurs biens dans deux semaines leur laisse les moyens d'y aller. Pour mémoire l'Espagne est vraisemblement le seul pays d'Europe à voter des lois à effet rétroactif (en violation des principes élémentaires du droit), et à narguer volontairement le Conseil de l'Europe en refusant systématiquement, condamnation après condamnation pour "violation du droit à un procès équitable", d'obliger le Tribunal Suprême à entendre les prévenus avant de les condamner (la Neuvième Frontière, pages 33-34 et 116-117). On peut fermer là cette parenthèse judiciaire anecdotique, qui ne visait qu'à rappeler que l'Espagne persiste.
Au chapitre des pressions patrimoniales, l'Agence Nationale de Protection des Données a informé précipitamment, ce 29 septembre, que les assesseurs (tirés au sort) de bureaux de vote seraient passibles de 600000 euros au titre de l'utilisation frauduleuse, et la cession à des tiers, de listes électorales, alors qu'ils n'auront évidemment ces listes en main que pendant quelques heures et dans un lieu public.
Une question plus pertinente aujourd'hui pour le public est celle de la montée en puissance des moyens policiers. Depuis la semaine dernière le gouvernement espagnol déclare disposer de plus de 10000 policiers et gendarmes en Catalogne, à savoir 6000 affectés en permanence, et 4000 envoyés en premier renfort avant le 11 septembre ou en complément par bateaux la semaine dernière. Cet effectif est à relativiser. Les 3400 "gardes civils" (gendarmes) affectés en Catalogne assurent des fonctions de police judiciaire, secours spécialisés, police de la route... et 200 appartiennent à une unité anti-émeutes (force de deuxième catégorie de type républicain français) basée à Barcelone. Les 2600 (sous réserve) policiers nationaux affectés en Catalogne protègent les emprises publiques comme la délégation du gouvernement (préfecture), l'aéroport et les grands ports, enquêtent sur le crime organisé... et 200 appartiennent à une unité anti-émeutes basée à Barcelone. Il semble que les renforts soient constitués, côté gendarmerie, de six autres unités (1200 hommes) des Groupes de Réserve et de Sécurité, seule celle de Ténérife n'ayant pas été envoyée, et côté police nationale, de neuf unités (1800 hommes) de l'Unité d'Intervention Policière, une ayant été laisée à Madrid pour rassurer la population face aux coups d'éclat mahométans pourtant imprévisibles et imparables. La capacité commerciale théorique des navires loués à l'étranger (pour raisons de fiabilité politique) pour héberger tout ce petit monde dans les ports de Barcelone et Tarragone est respectivement de 2650 passagers et 708 voitures pour le Rhapsody (ex Napoléon Bonaparte de la SNCM), 2180 passagers et 562 voitures pour l'Azzurra, et 1638 passagers et 500 voitures pour le très risé Moby Dada. Evidemment, compte tenu de l'impossibilité de loger plus d'un policier ou gendarme par lit double présent dans toute cabine de deux, trois ou quatre places, il faut abattre cette capacité théorique d'un bon tiers, ce qui fait une capacité réelle de l'ordre de 4000 places, cohérent avec le volume de renforts annoncé par le ministère de l'Intérieur, avec peut-être une marge de quelques centaines qui peut donner lieu à surprise. Chaque navire a apporté une centaine de véhicules, pour l'essentiel des fourgons, minibus et voitures légères (déjà débarqués), ce qui correspond là encore à l'effectif annoncé mais laisse cependant beaucoup de place en soute, qui peuvent encore recéler d'éventuelles surprises par encore débarquées, et pas seulement les blindés à roues BMR-600 récemment transférés de l'armée de terre à la police nationale et frappés du logo de l'Unité d'Intervention Policière. Bien que le Rhapsody et l'exploitant Grandi Navi Veloci aient déjà l'expérience d'une utilisation équivalente puisqu'il a été utilisé fin mai par les forces de sécurisation de la réunion informelle des pays démissionnaires du G8 à Taormine, les policiers et gendarmes espagnols se plaignent de la maigreur des repas qui les oblige à acheter sur leurs deniers des compléments dans les supermarchés de Barcelone, de l'absence d'internet en cabine (sauf paiement d'un supplément à leur charge par cabine), de l'impossibilité du faire du sport... ou de trouver un membre d'équipage comprenant l'espagnol. Les compagnies de croisière savent segmenter le traitement de leurs clients selon le prix payé, et le gouvernement espagnol avait déjà montré, en annulant sans préavis les congés de mutation des gendarmes quittant la Catalogne d'une manière seulement possible envers un corps sans syndicats, la considération qu'il accorde aux agents qu'il envoie sauver l'unité de l'Espagne. Son mépris très politicien contraste d'ailleurs avec l'enthousiasme des foules qui ont accompagné les gendarmes et les policiers sur les quais d'embarquement aux clameurs de "sus !" ("a por ellos").
Il faut ajouter aux forces de maintien de l'ordre nationales la police urbaine (municipale) de Barcelone, à savoir 3000 hommes. Comme on l'a souligné dans la Neuvième Frontière l'une des grandes inconnues du referendum était la position ultime du maire de Barcelone, anarchiste de "nouvelle gauche". Ada Colau a longtemps clamé son "équidistance" entre son électorat souverainiste et le gouvernement central. Après le vote de la loi du referendum et de la loi de transition juridique et fondation de la république, elle a consulté sa base et s'est finalement déclarée en faveur de l'organisation du scrutin, à titre de consultation populaire et sans lui reconnaître le caractère d'un referendum contraignant. Puis elle a accepté que ses services collaborent à l'organisation de ce scrutin, ce qui est déterminant puisque Barcelone représente un cinquième de l'électorat, et enfin elle vient d'appeler les maires de vingt-sept grandes villes européennes à apporter leur soutien à l'exercice de l'autodétermination par la population catalane. Mais elle a ordonné à la police municipale d'appliquer les décisions judiciaires de perquisitions, recherche d'urnes, confiscations de toute documentation relative au referendum, et identification des responsables. Elle a même tout dernièrement fait suivre l'ordre d'empêcher l'ouverture des bureaux de vote dimanche, au grand désespoir des policiers municipaux. Si le maire de Barcelone ne révoque pas (ou ne confirme pas clairement), par écrit ou verbalement, ce samedi 30 septembre, son ordre de tout faire pour interdire aux citoyens de voter, il y aura une confusion totale au sein de la police barcelonaise, alors livrée aux cas de conscience personnels et aux instructions de l'encadrement immédiat. Et ce flou génèrera des incidents.
On a annoncé par ailleurs le 27 septembre la mise en alerte de deux des quatre Groupements d'Opérations Spéciales de l'armée de terre, consistant chacun en deux compagnies et basés à Alicante, au sud de Valence. Bien qu'il soit plus facile de définir les opérations spéciales, à savoir des coups de main hors confrontation frontale, que les forces plus ou moins spécialisées chargées de les conduire, à savoir de l'infanterie légère, celles-ci jouissent en Espagne d'une bonne réputation opérationnelle couplée à l'image martiale habituellement associée à la Légion (dont seul un groupement sur quatre est pourtant issu). Leur mise en alerte entend parer à toute nécessité de garantir la sécurité d'infrastructures et de citoyens menacés en Catalogne, ce qui ne correspond pas réellement au profil-type de leurs missions. La Catalogne est plus peuplée que la ville de Kolwezi et personne ne saurait distinguer dans la rue l'un des millions d'Espagnols non catalans. Par contre une opération plus dans leurs cordes serait la prise d'assaut du siège du gouvernement et du palais du parlement catalans. Pour réussir, un tel raid, nécessairement héliporté, devrait être mené rapidement et par surprise, donc dans l'idéal être lancé de Barcelone même. S'il est prévu, les quatre compagnies et leurs hélicoptères sont à bord des navires qui ont amené et qui hébergent les renforts policiers. A partir du décollage des hélicoptères, il leur suffirait de quelques minutes pour être sur objectif. Le ministère de l'intérieur a d'ailleurs déjà fait fermer l'espace aérien de Barcelone au cabotage de basse altitude, c'est-à-dire aux hélicoptères et petits avions, ne laissant voler que les avions de ligne desservant l'aéroport international de Barcelone. La constitution espagnole ne prévoit pas d'autre cadre de déploiement militaire sur le territoire national que la mise en oeuvre de l'état de siège (www.stratediplo.blogspot.com/2017/07/catalogne-vers-letat-de-siege_27.html), sur autorisation du parlement. Mais en prenant (avec succès) le contrôle direct des finances catalanes puis en tentant (sans succès) de prendre le contrôle de la police catalane, sans passer par la demande de mise en oeuvre de l'article 155 de la constitution, le gouvernement espagnol a introduit une dose certaine de souplesse et de relativité dans son respect de la constitution et des prérogatives du parlement. On ne saurait certes lui reprocher de placer la défense de l'unité du pays au-dessus du respect de la constitution. Puisqu'il est vraisemblablement incapable de mettre à exécution sa menace d'arrêter le président du gouvernement catalan, il peut être tenté de lancer une opération commando de nature militaire. Evidemment, si le gouvernement catalan dispose d'une défense antiaérienne à très courte portée, en propre ou contractuelle, elle sera discrètement déployée au centre de gravité politique de la Catalogne... qui est d'ailleurs sur le point de basculer du gouvernement au parlement.
Une confrontation des polices est plausible. Il est évident que même un effectif de 6000 policiers et gendarmes (il y a beaucoup d'administratifs parmi ceux affectés en Catalogne) ne pourra pas occuper et contrôler 6200 points de vote (chiffre définitif). Ils seront donc essentiellement utilisés par demi-sections, pour interdire l'accès à de l'ordre de 100 à 200 points de vote les plus importants, et une partie sera peut-être déployée aux grands carrefours et points de passage où l'intimidation peut avoir quelque effet. La police catalane (Mossos d'Esquadra), dont le commandant et le ministre ont théâtralement refusé il y a une semaine la mise sous tutelle, sera chargée avant tout de protéger la population, et si possible de garantir sa possibilité de voter. C'est à cette police catalane que la police nationale et la gendarmerie seront confrontées. Le gouvernement espagnol peut avoir intérêt à quelque violence qui lui permettra soit d'excuser son acceptation de facto de la sécession soit de justifier, et en principe demander au parlement, un déploiement militaire ; son intention finale est toujours opaque. Le gouvernement catalan peut avoir intérêt à quelque violence qui lui permettra de recueillir des sympathies à l'étranger.
Le referendum aura vraisemblablement lieu, même l'arrestation nocturne du président et des ministres catalans n'interromprait pas plus sa mise en oeuvre que ne l'a fait l'auto-dissolution temporaire de la commission électorale soumise à des amendes donquichottesques. Les convocations aux assesseurs et présidents de bureaux de vote, tirés au sort, ont été envoyées tardivement, mais on devine qu'ils pourraient être remplacés en cas de besoin. Il a peut-être été confisqué des millions de bulletins de vote mais tout un chacun peut imprimer le sien à domicile. L'Arlésienne, ces urnes dont certains doutaient de l'existence et qui ont été fabriquées en Chine, a été présentée vendredi par le président Puigdemont. Une centaine de municipalités ne permettront pas à leurs résidents de voter, et un certain nombre de gros bureaux seront bloqués par les forces espagnoles, ce à quoi il faut ajouter d'éventuelles actions répressives d'intimidation de la population, par exemple dans la nuit ou tôt dimanche matin. Aussi n'est-il pas impossible que jusqu'à la moitié de l'électorat n'ait tout simplement pas la possibilité de participer au referendum, raison pour laquelle le gouvernement catalan, qui entendait intialement fixer un taux de participation minimum pour la validité du scrutin, s'est finalement rangé aux recommandations de la Commission de Venise, à savoir que seul importe le résultat et qu'il ne faut pas fixer de seuil de participation minimale. Au pire, le président catalan a rappelé il y quelques jours qu'en cas d'empêchement, par le gouvernement espagnol, de tenir le referendum, le parlement catalan pourrait toujours procéder à une déclaration unilatérale d'indépendance, comme c'était envisagé à la fin 2015 et comme le prévoyait d'ailleurs la clause de "déblocage" prévue aux premières ébauches de la loi de transition juridique et de fondation de la république, notamment la version divulguée le 22 mai par le quotidien madrilène el País mais finalement éliminée pour soigner l'image de modération promue à l'international. De l'ordre de la moitié des proclamations d'indépendance ne sont pas précédées de referendum, une modalité d'autodétermination des peuples qui n'est d'ailleurs même pas mentionnée dans l'avis consultatif 2010/25 par lequel la Cour Internationale de Justice donne les conditions de validité internationale d'une proclamation d'indépendance, l'auto-proclamation de représentativité populaire de quelques notables lui semblant suffisante et la consultation démocratique ne lui paraissant pas utile. Ce n'est certes pas l'avis des gouvernants et élus catalans actuels, mais ils pourraient le cas échéant se replier sur cette possibilité, qui serait immédiatement légitimée dans la rue par la Révolution des Sourires. Comme chacun sait les révolutions sont toujours conduites par une minorité, et diffusées à titre justificatif par les médias qui préfèrent filmer une manifestation bruyante de dix mille activistes plutôt que les toits d'une ville endormie de cent mille légalistes.
Dès dimanche soir le centre de gravité politique de la Catalogne se déplacera au palais du parlement, censé déclarer l'indépendance dans les deux jours de la proclamation des résultats, mais qui peut donc aussi déclarer cette indépendance au vu de l'empêchement de la tenue du referendum, sachant que de toute façon la constitution sera ensuite soumise à ratification par referendum. Les premières reconnaissances étrangères de la souveraineté de la Catalogne ne tarderont pas après la proclamation de l'indépendance, et serviront au gouvernement catalan pour demander à l'Espagne l'ouverture des négociations de transition.
Comme on l'a déjà mentionné, il est difficile de savoir si le gouvernement espagnol s'est volontairement acculé au choix binaire dans l'intention d'accepter la sécession, ou dans l'intention d'apporter une réponse militaire. Aucun pays européen, hors l'ex-Ukraine, ne saurait accepter l'utilisation de l'armée contre la population civile. Mais aucun pays ne peut parer, autrement que par l'avertissement menaçant, l'éventuel coup de main héliporté des Groupements d'Opérations Spéciales peut-être déjà présents à Barcelone, et aucun pays ne peut intervenir dans les relations entre le 62° Régiment d'Infanterie et la population de ses deux garnisons au coeur de la Catalogne. Il est par contre possible de parer l'éventuel envoi par l'Espagne de troupes plus conséquentes actuellement basées hors Catalogne, à condition de déceler immédiatement leur mise en mouvement et de projeter alors sur la Noguera Ribagorçana et sur la Senia le dispositif d'interposition indiqué dans la Neuvième Frontière.
Seule la France est en mesure de le faire, si nécessaire.
Source : http://stratediplo.blogspot.fr/2017/09/catalogne-situation-la-veille-du-conflit.html
Sous réserve de confirmation de source neutre des articles de presse de vendredi 6 octobre, le gouvernement espagnol envoie la division Castillejos à Saragosse. Elle serait déjà "mobilisée" (passée en mode opérationnel) et ferait route dans les prochains jours. Ces informations très laconiques méritent une mise en perspective plus générale.
Les trois brigades organiques de la division Castillejos rejoignent là la brigade Aragon basée à Saragosse mais appartenant depuis peu à l'autre division espagnole, la San Marcial. Ces quatre brigades ensemble représentent la moitié des unités de manoeuvre de l'armée de terre, puisqu'hormis les sept brigades endivisionnées il y a aussi une brigade aux Canaries. La division San Marcial pour l'instant non pré-alertée pour la Catalogne est à dominante un peu plus lourde (partiellement mécanisée), tandis que la division Castillejos est l'héritière de la Force d'Action Rapide, donc plus légère et mobile. Ses trois brigades d'infanterie légère dites polyvalentes sont la 6° brigade parachutiste Almogavares, la 2° brigade de légion Alphonse XIII et la 7° brigade aéroportée Galice. Chacune des trois brigades de la division Castillejos comporte trois bataillons d'infanterie et un bataillon de cavalerie légère, la brigade Aragon de son côté ne comporte que deux bataillons d'infanterie (déjà stationnés en Catalogne), et deux bataillons de cavalerie dont un de lourde. Toutes les brigades comportent un groupe (bataillon) d'artillerie, inutile pour la confrontation envisagée, et un bataillon de génie, qui peut avoir une utilité en soutien, de même que les bataillons de cavalerie peuvent servir en appui de l'infanterie qui aurait le rôle principal face à une administration et une population civiles.
Par contre les deux convois du 41° Groupement de Soutien Logistique sortis de Saragosse dans la nuit de mardi à mercredi pour aller livrer et déployer des infrastructures d'accueil temporaire, dans les emprises du 62° Régiment d'Infanterie (Barcelone et Saint-Clément Sescebes), au profit des unités anti-émeutes de la gendarmerie et de la police nationale expulsées des hôtels catalans à l'annonce de la prolongation indéterminée de leur déploiement, n'ont a priori rien à voir avec le mouvement militaire annoncé, sauf si ce n'est pas pour la gendarmerie et la police que l'on doit projeter des structures d'accueil. Par ailleurs on peut rappeler ici que la moitié des forces dites spéciales (l'équivalent d'un bataillon) sont déjà en alerte, tous congés suspendus également, mais que c'est l'unité antiterroriste de la gendarmerie, le Groupe d'Action Rapide, qui a pris le contrôle de l'aéroport de Barcelone.
Ce desserrement opératif de la division Castillejos à Saragosse change la donne. Il prendra plusieurs jours, car les composants de cette grande unité sont dispersés aux quatre coins de la "peau de taureau", comme disent les Espagnols. Mais dès lors qu'il sera effectué, quatre brigades (moins les deux bataillons déjà sur la côte catalane) seront à 120 kilomètres de Lérida ou à 100 kilomètres de la limite occidentale de la Catalogne. On envisageait dans la Neuvième Frontière un premier dispositif français d'interposition déjà bien supérieur aux compagnies Guépard d'alerte permanente, à savoir un régiment d'infanterie renforcé sur la Noguera Ribagorçana, et un bataillon antichar et de contre-mobilité sur la Senia. Au sud ce dernier suffirait toujours face à ce qui pourrait arriver de Valence et Murcie, mais à l'ouest un régiment ne servirait à rien face à presque quatre brigades, fussent-elles en colonne sur l'autoroute. On écrivait aussi que "l'armée espagnole pourrait essayer de prendre les forces françaises de vitesse mais elle ne les attaquera pas une fois déployées". La deuxième proposition (pas d'attaque) est à relativiser si l'enjeu est considéré suffisamment important pour justifier l'envoi de la moitié de l'armée de terre espagnole. La première proposition (course de vitesse) deviendrait une certitude si la moitié de l'armée espagnole était prépositionnée à une heure et demie de route de la ligne d'interposition envisagée.
Evidemment un dispositif d'interposition n'a nul besoin d'être assez puissant pour résister aux belligérants, sa vocation étant simplement de manifester la présence d'un tiers (pays ou organisation internationale) et d'introduire un élément d'incertitude au cas où ses "soldats de la paix" seraient tués. Mais il est plus facile de prévenir que de guérir, et de maintenir la paix que de la rétablir. En l'état actuel des choses le gouvernement français est incapable de déployer plus de quelques compagnies sur la Noguera Ribagorçana, et une coordination uniopéenne demanderait plusieurs mois de réunionite intense. Mais cela n'interdit pas de sonder les intentions du gouvernement espagnol, ou de lui notifier préventivement l'inacceptabilité d'une opération Grozny à Barcelone. Or, sauf erreur, personne n'a encore fait part de sa préoccupation ni même de son information.
L'Union Européenne se déclare non concernée, la France est solidaire du gouvernement espagnol, le Parlement Européen demande une médiation, la Suisse propose sa médiation, le FMI demande à l'Espagne de mettre fin à l'incertitude, mais personne n'a encore signifié son opposition à ce que le gouvernement espagnol envoie l'armée contre la population de Catalogne. Or, dès lors que la division Castillejos sera desserrée à Saragosse, le préavis pour prendre la décision de bloquer un début de mouvement ne sera plus que d'une heure. Evidemment il n'est pas certain que le gouvernement espagnol ait l'intention de tenter de soumettre la Catalogne par la force. Le gouvernement prétend toujours vouloir appliquer l'article 155 de la constitution (la tutelle par injonctions directes aux autorités catalanes) en cas de déclaration d'indépendance, mais refuse toujours d'évoquer l'article 116 c'est-à-dire la proclamation de l'état de siège, qui est pourtant la seule possibilité constitutionnelle d'ôter des pouvoirs aux autorités catalanes en les transférant à une autorité millitaire. Certes une constitution de quarante ans ne saurait faire obstacle à la préservation d'un Etat vieux de plus de cinq siècles, et on comprendrait aisément que l'Espagne s'affranchisse, en cas de danger, des carcans de sa constitution. Mais en l'état actuel de celle-ci, la mission de défendre l'intégrité territoriale et l'ordre constitutionnel, donnée aux forces armées par l'article 8 de plus en plus évoqué, nécessite le déploiement des forces armées en application de l'état de siège après autorisation du parlement.
Ces informations, qu'il est difficile de coter dans l'ignorance de leur source, peuvent n'être que propagande destinée à intimider les séparatistes catalans. Il est possible aussi que ledit mouvement soit réellement planifié, à titre dissuasif et sans intention d'utiliser les forces en question. Enfin il n'est pas impossible qu'il s'agisse d'une feinte visant à ce que le roi, la presse, le parlement ou certains partis politiques intiment au gouvernement d'interrompre le mouvement opératif et d'abandonner l'option militaire, ce qui permettrait au gouvernement Rajoy de capituler tout en blâmant d'autres pouvoirs.
Quoi qu'il en soit il serait grave et mal perçu que le gouvernement d'un pays voisin de l'Espagne et qui plus est de la Catalogne ne réagisse pas, auprès du gouvernement espagnol, à l'annonce du mouvement de la moitié de l'armée de terre espagnole en direction du gouvernement et de la population civile de ladite province.
traduction de Stratediplo
Au peuple de Catalogne et à tous les peuples du monde.
La justice et les droits de l'homme individuels et collectifs intrinsèques, fondements inaliénables qui donnent sens à la légitimité historique et à la tradition juridique et institutionnelle de la Catalogne, sont la base de la constitution de la République catalane.
La nation catalane, sa langue et sa culture ont mille ans d'histoire. Pendant des siècles, la Catalogne s'est dotée et a joui d'institutions propres qui ont pleinement exercé l'autogouvernement, avec la Généralité comme plus grande expression des droits historiques de la Catalogne. Le parlementarisme a été, pendant les périodes de liberté, la colonne sur laquelle se sont appuyées ces institutions, il s'est canalisé à travers les Cours Catalanes et s'est cristallisé dans les Constitutions de la Catalogne.
La Catalogne restaure aujourd'hui sa pleine souveraineté, perdue et longtemps regrettée, après avoir essayé pendant des décennies, honnêtement et loyalement, la bonne coexistence institutionnelle avec les peuples de la péninsule ibérique.
Depuis l'approbation de la Constitution espagnole de 1978, la politique catalane a eu un rôle clef et une atitude exemplaire, loyale et démocratique envers l'Espagne, et avec un sens profond de l'Etat.
L'Etat espagnol a répondu à cette loyauté par le refus de reconnaissance de la Catalogne comme nation ; il a concédé une autonomie limitée, plus administrative que politique et en cours de recentralisation ; un traitement économique profondément injuste et une discrimination linguistique et culturelle.
Le Statut d'Autonomie, approuvé par le Parlement [catalan] et le Congrès [espagnol], et plébiscité en referendum par la société réelle catalane, devait être le nouveau cadre stable et durable de relation bilatérale entre la Catalogne et l'Espagne. Mais ce fut un accord politique annulé par l'arrêt du Tribunal Constitutionnel et qui fait émerger de nouvelles réclamations citoyennes.
Recueillant les demandes d'une grande majorité de citoyens de Catalogne, le Parlement, le Gouvernement et la société civile ont demandé de façon répétée la tenue d'un referendum d'autodétermination.
Devant le constat que les institutions de l'Etat ont rejeté toute négociation, ont violé le principe de démocratie et d'autonomie, et ont ignoré les mécanismes légaux disponibles dans le cadre de la Constitution, la Généralité de Catalogne a convoqué un referendum pour l'exercice du droit à l'autodétermination reconnu par le droit international.
L'organisation et la tenue du referendum a donné lieu à la suspension de l'autogouvernement de la Catalogne et l'application de facto de l'état d'exception.
L'opération policière brutale d'aspect et de style militaires orchestrée par l'état espagnol contre des citoyens catalans a porté atteinte, en des occasions multiples et répétées, à leurs libertés civiles et politiques et aux principes des Droits de l'Homme, et a contrevenu aux accords internationaux signés et ratifiés par l'Etat espagnol.
Des milliers de personnes, parmi lesquelles des centaines d'élus et d'autorités et de professionnels liés au secteur de la communication, à l'administration et à la société civile, ont fait l'objet d'enquêtes, ont été arrêtées, mises en examen, interrogées et menacées de dures peines de prison.
Les institutions espagnoles, qui devraient rester neutres, protéger les droits fondamentaux et se poser en arbitre devant le conflit politique, sont devenues partie et instrument de ces attaques et ont laissé sans défense la société réelle de Catalogne.
Malgré la violence et la répression pour tenter d'empêcher la tenue d'un processus démocratique et pacifique, les citoyens de Catalogne ont voté majoritairement en faveur de la constitution de la République catalane.
La constitution de la République catalane se fonde sur la nécessité de protéger la liberté, la sécurité et la bonne coexistence de tous les citoyens de Catalogne et de progresser vers un Etat de droit et une démocratie de meilleure qualité, et répond à l'empêchement de la part de l'état espagnol de rendre effectif le droit à l'autodétermination des peuples.
Le peuple de Catalogne est amant du droit, et le respect de la loi est et sera l'une des pierres angulaires de la République. L'état catalan respectera et fera assurer par la loi toutes les dispositions qui constituent cette déclaration et il garantit que la sécurité juridique et la continuation des accords souscrits fera partie de l'esprit fondateur de la République catalane.
La constitution de la République est une main tendue au dialogue. Faisant honneur à la tradition catalane du pacte, nous maintenons notre choix de l'entente comme manière de résoudre les conflits politiques. Alors, nous réaffirmons notre fraternité et notre solidarité avec les autres peuples du monde et, en particulier, ceux avec lesquels nous partageons langue et culture et la région euroméditerranéenne en défense des libertés individuelles et collectives.
La République catalane est une opportunité pour corriger les actuels déficits démocratiques et sociaux et construire une société plus propère, plus juste, plus sûre, plus viable et plus solidaire.
En vertu de tout ce qui vient d'être exposé, nous, représentants démocratiques du peuple de Catalogne, dans le libre exercice du droit d'autodétermination, et en accord avec le mandat reçu de la société réelle de Catalogne,
NOUS CONSTITUONS la République catalane, comme Etat indépendant et souverain, de droit, démocratique et social.
NOUS DISPOSONS l'entrée en vigueur de la Loi de transition juridique et fondation de la République.
NOUS LANÇONS le processus constituant, démocratique, de base citoyenne, transversal, participatif et contraignant.
NOUS AFFIRMONS la volonté d'ouvrir des négociations avec l'état espagnol, sans conditions préalables, visant à établir un régime de collaboration au bénéfice des deux parties. Les négociations devront être, nécessairement, sur un pied d'égalité.
NOUS PORTONS A LA CONNAISSANCE de la communauté internationale et des autorités de l'Union Européenne la constitution de la République catalane et la proposition de négociations avec l'état espagnol.
NOUS DEMANDONS à la communauté internationale et aux autorités de l'Union Européenne d'intervenir pour mettre fin à la violation des droits civils et politiques en cours, et de suivre le processus de négociation avec l'Etat espagnol et s'en faire les témoins.
NOUS MANIFESTONS la volonté de construction d'un projet européen qui renforce les droits sociaux et démocratiques de la société réelle, ainsi que l'engagement de continuer à appliquer, sans interruption de continuité et de manière unilatérale, les textes du cadre juridique de l'Union Européenne, et ceux du cadre de l'état espagnol et du régime d'autonomie catalan qui transcrivent ce cadre juridique.
NOUS AFFIRMONS que la Catalogne a la volonté inéquivoque de s'intégrer aussi rapidement que possible à la communauté internationale. Le nouvel Etat s'engage à respecter les obligations internationales qui s'appliquent actuellement sur son territoire et à continuer d'adhérer aux traités internationaux auxquels adhère le Royaume d'Espagne.
NOUS APPELONS les Etats et les organisations internationales à reconnaître la République catalane comme Etat indépendant et souverain.
NOUS DEMANDONS au Gouvernement de la Généralité d'adopter les mesures nécessaires pour faire porter tous leurs effets à cette Déclaration d'indépendance et aux dispositions de la Loi de transition juridique et de fondation de la République.
NOUS PRIONS tous et chacun des citoyens et citoyennes de la République catalane de nous rendre dignes de la liberté que nous nous sommes donnés et de construire un Etat qui traduise en action et en conduite les inspirations collectives.
Les représentants légitimes du peuple de Catalogne,
Barcelone, 10 octobre 2017.
Source : http://stratediplo.blogspot.fr/2017/10/declaration-dindependance-de-la.html
L'arrestation de Jordi Cuixart et Jordi Sanchez, respectivement présidents des associations indépendantistes catalanes Omnium et Assemblée Nationale Catalane, appelle à une réflexion sur la répression de la sédition.
Ce mot de sédition n'avait pratiquement pas été employé en Espagne depuis plus d'un siècle (1909). Il y a quelques mois cependant, Stratediplo le mentionnait dans la Neuvième Frontière (pages 90, 137 et 146), puisque la définition qu'en donne l'article 544 du code pénal espagnol correspond aux activités de propagande séparatiste, en l'occurrence s'élever "publiquement et avec tumulte pour empêcher, par la force ou hors des voies légales, l'application des lois, ou le légitime exercice des fonctions d'une autorité, entité officielle ou d'un fonctionnaire, ou l'accomplissement de ses accords, ou des décisions administratives ou judiciaires". Car si l'article 472 définissant la rébellion mentionne plus explicitement les visées contre l'ordre constitutionnel, et expressément la déclaration d'indépendance d'une partie du territoire national, ce délit n'est pas constitué en l'absence de violence publique.
On rappellera ici entre parenthèses que l'appareil judiciaire espagnol n'est ni indépendant ni apolitique, il est un outil politique au service de l'exécutif, car même si l'Etat espagnol n'est pas allé jusqu'à l'effronterie du conseil constitutionnel français (qui a fini par reconnaître en 1987 que la "conception française de la séparation des pouvoirs" était à l'opposé des idées de Montesquieu), l'exécutif espagnol n'hésite pas à dicter ses consignes aux tribunaux.
Or la justice espagnole, donc le gouvernement central, a systématiquement refusé de qualifier de sédition les menées antérieures. Elle a laissé se constituer, s'enregistrer comme partis, se présenter à des élections, puis être investis, des mouvements ouvertement sécessionnistes, dont le programme écrit, proposé à l'électorat puis transformé en "feuille de route" (planification politique) après prise de fonction officielle, est ouvertement la partition de l'Espagne. On peut certes jouer sur les mots en prétendant que puisque cela n'a pas été fait "en-dehors des voies légales" le délit de sédition n'est pas constitué au sens de l'article 544, mais alors il ne l'est pas plus aujourd'hui. La convocation de la consultation populaire du 9 novembre 2014 sur la sécession n'a valu à ses organisateurs, d'après le verdict du 13 mars 2017, que deux ans d'inéligibilité et quelque amende, pour délit de désobéissance, mais personne n'a été poursuivi pour sédition, ce qui ne pouvait qu'encourager ou du moins autoriser la poursuite de ce but. Or justement c'étaient alors les organisations Omnium et ANC qui avaient assuré l'organisation de cette consultation après le prudent retrait du gouvernement catalan, et leurs chefs étaient alors les mêmes qu'aujourd'hui, absolument pas inquiétés alors pour l'organisation de ce scrutin illégal et au libellé séditieux, mais qui viennent d'être arrêtés dans les locaux d'un tribunal alors qu'ils y étaient venus librement (la police espagnole n'aurait peut-être pas la force de procéder à des arrestations dans la rue en Catalogne), pour être entendus pour la troisième fois au sujet de l'organisation des manifestions de rue des 6 et 7 septembre.
Evidemment cela ne pouvait que contribuer à l'argumentaire d'une belle campagne vidéo en anglais sur les "réseaux sociaux", quant à l'oppression de l'exercice de la liberté d'opinion et de la liberté d'expression, illustrée par ces deux nouveaux cas de "prisonniers politiques". Et les protestataires ont raison, Cuixart et Sanchez sont bien des prisonniers politiques puisque la sédition dont ils sont accusés est un délit politique. Leur cas renvoie cependant à la sempiternelle question de ces libertés d'opinion et d'expression, à savoir si elles doivent être absolues ou limitées.
En France c'est clair, la loi (expresse et dédiée) interdit, par exemple, d'avoir une opinion différente de la doxa officielle sur l'éradication des Israélites en Allemagne au début des années quarante. La jurisprudence, elle, réprime le racisme contre la race noire (sauf s'il est le fait d'un Mahométan), mais autorise le racisme contre la race blanche. Au-delà de ces cas simples, le quidam dans la rue, du moins l'indigène qui n'est pas censé ignoré les lois (puisque la justice semble désormais autoriser l'allogène à ignorer les lois même les plus basiques et naturelles), ne saurait dire avec certitude s'il est interdit de posséder chez soi un article historique avec un insigne national-socialiste, ou s'il est interdit d'en publier des photographie, ou d'en faire commerce, ou seulement de faire l'apologie de l'idéologie politique qui lui est associée.
Ce qui est sûr c'est qu'en France une autorité morale membre d'une institution établie et subventionnée par les deniers publics a le droit de nier toute autorité à l'Etat, d'encourager à la violation des lois, de proclamer des idées contraires à la constitution (mais pas seulement) comme l'inégalité fondamentale des personnes, d'appeler à commettre des crimes comme viols, meurtres et sacrifices humains, et de distribuer un livre de doctrine sur lequel ces prédicats sont écrits noir sur blanc, et qui est en vente libre contrairement à une plaquette d'antibiotique. Par contre la moindre critique, de la part d'un particulier, contre cet abus des libertés d'opinion et d'expression, est passible de la confiscation des biens, du bannissement et (en cas d'arrestation) de déportation dans une enclave de droit non-français... justement régie par l'institution ouvertement séditieuse ci-avant mentionnée (www.stratediplo.blogspot.com/2017/07/deportation-hors-etat-de-droit-pour.html). A titre de comparaison encore, en Espagne comme dans d'autres pays, toute autorité politique nouvellement investie doit prononcer un serment ; certes lorsque Carles Puigdemont fut élu président de la Catalogne il omit dans son serment la fidélité au roi et le respect et la protection de la constitution, sans évidemment être plus soupçonné de sédition qu'en acceptant le mandat de conduire la région à l'indépendance sous dix-huit mois, mandat confié par le parlement auquel, par contre, il n'a pas oublié de jurer obéissance, franc et transparent comme tous les séparatistes aujourd'hui poursuivis pour moins que cela. En France, comme beaucoup d'étrangers s'en étonnent, aucun serment n'est demandé à aucune autorité politique ou militaire, pour la raison évidente que la république n° V a été fondée par un coup d'état contre la n° IV elle-même issue d'un coup d'état comme toutes celles qui se sont succédées depuis plus de deux siècles. Mais il y a aussi une raison moins évidente et certainement plus profonde, qui est que la constitution (du moment, comme les 21 précédentes d'une longévité moyenne de dix ans) étant le fondement suprême et absolue du "contrat social", selon l'expression de Jean-Jacques Rousseau, il est inconcevable de faire jurer à quelqu'un, sur un autre code de moralité, le respect du texte suprême.
Pour revenir à l'Espagne, les deux présidents d'associations sont emprisonnés et poursuivis pour le chef de sédition alors qu'ils n'ont fait qu'appeler à des manifestations de rue tandis que des autorités catalanes élues pratiquent activement la sédition manifeste depuis plus de deux ans et ne sont menacées que de procès en inéligibilité pour le chef de désobéissance, comme leurs prédécesseurs. De plus on apprend dans l'acte d'accusation que la seule raison pour laquelle les manifestations des 6 et 7 septembre devant le ministère de l'économie, pas plus violentes que d'autres, sont considérées comme séditieuses, est qu'au même moment le parlement catalan votait la loi 19/2017 du referendum d'autodétermination puis la loi 20/2017 de transition juridique et de fondation de la république. Pour mémoire, aucun membre du parlement catalan, bureau et présidente inclus, n'est actuellement en détention même préventive.
La logique du gouvernement espagnol et de sa justice n'est pas très claire (à se demander s'il ne cherchait pas les protestations d'Amnesty International et autres pour se faciliter une prochaine capitulation), mais elle ressemble à celle du gouvernement français qui poursuit très sévèrement des citoyens pour des infractions d'expression d'opinion très mineures en comparaison des incitations au crime et à la sédition ouvertement et constamment proférées par des officines subventionnées ayant pignon et minaret sur rue.
Source : http://stratediplo.blogspot.fr/2017/10/repression-de-la-sedition.html
Dans son étude la Neuvième Frontière (www.lulu.com/fr/shop/stratediplo/la-neuvième-frontière/paperback/product-23271364.html), Stratediplo a exposé en détail la position de la Cour Internationale de Justice émise dans l'avis consultatif n° 2010/25 du 22 juillet 2010. Cet exposé ne reflète pas les opinions que l'on peut avoir sur la légitimité éthique du cas concerné ou sur la solidité logique des arguments spécieux en question, il se contente d'exposer objectivement (sans les commenter) les arguments juridiques et les conclusions à portée politique et jurisprudentielle de la Cour Internationale de Justice.
Dans cet avis la CIJ a longuement étudié la conformité au droit international d'une déclaration unilatérale d'indépendance, en l'occurrence relative à la province de Kossovo et Métochie (Serbie). Cet avis consultatif émis par l'instance judiciaire des Nations Unies, suite à une requête de l'Assemblée Générale, constitue en fait un mode d'emploi de la déclaration d'indépendance irréprochable du point de vue du droit international, mais aussi du droit interne bien que cela ne fût pas demandé à la CIJ. Après avoir survolé les nombreuses déclarations d'indépendance des XVIII°, XIX° et XX° siècles et corrigé une erreur d'interprétation fréquente du concept d'intégrité territoriale, la CIJ a conclu que le droit international n'interdisait nullement les déclarations d'indépendance, que la déclaration de l'indépendance n'avait jamais été considérée comme une transgression du droit international, et que la seconde moitié du XX° siècle avait vu apparaître un véritable "droit à l'indépendance au bénéfice des peuples des territoires non autonomes". Aujourd'hui encore, "le droit international général ne comporte aucune interdiction applicable des déclarations d'indépendance".
La CIJ a même remarqué que les rares fois où le Conseil de Sécurité avait condamné des déclarations d'indépendance ce n'était pas dû à leur caractère unilatéral mais au fait qu'elles étaient ou allaient être accompagnées de violations graves du droit international général (jus cogens), ou de violence illicite. Cette parenthèse semble d'ailleurs écarter toute possibilité d'une future reconnaissance par le Conseil de Sécurité de la déclaration d'indépendance effectuée au nom de la diaspora albanaise de Kossovo et Métochie en 2008 après écrasement des services régaliens souverains par les bombes de l'Alliance Atlantique au printemps 1999, déportation de la plupart de la population indigène pendant l'été, empêchement les années suivantes par un employé de l'ONU du retour des services régaliens décidé par le Conseil de Sécurité (résolution 1244), puis déportation des reliquats de population indigène au moyen des progroms de mars 2004 soit à peine quatre ans avant ladite déclaration d'indépendance, depuis lors reconnue pourtant (individuellement) par la moitié des pays membres de l'ONU, ce qui en comparaison augure plutôt bien de la future reconnaissance de la sécession pacifique de la Catalogne.
Dans son avis 2010/25 la CIJ a même ajouté qu'une déclaration d'indépendance ne viole pas non plus le droit interne car elle n'en relève pas et n'est pas prise dans son cadre. En effet la CIJ explique que même lorsqu'une autorité d'administration autonome à compétence interne fait référence au cadre constitutionnel, voire ouvre la séance en tant qu'administration interne, elle sort du cadre interne dès lors qu'elle procède à une déclaration d'indépendance clairement exprimée par exemple par les termes "souverain et indépendant" (cas de la déclaration catalane). Dans l'esprit des auteurs de la déclaration cette indépendance n'est alors pas destinée à prendre effet au sein de l'ordre juridique en vigueur, par conséquent "les auteurs de cette déclaration n'ont pas agi, et n'ont pas entendu agir, en qualité d'institution née de cet ordre juridique et habilitée à exercer ses fonctions dans ce cadre". Les textes en vigueur, dans le cadre desquels l'autorité d'administration se réunit initialement, ont une finalité d'administration (interne), tandis que la déclaration d'indépendance a une finalité de statut (international), ce qui en fait donc des textes de nature différente et la proclamation de la deuxième ne viole pas les premiers.
La distinction entre la nature du texte et le cadre dans lequel il peut sembler à tort avoir été pris est encore plus évidente, selon la CIJ, si des éléments complémentaires montrent que les auteurs de la déclaration ne se plaçaient plus dans le cadre du droit interne (et de leur mandat) mais dans celui du droit international. Par exemple ils peuvent s'engager à assumer les obligations internationales du territoire qui accède à l'indépendance (cas de la déclaration catalane), écrire la déclaration sur un support ne comportant pas l'en-tête officielle de l'administration interne, signer d'un titre différent de celui porté dans le cadre du mandat interne (cas de la déclaration catalane), s'abstenir d'envoyer la déclaration à l'autorité chargée de l'enregistrement et de la publication officielle des actes habituels de l'autorité interne (cas de la déclaration catalane… pour l'instant), ou encore recourir à une procédure différente de la procédure normale d'adoption des textes législatifs à usage interne (cas de la déclaration catalane), la CIJ donnant comme exemple le fait d'associer à la signature de la déclaration une autorité distincte, dans le cas de la diaspora albanaise un président qui n'appartenait pas à l'assemblée parlementaire régionale mais à l'exécutif. Tels sont les signes secondaires qui permettent, au-delà de l'acte et du texte proprement dits, de déterminer qu'une déclaration d'indépendance n'est pas le fait de l'institution normale d'une administration autonome "agissant dans les limites du cadre constitutionnel, mais est celui de personnes ayant agi de concert en leur qualité de représentants du peuple", en dehors du cadre de l’administration normale.
C'est ce qui permet à la CIJ de déterminer qu'une déclaration d'indépendance "n'émanait pas des institutions […] d'administration autonome, et qu'il ne s'agissait pas non plus d'un acte destiné à prendre effet, ou ayant effectivement pris effet, dans le cadre de l'ordre juridique au sein duquel celles-ci agissaient […] les auteurs de la déclaration d'indépendance n'étaient pas liés par le cadre qui visait à régir, en définissant leurs pouvoirs et responsabilités, la conduite des institutions […] la déclaration d'indépendance n'a pas violé le cadre constitutionnel". En conséquence de quoi, si l'adoption d'une déclaration d'indépendance ne viole ni le droit international général ni le cadre constitutionnel en vigueur, elle ne viole aucune règle applicable du droit international.
Par cet avis consultatif, la CIJ a déterminé qu'une déclaration d'indépendance effectuée dans ces conditions ne viole pas le droit constitutionnel interne, ce qui ne lui était pas demandé, et elle a surtout conclu qu'une telle déclaration est conforme au droit international, répondant ainsi à la question posée par l'Assemblée Générale de l'ONU.
La CIJ est l'autorité judiciaire suprême du système international actuel (ONU) et ses décisions font jurisprudence. Certes un commentateur critique, venant par exemple d'un autre siècle et se permettant de relativiser cette autorité, pourrait noter qu'elle est plus sensible au formalisme du verbe que, par exemple, à la légitimité démocratique. En effet (pour justifier l'injustifiable, dirait le commentateur critique) la CIJ a considéré que la déclaration d'indépendance de la diaspora albanaise avait été prononcée par des "personnes ayant agi de concert en leur qualité de représentants du peuple", puisqu'elles ont signé comme telles, mais pas par l'assemblée parlementaire à laquelle ces personnes appartenaient et qui n'avait pas l'autorité de prononcer l'indépendance. Un observateur critique de l'initiative de ces "personnes ayant agi de concert" pourrait noter que le peuple qu'elles représentaient ne leur avait pas donné mandat de sécession, ni par une élection ni par un referendum.
Au contraire la majorité absolue des députés catalans a été élue il y a deux ans sur un programme sécessionniste, et a signé la déclaration d'indépendance après la victoire de la proposition séparatiste à un referendum ; elle n'a pas associé à la déclaration un passant non membre de l'assemblée, en dépit de cette recommandation implicite de la CIJ, et le président et le vice-président du gouvernement catalan n'ont signé qu'au même titre que les autres députés, en l'occurrence comme "représentants légitimes du peuple". La différence avec le cas de l'assemblée parlementaire de Kossovo et Métochie, qui n'avait strictement aucune compétence en matière de statut international du territoire, est qu'un programme sécessionniste avait été autorisé aux élections parlementaires catalanes et qu'une majorité de députés ouvertement sécessionnistes avait été élue, intronisée et autorisée à former un gouvernement chargé explicitement de conduire la province à l'indépendance sous dix-huit mois, raison pour laquelle ces députés n'ont pas besoin de prétendre qu'ils n'agissent pas en tant que parlement ou qu'ils agissent comme vagues "représentants" hors de leur mandat électif, même s'il se sont dispensés de la majorité qualifiée des deux tiers nécessaire aux questions statutaires dans le cadre constitutionnel. Le premier ministre espagnol a beau prétendre exiger que le président catalan avoue s'il a déclaré l'indépendance, et le cas échéant qu'il la révoque, le gouvernement espagnol doit bien savoir que la loi 19/2017 attribuait exclusivement au parlement catalan (pas au président) la compétence de déclarer formellement l'indépendance, et que la loi 20/2017 l'a confirmé.
La déclaration d'indépendance a été signée par la majorité absolue des députés, elle sera sans doute enregistrée prochainement pour publication officielle, et d'après l'avis 2010/25 de la Cour Internationale de Justice elle est conforme au droit international et ne viole pas non plus le droit constitutionnel espagnol.
Les puissances qui fomentent le chaos ne peuvent pas toujours lui échapper.
Source : http://stratediplo.blogspot.fr/2017/10/quen-dit-la-cour-internationale-de.html
Vendredi 27 octobre le parlement catalan a finalement proclamé la déclaration d'indépendance signée le 10. Quarante minutes plus tard le sénat a accordé au gouvernement espagnol l'autorisation (demandée quelques heures plus tôt) d'appliquer l'article 155 de la constitution en Catalogne.
Samedi 28 le gouvernement espagnol a annoncé ses premières décisions, à commencer par la prise de contrôle de la police catalane après révocation de son directeur général. Un peu plus tard il a annoncé les mesures suivantes, à savoir la révocation également du chef de la police (subordonné immédiat du directeur général), la destitution du gouvernement catalan, la dissolution du parlement et la convocation d'élections pour le 21 décembre. Enfin il a annoncé également des poursuites contre les membres du gouvernement, la présidente du parlement et le bureau, pour malversation, sédition et rébellion.
Coup de théâtre et déclenchement de la débandade, le directeur général de la police catalane (mossos d'esquadra) Pere Soler a alors annoncé à ses services son départ immédiat pour cause de révocation. Pour mémoire, il s'agissait d'un indépendantiste sans état d'âme jusque-là, nommé en juillet après la démission d'Albert Battle fameux pour avoir déclaré en février que si un juge demandait l'arrestation du président de la Généralité ou de la présidente du parlement il donnerait les ordres correspondants. Soler semble avoir accepté sa révocation par le gouvernement espagnol avant même de demander des consignes à son supérieur le ministre de l'intérieur catalan. Et quelques heures plus tard le chef de la police Josep Lluís Trapero, révoqué à son tour, a immédiatement aussi annoncé à la police son retrait.
Or, comme on l'écrivait en juillet, "c'est la réponse du commandement des mossos d'esquadra qui déterminera la suite des événements". En effet le gouvernement espagnol, comme on l'a vu lors du referendum du 1er octobre, n'est pas en mesure d'imposer son ordre en Catalogne sans la collaboration de la police catalane, même en dépêchant pratiquement tous les moyens de police anti-émeutes du pays ; d'ailleurs ces renforts maltraités par leur ministère espagnol sont déjà épuisés et très mécontents. Et au-delà d'un manque de collaboration, si la police catalane avait été activement engagée dans les opérations de sécession, en commençant par la protection des institutions gouvernementales catalanes, le gouvernement espagnol n'avait pas les moyens de s'y opposer.
Cependant, après les déclarations de départ de Pere Soler et de Josep Lluís Trapero, le ministre catalan de l'intérieur Joaquim Forn, lui aussi un séparatiste invétéré, semble avoir disparu du tableau, contrairement par exemple au président Carles Puigdemont qui a annoncé samedi ne pas reconnaître sa révocation. Puis le nouveau commandant de la police Ferrán López nommé par le ministre de l'intérieur espagnol lui a manifesté sa loyauté sans être réprimandé par la moindre autorité catalane, et a alors déployé dimanche un dispositif de contention autour du palais du gouvernement catalan et donné consigne de protéger les fonctionnaires espagnols qui investiraient lundi les ministères catalans, et de restreindre la liberté de mouvement des ministres révoqués. Enfin lundi midi la présidente du parlement catalan, une indépendantiste irrédentiste, a annulé une réunion prévue pour ce mardi, en expliquant que le parlement "s'était dissous".
Que s'est-il donc passé ? Le gouvernement espagnol, ayant d'abord toléré l'accession du séparatisme au pouvoir régional, puis nié obstinément l'existence d'un problème jusqu'après le referendum, s'était volontairement acculé à une alternative finale entre l'acceptation de la sécession et l'intervention militaire. Le ministre de la défense María Dolores de Cospedal a déclaré plusieurs fois depuis l'été, et sans ambiguïté depuis l'automne, que l'Etat défendrait la légalité par tous les moyens y compris militaires à sa disposition. Vendredi 6 octobre on a annoncé le regroupement à Saragosse de la moitié de l'armée de terre espagnole, en l'occurrence la division Castillejos (ancienne Force d'Action Rapide) renforcée. Pour la déployer il aurait en principe fallu la proclamation de l'état de siège selon l'article 116 de la constitution, mais le gouvernement espagnol a passé vendredi (in extremis) deux messages très clairs quant à ses intentions, et à son choix entre le respect de la constitution (et des lois) et la préservation de l'unité du pays.
Le premier message est le lancement de poursuites contre les gouvernants de la Catalogne pour un délit qu'ils n'ont pas commis. En effet ils ne sont pas seulement poursuivis pour malversation de fonds publics et pour sédition mais également pour rébellion. On écrivait en juillet que c'est dès 2015 que la justice espagnole aurait pu condamner les sécessionnistes pour le délit de sédition décrit à l'article 544 du code pénal espagnol. Mais par contre le délit de rébellion n'est de toute évidence pas constitué puisque selon l'article 472 il faudrait pour cela qu'il y ait exercice de la violence. Le gouvernement espagnol sait bien que la justice ne retiendra normalement pas ce délit (passible de jusqu'à trente ans de prison), en dépit de la dépendance de la justice et de ses violations répétées du droit à un procès équitable (objet de multiples condamnations de l'Espagne par la Cour Européenne des Droits de l'Homme), mais en le demandant il montre que la répression sera disproportionnée et illégale. Le deuxième message est la violation multiple de la constitution. En effet l'article 155, dont le sénat acquis au gouvernement actuel a accordé l'application, ne permet pas de révoquer un gouvernement régional ou de dissoudre un parlement, mais seulement de donner des ordres directs aux autorités régionales ("...el Gobierno podrá dar instrucciones a todas las autoridades de las Comunidades Autónomas") ; aucun article de la constitution espagnole ne permet au gouvernement central de dissoudre un parlement régional, de convoquer des élections régionales ou de révoquer un gouvernement régional complet, même si la justice peut prononcer des inhabilitations individuelles.
La menace était claire. Le gouvernement espagnol a mobilisé la moitié de l'armée, obtenu un blanc-seing du sénat, montré qu'il bousculerait la justice et ne se laisserait pas arrêter par les droits de l'homme, et commencé, au nom de l'unité du pays, à violer la constitution.
Le gouvernement catalan, fût-il séparatiste, est inconditionnellement non-violent, à l'image des convictions du ministre des relations extérieures Raúl Romeva qui a personnellement vu de près les conséquences d'une sécession sans accord bilatéral. Comme on l'a vu depuis 2012 et plus concrètement encore depuis 2017, ce gouvernement avait tout prévu jusqu'au moindre détail, sauf la violence justement. Il savait cependant que la société catalane est à peu près également divisée sur la question de la souveraineté, et il a vu récemment les barrages sauvages d'unionistes obligeant les automobilistes à clamer "vive l'Espagne". Mais, en interne comme face à l'Espagne, il refusait à tout prix la violence. Il est allé jusqu'au bout du mandat confié en janvier 2016 par le parlement qui l'avait démocratiquement reçu en septembre 2015, et s'est retiré avant l'épreuve de la violence.
La déclaration européenne du 16 décembre 1991 sur les conditions de la reconnaissance de nouveaux Etats reste lettre morte, et les peuples souhaitant établir ou restaurer leur souveraineté dans l'indépendance des Etats-nations jacobins en cours de dilution extra-européenne se voient priver de toute option non-violente.
La sécession de la Catalogne était imparable. Elle avait été soigneusement pensée depuis 2012 et sa préparation concrète avait accaparé l'essentiel de l'activité du gouvernement régional depuis début 2016, face à un gouvernement espagnol qui refusait de s'y opposer et qui n'avait pas les moyens de l'empêcher. Mais la mise en oeuvre de sa phase ultime a été sabotée.
Le gros travail de construction de la transition a été conduit par des juristes constitutionnalistes à la demande de démocrates qui ne voulaient pas d'un simple coup d'éclat suivi d'improvisation, au contraire des territoires qui font sécession par la force ou s'organisent après avoir été abandonnés. Mais la transition devait nécessairement commencer par une rupture puisqu'il ne pouvait pas y avoir de transfert de souveraineté dans le cadre de la légalité espagnole, contrairement par exemple à la séparation de la Slovaquie et de la Bohême-Moravie, ou des territoires d'Afrique Occidentale Française. La prétention d'afficher une ouverture à toute négociation avec l'Espagne qui s'y refusait pourtant absolument, et la nécessité d'enrôler le maire de Barcelone qui appelait "équidistance" entre la séparation et l'union un fantasme de sécession en toute légalité, n'interdisaient pas de tenir un langage clair sur l'inévitable illégalité d'une rupture.
Source de la légalité, la souveraineté est comme le commandement, elle ne peut être duale et il est impossible d'obéir simultanément aux légalités de deux systèmes distincts, qui plus est opposés. La ruse de prétendre obéir jusqu'au dernier moment (tout en préparant secrètement la désobéissance) afin d'éviter aussi longtemps que possible les sanctions et les entraves n'est qu'une feinte, mais l'allégeance de fond doit être clairement identifiée. Un Etat n'est pas qu'un système politique abstrait codifié dans une constitution, c'est une organisation humaine dont chaque membre à sa place doit savoir parfaitement ce qu'on attend de lui, de qui il reçoit ses ordres et d'où ils procèdent (quelle société il sert). Lorsqu'un changement d'autorité a lieu, son moment exact doit être connu de tous. Et il doit surtout être connu des fonctionnaires dont la mission est d'assurer l'autorité de l'Etat. Car c'est pour imposer son ordre public par la force que l'Etat dispose de forces de l'ordre, et de la légitimité conférée par la nécessité et renforcée par l'exclusivité de l'usage, le cas échéant, de la force nécessaire.
Or le gouvernement catalan a été ambigü dès le referendum du 1er octobre, en prétendant laisser ordonner à sa police, par la justice espagnole, d'interdire le déroulement du referendum qu'il organisait. Pourtant la loi 19/2017 du 6 septembre par laquelle le parlement catalan ordonnait au gouvernement catalan d'organiser un referendum proclamait dès son article 2 la souveraineté du peuple catalan, précisait en son article 3 que cette souveraineté était représentée par ledit parlement, et affirmait par le même article 3 que cette loi prévalait sur toute autre et qu'elle régissait toutes les autorités et personnes concernées par le referendum. Dès lors que le gouvernement catalan n'a reconnu aucun effet à la suspension de cette loi par le tribunal constitutionnel et a tenu le referendum, et même s'il a autorisé la direction de la police catalane à participer aux réunions de coordination avec la police nationale et la gendarmerie espagnoles, il aurait dû faire fermement transmettre par la hiérarchie policière la consigne de sécuriser la tenue du referendum. Puisqu'il était inévitable que certains policiers voire certains commissariats complets ne reconnaissent pas la nouvelle légalité découlant de la souveraineté catalane, les policiers "loyalistes" qui ont entravé la tenue du referendum en obéissant aux consignes espagnoles auraient dû, dès les jours suivants, être avertis de leur prochain limogeage pour désobéissance à la nouvelle légalité. Le processus constituant est une entreprise politique longue, mais pour la police, professionnellement concernée par le referendum, le changement d'autorité suprême s'était opéré le 6 septembre et le choix de l'allégeance personnelle sans ambiguïté aurait dû être imposé avant le 1er octobre. L'absence de sanctions, ou du moins d'entretien d'explication car certains policiers catalans se sont trouvés imbriqués dans le dispositif de la police nationale et obligés de participer à ses actions, a entretenu un flou qui n'était destiné qu'à Madrid, et laissé croire même à des cadres que les réquisitions de la justice espagnole prévalaient sur les ordres du ministère de l'intérieur catalan, et sur l'autorité du parlement catalan autoproclamé souverain le 6 septembre.
Dans les situations de chaos, de révolution ou de guerre civile la plupart des acteurs n'ont plus rien à perdre et s'engagent facilement pour un nouvel ordre afin de sortir du désordre. Mais il est beaucoup plus difficile, au niveau personnel, de choisir un nouvel ordre lorsqu'il y en a déjà un en vigueur, c'est-à-dire de quitter volontairement la normalité pour l'incertitude, comme le demandait le gouvernement séparatiste catalan. Le respect du formalisme annoncé devait rassurer tous ceux qui prenaient des risques pour la sécession. Comme on l'écrivait en juillet, la seule garantie que pouvait founir le gouvernement catalan à ceux qui en demandaient était l'assurance de l'irréversibilité du processus, d'autant plus facile que le gouvernement espagnol n'avait pas les moyens de s'y opposer sans intervention militaire lourde. Car le gouvernement catalan disposait d'un atout majeur dont manquent la plupart des mouvements sécessionnistes, en l'occurrence une force de police, et de plus une police déployée, déjà en charge de l'ordre public depuis des décennies, et sans concurrence auprès de la population de la part d'une police nationale présente seulement dans quelques points de la région (ports et services spécialisés). Cet atout était décisif, raison pour laquelle on déterminait dans la Neuvième Frontière que "c'est la réponse du commandement des mossos d'esquadra qui déterminera la suite des événements". Néanmoins, en dépit de son contrôle total et indiscutable de son territoire, le gouvernement catalan a commencé par repousser sa présentation au parlement des résultats du référendum, puis lorsqu'il l'a effectuée il lui a demandé de suspendre les effets de la déclaration d'indépendance que le parlement s'était engagé (par la loi 19/2017) à effectuer dans les deux jours de la proclamation des résultats. De ce fait, le gouvernement catalan a produit de l'incertitude, et ne l'a pas dissipée quand le gouvernement espagnol a demandé si l'indépendance avait été proclamée, vraisemblablement par souci d'image de modération et dans l'espoir d'une négociation avant sécession.
Cependant la politique n'est pas faite seulement de construction juridique et d'organisation sociale, elle comprend aussi la polémologie. Il n'existe pas de négociation possible entre une entité supérieure et un élément subordonné, entre le tout et une partie, entre un Etat et une collectivité territoriale. L'autodétermination interne avait été refusée, et sept ans s'étaient écoulés sans progrès depuis la révocation du statut d'autonomie de 2006. La souveraineté est indivisible et l'indépendance se prend, unilatéralement donc nécessairement illégalement si la légalité antérieure s'y refuse. On ne peut pas négocier les mains vides en menaçant de saisir des atouts, on saisit d'abord ces atouts pour avoir en mains de quoi procéder à un échange. La seule négociation possible, et on savait que dans le cas de l'Espagne et de la Catalogne les deux parties y ont intérêt, ne pouvait se tenir qu'entre égaux, c'est-à-dire après la sécession, car on ne peut négocier en situation de dépendance. De même aucun Etat et aucune organisation internationale ne pouvait reconnaître l'indépendance d'un territoire qui ne l'avait pas proclamée, ou en "suspendait" les effets. La politique est un art pratique, qui se base sur les faits. Certains acteurs internationaux avaient pourtant un intérêt très fort à la sécession de la Catalogne, et d'autres un intérêt pragmatique à reconnaître cette sécession dès qu'elle aurait lieu, mais aucun ne peut prendre les devants tant que la Catalogne se reconnaît espagnole.
Certains politiciens catalans se sont effrayés de la possibilité de l'application de l'article 155 de la constitution espagnole. Cet article qui prévoit que le gouvernement central adresse des instructions directes au gouvernement régional, sans moyen de coercition en cas de désobéissance, est pourtant très mou, raison pour laquelle le gouvernement espagnol l'a outrepassé dès qu'il lui a été accordé par le sénat, lequel savait d'ailleurs bien qu'il ne s'agirait que d'une couverture pour violer la constitution. Mais la possibilité de mesures administratives dans le cadre constitutionnel de l'ancien Etat n'aurait pas dû concerner les membres d'un gouvernement qui avait proclamé la souveraineté et entendait prendre son indépendance. La seule chose qui aurait dû les inquiéter était la possibilité de l'usage de la force, s'ils l'estimaient supérieure, en l'occurrence l'armée espagnole mais ni la police nationale ou la gendarmerie, ni a fortiori des juges incapables de faire arrêter dans la rue les suspects qu'ils convoquent à se livrer aux tribunaux.
Finalement le parlement catalan a bien proclamé, le 27 octobre, la déclaration d'indépendance signée le 10. S'il y avait eu des doutes après la malheureuse "suspension des effets" du 10 octobre, la proclamation du 27 permettait de les lever. Il faut en effet un acte officiel de décrochage, dit "déconnexion" par les constitutionnalistes catalans, à savoir une date et une heure à partir desquelles la souveraineté entre en vigueur et l'autorité change de siège. La Catalogne étant désormais indépendante de l'Espagne, cela signifiait que les décisions du gouvernement espagnol ne concernaient plus le gouvernement catalan. Pourtant, dès que le gouvernement espagnol a, dans le cadre de son outrepassation des mesures prévues à l'article 155 de sa constitution, annoncé la révocation du directeur général de la police catalane, celui-ci a annoncé son départ à ses subordonnés. Il aurait dû être alors immédiatement rappelé à l'ordre et à ses obligations de service par le ministre de l'intérieur de la république catalane nouvellement indépendante. Puis dès que le gouvernement espagnol, enhardi par ce succès, a annoncé d'autres révocations dont le chef de la police puis les ministres, le gouvernement catalan aurait dû formellement et publiquement rappeler qu'il ne dépendait plus de l'Espagne. Lorsque le gouvernement espagnol a ordonné au commissaire qu'il avait "nommé" chef de la police d'interdire l'accès des ministres catalans à leurs ministères le lundi matin, le gouvernement catalan aurait dû faire répondre par le chef légitime que la police obéissait exclusivement au gouvernement catalan, et elle l'aurait alors fait puisqu'aucune force n'était en mesure de la neutraliser ce jour-là. En laissant les ministres déclarer individuellement ce qu'ils feraient ou pas, les autorités suprêmes catalanes ont abdiqué. En laissant les représentants de la Catalogne à l'étranger déclarer que puisque le gouvernement espagnol les avait révoqués ils n'ouvriraient pas leurs représentations le lundi, le gouvernement catalan a abandonné l'un de ses atouts principaux, mais surtout sa stature internationale, sa qualité de sujet de droit international votée le 6 septembre et proclamée le 27 octobre, et sa capacité de communiquer avec ses pairs Etats souverains, mentionnée dans la convention de Montevideo comme l'un des quatre critères principaux de la souveraineté internationale. Il ne lui restait plus qu'à accepter la convocation anticonstitutionnelle d'élections par le gouvernement espagnol, c'est-à-dire la dépendance totale allant même jusqu'à la perte de l'autonomie antérieure.
Devant cette débandade générale du gouvernement et des services catalans, la présidente du parlement (qui aurait dû rappeler au gouvernement son indépendance et l'impertinence des décisions espagnoles) a, lundi 30 octobre, déclaré que le parlement s'était dissous. Certes sans exécutif, le législatif est impuissant. Dans certains cas il a assez de légitimité pour nommer un gouvernement temporaire ou donner les pleins pouvoirs à un dictateur (au sens de la science politique), mais en l'occurrence le parlement manquait d'ancienneté dans la souveraineté, et de forces militaires pour une éventuelle confrontation.
Les dirigeants abdiqués peuvent maintenant changer d'avis, se démener à l'étranger ou en prison, appeler toutes les institutions internationales à dicter (en contradiction avec le droit international) la partition de l'Espagne, ou implorer l'électorat de leur donner une troisième chance, ce sera peine perdue. Il faudrait au moins une génération pour que l'électorat oublie cette débandade, or dans une génération les Catalans seront très minoritaires en Catalogne. La Catalogne ne reprendra plus son indépendance. Le gouvernement espagnol veut faire juger ces anciens dirigeants pour rébellion (violente), la justice espagnole les condamnera pour sédition (pacifique). Mais les Catalans, indépendantistes et unionistes à l'unisson, devraient les juger pour trahison.
Source : http://stratediplo.blogspot.fr/2017/11/comment-avorter-une-secession-imparable.html
Le plébiscite de l'indépendantisme, organisé en Catalogne par le gouvernement espagnol en violation de l'article 152 de la constitution espagnole et des articles 4 et 75 du statut catalan, valide le referendum et reconduit l'impasse.
Le 28 octobre 2017, le gouvernement espagnol a fallacieusement invoqué la constitution du 27 décembre 1978 pour révoquer le gouvernement catalan restauré le 29 septembre 1977. Plus précisément, ayant obtenu la veille l'autorisation sénatoriale d'appliquer l'article 155 de la constitution, c'est-à-dire de donner des ordres directs aux autorités catalanes ("el Gobierno podrá dar instrucciones a todas las autoridades de las Comunidades Autónomas"), il les a carrément révoquées, ce qui perturbe depuis lors le sommeil des constitutionnalistes tant espagnols que catalans. Tout en se refusant à proclamer l'état de siège prévu à l'article 116 de la constitution, seule possibilité légale de retrait (temporaire) de compétences au gouvernement d'une communauté autonome, le gouvernement central s'est même permis de convoquer des élections catalanes, s'arrogeant de facto les compétences qui appartiennent de jure au président catalan selon l'article 56 (alinéa 4) du statut d'autonomie. Le parlement catalan ayant cependant accepté sa dissolution anticipée par violation de l'article 66 du statut, qui attribue exclusivement au président catalan la compétence de le dissoudre, il est effectivement renouvelé par le scrutin de ce 21 décembre.
C'est vraisemblablement pour éviter une condamnation internationale, et en particulier l'application de l'article 7 du Traité sur l'Union Européenne qui aurait facilité la reconnaissance de l'indépendance de la Catalogne par l'Union Européenne, que le gouvernement espagnol s'est refusé à proclamer l'état de siège, quitte à violer les deux constitutions, et l'absence de tollé à ce sujet lui a donné raison. De même, c'est vraisemblablement pour éviter l'affront d'un refus catégorique de la Belgique (voire l'octroi de l'asile politique) que le gouvernement espagnol a retiré au bout d'un mois le mandat d'arrêt international concernant le président catalan Carles Puigdemont actuellement exilé en Belgique (avec quelques ministres), tout en répétant qu'il serait arrêté dès son retour en Espagne.
Conformément à l'article 67 du statut, le président catalan, nommé par le roi en janvier 2016 et irrévocable par le gouvernement espagnol, mais certes passible d'inéligibilité par décision judiciaire comme son prédécesseur après plus de deux ans de jugement, a officiellement cessé ses fonctions aujourd'hui de par l'élection d'un nouveau parlement. Le scrutin, bien que convoqué un jour de semaine car il se trouve plus de séparatistes parmi les jeunes et plus d'unionistes parmi les retraités, tenu en l'absence d'observateurs étrangers et avec interdiction de publication de sondages depuis samedi, a cependant connu une participation record de 82 %, et à peu de choses près répété les résultats du scrutin de septembre 2015.
Dans l'ensemble les Catalans ont plébiscité leur parlement illégalement dissous, reconduit leurs députés, exprimé leur confiance et renouvelé leur mandat au gouvernement anticonstitutionnellement déposé.
Le Parti Populaire (droite) au pouvoir à Madrid a évidemment été désavoué et perd des sièges par rapport à la dernière législature, ses sympathisants ayant préféré voter pour le parti Citoyens, qui termine ainsi premier parti de Catalogne (en forte progression) bien qu'incapable de former un gouvernement, ni seul ni en lui alliant le Parti Populaire, voire le Parti Socialiste et même le parti ambigu En Commun Nous Pouvons. Les partis indépendantistes Gauche Républicaine et Ensemble pour la Catalogne (droite), qui avaient formé une liste commune il y a deux ans et s'étaient alliés à la Candidature d'Unité Populaire (extrême-gauche indépendantiste) pour gouverner, arrivent en deuxième et troisième position et peuvent de nouveau former un gouvernement en s'alliant de nouveau à la CUP. Ces deux grands partis passent ensemble de 62 à 66 sièges sur 135, et si leur allié la CUP au langage extrémiste passe de 10 à 4 sièges en perdant 43 % de son électorat, l'indépendantisme a au total progressé d'une centaine de milliers de voix (l'abstention ayant baissé) et garde ainsi la majorité absolue au parlement catalan. Jusqu'à présent Ensemble pour la Catalogne déclarait ne pas vouloir investir d'autre président que Carles Puigdemont, le président en fonction jusqu'à ce jour et en exil en Belgique, et la Gauche Républicaine déclarait vouloir investir l'actuel vice-président "non déserteur" Oriol Junqueras, emprisonné mais légalement pas plus inéligible que Puigdemont puisque la justice n'a pour l'instant condamné que les membres du gouvernement échu fin 2015. Sauf erreur le seul élu qui ait déclaré abandonner la vie politique est Carme Forcadell, la présidente du parlement dissous par l'élection d'aujourd'hui. Le plus surréaliste est que le parti des anarchistes "indignés" En Commun Nous Pouvons, qui confirme son ambiguïté puisque le maire de Barcelone Ada Colau a appelé ce matin à voter pour la souveraineté alors qu'elle avait facilité en octobre le coup institutionnel espagnol, n'a pas été sanctionné par l'électorat, mais s'est lui-même marginalisé au centre de l'éventail politique, incapable d'apporter un appui décisif ou utile même en sièges (sans parler évidemment de programme) pour la constitution d'un gouvernement.
Fidèle à son indécision et à sa faiblesse conceptuelle, le gouvernement espagnol qui n'a eu aucune hésitation à violer la constitution espagnole et le statut catalan pour convoquer ces élections n'a cependant, comme en 2015, pas eu la détermination (les Espagnols usent d'un autre mot) d'interdire la présentation des partis porteurs de programmes politiques illégaux, qui prônent ouvertement la sécession, que le code pénal espagnol qualifie de sédition si elle est pacifique et de rébellion si elle est violente. Tout le travail espagnol, improvisé en octobre par refus d'affronter la réalité annoncée début 2016 et matérialisée au printemps puis à l'automne 2017, est ainsi réduit à néant puisqu'il a été permis à l'électorat catalan d'élire les mêmes partis et de reconstituer le même parlement (à quelques députés près) sur le même programme. Ce parlement a maintenant deux mois pour désigner un président de gouvernement, auquel il donnera mandat de mettre en pratique le programme sur lequel la majorité des députés ont été élus, et que le roi devra nommer. Certes, puisque le gouvernement espagnol a pu impunément déposer de facto le gouvernement catalan une première fois, il pourrait le faire de nouveau, bien qu'il ne soit pas certain que le nouveau gouvernement catalan l'avale.
Conséquemment à l'inexplicable débandade volontaire d'un gouvernement catalan qui, après sa proclamation de l'indépendance (évidemment contraire au droit espagnol), a accepté d'être destitué par violation multiple de la constitution, on pouvait s'attendre à ce que l'électorat catalan ne donne plus sa confiance aux mêmes partis et députés, et qu'il vote pour une grande part pour les partis loyalistes, et pour une plus petite part pour le parti séparatiste unilatéraliste. Mais l'électorat semble obstiné.
L'Etat espagnol, qui reconnaît un peuple catalan depuis septembre 1977, voit certainement dans le concept de démocratie un gouvernement par un peuple, mais pas nécessairement ni indépendamment par le peuple gouverné. Le peuple catalan, lui, semble avoir parfaitement compris que la démocratie permet à la fois l'irresponsabilité des gouvernants à durée déterminée et mandat limité, et l'inconséquence des votants tenus seulement de décharger leurs devoirs civiques sur des mandataires.
Par l'imposition de ce scrutin nouveau sans changement des modalités par rapport au précédent, le gouvernement espagnol n'a fait que démontrer d'une part son irresponsabilité historique en matière d'unité de l'Espagne, et d'autre part son mépris autant pour l'esprit de la démocratie que pour la lettre de la constitution. Cela devrait ôter leurs derniers scrupules aux séparatistes soi-disant "légalistes". Finalement, après avoir de la sorte apporté à l'électorat catalan la possibilité de plébisciter les partis, le parlement et le gouvernement qui ont organisé le referendum d'autodétermination du 1er octobre, le gouvernement espagnol peut difficilement contester la légitimité démocratique de celui-ci.
Pour sa part le gouvernement qui sera prochainement constitué par le parlement catalan avec pour mission de conduire le pays à l'indépendance aura le lourd handicap d'assumer la succession d'un gouvernement qui a aliéné en octobre ses deux atouts majeurs (soulignés dans la Neuvième Frontière), à savoir l'autorité sur la police catalane et la promesse d'irréversibilité du processus de sécession.
Si 2017 était l'année de la sécession de la Catalogne, 2018 pourrait bien être l'année de l'ingouvernabilité de l'Espagne.
Source : http://stratediplo.blogspot.fr/2017/12/le-plebiscite-catalan-legitime-le.html
Mercredi dernier 14 février le Tribunal Suprême espagnol s'est enfin trouvé confronté à un véritable homme d'Etat catalan.
Contrairement aux politiciens qui ont été arrêtés par surprise lors d'une audition devant un tribunal, les autorités espagnoles n'ayant pas osé tenter d'arrêter des élus catalans dans la rue ou chez eux, ou à ceux qui se sont exilés pour préserver illégalement leur liberté, celui-ci s'est présenté, sur convocation, avec un petit nécessaire de toilette et la ferme conviction d'un transfert direct du bureau du juge à la prison sans passer par la case départ+20000.
Ne répondant qu'aux questions de son avocat et à quelque interrogation directe du juge, ce politicien a impassiblement ignoré toutes les questions du ministère public (procureur) et de la prétendue "accusation populaire", sorte de partie civile privée espagnole se déclarant lésée par le sécessionnisme catalan. Il a cependant répondu (à mots comptés mais pesés) en espagnol, tranchant ostensiblement avec son habitude de s'exprimer principalement en aranais (langue d'oc) au sein du parlement catalan où cette langue est co-officielle, et n'arborait d'ailleurs pas le fameux tricot rouge à la croix du Languedoc jaune soulignant parfois sa présence, sans qu'il lui soit besoin de bomber le torse, lors des actes officiels du gouvernement catalan.
Sans chercher à construire une défense basée sur le mensonge concernant ses actes ou ses intentions et donc un aveu, feint ou réel, de trahison du mandat confié par ses électeurs, cet élu a choisi d'assumer jusqu'au bout la mission qui lui a été confiée, même au-delà de son mandat parlementaire terminé de facto par la dissolution (anticonstitutionnelle) du parlement catalan le 28 octobre puis de jure par l'élection d'un nouveau parlement le 21 décembre, et même aux dépens de sa vie privée et de sa liberté. Il s'agit là d'ailleurs d'un tournant parmi l'ensemble des procès des divers impliqués dans la déclaration d'indépendance du 10 octobre, puisque tous les accusés, à commencer par la présidente du parlement, le président et le vice-président du gouvernement, ont assuré que cette déclaration, puis sa proclamation du 27 octobre, n'était que "cosmétique" et ne poursuivait qu'un but symbolique sans véritable intention de sécession.
Ce 14 février, l'ancien chef du groupe parlementaire d'extrême-gauche anticapitaliste la Candidature d'Unité Populaire, sans sourciller ni accuser quelqu'autre élu des autres partis, n'a personnellement confessé aucune faute, prétexté aucun malentendu et exprimé aucun regret. Il n'y a aucun doute en son esprit et il ne peut y en avoir pour la justice espagnole. La déclaration unilatérale d'indépendance était bien soupesée, elle visait l'instauration d'une république de Catalogne totalement indépendante du royaume d'Espagne, et le parlement catalan a bien voté et approuvé cette déclaration dans l'intention incontestable de la rendre effective. Si le gouvernement catalan ne s'était pas débandé après le coup d'Etat (mot de ce député pour désigner la violation de la constitution et du statut par l'exécutif espagnol) déguisé en application de l'article 155, et s'il avait au contraire poursuivi son mandat récemment confirmé dans les urnes, la Catalogne serait irrévocablement souveraine. Et c'est bien dans cet esprit de sécession concrète et réelle que les députés de la CUP, dont le chef du groupe parlementaire, ont voté en faveur de la déclaration d'indépendance, comme cela leur avait été demandé par leurs électeurs et confirmé par consultation interne, ce qui laisse d'ailleurs entendre qu'ils auraient voté ainsi, au nom de leur base, même si le referendum n'avait pas pu se tenir ou s'était soldé par une victoire de l'unionisme. L'ancien député de la CUP a ajouté que celle-ci n'a pas changé une virgule à son programme indépendantiste explicite matérialisé dans la déclaration d'indépendance.
En passant, l'ancien chef de groupe parlementaire a loué le calme exemplaire de la population catalane durant tout le processus, y compris face aux violences policières, et a assuré que les détériorations de véhicules de gendarmerie intervenues les 20 et 21 septembre à Barcelone avaient été provoquées par des journalistes. Pour mémoire, il s'agit du seul acte de violence (sans blessés) que la justice espagnole ait trouvé pour inculper certains politiciens et chefs d'associations de rébellion, alors que sans recours à la violence la tentative de sécession ne pourrait être qualifiée que de sédition, les deux délits de sédition et rébellion étant bien distincts dans le code pénal espagnol.
Beaucoup plus important, l'accusé caractérisé par sa cohérence, sa franchise et son courage face à l'éventualité de l'emprisonnement, a déclaré tout ignorer d'une part du fameux document EnfoCATs, et d'autre part du prétendu "comité stratégique" mentionné dans ce document, et n'en avoir jamais entendu parler avant que la presse n'en fasse ses gros titres. Or ce document à l'authenticité incertaine est la base sur laquelle la justice espagnole accuse les indépendantistes d'avoir sinon fomenté du moins souhaité une explosion de violence dans la rue, ce qu'elle déduit (abusivement) de l'expression "conflit démocratique", et donc d'être coupables d'intention de rébellion (violente) en plus du délit consommé de sédition (non violente). Le seul exemplaire connu de ce document, type présentation Powerpoint rédigée en catalan, est celui présenté par la justice à la presse après sa prétendue découverte lors d'une perquisition en septembre chez un adjoint du vice-président catalan. Ce document, s'il est authentique, aurait été rédigé au tout début 2016, au moment de la constitution du gouvernement issu des élections de septembre 2015 considérées comme un mandat de conduite à l'indépendance, et ne prévoyant pas de referendum (qui fut incorporé à la feuille de route plus tard). Bien que le mot violence n'y figure que dans l'expression, parmi les hypothèses, de "réaction violente de l'Etat" (espagnol), et qu'il ne consiste qu'en généralités reprenant le langage démocratique et non-violent du Livre Blanc sur la Transition Nationale, son opportune apparition a le mérite (c'est d'ailleurs son seul apport) de lier entre elles toutes les figures de l'indépendantisme, puisqu'il prévoit parallèlement à l'officiel gouvernement de transition un "comité stratégique" de direction, composé des membres les plus importants du gouvernement, des chefs de groupes parlementaires indépendantistes, des chefs de partis indépendantistes et des chefs d'associations souverainistes, en singulier contraste avec le discours démocratique du parlement et du gouvernement. Si le juge Pablo Llarena tient tant à ce document, en prétendant qu'il démontre la recherche de violence alors qu'une simple lecture suffit pour voir que c'est faux, c'est peut-être en vue d'une accusation de constitution d'une instance gouvernementale clandestine.
Le fait que le chef du groupe parlementaire le plus irréductiblement indépendantiste, et qui fait parallèlement preuve d'une honnêteté totale tant vis-à-vis de ses électeurs catalans que de la justice espagnole, déclare n'avoir jamais entendu parler de ce comité prétendument existant depuis deux ans et dont il devrait être membre de droit, ne porte pas seulement un sérieux coup à l'accusation d'intention de rébellion violente portée par le ministère public sur la base de ce document, mais surtout à toute future accusation de dictature occulte par un comité non élu. Semblant accorder sa confiance à l'accusé, et au contraire d'autres imputés, le Tribunal Suprême espagnol l'a laissé en liberté.
Cet homme politique catalan (ou plutôt aranais) qui montre la carrure d'un véritable homme d'Etat est une femme, Mireia Boya.
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michel (lundi, 02 octobre 2017 14:45)
90% pour l'indépendance et seulement 42% de Catalans ont participé au référendum....
Qui tire les ficelles pour l'indépendance de la Catalogne? certainement pas la Russie.
Stratediplo ne semble pas bien maîtriser son sujet car les gens informés savent au moins depuis 2016 que c'est Sorros et les maîtres (les globalistes) de l'Amérique qui financent l'indépendance de la Catalogne.