Michel Goya est colonel (ER) des troupes de marine, docteur en histoire et ancien titulaire de la chaire d’histoire militaire à l’École de guerre.
Il a récemment publié "Les vainqueurs". Comment la France a gagné la Grande Guerre (Tallandier, 2018).
Nous republions ici, à l’occasion du 75e anniversaire du D-Day, ce texte initialement paru dans Le Figaro du 6 juin 2014.
Colonel dans l’armée française, l’historien Michel Goya a connu l’expérience du combat à Sarajevo. Il imagine ici, dans un
récit saisissant de réalisme, l’épreuve du feu vue par un soldat américain le 6 juin.
Je m’appelle Mike. Je viens de Virginie, et je vais peut-être mourir en Normandie, une région dont je connaissais à peine l’existence. Je me suis porté volontaire
pour servir à la 29e division d’infanterie. Je cherchais l’aventure et
je voulais combattre les nazis. Maintenant, dans le bateau Higgins qui m’amène avec la sixième vague d’assaut vers Omaha Beach, le drapeau, la
liberté, je n’y pense plus. J’espère juste être à la hauteur et survivre. J’ai confiance en moi, dans mes camarades, dans mes chefs.
Dans l’immédiat, je n’ai qu’une envie, c’est quitter ce bateau qui tangue et les paquets d’eau glacée qui me fouettent le visage. Tout vaut mieux que d’attendre
ainsi depuis des heures. Je serre mon fusil Garand. J’essaie de me calmer en fantasmant sur mon action sur la plage. Notre corps commence à se
transformer. J’ai soif, j’ai envie d’uriner. Mes pupilles grossissent. Le temps s’étire. Il reste quelques centaines de mètres du rivage. Ce qui me frappe alors c’est le bruit. J’ai l’impression
que nous entrons dans un tambour géant. C’est l’effet du frottement sur l’air des balles des mitrailleuses allemandes MG42 qui passent au-dessus
de nous à une vitesse supérieure à celle du son.
C’est le moment. La rampe du Higgins descend. Certains sautent sur les côtés. L’un d’eux trébuche devant la rampe
qui lui fend le crâne en tombant. C’est le premier mort de la section. Nous avons de l’eau jusqu’aux chevilles. La marée montante entasse les cadavres. Je vois flotter des membres coupés. Un
corps que j’enjambe a son visage troué. Ces images d’horreur, mon cerveau les enregistre dans tous leurs détails et je sens qu’elles resurgiront plus tard. En attendant, il passe à autre chose,
se concentrant sur ce qui peut me servir à survivre.
Nous nous ruons vers le talus de galets à 300 m de là, seul abri sûr de la zone. Nous courons dans le sable, entre les corps, les hérissons métalliques et les
équipements qui traînent sur le sol. Jesse Owens mettrait une trentaine de secondes, j’ai l’impression de mettre des heures face à des mitrailleuses qui peuvent lancer 1 000 cartouches par
minute. Au roulement de tambour s’ajoutent maintenant des sifflements très déplaisants. Il paraît que c’est le cône de vide derrière la balle qui provoque ça. Cela signifie surtout que cela passe
très près. Plus rien n’existe que le mur de galets devant lequel je finis par m’affaler.
Le champ de bataille se rétrécit alors d’un coup. Je fixe un instant un casque abandonné à côté de moi. Je perçois que l’air non plus n’est plus le même. C’est un
mélange d’odeurs de mer, de poudre, de terre remuée peut-être. Je dois absolument faire quelque chose, n’importe quoi mais je n’arrive pas à me décider. J’attends un ordre, n’importe lequel. Mon
voisin ouvre le feu par-dessus le talus de galet. Je l’imite. Je tire, très vite, sans prendre la visée ni retenir ma respiration comme à l’entraînement. Tirer me rassure, me donne le sentiment
que je peux faire autre chose que subir cet enfer. Mon cerveau fonctionne très vite maintenant.
Devant nous, entre la levée de galets et la pente abrupte, il y a encore 200 m d’herbe et de sable. On distingue un chemin qui mène au sommet. Des sapeurs et des
fantassins sont couchés devant les barbelés pour y faire exploser des bangalores. Le lieutenant nous ordonne de tirer sur le bunker à droite du
chemin pour aider les gars qui grimpent vers le sommet. Nous nous préparons à avancer aussi.
En avant! Nous obéissons comme des automates. Le tir allemand est plus sporadique. Le déplacement dans l’herbe et le sable est pénible. Je suis tendu vers cette
fameuse piste. Le passage dans les barbelés est étroit. Nous montons jusqu’au plateau. Nous apercevons un village au loin. Nous devons nettoyer le bunker sur lequel nous avons tiré. Cette fois,
c’est nous qui avons l’initiative. Nous pouvons avancer comme à l’exercice, par petits bonds, en nous appuyant mutuellement. Nous sautons dans une tranchée bétonnée. Je tire dans l’entrée pendant
que le sergent s’approche et lance une grenade. Je fonce derrière lui juste après l’explosion. Il y a de la poussière et une odeur âcre de poudre partout. Il n’y a personne. Les Allemands ont
évacué la position avant notre arrivée. Je comprends soudainement que je survivrai à cette journée sans une égratignure et sans avoir vu un seul ennemi.
Ce qui reste de la section finit de se regrouper autour du bunker. Je peux voir toute la plage. La mer est couverte de bateaux. Le ciel est rempli de ballons. La
place est pleine d’hommes, les cadavres que l’on regroupe, les blessés qui sont soignés sur place ou évacués mais surtout les colonnes de ceux qui débarquent encore. Des bateaux éventrés, des
chars engloutis, un désordre inouï mais le sentiment de faire partie d’une machinerie d’une immense puissance.
Je sens que la zone de mort, cette bulle de violence qui s’ouvre parfois dans le monde normal des hommes, est en train de se refermer. Je sors sans bouger d’un
endroit où il m’a fallu en quelques minutes absorber les émotions de toute une vie.
Le jour le plus long
C’était il y a soixante-quinze ans, ce pourrait être il y a des siècles. La plus formidable des opérations militaires de l’histoire. L’une des plus fabuleuses
démonstrations de courage dont elle ait donné l’occasion. Pour le 75e anniversaire du débarquement
Le débarquement du 6 juin 1944 au prisme de la presse d’époque
...par Henri Saint-Amand - Consultant
Comment la presse de l’époque a-t-elle relaté le débarquement du 6 juin 1944 ? En cette période trouble, les rares journaux publiés sont victimes non
seulement de la pénurie de papier mais aussi de la censure de l’occupant nazi. Celui-ci a durci, le 10 janvier 1943, les conditions d’édition, « défendant toute publication qui nuit au prestige du Reich allemand, qui est préjudiciable à
l’ordre et au calme dans les territoires occupés ou qui met en danger les troupes d’occupation ». Pour autant, sans nier la réalité, il faut l’encadrer. C’est pourquoi, le lendemain
du débarquement, le quotidien L’Action française, dirigé par Charles Maurras
et Maurice Pujo, titre-t-il en une : « Les Anglo-Américains tentent un
débarquement le long de la côte normande. » Le journal insiste sur le fait que ce débarquement était attendu depuis longtemps et reprend les propos du chef de la presse du
Reich, le Dr Otto Dietrich (1897-1952) : « Ce matin, à l’aube, nos
adversaires ont commencé, sur ordre de Moscou, leur sanglant calvaire à l’Ouest […] Nous leur réservons un “chaleureux” accueil. L’Allemagne […] se battra avec toutes ses forces […]
devant l’assaut de la barbarie. »
Le journal La Croix est plus mesuré dans
ses propos. Avec une neutralité toute jésuitique, il indique qu’aux « premières
heures de la journée, peu après minuit, les forces anglo-américaines, sous les ordres du général Eisenhower, ont commencé d’importantes opérations de débarquement […] » Il
informe aussi ses lecteurs que ce débarquement « s’accompagne de violents
bombardements […] notamment contre les régions de Calais et de Dunkerque ». Le Matin1 annonce
que « la France redevient un champ de bataille », que « l’épreuve de force a commencé » et que « plusieurs divisions aéroportées ou parachutées ont été soit anéanties soit capturées
». À côté de sa une, le journal lancé en 1883 reprend le message radiodiffusé du maréchal Pétain exhortant les Français « au calme et à la discipline ».
Le ton est, bien entendu, différent dans les journaux clandestins de la Résistance. L’Humanité daté du 9 juin titre : « Vers les combats décisifs » et se réjouit du débarquement… à sa
manière : « Ainsi en ce matin du 6 juin 1944 s’annonce la création du second
front qui va hâter l’effondrement de l’Allemagne hitlérienne et parachever les grandioses victoires remportées sur le front de l’Est par l’héroïque Armée rouge qui, sous le commandement
du maréchal Staline, se prépare à lancer de nouveaux assauts. » Le quotidien communiste appelle les Français à l’action et à l’insurrection, allant jusqu’à
écrire « Vive nos Alliés anglo-soviéto-américains » !
Le journal Résistance2 daté
du 25 juin s’intéresse à la souveraineté de la France en passe d’être retrouvée, appelant chacun à prendre les armes contre l’ennemi : « La libération est commencée. Les Alliés débarqués sur le sol national se préparent, avec l’aide
des forces françaises de l’intérieur, à refouler l’Allemand hors du territoire qu’il souille. »Université libre, organe des comités universitaires du Front national 3,
annonce en une : « Quand Hitler songe à Iéna et à 1806 », promettant
que « bientôt, comme en 1806, la guerre flambera sur le sol allemand ».
Il avait titré, presque de manière prémonitoire dans son édition du 1er juin
1944 : « Le Jour J est aujourd’hui. »
Quand les quotidiens paraissent le 7 juin, le débarquement est une réussite mais la situation reste précaire car les Alliés ne tiennent qu’un petit bout de
territoire et toutes les jonctions entre les principales unités ne sont pas effectuées. Ce n’est que le 7 juin au soir que les Alliés peuvent disposer d’une tête de pont de 15 km sur 15,
soit seulement 225 kilomètres carrés sur 552.000 km2 :
0,04 % du territoire.
Résistance n° 24 du 25 juin 1944 (le n° 23
est daté du 30 avril 1944). Le journal Résistance a été créé en 1942
par le docteur Marcel Renet (1905-1979) ↩
Le Front national, ou Front national de lutte pour la libération et l’indépendance de la France, a été créé en 1941 par le Parti communiste
français. ↩
75 ans du Débarquement : les invités et les absents des cérémonies en Normandie
HISTOIRE - La France commémore jeudi le Débarquement du 6 juin 1944. Une journée pour laquelle quelque 500 vétérans vont faire le déplacement, ainsi qu'une flopée de dirigeants internationaux. A
l'exception d'un...
05 juin 18:32 - La rédaction de LCI
Plus de 30.000 personnes, dont près de 500 vétérans : une foule colossale est attendue cette semaine aux principales cérémonies de commémoration du D-Day. Avec, en
point d'orgue, une cérémonie internationale prévue le jeudi 6 juin, en présence de plusieurs dirigeants.
Ils seront là en Normandie :
Jeudi matin, Emmanuel Macron retrouvera Theresa May et des vétérans britanniques pour la pose de la première pierre d'un mémorial britannique à Ver-sur-mer
(Calvados). Ce sera le dernier rendez-vous officiel de Theresa May avant sa démission vendredi. Donald Trump sera également présent, et coprésidera avec Emmanuel Macron la cérémonie prévue à
11h00.
De son côté, le Premier ministre Edouard Philippe présidera en fin de journée une cérémonie à Courseulles-sur-mer (Calvados), en présence de plusieurs têtes
couronnées européennes. Seront présents le Premier ministre du Canada Justin Trudeau et celui de Belgique Charles Michel. La ministre des Armées Florence Parly présidera pour sa part un hommage
aux forces britanniques à Bayeux en présence du prince Charles.
Le matin, le premier ministre sera à Sainte-Mère-Eglise. Il devrait être accompagné entre autre du Prince Albert II de Monaco. Autre personnalité, l'ancien
secrétaire d'État et candidat à la présidentielle américaine, John Kerry, sera lui aussi présent dans la Manche à l'occasion de ces commémorations.
Ils ne seront pas là en Normandie :
Le grand absent des commémorations sera sans nul doute Vladimir Poutine le président russe n’a pas été convié, ni en Angleterre ni en France. En cause : le conflit
ukrainien. Toutefois, la Russie sera représentée par un membre de l'ambassade, nous indique-t-on auprès du service presse de l'ambassade.
A noter qu'Emmanuel Macron ne présidera pas la cérémonie internationale prévue à 18h00. "Je pense que c'est une question d'agenda et qu'il n'est pas très simple de
tout faire pour le président d'un point de vue matériel", a déclaré le mois dernier Geneviève Darrieussecq, secrétaire d'Etat auprès de la ministre des Armées. La secrétaire d'Etat avait dit ne
pas savoir où serait le président pendant la cérémonie internationale. Elle a souligné que le président a déjà prévu "des gestes très très forts" pour cette commémoration.
75e anniversaire du Débarquement : l’absence de Poutine est une insulte à l’Histoire !
Patrick Robert - Chef d'entreprise - Le 06/06/2019.
La situation n’est pas claire : l’ambassadeur de Russie a affirmé avoir reçu l’invitation, l’Élysée, de son côté, a fait savoir que Vladimir Poutine n’avait pas
été convié aux cérémonies commémoratives du 75e anniversaire
du Débarquement. Curieuse méthode…
En tout cas, Poutine n’est pas présent en Normandie.
Donald Trump est pourtant bel et bien là…
Cette « macronnade » de plus illustre bien le profond mépris du Président pour l’Histoire.
Rappelons donc quelques faits.
La guerre sur le front de l’Est entre l’Allemagne et la Russie a été la plus effroyable et meurtrière de tous les conflits : 30 millions de morts, moitié
militaires, moitié civils. Avec des épisodes particulièrement sanglants, comme les 900 jours de siège de Leningrad : 1 million de morts.
Et pendant que les Alliés étaient stoppés en France par l’armée de l’Axe, Staline lançait, à l’été 1944, une gigantesque offensive qui mobilisa, à l’Est, la
quasi-totalité de l’armée allemande, empêchant ainsi l’envoi de renforts à l’Ouest.
170 divisions de l’armée allemande étaient en opération sur le front de l’Est, contre 20 à l’Ouest.
C’est le maréchal Joukov, commandant en chef de l’Armée rouge, qui a anéanti la Wehrmarcht et recueilli la capitulation de l’Allemagne à Berlin, en mai
1945.
Le tribut payé par le peuple russe (ou soviétique, si on préfère) a été particulièrement lourd : destruction de 1.710 villes, 70.000 villages, 2.500 églises,
31.850 établissements industriels, 40.000 hôpitaux, 84.000 écoles ainsi que 60.000 km de voies de chemin de fer.
Churchill et de Gaulle ont toujours rendu hommage aux Russes pour leur évidente contribution à la victoire finale. Mais Macron n’est pas de Gaulle…
Macron ne sera même pas présent à la cérémonie internationale « pour cause d’agenda ». Il est certainement plus « responsable », pour un chef d’État, de prendre le temps d’aller déjeuner avec l’équipe féminine de football que d’assister à la
commémoration de ce qui fut l’un des événements majeurs du siècle dernier.
René de Naurois, l’aumônier du Débarquement de Normandie
Posté le jeudi 06 juin 2019
Premier aumônier de la France libérée, le père de Naurois fait partie des 176 Français qui débarquent en Normandie le 6
juin 1944. Il incarna à lui seul les quatre formes de résistance engagée pendant la Seconde Guerre mondiale : spirituelle, politique, civile et militaire.
À l’occasion du soixante-quinzième anniversaire du Débarquement, il est d’usage de se souvenir de ceux qui ont exposé leurs vies pour la libération de la
patrie. Cet anniversaire ne se justifie pas seulement par la présence des derniers témoins de cette histoire parmi nous. Il revêt une signification plus grave encore après le
sacrifice d’un commandant Beltrame ou celui des deux hommes du commando Hubert,
mort au combat au Burkina Faso, en mai dernier. Ce commando porte le nom d’un de leur aîné mort à Ouistreham et dont l’aumônier était le père René de Naurois
(1906-2006).
La parole et l’action
De prime abord, à quoi peut bien servir un prêtre sans arme, et qu’il faut donc protéger, dans un commando de fusiliers marins ? L’aumônier militaire
apporte aux combattants le soutien spirituel et sacramentel. Il lui arrive aussi, aux côtés de ses compagnons d’armes, de verser son sang pour la défense de la patrie. Le père de Naurois
considérait que c’est dans ce service d’aumônier au plus fort de la bataille, à Ouistreham puis en Hollande, en juin puis en novembre 1944, qu’il avait accompli sa mission, mais une mission
résistante contre le nazisme, une résistance unissant la parole et l’action, au risque de la vie, et pour la libération de ses compatriotes, dont certains étaient encore en camp de
concentration. C’est la raison pour laquelle il a voulu reposer, soixante-deux ans plus tard, aux côtés de ses hommes, au cimetière militaire britannique de Ranville
(Calvados).
Les quatre formes de résistance
L’originalité du père de Naurois est d’avoir été en connaissance de cause un résistant conscient et précoce au nazisme en tant que tel et, pour cette raison,
d’avoir pu concilier, dans son état sacerdotal, quatre formes de résistance habituellement identifiées par les historiens de la Seconde Guerre mondiale : une résistance spirituelle
(conférences sur le nazisme et sur l’antisémitisme), politique (action dans le mouvement Combat de son ami Henri Frenay), civile (opérations de sauvetages des Juifs exposés aux déportations)
et militaire, en tant qu’aumônier des « commandos Kieffer ».
Ce cumul des quatre formes de résistance lui a valu plusieurs distinctions. Naurois fut l’un des quelques aumôniers à avoir été fait Compagnon de la Libération
(1946). Il reçut par ailleurs la Military Cross du fait de son service dans une unité britannique et la médaille des Justes parmi les nations (1989).
La source intellectuelle
Si l’on veut comprendre l’unité de ces quatre formes d’engagement, c’est à la source intellectuelle que l’on trouvera sa clé de compréhension. Issu d’une
vieille famille aristocratique du Sud-Ouest, Naurois entreprit des études scientifiques et une formation militaire qui fit de lui un officier de réserve. Il fut donc soldat avant d’être
aumônier militaire. Songeant à la vocation sacerdotale dès l’âge de quatorze ans, il fut ordonné prêtre par Mgr Saliège, archevêque de Toulouse, en 1936. Son goût pour les questions sociales
et la réflexion philosophique l’ont conduit à participer à la fondation de la revue Esprit et à fréquenter de nombreuses personnalités
intellectuelles telles qu’Emmanuel Mounier, Gaston Fessard, Paul Nizan, Raymond Aron. Par l’influence de ces derniers, Naurois s’est initié, dès l’entre-deux guerres, à la philosophie
hégélienne et au marxisme. Il a probablement médité la dialectique du maître et de l’esclave et la leçon erronée qu’en ont tirée communisme et nazisme.
L’école allemande de la « résistance spirituelle »
Pour beaucoup de personnalités laïques ou ecclésiastiques telles que Robert d’Harcourt, son ami Henri Frenay ou Gaston Fessard, la connaissance de l’Allemagne impliquant la distinction entre
nazisme et civilisation germanique avait été un facteur décisif dans l’engagement résistant. Et c’est donc dès 1933, dans l’Allemagne devenue nazie, à l’occasion de plusieurs séjours
prolongés chez Heinrich Köhler, ancien ministre de la République de Weimar, qu’il se mit à l’école allemande de la « résistance spirituelle ». Cette expression de « résistance
spirituelle » désignait originellement cette fraction de l’Église dite « confessante » ayant refusé le « paragraphe aryen » imposé par Hitler qui excluait les
pasteurs d’origine juive de la communion luthérienne.
Par différents contacts et notamment par celui de l’aumônier de la colonie française de Berlin, le père Henri-Jean Omez, il eut connaissance de l’univers
concentrationnaire nazi des camps de Dachau et de Sachsenhausen. Naurois adressait à son évêque, Mgr Saliège, des rapports expédiés par la valise diplomatique.
Semences de sacrifice
C’est cette expérience de l’oppression nazie qui devait éclairer, au-delà de la défaite de juin 40, sa détermination à résister aussi bien à Uriage, à Toulouse,
dans le mouvement Combat qu’à Londres il finit par rejoindre, non sans une traversée à haut risque de l’Espagne en mars 1943. Rejoignant
l’aumônerie militaire de la France libre, il demanda à être rattaché aux commandos Kieffer. Après avoir assisté ses hommes dans le combat et parfois jusque dans la mort au cours des campagnes
de Normandie et de Hollande, Naurois consacra plusieurs de ses travaux scientifiques à la question de la guerre juste et à la critique du pacifisme dans le contexte nouveau qui fut celui de
la Guerre froide. Marqué par la résistance allemande à Hitler, il écrivait ces lignes qui valent encore pour le temps présent :
« Qu’adviendrait-il sur cette terre des traditions de fidélité, d’honneur et de sacrifice s’il ne se trouvait plus d’hommes
ou de nations capables de soutenir des luttes désespérées ? Croit-on vraiment que la sanction de la victoire soit indispensable pour que la résistance soit, comme on dit, “payante”, pour
qu’elle ait un sens et une efficacité ? Certaines défaites ne déposent-elles pas en ce monde, autant et plus parfois que les victoires, des semences de sacrifice et de grandeur ?
»
Les commémorations officielles du 75e anniversaire du Jour-J s’achèvent avec la cérémonie internationale de Courseulles-sur-Mer, site ô combien symbolique du
retour du général de Gaulle en France le 14 juin 1944. Après les cérémonies de Caen pour rendre hommage aux résistants français assassinés le 6 juin par les Allemands, la cérémonie
franco-britannique de Ver-sur-Mer ce matin, et le grand show américain de Colleville-sur-Mer en milieu de journée, Emmanuel Macron a jugé que sa présence à cette dernière cérémonie était
facultative. Il a préféré déléguer à Edouard Philippe le soin de représenter la France. C’est la seconde fois depuis le début de son mandat que le locataire de l’Elysée s’illustre par son
absence à une cérémonie commémorative ; la première c’était le 8 août 2018 dans sa bonne ville d’Amiens où il n’avait pas daigné honorer nos alliés britanniques de sa présence pour
commémorer le succès commun de nos armes contre l’Allemagne impériale en 1918. Cette nouvelle bourde inqualifiable est justifiée par des impératifs d’agenda, nous disent les services de
communication de Sibeth Ndiaye. Nos alliés apprécieront la capacité d’Emmanuel Macron à planifier ses activités en fonction du calendrier.
Mais, au-delà de cette faute, une autre absence a marqué ces commémorations, cette fois à l’insu de l’intéressé. En effet, le président Vladimir Poutine n’a
tout simplement pas été convié sur les plages de Normandie ! Pire, au cours de son discours ce matin au cimetière américain d’Omaha Beach, Emmanuel Macron n’a pas jugé bon d’évoquer le
rôle de l’Armée rouge au cours de l’été 1944 alors qu’il a tenu à rappeler le rôle de tous les pays d’Europe dans l’opération Overlord. Malgré le poids monstrueux supporté par l’Union
soviétique au cours de la guerre, malgré les trois grandes offensives menées (Bagration – Lvov/Sandomierz – Iasi/Kishinev) par l’Armée rouge entre le 22 juin et le 20 août 1944 sur un front
qui va alors de Leningrad à la mer Noire, Emmanuel Macron n’a donc pas jugé opportun ni d’inviter son homologue russe, ni même de mentionner le rôle déterminant de l’Armée rouge. Cela est
d’autant plus inacceptable que la chancelière Merkel était quant à elle bien présente. Rappelons également que l’Union soviétique a payé le plus lourd tribut à la victoire finale contre le
nazisme avec la perte de 27 à 30 millions de ses citoyens, des milliers de villages ont subi le même sort qu’Oradour-sur-Glane, et enfin sur l’ensemble de la guerre 4 soldats allemands sur 5
furent tués par l’Armée rouge. Cette insulte à l’histoire ne peut être justifiée par les tensions diplomatiques actuelles. L’histoire ne peut pas être l’otage des querelles du présent entre
les alliés d’hier.
Enfin, les commémorations officielles ont été marquées par l’absence d’un acteur majeur dont personne n’ose parler : le public, relégué loin des lieux de
rassemblement des « grands » de ce monde. Les mesures de sécurité prises pour assurer la sécurité des officiels ont abouti, dès 6h du matin et jusqu’à 23h, à la fermeture de la RN13
entre Caen et Isigny-sur-mer – une artère régionale vitale – puis à la fermeture progressive des routes secondaires au nord de cet axe interdisant à la fois l’accès aux plages, mais aussi les
déplacements des habitants, y compris ceux qui travaillent. Depuis le début du Centenaire de la Grande Guerre, cette mise à l’écart du public est devenue une norme. Elle marque encore un peu
plus la fracture entre d’un côté l’hypocrisie du discours mémoriel officiel et de l’autre l’accaparement des cérémonies par des « élites » qui, souvent, mènent des politiques
contradictoires avec ce qu’elles viennent célébrer. L’exemple d’Emmanuel Macron est d’une rare pertinence dans ce domaine, puisqu’il est le fossoyeur du programme politique du Conseil
National de la Résistance et qu’il assimile Vichy à la France depuis son élection.
La kermesse de la mémoire
En marge des commémorations officielles, le tourisme de mémoire a mobilisé des milliers de personnes depuis le début du mois et jusqu’à la fin du week-end de
Pentecôte pour permettre au public de plonger dans l’histoire du Jour-J. Pourtant, si la volonté initiale est louable, les manifestations qui en découlent ne le sont pas forcément. Tout
d’abord, l’ambiance générale constatée sur place manque souvent de mesure et de recueillement, sauf lorsqu’on visite les nécropoles. Ensuite, le label « Jour-J » est devenu un
produit commercial à l’instar du Christ et de la Vierge Marie à Lourdes. Par exemple, si les commerçants de Bayeux affichent sur leurs vitrines d’émouvantes photos de leurs échoppes telles
qu’elles étaient en 1944, ce n’est pas que par goût de transmission de l’Histoire.
Les musées sont également touchés par ce problème. Ceux visités la semaine dernière proposent eux aussi – à des degrés divers – des étagères chargées de livres
d’histoire qui côtoient celles pleines des verres et de mugs ou d’autres souvenirs d’un goût plus ou moins douteux. Que penser par exemple des chapeaux roses pour les petites filles frappées
de l’insigne de la Big Red One – la 1re division d’infanterie américaine – proposés par l’Overlord Museum à deux pas du cimetière de Colleville-sur-Mer ? De même, les musées participent
à la construction d’une image fausse du débarquement qui est unanimement présenté comme « la plus grande opération militaire » de l’Histoire. Là encore, comme l’absence remarquée
d’invitation au président Poutine, il n’est jamais fait mention des opérations gigantesques, bien plus importantes que le débarquement, mises en œuvre au même moment par les Soviétiques. Par
ailleurs, la présence de nombreux reconstituteurs pose également question quant au sérieux et à l’authenticité de leur démarche historique. Si certains sont d’un sérieux quasi professionnel
qui permet aux plus jeunes d’approcher et de comprendre les réalités de la vie quotidienne des combattants de l’époque, d’autres ressemblent plus à des amateurs au comportement parfois plus
festif que scientifique, voire irresponsable lorsqu’ils sont au volant de leurs véhicules.
Bref, loin du discours officiel et derrière le vernis des présentations télévisées, l’Histoire ne sort pas grandie de cette 75e commémoration du débarquement
allié en Normandie. Le Centenaire de la Grande Guerre avait déjà montré de nombreux signes de faiblesses en la matière et, malheureusement, le Jour-J ne fait que les confirmer. Il appartient
donc aux historiens mais aussi au public averti de travailler encore et encore pour porter un message clair, dégagé des intérêts partisans afin de transmettre l’histoire correctement.
« La France éternelle » : Des mots trop difficiles à prononcer pour Emmanuel Macron ?
...par le Col. Georges Michel - le 06/06/2019.
Emmanuel Macron adore les commémorations. Ou, plutôt, il adore les commémorations qui lui permettent de se mettre en scène et de mettre en valeur ses qualités
déclamatoires. Avec lui, le narrateur devient le personnage central du spectacle. Et le narrateur, ça tombe bien, c’est lui. Emmanuel Macron, c’est deux en un pour les panthéonisations :
de Gaulle et Malraux en même temps. Enfin – calmons-nous et buvons frais, comme dirait Édouard Philippe -, toutes choses égales par ailleurs. Peut-être, quelque part, la manie de tout vouloir
faire soi-même. De faire aussi des économies d’échelle, comme on dit dans le monde entrepreneurial. Il fut sans doute à son apogée, à son « peak moment », comme on dit de l’autre
côté de la Manche, lors des commémorations de la fin de la Grande Guerre. Question, au passage : si on enseignait plus le théâtre dans nos écoles, la France deviendrait-elle une
pépinière de petits Macron ?
En tout cas, pour les cérémonies commémoratives du 75e anniversaire
du Débarquement en Normandie, une fois encore, le président de la République a pu épater la galerie. Et susciter la polémique. Car dans le « package Macron », il y a toujours, en prime, un
supplément de polémique au détour d’une phrase. Mais cette fois-ci, ce n’est pas dans ce qu’il a dit mais dans ce qu’il a omis de dire qu’il y a matière à polémique. Mercredi, à Portsmouth,
Emmanuel Macron, lors de la cérémonie internationale, a lu la lettre d’adieu à ses parents d’un jeune résistant, Henri Fertet, fusillé à l’âge de 16 ans par les Allemands en 1943 pour faits
de résistance. Une belle lettre, particulièrement émouvante. Or, certains passages de cette ultime missive n’ont pas été lus. Parce que le temps accordé aux chefs d’État était compté, dit-on.
Peut-être, probablement, sans doute.
Mais lorsqu’on prend connaissance de l’entièreté de cette lettre, on se dit qu’il est tout de même dommage que le passage sur l’amour filial de ce garçon pour
ses parents n’ait pas été lu. Dommage, aussi, qu’Emmanuel Macron n’ait pas évoqué la «
confiance en la France éternelle »d’Henri Fertet. Un gamin de 16 ans qui va mourir demain et qui croit en la France éternelle, ce n’est pas rien, tout de même. Dommage, encore, qu’aient
été « zappés » les remerciements de l’adolescent au curé et à l’évêque pour leur sollicitude. Cela aurait donné quelques indications sur ce qu’était la sociologie de la France de cette
époque. Dommage, enfin, qu’Emmanuel Macron ait biffé les passages relatifs à la foi du jeune supplicié : « Papa, je t’en supplie, prie, songe que si je meurs, c’est pour mon bien… Nous nous retrouverons
bientôt tous les quatre, bientôt au ciel. ».» Supprimée, aussi, cette précision : « Expéditeur : Monsieur Henri Fertet, Au ciel, près de Dieu. »
Dans le poème « La
Rose et le Réséda » qu’Aragon dédia, en 1944, aux catholiques Honoré d’Estienne d’Orves et Gilbert Dru, et aux communistes Gabriel Péri et Guy Môquet, tous quatre fusillés par les
Allemands, sont évoqués « Celui qui croyait au ciel
» et « Celui qui n’y croyait pas ». Henri Fertet
était « de la chapelle », pour reprendre les mots du poète. «
Chapelle », qui rime avec « France éternelle ».
Lors des cérémonies de commémoration du 75e anniversaire du débarquement, Monsieur le Président Emmanuel Macron a lu des extraits d'une
lettre à ses parents d'un jeune résistant de 16 ans, condamné à mort, Henri Fertet.
Certains passages ont été omis, semble-t-il faute de temps et parce qu'ils étaient plus personnels. On peut y voir que ce jeune homme a
trouvé dans sa foi catholique la source de son courage, il est donc intéressant de prendre connaissance de l'intégralité de la lettre (en italique, les passages omis).
Ma lettre va vous causer une grande peine, mais je vous ai vus si pleins de courage que, je n'en doute pas, vous voudrez encore le garder, ne serait-ce que par
amour pour moi.
Vous ne pouvez savoir ce que moralement j'ai souffert dans ma cellule, ce que j'ai souffert de ne plus vous voir, de ne plus sentir peser sur
moi votre tendre sollicitude que de loin. Pendant ces 87 jours de cellule, votre amour m'a manqué plus que vos colis, et souvent je vous ai demandé de me pardonner le mal que je vous ai fait,
tout le mal que je vous ai fait. Vous ne pouvez vous douter de ce que je vous aime aujourd'hui car, avant, je vous aimais plutôt par routine, mais maintenant je comprends tout ce que vous avez
fait pour moi et je crois être arrivé à l'amour filial véritable, au vrai amour filial. Peut-être après la guerre, un camarade vous parlera-t-il de moi, de cet amour que je lui ai communiqué.
J'espère qu'il ne faillira pas à cette mission sacrée.
Remerciez toutes les personnes qui se sont intéressées à moi, et particulièrement nos plus proches parents et amis. Dites-leur ma
confiance en la France éternelle. Embrassez très fort mes grands parents, mes oncles, tantes et cousins, Henriette. Donnez une bonne poignée de main chez M. Duvernet. Dites un petit mot
à chacun. Dites à M. le Curé que je pense aussi particulièrement à lui et aux siens. Je remercie Monseigneur du grand honneur qu'il m'a fait, honneur dont, je crois, je me suis
montré digne. Je salue aussi en tombant, mes camarades de lycée. A ce propos, Hennemann me doit un paquet de cigarettes, Jacquin mon livre sur les hommes préhistoriques. Rendez " Le
Comte de Monte-Cristo " à Emourgeon, 3 chemin Français, derrière la gare. Donnez à Maurice André, de la Maltournée, 40 grammes de tabac que je lui dois.
Je lègue ma petite bibliothèque à Pierre, mes livres de classe à mon petit papa, mes collections à ma chère petite maman, mais qu'elle se méfie
de la hache préhistorique et du fourreau d'épée gaulois.
Je meurs pour ma Patrie. Je veux une France libre et des Français heureux. Non pas une France orgueilleuse, première nation du monde, mais une France travailleuse,
laborieuse et honnête.
Que les français soient heureux, voilà l'essentiel. Dans la vie, il faut savoir cueillir le bonheur.
Pour moi, ne vous faites pas de soucis. Je garde mon courage et ma belle humeur jusqu'au bout, et je chanterai " Sambre et Meuse " parce que c'est toi, ma chère
petite maman, qui me l'as apprise.
Avec Pierre, soyez sévères et tendres. Vérifiez son travail et forcez-le à travailler. N'admettez pas de négligence. Il doit se montrer digne de
moi. Sur trois enfants, il en reste un. Il doit réussir.
Les soldats viennent me chercher. Je hâte le pas. Mon écriture est peut-être tremblée. Mais c'est parce que j'ai un petit crayon. Je n'ai pas peur de la mort. J’ai
la conscience tellement tranquille.
Papa, je t'en supplie, prie. Songe que, si je meurs, c'est pour mon bien. Quelle mort sera plus honorable pour moi que celle-là
? Je meurs volontairement pour ma Patrie. Nous nous retrouverons tous les quatre, bientôt au Ciel. Qu'est-ce que cent ans ?
Maman, rappelle-toi :
" Et ces vengeurs auront de nouveaux défenseurs qui, après leur mort, auront des successeurs."
Adieu, la mort m'appelle. Je ne veux ni bandeau, ni être attaché. Je vous embrasse tous. C'est dur quand même de mourir.
Mille baisers. Vive la France.
Un condamné à mort de 16 ans
H. Fertet
Excusez les fautes d'orthographe, pas le temps de relire.
Réponse à Patrick Robert par le Gal. Roland Dubois - le 07/06/2019.
Dans votre publication du 6 juin, M. Patrick Robert donne une vision que
je trouve assez partielle et partiale sur le rôle de l’URSS dans le second conflit mondial. D’après ce qu’il décrit, les alliés occidentaux auraient eu un rôle secondaire sur le champ de
bataille européen et le succès final serait principalement dû aux Soviétiques « vainqueurs de la Wehrmacht », ce qui reprend la version officielle de la Russie actuelle
qui parle de SA victoire, aidée par les alliés occidentaux.
Je voudrais vous donner une version moins manichéenne et, je pense, plus proche de la réalité.
Staline a été l’allié de Hitler de septembre 1939 jusqu’au début de l’attaque allemande en juin 1941. La France s’est même, un moment, posé la question de savoir
s’il fallait lui déclarer la guerre. Par des livraisons de toute nature, le prêt de camps d’entraînement à l’armée allemande, il a contribué à l’effort de guerre allemand ; il a envahi
conjointement avec elle la Pologne, attaqué la petite Finlande (qui, ensuite, s’est naturellement trouvée du côté allemand), félicité Hitler lors de l’entrée des Allemands dans Paris.
Ensuite, il a dû payer le prix des purges sanglantes qu’il a exercées dans l’Armée rouge dans les années trente (plusieurs dizaines de milliers d’officiers
exécutés, surtout officiers supérieurs et généraux). Les faiblesses résultantes du commandement ont aggravé une situation qui n’a pu être sauvée in extremis que grâce au sacrifice de
masses de soldats russes ; et aussi grâce à l’effort colossal de soutien matériel par les Anglais et les Américains, qui ont consenti des pertes importantes pour les livraisons à l’URSS, car
ce sont leurs marines qui les effectuaient : plusieurs centaines de milliers de matériels majeurs : Jeep, camions, chars d’assaut, chasseurs, bombardiers, mais aussi munitions, matières
premières, denrées diverses, etc.
Et, enfin, on ne peut pas laisser dire que les Alliés ont seulement « aidé » la Russie à vaincre. Les opérations menées par les Alliés de l’Ouest
n’ont pas joué qu’un rôle supplétif en Afrique, en Italie et en France. Et en Allemagne, car le matraquage aérien incessant de l’industrie allemande pendant près de quatre ans n’a été le fait que
de leurs aviations. En outre, le Royaume-Uni, toujours invaincu en 1941, a immobilisé une partie des forces allemandes à l’Ouest. Enfin, rappelons que ce sont les Soviétiques qui, depuis des
mois, demandaient l’ouverture d’un second front en Europe pour les soulager.
Rappelons, enfin, que même quand les choses allaient mieux pour lui, Staline s’est gardé de porter des forces sur l’Asie où, pourtant, ses alliés américains étaient
aux prises avec le Japon, qui n’était pas non plus un mince adversaire. Il ne l’a fait que le 8 août 1945, au moment où le Japon était virtuellement vaincu, puisque la bombe sur Hiroshima avait
déjà été larguée.
En fait, il s’en est failli de peu que les Russes soient battus ; et peut-être, ensuite, nous avec.
L’évocation du nombre effrayant de victimes russes de ce conflit suffit, en général, à occulter tout le reste et à interdire de parler de
« détails » indécents. Mais n’oublions pas, non plus, que si ce triste bilan doit beaucoup aux envahisseurs allemands, il a été aggravé par le mépris de Staline pour la vie
humaine, qui a eu aussi sa traduction sur les champs de bataille.
La victoire fut celle des Alliés dans leur ensemble. Et c’est vrai que la présence de M. Poutine aux cérémonies du 75e anniversaire du Débarquement
aurait été normale.
Commémoration du 6 juin 1944 : Macron outrage 10 millions de soldats russes tombés face aux nazis
...par Olivier Damien - le 07/06/2019.
Docteur en droit – Commissaire divisionnaire honoraire - Ancien secrétaire général du syndicat des commissaires de police
François Hollande n’a pas été un grand président de la République. Loin s’en faut. Pourtant, celui qui fut affublé des sobriquets les plus divers, et
parfois les plus cruels et irrespectueux, tels «Flanby » par Montebourg, « capitaine de pédalo » par Mélenchon,ou bien encore « Pépère » par son entourage à l’Élysée, a été capable, en de
très rares occasions il est vrai, de faire preuve d’un certain panache.
Tel fut le cas lors des célébrations du 70e anniversaire
du débarquement allié en Normandie, en 2014, pour lesquelles il invita, aux côtés des chefs d’État occidentaux, le président de la Russie Vladimir Poutine. Beaucoup, surtout en France,
lui reprochèrent cette décision. Notamment le toujours haineux et sectaire BHL. Mais Hollande tint bon. Il savait, en effet, lui, quel avait été le rôle déterminant de la Russie pendant
la Seconde Guerre mondiale, et que sans le sacrifice de millions de soldats russes sur le front de l’Est, jamais le débarquement allié n’aurait pu réussir. L’issue de ce conflit mondial
en eût sans doute été profondément changée.
Ainsi, il y a cinq ans, en invitant Vladimir Poutine en France, Hollande a-t-il voulu en tout premier lieu rendre hommage au 21 millions de citoyens
soviétiques, civils et militaires confondus, tombés pour avoir lutté contre la barbarie nazie. En agissant de la sorte, le Président français démontrait que pour les grandes occasions qui
jalonnent l’histoire des peuples, il est bon de savoir dépasser les antagonismes politiques pour célébrer la mémoire de ceux qui, autant que les Alliés occidentaux, contribuèrent,
directement ou indirectement, à l’édification de notre pays.
Beaucoup auraient aimé que cette année, pour le 75e anniversaire
de cet événement historique majeur, Macron se montre capable d’autant de courage politique et de magnanimité. Qu’à l’image d’un de Gaulle, dont il ne manque pas de se prévaloir parfois,
il se hisse à la hauteur d’un grand chef d’État et impose, pour la grandeur de la France, sa vision de l’Histoire. Une vision non polluée par les intérêts politico-mercantiles et
bassement intéressés qui caractérisent trop souvent, aujourd’hui, les relations internationales. Faire preuve de cette hauteur de vue n’aurait, bien entendu, rien enlevé au sacrifice des
soldats américains, anglais, canadiens et de tous ceux qui sont tombés au champ d’honneur lors de cette vaste et unique opération militaire. Cela aurait même permis, grâce au souvenir du
sacrifice commun dont ils furent capables, il y trois quarts de siècle, de rapprocher des pays qui ont parfois pris, depuis, des chemins différents.
Ce faux pas de Macron, que d’aucuns pourraient qualifier defaute politique historique, vient malheureusement prouver une nouvelle fois que n’a pas le sens de l’Histoire qui veut. Que l’on peut avoir fait les plus
grandes écoles, avoir eu les meilleurs maîtres et occuper les plus hautes fonctions mais tout ignorer de ce qui fait la grandeur d’un pays comme la France. À force de tout réduire à ce
qui est monnayable, on finit par perdre de vue l’essentiel : la fierté d’appartenir à une grande nation. Ainsi, au moment où il allait, aux côtés de Donald Trump et de
nombreux chefs d’État et de gouvernement, célébrer cette bataille de Normandie qui fut le début de la reconquête de la France, Emmanuel Macron aurait pu se souvenir de cette phrase
prononcée à Londres, le 1ermars
1941, par celui qui n’était alors que le chef de la France libre : « Il y
a un pacte vingt fois séculaire entre la grandeur de la France et la liberté du monde. » Sans doute cette réalité l’eût-elle éclairé dans la dimension qu’il convenait,
en 2019, de donner à ces commémorations.
Commémoration du débarquement : L'enseignement de l'ignorance...
...par le Gal. Dominique Delawarde - Le 09/06/2019.
Bonjour à tous,
Présentation d'un article (1 page) sur la 2ème guerre
mondiale.
Bonne lecture
DD
Dans le cadre des commémorations du débarquement, je suggère à chacun de lire l'excellent
article paru sur le site «Les crises» le 8 mai dernier et signé de son fondateur Olivier Berruyer. C'est un article court
avec beaucoup d'images...... qui mérite la plus large diffusion.
Cet article s'efforce de répondre à la question : Quelle est la nation qui a le plus contribué à la
défaite de l’Allemagne en 1945 ?
Il nous montre notamment qu'en 1945, 57% de nos grands-parents «qui avaient vécu cette
guerre» considéraient, selon l'institut de sondage IFOP, que c'était l'URSS qui avait apporté la
contribution majeure à la défaite allemande ; 20% seulement que c'était les USA, 12% le Royaume
Uni.
Après 75 ans d'enseignement d'une histoire «occidentale» écrite par les vainqueurs anglo-
saxons et français, nous avons réussi à laver les cerveaux des générations «qui n'ont pas connu la
guerre» et à les formater enfin correctement. Le même sondage, du même institut IFOP, avec les
mêmes questions nous montre qu'aujourd'hui, 23 % seulement des français, «qui n'ont pas connu la guerre dans
leur énorme majorité», considèrent que la Russie a apporté la contribution majeure à la défaite allemande alors que 54% pensent que ce sont les USA
et 23% la Grande Bretagne .
En clair, les pourcentages sont inversés..... Serait-on devenu enfin intelligent ? ....
La propagande d'Hollywood (Le jour le plus long et beaucoup d'autres films), l'histoire
revue, corrigée et enseignée dans nos écoles, 75 ans de récits biaisés propagés par nos médias
mainstream ont réussi à façonner de nouveaux français qui ont enfin pris conscience «de la vérité
vraie à l'occidentale».....
Mon sentiment est le suivant et s'inscrit dans la ligne de «ceux qui ont connu la guerre» :
La guerre 39-45 ne s'est arrêtée que parce que l'Allemagne n'avait plus de soldats en nombre
suffisant pour la continuer. Entre 39 et 45, l'Allemagne a perdu 4,9 millions de soldats dont 4,3
millions sur le front de l'Est (87%) contre l'URSS. Sans autre commentaire sur le niveau de
«contribution».......
Il n'y aurait jamais eu de débarquement en Normandie le 6 juin 1944, si cette usure de
l'armée allemande n'avait pas été réalisée au prix du sacrifice de 11 millions de soldats russes.
Il n'y aurait jamais eu de débarquement en Normandie le 6 juin 1944, si plus de 60% des
divisions allemandes n'avaient pas été «occupées» sur le front russe au jour du débarquement.
Voir notre président jouer «les danseuses» avec Trump sur les plages du débarquement en
occultant purement et simplement le rôle de l'ex-URSS, notre alliée d'alors, dont les forces armées
ont rendu ce débarquement possible et victorieux est, pour moi, un spectacle indécent. L'absence
d'invitation au chef de l'état russe à ces cérémonies est incompréhensible.
Pas un mot sur le rôle indirect mais très efficace de la Russie dans le succès de ce débarquement, c'est à la fois
mesquin et pitoyable.