XXVIIe édition de la Conférence des ambassadeurs et ambassadrices
Qui aurait cru que l’on pourrait un jour lire Macron dans le texte et se demander si l’on n’a pas rêvé, que la vérité aurait pénétré dans la bulle Jupitérienne, impeccablement impénétrable jusque là. Enfin pas si nette car si on se souvient bien, l’été dernier avait été particulièrement agité avec l’affaire Benalla. On s’était déjà demandé à l’époque sur quel pied avait marché notre Président pour se faire chahuter par une presse qui l’avait mis en poste un an auparavant.
Décidément les « canicules » produisent d’étranges effets sur le jeune Emmanuel. Cette année, ce n’est point une affaire sordide qui nous sort de la torpeur estivale mais un discours. D’abord une demande du Saker US pour un obscur discours du président Français pour en trouver une version anglaise puis dans la foulée, une première analyse à chaud de Philippe Grasset, toujours à la recherche des signes de la Grande Crise d’Effondrement du Système.
Quelle mouche les avaient piqués ? Pas le choix que de prendre quelques longues minutes pour avaler cet interminable discours en date du 27 août dont l’Élysée nous a aimablement fourni la transcription. Il ne doit rester que des stagiaires pour la maintenance du site ou alors la torpeur estivale aura affaibli l’équipe éditoriale car personne ne semble avoir pris deux minutes pour nettoyer le texte de ces incohérences, phrases incompréhensibles, fautes diverses, … Le leader de la startup-nation est sans doute au delà de ces contingences, guidé par la flamme du destin.
Si on revient sur le contexte de ce discours, ne nous emballons pas, il s’agissait des ambassadeurs qui doivent avoir, on l’espère, une meilleure vision de la réalité du monde que la Caste des salons parisiens qui lévite depuis quelques décennies déjà. Il est très peu probable que les idées déployées par Macron aient vocation a troubler la tranquillité de la populace. Mais quand même, certains ambassadeurs ont du s’accrocher à leur chaise en entendant publiquement ce qui va suivre.
Toujours pour parler du contexte, il est fort vraisemblable que le petit jeu politicien pour faire réélire Macron va continuer et que ce n’était qu’un message envoyé à qui de droit. On ne devrait pas voir de mea culpa public pour la gestion ultra violente des protestations des Gilets jaunes ou un début de démantèlement de l’usine à gaz bruxelloise.
Pour confirmer cette impression, une rapide recherche le vendredi 28, si on fait une requête sur le web, avec les termes du premier paragraphe, on tombe sur le site de l’Élysée et le site du Réseau voltaire qui a aussi flairé le bon coup. Vu le pavé, on peut chercher à partir de citations et avec la phrase choc,
Nous sommes sans doute en train de vivre la fin de l’hégémonie occidentale sur le monde.
Nous le vivons tous ensemble ce monde et vous le connaissez mieux que moi, mais l’ordre international est bousculé de manière inédite mais surtout avec, si je puis dire, un grand bouleversement qui se fait sans doute pour la première fois dans notre histoire à peu près dans tous les domaines, avec une magnitude profondément historique. C’est d’abord une transformation, une recomposition géopolitique et stratégique. Nous sommes sans doute en train de vivre la fin de l’hégémonie occidentale sur le monde. Nous nous étions habitués à un ordre international qui depuis le 18ème siècle reposait sur une hégémonie occidentale, vraisemblablement française au 18ème siècle, par l’inspiration des Lumières ; sans doute britannique au 19ème grâce à la révolution industrielle et raisonnablement américaine au 20ème grâce aux 2 grands conflits et à la domination économique et politique de cette puissance. Les choses changent.
Et elles sont profondément bousculées par les erreurs des Occidentaux dans certaines crises, par les choix aussi américains depuis plusieurs années et qui n’ont pas commencé avec cette administration mais qui conduisent à revisiter certaines implications dans des conflits au Proche et Moyen-Orient et ailleurs, et à repenser une stratégie profonde, diplomatique et militaire, et parfois des éléments de solidarité dont nous pensions qu’ils étaient des intangibles pour l’éternité même si nous avions constitué ensemble dans des moments géopolitiques qui pourtant aujourd’hui ont changé. Et puis c’est aussi l’émergence de nouvelles puissances dont nous avons sans doute longtemps sous-estimé l’impact.
La Chine au premier rang mais également la stratégie russe menée, il faut bien le dire, depuis quelques années avec plus de succès. J’y reviendrai. L’Inde qui émerge, ces nouvelles économies qui deviennent aussi des puissances pas seulement économiques mais politiques et qui se pensent comme certains ont pu l’écrire, comme de véritables États civilisations et qui viennent non seulement bousculer notre ordre international, qui viennent peser dans l’ordre économique mais qui viennent aussi repenser l’ordre politique et l’imaginaire politique qui va avec, avec beaucoup de force et beaucoup plus d’inspiration que nous n’en avons. Regardons l’Inde, la Russie et la Chine. Elles ont une inspiration politique beaucoup plus forte que les Européens aujourd’hui. Elles pensent le monde avec une vraie logique, une vraie philosophie, un imaginaire que nous avons un peu perdu. Et donc tout ça vient nous bousculer très profondément et rebattre les cartes.
[…]
Le premier, c’est que ces conflits font de plus en plus de victimes civiles et changent de nature. Regardez les théâtres d’opérations partout dans le monde. Et la deuxième chose, c’est que l’ensauvagement est reparti et là aussi, l’ordre sur lequel reposaient parfois nos certitudes et notre organisation est en train de disparaître. On abandonne les traités de contrôle des armements qui venaient là aussi de la fin de la guerre froide, chaque jour dans l’innocence et le silence.
[…]
Dans ce même moment, nous vivons une crise inédite de l’économie de marché. Et je pense que cette crise est au moins aussi importante et elle vient en quelque sorte doubler ce que je viens de décrire. Cette économie de marché qui a été pensée en Europe par l’Europe a progressivement dérivé depuis quelques décennies.
D’abord elle s’est profondément financiarisée et ce qui était une économie de marché, que certains avaient pu même parfois théoriser en parlant d’économie sociale de marché et qui était au cœur des équilibres que nous avions pensé est devenue une véritable économie d’un capitalisme cumulatif où, il faut bien le dire, d’abord la financiarisation puis les transformations technologiques ont conduit à ce qu’il y ait une concentration accrue des richesses chez les champions, c’est-à-dire les talents dans nos pays, les grandes métropoles qui réussissent dans la mondialisation et les pays qui portent la réussite de cet ordre. Et donc l’économie de marché qui jusqu’à présent par la théorie des avantages comparatifs et tout ce que nous avions sagement appris jusque-là et qui permettait de répartir la richesse et qui a formidablement marché pendant des décennies en sortant de manière inédite dans l’histoire de l’humanité des centaines de millions de concitoyens du monde de la pauvreté, a replongé et conduit à des inégalités qui ne sont plus supportables. Dans nos économies, la France l’a vécu ces derniers mois, très profondément mais en fait nous le vivons depuis des années et dans le monde entier. Et cette économie de marché produit des inégalités inédites qui au fond viennent bousculer en profondeur là aussi notre ordre politique.
D’abord, elles viennent bousculer la légitimité même de cette organisation économique. Comment expliquer à nos concitoyens que c’est la bonne organisation lorsqu’ils n’y retrouvent pas leur part. Mais cela vient questionner aussi l’équilibre de nos démocraties. Parce qu’au fond, là aussi, nous vivions depuis le XIXème siècle dans des équilibres où les libertés individuelles, le système démocratique et le progrès continu des classes moyennes avec l’économie de marché constituaient une espèce de trépied sur lequel nous avancions. Quand les classes moyennes qui sont le socle de nos démocraties n’y ont plus leur part, elles doutent et elles sont légitimement tentées ou par des régimes autoritaires ou par des démocraties illibérales ou par la remise en cause de ce système économique. En tout cas, dans des changements de paradigme très profonds sur lesquels nous ne sommes pas du tout engagés jusqu’alors.
[…]
Et au fond, ce que les brexiteurs ont proposés au peuple britannique qui était un très bon mot d’ordre : reprendre le contrôle de nos vies, de notre nation. C’est ce que nous devons savoir penser et agir dans une nation ouverte. Reprendre le contrôle. Fini le temps où on expliquait à nos concitoyens la délocalisation, c’est l’ordre des choses, c’est une bonne chose pour vous. Les emplois vont en Pologne ou en Chine, au Vietnam et vous allez retrouver le … on n’arrive plus à expliquer cette histoire. Et donc, nous devons trouver les moyens de peser dans la mondialisation mais aussi de repenser cet ordre international.
[…]
Si on continue à faire comme avant pour le dire autrement, qu’on soit d’ailleurs une entreprise, un diplomate, un ministre, un Président de la République, un militaire, tous ici dans cette salle, si on continue à faire comme avant, alors nous perdrons définitivement le contrôle. Et alors, ce sera l’effacement.
Je peux vous le dire avec certitude. Nous savons que les civilisations disparaissent, le pays aussi. L’Europe disparaîtra. L’Europe disparaîtra avec l’effacement de ce moment occidental et le monde sera structuré autour de deux grands pôles : les États-Unis d’Amérique et la Chine. Et nous aurons le choix entre des dominations. Nous pouvons faire semblant de l’oublier. On peut le faire très bien. On l’a déjà très longtemps fait sur beaucoup de sujets. On expliquera que nous sommes souverains. On se battra pour maintenir les emplois dans notre pays en faisant des compromis bancals avec des groupes sur lesquels nous ne pouvons plus rien.
[…]
Mais défendre cette civilisation européenne, avoir cet objectif de porter cela chez nous et dans le monde suppose aussi dans notre action diplomatique très profonde d’avoir une ambition éducative, climatique, démocratique, de pouvoir repenser très profondément les équilibres de l’économie de marché …
[…]
La première chose, c’est que pour parvenir à cet objectif dans ce désordre, je crois que ce que nous devons faire très profondément, c’est jouer notre rôle, au fond, de puissance d’équilibre. Puissance d’équilibre, c’est d’acter que nous sommes une grande puissance économique, industrielle même si nous avons perdu, quand je regarde les dernières décennies, sur beaucoup de points, que nous avons à rebâtir et que nous devons rebâtir pour pouvoir rester cette puissance-là. C’est le cœur de notre agenda national et européen et nous sommes une puissance militaire et diplomatique qui demeure.
[…]
Et pour pouvoir jouer utilement ce rôle dans les grands conflits ou comme nous l’avons fait autour de la table du G7, il nous faut pouvoir pleinement décliner si je puis dire cette forme d’indépendance indispensable de notre diplomatie et d’autonomie stratégique, ce qui suppose de repenser en profondeur la relation avec quelques puissances. Alors je sais que, comme diraient certains théoriciens étrangers, nous avons nous aussi un État profond.
[…]
Et si nous ne savons pas à un moment donné faire quelque chose d’utile avec la Russie, nous resterons avec une tension profondément stérile. Nous continuerons d’avoir des conflits gelés partout en Europe. Nous continuerons à avoir une Europe qui est le théâtre d’une lutte stratégique entre les États-Unis d’Amérique et la Russie. Et au fond à voir les conséquences toujours de la guerre froide sur notre sol, et nous ne créerons pas les conditions du projet profond de recréation de la civilisation européenne que j’évoquais tout à l’heure. Parce qu’on ne peut pas le faire sans repenser notre lien avec la Russie très profondément, très profondément.
Je pense en plus que pousser la Russie loin de l’Europe est une profonde erreur stratégique parce que nous poussons la Russie soit à un isolement qui accroît les tensions, soit à s’allier avec d’autres grandes puissances comme la Chine, qui ne serait pas du tout notre intérêt. Dans le même temps il faut bien le dire nos relations se sont structurées et ont documenté la défiance. Les attaques sur le plan cyber, déstabilisation démocratique, un projet russe aujourd’hui qui est profondément conservateur et opposé au projet de l’Union européenne, assumé. Et tout ça au fond s’est noué dans les années 90 et 2000 lorsqu’une série de malentendus se sont joués et lorsque sans doute l’Europe n’a pas joué une stratégie propre et a donné le sentiment d’être le cheval de Troie d’un Occident dont le but final était de détruire la Russie et où la Russie a construit son imaginaire dans la destruction de l’Occident et donc l’affaiblissement de l’Union européenne. Nous en sommes là. On peut le déplorer, on peut rester dans cette guerre de position, ce n’est pas notre intérêt profond.
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Je pense que la vocation de la Russie n’est pas d’être l’alliée minoritaire de la Chine et donc nous devons aussi savoir par ce dialogue exigeant et les conditions que nous poserons, offrir à un moment donné une option stratégique à ce pays qui va immanquablement se la poser, immanquablement, et c’est à nous de le préparer et de savoir avancer sur ce point.
Notre rôle ensuite de puissance d’équilibre doit aussi s’exercer en Asie. La Chine a changé, le monde avec elle et nous devons construire le partenariat euro-chinois du 21ème siècle. Et notre pays au sein de l’Europe, avec l’Allemagne et le Royaume-Uni, a un rôle historique à jouer en la matière.
[…]
Et enfin un agenda eurasiatique qui permette une meilleure convergence entre l’initiative chinoise des nouvelles routes de la soie et la stratégie européenne de connectivité. Cette construction elle doit se faire dans le respect, l’exigence. Nous respectons les intérêts et la souveraineté de la Chine, mais la Chine doit elle aussi respecter pleinement notre souveraineté et notre unité, et sur ce plan la dynamique européenne est essentielle. Nous avons commis des erreurs profondes il y a 10 ans sur ce sujet.
L’Europe, dans le traitement qu’elle a eu de la crise économique et financière, a poussé plusieurs États à des privatisations forcées sans option européenne et a décidé elle-même, méthodiquement, de réduire sa souveraineté en livrant nombre d’infrastructures essentielles en Europe du Sud aux chinois. On ne va pas reprocher aux Chinois d’avoir été intelligents, on peut se reprocher d’avoir été stupide. Ne poursuivons pas cette logique. Je vous demande également de vous mobiliser pleinement pour construire une stratégie française dans l’axe indopacifique, et c’est le complément de cette stratégie chinoise.
Si nous voulons être respectés de la Chine, il faut d’abord avoir une approche européenne, c’est ce que je viens de dire, mais il faut peser aussi avec les puissances de la région. C’est indispensable. Ce qui veut dire qu’il nous faut jouer d’abord comme nous puissance indopacifique : la France a plus d’un million d’habitants dans cette région à travers ses territoires ultramarins, nous avons plus de 8 000 soldats, nous sommes l’une des principales puissances maritimes de cette région, parmi les seuls à faire des vraies opérations militaires en mer de Chine, et sur ces océans. Et nous l’avons sous-exploité à tous égards jusqu’alors. Et donc il nous faut revisiter cette région d’abord en actant que nous sommes une puissance de celle-ci, mais en développant une alliance si je puis dire complémentaire, non confrontationnelle mais complémentaires de cette relation avec la Chine par cette axe indopacifique.
[…]
La deuxième priorité c’est de travailler à la construction d’une souveraineté européenne. J’ai plusieurs fois souligné ce point. Il est au cœur du projet Européen que je partage avec beaucoup dans cette salle. Cette souveraineté européenne n’est pas un vain mot. Je crois que nous avons très longtemps commis l’erreur de laisser le mot de souveraineté aux nationalistes. Souverainisme est un joli mot. Il renvoie à ce qui est au cœur de notre démocratie et notre République, c’est le fait qu’à la fin, celui qui est souverain, c’est le peuple. C’est lui qui décide. Mais si nous perdons la maîtrise de tout, cette souveraineté ne mène à rien. Et c’est une aporie démocratique qui consiste à ce que le peuple puisse souverainement choisir des dirigeants qui n’auraient plus la main sur rien. Et donc, la responsabilité des dirigeants d’aujourd’hui, c’est de se donner aussi les conditions d’avoir la main sur leur destin, l’avenir de leurs peuples pour pouvoir être responsable et agir.
L’Europe, ces dernières décennies s’est construite comme un espace formidable d’ouverture, d’amitié, de paix et de délitement de la souveraineté. Nous sommes le marché le plus ouvert, le plus naïf. Bienveillant, mais contrairement à ce que parfois certains de mes amis que je fréquentais hier peuvent dire : nous ne sommes pas l’espace le plus fermé sur le plan commercial, loin de là, ni sur tous les autres supports. Et nous avons oublié le fil de notre souveraineté au niveau européen. Nous n’avons pas oublié au niveau national sur le plan militaire, sur le plan économique ou autre, mais nous devons le repenser au niveau Européen, très profondément parce qu’il n’y a qu’au niveau européen qu’on puisse le bâtir sur beaucoup de sujets.
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Et cet agenda de souveraineté européen doit à mes yeux aussi inclure très profondément la Grande Bretagne. Quelle que soit l’issue du Brexit, il est indispensable que nous continuions à penser notre souveraineté avec la Grande-Bretagne. Sur le plan militaire, sur le plan stratégique, sur tous les sujets. Il y a évidemment la défense de nos intérêts à court terme, les règles qui doivent être respectées, la souveraineté et l’unité de l’Europe. Mais là aussi, l’histoire et la géographie ont leurs réalités. Une forme de déterminisme. Et donc, nous devons l’inclure dans cette réflexion. Mais la souveraineté européenne est indispensable à penser.
[…]
Depuis les années 50, nous n’avions pas avancé sur la défense européenne. C’était même un interdit, voire un impensé. Nous pouvons avoir plus de souveraineté en matière de défense sans rien renier de notre souveraineté nationale et de notre autonomie stratégique et opérationnelle.
[…]
La souveraineté, c’est celle aussi que nous devons repenser à nos frontières. Je viens de dire un mot parce que j’ai évoqué tout à l’heure les sujets démographiques et migratoires. Nous devons être mieux capables de protéger nos frontières.
[…]
C’est aussi une souveraineté économique et financière qu’il nous faut repenser. Je parlais de l’Iran tout à l’heure. On peut continuer fièrement à défendre notre agenda iranien. Pourquoi nous trouvons-nous dans cette situation ? Parce qu’il y a une extraterritorialité de fait du dollar. Parce que nos entreprises, même quand nous décidons de les protéger, d’avancer, elles dépendent du dollar. Je ne suis pas en train de dire qu’il faut lutter contre le dollar, mais il faut construire une vraie souveraineté économique et financière de l’euro. Et là aussi, nous avons été trop lents.
[…]
Le reste du discours est beaucoup moins percutant, avec un retour à une certaine langue de bois. Il n’est sans doute pas nécessaire de commenter les extraits présentés, le temps et les actes seront seuls juges de la volonté ou des moyens derrière ces mots. On peut juste imaginer qu’il devrait être reçu 5/5 à Washington DC. Mais ce qui a été dit et écrit restera.
Comme la célèbre phrase de Madeleine Albright ou la fiole de Colin Powell brandie à l’ONU que l’on ne pourra jamais remercier assez pour leur aide précieuse pour abattre ce système et qui permet encore aujourd’hui de montrer le cynisme de ces élites.
Quoi qu’il arrive, ce discours va suivre notre jeune président à la trace sans jamais relâcher la pression et gageons même que chaque politicien français ou journaliste devra en répondre.
Voici enfin quelques analyses à lire.
Hervé
Note du Saker Francophone
D'aucuns pensent qu'il s'agit d'un coup de com sans lendemain du président ou de son équipe marketing. Si c'est le cas, c'est plutôt raté vu l'absence de l'événement dans les médias de masse...
D'autres ne s'étonnent pas, sachant que Macron est un globaliste achevé, partisan d'un gouvernement mondial, comme son mentor Attali. Mais ce gouvernement ne pourra exister que si l'hégémonie US prend fin, car l'histoire montre que les États-Unis ne voudront jamais partager le pouvoir avec qui que ce soit.
Il faut donc remettre la nation indispensable à sa place, à côté des autres et notamment d'une Europe forte tenant son rang.
D'où les actions de la Fed, du FMI et d'autres, tendant à supprimer le privilège exorbitant du dollar US.
Philippe Grasset a eu le nez creux en relevant ce texte extraordinaire. Que se passe-t-il quand le représentant du système se met à parler juste, quand il nous coupe l’herbe sous le pied ? Car Macron peut désintégrer son opposition antisystème avec ce discours aux ambassadeurs, qui succède à un faux G7-simulacre où le Donald s’est fait piéger comme un alevin.
Macron avait reçu Poutine après son élection, et il l’a revu à Brégançon, mettant fin à la débile/soumise diplomatie héritée des années Hollande-Obama. Et comme en plus il reconnaît la violence
de l’ordre néo-libéral financiarisé et la logique des révoltés… en bref, on a un chef d’État qui a compris, ce qui vaut mieux qu’un chef d’État qui fait semblant de nous avoir compris. On
étudiera ici la justesse de la pensée, et pas les résultats d’une politique qui nous indiffère du reste.
Et dans ce long discours (17 000 mots) dont on a surtout apprécié la première partie analytique, on a relevé cette observation sur la fin de la domination occidentale :
Nous le vivons tous ensemble ce monde et vous le connaissez mieux que moi, mais l’ordre international est bousculé de manière inédite mais surtout avec, si je puis dire, un grand bouleversement qui se fait sans doute pour la première fois dans notre histoire à peu près dans tous les domaines, avec une magnitude profondément historique. C’est d’abord une transformation, une recomposition géopolitique et stratégique. Nous sommes sans doute en train de vivre la fin de l’hégémonie occidentale sur le monde.
Puis, comme un savant synthétiseur qu’il est, Macron rappelle finement :
Nous nous étions habitués à un ordre international qui depuis le 18ème siècle reposait sur une hégémonie occidentale, vraisemblablement française au 18ème siècle, par l’inspiration des Lumières ; sans doute britannique au 19ème grâce à la révolution industrielle et raisonnablement américaine au 20ème grâce aux 2 grands conflits et à la domination économique et politique de cette puissance. Les choses changent.
Oui, l’Angleterre c’était l’usine, l’Amérique la guerre (froide, tiède, interminable, et il le fait bien comprendre). La France c’était la culture.
Ensuite, surtout, ce président incrimine la médiocrité occidentale et ses méchantes manières :
Et elles sont profondément bousculées par les erreurs des Occidentaux dans certaines crises, par les choix aussi américains depuis plusieurs années et qui n’ont pas commencé avec cette administration mais qui conduisent à revisiter certaines implications dans des conflits au Proche et Moyen-Orient et ailleurs, et à repenser une stratégie profonde, diplomatique et militaire, et parfois des éléments de solidarité dont nous pensions qu’ils étaient des intangibles pour l’éternité même si nous avions constitué ensemble dans des moments géopolitiques qui pourtant aujourd’hui ont changé.
Puis on remarque que le monde est de facto multipolaire malgré les tweets de Dumb-Trump et Dumber-Bolton :
Et puis c’est aussi l’émergence de nouvelles puissances dont nous avons sans doute longtemps sous-estimé l’impact.
La Chine au premier rang mais également la stratégie russe menée, il faut bien le dire, depuis quelques années avec plus de succès. J’y reviendrai. L’Inde qui émerge, ces nouvelles économies qui deviennent aussi des puissances pas seulement économiques mais politiques et qui se pensent comme certains ont pu l’écrire, comme de véritables États civilisations et qui viennent non seulement bousculer notre ordre international, qui viennent peser dans l’ordre économique mais qui viennent aussi repenser l’ordre politique et l’imaginaire politique qui va avec, avec beaucoup de force et beaucoup plus d’inspiration que nous n’en avons.
Essentiel aussi, on souligne l’habileté et la stratégie de ces nouveaux venus (encore que l’Inde de Modi fasse plutôt grimacer) qui contraste avec l’absence de méthode des américains, digne du colonel Kurz :
Regardons l’Inde, la Russie et la Chine. Elles ont une inspiration politique beaucoup plus forte que les Européens aujourd’hui. Elles pensent le monde avec une vraie logique, une vraie philosophie, un imaginaire que nous avons un peu perdu.
L’occident, coquille vide qui a perdu le sens, cela nous fait un beau débat, qui va de Goethe à Valéry… Enfin un qui a compris que la Chine et la Russie sont dirigées de main de maître.
Vient une autre surprise. Le commis présumé des banques et des oligarques reconnaît que la matrice a fourché… Et cela donne :
D’abord elle s’est profondément financiarisée et ce qui était une économie de marché, que certains avaient pu même parfois théoriser en parlant d’économie sociale de marché et qui était au cœur des équilibres que nous avions pensé est devenue une véritable économie d’un capitalisme cumulatif où, il faut bien le dire, d’abord la financiarisation puis les transformations technologiques ont conduit à ce qu’il y ait une concentration accrue des richesses chez les champions, c’est-à-dire les talents dans nos pays, les grandes métropoles qui réussissent dans la mondialisation et les pays qui portent la réussite de cet ordre.
L’économie de marché nous replonge dans la pauvreté après un siècle et demi de succès :
Et donc l’économie de marché qui jusqu’à présent par la théorie des avantages comparatifs et tout ce que nous avions sagement appris jusque-là et qui permettait de répartir la richesse et qui a formidablement marché pendant des décennies en sortant de manière inédite dans l’histoire de l’humanité des centaines de millions de concitoyens du monde de la pauvreté, a replongé et conduit à des inégalités qui ne sont plus supportables. Dans nos économies, la France l’a vécu ces derniers mois, très profondément mais en fait nous le vivons depuis des années et dans le monde entier. Et cette économie de marché produit des inégalités inédites qui au fond viennent bousculer en profondeur là aussi notre ordre politique.
C’est l’économie des manipulateurs de symboles dont nous avions parlé en citant Robert Reich (« The work of nations« ). Macron reconnaît et donc comprend la colère des classes moyennes :
Quand les classes moyennes qui sont le socle de nos démocraties n’y ont plus leur part, elles doutent et elles sont légitimement tentées ou par des régimes autoritaires ou par des démocraties illibérales ou par la remise en cause de ce système économique…
Et sur les britanniques qui ont voulu sortir de cette Europe bureaucrate notre orateur remarque :
Et au fond, ce que les brexiteurs ont proposé au peuple britannique qui était un très bon mot d’ordre : reprendre le contrôle de nos vies, de notre nation. C’est ce que nous devons savoir penser et agir dans une nation ouverte. Reprendre le contrôle. Fini le temps où on expliquait à nos concitoyens la délocalisation, c’est l’ordre des choses, c’est une bonne chose pour vous. Les emplois vont en Pologne ou en Chine, au Vietnam et vous allez retrouver le … on n’arrive plus à expliquer cette histoire. Et donc, nous devons trouver les moyens de peser dans la mondialisation mais aussi de repenser cet ordre international.
Une bonne petite mise au point sur les américains :
Les États-Unis d’Amérique sont dans le camp occidental mais ils ne portent pas le même humanisme. Leur sensibilité aux questions climatiques, à l’égalité, aux équilibres sociaux qui sont les nôtres n’existe pas de la même manière.Il y a un primat de la liberté qui caractérise d’ailleurs la civilisation américaine très profondément et qui explique aussi nos différences même si nous sommes profondément alliés. Et la civilisation chinoise n’a pas non plus les mêmes préférences collectives pour parler pudiquement, ni les mêmes valeurs.
Car Macron voudrait éviter la soumission à un bloc ou à l’autre. Il faudrait donc l’Europe. Il ajoute étonnamment :
Le projet de civilisation européenne ne peut pas être porté ni pas par la Hongrie catholique, ni par la Russie orthodoxe. Et nous l’avons laissé à ces deux dirigeants par exemple, et je le dis avec beaucoup de respect, allez écouter des discours en Hongrie ou en Russie, ce sont des projets qui ont leurs différences mais ils portent une vitalité culturelle et civilisationnelle, pour ma part, que je considère comme erronée mais qui est inspirante.
Il préfère se réclamer de la Renaissance et des Lumières. Aucun commentaire.
Il nous rassure sur son armée :
Nous sommes en passe de devenir de manière indiscutable la première armée européenne par les investissements que nous avons décidé, par la loi de programmation militaire, par la qualité de nos soldats et l’attractivité de notre armée. Et aujourd’hui, en Europe, personne n’a cette vitalité et personne n’a décidé ce réinvestissement stratégique et humain. Ce qui est un point essentiel pour pouvoir peser. Et nous restons une grande puissance diplomatique, membre permanent du Conseil de sécurité, au cœur de l’Europe et au cœur de beaucoup de coalitions.
Il met en garde sur la Russie, tel John Mearsheimer :
Je pense en plus que pousser la Russie loin de l’Europe est une profonde erreur stratégique parce que nous poussons la Russie soit à un isolement qui accroît les tensions, soit à s’allier avec d’autres grandes puissances comme la Chine, qui ne serait pas du tout notre intérêt.
Une mise au point pour l’Amérique :
Mais pour le dire en termes simple, nous ne sommes pas une puissance qui considère que les ennemis de nos amis sont forcément les nôtres ou qu’on s’interdit de leur parler…
Et d’ajouter sur cette architecture de confiance et de sécurité qui lui avait valu les gluants sarcasmes du Donald :
Nous sommes en Europe, et la Russie aussi. Et si nous ne savons pas à un moment donné faire quelque chose d’utile avec la Russie, nous resterons avec une tension profondément stérile. Nous continuerons d’avoir des conflits gelés partout en Europe.
Je crois qu’il nous faut construire une nouvelle architecture de confiance et de sécurité en Europe, parce que le continent européen ne sera jamais stable, ne sera jamais en sécurité, si nous ne pacifions pas et ne clarifions pas nos relations avec la Russie.Ce n’est pas l’intérêt de certains de nos alliés, soyons clairs avec ce sujet.
On rappelle les faiblesses de la Russie – en les outrant certainement :
… cette grande puissance qui investit beaucoup sur son armement, qui nous fait si peur a le produit intérieur brut de l’Espagne, a une démographie déclinante et un pays vieillissant, et une tension politique croissante. Est-ce que vous pensez que l’on peut durer comme cela ? Je pense que la vocation de la Russie n’est pas d’être l’alliée minoritaire de la Chine…
Sur la Chine il rappelle :
Nous respectons les intérêts et la souveraineté de la Chine, mais la Chine doit elle aussi respecter pleinement notre souveraineté et notre unité, et sur ce plan la dynamique européenne est essentielle. Nous avons commis des erreurs profondes il y a 10 ans sur ce sujet.
Que d’erreurs occidentales décryptées… Et pour parler comme Laetitia, « pourvu que ça dure », cette lucidité et ce rapprochement avec la Russie. Pour le reste, les rassemblements nationaux et autres France insoumises ont du souci à se faire. Et les antisystèmes aussi…
Le fait d’avoir assimilé le basculement mondial de ces dernières décennies et d’avoir pris la mesure des inégalités créées par une économie postindustrielle ne donne pas à cette présidence une garantie pour échapper à l’échec ou à la manip’ ; mais reconnaissons aussi que pour la première fois depuis longtemps un esprit présidentiel est capable de saisir et d’analyser les grandes transformations de cette époque étrange.
Source : https://lesakerfrancophone.fr/macron-et-la-desherence-du-projet-occidental
En partie éclipsée par l’ombre portée du « sublime » G7 de Biarritz, la traditionnelle grand-messe des ambassadeurs et des ambassadrices (XXVIIe édition) se tient à Paris du 27 au 30 août 2019. Cette conférence/semaine réunit la fine fleur de la diplomatie française sous les ors de la République. Elle a pour sujet de réflexion, pour ne pas dire de méditation : « Relever les défis mondiaux : responsabilités françaises et européennes »2. En lui-même, ce titre est tout un programme qui sonne faux et creux à la fois. Comment traiter sérieusement en quelques heures des défis mondiaux, si l’on exclut les incontournables discours du président de la République, du Premier ministre et du ministre de l’Europe et des Affaires étrangères et table rondes sur des problématiques inutiles un aussi vaste sujet, dans un si bref laps de temps ? Cela relève de l’affichage pur et simple pour ne pas dire de la com’. Quant à la seconde partie de l’énoncé, il relève de la blague si l’on sait que la diplomatie française jupitérienne est une suite d’échecs patents et que la diplomatie européenne n’existe pas hormis par la horde de fonctionnaires qui compose le Service européen d’action extérieure » (ce serait plutôt le Service européen d’inaction extérieure).
QUELQUES MOTS À PROPOS DU PROGRAMME DES EXCELLENCES HOMMES ET FEMMES
Reportons-nous à la présentation du site du ministère de l’Europe et des Affaires étrangères !
Début de citation
XXVIIe édition de la Conférence des ambassadeurs et ambassadrices (27-30.08.19)
Jean-Yves le Drian, ministre de l’Europe et des Affaires étrangères, réunit les ambassadeurs et les ambassadrices du mardi 27 août au vendredi 30 août 2019. Cette 27e édition de la Conférence des ambassadeurs et des ambassadrices, qui se tient dans la foulée du G7 de Biarritz, a pour thème : « Relever les défis mondiaux : responsabilités françaises et européennes ».
Ce rendez-vous annuel est un moment central pour la diplomatie française : c’est l’occasion pour les plus hautes autorités françaises de présenter les orientations et les priorités qui guideront le travail des représentants de la France à l’étranger et auprès des organisations internationales tout au long de l’année à venir. Au-delà du rendez-vous diplomatique, la Conférence permet aux chefs de poste diplomatiques d’échanger entre eux, de partager leur expérience, mais aussi de débattre avec des élus, des experts ou encore des représentants du secteur privé.
Le programme de la 27e édition
Une partie de ces événements peut être suivie en direct sur les réseaux sociaux – #ConfAmbass – et sur ce site.
27 août
11h – Ouverture de la Conférence par le président de la République, Emmanuel Macron, au Palais de l’Élysée.
Après-midi : les Rendez-vous Diplomatie-entreprises. Près de 400 chefs d’entreprise, des PME venant de toute la France, rencontreront les ambassadeurs, et ambassadrices, ainsi que la Team France Export et ses partenaires sous forme d’entretiens individuels de 15 minutes chacun.
28 août
18h – Allocution publique du Premier ministre, Edouard Philippe
29 août
14h – Discours de clôture de Jean-Yves Le Drian
17h à 18h : table-ronde sur la relation entre la France et les pays du continent africain, une des priorités de la politique étrangère de la France. À suivre en direct sur Facebook : envoyez-nous vos questions ! Retrouvez notre dossier Afrique
30 août
140 ambassadeurs se rendront dans 11 régions métropolitaines. Ils y rencontreront les préfets, les élus, les principaux responsables économiques, publics et privés lors de sessions économiques régionales organisées par les nouvelles « Team France Export », regroupant les régions, les CCI, Business France et Bpifrance. Ces moments permettront des échanges directs entre les chefs de postes, des entreprises et l’ensemble des acteurs locaux engagés dans l’internationalisation de nos territoires.
Fin de citation
Rien de très original dans ce programme tel qu’il nous est présenté par le site du Quai d’Orsay. On en retire l’impression que nos diplomates en sauront plus par la lecture de quelques revues spécialisées que par les exposés insipides qu’ils devront subir du président de la République, du premier ministre et du ministre de l’Europe et des Affaires étrangères. Comprendre le monde du début du XXIe siècle, c’est accepter de l’appréhender dans toutes ses dimensions les plus variées et les plus complexes et non au travers de quelques clichés médiatiques éculés. Comprendre le monde du début du XXIe siècle, c’est accepter de penser autrement (« out of the box ») pour éviter de se fourvoyer dans les impasses où se trouve aujourd’hui la diplomatie française (la Syrie en est le plus bel exemple). Comprendre le monde du début du XXIe siècle, c’est accepter de s’en tenir à la vérité des faits et non à une pseudo-réalité construite pour les besoins de la cause. C’est récuser une « vérité à son usage exclusif, une vérité à sa ressemblance et à sa seule convenance » (Lucien Febvre). Or, nous en sommes encore loin en raison du panurgisme diplomatique ambiant. Le Quai d’Orsay n’a jamais brillé par son courage, surtout dans les périodes noires de notre Histoire telles que le régime de Vichy sur lequel il y aurait beaucoup à dire. Ce n’est pas aujourd’hui que cela va changer y compris depuis la stupide course à la parité hommes/femmes.
QUELQUES RÉFLEXIONS À PROPOS DE L’HOMÉLIE DE FRÈRE EMMANUEL
Comment parvenir à synthétiser ce qui ne peut l’être tant la présentation tourne au robinet d’eau tiède ? L’exercice est plus que compliqué pour ne pas dire impossible. Nous nous sommes astreints à extraire la substantifique moëlle d’un texte qui aurait dû se limiter à une présentation d’une vingtaine de minutes percutantes par son diagnostic et par ses remèdes. Nous n’en sommes pas encore là.
Le président de la République dresse un tableau du monde et de ses désordres (un bousculement de l’ordre international). Il organise sa présentation autour de quatre tendances : recomposition géopolitique et stratégique marqué par une fin de l’hégémonie occidentale ; crise de l’économie de marché ; révolution technologique et bouleversements écologiques.
Sur le plan méthodologique, Emmanuel Macron écarte les stratégies de la prudence et de l’adaptation pour privilégier une stratégie de l’audace, de la prise de risque. Stratégie qui mette l’homme au cœur de son projet de civilisation européenne portée au plan national et européen. Le chef de l’État reconnait qu’il s’agit d’un projet ambitieux fondé sur de nouvelles alliances et le respect de la dignité humaine. Le concept de la défense des droits de l’homme doit se trouver au cœur de l’action diplomatique française dans les périodes de paix mais aussi et surtout dans les temps de conflits.
Sur le plan concret, le président de la République définit cinq axes principaux d’action : jouer le rôle de puissance d’équilibre (repenser notre indépendance diplomatique et stratégique, notre relation avec la Russie pour créer les conditions de la confiance et de la stabilité, construire un partenariat euro-chinois, peser grâce à un axe indo-pacifique) ; travailler à un agenda de souveraineté européen (en matière de défense en complémentarité avec l’OTAN, industrielle et climatique, technologique, économique, financière numérique, culturelle) tout en revitalisant le bilatéralisme trop souvent délaissé mais complémentaire du multilatéralisme et notre relation avec les Balkans occidentaux ; construire un partenariat avec l’Afrique et la Méditerranée (Emmanuel Macron aligne poncifs et lieux communs sur le sujet avec l’accompagnement des initiatives régionales) ; ancrer notre action dans une diplomatie des biens communs par un multilatéralisme fort mais aussi renouvelé (repenser l’OMC pour prévenir sa disparition)
Discours fleuve de plus de deux heures (sa diffusion est interrompue par France Info) marqué au sceau de l’autosatisfaction, d’une perversion ordinaire dans lequel une chatte n’y retrouverait pas ses petits. Trop de priorités tue les priorités surtout lorsque le président de la République reste discret sur les moyens humains et financiers du ministère de l’Europe et des Affaires étrangères constamment rabotés au cours des dernières années. En un mot, l’archétype d’un discours irréaliste par sa complexité et sa confusion intellectuelle et diplomatique. Jupiter ne sait faire ni court, ni clair. Ce que l’on conçoit bien s’énonce clairement. Et les mots pour le dire arrivent clairement (Nicolas Boileau). On peut et doit s’interroger sur le point de savoir ce que retiendront nos ambassadeurs et nos ambassadrices de cet inventaire à la Prévert fait de redites, de digressions, de platitudes, de coups de menton, de leçons de morale… Emmanuel Macron oublie que la diplomatie ne doit pas se borner à enregistrer des faits. Il faut qu’elle sache les prévoir, les redresser, les utiliser au mieux des intérêts dont elle a la charge. Manifestement, cette qualité lui fait cruellement défaut. Lui qui explose d’orgueil depuis son prétendu succès de la veille lors du G7 de Biarritz3. Aussitôt effacé par le serpent de mer de la réforme des retraites par application de la politique de l’essuie-glaces, un sujet effaçant l’autre4.
On l’aura compris tout ceci n’est pas très sérieux. Sur la forme, on ne comprend pas, à l’époque de la diplomatie numérique et de l’intelligence artificielle, qu’il
faille déplacer à Paris plus de deux cents hauts fonctionnaires venus des quatre coins de la planète pour écouter quelques philippiques stupides alors qu’avec les NTIC, cela aurait pu se faire à
travers la toile et cela aurait fait une économie pour le contribuable. Sur la substance, tout ceci est du vent. Les vrais problèmes n’ont pas été traités lors de ces sauteries tant la pensée est
bâillonnée et la parole cadenassée chez nos « diplomuches » plus préoccupés par leur Carrière que par la défense des intérêts de la France. Pour s’en convaincre, il n’est qu’à
prendre connaissance des « brillantes » notes rédigées par le CAPS (une sorte d’EHPAD diplomatique qui vient de toucher un nouveau directeur à qui nous souhaitons plein succès
dans sa mission de remise sur pied d’un édifice fissuré) qui est censé être, en théorie du moins, le haut lieu où l’on pense librement et stratégiquement. Par-delà mots et bons mots, pas de cap,
pas de vision du président de la République – incapable de produite deux ou trois priorités claires et lisibles dans son interminable prêche aux ambassadeurs/ambassadrices – pour une diplomatie
du bateau ivre et du froc baissé qui se laisse porter par la vague médiatique. C’est tout ce que l’on peut retenir de ce cru 2019 du raout des ambassadeurs/ambassadrices : « much ado
about nothing » ! (Shakespeare).
1 Comédie de William Shakespeare écrite en 1598-1599, dont on pourrait traduire le titre par l’expression française
beaucoup de bruit pour rien.
2 www.diplomatie.gouv.fr
3 Marc Semo, Après le succès du G7, Macron bouscule les ambassadeurs, Le Monde, 29 août 2019, p.
4.
4 Isabelle Lasserre, Macron secoue la diplomatie française, Le Figaro, 28 août 2019, pp. 6-7.
Source : https://prochetmoyen-orient.ch/orient-ations-246/