L’Occident subit
actuellement au moins une, voire deux, défaites cuisantes – et la question se pose donc :Des leçons
seront-elles tirées ?
John Kerry, pas plus tard que la semaine dernière
au Forum économique mondial, a clairement énoncé la vérité : «Notre premier
amendement constitue un obstacle majeur à notre capacité d’éliminer la désinformation».
Traduit : Gouverner, c’est contrôler la narration. Kerry présente la solution de l’«ordre international» au phénomène indésirable d’un populisme incontrôlé
et d’un leader potentiel qui parle au nom du peuple : Simplement, la «liberté de s’exprimer» est inacceptable pour les prescriptions convenues par l’«inter-agence» – la distillation
institutionnalisée de l’«Ordre international».
C’est ce qu’Eric Weinstein appelle «l’écrasement»
: Le premier amendement, le genre, le mérite, la souveraineté, la vie privée, l’éthique, le journalisme d’investigation, les frontières, la liberté… la Constitution ? Disparue ?
Aujourd’hui, le récit délirant de la réalité est que le lancement par l’Iran, mardi, de 200 missiles balistiques – dont 181 ont atteint Israël – a été
massivement intercepté par les systèmes de défense antimissile israéliens Dôme de fer et Arrow, sans qu’aucun mort ne soit à déplorer. L’attaque a été «vaincue et
inefficace», a déclaré Biden.
Will Schryver, ingénieur technique et commentateur en matière de sécurité, écrit cependant
: «Je ne
comprends pas comment quiconque a vu les nombreux clips vidéo des frappes de missiles iraniens sur Israël ne peut pas reconnaître et admettre qu’il s’agissait d’une
démonstration stupéfiante des
capacités iraniennes. Les missiles balistiques iraniens ont pulvérisé les défenses aériennes américaines et israéliennes et ont frappé plusieurs cibles militaires israéliennes avec des
ogives de grande taille».
L’effet et la substance résident alors dans la «capacité prouvée» – la capacité de choisir d’autres cibles, la capacité de faire plus. Il s’agissait en fait
d’un exercice de démonstration modéré, et non d’une attaque en règle.
Mais le message a été effacé.
Comment se fait-il que l’administration américaine refuse de regarder la vérité en face et de reconnaître ce qui s’est passé, et préfère demander au monde
entier, qui a vu les vidéos de missiles s’abattant sur Israël, de «passer son chemin» – comme le conseillent les autorités, en prétendant qu’il n’y avait «rien de substantiel à voir ici».
L’«affaire» n’était-elle qu’une nuisance à la gouvernance du système et au «consensus», comme Kerry a qualifié la liberté d’expression ? Il semble que oui.
Le problème structurel, écrit l’essayiste
Aurélien, n’est pas simplement que la classe professionnelle occidentale adhère à une idéologie – une idéologie qui est à l’opposé de la façon dont les gens ordinaires vivent le monde.
C’est certainement un aspect du problème. Mais le plus gros problème réside plutôt dans une conception technocratique de la politique qui n’a rien à voir avec quoi que ce soit. Ce n’est
pas vraiment de la politique (comme l’a dit un jour Tony Blair), mais elle est nihiliste et dépourvue de considérations morales.
N’ayant pas de véritable culture propre, la classe professionnelle occidentale considère la religion comme dépassée et l’histoire comme dangereuse car elle
contient des éléments susceptibles d’être détournés par les «extrémistes». Elle préfère donc ne pas connaître l’histoire.
Il en résulte un mélange de conviction de supériorité et d’insécurité profonde qui caractérise les dirigeants occidentaux. L’ignorance et la peur des
événements et des idées qui sortent des limites de leur esprit du temps rigide, ils les perçoivent, presque invariablement, comme intrinsèquement contraires à leurs intérêts. Et plutôt
que de chercher à discuter et à comprendre ce qui est hors de leur portée, ils recourent au dénigrement et à la diffamation pour éliminer la nuisance.
Il doit être clair pour tous que l’Iran entre dans toutes les catégories qui excitent le plus l’insécurité occidentale : L’Iran est l’apogée de tout ce qui
est inquiétant : Il possède une culture et un héritage intellectuel profonds qui sont explicitement «différents» (même s’ils ne sont pas en contradiction) de la tradition occidentale. Ces
qualités relèguent toutefois l’Iran dans une catégorie irréfléchie, celle des pays hostiles à la gestion de l’«ordre international», non pas parce qu’il constitue une «menace», mais parce
qu’il «perturbe» l’alignement des messages.
Est-ce important ?
Oui, parce que cela rend très problématique la capacité de l’Iran à communiquer efficacement avec l’alignement idéologique de l’ordre international.
L’Occident a cherché à obtenir une réponse atténuée de la part de l’Iran et a fait pression en ce sens, tout d’abord après l’assassinat par Israël, en
avril, d’un général iranien et de ses collaborateurs au consulat iranien de Damas.
L’Iran s’est plié à cette exigence. Il a lancé des drones et des missiles en direction d’Israël le 13 avril de manière à envoyer un bref message concerté
(prévenu) de sa capacité, sans pour autant inviter à une guerre totale (comme le demandait l’Occident).
Après l’assassinat par Israël d’Ismail Haniyeh (un invité de Téhéran qui participait à l’investiture du nouveau président iranien), les pays occidentaux ont
à nouveau plaidé auprès de l’Iran pour qu’il s’abstienne de toute riposte militaire à l’encontre d’Israël.
Le nouveau président a
déclaré publiquement que des fonctionnaires européens et américains avaient proposé à l’Iran de supprimer les sanctions importantes imposées à la République iranienne et de
garantir un cessez-le-feu à Gaza, conformément aux conditions du Hamas, si Israël n’était pas attaqué.
L’Iran a tenu bon, acceptant de paraître faible aux yeux du monde extérieur (ce qui lui a valu de sévères critiques). Pourtant, l’action de l’Occident a
choqué le nouveau président Pezeshkian, inexpérimenté :
«Ils (les
pays occidentaux) ont menti»,
a-t-il déclaré. Aucune des promesses n’a été tenue.
Pour être juste envers le nouveau président réformateur, l’Iran était confronté à un véritable dilemme : il espérait poursuivre une politique de retenue
afin d’éviter une guerre préjudiciable. C’est là un aspect du dilemme, mais l’autre aspect est que cette retenue pourrait être mal interprétée (peut-être avec malveillance) et servir de
prétexte à une escalade. En bref, le revers de la médaille est que, «qu’on le veuille ou non, la guerre arrive en Iran».
S’en est suivi l’«attaque des bipeurs» et l’assassinat des dirigeants du Hezbollah, dont la figure emblématique de son chef, Seyed Hassan Nasrallah, au
milieu d’un grand nombre de morts collatérales civiles. L’administration américaine (le président Biden) a simplement déclaré qu’il s’agissait d’un acte de «justice».
Une fois de plus, l’Occident a importuné et menacé l’ Iran
contre toute mesure de rétorsion à l’égard d’Israël. Mais cette fois-ci, l’Iran a lancé une attaque de missiles balistiques plus efficace, bien qu’elle ait délibérément omis de viser
l’infrastructure économique et industrielle d’Israël ou le peuple israélien, se concentrant plutôt sur des sites militaires et de renseignement clés. Il s’agissait, en somme, d’un signal
démonstratif – bien qu’il ait eu pour effet d’infliger des dommages à des bases aériennes et à des sites militaires et de renseignement. Une fois de plus, il s’agissait d’une réponse
limitée.
Et pour quelle raison ?
L’Occident s’est ouvertement moqué de l’Iran en affirmant qu’il était dissuadé, trop effrayé ou trop divisé pour réagir pleinement. En fait, les États-Unis,
sachant très bien que Netanyahou cherche un prétexte pour une guerre contre l’Iran, ont offert à Israël le soutien total des États-Unis pour une riposte majeure contre l’Iran :
«Cette
attaque aura de graves conséquences et nous travaillerons avec Israël pour que ce soit le cas», a
déclaré Jake Sullivan. «Qu’on ne s’y trompe
pas, les États-Unis soutiennent pleinement, pleinement, pleinement Israël», a déclaré Biden.
La morale de l’histoire est claire : Le président Pezeshkian a été «trompé» par l’Occident, ce qui rappelle la tromperie délibérée de l’Occident à l’égard
du président Poutine dans le cadre de l’accord de Minsk, ainsi que le coup de poignard dans le dos de l’accord d’Istanbul II. La retenue sur laquelle insiste l’ordre international est
invariablement présentée comme une «faiblesse».
La «classe permanente professionnelle» (l’État profond occidental) évite tout fondement moral. Elle fait de son nihilisme une vertu. Le dernier dirigeant
capable d’une véritable diplomatie qui me vient à l’esprit est peut-être JFK pendant la crise des missiles de Cuba et dans ses relations ultérieures avec les dirigeants soviétiques. Et
que s’est-il passé ? … Il a été tué par le système.
Bien sûr, nombreux sont ceux qui sont en colère contre l’Iran. Ils se demandent si l’Iran n’a pas trop facilement montré sa faiblesse et si cette
manifestation n’a pas contribué, d’une certaine manière, à la volonté d’Israël de frapper le Liban de manière aussi impitoyable et sans limites, comme dans le cas du modèle de Gaza. Des
rapports ultérieurs suggèrent que les États-Unis disposent de nouvelles
informations technologiques (dont Israël ne dispose pas) qui ont permis de localiser Sayyed Nasrallah et qui ont été fournies à Israël, ce qui a conduit à son assassinat.
Si l’Occident insiste pour rabaisser à ce point la retenue iranienne – en l’attribuant à tort à l’impuissance – le parti unique européen et américain de
l’ordre mondial sera-t-il jamais capable d’un réalisme froid ? Peuvent-ils évaluer correctement les conséquences d’une guerre d’Israël contre l’Iran ? Netanyahou a clairement indiqué que
tel était l’objectif du gouvernement israélien : la guerre contre l’Iran.
Une perception erronée de l’adversaire et de ses forces cachées est souvent le précurseur d’une guerre plus large (Première Guerre mondiale). Et Israël
déborde de ferveur pour la guerre afin d’établir son «nouvel
ordre» au Moyen-Orient.
L’administration Biden est «plus
que disposée» – posant le «revolver sur la table» – à ce que Netanyahou le prenne et le décharge, tandis que Washington fait semblant de se tenir à l’écart de l’acte. La cible ultime
de Washington est bien entendu la Russie.
Il est entendu qu’en matière de diplomatie, l’Occident n’est pas digne de confiance. La morale de l’histoire a cependant des implications plus larges.
Comment, dans de telles circonstances, la Russie peut-elle mettre fin au conflit ukrainien ? Il semblerait que beaucoup d’autres personnes mourront inutilement, simplement à cause de la
rigidité du parti unique et de son incapacité à «faire» de la diplomatie.
Autant d’Ukrainiens ont péri depuis que le processus d’Istanbul II a été mis à la poubelle.
L’Occident subit actuellement au moins une, voire deux, défaites cuisantes – et la question se pose donc : Des leçons seront-elles tirées ? Les bonnes
leçons peuvent-elles être tirées ? La classe professionnelle de l’ordre mondial admet-elle même qu’il y a des leçons à tirer ?
Six
milliardaires possèdent les médias en France : Bolloré, Drahi, Niel, Kretinsky, Arnaud, Saadé. Ils sont censés détenir La Vérité. Leur source d’information : l’Agence France Presse. Or
l’AFP se contente transmettre des «informations» qui viennent des États-Unis. On ne trouvera pas plus de vérité chez Meta (Facebook, Instagram, TikTok).
Les fact-checkers de Mark
Zuckerberg se targuent pourtant de détenir, La Vérité. Promis, juré, assermentés autant que des huissiers de Justice ou des capitaines de gendarmerie. Qui donc leur
fournit les informations et qui les rémunère ? Réponse : des fondations «philanthropiques».
D’elles dépendent l’AFP, le Julien
Pain de FranceInfo, le
Rudy Reichstadt de Conspiracy Watch et tous les autres gardiens du prêt-à-penser dans les clous.
Laurent Bigot, patron du fact-checking en France, est partout, sur Franceinfo, France
Télévisions, Radio France, France Médias Monde, Arte, TV5 Monde et l’INA. C’est lui
qui a lancé Vrai ou Faux où sévit Julien Pain sur FranceInfo en
2018. Il dirige l’École publique de journalisme de Tours. Les futurs journalistes y apprennent à penser droit. Laurent Bigot est
donc loin d’être un lanceur d’alerte et pourtant, lors d’une conférence en mars de cette année, il a lâché cet
aveu de taille :
«Aujourd’hui, la
concurrence entre médias n’est pas le plus important. La concurrence est beaucoup plus forte entre la sphère médiatique et la sphère de la désinformation. S’unir pour lutter contre cette
dernière est devenu plus important que de se prémunir d’une concurrence d’un autre média». – Laurent Bigot
À l’en croire (et
on est prêt à le faire), les
médias des milliardaires ne se font pas vraiment concurrence. Normal : ils proposent tous le même contenu. Quoi d’étonnant à ce que plus de la moitié des Français ne
leur fassent plus
confiance. Résultat : Internet et ses journalistes non encartés est le
seul concurrent des médias dominants. Cette concurrence doit être étouffée ! Sous le règne actuel de l’inversion accusatoire, les plus gros
menteurs se sont mis à traiter de menteurs les chercheurs de vérité.
Lors d’une conférence sur le fact-checking, Laurent Bigot a très tranquillement dévoilé, les noms des quatre réseaux qui ont pour rôle de mettre au pas les
médias désobéissants. Les voici.
Les
patrons des fact-checkers
CrossCheck (Google
France)
En 2017 lors des présidentielles françaises, ce réseau a mis en relation 118 membres, 33 rédactions nationales et régionales. Il a créé une
plateforme commune où chaque média peut publier et se fournir en contenu. Laurent Bigot affirme que les journalistes s’entraident pour vérifier des informations. Ben voyons ! Résultat :
les médias en sont arrivés à publier les mêmes articles, fautes d’orthographe comprises.
FactCheckEU
(Google)
Depuis 2019, lors des élections européennes, ce réseau a réuni 19 médias de 13 pays parlant 11 langues différentes. Des rédactions
paresseuses (ça c’est nous qui le disons) peuvent reprendre les articles traduits dans leur propre langue après un travail de vérification (ça c’est Laurent Bigot qui le dit).
Le
Programme de vérification de l’information par des tiers (Meta/Facebook)
La vérification des contenus considérés par Mark Zukerberg comme douteux est effectuée par des médias rémunérés par FaceBook : ABC
News, the Associated
Press, FactCheck.org.
En toute indépendance bien entendu. Passé le filtre de la bien-pensance, l’information est ensuite diffusée sur FaceBook, Instagram et WhatsApp.
Le réseau
international de fact-checking (Poynter Institute)
Le Poynter
Institute rassemble les initiatives de fact-checking du monde entier. Il compte plus de 120 signataires en mars 2024, dont l’AFP, 20
Minutes, FranceInfo.
Laurent Bigot représente le Poynter Institute en France, lequel
est financé par la Fondation Bill & Melinda Gates, Google, Facebook/Meta, le département d’État américain (Affaires étrangères), le National Endowment for
Democracy (CIA),
le Omidyar Network (Ebay,
Wikimedia), l’Open Society Foundations (Soros)…
La
nouvelle charte des nouveaux journalistes
Le fact-checking, comme son nom l’indique, n’est pas français, mais la censure est bien française, sous couvert de «consensus» ou de «lutte contre la
désinformation». Selon la Charte des journalistes dite déclaration de Munich de 1971 : un des devoirs du journaliste est de «Publier seulement les
informations dont l’origine est connue ou les accompagner, si c’est nécessaire, des réserves qui s’imposent ; ne pas supprimer les informations essentielles et ne pas altérer les textes
et les documents».
Dans la Charte mondiale de 2019, ce devoir a été transformé en : «Le/la journaliste ne
rapportera que des faits dont il/elle connaît l’origine, ne supprimera pas d’informations essentielles et ne falsifiera pas de documents. Il/elle sera
prudent dans l’utilisation des propos et documents publiés sur les médias sociaux».
Passons sur le quasi «iel» dans l’air du temps macronien. Les journalistes tout frais pondus de 2019 devront se méfier
de la vérité sur Internet. En revanche ils pourront se fier aux articles clé en main des réseaux américains. Heureusement l’Intelligence Artificielle, soigneusement programmée, les sauvera de la perte de temps et du prodigieux effort de vérifier eux-mêmes leur
information.
«Le président
américain avait espéré se désintéresser du Moyen-Orient.Mais les turbulences
dans la région pourraient influencer l’élection et définir son héritage.
«Netanyahou sait
mieux jouer le jeu de Washington que la plupart des hommes politiques américains», affirme Alon Pinkas, ancien diplomate israélien, aujourd’hui chroniqueur au journal Haaretz. «Et il a
fait tourner en bourrique Biden». (…)
À d’innombrables
reprises au cours de l’année écoulée, Netanyahou a semblé convenir d’une chose avec Washington et a fait le contraire dans la pratique. Qu’il s’agisse des querelles sur les termes d’un
cessez-le-feu à Gaza et de la libération d’otages, ou de la tentative plus récente d’un cessez-le-feu de 21 jours avec le Hezbollah, à chaque fois Biden se retrouve dans une situation
d’impuissance.
«L’administration
Biden semble dire : «Nous souffrons d’un peu d’humidité automnale»», déclare Pinkas. «Non, ce n’est pas de l’humidité saisonnière, c’est Netanyahou
qui vous urine dessus»».
C’est le thème général de la campagne médiatique depuis un certain temps. «Netanyahou écrase Biden et le pauvre gars ne peut rien y faire».
Je n’y crois pas. Un seul coup de fil de la Maison-Blanche au Pentagone permettrait de suspendre les vols de réapprovisionnement des États-Unis vers Israël.
Sans un renouvellement constant des approvisionnements, l’armée de l’air israélienne devrait cesser ses campagnes de bombardement à Gaza, en Cisjordanie, au Liban, en Syrie et au Yémen en
l’espace de quelques jours, voire de quelques heures.
Mais au lieu d’appeler le Pentagone, toute l’équipe chargée du Moyen-Orient, composée de Biden, Antony Blinken, Brett McGurk et Amos Hochstein, soldat des
forces de défense israéliennes, a exhorté Israël à prolonger
sa campagne.
«En coulisses,
Hochstein, McGurk et d’autres hauts responsables américains de la sécurité nationale décrivent les opérations israéliennes au Liban comme un moment décisif de l’histoire – un moment qui
remodèlera le Moyen-Orient pour le meilleur dans les années à venir.
Le raisonnement est
le suivant : Israël a anéanti la structure de commandement du Hezbollah au Liban, ce qui a considérablement réduit les capacités du groupe et affaibli l’Iran, qui utilisait le Hezbollah
par procuration et comme projecteur de pouvoir.
Les divisions
internes à l’administration semblent s’être quelque peu dissipées ces derniers jours, les principaux responsables américains s’étant réunis lundi à la Maison-Blanche avec le président Joe
Biden pour discuter de la situation sur le terrain. La plupart d’entre eux ont convenu que le conflit, bien que fragile, pourrait offrir une opportunité de réduire l’influence de l’Iran
au Liban et dans la région».
La conclusion que l’on peut en tirer est que Netanyahou fait en grande partie exactement ce que l’administration de Biden veut qu’il fasse.
La situation stratégique pourrait bien changer. Mais ce ne sera pas de la manière dont Biden et Netanyahou l’espèrent.
La plupart des 200 missiles tirés par l’Iran sur Israël il y a deux jours ont traversé les défenses aériennes israéliennes et atteint
leurs cibles avec une bonne précision. Quelques avions coûteux ont été endommagés, mais personne n’a été blessé. Une frappe similaire sur les installations énergétiques
israéliennes pourrait facilement mettre le pays hors d’état de nuire pendant des mois, voire des années. Une frappe sur des casernes des forces de défense israéliennes ou sur des centres
de population israéliens pourrait facilement faire de nombreuses victimes.
Peu après la frappe, le président Massoud Pezeshkian a rencontré le ministre des Affaires étrangères d’Arabie saoudite, Faisal bin Farhan Al
Saud, à
Doha, au Qatar :
«Le ministre saoudien
a fait part de la détermination de son pays à développer des relations avec l’Iran, a rapporté l’agence de presse Xinhua.
«Nous cherchons à
fermer à jamais la page des divergences entre les deux pays et à travailler à la résolution de nos problèmes et à l’expansion de nos relations comme deux États amicaux et fraternels»,
a-t-il déclaré.
Il a souligné la
situation «très sensible et critique» au Moyen-Orient en raison des «agressions» d’Israël contre Gaza et le Liban et de ses tentatives d’étendre le conflit dans la région. Il a déclaré
que l’Arabie saoudite faisait confiance à la sagesse et au discernement de l’Iran pour gérer la situation et contribuer au rétablissement du calme et de la paix dans la
région».
Hier, le guide suprême de l’Iran, l’ayatollah Ali Khamenei, a
célébré la prière du vendredi à Téhéran. Les médias occidentaux ont peu souligné le fait que le sermon a été prononcé en grande partie en arabe et que l’ensemble de l’événement a
été vu en direct sur la télévision arabe par l’intermédiaire d’Al-Jazeera.
Il s’agit déjà d’un nouveau Moyen-Orient dans lequel les États du Golfe ne sont plus hostiles à l’Iran et où les schismes religieux entre sunnites et
chiites ont largement perdu leur pouvoir.
Qui reste-t-il alors des anciens alliés des États-Unis ? À qui peuvent-ils demander de les soutenir dans la région lorsqu’ils envisagent d’attaquer l’Iran
?
Toute cette campagne américano-israélienne a-t-elle réellement contribué à «réduire l’influence de l’Iran au Liban et dans la région» ? Continuera-t-elle un
jour à le faire ?
Pour ma part, j’ai l’impression qu’elle a renforcé le front contre Israël et les positions de l’Iran au Moyen-Orient et au-delà.
Après avoir été
touché par quelque 200 missiles iraniens, Israël n’a pas encore osé répondre à la frappe. Il a au contraire lancé de nouvelles attaques aériennes sur le centre de Beyrouth et sa zone méridionale connue sous le nom de Dahiyeh (qui signifie simplement banlieue), dont la
population est majoritairement chiite.
Le Hezbollah
affirme avoir établi une nouvelle équation de dissuasion : une attaque israélienne contre le quartier al-Dahieh à Beyrouth sera suivie d’une frappe de représailles sur
Tel-Aviv.
…
Selon le
Hezbollah, la nouvelle équation établie par Hassan Nasrallah est que toute attaque contre Tel Aviv sera la réponse aux actions israéliennes menées dans le quartier al-Dahieh à
Beyrouth.
Les nouveaux
dirigeants du Hezbollah adhéreront certainement à cette doctrine.
Les tentatives d’incursion de l’armée israélienne dans le sud du Liban, hier, montrent que le Hezbollah n’a pas été affaibli par les frappes israéliennes contre
ses dirigeants. Ses forces spéciales sont immédiatement tombées dans une embuscade tendue par les forces du Hezbollah. Huit de ses soldats ont été tués et de nombreux autres
blessés. D’autres victimes ont été signalées aujourd’hui.
Israël est maintenant tenté de risquer une guerre totale contre l’Iran. Il y a peu de chances qu’une telle guerre aboutisse à autre chose qu’à une guerre totale au Moyen-Orient, à une augmentation rapide des prix
du pétrole et à un coup dur pour les chances des Démocrates dans la campagne électorale en cours.
L’Iran, dont les missiles balistiques n’ont eu aucun mal à franchir les défenses aériennes israéliennes, a menacé de lancer une attaque généralisée contre les
infrastructures israéliennes – les installations électriques et gazières ainsi que les ports – si Israël tentait de se venger de l’Iran.
Les médias américains continuent de répandre le mythe selon lequel l’administration Biden tente de freiner Israël.
L’article admet toutefois que certains points de vue ne sont pas du tout d’accord avec son titre :
Les responsables américains affirment qu’ils encouragent Israël à réagir de manière mesurée, mais les alliés des États-Unis en Europe craignent que
Washington n’exerce pas une pression suffisante sur le gouvernement du Premier ministre Benjamin Netanyahou. « Nous pensons que les Américains ne les
retiennent pas », a déclaré le fonctionnaire, qui a parlé sous le couvert de l’anonymat pour évoquer une question militaire sensible.
Plus loin, on en vient au cœur du problème :
Biden n’a pas voulu utiliser la plus importante source d’influence américaine – conditionner ou suspendre l’aide militaire à Israël – pour tenter de changer
la dynamique de la guerre, alors qu’Israël a rejeté à plusieurs reprises les avis et conseils américains.
Pas un instant, Biden n’a tenté de limiter la capacité d’Israël à frapper ses voisins. Un titre du Times of Israel proclame même que Biden exhorte Israël
à lancer une nouvelle attaque :
S’adressant aux journalistes à Washington, Biden a exhorté Israël à répondre « proportionnellement » à
l’attaque. Lorsqu’on lui a demandé s’il était favorable à une attaque contre les sites nucléaires iraniens, il a répondu : « La réponse est non ».
Yves, du site Naked
Capitalism, le note à juste titre :
La politique israélienne de Joe Biden nous a conduits au bord de la guerre contre l’Iran
Yves montre que la trahison américaine a précédé l’attaque israélienne contre le chef du Hezbollah, Hassan Nasrallah :
Nous apprenons maintenant que Nasrallah avait accepté un cessez-le-feu peu avant son assassinat et qu’Israël ou les États-Unis ont fait preuve de duplicité,
comme si c’était une surprise. Antiwar résume une interview
de CNN avec le ministre
libanais des affaires étrangères :
“Le ministre libanais des affaires étrangères, Abdallah Bou Habib, a déclaré que le secrétaire général du Hezbollah, Hassan Nasrallah, avait accepté un cessez-le-feu de 21 jours avec
Israël, proposé par les États-Unis et la France, juste avant qu’Israël ne le tue.
Habib a déclaré que les États-Unis et la France avaient dit au Liban que le Premier ministre israélien Benjamin Netanyahu avait également accepté la proposition de
cessez-le-feu.
« Ils nous ont dit que Netanyahou était d’accord, et nous avons donc obtenu l’accord du Hezbollah. Et vous savez ce qui s’est passé depuis », a déclaré Habib à Christiane Amanpour,
animatrice sur CNN.”
Je parierais sur le fait que la fausse déclaration est le fait des États-Unis, pour obtenir l’accord du Hezbollah et espérer ensuite qu’ils puissent
l’utiliser pour intimider Israël et lui faire croire qu’il s’agit d’une courte pause. Rappelons que les États-Unis ont présenté des propositions de cessez-le-feu comme émanant d’Israël et
ont ensuite avoué qu’elles venaient de Biden.
C’est ce mensonge de cessez-le-feu de l’administration Biden qui a permis l’attaque israélienne qui a ensuite incité le président iranien modéré Masoud
Pezeshkian à changer de cap. Comme je l’ai noté hier :
Pezeshkian a noté avec amertume que l’ordre du Premier ministre israélien Natanyahou de tuer Nasrallah avait été donné depuis New York :
“Le président iranien Masoud Pezeshkian déclare que la communauté internationale n’oubliera pas que l’ordre d’Israël d’assassiner le secrétaire général du mouvement de résistance libanais
Hezbollah, Sayyed Hassan Nasrallah, a été donné depuis New York.
…
Dans un message de condoléances samedi, Pezeshkian a déclaré que les États-Unis ne pouvaient s’exonérer de leur complicité avec les sionistes dans l’attaque terroriste contre le chef du
Hezbollah.”
L’assassinat de Nasrallah a démontré que la politique de modération de Pezeshkian avait échoué.
Dans un second point, Yves présente des preuves que l’attaque iranienne contre Israël a causé des dommages significatifs et a probablement mis hors d’état de
nuire des parties importantes des forces de combat F-35 d’Israël.
Il cite ensuite un article de Code Pink qui conclut :
Biden a été dépassé par les événements tout au long de cette crise, s’appuyant sur des instincts politiques datant d’une époque où la fermeté et le soutien
aveugle à Israël étaient des positions politiquement sûres pour les politiciens américains. Le secrétaire d’État, Antony Blinken, a accédé au pouvoir par le biais du Conseil de sécurité
nationale et en tant que membre du personnel du Sénat, et non en tant que diplomate, en suivant les traces de Biden jusqu’à un poste de haut niveau où il est aussi dépassé que son
patron.
Pendant ce temps, les milices pro-iraniennes en Irak préviennent que, si les États-Unis se joignent aux frappes contre l’Iran, elles prendront pour cible les bases américaines en Irak et dans la région.
Nous nous dirigeons donc vers une guerre catastrophique contre l’Iran, sans leadership diplomatique américain et avec seulement Trump et Harris qui
attendent dans les coulisses. Comme l’a écrit Trita Parsi dans Responsible Statecraft,
« si les militaires
américains se retrouvent dans la ligne de mire dans un conflit Iran-Israël en expansion, ce sera le résultat direct de l’incapacité de cette administration à utiliser l’influence des
États-Unis pour poursuivre l’intérêt sécuritaire le plus fondamental de l’Amérique ici – éviter la guerre ».
Les États-Unis disposent de nombreux atouts indéfendables au Moyen-Orient. Leurs troupes en Irak et en Syrie sont peu nombreuses et occupent des positions
précaires. Leurs bases dans les États du Golfe ne sont pas protégées contre les attaques de l’Iran et leurs forces navales au Moyen-Orient n’ont pas la capacité de ravitailler leur flotte en carburant.
Si Israël est autorisé à frapper l’Iran, la sécurité de toutes les forces américaines au Moyen-Orient, l’infrastructure énergétique de toute la région et
l’approvisionnement mondial en pétrole seront menacés de destruction imminente.
Il est grand temps que quelqu’un avertisse la Maison Blanche sur ces faits.
Moon of
Alabama
Traduit par Wayan, relu par Hervé, pour le Saker Francophone.
Ce sont des guerres américaines. Ce sont les guerres de Biden
Politico a publié un
article odieusement propagandiste et mensonger intitulé « Biden approche les limites de son influence sur
Israël », un article de plus dans la montagne d’articles de presse impériaux qui ont été publiés au cours de l’année dernière pour essayer de laver les mains de cette administration
de sa criminalité en la dépeignant comme un témoin innocent et passif des atrocités soutenues par les États-Unis et de la politique de la corde raide militaire à laquelle nous avons assisté
au Moyen-Orient.
Jonathan Lemire et
Robbie Gramer de Politico rapportent, de
manière totalement erronée, que Biden pourrait être incapable d’arrêter « ce que son administration a passé un an à essayer d’empêcher :
une guerre régionale ». Ils affirment à tort que l’administration Biden a désormais « beaucoup moins d’influence sur les événements », parce
que « Netanyahou et son gouvernement ont
constamment ignoré les conseils américains sur la manière de poursuivre la guerre à Gaza ».
Ce ne sont que des
mensonges. Ce sont des menteurs.
Comme beaucoup l’ont souligné à juste titre au cours de l’année écoulée, les présidents américains ont totalement le pouvoir d’arrêter net le bellicisme israélien en menaçant de
mettre fin au soutien militaire dont dépend Israël, et certains présidents précédents ont déjà exercé ce pouvoir. Un responsable de l’armée de l’air israélienne a admis le mois dernier que les atrocités auxquelles nous assistons à Gaza depuis une année entière ne pourraient être maintenues que pendant quelques mois sans le
soutien des États-Unis.
Un embargo sur les armes ou la menace d’un tel embargo aurait mis fin à cette situation il y a longtemps. Le bellicisme israélien ne s’aggrave pas parce que
l’administration Biden ne peut pas contrôler Israël, il s’aggrave parce que l’administration Biden refuse sciemment d’utiliser le contrôle dont elle dispose.
C’est ce qu’illustre un récent échange lors d’une conférence de presse du département d’État. Le porte-parole du département d’État, Matthew Miller, a été interrogé par le journaliste Tom
Bateman sur les accusations selon lesquelles « vous n’avez tout simplement pas utilisé l’effet de levier pour
obtenir ce que vous voulez », citant l’appel téléphonique bien documenté de Ronald Reagan au premier ministre israélien, lors de l’invasion du Liban en 1982, qui a stoppé l’assaut
instantanément.
« Au cours de ce
conflit, l’intervention directe des États-Unis auprès du gouvernement israélien l’a amené à plusieurs reprises à prendre des mesures qu’il ne prenait pas auparavant ; à prendre des
mesures concernant l’accès humanitaire, à prendre des mesures concernant la forme de ses opérations militaires », a répondu Miller, qui a ajouté : « Je ne vais pas parler de toutes ces mesures publiquement.
Certaines d’entre elles ont été rapportées au fil du temps. »
Il s’agit en fait d’un aveu assez accablant de la part de Miller, car il montre que Biden a bien exercé une certaine influence sur Israël, ce qui signifie que
ce que nous avons vu de la part d’Israël correspond plus ou moins à ce que l’administration Biden veut qu’il se produise. Si ce n’était pas le cas, cela ne se produirait pas.
L’autre jour, Miller a laissé échapper les mots « Nous n’avons jamais voulu voir une résolution diplomatique avec
le Hamas » alors qu’il esquivait des questions précises du journaliste Prem Thakker, une position qui, bien sûr, rend tout le discours de cette administration sur les négociations
de cessez-le-feu complètement vide.
En dépit des communiqués de presse de la Maison Blanche, déguisés en articles de presse dans les grands médias, qui ne cessent de répéter à quel point Biden est
« en colère » et « frustré » contre Netanyahou et à quel point il est
impuissant à détourner Israël de la voie de la guerre, cette administration est tout aussi responsable de ces guerres que Netanyahou lui-même. Ce sont des guerres américaines. Ce sont les
guerres de Biden.
Un autre article de Politico intitulé « Des responsables américains ont discrètement soutenu la poussée
militaire d’Israël contre le Hezbollah » rapporte que les responsables de la Maison Blanche Amos Hochstein et Brett McGurk « ont dit à de hauts responsables israéliens ces dernières semaines
que les États-Unis étaient d’accord avec la stratégie générale du Premier ministre israélien Benjamin Netanyahou visant à déplacer l’attention militaire d’Israël vers le nord contre le
Hezbollah », soi-disant « pour
convaincre le groupe de s’engager dans des pourparlers diplomatiques pour mettre fin au conflit ».
Vous avez compris ? Ce même média nous a dit que l’administration Biden soutient le bellicisme d’Israël au Liban mais publie simultanément des articles sur
l’impuissance de Biden à freiner le bellicisme d’Israël.
C’est absolument pathétique. Peu importe à quel point vous méprisez la presse traditionnelle, c’est encore pire que cela.
Caitlin
Johnstone
Traduit par Wayan, relu par Hervé, pour le Saker Francophone.
La Pravda américaine : Israël et le canular de l’Holocauste
Le mois dernier, j’ai exploré les origines historiques de l’État d’Israël et l’expulsion des réfugiés palestiniens de leur ancienne patrie. Au cours de
cette discussion, j’ai souligné le rôle crucial joué par l’Holocauste juif dans la justification et la facilitation de ces événements capitaux survenus il y a trois
générations.1
J’ai lu ou relu plus d’une douzaine de livres pour mon long article de synthèse, et j’en ai également mentionné un autre en passant, que j’ai maintenant
également digéré. Je m’étais principalement concentré sur le conflit israélo-palestinien, et «Le
septième million» de Tom
Segev n’a fait qu’effleurer ce sujet. Mais son sous-titre descriptif «Les Israéliens et l’Holocauste» suggérait un sujet d’enquête connexe qui s’est avéré très
fructueux.
Né en 1945, Tom Segev est généralement considéré comme l’un des plus grands journalistes israéliens, auteur de nombreuses histoires très appréciées sur
les origines d’Israël et ses différentes guerres. Bien que son best-seller de 1991 ait été controversé, la quatrième de couverture contenait des éloges de personnalités israéliennes
de premier plan telles qu’Abba
Eban et Amos
Elon, ainsi que d’importants spécialistes de l’Holocauste tels que le professeur George L. Mosse et des dirigeants de la diaspora juive tels que le lauréat du prix
Nobel Elie
Wiesel. J’ai trouvé ce livre très instructif, même si ce n’est peut-être pas tout à fait dans le sens voulu par l’auteur.
Même en dehors de son thème principal, le premier chapitre fournit des informations extrêmement utiles. En 2018, je m’étais déjà inspiré des recherches
choquantes trouvées dans les livres du franc-tireur de gauche Lenni Brenner pour publier un long article sur la relation surprenante entre les différentes factions sionistes et
l’Allemagne nazie, qui ont passé la majeure partie des années 1930 à travailler ensemble dans le cadre d’un partenariat économique étroit qui a jeté les bases de la création de l’État
d’Israël.2
Bien que les recherches documentaires de Brenner semblaient solides comme le roc et n’avaient jamais été sérieusement remises en question, j’avais
toujours eu quelques légers doutes au fond de mon esprit. Je m’étais demandé si des faits aussi étonnants pouvaient vraiment être vrais et demeurer totalement dissimulés pendant des
générations par la quasi-totalité de nos journalistes et universitaires, mais la brève discussion de Segev a complètement mis fin à ces doutes. Segev est un écrivain israélien
pro-sioniste très classique et il méprisait probablement Brenner, un trotskiste antisioniste radical, ne mentionnant jamais le nom de ce dernier dans les quelque 600 pages de son
texte. Mais Segev a puisé dans les mêmes sources d’archives sous-jacentes pour confirmer pleinement toutes les affirmations historiques les plus incendiaires de Brenner et en a même
ajouté quelques-unes, bien que tout ce matériel similaire soit évidemment présenté d’une manière très différente.
Dans les années 1920, le mouvement sioniste de gauche était fortement influencé par le marxisme et dirigé par David
Ben Gourion, né en Russie, qui s’inspirait
de Lénine, mais ces sionistes ont tout de même formé avec enthousiasme un partenariat économique avec l’Allemagne nazie dans les années 1930, sur la base d’une communauté
d’intérêts évidente. Hitler était impatient d’encourager le départ de la minorité juive problématique de 1% de l’Allemagne, tandis que les sionistes étaient tout aussi impatients de
les accueillir, ainsi que l’énorme infusion de capital financier et industriel qu’ils pouvaient fournir. Au cours de cette période, d’importants dirigeants SS, notamment Adolf
Eichmann, ont été invités en Palestine en tant qu’hôtes sionistes d’honneur et ont ensuite publié leurs comptes rendus flatteurs des activités de développement réussies de leurs
partenaires sionistes dans le principal journal nazi berlinois de Joseph Goebbels. Certains dirigeants sionistes leur ont rendu la pareille en se rendant en Allemagne pour des
réunions très amicales avec leurs homologues nazis, et ils ont rapporté à quel point les juifs de ce pays semblaient se porter bien malgré le nouveau régime prétendument sévère
d’Hitler.
En effet, les chiffres de Segev démontrent l’énorme prospérité des juifs allemands, ce qui explique pourquoi les sionistes étaient si désireux
d’organiser leur réinstallation dans la Palestine appauvrie. Les nazis ont accepté que chaque émigrant juif emporte avec lui l’équivalent actuel de 200 000 dollars en devises
étrangères, plus 250 000 dollars ou plus en marchandises allemandes. Il s’agit là de sommes considérables pour la société désespérément pauvre de l’Allemagne de Weimar, et cette
richesse juive a manifestement été l’une des principales sources de ressentiment antisémite dans ce pays.
Si les principaux groupes sionistes ont coopéré avec l’Allemagne nazie pour des raisons purement utilitaires, leurs rivaux sionistes de droite avaient
des motivations plus idéologiques puisqu’ils avaient modelé leur mouvement sur celui de Mussolini et se sont toujours considérés comme des fascistes, à l’instar de leurs adversaires
acharnés. Nombre de ces sionistes considéraient même l’antisémitisme notoire d’Hitler comme une simple tache politique plutôt que comme un obstacle insupportable à leur admiration. En
1933, un écrivain sioniste de premier plan classait le dictateur allemand parmi les «noms brillants» du monde, aux côtés de Mussolini, d’Atatürk et des divers autres héros de droite
de son mouvement, tandis qu’une autre personnalité sioniste déclarait haut et fort que «Hitler a sauvé l’Allemagne». Même après le début de la Seconde Guerre mondiale, l’une de ces
factions sionistes, dirigée par un futur Premier ministre d’Israël, a cherché à plusieurs reprises à s’enrôler dans les puissances de l’Axe, dans l’espoir de rejoindre l’alliance
militaire dirigée par Hitler et Mussolini.
L’un des points intéressants soulevés par Segev est que, bien qu’une grande majorité des juifs ordinaires du monde entier aient été intensément hostiles
au régime d’Hitler, les dirigeants de la plupart des différentes factions sionistes sont discrètement devenus des concurrents féroces pour le patronage allemand, ceux qui ont perdu
dénonçant parfois hypocritement les affiliations nazies de leurs rivaux les plus prospères. Ces propos amers ont conduit à l’assassinat, en 1933, de l’un des principaux dirigeants
sionistes en Palestine par ses détracteurs de droite.
Bien que ce partenariat nazi-sioniste ait été controversé à l’époque, il l’est devenu encore plus après la défaite de l’Axe et l’effort concerté des
Alliés pour diaboliser les nazis par le biais des procès de Nuremberg et d’autres spectacles de propagande, de sorte que le nouvel État d’Israël s’est efforcé de dissimuler ce sombre
secret de son passé récent. Lorsque ces faits historiques des années 1930 ont menacé de s’ébruiter au milieu des années 1950 en raison des problèmes juridiques d’une importante
personnalité politique israélienne, l’homme a été assassiné, et Segev a suggéré que le gouvernement israélien avait probablement organisé le meurtre afin de lui fermer définitivement
la bouche.
Après ce premier chapitre plutôt surprenant, l’essentiel du récit de Segev passe à un sujet très différent, à savoir la relation enchevêtrée d’Israël
avec l’Holocauste, l’extermination délibérée de quelque six millions de civils juifs sans défense par l’Allemagne nazie, principalement dans les chambres à gaz de divers camps de
concentration de la Seconde Guerre mondiale. Sur ces faits de base, le point de vue de l’auteur semble tout à fait conventionnel et, à plusieurs reprises, il souligne la cruauté
bestiale du plan diabolique des nazis visant à éliminer tous les juifs du monde. Mais bien que les références à l’Holocauste, aux chambres à gaz ou aux camps de concentration les plus
célèbres tels qu’Auschwitz, Treblinka, Sobibor et Dachau soient parsemées sur une grande partie de toutes ces pages, Segev évite largement de discuter des détails de ce massacre
industriel, supposant apparemment que tous ses lecteurs sont parfaitement familiarisés avec le récit standard produit par la recherche moderne sur l’Holocauste, qui a commencé dans le
sillage de l’ouvrage fondateur de Raul Hilberg en 1961. Ironiquement, Segev note qu’à la date de sa rédaction, l’ouvrage classique de Hilberg n’était toujours pas traduit en hébreu,
probablement parce qu’il indiquait que tous ces millions de juifs étaient allés de leur plein gré à la mort, guidés par les dirigeants de leur propre communauté et sans jamais montrer
de signes de résistance active.
Cependant, la société israélienne est inhabituelle en ce sens qu’une fraction importante de sa population fondatrice était constituée de survivants de
l’Holocauste d’après-guerre, «le septième million» du titre de Segev, des individus qui étaient eux-mêmes passés par les différents camps de la mort nazis. Par conséquent, leurs
récits personnels saisissants semblent avoir permis au public israélien, dont Segev lui-même, né quelques semaines avant le suicide d’Hitler et l’effondrement de son régime allemand,
de comprendre en grande partie ces événements capitaux.
Peut-être parce que le premier chapitre de Segev documente l’étroite collaboration entre les nazis et les sionistes dans les années 1930, ce qui
pourrait déconcerter ses lecteurs, il fait précéder cette discussion d’un prologue qui relate les horreurs de l’Holocauste qui ont suivi peu après dans l’ordre chronologique. Il s’est
concentré sur les livres d’un survivant d’Auschwitz nommé Yehiel De-Nur, qui avait passé deux ans dans ce tristement célèbre camp de la mort, et bien que le nom de cet écrivain ne
signifie pas grand-chose aux États-Unis de nos jours, il est devenu un auteur célèbre d’après-guerre en Israël.
Bien que tous les volumes autobiographiques de De-Nur aient été publiés sous un pseudonyme et que sa véritable identité soit restée cachée pendant de
nombreuses années, ses œuvres font partie de la première littérature sur l’Holocauste en Israël et ont eu une influence considérable en attirant l’attention du public israélien sur
les détails horribles de cette catastrophe, avec un prix littéraire spécial créé en son honneur, décerné tous les deux ans par le président israélien.
En effet, Segev a expliqué que lui et la plupart des adolescents israéliens de sa génération ont appris les détails extrêmement troublants de
l’Holocauste dans les livres de De-Nur, de sorte que lorsqu’il a réussi à organiser une interview personnelle avec l’auteur, il l’a fait avec beaucoup d’appréhension. Les écrits de
De-Nur ont toujours mis l’accent sur les actes sadiques qui faisaient partie de la vie quotidienne à Auschwitz, notamment les abus sexuels généralisés de jeunes garçons et filles
juifs par leurs geôliers nazis, et Segev décrit les ouvrages comme étant considérablement pornographiques.
Selon Segev, De-Nur était un jeune étudiant de Yeshiva dans la Pologne d’avant-guerre, avec de grandes prétentions littéraires, qui essayait
désespérément de faire publier ses écrits lorsque la guerre est arrivée et qu’il s’est retrouvé à Auschwitz. Plus tard, De-Nur a affirmé qu’Eichmann l’avait personnellement condamné à
ce destin. Il a donc été l’un des principaux témoins du procès d’Eichmann en 1961, et son témoignage s’est terminé par un évanouissement, censé refléter les souvenirs personnels
indicibles qui le hantaient encore, même des décennies plus tard.
Il se trouve que j’ai également lu récemment le classique d’Hannah
Arendt de 1963, «Eichmann
à Jérusalem», et De-Nur était l’un des quelques témoins sur lesquels elle s’est également concentrée, traitant son témoignage avec beaucoup moins de gentillesse que Segev.
Selon son récit, le monologue bizarre et décousu de De-Nur portait notamment sur l’astrologie et toutes sortes d’autres choses étranges, ce qui a considérablement embarrassé la
sérieuse procédure judiciaire. Lorsque le procureur l’a finalement interrompu pour lui poser quelques questions factuelles de base, De-Nur s’est immédiatement effondré dans une crise
d’hystérie, ce qui a permis au juge de sauver la situation en ordonnant que le témoin soit définitivement écarté de la barre. Arendt a suggéré que le témoignage de De-Nur démontrait
l’énorme difficulté qu’ont parfois les témoins oculaires émotifs à faire la distinction entre leurs souvenirs réels d’événements survenus de nombreuses années auparavant et les
produits de leur propre imagination débordante.
En effet, Segev semble confirmer l’observation d’Arendt en expliquant que De-Nur a été tellement brisé émotionnellement par ses expériences à Auschwitz
qu’il a eu besoin de nombreuses années de suivi psychiatrique et a également commencé une série de séances de traitement au LSD, au cours desquelles il s’est remémoré des visions de
ses jours dans le camp. Il finit par produire un nouveau manuscrit sur l’Holocauste, qui comprend notamment des scènes vraisemblablement imaginaires d’événements brutaux tels qu’un
garde SS assassinant le garçon juif qui avait été victime de ses perversions sexuelles, puis faisant griller le corps du garçon sur une broche et dévorant la chair morceau par
morceau.
Ces pages bizarres du prologue représentent apparemment une grande partie du récit de l’Holocauste tel qu’il est compris par la plupart des Israéliens
et j’ai trouvé plutôt déconcertant qu’elles soient immédiatement suivies par le chapitre décrivant les détails banals du partenariat nazi-sioniste quelques années auparavant, une
juxtaposition extrêmement étrange de situations si radicalement différentes. Ainsi, selon l’apparente reconstruction de Segev, les accords commerciaux amicaux et respectueux entre les
nazis allemands et les juifs sionistes de la fin des années 1930 ont été soudainement remplacés au début des années 1940 par un effort diabolique et sadomasochiste des nazis visant à
exterminer totalement tous les juifs du monde, une transformation extrêmement étrange qui a soulevé de sérieuses questions dans mon esprit.
Pour autant que je sache, le récit principal de l’Holocauste aux États-Unis n’a jamais dépeint les camps de concentration allemands comme des foyers de
perversion sexuelle sado-masochiste omniprésente. Toutefois, ces thèmes ont été abordés dans une série de films d’exploitation populaires des années 1970, à commencer
par Ilsa,
la louve des SS. Cela m’amène à me demander si de nombreux récits de survivants en Israël n’entrent pas dans cette même catégorie. En effet, selon la page
Wikipédia de De-Nur, une organisation israélienne de défense de l’Holocauste a dénoncé les livres de De-Nur comme étant de la fiction pornographique, notamment parce que la loi
nazie interdisait absolument toute relation sexuelle entre Aryens et juifs.
Des histoires tout aussi bizarres et scatologiques ont également été trouvées dans «L’oiseau
peint» de l’écrivain Jerzy
Kosinski, qui est devenu en 1976 le premier livre de mémoires sur l’Holocauste largement populaire aux États-Unis. Mais cet énorme best-seller s’est révélé par la suite totalement
frauduleux, et l’auteur plagiaire s’est finalement suicidé. En fait, il y a eu tellement de faux
mémoires sur l’Holocauste au fil des ans qu’ils constituent presque un genre littéraire à part entière. Le survivant de l’Holocauste le plus célèbre au monde est probablement
Elie Wiesel, qui a su tirer parti des récits de ses souffrances en temps de guerre pour devenir une énorme célébrité politique, couronnant sa carrière par un prix Nobel de la paix en
1986, dont l’annonce l’a déclaré «messager de
l’humanité». Pourtant, le journaliste Alexander Cockburn a soutenu de
manière convaincante que Wiesel était tout simplement un imposteur et que son célèbre ouvrage autobiographique, «La nuit»,
n’était qu’un autre canular littéraire.
Selon Segev, un élément étrange du dogme israélien de l’Holocauste a été la conviction largement répandue, presque universelle, que les nazis avaient
transformé les corps des juifs en savon, même les plus hauts dirigeants du gouvernement décrivant fermement cette atrocité comme un fait. Non seulement il s’agissait d’un canular
notoire, mais Segev a expliqué que Yad Vashem, le centre israélien de recherche sur l’Holocauste qui fait le plus autorité, l’a entièrement démenti en le qualifiant de totalement
frauduleux.
Entre-temps, même certaines des histoires les moins horribles que Segev transmet semblent plutôt douteuses. Selon un éminent avocat israélien qui a
affirmé plus tard avoir libéré des camps de la mort en tant qu’officier juif pendant la guerre, un grand groupe d’hommes, de femmes et d’enfants ont été rassemblés dans l’une des
chambres à gaz, mais comme leur nombre était insuffisant, les Allemands économes ne voulaient pas gaspiller une dose complète de gaz sur eux, et ils ont donc été forcés de rester là,
nus, pendant un jour et une nuit, en attendant d’autres victimes, avant d’être sauvés de la mort lorsque leur camp a été soudainement libéré.
En lisant le récit de Segev sur le rôle de l’Holocauste dans la société israélienne et le type d’histoires scandaleuses sur l’Holocauste qui ont dominé
le récit dans ce pays, je n’ai pas pu m’empêcher de remarquer un lien étroit avec des événements beaucoup plus récents.
L’attaque étonnamment réussie du Hamas le 7 octobre a profondément embarrassé les Israéliens, et les propagandistes pro-israéliens ont rapidement
commencé à mettre l’accent sur des canulars ridicules tels que la prétendue découverte de quarante bébés décapités ou d’un bébé rôti dans un four. Toutes ces fraudes étaient le fait
de personnages extrêmement peu
recommandables, mais elles ont été acceptées et promues avec empressement par les élites politiques et les médias occidentaux de premier plan.
La dernière vague d’affirmations très douteuses porte sur des récits de seconde main de viols collectifs et de mutilations sexuelles commis par le
Hamas. Ces récits n’ont été révélés que deux mois après les événements en question et n’ont pas été étayés par des preuves médico-légales. Nombre de ces affirmations émanent des mêmes
personnes que celles à l’origine du canular des bébés décapités, ce qui laisse à penser qu’il s’agit de stratagèmes de propagande tout aussi désespérés. Les journalistes Max
Blumenthal, Aaron Mate et d’autres ont évoqué l’extrême
crédulité du Times et
d’autres médias dans la promotion de
ces histoires manifestement frauduleuses. Nombre de ces points sont résumés dans une brève discussion vidéo :
Entre-temps, considérons les preuves très solides du silence. Selon les médias, les militants du Hamas qui ont attaqué portaient de petites caméras
GoPro qui enregistraient toutes leurs activités. Les Israéliens ont récupéré un grand nombre de ces caméras sur les corps des victimes et ont commencé à examiner attentivement des
centaines d’heures de ces
séquences vidéo. Ils auraient certainement rapidement publié une compilation vidéo contenant toutes les preuves incriminantes qu’ils auraient trouvées, mais je n’ai pas
connaissance d’une seule séquence publique montrant des atrocités aussi brutales ou des massacres, ce qui suggère fortement que très peu de choses de ce genre se sont produites. En
effet, la Zone grise a démontré que la principale photographie fournie d’une femme israélienne prétendument violée et assassinée s’avérait en fait être celle d’une combattante kurde
datant de plusieurs années qui avait été récupérée sur Internet, ce qui démontre le désespoir et la malhonnêteté apparents des propagandistes pro-israéliens qui promeuvent ces
histoires.
«Quiconque lit
des livres
d’histoire sérieux sait que les juifs ont généralement joui de la réputation de produire beaucoup des plus grands escrocs et fraudeurs du monde, ce qui n’est guère surprenant
compte tenu de leur tendance notoire à mentir
et à dissimuler. Par ailleurs, la communauté juive semble également contenir bien plus que sa juste part de personnes émotionnellement perturbées et de malades mentaux, ce qui
explique peut-être qu’elle ait servi de rampe de lancement à de nombreux cultes religieux et mouvements idéologiques fanatiques dans le monde.
Bien que la
tendance au mensonge et à l’exagération ne soit pas propre aux partisans politiques de la juiverie russe, l’existence d’un puissant réseau international de journalistes juifs et de
médias influencés par les juifs a permis à ces récits de propagande concoctés de bénéficier d’une énorme diffusion mondiale, tandis que la vérité suivait loin derrière, si tant est
qu’elle existât».
Les rédacteurs de Gray
Zone ont noté que toute analyse sceptique de ces histoires scandaleuses d’atrocités commises par le Hamas a incité les défenseurs d’Israël à dénoncer férocement ces
critiques tout en refusant obstinément de fournir des preuves solides.
C’est évidemment exact. Cependant, je pense qu’une approche tout aussi sceptique doit également être appliquée au récit conventionnel de l’Holocauste,
qui constitue le pilier idéologique central de l’État juif, de ses dirigeants politiques et de ses partisans convaincus, qu’ils soient juifs ou païens. Malheureusement, l’application
de ces méthodes analytiques peut être psychologiquement difficile pour de nombreux Occidentaux, car au cours des deux dernières générations, Hollywood a élevé cet événement historique
des années 1940 à quelque chose qui ressemble à une quasi-religion. Comme je l’ai écrit en
2018 :
Les trois réseaux de télévision des États-Unis étaient sous propriété ou contrôle juif, il n’est donc pas surprenant que deux ans plus
tard, ABC ait
décidé de répéter ce processus avec la mini-série télévisée Holocauste de 1978, qui a également atteint une audience de 100 millions de personnes et généré d’énormes
profits…
L’année suivante, William Styron a publié «Le choix de
Sophie», un récit déchirant impliquant des souvenirs profondément enfouis de l’extermination d’enfants polonais chrétiens dans les chambres à gaz d’Auschwitz. Bien qu’un tel
événement soit absolument contraire aux doctrines de tous les spécialistes juifs de l’Holocauste, le roman est tout de même devenu un énorme best-seller national, et un film du
même nom a rapidement suivi en 1982, Meryl Streep remportant l’Oscar de la meilleure actrice. Dix ans plus tard, «La liste de
Schindler», réalisé par Steven Spielberg en 1993, a remporté sept Oscars, tout en rapportant près de 100 millions de dollars.
Avec un Hollywood si majoritairement
juif, les conséquences n’étaient pas surprenantes, et un genre cinématographique énorme s’est rapidement développé. Selon Finkelstein, Hollywood a produit quelque 180 films
sur l’Holocauste rien qu’entre 1989 et 2004. Même le sous-ensemble très partiel de films
sur l’Holocauste répertorié sur Wikipedia est devenu extrêmement long, mais heureusement, la Movie Database a réduit le catalogue en fournissant une liste
des 50 films les plus émouvants sur l’Holocauste.
Des milliards de dollars ont certainement été investis au fil des ans dans les coûts de production totaux de cette entreprise commerciale
continuelle. Pour la plupart des gens ordinaires, «voir c’est croire», et comment pourrait-on sérieusement douter de la réalité de l’Holocauste après avoir vu toutes les chambres
à gaz et les monticules de cadavres juifs assassinés construits par des décorateurs hollywoodiens grassement payés ? Douter de l’existence de Spiderman et de l’Incroyable Hulk
serait presque aussi absurde.
Quelque 2% des Américains sont d’origine juive, tandis que 95% d’entre eux ont des racines chrétiennes, mais la liste
des films chrétiens figurant dans Wikipédia semble plutôt maigre et rudimentaire en comparaison. Très peu de ces films ont été diffusés à grande échelle, et la sélection
s’étire jusqu’à inclure «Les
Chroniques de Narnia», qui ne contient aucune mention du christianisme. L’une des rares exceptions de la liste est «La Passion du
Christ», réalisé par Mel Gibson en 2004, qu’il a été contraint d’autofinancer. Malgré l’énorme succès financier de ce film, l’un des plus rentables de tous les temps, le
projet a fait de Gibson un paria extrêmement vilipendé dans l’industrie dont il avait été la plus grande star, surtout après que l’on ait appris que son propre père était
un négationniste
de l’Holocauste.
À bien des égards, Hollywood et les médias de divertissement au sens large constituent aujourd’hui la base spirituelle unificatrice de notre société
profondément laïque, et la prédominance écrasante des films sur le thème de l’Holocauste par rapport aux films chrétiens a des implications évidentes. Pendant ce temps, dans notre
monde globalisé, le complexe américain des médias de divertissement domine totalement l’Europe et le reste de l’Occident, de sorte que les idées générées ici façonnent
effectivement l’esprit de plusieurs centaines de millions de personnes vivant ailleurs, qu’elles en soient pleinement conscientes ou non.
En 2009, le pape Benoît XVI a cherché à combler le fossé qui existait depuis longtemps entre l’Église catholique et Vatican II et à se réconcilier
avec la faction dissidente de la Fraternité Saint-Pie X. Mais cette initiative a suscité une vive controverse dans les médias. Mais cette démarche est devenue une controverse
médiatique majeure lorsqu’il a été découvert que l’évêque Richard Williamson, l’un des principaux membres de cette dernière organisation, était depuis longtemps un négationniste
de l’Holocauste et pensait également que les juifs devaient se convertir au christianisme. Si les nombreuses autres divergences doctrinales catholiques étaient tout à
fait négociables, le refus d’accepter la réalité de l’Holocauste ne l’était apparemment pas, et Mgr Williamson est resté éloigné de l’Église catholique. Peu après, il a même
été poursuivi
pour hérésie par le gouvernement allemand.
Des critiques sur Internet ont suggéré qu’au cours des deux dernières générations, des activistes juifs énergiques ont réussi à faire pression sur
les pays occidentaux pour qu’ils remplacent leur religion traditionnelle, le christianisme, par la nouvelle religion de l’holocaustianisme, et l’affaire Williamson semble
certainement étayer cette conclusion.
Prenons l’exemple du magazine satirique français Charlie
Hebdo. Financé par des intérêts juifs, il a passé des années à lancer des attaques vicieuses contre le christianisme, parfois de manière grossièrement pornographique, et à
vilipender périodiquement l’islam. Ces activités ont été saluées par les responsables politiques français comme une preuve de la totale liberté de pensée autorisée au pays de
Voltaire. Mais dès que l’un de ses principaux caricaturistes a fait une blague très légère sur les juifs, il a été immédiatement licencié, et si la publication avait ridiculisé
l’Holocauste, elle aurait certainement été immédiatement fermée et l’ensemble de son personnel aurait peut-être été jeté en prison.
Les journalistes occidentaux et les défenseurs des droits de l’homme ont souvent exprimé leur soutien aux activités audacieusement transgressives
des militantes du groupe financé par des juifs Femen,
lorsqu’elles profanent des églises chrétiennes dans le monde entier. Mais ces experts seraient certainement dans tous leurs états si quelqu’un agissait de la même manière à
l’égard du réseau international croissant des musées de l’Holocauste, dont la plupart ont été construits aux frais de l’État.
En effet, l’une des sources sous-jacentes du conflit occidental amer avec la Russie de Vladimir Poutine semble être qu’il a redonné au christianisme
une place privilégiée dans une société où les premiers bolcheviks avaient autrefois dynamité des églises et massacré plusieurs milliers de prêtres. Les élites intellectuelles
occidentales avaient des sentiments beaucoup plus positifs à l’égard de l’URSS, alors que ses dirigeants conservaient une attitude antichrétienne radicale.
Dans ce même très long article
de 2018, je décrivais comment j’avais commencé à m’interroger sur les preuves de l’Holocauste et, après une enquête minutieuse, j’avais conclu que l’Holocauste était en grande
partie, voire presque entièrement, un canular.
En particulier, j’ai trouvé des indications solides selon lesquelles, au cours des années qui ont immédiatement suivi la Seconde Guerre mondiale, la
plupart des journalistes et universitaires grand public des États-Unis semblent avoir discrètement reconnu que les histoires affirmant que des millions de juifs avaient été tués dans
des chambres à gaz par les nazis n’étaient que de la propagande de guerre grossière, non différente des accusations de la Première Guerre mondiale selon lesquelles les Allemands
avaient violé des religieuses belges et mangé
des enfants belges.
Un élément de preuve important a été ma découverte d’un livre écrit par le professeur John Beaty, qui avait servi comme colonel dans les services de
renseignement militaire pendant la guerre.
Il y a quelques années, je suis tombé sur un livre totalement obscur de 1951 intitulé «Rideau
de fer sur l’Amérique», écrit par John Beaty, un professeur d’université très réputé. Beaty avait passé ses années de guerre dans le renseignement militaire, chargé de
préparer les rapports d’information quotidiens distribués à tous les hauts responsables américains et résumant les informations de renseignement disponibles acquises au cours des
24 heures précédentes, ce qui constituait manifestement un poste de responsabilité considérable.
En tant qu’anticommuniste zélé, il considérait qu’une grande partie de la population juive des États-Unis était profondément impliquée dans des
activités subversives et constituait donc une menace sérieuse pour les libertés américaines traditionnelles. En particulier, la mainmise croissante des juifs sur l’édition et les
médias fait qu’il est de plus en plus difficile pour les opinions divergentes d’atteindre le peuple américain, ce régime de censure constituant le «rideau de fer» décrit dans son
titre. Il blâme les intérêts juifs pour la guerre totalement inutile avec l’Allemagne d’Hitler, qui a longtemps cherché à entretenir de bonnes relations avec les États-Unis, mais
qui, au lieu de cela, a subi une destruction totale pour s’être fermement opposée à la menace communiste européenne soutenue par les juifs.
Beaty a également vivement dénoncé le soutien américain au nouvel État d’Israël, qui risquait de nous coûter la bienveillance de millions de
musulmans et d’Arabes. Il a également critiqué les Israéliens pour avoir continué à prétendre que Hitler avait tué six millions de juifs, une accusation hautement invraisemblable
qui n’avait aucun fondement apparent dans la réalité et qui semblait n’être qu’une fraude concoctée par les juifs et les communistes, dans le but d’empoisonner nos relations avec
l’Allemagne d’après-guerre et de soutirer de l’argent pour l’État juif au peuple allemand, qui souffrait depuis si longtemps.
En outre, il s’est montré cinglant à l’égard du procès de Nuremberg, qu’il a qualifié de «grande tache
indélébile» pour l’Amérique et de «parodie de
justice». Selon lui, les procédures ont été dominées par des juifs allemands revanchards, dont beaucoup ont falsifié des témoignages ou ont même eu des antécédents criminels.
En conséquence, ce «fiasco
immonde» a simplement appris aux Allemands que «notre
gouvernement n’avait aucun sens de la justice». Le sénateur Robert Taft, leader républicain de l’immédiat après-guerre, a adopté une position très similaire, qui lui a valu
plus tard les éloges de John F. Kennedy dans «Profils de
courage». Le fait que le procureur soviétique en chef à Nuremberg ait joué le même rôle lors des tristement célèbres procès spectacles staliniens de la fin des années 1930,
au cours desquels de nombreux anciens bolcheviks ont avoué toutes sortes de choses absurdes et ridicules, n’a guère renforcé la crédibilité de la procédure aux yeux de nombreux
observateurs extérieurs.
À l’époque comme aujourd’hui, un livre adoptant des positions aussi controversées avait peu de chances de trouver un éditeur new-yorkais classique,
mais il fut rapidement publié par une petite société de Dallas et connut alors un énorme succès, avec quelque dix-sept tirages au cours des années qui suivirent. Selon Scott
McConnell, rédacteur en chef fondateur de The American
Conservative, le livre de Beaty est devenu le deuxième texte conservateur le plus populaire des années 1950, juste derrière le classique de Russell Kirk, «L’esprit
conservateur».
En outre, bien que des groupes juifs, dont l’ADL, aient sévèrement condamné le livre, en particulier dans le cadre de leurs activités de lobbying
privées, ces efforts ont provoqué une réaction brutale, et de nombreux généraux américains de haut rang, en activité ou à la retraite, ont soutenu sans réserve l’ouvrage de Beaty,
dénonçant les efforts de censure de l’ADL et exhortant tous les Américains à lire le livre. Bien que la négation explicite de l’Holocauste par Beaty puisse choquer les
sensibilités modernes, à l’époque, elle semble avoir suscité à peine une vague d’inquiétude et a été presque totalement ignorée, même par les critiques juifs virulents de
l’ouvrage.
Compte tenu de son rôle crucial en temps de guerre, peu d’Américains auraient probablement été mieux informés de nos renseignements que le professeur
Beaty, et son énorme best-seller de 1951 a rejeté avec désinvolture les récits juifs sur l’Holocauste, les qualifiant d’absurdités. Son livre a été fortement approuvé par un grand
nombre de nos principaux généraux, et bien que l’ADL et d’autres groupes juifs l’aient férocement attaqué sur tous les autres points, aucun d’entre eux n’a jamais remis en question
ses déclarations sur l’Holocauste.
J’ai ensuite exploré l’absence
frappante de toute mention significative de l’Holocauste au cours de ces années :
La très brève discussion de Beaty en 1951 est le premier exemple de négation explicite de l’Holocauste que j’ai réussi à localiser, mais les années
de l’immédiat après-guerre semblent absolument pleines de ce que l’on pourrait qualifier de «négation implicite de l’Holocauste», en particulier au sein des cercles politiques les
plus élevés.
Au fil des ans, les spécialistes et les militants de l’Holocauste ont souligné à juste titre la nature absolument sans précédent des événements
historiques qu’ils ont étudiés. Ils décrivent comment quelque six millions de civils juifs innocents ont été délibérément exterminés, principalement dans des chambres à gaz, par
l’une des nations les plus cultivées d’Europe, et soulignent que ce projet monstrueux a souvent été considéré comme plus prioritaire que les propres besoins militaires de
l’Allemagne en temps de guerre, au cours de la lutte désespérée du pays pour sa survie. En outre, les Allemands ont également déployé d’énormes efforts pour éliminer toutes les
traces possibles de leur acte horrible, en consacrant des ressources considérables à l’incinération de tous ces millions de corps et à la dispersion des cendres. Cette même
technique de disparition a même parfois été appliquée au contenu de leurs fosses communes, qui ont été déterrées longtemps après l’enterrement initial, afin que les cadavres en
décomposition puissent ensuite être totalement incinérés et que toute preuve soit éliminée. Et bien que les Allemands soient connus pour leur extrême précision bureaucratique, cet
immense projet de guerre a apparemment été mis en œuvre sans bénéficier d’un seul document écrit, ou du moins aucun document de ce type n’a jamais été retrouvé.
Lipstadt a intitulé son premier livre «Au-delà de la
croyance», et je pense que nous pouvons tous convenir que l’événement historique dont elle et tant d’autres dans le monde universitaire et à Hollywood ont fait le centre de
leur vie et de leur carrière est certainement l’un des événements les plus extrêmement remarquables de toute l’histoire de l’humanité. En effet, seule une invasion martienne
aurait peut-être été plus digne d’une étude historique, mais la célèbre pièce radiophonique d’Orson Welles, «La guerre des
mondes», qui a terrifié des millions d’Américains en 1938, s’est avérée être un canular plutôt qu’une réalité.
Les six millions de juifs qui ont péri dans l’Holocauste constituaient certainement une fraction très importante de toutes les victimes de la guerre
sur le théâtre européen, dépassant par un facteur de 100 tous les Britanniques morts pendant le Blitz, et étant des dizaines de fois plus nombreux que tous les Américains tombés
sur le champ de bataille. En outre, la monstruosité même du crime commis contre des civils innocents aurait certainement constitué la meilleure justification possible de l’effort
de guerre des Alliés. Pourtant, pendant de très nombreuses années après la guerre, une sorte d’amnésie très étrange semble avoir saisi la plupart des principaux protagonistes
politiques à cet égard.
À ce sujet, j’ai cité un passage très intéressant du professeur Robert Faurisson, qui est devenu l’un des principaux négationnistes français dans les
années 1970 :
«Trois des
ouvrages les plus connus sur la Seconde Guerre mondiale sont «La Croisade en Europe du général Eisenhower» (New York : Doubleday [Country Life Press], 1948), «La Seconde Guerre
mondiale de Winston Churchill» (Londres : Cassell, 6 volumes, 1948-1954), et les «Mémoires de guerre du général de Gaulle» (Paris : Plon, 3 volumes, 1954-1959). Dans ces trois
ouvrages, on ne trouve pas la moindre mention des chambres à gaz nazies.
«La Croisade en
Europe d’Eisenhower» est un livre de 559 pages ; les six volumes de «La Seconde Guerre mondiale de Churchill» totalisent 4448 pages ; et les «Mémoires de guerre du général de Gaulle»
comptent 2054 pages. Dans cette masse d’écrits, qui totalise 7061 pages (sans compter les parties introductives), publiés de 1948 à 1959, on ne trouve aucune mention des «chambres à
gaz» nazies, d’un «génocide» des juifs, ou de «six millions» de victimes juives de la guerre».
Considérons toutes les implications de ces faits.
Comme le souligne Faurisson, au cours des années 1948-1959, Eisenhower, Churchill et de Gaulle ont publié leurs mémoires et histoires, qui totalisent
plus de 7000 pages. Ces individus étaient les plus grands héros victorieux de la Seconde Guerre mondiale et les ouvrages massifs qu’ils avaient publiés étaient destinés à établir de
façon permanente leur place dans l’histoire, non seulement pour les quelques années à venir, mais aussi pour de nombreuses décennies, voire des siècles à venir.
Les principaux spécialistes de l’Holocauste ont raisonnablement soutenu que l’événement qu’ils étudient était probablement le plus grand crime jamais
commis dans l’histoire du monde, l’extermination rapide de six millions de victimes innocentes par l’un des pays les plus instruits du monde, à l’aide de moyens scientifiques
diaboliquement avancés.
Ces trois dirigeants avaient mené la campagne mondiale pour vaincre le pays responsable de l’Holocauste, qui n’avait eu lieu qu’une dizaine d’années
auparavant.
Pourtant, personne, à la lecture de ces 7000 pages de texte, n’aurait jamais soupçonné qu’un quelconque Holocauste avait eu lieu. Comment cela peut-il
s’expliquer dans le cadre du récit historique standard ?
Mon explication contradictoire est très simple. Ces trois dirigeants savaient parfaitement que l’Holocauste n’était qu’un canular, une ridicule
concoction de propagande de guerre. Ils étaient persuadés que dans cinq ou dix ans, vingt ans tout au plus, le canular de l’Holocauste aurait été complètement démystifié et
universellement reconnu comme absurde, tout comme cela s’était produit avec les canulars d’atrocités de la Première Guerre mondiale. Ils pensaient donc que s’ils le mentionnaient dans
leurs livres, ils seraient ridiculisés à l’infini par les générations futures, et ils voulaient éviter ce destin embarrassant.
Je n’ai jamais cherché à le savoir, mais je suppose que tous les grands dirigeants alliés qui ont publié leur histoire et leurs mémoires après la
Première Guerre mondiale ont pris soin d’éviter d’affirmer que les Allemands avaient violé des religieuses belges ou mangé des enfants belges.
La «redécouverte» de l’Holocauste dans l’historiographie occidentale n’a eu lieu qu’au début des années 1960, et certaines de ces circonstances très
ironiques semblent pointer vers la même conclusion controversée. Comme je l’ai écrit dans mon article
de 2018 :
Le regretté universitaire Raul Hilberg est universellement reconnu comme le fondateur des études modernes sur l’Holocauste, qui ont commencé avec la
publication en 1961 de son énorme volume «La
destruction des juifs d’Europe». Dans sa très intéressante notice
nécrologique de 2007, l’historien Norman Finkelstein souligne qu’avant l’ouvrage de Hilberg, il n’y avait pratiquement pas eu d’écrits sur l’Holocauste et que la
discussion sur le sujet était considérée comme presque «taboue». Le fait qu’un événement récent d’une telle énormité apparente ait été si complètement effacé du débat public et de
la conscience des historiens et des politologues peut s’expliquer de différentes manières. Mais lorsque j’ai commencé à enquêter sur les circonstances à l’origine du travail
révolutionnaire de Hilberg, j’ai rencontré toutes sortes d’ironies étranges.
Selon Wikipedia, la famille de Hilberg, composée de juifs autrichiens, est arrivée aux États-Unis par coïncidence le jour même où la guerre a éclaté en 1939. Au début de son
adolescence, il a été horrifié de lire tous les reportages sur l’extermination en cours de ses concitoyens juifs sur le continent que sa famille avait quitté, et il a même
téléphoné aux dirigeants juifs pour leur demander pourquoi ils faisaient si peu pour sauver leurs concitoyens de l’anéantissement. Il a ensuite servi dans l’armée américaine en
Europe, puis s’est spécialisé en sciences politiques au Brooklyn College après la fin du conflit. Il semble que l’inspiration pour son futur travail scientifique lui soit venue
lorsqu’il a été choqué par une remarque faite par l’un de ses professeurs, Hans Rosenberg, qui a déclaré :
«Les atrocités
les plus terribles perpétrées sur une population civile à l’époque moderne ont eu lieu pendant l’occupation napoléonienne de l’Espagne».
Lorsque Hilberg a demandé à Rosenberg, lui-même réfugié juif allemand, comment il avait pu ignorer à ce point l’assassinat de 6 millions de juifs,
un crime monstrueux commis quelques années auparavant, Rosenberg a cherché à détourner la question en disant que «c’était une
affaire compliquée» et que «l’histoire
n’enseigne pas jusqu’à l’époque actuelle». Comme Rosenberg était un étudiant de Meinecke, que Lipstadt a amèrement dénoncé comme étant un négationniste implicite de
l’Holocauste, on peut se demander si Rosenberg ne partageait pas les convictions de son mentor, mais était réticent à l’admettre devant ses étudiants, en grande majorité juifs,
dans un Brooklyn d’après-guerre chargé d’émotion.
Plus tard, Hilberg a mené ses recherches doctorales à Columbia sous la direction de Franz Neumann, un autre chercheur réfugié juif allemand. Mais
lorsque Hilberg a indiqué qu’il souhaitait que ses recherches portent sur l’extermination des juifs d’Europe, Neumann l’en a fortement dissuadé, l’avertissant que cela serait
professionnellement imprudent et pourrait devenir «son
enterrement académique». Lorsqu’il a tenté de publier ses recherches sous forme de livre, celui-ci a reçu de nombreuses critiques négatives, le Yad Vashem d’Israël craignant
qu’il ne fasse l’objet de «critiques
hostiles». Sur une période de six ans, il a été rejeté par plusieurs grandes maisons d’édition ainsi que par l’université de Princeton, sur les conseils de l’influente
intellectuelle juive Hannah Arendt. On peut naturellement se demander si tous ces universitaires reconnus ne savaient pas discrètement quelque chose qu’un jeune doctorant naïf
comme Hilberg ignorait. Son livre n’a été publié que parce qu’un immigrant juif, dont l’entreprise avait souffert des nazis, a financé l’ensemble de la publication.
Un autre élément étrange, bien documenté mais difficile à concilier avec le récit traditionnel de l’Holocauste, est qu’un grand nombre d’Allemands
partiellement juifs ont servi loyalement dans les armées hitlériennes, certains d’entre eux occupant des grades militaires très élevés :
Prenons le cas intéressant du maréchal Erhard Milch, le très puissant numéro deux de Hermann Goering dans la Luftwaffe allemande. Son père était
certainement juif et, selon les chercheurs Robert Wistrich et Louis Snyder, des archives prouvent que sa mère l’était également. Il n’est certainement pas impossible qu’un
Troisième Reich censé se consacrer avec un fanatisme sinistre à l’extermination de tous les juifs ait passé toute la guerre avec un juif ou un demi-juif au sommet de sa hiérarchie
militaire, mais cette anomalie déconcertante mériterait une explication minutieuse, et les origines juives apparentes de Milch étaient certainement connues lors des procès de
Nuremberg…
En effet, le livre fascinant et très apprécié de Bryan Mark Rigg, «Les
soldats juifs d’Hitler», publié en 2002, note qu’en dehors de Milch, l’armée d’Hitler comptait plus d’une douzaine de généraux et d’amiraux à moitié juifs et une autre
douzaine de quarts de juifs de ce même rang, ainsi qu’un total d’environ 150 000 soldats supplémentaires à moitié ou à quart juifs, dont une grande partie d’officiers. Tous ces
individus auraient eu des parents ou des grands-parents entièrement juifs, ce qui semble être un comportement tout à fait étrange pour un régime censé se concentrer sur
l’éradication totale de la race juive.
J’ai abordé toutes ces questions et bien d’autres encore dans mon très long article de 2018, ainsi que dans un article connexe publié l’année suivante
:
Pour ceux qui préfèrent absorber certaines de ces mêmes informations dans un format différent, j’ai été interviewé l’année dernière par la télévision
iranienne sur un certain nombre de sujets hautement controversés exclus des médias occidentaux, et deux des segments d’une demi-heure ont porté sur l’Holocauste. La chaîne 4 de l’Iran
Broadcasting Corporation est l’une des plus importantes du pays, avec une audience potentielle de dix millions de personnes, et après que les séquences ont été mises en ligne, je les
ai fait capturer en vidéo et les ai téléchargées sur une chaîne Rumble :
Analyse de l’Holocauste, Partie I
– 25m
Analyse de l’Holocauste, Partie II
– 32m
Bien que totalement ignorés par nos médias occidentaux malhonnêtes, au cours des deux dernières générations, des enquêteurs de principe sur l’Holocauste
ont découvert et accumulé un énorme volume de preuves convaincantes, démontrant la fausseté totale et complète du récit historique traditionnel sur un très large éventail de motifs
différents.
L’un des premiers ouvrages majeurs a été publié en 1976 par le professeur Arthur R. Butz de Northwestern et, après avoir été mis à jour plusieurs fois
depuis lors, son volume constitue toujours l’une des introductions les plus complètes au sujet. Le livre porte le titre très approprié de «Le canular du
vingtième siècle» et bien qu’il ait été supprimé par Amazon il y a plusieurs années, il est toujours facilement disponible ici et ailleurs.3
Comme je l’ai évoqué dans mon article de 2018, l’ajout récent le plus important à cette vaste collection de documents a probablement été publié il y a
une dizaine d’années par un historien des sciences respecté.
Plus récemment, le Dr Nicholas Kollerstrom, qui avait passé onze ans en tant qu’historien des sciences au sein du personnel de l’University College
de Londres, a subi ce même sort en 2008. Son intérêt scientifique pour l’Holocauste a provoqué une tempête de dénigrement dans les médias et il a été licencié avec un seul jour de
préavis, devenant ainsi le premier membre de son institution de recherche à être expulsé pour des raisons idéologiques. Il avait auparavant fourni l’entrée Isaac Newton pour une
énorme encyclopédie biographique d’astronomes, et la revue scientifique la plus prestigieuse d’Amérique a exigé que la publication entière soit mise en pulpe, détruisant le
travail de plus de 100 écrivains, parce qu’elle avait été fatalement entachée par la présence d’un contributeur aussi infâme. Il a raconté cette histoire personnelle malheureuse
dans l’introduction de son livre «Rompre
le charme», publié en 2014, que je recommande vivement.
Le texte de Kollerstrom résume efficacement une grande partie des preuves négationnistes les plus récentes, notamment les registres officiels des
décès d’Auschwitz restitués par Gorbatchev après la fin de la guerre froide, qui indiquent que le nombre de décès juifs était inférieur de 99% au total généralement admis. En
outre, les décès de juifs ont en fait connu une forte baisse après l’arrivée d’abondantes quantités de Zyklon B, ce qui est exactement contraire à ce que l’on aurait pu attendre
selon le récit conventionnel. Il aborde également les nouvelles preuves intéressantes contenues dans les décryptages britanniques de toutes les communications allemandes entre les
différents camps de concentration et le quartier général de Berlin.
L’excellent livre de Kollerstrom a été retiré d’Amazon, mais il est disponible gratuitement
sur l’internet ou peut être facilement téléchargé dans différents formats, et je le recommande vivement à ceux qui s’intéressent à ce sujet.4
Une grande partie de son matériel important a été présenté dans une interview intéressante de deux heures sur Red Ice Radio, finalement purgée de
YouTube mais toujours disponible ailleurs sur Internet :
Quelques décennies plus tôt, le chimiste allemand Germar Rudolf avait fait l’objet d’une purge similaire et avait été emprisonné pour son enquête
sceptique sur les preuves scientifiques de l’Holocauste. Rudolf a fini par créer la collection la plus complète de littérature négationniste, qui comprend les travaux de Butz et de
Kollerstrom ainsi que des dizaines d’autres ouvrages écrits par divers chercheurs, qui peuvent presque tous être téléchargés gratuitement.5
Pour ceux qui préfèrent recevoir leurs informations sous forme de vidéos, ce même site web propose une collection
considérable de documentaires vidéo et je recommande tout particulièrement les trois très longs documentaires suivants, tous produits il y a une quinzaine d’années par un
habitant de San Francisco. Bien qu’ils n’aient pas les valeurs de production somptueuses d’un film hollywoodien à gros budget et que la qualité de la narration ne soit que moyenne, je
pense que le volume de matériel factuel présenté dans ces vidéos est extrêmement complet et convaincant, tout comme je m’en étais souvenu après les avoir regardés il y a quatre ou
cinq ans.
Je pense que toute personne ayant étudié attentivement le sujet conclura rapidement qu’il existe un volume écrasant de preuves factuelles solides contre
la réalité de l’Holocauste, qui semble être presque entièrement fictif, tout aussi frauduleux que les récentes affirmations de quarante bébés décapités. Pourtant, le mythe de
l’Holocauste est resté en place et s’est constamment développé depuis plus de trois générations, devenant apparemment un mensonge trop énorme pour être jamais remis en
question.
L’une des raisons probables de cette impunité est la transformation réussie de l’Holocauste historique en une quasi-religion, l’holocaustianisme, qui, à
bien des égards, est la foi dominante d’une grande partie de l’Occident profondément séculier d’aujourd’hui. J’ai noté que, bien que le pape Benoît XVI et son successeur aient été
disposés à accepter des écarts par rapport aux doctrines canoniques de leur Église catholique sur de nombreuses questions, aucun scepticisme à l’égard de l’Holocauste ne pouvait être
toléré. De nombreuses personnes, par ailleurs courageuses, sont très réticentes à l’idée de remettre en question une foi religieuse, en particulier une foi dans laquelle elles ont été
immergées dès leur plus jeune âge, peut-être même sans en avoir conscience.
Cependant, la croyance en de tels mensonges pernicieux peut parfois inciter à commettre des actes de la nature la plus épouvantable, tout comme les
récents canulars israéliens sur les atrocités ont été utilisés pour permettre l’horrible massacre en cours à Gaza.
Selon le livre de Segev, la croyance largement répandue après la guerre parmi les juifs de Palestine que les Allemands avaient exterminé six millions de
leurs concitoyens a incité un groupe de militants sionistes à préparer l’extermination de six millions de civils allemands en représailles, en passant des mois à infiltrer les
installations d’approvisionnement en eau de l’Allemagne occupée et à se procurer de grandes quantités du poison mortel qu’ils prévoyaient d’y introduire. Heureusement, leur projet a
échoué et bien que Segev semble convaincu que le complot était réel et qu’il a failli réussir, je suis personnellement plus sceptique. Mais la simple possibilité que le plus grand
massacre de masse de toute l’histoire de l’humanité ait pu être déclenché en représailles d’un crime imaginaire commis dans le cadre de l’Holocauste donne à réfléchir.
Peu après, les sionistes ont utilisé cette même histoire d’Holocauste pour se donner la couverture politique nécessaire à leur guerre brutale
d’agression et d’expulsion des habitants de la Palestine, s’emparant de près de 80% des terres et forçant 80% de la population arabe de longue date à fuir en tant que réfugiés
pitoyables.
Au cours des nombreuses décennies qui ont suivi, cette même carte de l’Holocauste a été jouée à l’infini, invoquée par les dirigeants d’Israël et ses
fervents défenseurs pour justifier chaque violation flagrante du droit international et chaque crime de guerre horrible, culminant aujourd’hui dans la destruction de la bande de Gaza
sans défense. Au cours des trois derniers mois, plus de 22
000 cadavres de civils ont été identifiés par le ministère de la Santé de Gaza, et comme des milliers
d’autres sont toujours portés disparus, leurs corps étant ensevelis sous les décombres de 100 000 bâtiments détruits, le nombre réel de morts est probablement bien supérieur
à 30 000.
Il s’agit sans aucun doute du plus grand massacre télévisé de civils sans défense de l’histoire du monde, et certains des principaux dirigeants
israéliens ont utilisé un langage explicitement génocidaire pour décrire leurs plans à l’égard des millions de Palestiniens. Pendant ce temps, le reste du monde regarde, sans vouloir
ou sans pouvoir arrêter le massacre. Après plus de trois mois de ce massacre incessant, le gouvernement sud-africain a déposé un dossier juridique de 84 pages condamnant
Israël pour ce «génocide» en cours.
Dans notre propre pays, des slogans
progressistes populaires prônant un seul État démocratique laïque et unifié de Palestine ont été diabolisés comme appelant au «génocide juif». Lorsque plusieurs présidents
d’universités d’élite ont refusé de supprimer les critiques de la politique israélienne sur leur campus, ils ont été harcelés par
les interrogateurs du congrès et les donateurs juifs milliardaires, deux d’entre eux ayant déjà été contraints de démissionner.
Le lobby israélien semble contrôler presque totalement notre système politique, notre gouvernement et nos organes de presse, et la plupart des
observateurs ne voient aucune perspective de changement, s’accordant à dire qu’il faudrait un tremblement de terre idéologique sans précédent pour déloger un tel contrôle. Or,
l’effondrement du récit de l’Holocauste constituerait précisément ce type de séisme idéologique sans précédent, entraînant peut-être la désintégration totale de l’ensemble du projet
sioniste qui repose sur ce récit. Pour la plupart des partisans pro-israéliens, la réalité de l’Holocauste est la pierre angulaire de leur compréhension du monde, et sa remise en
question menacerait d’anéantissement l’ensemble de leur système de croyances.
Ceux qui souhaitent mettre fin à ce qu’ils considèrent comme le génocide en cours des Palestiniens doivent reconnaître que l’une de leurs meilleures et
seules chances d’atteindre cet objectif peut impliquer leur volonté courageuse de remettre en question un prétendu génocide datant d’il y a huit décennies, un génocide qui n’a jamais
eu lieu, mais qui a ensuite été utilisé pour justifier un énorme catalogue de crimes de guerre et de massacres.
Je ne peux que répéter les derniers paragraphes de mon article
original de 2018 sur le déni de l’Holocauste :
Malgré cette situation, la puissante focalisation médiatique en faveur de l’Holocauste au cours des dernières décennies l’a élevé à une position
centrale dans la culture occidentale. Je ne serais pas surpris qu’il occupe actuellement une place plus importante dans l’esprit de la plupart des gens ordinaires que la Seconde
Guerre mondiale qui l’a englobé, et qu’il possède donc une plus grande réalité apparente.
Cependant, certaines formes de croyances partagées peuvent être larges d’un kilomètre mais profondes d’un pouce, et les suppositions occasionnelles
de personnes qui n’ont jamais réellement enquêté sur un sujet donné peuvent rapidement changer. De même, la force populaire de doctrines qui ont longtemps été maintenues en place
par des sanctions sociales et économiques sévères, souvent assorties de sanctions pénales, peut être beaucoup plus faible qu’on ne le pense.
Il y a encore trente ans, la domination communiste sur l’URSS et ses alliés du Pacte de Varsovie semblait absolument permanente et inébranlable,
mais les racines de cette croyance avaient totalement pourri, ne laissant derrière elles qu’une façade creuse. Un jour, un coup de vent a fait s’effondrer toute cette gigantesque
structure. Je ne serais pas surpris que notre récit actuel de l’Holocauste finisse par subir le même sort, avec peut-être des conséquences malheureuses pour ceux qui ont été trop
étroitement associés à son maintien.
Et l’Holocauste n’est que l’une des nombreuses et énormes faussetés concernant les événements marquants du vingtième siècle que j’ai abordées dans
plusieurs articles l’année dernière :
Ces dernières années, nous avons tellement progressé sur le plan émotionnel que parfois, nous ne savons plus où donner de l’aigreur. Qui pourrait
décrire ce que nous avons enduré le 7 octobre, en découvrant l’agression non provoquée commise contre nos amis israéliens – et à
travers eux, contre l’essence même de ce que nous sommes ? Comme toujours face à l’horreur, notre questionnement tient en un seul mot : POURQUOI ?
Tout comme l’Union Vonderleyenne, Israël est à la fois le fer de lance, et la forteresse assiégée de la démocratie : Seul pays de la région à lutter de
façon crédible contre le droit des peuples à disposer d’eux-mêmes, tout en violant sans relâche les conventions internationales, l’État hébreu incarne à lui seul l’ensemble de nos
valeurs : Quel autre État du Moyen-Orient dispose d’un camp de
concentration géant équipé de miradors high tech, avec caméras dernier cri et mitrailleuses télécommandées ? Et c’est cela, c’est ce jardin au cœur de la jungle qu’on a voulu
détruire, dans un accès de rage suprémaciste digne des heures les plus
sombres de notre histoire.
Le droit de se
défendre
Certains ont fait
le parallèle entre la bande de Gaza et le ghetto de
Varsovie. Il faut bien reconnaître qu’ils ont raison, tant le comportement fanatique et irresponsable du Hamas nous renvoie à l’attentat antiaryen de 1943, où les habitants du
ghetto ont préféré s’en prendre sauvagement à leurs gardiens, quitte à mettre des vies en danger, plutôt que d’engager un dialogue constructif avec eux.
Comment ont-ils pu, du jour au lendemain, basculer dans la folie meurtrière ? D’où a pu leur venir une telle haine, alors même que des trains avaient
été mis à leur disposition ? Une fois de plus, nous touchons du doigt les méfaits du racisme. Menacés d’extermination à cause de leurs origines nordiques, nos amis d’outre-Rhin ont dû
se résoudre à calciner toute la zone, qui était devenue ni plus ni moins qu’un nid de terroristes.
Fallait-il qu’ils acceptent d’être massacrés sans se défendre ?
Unis face à
l’horreur
Le 7 octobre, nous nous sommes
réveillés dans une nouvelle réalité : il a fallu nous rendre à cette évidence difficile, qu’il n’y a plus aucune limite morale à l’expansionnisme palestinien. Comme toujours face au génocide, nous ne faisons qu’un.e.s avec les eurovictimes (et ce, d’où qu’elles
viennent).
La France se devait d’être au rendez-vous, tant il est vrai qu’en moins d’un siècle, nos idéaux n’ont jamais cessé de progresser : du jour où nous
avons découvert qu’il ne fallait pas déporter les juifs, les Arabes sont devenus la nouvelle cible de notre zèle citoyen. En effet, comment ne pas être révolté par leur antisémitisme
?
On retrouve cette aptitude française à la réinvention de soi chez des figures aussi emblématiques que Maurice Papon,
auxiliaire de la Shoah reconverti dans la ratonnade, ce qui fera de lui le pilier inoxydable de deux Républiques successives.
Plus proche de nous, Christian Estrosi est lui aussi un homme d’engagements durables. Dans sa bonne ville de Nice où sur le fronton de la mairie, le
drapeau ukrainien a été prestement remplacé par un drapeau israélien, il jure que
celui-ci, contrairement au précédent, restera en place «tant qu’Israël
n’aura pas gagné cette guerre».
Car la vérité, c’est que nous ne pouvons plus rester neutres. Tant pis si les habituels fauteurs de paix (Russie, Chine et autres ennemis déclarés de
démocratie), résolus à étouffer l’affaire, se saisissent de la première crise humanitaire venue pour exiger l’arrêt des bombardements sur Gaza : concrètement, ils nous demandent de
nous ranger aux côtés de l’agresseur, et de faire comme si rien ne s’était passé.
En nous mobilisant pour défendre Israël contre une invasion antijuive, nous risquons toutefois de reléguer au second plan notre combat pour le peuple
ukrainien, victime lui aussi d’une occupation inadmissible. Parce que nous sommes confrontés à l’Holocauste, faut-il fermer les yeux sur l’Holodomor ? Car les faits sont là : les
soldats russes ont beau essuyer revers sur revers, rien
n’indique qu’ils ont renoncé à violer en masse des bébés ukrainiens.
Par ailleurs, «cela devient de
plus en plus difficile» pour Zelensky, car «l’intérêt mondial
pour la guerre s’est relâché» selon le
magazine Time,
qui laisse entendre que notre idole, devenue moins bankable ces
derniers mois, serait quelque peu en perte de vitesse. Il
faut dire qu’il a tellement donné de lui-même !
Est-ce bien le moment de baisser les bras ? Si nous ne volons pas au secours de l’ex-homme de l’année, Poutine aura les mains libres pour envahir le
reste du monde, et peut-être même les planètes environnantes.
En France, un enthousiasme qui ne se dément pas
Seulement voilà : si pour faire s’effondrer la Russie, nous sommes toujours prêts à nous battre jusqu’au dernier Ukrainien, nos amis Israéliens ont eux
aussi besoin de soutien pour transformer Gaza en fosse commune. En soutenant trop mollement un nettoyage ethnique somme toute nécessaire, nous pourrions rapidement être taxés de
collusion avec la barbarie, voire même de nostalgie pour les heures les plus
sombres de notre histoire. Est-ce vraiment cela que nous voulons ?
Heureusement que du point de vue de nos valeurs, notre nouveau combat contre les forces obscures n’a rien à envier au(x) précédent(s). Il en est même, à
bien des égards, l’aboutissement.
Convergences de nos
luttes
Dans le fond, nous sommes confrontés à un seul et même défi, car selon Zelensky la Russie est
derrière l’attaque du Hamas, dans le but de «déclencher une
troisième guerre mondiale». Seuls les naïfs s’étonneront d’un tel degré de malfaisance : «la Russie est une
grave menace pour le mode de vie européen», s’égosille depuis
toujours le tee-shirt pensant, qui appelle «à
stopper l’agresseur russe et ses menaces contre le monde entier».
Mais ne nous y trompons pas, la menace mondiale que représente la bande de Gaza est tout aussi glaçante :
«Si
nous ne gagnons pas maintenant, alors l’Europe sera la prochaine et vous serez les prochains», prophétise
Benyamin Netanyahou, notre nouveau Churchill. «Nous devons
laisser les forces de la civilisation vaincre ces barbares», précise-t-il tout en carbonisant 160 enfants par
jour, «sinon cette
barbarie mettra le monde entier en danger».
Dans une guerre
existentielle, il importe avant tout de bien nommer les choses
«Notre combat est
votre combat», conclut le
démocrate suprême du Moyen-Orient. Des mots forts,
qui ne sont pas sans évoquer ceux de Ursula von
der Leyen («votre combat est
notre combat») dès le début du conflit ukrainien : il s’agit bien de la même lutte solidaire, menée par les mêmes forces civilisatrices qui ont anéanti la Libye, dévasté
l’Irak et ravagé la Syrie. Une lutte pour garantir notre sécurité à tous.
En effet, force est de constater que dans le reste du monde, souffle un vent d’insubordination contre le joug de la démocratie. «L’Occident
dresse-t-il des digues suffisamment robustes pour protéger la démocratie de cette vague autocratique ? Non», mettent en garde Isabelle Mandraud et Julien Théron, auteurs du
captivant «Pacte des
autocrates», un livre indispensable. Bref, «les murs ne
seront jamais assez hauts pour protéger le jardin», comme dit si bien
Josep Borrell.
D’après cette enquête précise et
argumentée, 70% de la population mondiale vivent dans l’autocratie. Unis
par leur haine de
l’Occident, les régimes
absolus de la planète se liguent pour imposer un nouvel ordre mondial. Comment ne pas voir que derrière nos amis Ukrainiens et Israéliens, c’est NOUS qu’ils veulent
pogromiser ?
De nouvelles
perspectives
En nous mobilisant pour une nouvelle cause, avons-nous changé notre regard sur le
monde ? Ceux qui nous soupçonnent de versatilité devraient comprendre que du point de vue de la sauvegarde de nos valeurs, le soutien à Israël relève de l’évidence.
Il faut dire que sa pratique de
l’apartheid remonte à 75 ans, ce qui lui confère un avantage indéniable en termes d’autodéfense contre la barbarie. Même si nos amis kiéviens s’en prennent avec beaucoup
d’énergie aux ethnies qui leur déplaisent (russophones, Tsiganes, Hongrois,
etc.), leur campagne de nettoyage
démocratique dans le Donbass s’est avérée pour le moins laborieuse, comparée à celle menée sous nos yeux par les fiers combattants de Tsahal.
En recourant tous deux à des armes prohibées contre les populations civiles (à sous-munitions, au phosphore
blanc, etc.), ces pays ont su faire preuve de créativité et d’indépendance d’esprit. Si comme tout le monde, nous voulons qu’Israël sorte victorieux de sa guerre contre
les femmes et les enfants, il est impératif qu’il dispose des armes les plus dévastatrices possible (car malheureusement, ils sont plus de deux millions). Et le fait que Joe
Biden y pourvoie avec
empressement devrait suffire à faire taire les sceptiques.
Ce qui a changé depuis le 7 octobre c’est que sur des populations sans défense, les armes du Monde Libre prouvent enfin leur efficacité. En Ukraine, on
s’était déjà rendu compte que le matériel de l’OTAN était plus performant contre les civils de Donetsk ou de Belgorod que
contre l’aviation et l’artillerie russes, qui détruisent à peu près tout ce qui passe à leur portée.
Mais les Russes nous ont aussi déçus sur le plan économique : en dépit d’efforts surhumains de notre part, ils se sont montrés littéralement
impossibles à affamer, contrairement aux Gazaouis qui n’ont déjà
plus rien à manger, grâce au blocus savamment orchestré par les forces du progrès et de la civilisation.
Assumer nos
valeurs
À en croire certaines rumeurs (émanant de l’ONU, de l’UNICEF,
etc.) il y aurait à Gaza un nombre relativement important de victimes non adultes.
«Gaza
devient un cimetière pour les enfants», va jusqu’à
déclarer le secrétaire général de l’ONU.
S’il est vrai que nos amis Israéliens tuent en masse des enfants, il faut admettre qu’ils ont de solides raisons de le faire. Car contrairement à nous,
les Arabes ne restent pas des enfants toute leur vie. Et chacun peut comprendre que plus ils grandiront, plus ils deviendront un danger pour la démocratie.
Pour Céline
Pina, ardente défenseuse des valeurs qui sont les nôtres, les petits Palestiniens ont sacrément de la chance, puisqu’ils «ne mourront pas
en ayant l’impression que l’humanité a trahi tout ce qu’ils étaient en droit d’attendre». Qui
ne rêverait pas d’être à leur place ?
Force est de constater que malgré tout ce qu’ils ont fait, il y a une réelle sollicitude envers les Gazaouis. «Le but c’est
aussi de libérer la population de Gaza des dictateurs, des assassins du Hamas», explique
BHL : il s’agit de débarrasser les Palestiniens du gouvernement qu’ils ont élu, sans s’être rendu compte que ce n’était pas le bon. En les aidant à se révolter contre leur
propre choix, c’est bel et bien une intervention humanitaire que mène Israël, d’ailleurs Julien Dray ne
mâche pas son enthousiasme face à cette formidable guerre de libération, où Tsahal largue des bombes sur les hôpitaux «pour que le
peuple palestinien puisse avoir un État».
On conçoit que le représentant permanent d’Israël à l’ONU, Gilad Erdan, à bout de patience, réclame la
démission immédiate de Antonio Guterres, l’accusant d’être «compréhensif face
au terrorisme», et que Lior Haiat, porte-parole du ministère israélien des Affaires étrangères, qualifie
Amnesty International d’«organisation
antisémite (…) travaillant pour les terroristes du Hamas».
En invoquant (même pour rire) le respect des droits humains, ne risquons-nous pas de faire le jeu des
extrêmes ? Heureusement, Caroline Fourest et Bernard Guetta nous expliquent comment nous devons réagir.
Face à l’émotion qui
brouille le discernement, Caroline Fourest
opère sur BFMTV une distinction
intellectuelle et morale qui permet d’y voir plus clair : il est important de comprendre que contrairement aux criminels ordinaires, Israël «tue des enfants
involontairement en se défendant» – ce
qui, admet-elle, peut sans doute «entraîner de la
tristesse». En effet, il faut être singulièrement malchanceux pour assassiner
plus de 5000 enfants sans le faire exprès.
Pour couper court à toute confusion, Bernard
Guetta tient d’abord à rappeler le sens des mots : «tout massacre,
même de 10 000, 15 000 ou 20 000 personnes, ce n’est pas un génocide. Le génocide, ce n’est pas une question de nombre de morts». Il est vrai qu’a priori, on voit mal quel
rapport il peut y avoir entre le meurtre à grande échelle de civils désignés comme des animaux
humains, et une forme quelconque de génocide.
L’hymne bouleversifiant des jeunesses israéliennes
«Le
génocide», plaide Guetta avec véhémence, «c’est une volonté
d’exterminer un peuple dans son entier !». Sommes-nous en train d’assister en direct à l’éradication du peuple palestinien ? «Il est trop tôt
pour en arriver à cette conclusion», s’empressent d’objecter les «spécialistes des
violences extrêmes» interrogées
par Le
Devoir, pour
qui «cette volonté
n’est pas présente pour le moment».
Malgré tout, nombre de responsables israéliens ne font pas mystère d’une telle volonté, qui tout compte fait n’a rien de blâmable : «Ne pas laisser
pierre sur pierre à Gaza» – «Incinération
totale» – «Annihiler Gaza
maintenant», suggère Moshe
Feiglin, membre du parti de Benyamin Netanyahou ; «Gaza deviendra un
endroit où aucun être humain ne pourra exister», veut croire Giora
Eiland, ancien chef du Conseil de sécurité nationale ; «Effacez-les,
ainsi que leurs familles, mères et enfants», recommande Ezra
Yachin, vétéran de l’armée israélienne. «Ces animaux ne
sont plus autorisés à vivre» ; «Ce ne sont ni des
êtres humains ni des animaux humains. Ils sont sous-humains et c’est comme ça qu’ils devraient être traités», résume Aryeh
Yitzhak King, maire adjoint de Jérusalem.
Inutile de souligner combien de telles déclarations s’inscrivent dans les valeurs que nous défendons, tant l’apologie du crime de masse est non
seulement le mode d’expression habituel d’une démocratie aussi avancée que
la nôtre, mais l’essence même de son message au monde. Dans quel régime
autoritaire aurait-on le droit de vanter à la télé un projet d’épuration ethnique (LCI,
05/01/2023), ou de qualifier les
citoyens russes de cafards tout
en appelant à raser leurs monuments culturels ?
Autant dire que les propos de Bernard Guetta, qui laissent entendre que nos amis Israéliens sont tout juste bons à commettre de vulgaires «massacres»,
mais n’auraient pas l’envergure suffisante pour se lancer dans quelque chose de plus sérieux, posent question : combien de morts faut-il à Bernard Guetta pour qu’il admette l’État
juif dans la grande famille des démocraties ? Même si on espère qu’ils ne sont pas intentionnellement
antisémites, des propos comme les siens n’ont guère leur place dans des médias comme les nôtres.
Une initiative
audacieuse
Plus que jamais, se posent à nous les questions de toujours : face à la complexité des
enjeux, quelle est l’attitude appropriée ? Autrement dit comment prendre position, tout en évitant de le faire ?
Fort de l’indépendance d’esprit qui le caractérise, le monde français
de la culture a choisi de manifester «en
silence»–
«une
autre façon de s’exprimer parce qu’on n’y arrive pas», confie
dans un souffle Julie Gayet, mobilisée à fond contre la vocifération
des extrémismes. En effet, quoi de plus opportun que le mutisme pour «faire entendre la
voix de l’union», et «retisser maille à
maille les tissus déchirés de nos rues» ?
«Nous avons opté
pour une neutralité absolue» déclare avec force Lubna Azabal, présidente du collectif «Une Autre Voix, Ensemble», qui terrassée dans
son humanité face à une guerre dont nous sommes
les témoins impuissants, ne supporte plus d’entendre ce terrible bruit
tout autour.
Résolus nous aussi à nous recentrer
sur notre humanité pour ne pas laisser la
haine l’emporter, réussirons-nous à prendre assez de hauteur pour ne plus rien entendre, ne plus rien voir, et surtout pour ne plus rien dire ?
NB : J'espère que l'auteur de ces lignes sera au premier rang de la CPI, sur le banc des accusés,
lors du jugement des criminels de guerre du conflit Israël/Palestine !
JMR
Contre-attaques de la Russie : Rien ne va plus pour l'armée ukrainienne ?
source :
MSN - Le 19/12/2023. - Article de Sébastian SEIBT
Des troupes ukrainiennes redéployées dans la région de Donetsk pour faire face à l'offensive russe d'hiver.
La Russie multiplie les offensives tout au long de la ligne de front et semble sur le point de percer à plusieurs endroits. Si les difficultés ukrainiennes sont réelles en ce début d’hiver,
l’armée russe dispose aussi de moyens limités.
À Avdiïvka, les Russes avancent. Idem dans la région de Zaporijjia. L’Ukraine y avait pourtant concentré ses efforts pour mener sa contre-offensive. Et de l’autre côté du Dniepr, les perspectives
des soldats ukrainiens ayant réussi à franchir le fleuve “semblent minces”, a assuré CNN, dimanche 17
décembre.
La chaîne américaine n’est pas la seule à peindre un tableau noir pour l’Ukraine. “Nous avons un important manque de munitions et nous avons été obligés de passer à la défensive dans certaines
régions”, a reconnu le brigadier-général ukrainien Oleksandr Tarnavsky, interrogé par l’agence de presse Reuters lundi 18 décembre.
La force du nombre
Parmi les plus hauts gradés de l’armée ukrainienne, l’humeur n’est pas à la fête. Tout début novembre déjà, Valeri Zaloujny, le chef d’état-major, avait assuré dans un entretien à
The Economist que la guerre contre la Russie était “dans une impasse”. Une déclaration qui avait été contestée par le président ukrainien, Volodymyr Zelensky, qui a cependant reconnu par
la suite que le succès des opérations militaires dépendait aussi beaucoup du soutien logistique occidental. Un soutien en perte de vitesse, que ce soit à Washington ou à Bruxelles, souligne le New York Times.
Vidéo
associée: Ukraine : l'aide financière en péril (Dailymotion)
Sur le terrain, “c’est actuellement très difficile car la Russie envoie une vague de soldats après l’autre pour submerger les forces ukrainiennes”, résume Glen Grant, analyste sénior à la
Baltic Security Foundation et spécialiste des questions militaires russes.
Conséquence : “Les Ukrainiens ont beaucoup de mal à tenir Avdiïvka, une ville importante car elle se trouve à la périphérie de Donetsk. Ils vont probablement perdre Mariïnka, qui se trouve un peu
plus au sud. Ils subissent une offensive importante dans les alentours de la ville de Robotyne, qui constitue l’une des principales zones reprises par les Ukrainiens dans la région de Zaporijjia
depuis le début de la contre-offensive”, détaille Huseyn Aliyev, spécialiste de la guerre en Ukraine à l’université de Glasgow, en Écosse.
Et c’est sans compter les combats violents qui continuent pour le contrôle de Bakhmout et les offensives russes lancées encore plus au nord de la ligne de front, vers Koupiansk, dans la région de
Louhansk.
Certes, il faut “faire attention à la désinformation russe qui cherche à noircir encore plus le tableau pour l’Ukraine”, avertit Glen Grant. En effet, les propagandistes pro-Kremlin multiplient
actuellement les messages triomphalistes sur Telegram, et créent même des faux comptes de soldats ukrainiens qui se “plaignent” des difficultés à se battre contre un ennemi présenté comme bien
plus fort.
Même les dires des autorités ukrainiennes doivent être pris avec précaution. Celles-ci peuvent être tentées de forcer le trait “afin de convaincre l’Occident de l’importance de continuer à leur
apporter un soutien logistique”, souligne Sim Tack, un analyste militaire pour Force Analysis, une société de surveillance des conflits.
Au-delà des exagérations des uns et des autres, “la dynamique générale des combats se trouve assurément du côté des Russes en ce moment”, assure Huseyn Aliyev.
En attendant l'Occident
Mais à quel point ? La bataille pour Avdiïvka illustre bien les différences d’interprétation. Pour les uns, l’avancée russe représente un sérieux revers pour Kiev. “C’était un avant-poste
précieux pour l’artillerie ukrainienne afin de bombarder Donetsk et mettre les défenses russes sous pression constante”, explique Huseyn Aliyev. Si les forces ukrainiennes sont obligées de se
retirer, cela va libérer des troupes russes qui pourront être redéployées ailleurs sur le front.
Pour d’autres, le prix en hommes et matériels que les Russes paient pour percer à Avdiïvka est très - voire trop - élevé. “Selon les estimations américaines, la Russie a déjà perdu l’équivalent
d’une division entière, c’est-à-dire environ 10 000 hommes et leurs équipements”, note Sim Tack. “Qu’est-ce qui est le plus important : reculer un peu ou infliger de très lourdes pertes
à l’ennemi ?”, s’interroge Glen Grant.
Si l’analyse sur l’ampleur des difficultés ukrainiennes peut varier, tous s’accordent sur les raisons. Il y a tout d’abord “la question cruciale de l’envoi d’équipements et munitions à l’Ukraine
par les pays occidentaux”, souligne Sim Tack. La lenteur des Européens à boucler l'accord sur
l'aide de 51 milliards d'euros à l'Ukraine malgré le veto de la Hongrie et le blocage politique aux États-Unis complique la tâche de l’état-major ukrainien.
Pour autant, celui-ci ne se retrouve pas démuni du jour au lendemain. “Il y a toujours du matériel qui arrive, notamment en raison des engagements antérieurs, mais l’avenir est beaucoup plus
incertain”, explique Sim Tack. Les chefs militaires ukrainiens se retrouvent à devoir faire des choix sans vraiment savoir de quoi demain sera fait, ce qui les pousse à rationner les munitions.
Alors qu’en face, il n’en est rien. “La Russie réussit actuellement à soutenir très convenablement son effort de guerre”, constate Huseyn Aliyev. D’un côté, elle a été capable d’augmenter sa
production de munitions d'artillerie, et de l’autre “elle a pu acheter des drones et des munitions en grande quantité à des pays comme l’Iran ou la Corée du Nord’, résume cet expert.
Faire plaisir au "tsar Poutine" avant l'élection présidentielle
Il n’y a pas que les munitions qui manquent à Kiev. “L’Ukraine a aussi un sérieux manque d’effectifs. L’armée a de plus en plus de mal à faire tourner ses troupes afin de leur permettre de se
reposer”, souligne Sim Tack. Ce problème de réserves est en partie dû à “un projet de loi prévoyant de faciliter la mobilisation des jeunes qui a du mal à passer le cap du Parlement
actuellement”, souligne Glen Grant.
Une autre raison de la multiplication des offensives russes tient… à l’élection présidentielle censée permettre à Vladimir Poutine de décrocher un nouveau mandat en mars prochain. “Tous les
petits généraux veulent actuellement faire plaisir au tsar en lui apportant des raisons de vanter les ‘succès’ de sa guerre pendant la campagne électorale”, affirme Glen Grant.
Pour les experts interrogés par France 24, l’armée russe pourrait ainsi réussir une percée sur le front. Mais à quoi bon ? “Elle n’a pas suffisamment de véhicules blindés et de troupes
expérimentées pour pousser son avantage très loin”, veut croire Glen Grant. Une conviction partagée par Huseyn Aliyev : “Moscou a des ressources trop limitées pour soutenir une offensive
prolongée au-delà d’un mois ou deux”. L’avantage russe ressemblerait ainsi aux villages Potemkine : impressionnant, mais seulement en surface. Surtout si les vannes de l’aide occidentale
s’ouvrent à nouveau en grand pour Kiev.
Le stratagème de «l’implosion du scandale» : Cela fonctionnera-t-il pour l’Ukraine ?
La défaite a détruit le mythe de
l’omnipotence de l’OTAN.
Biden : «Poutine a déjà perdu
la guerre… Poutine a un vrai problème : comment va-t-il faire à partir de maintenant ? Que fait-il ?» Le secrétaire d’État Blinken répète à l’infini le même mantra : «La Russie a
perdu». Il en va de même pour le chef du MI6, et Bill Burns, le chef de la CIA, opine (avec
des apartés narquois) à la Conférence d’Aspen sur la sécurité, que non seulement Poutine a «perdu», mais
qu’en plus, Poutine ne parvient pas à garder la main sur un État russe en pleine fragmentation, qui entre dans une probable désintégration en spirale de la mort.
Que se passe-t-il ? Certains suggèrent qu’un trouble psychique ou une pensée de groupe s’est emparé de l’équipe de la Maison-Blanche, entraînant la
formation d’une pseudo-réalité, coupée du monde, mais discrètement façonnée autour d’objectifs idéologiques plus larges.
La répétition de récits douteux se transforme toutefois, pour le monde informé, en une apparente illusion occidentale – le monde tel que l’«Équipe»
l’imagine, ou plus précisément, tel qu’elle voudrait qu’il soit.
Il est clair que cette répétition rigoureuse n’est pas une «coïncidence». Un groupe de hauts fonctionnaires s’exprimant par écrit et de concert ne se fait
pas d’illusions. Ils sont en train de mettre au point un nouveau récit. Le mantra «La Russie a perdu» définit le grand récit qui a été décidé. C’est le prélude à un intense «jeu
du blâme» : Le projet Ukraine «échoue parce que les Ukrainiens ne mettent pas en œuvre les doctrines reçues des formateurs de l’OTAN – mais malgré cela, la guerre a montré que Poutine
a lui aussi «perdu» : La Russie aussi est affaiblie».
Il s’agit là d’un autre exemple de la fixation occidentale
actuelle sur l’idée que les «récits gagnent les guerres» et que les revers dans l’espace de bataille sont accessoires. Ce qui importe, c’est d’avoir un fil narratif unitaire articulé à
travers le spectre, affirmant fermement que l’«épisode» ukrainien est désormais terminé et devrait être «clôturé» par l’exigence que nous «passions à autre chose».
L’essentiel est que «nous» contrôlons la narration ; notre «victoire» et la défaite de la Russie deviennent donc inévitables. Le défaut de cette arrogance
est tout d’abord qu’elle met les «grands prêtres» de l’administration en conflit avec la réalité, et ensuite que le public a depuis longtemps perdu
confiance dans les médias grand public.
Jonathan Turley, juriste reconnu et professeur à Georgetown, qui a beaucoup écrit dans des domaines allant du droit constitutionnel à la théorie
juridique, attire
l’attention sur ce qui suit : «l’ultime effort des
membres du Congrès et des médias pour amener le public à simplement «passer à autre chose» après le scandale de corruption de Biden». Le message, écrit-il, «est clair … Tout le
monde doit se retirer ! … [Cependant] les preuves et l’intérêt du public augmentant, il est un peu tard pour la pirouette ou les objets brillants».
«Cette semaine, le
scandale risque d’être encore plus grave pour les Biden et le pays. Les médias prennent de plus en plus l’allure
de Leslie Nielsen dans «Y a-t-il un flic pour sauver la reine ?» criant qu’il n’y a «rien à voir ici» devant une scène apocalyptique virtuelle d’incendie et de
destruction».
Quel est le lien avec l’Ukraine ? Il y a un an, le professeur Turley a écrit que l’establishment politique et médiatique adopterait probablement une
approche d’«implosion du scandale» face aux allégations de corruption, au fur et à mesure que les preuves s’accumuleraient. Turley suggérait que le département de la Justice obtiendrait
un «plaidoyer léger» de la part de Biden sur quelques chefs d’accusation fiscaux, avec peu ou pas de peine de prison.
Or, c’est exactement ce qui s’est produit un an plus tard. C’est alors qu’est survenue l’«implosion du scandale» annoncée : Hunter a plaidé coupable d’avoir
retardé des paiements d’impôts – devant un chœur de membres de la Chambre et de médias qui ont rejeté toutes les autres allégations de corruption et qui ont fermement déclaré que le
scandale était «clos», tout en demandant de «passer à autre chose». Turley note cependant que «le désir des médias
de «passer à autre chose» atteint un niveau presque frénétique, alors que des millions
de paiements étrangers et des douzaines de sociétés écrans sont révélés – et que des courriels incriminants sont divulgués».
Il n’est pas certain que ce stratagème fonctionne. Il est déjà en difficulté.
Les éléments clés du «stratagème de l’implosion» se révèlent être un déni catégorique et indéfectible de l’existence d’un quelconque «problème» et un refus
obstiné de concéder ne serait-ce qu’une once de l’idée qu’il existe un quelconque type d’échec. Pas besoin de se regarder dans le miroir.
C’est également le modus operandi utilisé dans le cadre de la débâcle de Nord Stream (la destruction du gazoduc vers l’Allemagne) : Ne rien admettre et
demander à la CIA de concocter un scénario d’«implosion du scandale». En l’occurrence, une histoire de diversion absurde d’un yacht avec quelques plongeurs sous-marins malveillants
descendant à 80-90 mètres, sans équipement spécial ou en utilisant des gaz spécialisés, pour poser et faire exploser des engins explosifs. Pas de véritable enquête : «Il n’y a rien à
voir».
Mais comme l’indiquent les événements en Allemagne, l’histoire n’est pas crue ; la coalition à Berlin est en grande difficulté.
Et maintenant, le stratagème est appliqué à l’Ukraine : Le «chœur» s’écrie : «Poutine a perdu», bien que l’Ukraine ait gâché sa chance d’affaiblir la Russie
de manière décisive. L’espoir est clair : L’équipe Biden peut s’échapper, intacte, d’une défaite dévastatrice, avec «un mécanisme d’implosion du scandale» déjà amorcé (pour après la «date
limite» de l’été de l’OTAN pour parvenir à une «victoire») : Nous leur avons tout donné, mais les Ukrainiens ont tourné le dos à nos conseils d’experts sur la manière de «gagner» et n’ont
donc rien obtenu.
«La contre-offensive
de l’Ukraine ne progresse pas parce que son armée ne met pas pleinement en œuvre l’entraînement qu’elle a reçu de l’OTAN, selon une évaluation des services de renseignement allemands qui
a fait l’objet d’une fuite… Les soldats ukrainiens formés par l’Occident font preuve d’un «grand succès d’apprentissage» ; mais ils sont déçus par les commandants qui ne sont pas passés
par les camps d’entraînement [de l’OTAN], ajoute l’évaluation… L’armée ukrainienne favorise la promotion des soldats ayant une expérience du combat, plutôt que ceux qui ont reçu une
instruction conforme aux normes de l’OTAN».
Alors, alors ? Comme en Afghanistan ?
La guerre en Afghanistan a également été une sorte de creuset. En termes très concrets, l’Afghanistan a été transformé en banc
d’essai pour toutes les innovations en matière de gestion de projet technocratique de l’OTAN, chaque innovation étant annoncée comme le précurseur d’un avenir qui changerait la
donne. Les fonds ont afflué, des bâtiments ont été construits et une armée de technocrates
mondialisés est arrivée pour superviser le processus. Le big data, l’IA et l’utilisation en temps réel d’ensembles toujours plus vastes de surveillance technique et de
reconnaissance devaient renverser les vieilles doctrines militaires «figées». Ce devait être une vitrine de la gestion
technique. Elle supposait qu’un mode de guerre correctement technique et scientifique prévaudrait clairement.
Mais la technocratie comme
seul moyen de construire une armée fonctionnelle de type OTAN a donné naissance, en Afghanistan, à quelque chose de complètement pourri – «une
défaite fondée sur les données», comme l’a décrit un vétéran afghan américain, qui s’est effondrée en quelques jours. En Ukraine, ses forces ont été prises entre Scylla et
Charybde : ni la poussée des poings blindés enseignée par l’OTAN pour briser les défenses russes, ni les attaques alternatives d’infanterie légère n’ont été couronnées de succès.
L’Ukraine subit plutôt une défaite provoquée par l’OTAN.
Pourquoi alors choisir de prendre la réalité «à bras-le-corps», en insistant de manière narquoise sur le fait que Poutine «a perdu» ? Nous ne connaissons
pas, bien sûr, le raisonnement interne de «l’Équipe». Cependant, ouvrir des négociations avec Moscou dans l’espoir d’obtenir un cessez-le-feu ou un conflit gelé (pour soutenir la
«narration») révélerait probablement un «Moscou» qui n’insisterait que sur la capitulation totale de Kiev. Et cela s’accorderait mal avec l’histoire de la défaite de Poutine.
Le calcul consiste peut-être à espérer qu’entre aujourd’hui et l’hiver, l’intérêt du public pour l’Ukraine aura été tellement détourné par d’autres
événements qu’il sera passé à autre chose, et que le blâme sera clairement suspendu au cou des commandants ukrainiens qui ont fait
preuve de «carences considérables en matière de leadership», ce qui a conduit à des «décisions erronées et dangereuses», en ignorant les instructions normalisées de
l’OTAN.
Le professeur Turley conclut :
«Rien de tout cela ne
fonctionnera, bien sûr. Le public n’a plus confiance dans les médias. En effet, le mouvement «Let’s
Go, Brandon» est autant une moquerie à l’égard des médias – qu’un ciblage de Biden […] Les
sondages montrent que le public ne «passe pas à autre chose» [que les allégations de Hunter] et qu’il considère désormais cette affaire comme un scandale majeur. Une
majorité estime que Hunter a bénéficié d’une protection spéciale dans le cadre de l’enquête. Si les médias peuvent continuer à étouffer les preuves et les allégations au sein de
leurs propres plateformes d’échos, la vérité, comme l’eau, trouve toujours un moyen de s’échapper».
En effet, les «événements» avancent, avec ou sans les médias.
Et c’est là que le bât blesse : Dans la mesure où Turley estime que l’affaire Biden constitue un putatif «site apocalyptique de
destruction intérieure des États-Unis», l’Occident est confronté à une défaite encore plus stratégique découlant de son projet ukrainien – car cette défaite ne concerne pas seulement
le champ de bataille ukrainien – Elle a détruit le mythe de l’omnipotence de l’OTAN. Elle a bouleversé l’histoire de l’armement occidental «magique». Elle a brisé l’image de la
compétence occidentale.
Les enjeux n’ont jamais été aussi importants. Pourtant, la classe dirigeante a-t-elle réfléchi à tout cela lorsqu’elle s’est lancée avec tant de légèreté
dans ce «projet» malheureux sur l’Ukraine ? La possibilité d’un «échec» leur a-t-elle seulement effleuré l’esprit ?
La conviction occidentale que la fragilité de la Russie s’explique
par son éloignement des doctrines économiques “anglo-saxonnes” et reflète de la pensée magique.
Le chaos que les “experts” occidentaux s’attendaient, “avec
une excitation libidineuse” , à voir se dérouler en Russie “où l’on verrait certainement des “Russes … tuer des
Russes” , et où Poutine “se cacherait
probablement quelque part” . – L’événement est arrivé – sauf qu’il a explosé en France, là où on ne l’attendait pas, avec Macron dans les cordes plutôt qu’avec Poutine à
Moscou.
Il y a beaucoup à tirer de cette intéressante inversion des attentes et des événements – de l’histoire de deux insurrections très différentes :
Le samedi après-midi, après que Prigojine ait atteint Rostov, les États-Unis ont appris que Prigojine avait conclu un accord avec le président Lukashenko pour
mettre fin à sa protestation et se rendre en Biélorussie. C’est ainsi que s’est achevée une affaire qui s’est déroulée en grande partie sans effusion de sang. Prigojine n’a bénéficié d’aucun
soutien, ni de la part de la classe politique, ni de la part de l’armée. L’establishment occidental a été ébranlé, ses attentes ayant été inexplicablement anéanties en l’espace de quelques
heures.
Les vidéos en provenance de Paris et des villes de France sont tout aussi choquantes pour l’Occident. Des voitures en feu, des commissariats et des bâtiments
municipaux en flammes, des policiers attaqués et des magasins largement pillés et saccagés. Ces scènes semblaient tirées de la “chute de la Rome impériale” .
En fin de compte, cette insurrection s’est également éteinte. Pourtant, elle n’a rien eu à voir avec la “mutinerie” de Prigojine, qui s’est terminée par une
manifestation de soutien à l’État russe en tant que tel, et au président Poutine en personne.
Dans l’insurrection française, rien n’a été “résolu” , l’État étant considéré comme “irrécupérable” dans sa forme actuelle : la République
n’existe plus. Et la position personnelle du président Macron a été décriée, peut-être au-delà de toute réhabilitation.
Contrairement à ce qui s’est passé en Russie, le président français a vu une grande partie de la police se retourner contre lui (le syndicat de la police a publié
une déclaration qui sentait l’imminence d’une guerre civile, les émeutiers étant qualifiés de “vermine”). Des généraux de l’armée ont également averti Macron
qu’il devait maîtriser la situation, faute de quoi ils seraient contraints de le faire.
Manifestement – ne serait-ce que pendant neuf jours – les forces de l’ordre ont tourné le dos au chef de l’État. L’histoire nous apprend qu’un chef qui a perdu le
soutien de ses hommes de main risque de disparaître rapidement (à la prochaine insurrection).
Cette mutinerie des banlieues est trop facilement considérée comme une vieille blessure d’origine algérienne ou marocaine qui se manifeste une fois de plus. Il est
vrai que le meurtre d’un jeune homme d’origine nord-africaine a été le déclencheur immédiat d’émeutes dans plusieurs villes – toutes en ébullition dans l’heure qui a suivi.
Pour ceux qui souhaitent écarter toute signification plus large (bien que les précédentes manifestations de masse n’aient pas été organisées par les banlieusards),
l’affaire est balayée d’un revers de main, avec des murmures sur le fait que les Français sont d’une certaine manière enclins à descendre dans la rue !
Pour parler franchement, le problème sous-jacent que la France vient de révéler est la crise paneuropéenne – qui couve depuis longtemps – à laquelle il n’y a pas de
solution toute faite. C’est une crise qui menace toute l’Europe.
Les commentateurs s’empressent toutefois de suggérer que les manifestations de rue (comme celles qui ont eu lieu en France) ne peuvent pas menacer un État européen
– les protestations étaient diffuses et sans noyau politique.
Stephen Kotkin a cependant écrit un livre intitulé “Uncivil Society” pour répondre au mythe répandu selon
lequel, en l’absence d’une société civile parallèle organisée qui s’oppose au régime et finit par le remplacer, les États de l’UE sont parfaitement sûrs et peuvent continuer à ignorer la colère
de la population.
La thèse de
Kotkin est que les régimes communistes sont tombés, non seulement de manière inattendue et pratiquement du jour au lendemain, et (sauf en Pologne) sans l’existence préalable d’une quelconque
opposition organisée. Le fait que le communisme soit tombé à la suite d’une opposition de la société civile est un véritable mythe, écrit-il. Ce mythe persiste cependant au sein d’un Occident qui
s’emploie à créer des sociétés civiles d’opposition dans le cadre de ses objectifs de changement de régime.
Au contraire, la seule structure organisée dans l’Europe de l’Est communiste était la Nomenklatura au pouvoir. Kotkin estime que cette bureaucratie technocratique
représentait 5 à 7 % de la population. Ces personnes interagissaient quotidiennement les unes avec les autres et formaient l’entité cohérente qui détenait le pouvoir réel. Ils vivaient une
réalité parallèle privilégiée, entièrement coupée du monde qui les entourait, qui dictait tous les aspects de la vie à son profit – jusqu’au jour où elle ne l’a plus fait. C’est cette
technocratie qui s’est effondrée en 1989.
Qu’est-ce qui a provoqué la chute soudaine de ces États ? La réponse courte de Kotkin est un échec en cascade de la confiance : un “bank run politique” . Et l’événement crucial dans le
renversement de tous les gouvernements communistes a été la protestation de la rue. Ainsi, les événements de 1989 ont totalement étonné l’Occident tout entier en raison de l’absence d’opposition
politique organisée.
L’idée est bien sûr que la technocratie européenne d’aujourd’hui, qui vit dans des réalités parallèles (à celles de la plupart des Européens) en matière de genre,
de diversité et d’écologie, pense avec suffisance qu’en contrôlant le Narratif, elle peut supprimer les protestations et imposer sans entrave un Forum économique mondial qui efface les identités et les
cultures nationales.
Ce qui se passe en France – sous diverses formes – est précisément “un bank run politique” contre le président français.
Et ce qui se passe en France peut s’étendre…
Bien sûr, des manifestations de rue avaient déjà eu lieu dans les pays communistes. Ce qui était différent en 1989, selon Kotkin, c’était l’extrême fragilité du
régime. Les deux facteurs principaux – autres que la simple incompétence et la sclérose – ont été le refus de Mikhaïl Gorbatchev (comme Macron lors de cette récente insurrection) de soutenir une
répression, ainsi que la pyramide de Ponzi économique défaillante dans laquelle tous ces États s’étaient engagés (en empruntant des devises fortes à l’Occident pour soutenir leurs
économies).
C’est ici que nous pouvons comprendre pourquoi les événements récents en France sont si graves et ont des répercussions plus larges. Car, de manière perverse,
l’Europe emprunte essentiellement le même chemin (avec des caractéristiques occidentales) que l’Europe de l’Est.
À la fin des deux guerres mondiales, les Européens de l’Ouest étaient à la recherche d’une société plus juste (la société industrielle qui avait précédé les guerres
était franchement féodale et brutale). Les Européens voulaient une nouvelle donne qui prenne également en compte les moins favorisés. Ce n’était pas le socialisme en soi qui était recherché, même
si certains voulaient manifestement le communisme. Il s’agissait essentiellement de réinsérer certaines valeurs éthiques dans une sphère économique de laissez-faire amorale.
Cela n’a pas bien fonctionné. Le système s’est emballé, jusqu’à ce que les États occidentaux ne puissent plus se le permettre. La dette a grimpé en flèche. Puis,
dans les années 1980, un “remède” apparent –
importé de l’école de Chicago des zélotes néolibéraux, prêchant l’attrition de l’infrastructure sociale et la financiarisation de l’économie – a été largement adopté.
Les prosélytes de Chicago ont dit au Premier ministre Thatcher d’arrêter de construire des bateaux ou des voitures – c’était pour l’Asie. L’“industrie” des services financiers serait la poule aux
œufs d’or de demain.
Le remède s’est avéré “pire que le mal” . Paradoxalement, la faille de cette
énigme économique avait été perçue par Friedrich List et l’école allemande d’économie dès le XIXe siècle. Il avait vu la faille du modèle anglo-saxon basé sur la consommation et l’endettement. En
résumé, le bien-être d’une société et sa richesse globale sont déterminés non pas par ce que la société peut acheter, mais par ce qu’elle peut fabriquer.
List a prédit qu’une tendance à privilégier la consommation – au détriment de la construction de l’économie réelle – conduirait inévitablement à un affaiblissement
de l’économie réelle : la consommation et un secteur financier et de services éphémère priveraient d’“oxygène” des nouveaux investissements dans la fabrication
de produits réels (toujours nécessaires pour payer les importations), et l’économie réelle s’étiolerait.
L’autosuffisance s’éroderait et une base de création de richesse réelle de plus en plus réduite soutiendrait un nombre de plus en plus restreint d’emplois
correctement rémunérés. Et un endettement toujours plus important deviendrait nécessaire pour soutenir un nombre de plus en plus réduit de personnes employées de manière productive. C’est
le “conte de la France” .
Aux États-Unis, par exemple, le nombre de chômeurs officiels s’élève à
6,1 millions d’Américains, alors que 99,8 millions d’Américains en âge de travailler sont considérés comme “inactifs” . Au total, 105 millions d’Américains en âge de
travailler n’ont donc pas d’emploi aujourd’hui.
C’est le même “piège” qui guette la France (et une grande partie de
l’Europe). L’inflation augmente, l’économie réelle se contracte et l’emploi bien rémunéré se réduit, alors même que le tissu social a été éviscéré (pour des raisons idéologiques).
La situation est sombre. Le pic d’immigration en Europe aggrave le problème. Tout le monde peut le constater, sauf la Nomenklatura européenne qui reste dans le déni
idéologique de la “société ouverte” .
Le hic, c’est qu’il n’y a pas de solution. La résolution des contradictions structurelles de ce modèle de Chicago dépasse les capacités politiques occidentales
actuelles.
La gauche n’a pas de solution, et la droite n’a pas le droit d’avoir une opinion – Zugzwang (échec et mat).
Ce qui nous ramène au “conte des deux villes” et à leurs expériences
insurrectionnelles très différentes : en France, il n’y a pas de solution. En Russie, Poutine et des millions d’autres ont vécu la “thérapie de choc” de la libération des prix et de
l’hyperfinanciarisation pendant les années Eltsine.
Et Poutine a “capté” . Comme List l’avait prévu, le modèle financier
anglo-saxon a érodé l’autonomie nationale et réduit la base de la création de richesses réelles, qui fournissait les emplois nécessaires à la survie de la population russe.
De nombreuses personnes ont perdu leur emploi pendant les années Eltsine, n’ont pas été payées et ont vu la valeur réelle de leurs revenus s’effondrer, tandis que
des oligarques semblant sortir de nulle part sont venus piller toutes les institutions qui avaient de la valeur. L’hyperinflation, le gangstérisme, la corruption, les trafics de devises, la fuite
des capitaux, la pauvreté désespérée, l’alcoolisme croissant, le déclin de la santé et l’étalage vulgaire et dispendieux de la richesse par les super-riches sont autant de phénomènes qui ont
marqué l’époque.
Cependant, c’est le président Xi qui a le plus influencé Poutine. Xi avait clairement indiqué, dans une analyse brûlante intitulée “Pourquoi l’Union soviétique s’est-elle désintégrée ?” ,
que la répudiation par les Soviétiques de l’histoire du PCUS, de Lénine et de Staline “avait pour but de semer le chaos dans l’idéologie soviétique et de
s’engager dans le nihilisme historique” .
Xi a affirmé que, compte tenu des deux pôles de l’antinomie idéologique – la construction anglo-américaine, d’une part, et la critique eschatologique léniniste du
système économique occidental, d’autre part – les “couches dirigeantes” soviétiques avaient cessé de
croire à ce dernier et avaient par conséquent glissé dans un état de nihilisme (avec le pivot vers l’idéologie du marché libéral occidental de l’ère Gorbatchev-Eltsine).
Le point de vue de Xi était clair : la Chine n’avait jamais fait ce détour. En clair, pour Xi, la
débâcle économique d’Eltsine était le résultat du tournant vers le libéralisme occidental. Et Poutine est d’accord.
Selon lui, la Chine “a
réussi de la meilleure façon possible, à mon avis, à utiliser les leviers de l’administration centrale (pour) le développement d’une économie de marché… L’Union soviétique n’a rien fait de tel,
et les résultats d’une politique économique inefficace se sont répercutés sur la sphère politique” .
Mais c’est précisément ce que la Russie, sous Poutine, a corrigé. Le mélange de l’idéologie de Lénine et des idées
économiques de List (un adepte de List, le comte Sergei Witte, a été Premier ministre dans la Russie du XIXe siècle) a permis à la Russie de devenir autonome.
L’Occident ne voit pas les choses de cette manière. Ce dernier persiste à considérer la Russie comme un État fragile et friable, tellement en difficulté financière
que tout revirement sur le front ukrainien pourrait provoquer un effondrement financier panique (comme en 1998) et une anarchie politique à Moscou, semblable à celle de l’ère Eltsine.
Sur la base de cette analyse erronée et absurde, l’Occident a lancé la guerre contre la Russie via l’Ukraine. La stratégie de guerre a toujours été fondée sur la
fragilité politique et économique de la Russie (et sur une armée engluée dans des structures de commandement rigides de type soviétique).
La guerre peut être attribuée en grande partie à cette incapacité à comprendre Xi et à la forte conviction de Poutine que la dévastation causée par
Eltsine était le résultat inévitable du
virage vers le
libéralisme occidental. Et que ce défaut nécessitait une correction concertée, ce que Poutine a dûment fait – mais que l’Occident n’a pas remarqué.
Les États-Unis persistent cependant, contre toute évidence, à croire que la fragilité inhérente de la Russie s’explique par le fait
qu’elle s’est éloignée des doctrines économiquesanglo-saxonnes. L’Occident ne fait que prendre ses désirs pour
des réalités.
La plupart des Russes, en revanche, estiment que la résistance de la Russie face à l’assaut financier combiné de l’Occident s’explique par le fait que Poutine a
largement fait évoluer la Russie vers l’autosuffisance, l’a sortie de la sphère économique occidentale dominée par les États-Unis.
C’est ainsi que le paradoxe s’explique : face à l’“insurrection” de Prigojine, les Russes ont exprimé leur
confiance et leur soutien à l’État russe. Alors que face à l’insurrection française, le peuple a exprimé son mécontentement et sa colère face au “piège” dans lequel il se trouve. Pour la “banque” Macron, la ruée politique est en cours.
Alastair
Crooke
Traduit par Zineb, relu par Wayan, pour le Saker Francophone
Contester les mensonges sur la Russie et la guerre en Ukraine
Combattre les mensonges est une activité fatigante, mais il faut le faire. Le débat public que j’ai eu récemment avec Andrij Dobriansky est une véritable
bizarrerie, car il y a eu peu d’occasions comme celle-ci au cours des 18 derniers mois où les critiques de la politique de l’OTAN à l’égard de la Russie ont pu remettre en question les
mensonges des propagandistes ukrainiens et occidentaux. Je n’ai fait qu’effleurer la mendicité de M. Dobriansky.
Les mensonges de la propagande des services de renseignement américains et britanniques, qui sont nombreux et audacieux, couvrent toute la gamme – par
exemple : Poutine est en phase terminale d’une maladie ; Poutine est faible et ne tient qu’à un fil ; l’Ukraine progresse régulièrement dans sa contre-offensive ; la Russie est isolée
; l’économie russe s’effondre ; les conscrits russes sont enrôlés contre leur gré dans l’armée ; les prisonniers russes sont contraints de rejoindre les forces paramilitaires et de
combattre en première ligne ; le moral de l’armée russe s’effondre ; les généraux russes sont incompétents ; la Russie subit plus de pertes que l’Ukraine ; et la Russie est un
impérialiste colonial.
Je voudrais aborder l’affirmation ridicule de Dobriansky selon laquelle la Russie est coupable de colonialisme en Afrique. Pour ceux d’entre vous qui ont
regardé la vidéo de mon échange avec ce monsieur, vous avez vu qu’il a décliné mon défi de citer un seul pays d’Afrique qui a été colonisé par la Russie, contrôlé et exploité pendant des
années. Il ne pouvait pas répondre parce que la Russie n’est pas coupable de cette accusation diffamatoire.
Vous remarquerez que la Russie est restée chez elle. Elle n’a pas parcouru le monde pour arracher des territoires et planter son drapeau.
En réalité, l’Afrique est la région du monde qui a le plus souffert de l’exploitation coloniale des pays européens pendant plus de 200 ans. La France et la
Grande-Bretagne ont été les deux principaux acteurs, contrôlant près des deux tiers de l’Afrique. Mais d’autres États européens ont également revendiqué des droits sur les peuples et les
territoires de pays du continent africain : L’Autriche, la Belgique, le Danemark, l’Italie, l’Allemagne, les Pays-Bas, la Norvège, le Portugal et l’Espagne.
Il est vrai que de nombreux pays africains ont participé activement à l’asservissement et à la vente d’autres Africains aux Européens et aux Américains. Et
il est vrai que la Grande-Bretagne a tenté de mettre un terme au commerce international d’esclaves en adoptant la loi sur l’esclavage en 1807. Mais cet acte de décence n’efface pas
l’injustice et le pillage des colonies africaines par les Britanniques au cours du XIXe siècle et au début du XXe siècle. Il en va de même pour les autres colonisateurs européens qui ont
utilisé les pays africains comme leurs tirelires personnelles.
Il fut un temps où nous, Américains, croyions fermement en l’idéal de l’autodétermination et rejetions sévèrement l’idée qu’un pays étranger puisse imposer
sa volonté à un autre. Grâce à la Première Guerre mondiale (alerte au sarcasme), les États-Unis ont dépassé ce stade et ont commencé à voir les avantages du contrôle et de
l’exploitation des pays plus faibles.
Depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale, les États-Unis sont la puissance impériale la plus active au monde. Il suffit de demander au Panama, à Cuba,
aux Philippines, à la République dominicaine, à l’Irak, à la Syrie, à l’Afghanistan, à la Somalie, à l’ex-Yougoslavie, à la Libye et au Yémen. Essayez de convaincre les habitants de ces
pays que le peuple américain était autrefois attaché à l’isolationnisme.
Si vous regardez les interviews du juge Napolitano avec l’ancien officier de la CIA Jack Devine ou le mercenaire free-lance Matt Van Dyke (il faut avoir
l’estomac bien accroché pour écouter le tsunami de mensonges qui se déverse de leurs lèvres), vous les entendez répéter le mantra selon lequel la Russie subit d’énormes pertes. Ce
mensonge est facile à démystifier. Il suffit de comparer les messages publiés sur les réseaux sociaux ukrainiens et russes, qui montrent des cimetières et des cérémonies funéraires
militaires. Les milliers de cimetières avec des monticules de terre fraîche sont omniprésents sur les chaînes ukrainiennes. Ce n’est pas le cas du côté russe.
Oui, je sais que les défenseurs de l’Ukraine ne seront pas convaincus et qu’ils affirmeront probablement que la Russie, en tant qu’État autoritaire,
n’autorisera pas de telles images. C’est absurde. Il suffit d’écouter les derniers podcasts d’Alex Christoforou et d’AniaK. Tous deux sont à Moscou pour des raisons professionnelles
distinctes (ils ne travaillent pas ensemble) et publient des vidéos quotidiennes alors qu’ils se promènent chacun dans Moscou pour faire leurs commentaires et analyses politiques. Où sont
ces ignobles agents du FSB qui les ont abordés et ont piétiné leurs téléphones portables ? Encore une preuve circonstancielle que la propagande occidentale décrivant la Russie comme une
dictature et ses citoyens soumis à des diktats autoritaires est un mythe.
Je vous laisse avec cette règle de base pour ceux qui suivent les médias occidentaux : Quoi que vous lisiez dans les médias de l’establishment, supposez
toujours qu’il y a un but – généralement néfaste – derrière l’information que vous êtes autorisé à lire.
Voici un exemple très récent : Joe Biden, après des années de silence, a finalement reconnu la petite-fille bâtarde issue d’une aventure d’un soir de Hunter
avec une strip-teaseuse. Pourquoi maintenant ? L’équipe de campagne de Biden craint-elle que son refus d’embrasser cette petite fille ne le fasse passer pour le petit homme colérique et
rancunier qu’il est ? Ce n’est pas grand-chose comparé à la manipulation de l’histoire de l’Ukraine et de la Russie.
SECRÉTAIRE BLINKEN : Et il s’agissait d’un défi direct à l’autorité de Poutine. Cela soulève donc de profondes questions. Cela montre de véritables fissures.
Nous ne pouvons pas spéculer ou savoir exactement où cela va aller. Nous savons cependant que Poutine devra répondre à bien d’autres choses dans les semaines et les mois à venir.
…
SECRÉTAIRE BLINKEN : Ces événements créent de nouvelles fissures dans la façade russe, avec des fissures déjà profondes. L’agression de Poutine contre l’Ukraine a considérablement
affaibli l’économie, l’armée et la position de la Russie dans le monde. Il a réussi à rassembler l’Europe. Il a réussi à rassembler l’OTAN. Il a réussi à convaincre l’Europe de
se passer de l’énergie russe. Il a réussi à s’aliéner les Ukrainiens et à unir l’Ukraine en même temps. Dans l’ensemble, il s’agit donc d’un échec stratégique. Si l’on ajoute à cela de
profondes divisions internes, il y a beaucoup de questions auxquelles il va devoir répondre dans les semaines à venir.
SECRÉTAIRE BLINKEN : … Je pense donc que nous avons vu apparaître de nouvelles fissures dans la façade russe. Il est trop tôt pour dire exactement où elles vont
et quand elles aboutiront. Mais il est certain que nous avons toutes sortes de nouveaux problèmes auxquels Poutine va devoir répondre dans les semaines et les mois à venir.
…
Ce n’est que le
dernier chapitre d’un livre d’échec que Poutine a écrit pour lui-même et pour la Russie. Sur le plan économique, militaire, sa position dans le monde – tout cela s’est
effondré. Nous avons une OTAN unie et plus forte que jamais, une Europe qui s’est sevré de l’énergie russe, une Ukraine que Poutine a réussi à aliéner et à unir en même temps.
Aujourd’hui, alors que des troubles se préparent de l’intérieur, cela ne fait qu’ajouter, comme je l’ai dit, d’autres problèmes auxquelles il doit trouver des réponses.
SECRÉTAIRE BLINKEN : Mais nous pouvons dire ceci. Tout d’abord, ce que nous avons vu est extraordinaire, et je pense que l’on voit apparaître des fissures qui
n’existaient pas auparavant…
…
Nous avons vu cette agression contre l’Ukraine se transformer en un échec stratégique général. La Russie est plus faible économiquement et militairement. Sa
position dans le monde s’est effondrée. Elle a réussi à détourner les Européens de l’énergie russe. Elle a réussi à unir et à renforcer l’OTAN avec de nouveaux membres et une
Alliance plus forte. Elle a réussi à éloigner l’Ukraine de la Russie et à unir l’Ukraine comme jamais auparavant. Ce n’est qu’un chapitre supplémentaire d’un très, très mauvais livre que
Poutine a écrit pour la Russie.
SECRÉTAIRE BLINKEN : Mais je pense que nous pouvons dire ceci : Premièrement, nous avons vu apparaître des fissures très sérieuses.
…
Mais nous avons vu, je pense, beaucoup de fissures différentes qui sont apparues dans la conduite de cette agression, parce que tout ce que Poutine a essayé
d’accomplir, c’est le contraire qui s’est produit. La Russie est plus faible économiquement. Elle est plus faible
militairement. Sa position dans le monde s’est effondrée. Elle a réussi à renforcer et à unir l’OTAN. Elle a réussi à aliéner et à unir les Ukrainiens. Elle a réussi à sortir
l’Europe de sa dépendance à l’égard de l’énergie russe.
Dans tous les domaines, sur tous les sujets, ce que Poutine a essayé d’empêcher, il a réussi à le précipiter. Et la position de la Russie s’en trouve
considérablement amoindrie. À cela s’ajoutent des dissensions internes. Encore une fois, nous ne pouvons pas spéculer sur l’évolution de la situation. Nous devons rester et nous sommes
concentrés sur l’Ukraine, mais cela soulève certainement de nouveaux problèmes auxquelles il va devoir répondre.
Les mêmes points de discussion (faux), répétés à l’infini, sont un signe certain de mensonges et d’une campagne de propagande organisée. [Ou de prendre ses désirs pour la réalité, d’y croire et, par ivresse, le crier sur tous les toits,
NdT]
Pour mémoire. Progojine était tout seul dans sa tentative de mutinerie. Aucun élément du gouvernement ou de la société civile russe ne s’est joint à lui dans son
entreprise. Où sont donc les fissures ? Il n’y en a aucune. Par ailleurs, l’armée russe est aujourd’hui plus importante et mieux équipée qu’avant la guerre. L’économie russe se porte bien et se
développe. Sa position dans le monde s’est améliorée.
Mais la propagande de Blinken fonctionne bien parce que les médias américains sont entraînés à prendre n’importe quelle partition que l’administration leur tend et
à chanter cet air encore et encore.
Je pourrais citer des dizaines de participants à ce jeu pour le démontrer. Mais le Washington Post m’a facilité la tâche en demandant à huit
de ses éditorialistes de commenter ces questions. Tous, sauf un, un néocon qui veut voir plus d’action, répètent le message de Blinken : « Poutine a été affaibli. La Russie s’effondre. »
David Von Drehle :
Même les coups d’État ratés ont des conséquences
Poutine n’avait manifestement pas plus confiance que Prigojine dans l’issue de l’affrontement. Plutôt que de tester la loyauté et la force des forces
gouvernementales pour écraser le soulèvement, le dirigeant russe a saisi la première issue qui s’offrait à lui – un signe de faiblesse qui pourrait inviter à une autre tentative. … La
mauvaise nouvelle : Une Russie affaiblie a des dirigeants affaiblis et est en train d’échapper à tout contrôle. Poutine a conduit son pays au désastre et il n’y a personne en vue pour le
sauver.
Max Boot : Prigojine
a rendu la faiblesse de Poutine évidente pour tout le monde
La révolte de Prigojine et de ses mercenaires du groupe Wagner a sapé la légitimité de Poutine. Il reste à déterminer si les dommages sont fatals. … Même si
Prigojine disparaît, le mécontentement qu’il a révélé restera un talon d’Achille pour Poutine.
David Ignatius :
Après avoir esquivé la balle, Poutine devra montrer qu’il contrôle la situation
Les vulnérabilités de Poutine ont été clairement mises en évidence le week-end dernier, mais il en va de même pour ses étonnantes capacités de survie. Il s’est
introduit dans le complot de Prigojine et l’a arrêté. … Poutine devra montrer qu’il est aux commandes maintenant, après cette expérience de mort imminente. C’est la mauvaise nouvelle pour
l’Ukraine et la Russie.
Eugene Robinson :
Poutine devrait survivre à cette crise
La révolte du boucher mercenaire Prigojine a révélé que le régime de Poutine était plus fragile qu’il n’y paraissait de loin.
Charles Lane :
Prigojine est le seul Russe à oser dire publiquement la vérité
Vaclav Havel a insisté sur le fait que la vérité exerçait toujours un pouvoir mystérieux, mais latent.
Elle peut inopinément “surgir (…) dans quelque chose de visible : un
acte ou un événement politique réel, un mouvement social, une explosion soudaine de troubles civils, un conflit aigu au sein d’une structure de pouvoir apparemment monolithique, ou simplement
une transformation irrépressible du climat social et intellectuel“, a écrit Havel. “Et comme tous les problèmes authentiques et
les questions d’une importance cruciale sont dissimulés sous une épaisse croûte de mensonges, on ne sait jamais très bien quand tombera la proverbiale goutte d’eau qui fait déborder le vase,
ni quelle sera cette goutte d’eau.”
Espion, oligarque, chef de guerre, Prigojine était un candidat peu probable pour confirmer la prophétie de Havel. Mais d’une certaine manière, il l’a
fait.
Jason Willick : Les
risques d’escalade en Ukraine ont augmenté
Certains observateurs exagèrent peut-être la faiblesse de Poutine – après tout, il a rapidement réprimé la mutinerie – mais le spectacle a clairement a écorné
l’image de contrôle qu’il s’était faite.
Josh Rogin : L’échec
de Prigojine est une opportunité pour l’Occident
Maintenant que le Kremlin ne peut plus prétendre que Wagner est une entité distincte, les responsables du gouvernement et de la défense russes doivent également
être tenus responsables des crimes commis par Wagner dans le monde entier, qui comprennent des allégations crédibles de meurtres de masse, de tortures, de viols et d’autres atrocités.
Megan McArdle :
L’agitation en Russie montre la fragilité de l’illibéralisme
En théorie, Poutine contrôle une armée massive, une force de police importante et une population qui l’a reconduit au pouvoir en 2018 avec un score retentissant
de 77 % des voix. Mais au moment de passer à l’action, ces mêmes personnes étaient indifférentes entre lui et un seigneur de guerre meurtrier – ou, du moins, ne se souciaient pas suffisamment
de la distinction pour risquer de se faire tirer dessus. Poutine a survécu, mais le risque pour son régime s’est accru maintenant qu’il est clair qu’il n’a que peu de soutien réel.
Le ton général : Poutine n’a pas combattu le fou Prigojine mais a trouvé une solution pacifique. Cela montre qu’il est faible.
Cela soulève une question. Si huit chroniqueurs d’un même journal parviennent à la même conclusion (fausse), mais avec des mots différents, pourquoi les embaucher
et les payer tous les huit ? Il est évident qu’un seul suffirait.
Oh, ce serait faire preuve d’un manque de diversité ? Les religieux croient en l’individualisme où tous les humains doivent être différents – mais pas pour les
opinions qu’ils sont autorisés à épouser ?
Moon of
Alabama
Traduit par Wayan, relu par Hervé, pour le Saker Francophone.
Je suis fasciné par la désinformation et la tromperie qui se répandent sur les réseaux sociaux au sujet du célèbre chef russe Evgueni Prigojine et de ses
mythiques prouesses militaires. Le dernier exemple en date est fourni par le Washington
Post de Jeff Bezos :
« Le chef de Wagner a
proposé à l’Ukraine de lui communiquer l’emplacement des troupes russes, selon une fuite
The Discord Leaks –
Evgueni Prigojine a déclaré qu’il indiquerait aux militaires ukrainiens où attaquer les troupes russes s’ils retiraient leurs propres forces de la ville assiégée de Bakhmout, où les
mercenaires de Wagner subissaient de lourdes pertes. »
S’il y avait encore un doute sur le fait que les fameux « Discord Leaks », qui seraient l’œuvre d’un simple soldat de l’armée de l’air américaine,
sont des fuites contrôlées qui font partie d’une opération d’information, ce dernier coup d’éclat devrait effacer tout scepticisme.
Suivez la logique. Il est supposé exister un élément de renseignement d’origine électromagnétique top secret « prouvant » que Prigojine a proposé
de trahir la Russie afin de protéger ses propres troupes il y a deux mois (rappelez-vous, la « fuite » « découverte » le 6 avril par un groupe lié aux services de
renseignement britanniques, faisait état d’informations classifiées diffusées vers le 1er mars). Comment Prigojine, qui n’a aucune expérience militaire et ne fait pas partie de la chaîne
de commandement russe, peut-il avoir accès à l’ordre de bataille des forces russes ? C’est peu probable.
Le groupe Wagner n’est pas une création d’Evgueni Prigojine. Oubliez l’idée reçue occidentale selon laquelle Wagner serait une version russe des
« douze salopards » – des condamnés et des criminels à qui l’on donne une chance de se racheter en revêtant l’uniforme russe et en risquant leur vie. Cette image a été véhiculée
par les services secrets russes et les crédules occidentaux l’ont gobée.
J’accorde du crédit au rapport d’Alexander Mercouris sur l’histoire de Wagner, à savoir qu’il a été créé sous la direction du service de renseignement
militaire russe, le GRU, et de la version russe du FBI, le FSB. En d’autres termes, Wagner s’apparente davantage à la Division des activités spéciales de la CIA (SAD), qui est le bras
militaire de la CIA, et à la Légion étrangère française. Wagner, à mon avis, n’est pas sous le contrôle opérationnel de Prigojine. Il est non seulement un maître de l’art culinaire, mais
aussi un sacré bon acteur. Prigojine présente au monde l’image d’un homme au bord de la folie et de la mégalomanie, et les agences de renseignement des États-Unis et d’autres pays de
l’OTAN s’en régalent.
Wagner est une unité d’infanterie légère spécialisée dans la formation de soldats et de combattants étrangers. Tout comme le SAD de la CIA, Wagner est
dirigé par d’anciens officiers et sous-officiers de l’armée russe en service actif. Mon ami Andrei
Martyanov note à juste titre que si Wagner est spécialisée dans le combat urbain, elle n’est pas organisée ni équipée pour opérer en tant qu’unité d’armes combinées. Toutefois,
outre ses capacités en matière de combat urbain, Wagner joue également un rôle dans la guerre de l’information menée par la Russie contre l’Occident.
Il est également important de comprendre que Prigojine s’attribue également le mérite de la création de l’Internet Research Agency alias IRA, que les
médias décrivent comme
« une
ferme à trolls notoire que le gouvernement des États-Unis a sanctionnée pour avoir interféré dans les élections américaines. »
Prigojine n’est que trop heureux de s’attribuer le mérite de l’IRA. Il a publié le communiqué de presse suivant en février :
« Je réagis avec
plaisir », a déclaré Prigojine dans le communiqué. « Je n’ai jamais été
que le financier de l’Internet Research Agency. Je l’ai inventée, je l’ai créée, je l’ai gérée pendant longtemps. Elle a été fondée pour protéger l’espace d’information russe de la
propagande agressive et grossière des discours anti-russes de l’Occident. »
Quoi d’autre ? Prigojine a-t-il secrètement créé et financé ROSATOM ou l’Agence spatiale russe ? Il n’est pas facile de préparer une omelette savoureuse
lorsqu’on est occupé à mettre sur pied une organisation de mercenaires militaires et une opération d’information sur Internet. Prigojine est le nouveau Beria, sans les comportements
sexuels déviants, ou du moins c’est ce que l’on veut nous faire croire. Ou peut-être est-il la version russe du général Patton.
La plupart des Américains ont adhéré au mythe du général Patton, le général que les nazis et la Wehrmacht craignaient
le plus :
« Le film Patton et la
biographie sur laquelle il est en partie basé, « Patton : Ordeal and Triumph », de Ladislas Farago, on a l’impression que le haut commandement allemand a passé la plupart de ses
heures de veille à se préoccuper de Patton et de ses allées et venues. Selon Farago, après sa campagne en Sicile, Patton était le général allié que les Allemands considéraient comme
« leur adversaire le plus dangereux sur le terrain », ce qui les amenait à surveiller ses allées et venues « comme des spectateurs au cou élastique suivant une balle de
tennis à Wimbledon ». Le problème, note Yeide, c’est qu’« il ne semble pas y avoir un iota de fait derrière cette affirmation ». »
On ne peut pas en dire autant de Prigojine. Il est l’objet d’une obsession dans les médias occidentaux et chez de nombreux dirigeants politiques. Les
récents débordements très médiatisés de Prigojine, notamment les diatribes chargées d’injures lancées contre les chefs militaires russes, ont fait naître l’espoir dans les milieux
militaires et du renseignement de l’OTAN que peut-être, juste peut-être, le cercle intérieur de Poutine commence à s’effondrer et que la Russie n’est vraiment rien d’autre qu’une
station-service dotée d’ogives nucléaires.
Je ne crois pas aux coïncidences. Le fait que Prigojine soit lié si publiquement à une organisation militaire et à une opération d’information sur Internet,
qui sont toutes sous le contrôle des services de renseignement russes, m’amène à penser qu’il est un acteur important de la campagne russe visant à tromper l’Occident et à le désorienter
quant à ses véritables plans et objectifs militaires. La semaine dernière, Prigojine a fait de son mieux pour convaincre les pays de l’OTAN que Wagner était dans les cordes et confronté à
un risque réel d’être envahi par des troupes ukrainiennes nouvellement énergisées et approvisionnées. C’était à l’époque.
Aujourd’hui, selon Prigojine ?
« … Les unités de
Wagner ont progressé jusqu’à 130m à l’intérieur et autour de ce que l’on appelle le « Nid ».
Les groupes d’assaut
de Wagner ont occupé 91 000 mètres.
1,69 kilomètres
carrés de Bakhmout restent sous le contrôle de l’ennemi.
9 gratte-ciels ont
été libérés au cours de la journée, 28 gratte-ciels sont sous notre contrôle, 20 sont sous le contrôle de l’ennemi.
Les groupes d’assaut
poursuivent leurs tâches en vue de la prise finale de Bakhmout, et travaillent également sur les flancs, où ils ont dû rester pour stopper les tentatives de percée. »
Oui, c’est le type qui, selon le Washington Post,
négocie secrètement avec l’Ukraine pour vendre les Russes. Vous comprenez maintenant pourquoi je brandis le drapeau Foutaises ?
Dans le Global Soft Power Index 2023, l’Ukraine obtient des résultats éclatants – en dépit de tous les actes de guerre. D’autres indices politiques, comme le Democracy Index, le Corruption
Perceptions Index ou le Global Peace Index, évaluent également l’Ukraine de manière bien plus positive que la Fédération de Russie. Ce qui, à première vue, ressemble à une mauvaise plaisanterie
se révèle être une action coordonnée lorsqu’on y regarde de plus près : en tant que candidate à l’adhésion à l’UE, l’Ukraine doit remplir des conditions telles qu’une démocratie stable, un État
de droit et une économie de marché qui fonctionne. De bonnes places dans les classements politiques peuvent y contribuer. Même si l’image du pays qu’ils véhiculent n’a que peu de points communs
avec la réalité.
Il y a des nouvelles qu’il faut lire deux fois pour les comprendre. Une telle nouvelle nous est parvenue il y a quelques semaines, lorsque Modern Diplomacy a
titré : « La
Russie a perdu la guerre du soft power avec l’Ukraine ! ». Qu’est-ce que ça veut dire ? Le Global Soft Power Index
2023, établi et publié chaque année par Brand Finance , a été présenté. L’entreprise, dont le siège est à Londres et qui possède des représentations dans 20 autres pays, affirme évaluer
chaque année la force et la valeur de plus de 5000 marques
mondiales : « Le
soft power est défini comme la capacité d’une nation à influencer les préférences et les comportements de divers acteurs sur la scène internationale (États, entreprises, communautés, publics,
etc.) par l’attraction ou la persuasion plutôt que par la coercition. »
Zelensky – un leader internationalement admiré
Brand Finance nous fait donc savoir que le classement de la réputation de la Russie dans l’étude, l’un des principaux déterminants du soft power, « est
passé de la 23e à la 105e place ». Cela aurait eu pour conséquence de faire sortir la Russie du classement général des 10 premiers de l’indice, se classant au 13e. Et Brand Finance de
poursuivre : « Dans
le même temps, l’Ukraine a gagné +10,1 points (plus que toute autre nation) grâce à une forte augmentation de la familiarité et de l’influence, et grimpe de 14 rangs à la 37e place contre la 51e
en 2022. »
C’est à ce moment-là que le lecteur critique se demande si cela est vraiment sérieux. Mais ce n’est pas tout :
« L’Ukraine se classe désormais au 3e rang mondial pour les «événements que je suis de près» et enregistre des gains significatifs dans les attributs accentués par les communications
officielles et les médias, tels que “respecte la loi et les droits de l’homme” (en hausse de 69 places au 29e rang), “tolérant et inclusif” (en hausse de 63 à 44e) et “leader en technologie et
innovation” (en hausse de 26 à 50e). » La popularité du président ukrainien Volodymyr Zelensky, de ses ministres et de ses conseillers a fait « grimper la nation du 36e rang
au 12e rang des « dirigeants internationalement admirés » ».
Le lecteur critique a ici l’impression d’être pris pour un idiot.
Pour établir cet indice, Brand Finance interroge chaque année plus de 100.000 personnes dans 121 pays sur 40 indicateurs de soft power différents. Le passage cité
ci-dessus donne un petit avant-goût de la nature de ces métriques. Pour en savoir plus, il faut s’inscrire. Brand Finance ne révèle qu’une seule chose à l’avance : « Plus
le soft power d’un pays est fort, plus sa capacité à attirer des investissements et à commercialiser ses produits et services est grande ». C’est
au plus tard à ce moment-là que l’on doit vraiment rire de bon cœur.
Nous ne pensons pas que les livraisons d’armes de l’OTAN et l’énorme soutien financier de l’UE et de ses États membres doivent être considérés comme des
« investissements ». Nous ne supposons pas non plus que Volodimir Zelensky est un dirigeant admiré au niveau international – même s’il se met constamment en avant. Enfin, nous ne
pensons pas non plus que l’épouse du président, Olena Zelenska, remporte la « bataille des cœurs et des esprits », même si Visegrad Insight
l’affirme avec ferveur.
Les classements ouvrent la voie
En décembre 2021, une conférence des ambassadeurs d’Ukraine s’est tenue sous la présidence du président ukrainien. Volodymyr Zelensky y
a esquissé la ligne clé de l’orientation de la politique étrangère pour 2022 : « La
diplomatie ukrainienne moderne doit être rapide, ambitieuse, créative et efficace. Il est important de changer les récits négatifs sur notre État. L’Ukraine doit être associée aux opportunités et
au développement, et non aux problèmes et aux menaces ». Il faut reconnaître que lui et son épouse, dont la diplomatie du soft power était censée se concentrer sur les audioguides dans
les musées et la commercialisation de la littérature ukrainienne dans le monde entier, ont fait preuve d’assez de flexibilité pour faire pivoter leurs efforts diplomatiques à 180 degrés.
Pourtant, il est absurde de prétendre que l’Ukraine s’est développée de manière si sensationnelle en 2022, année de guerre, dans les domaines des droits de l’homme,
de la tolérance, de l’innovation et de la technologie, qu’elle peut être considérée comme un lieu attractif et un partenaire économique intéressant au niveau international. Il doit donc y avoir
une autre raison pour laquelle des messages comme celui-ci sont diffusés à grand renfort de publicité dans le monde entier. Et c’est là que l’on peut faire une comparaison avec Moody’s, Fitch ou
Standard & Poor’s, qui dominent le marché mondial de l’évaluation de la solvabilité des États, des banques et des entreprises. Leurs notations ne sont pas seulement une condition d’accès aux
marchés financiers. Elles servent de référence aux autorités de surveillance et aux banques centrales.
Il en va de même pour les indices politiques, comme le Democracy Index du magazine britannique The Economist. Là aussi,
la Russie a perdu 22 places en 2022 (elle est désormais 146e sur 167), alors que l’Ukraine n’a perdu qu’une place (elle est désormais 87e sur 167). Ou l’indice de perception de la corruption
de Transparency
International : le classement de l’Ukraine s’est au moins légèrement amélioré entre 2021 et 2022 (désormais 116e sur 180), tandis que la Russie a continué à reculer (désormais 137e sur
180). Le Global Peace Index de
l’Institut for Economy & Peace place la Russie en 2022....
Article de Anne Morelli refusé par Le Soir et La libre
Pas parce qu’il est un peu « intello » mais parce qu’il n’admet pas le récit officiel…
***
par Anne Morelli - Le
07/03/2023.
Si vous êtes familier de la lecture de la Bible, Nicodème vous est bien connu.
En effet, ce membre du Grand Sanhédrin de Jérusalem apparaît à plusieurs reprises dans le Nouveau Testament.
C’est un pharisien, secrètement disciple de Jésus.
Il écoute son enseignement (Jean 3, 1-21), prend sa défense (Jean 7, 45-51) et assiste à la descente de croix (Jean 19, 39-42). Mais il rencontre le
Christ de nuit, et l’on
peut facilement comprendre que c’est par peur de se compromettre (il a des fonctions officielles), et pour ne pas être reconnu.
Le « nicodémisme », dans son sens élargi, recouvre aujourd’hui une attitude de dissimulation, une crainte d’affirmer ses opinions, pour ne
pas avoir de
problèmes.
La guerre actuelle entre l’OTAN et la Russie m’a donné l’occasion de découvrir beaucoup de « nicodémistes ». Ils sont en effet aussi nombreux que
discrets ceux qui n’adhèrent pas à la théorie officielle binaire. Deux mondes irréductiblement antithétiques s’affronteraient : d’un côté les démocraties ouvertes et vertueuses, de
l’autre un empire despotique peuplé de masses habituées à obéir à coups de « knout ». Nous contre eux. Les bons contre les méchants.
Dans ce climat, comment avoir le courage de dire que notre « communication » est aussi manipulatrice que leur « propagande ». Nous
savons peu de choses de celle-ci depuis que la censure
démocratique, a interdit pour nous
protéger, la chaîne en français Russia Today,
dont l’émission Interdit
d’interdire était pourtant un modèle journalistique, et fermé l’agence Sputnik.
Nous sommes donc condamnés à ignorer le point de vue de l’Autre et, de notre côté, toutes les plus vieilles ficelles sont utilisées pour créer l’émotion et
nous mobiliser en faveur de la guerre.
Toujours l’utilisation des mêmes
rengaines
À l’occasion de la quatrième édition en français de mon petit livre « Principes
élémentaires de propagande de guerre »1j’ai
passé en revue ces principes pour voir s’ils étaient mobilisés dans le conflit entre l’OTAN et la Russie et le résultat est très clair.
Les premiers principes (Nous ne voulons pas la guerre- c’est l’ennemi le seul responsable du conflit) sont indispensables à développer pour qu’une guerre
soit populaire.
Il faut persuader l’opinion publique que nous sommes en état de légitime défense et que c’est l’« autre » qui a commencé. Ce sont ses visées
expansionnistes qui lui ont dicté son attaque. C’est donc évidemment la Russie qui est présentée comme seule responsable de la guerre en Ukraine. Pourtant Machiavel2 (1469-1527)
avait déjà prévenu que celui qui dégaine le premier son épée ne doit pas forcément être considéré comme responsable du conflit. Il peut en effet avoir été mis dans une situation telle
qu’il n’y a plus pour lui d’autre possibilité que l’entrée en guerre ouverte. Les Occidentaux parlent ainsi de l’« attaque » de l’Ukraine par la Russie en février 2022, sans
prendre en compte le fait que l’avancée de l’OTAN vers l’Est est, du point de vue russe, une menace concrète contre son territoire à laquelle – acculée – elle doit bien finir
par « répondre ».
L’OTAN, assure que ses avancées vers l’Est sont destinées à « protéger » l’Europe. Il s’agit de prendre des mesures de rétorsion face
à l’attaque russe
et les USA se disent prêts à utiliser l’arme nucléaire en
riposte.
Un autre principe élémentaire de propagande veut qu’on présente le chef du camp adverse comme un fou diabolique.
Lors de la Première Guerre mondiale, c’est le « Kaiser » Guillaume II qui endosse ce rôle.
Puis, successivement, Saddam Hussein, Miloseviç, ou Kadhafi.
Le récit occidental actuel ne manque pas d’appliquer ce principe simple et efficace. Nous ne faisons pas la guerre aux Russes mais à Poutine atteint
de paranoïa. La Libre
Belgique a parlé du tsar
soviétique3. Le
Vif dans un article de 2014 intitulé « Comment arrêter
Poutine » dénonçait déjà sa « malignité »,
sa diplomatie belliqueuse et le traitait de « voyou »4.
Dans le système binaire de la propagande (« eux » et « nous »), ce sont toujours les dirigeants de l’autre camp qui sont des fous
dangereux. « Nos » leaders sont, eux, sains d’esprit et pétris d’humanité.
Pour mobiliser l’opinion publique en faveur de la guerre, il faut aussi la persuader que, contrairement à nos ennemis, nous menons cette guerre pour de
nobles causes.
On ne parlera donc pas de nos projets
expansionnistes ni des motifs économiques de nos entreprises guerrières. La pensée unique belliciste ne dira pas un mot du gaz de schiste états-unien qui peut remplacer – à prix plus
élevé – le gaz russe. On ne développera pas le projet européen qui voit dans l’Ukraine de demain, intégrée dans l’OTAN et l’Union européenne, une belle occasion de « délocalisation
de proximité » à bon marché.
Ce dont parleront par contre les médias occidentaux c’est de notre noble propension à courir à l’aide des ennemis de nos ennemis. Nous défendons le droit
des peuples à disposer d’eux-mêmes pour le Kosovo se détachant de la Yougoslavie mais pas pour la Crimée ou le Donetsk s’ils veulent se détacher de l’Ukraine.
La propagande ne doit relever que les atrocités commises par le camp ennemi et jamais les nôtres.
Ainsi, dans la guerre en Ukraine, seules les violences russes sont rapportées. Lorsque Human Right Watch puis Amnesty international s’inquiètent de tortures
et exécutions commises par des Ukrainiens sur des Russes, notamment des prisonniers, l’écho chez nous est faible et ne fait pas la Une de la presse. L’empathie est réservée aux seules
victimes de l’ennemi et pas aux victimes de l’Ukraine et de ses alliés. Les réfugiés ne sont émouvants et dignes de solidarité que lorsqu’ils sont présentés comme les témoins de la
barbarie ennemie. Pourtant depuis 2014 la guerre en Ukraine a aussi contraint des habitants du Donetsk à quitter leur ville ou village, mais qui s’en est soucié ?
Les mots utilisés dans ce domaine sont lourds de sens. Les charniers et
les mercenaires sont
le fait de l’« Autre », les cimetières
improvisés et les volontaires
étrangers sont de notre côté.
Je ne passerai pas en revue tous les principes de la propagande de guerre, mais TOUS se retrouvent dans la communication pour vendre à l’opinion publique la
guerre entre l’OTAN et la Russie.
Je m’arrêterai cependant sur un point en lien direct avec le « nicodémisme ».
Les esprits critiques sont des agents
de l’ennemi
Le dixième et dernier principe de la propagande de guerre veut que ceux qui n’adhèrent pas totalement à la politique de leur camp, ceux qui doutent de ce
qu’avance la propagande sont immédiatement stigmatisés comme agents de l’ennemi.
Les conflits récents ne font pas exception à la règle. Le pape Bergoglio avance prudemment entre les deux camps en présence dans la guerre en Ukraine. Il a
donc été immédiatement taxé de « poutiniste ». Des concerts, des cours universitaires sont annulés, des artistes et sportifs boycottés car ils ne se sont pas clairement déclarés
en faveur de notre camp5.
Les pacifistes sont écartés des médias.
La pensée unique belliciste est tellement omniprésente qu’il est très difficile et risqué de la remettre en cause, même si on commence toute intervention
par « je ne suis pas pour Poutine ».
J’ai cependant pu vérifier à l’occasion de récentes interventions que j’ai faites à la radio6ou
à la télévision7qu’à
côté des thuriféraires de la guerre, il y a aussi des voix critiques, beaucoup plus nombreuses qu’on ne l’imagine, n’adhérant pas au récit médiatique officiel sur la guerre en Ukraine et
sur l’utilité des sanctions. Elles préconisent le dialogue, l’action diplomatique, suggèrent d’autres solutions que l’affrontement qui pourrait être fatal à notre planète. Mais ces voix,
que l’on a notamment entendues collectivement dans la manifestation du dimanche 26 février en faveur de la paix et contre la guerre, veulent pour la plupart rester discrètes car il leur
semble risqué de remettre en question un récit, soutenu par la totalité des milieux dirigeants et médiatiques.
Quand on leur demande individuellement leur opinion en public, beaucoup baissent la tête et s’empressent de changer de sujet.
Ils veulent éviter les insultes et attendent que la tempête passe.
Ils estiment prudent de dissimuler leur opinion, même si dans notre pays il est difficile mais pas mortel, comme dans d’autres, de défendre une conviction
« dissidente ».
Ils agissent comme Nicodème….
Pourquoi ne critiquez-vous jamais le bellicisme de la Russie ?
« Pourquoi ne critiquez-vous jamais le bellicisme de la Russie ? » est une question que l’on me pose souvent avec
beaucoup d’indignation. Les gens ne peuvent pas comprendre pourquoi je passe tout mon temps à critiquer le bellicisme de la structure de pouvoir sous
laquelle je vis sans
prendre le temps de critiquer le gouvernement dont ils ont l’habitude d’entendre les critiques.
C’est une question née de l’illusion et du lavage de cerveau de la propagande, et elle a plusieurs bonnes réponses. Voici quelques-unes de mes
préférées.
« Pourquoi ne critiquez-vous jamais le bellicisme de la Russie ? »
Tout d’abord, il m’arrive de critiquer
le bellicisme de la Russie, dans la mesure où je crois que c’est nécessaire dans une civilisation qui est délibérément saturée de critiques à amplification maximale du bellicisme de
la Russie. Ces critiques vont généralement dans le sens suivant : Poutine est responsable des décisions de Poutine, et l’empire américain est responsable des décisions de l’empire
américain. Poutine est responsable de la décision d’envahir l’Ukraine, et l’empire américain est responsable de la provocation
de cette invasion.
Ce n’est pas vraiment compliqué. Si je provoque quelqu’un à faire une mauvaise chose, alors nous avons tous un certain degré de responsabilité morale pour
la mauvaise chose qui a été faite. Une grande partie de l’apologie moderne de l’empire consiste à prétendre que la provocation n’existe tout simplement pas, que ce concept très simple et
fondamental que nous avons appris dans notre enfance a été inventé l’année dernière par le gouvernement russe. C’est bizarre et indigne et les gens devraient se sentir gênés de le faire.
Vous savez ce qu’est la provocation. Arrêtez d’agir comme un idiot.
« Pourquoi vous ne critiquez jamais le bellicisme de la Russie ? »
Pourquoi ne passerais-je pas plutôt tout mon temps à critiquer le gouvernement le plus puissant et le plus destructeur de la planète, dont les crimes sont
toujours soit ignorés soit soutenus par les institutions politiques et médiatiques du monde anglophone ?
Concentrer ses critiques sur le gouvernement le plus puissant et le plus destructeur du monde est en fait la seule chose normale et saine à faire. Il n’est
pas étrange et suspect que je le fasse, il est étrange et suspect que plus de gens ne le fassent pas.
Les États-Unis sont le gouvernement
le plus tyrannique de la planète. Ils encerclent actuellement la planète avec des centaines
de bases militaires et mènent des guerres qui ont tué
des millions de personnes et déplacé des
dizaines de millions de personnes depuis le début du siècle. Ses sanctions et blocus visent continuellement les civils avec une force mortelle dans des pays comme le Venezuela, le Yémen
et la Syrie. Elle s’emploie à détruire toute nation qui désobéit à ses diktats en renversant leurs gouvernements par des coups d’État de la CIA, des armées par procuration, des invasions
partielles ou totales et le plus grand nombre d’interférences
électorales du monde entier.
Aucune de ces choses n’est vraie pour la Russie. Il est normal de se concentrer sur le pire contrevenant du monde, surtout dans un environnement médiatique
occidental où ce contrevenant ne reçoit pratiquement aucune critique significative de la part des grandes institutions. Cela ne signifie pas que je pense que le gouvernement russe est
merveilleux et parfait, mais seulement que le gouvernement qui a le plus besoin d’être critiqué dans notre société n’est pas celui de la Russie.
« Pourquoi ne critiquez-vous jamais le bellicisme de la Russie ? »
Pourquoi ne me montrez-vous pas une grande institution occidentale qui critique de manière appropriée l’empire belliciste que je passe mon temps à
critiquer, au lieu de passer 100% de son temps à critiquer des gouvernements étrangers ?
Quoi ? Vous ne pouvez pas ? Parce que l’ensemble de la classe politique/médiatique occidentale facilite de manière fiable les intérêts informationnels de
cet empire ?
Bon, alors d’accord. C’est le déséquilibre que j’essaie de corriger. Vous n’aidez pas à rétablir l’équilibre dans un environnement d’information sauvagement
déséquilibré en passant la moitié de votre temps à critiquer les gouvernements qui sont toujours critiqués dans cet environnement et l’autre moitié à critiquer le bien pire contrevenant
qui n’est jamais critiqué, vous aidez à rétablir l’équilibre en concentrant vos critiques sur le bien pire contrevenant qui ne reçoit pas un niveau de critique approprié. Le temps que
vous consacrez à l’un est du temps que vous ne pouvez pas consacrer à l’autre.
« Pourquoi ne critiquez-vous jamais le bellicisme de la Russie ? »
Cela va vous étonner, mais je n’ai pas vraiment de public russe. J’ai un public anglophone qui vit principalement sous la coupe de l’empire occidental.
C’est là que ma voix est entendue, et c’est là que ma voix peut faire la différence.
« Pourquoi ne critiquez-vous jamais le bellicisme de la Russie ? »
La seule raison pour laquelle il vous vient à l’esprit de poser cette question est que vous êtes entouré toute la journée de voix qui passent tout leur
temps à critiquer le bellicisme de la Russie et aucun temps à critiquer le bellicisme des États-Unis. C’est ce à quoi vous êtes habitué et ce que vous avez été conditionné à attendre.
Quelqu’un qui concentre ses critiques sur le gouvernement le plus puissant et le plus destructeur du monde ne vous semble bizarre que parce que vous avez été conditionné par la propagande
à considérer la critique de la Russie comme normale et la critique de l’empire américain comme une aberration bizarre, et parce que les responsables de la narration impériale ont créé une
atmosphère néo-mcarthyenne qui fait de toutes les critiques de la politique étrangère américaine des traîtres loyalistes du Kremlin.
Ce n’est que dans les esprits les plus drogués par la propagande que le fait de concentrer ses critiques sur le gouvernement le plus puissant et le plus
destructeur du monde semble étrange et suspect. Ce n’est que dans le cerveau le plus lavé que le fait de concentrer ses critiques sur l’empire le plus puissant qui ait jamais existé
ressemble à un signe d’immoralité, de dysfonctionnement, de trahison ou de soutien au Kremlin.
« Pourquoi ne critiquez-vous jamais le bellicisme de la Russie ? »
Pourquoi n’allez-vous pas regarder la télévision ? Si vous avez un besoin désespéré d’entendre un Occidental de plus critiquer le bellicisme de la Russie,
allumez simplement la télévision la plus proche et attendez quelques minutes.
« Pourquoi ne critiquez-vous jamais le bellicisme de la Russie ? »
Personne n’a jamais été capable une seule fois de me fournir une réponse logiquement cohérente expliquant pourquoi je devrais passer le moindre temps à
critiquer un gouvernement que toutes les institutions occidentales critiquent 24/7/365 alors que ces institutions ignorent totalement la criminalité impériale américaine. Je reçois
souvent des quasi-gauchistes beaucoup plus proches de la vision du monde dominante que moi qui soutiennent que je devrais critiquer à la fois la Russie et l’empire américain, mais pas un
seul d’entre eux n’a jamais été capable de me fournir un argument lucide pour cette position qui tienne la route. Il s’agit toujours d’une hypothèse non vérifiée qu’ils considèrent comme
une croyance parce qu’ils n’y ont pas réfléchi sérieusement.
Personne ne peut jamais m’expliquer de manière intelligible quel bien réel et concret est fait au monde par un occidental de plus prêtant sa voix à un
message qui est déjà amplifié autant qu’un message peut l’être dans le monde anglophone. Ils finissent toujours par dire des choses comme « Eh bien, cela vous donne une mauvaise
image si vous ne critiquez pas les deux » – comme s’ils se transformaient en mes agents de relations publiques bénévoles qui prétendent soudain se soucier profondément de la
protection de mon image publique. En réalité, ils veulent juste que je me taise et que j’arrête de critiquer l’empire.
« Pourquoi ne critiquez-vous jamais le bellicisme de la Russie ? »
Parce que je ne veux pas être un foutu propagandiste du Pentagone. Dans un environnement médiatique inondé de messages de propagande conçus pour obtenir le
consentement à davantage de guerre par procuration, de militarisme et de politique nucléaire, nous devons tous faire très attention à ce que nous mettons en œuvre. Dans un tel
environnement, jeter son dévolu sur le message « La Russie est mauvaise » est une utilisation irresponsable de sa voix, en particulier lorsque l’on peut utiliser sa voix pour
appeler à la désescalade, à la diplomatie et à la détente et aider les gens à comprendre qu’ils sont trompés.
Avant de lâcher des bombes, ils lâchent des récits. Avant de lancer des missiles, ils lancent des campagnes de propagande. Si vous choisissez de prêter
votre énergie aux opérations de contrôle narratif conçues pour ouvrir la voie à la mort et à la destruction, alors vous êtes tout aussi responsable de cette mort et de cette destruction
lorsqu’elles se produisent que la personne qui appuie sur le bouton de lancement.
Vous êtes responsable de ce que vous envoyez dans le monde, et vous êtes responsable de ses conséquences. Arrêtez de fonctionner comme un propagandiste
d’empire non rémunéré juste parce que c’est parfois gênant de ne pas le faire.
Ce fut d'abord la centrale électrique de Kharkiv, touchée le 11 septembre par
plusieurs missiles, privant d'électricité des centaines de milliers d'habitants. Puis des frappes sur le barrage de Kryviy Rih et, dans le sud-est de Zaporijia, sur des réseaux électriques. En pleine déroute dans l'est de
l'Ukraine, les Russes s'enfoncent dans le cynisme, en pilonnant systématiquement les infrastructures critiques - installations électriques, centres de chauffage urbains... L'objectif est clair :
"laisser les gens sans lumière, sans chauffage, sans eau et sans nourriture", a dénoncé le président ukrainien, Volodymyr Zelensky.
Désireux de reprendre la main, Vladimir Poutine vient d'annoncer dans un discours télévisé ce mercredi 21 septembre des référendums d'annexion dans quatre régions
de l'Est de l'Ukraine, du 23 au 27 septembre - tout en brandissant à nouveau la menace nucléaire si ces territoires devaient être repris par les Ukrainiens - , ainsi qu'une mobilisation
"partielle" de la population. " Rien de tout cela - les simulacres de référendums, la mobilisation potentielle de forces supplémentaires - n'est un signe de force. Au contraire, c'est un signe de
faiblesse. C'est le signe de l'échec russe", a réagi Antony Blinken, le chef de la diplomatie américaine.
Stratégie de la terreur et fuite en avant en forme d'aveu d'impuissance de Moscou, qui est en train de subir une nouvelle défaite militaire, après son échec à
conquérir Kiev. Préparée minutieusement, annoncée depuis des semaines dans le Sud, la contre-offensive ukrainienne a, en, réalité, percé les lignes
ennemies au Nord et à l'Est, contraignant les soldats russes à une retraite précipitée. Simple "regroupement de forces", comme le prétend Moscou ? Une vraie Bérézina, plutôt, qui laisse entrevoir
une nouvelle issue à cette terrible guerre : et si Poutine la perdait ?
...la suite de cet article est réservé aux abonnés....
L’auteure, animée d’un anti-américanisme qu’elle ne cache pas,
s’indigne de la tournure des évènements en Ukraine. Elle secoue ici le cocotier, elle le secoue très fort, avec la puissance d’un cyclone. Notre conception de l’information et du débat veut
que toutes les opinions puissent s’exprimer, pour peu qu’elles soient étayées et raisonnées. Et comme notre ambition est de vous offrir ce qu’on ne trouve pas ailleurs, c’est bien volontiers
que nous publions cet article, dont les libres propos n’engagent pas notre rédaction.
Voici plus de 7 mois que l’attaque de la Russie contre l’Ukraine a débuté. De provocations en rebondissements, la réalité, militaire et politique, de l’évolution de l’affrontement entre les
troupes envoyées par Moscou et l’armée ukrainienne, entraînée, abondamment armée et assistée des forces anglo-saxonnes mais aussi européennes et notablement françaises, est devenue
difficilement lisible pour le citoyen européen.
La propagande occidentale a littéralement fait disparaître la moitié au moins des informations de toute nature, celle de la partie russe. Sans parler de la quasi-disparition de tout débat
médiatique sérieux qui a escamoté l’autre face du réel. En France, seuls quelques courageux analystes, auxquels on permet de s’exprimer au compte-gouttes, parviennent encore à prendre un peu
de hauteur par rapport au sensationnalisme tout puissant des images soigneusement triées.
On ne peut plus, on ne doit plus réfléchir. Le niveau d’indigence dans le raisonnement est du jamais vu. Tout ce que peut dire, penser, souhaiter, expliquer la Russie et ceux que l’on
caricature immédiatement comme ses « agents étrangers » est illégitime, inaudible, scandaleux, taxé de fascisme et considéré comme a priori faux. L’hystérie informationnelle a atteint des
sommets qui font paraître les opérations de désinformation déjà mises en œuvre dans les Balkans, en Irak, en Afghanistan, en Libye et même en Syrie comme l’œuvre d’amateurs
débutants. ;
CHASSE AUX SORCIÈRES
Le problème est que cette atmosphère de chasse aux sorcières primitive et d’anti-russisme pavlovien, qui vise l’effondrement économique et social du peuple russe lui-même au prétexte de faire
reculer ou même tomber le pouvoir de Moscou, ne fait que nourrir l’illusion d’une victoire militaire ukrainienne et entretient la fureur des jusqu’au-boutistes sur place comme dans les
cercles otaniens, américains et européens. Tous sont peuplés de mondialistes néoconservateurs qui ont pris le mors aux dents et entendent faire enfin rendre gorge à cet immense pays, «
puissance pauvre » richissime, qui ose défier l’hégémonisme américain, proposer un modèle alternatif de puissance économique souveraine et de sauvegarde de la nation, dont la démocratie à
l’occidentale n’est plus la condition nécessaire. Un modèle qui, en plus, fait école dans le monde entier.
Murés dans leur incapacité à comprendre que l’Europe ne peut être sauvée de l’aventurisme américain, qui ne vise désormais rien moins que la Chine, qu’en rejetant enfin une tutelle de plus en
plus dangereuse, les dirigeants européens collent aux basques de Washington, où un président diminué est aux mains de l’irréductible clique néoconservatrice qui irrigue les réseaux de pouvoir
bien au-delà des clivages partisans. Pour tous ceux-là, la perpétuation de l’hégémonie américaine requiert, en Europe comme partout ailleurs, l’expansion du mondialisme, la disparition des
pouvoirs et des États forts et la fragmentation du monde au service exclusif du complexe militaro-industriel « maison » et du dollar. Voilà leur mantra.
Il est donc impératif pour cette clique de tenir rênes courtes les Européens faibles et aveugles, et de les pousser à nourrir, à coup de déclarations délirantes et de décisions autistes, le
conflit sur le terrain. Le plus fou est que cela marche ! Nous courons même, à l’affût d’une petite tape gratifiante sur la tête de la part de ce grand frère qui tient, croit-on, notre
survie économique et géopolitique entre ses mains.
UNE GUERRE À L’ISSUE INCERTAINE
.
Pourtant, chacun sait bien que la partie est militairement très tendue pour Kiev depuis déjà quelques mois, que la raison et surtout la sauvegarde des malheureuses populations ukrainiennes
prisonnières d’un pouvoir corrompu voudrait que l’on calme très vite le jeu, que l’on parle avec le président russe et que l’on trouve au plus tôt un accord global, l’OTAN reculant pour
toujours aux frontières d’une Ukraine redevenue neutre, à l’instar de Moscou qui pourrait se retirer militairement du Donbass contre l’assurance que les populations russophones de cette
région ne seront plus bombardées et que leurs droits civiques et culturels seront enfin respectés par Kiev. Pour cela, il faudrait évidemment remettre au plus tôt le président Zelenski dans
sa boite de marionnette américaine au lieu de céder à son chantage permanent à la culpabilisation de l’Europe.
Au lieu de cela, nous faisons pleuvoir les milliards d’aide et d’armements dans le tonneau des danaïdes ukrainien d’où cette manne s’évapore pour alimenter trafics d’armes, comptes en banque
off-shore et terrorisme international. Nous entretenons le feu de la guerre avec jubilation pour que le point de non-retour soit au plus tôt atteint s’il ne l’a pas déjà été, pour ne pas
désobéir à Washington, et surtout pour ne pas devoir reconnaître l’insigne erreur de sa manœuvre consistant, depuis presque 20 ans (la première « révolution » ukrainienne, « l’orange », date
de 2004 !), à pousser Moscou dans ses retranchements ultimes afin de provoquer l’affrontement tant espéré et l’annihilation de ce grand pays dont nous ne supportons pas la superbe ni la
résistance à nos prédations.
Les Lettons envisagent désormais, avec les Finlandais désormais aux portes de l’OTAN, de déployer des armements pour faire de la Baltique une « mer intérieure de l’Alliance » et cantonner la
Russie au golfe de Finlande ; on retrouve des mines françaises et allemandes interdites par les conventions de Genève sur des positions ukrainiennes, etc.
L’Europe s’enfonce, comme enivrée de sa propre stupidité, dans une crise énergétique sans précédent, impatiente de tomber sous le joug définitif du gaz de schiste américain. Elle appelle cela
son indépendance énergétique.
Bref, nous nageons en plein délire et à contre-courant de nos intérêts comme de nos sacrosaintes valeurs, défigurées par le soutien à un pouvoir compromis avec le pire d’un nationalisme aux
relents sinistres de suprémacisme et de racisme anti-slave ultraviolent. L’implication de nos soldats au profit de la clique au pouvoir à Kiev, quel que soit le « narratif » médiatique,
fourvoie nos armées.
LE GRAND JEU .
Pendant que nous nous complaisons dans cette réalité parallèle, le nouveau «Grand jeu» se poursuit partout à nos dépens. En Eurasie, où l’attitude européenne envers Moscou nous coupe
durablement les voies de projection d’influence et le potentiel de développement économique qu’une coopération intelligente avec le formidable projet chinois des Routes de la Soie permettait
d’envisager. Au Sahel, où le retrait humiliant des troupes françaises du Mali après 8 ans de présence et 59 morts, et leur redéploiement partiel au Niger s’annonce mal quand on entend le
président nigérien donner au nôtre un cours de géopolitique pragmatique sur l’évidente importance de la Russie sur le continent noir, ou lorsque la ministre sud-africaine de la Défense
explique que Moscou n’a jamais été une puissance colonisatrice de l’Afrique… Tandis que, pour enfoncer un coin dans son alliance avec Moscou et Téhéran, l’on pousse la Turquie à renouer avec
Israël, ce qu’elle fait de bon gré avec son opportunisme habituel et pour défier son véritable rival sunnite l’Arabie saoudite, cette dernière est en train de remettre en cause son alliance
exclusive avec Washington et Tel Aviv au profit de Moscou.
La Chine et la Russie, qui entendent créer leur propre station spatiale et relancer l’aventure lunaire, ont procédé, fin août, à une seconde salve de manœuvres militaires conjointes pour
manifester leur convergence anti-occidentale de plus en plus marquée. L’Iran se braque face aux atermoiements américains dans les négociations pour la remise en place de l’accord nucléaire de
2015 ; les sanctions unilatérales sans mandat onusien pleuvent sur Moscou et Téhéran, creusant plus encore la polarisation et l’hostilité, tandis qu’une grande partie de l’Amérique latine, de
Cuba à l’Argentine en passant par le Venezuela et jusqu’au Brésil, se rapproche elle aussi de la Russie.
Le front indopacifique se tend autour de Taïwan où affluent inconsciemment les politiques américains pour masquer leur impuissance face à Pékin et à sa détermination de reprendre tôt ou tard
l’île définitivement sous sa tutelle. Au-delà de la question militaire de la sanctuarisation de la mer de Chine par Pékin, c’est d’ailleurs tout autant l’enjeu industriel du contrôle de la
production mondiale de semi-conducteurs qui fait rage entre Pékin et Washington d’un côté, et de l’autre Moscou, à la traine mais déterminé, et l’Europe dans les limbes.
Mais tous ces signaux, faibles ou forts, ne nous font nullement réfléchir. « Tout va très bien madame la Marquise ! » : l’Occident va l’emporter, l’Amérique demeurera le phare du monde et son
gendarme honni. Elle apportera la lumière de la démocratie à une planète qui n’en veut plus et consolide autour de Moscou, Pékin et New Delhi un bloc alternatif politico-financier, économique
et bien sûr militaire gigantesque. Si l’attaque russe a resserré les rangs de l’Otan, elle a surtout donné un coup d’accélérateur formidable à la bascule du monde.
La spirale des évaluations délibérément fausses des buts de guerre de l’adversaire prend des proportions dramatiques désormais. Le président Zelenski, encouragé en permanence à la surenchère,
semble pris de folie erratique et prêt à tout pour que l’OTAN vienne officiellement à son secours.
LE POIDS DU NUCLÉAIRE .
Dans ce contexte, on est frappé par l’immaturité des dirigeants tant américains qu’européens et malheureusement français. Le sidérant documentaire « Un Président, l’Europe et la guerre » l’a
tristement démontré en révélant l’étendue de l’impuissance mais surtout de l’ignorance de la dimension nucléaire qui a largement motivé, au moins autant que la situation du Donbass,
l’opération russe. Celle-ci remonte en fait au mémorandum de Budapest de 1994 qui assurait la dénucléarisation de l’Ukraine contre son indépendance.
Compte tenu des infrastructures nucléaires encore présentes en Ukraine, les déclarations du président ukrainien proposant de révoquer le mémorandum lors de la Conférence de Munich, quelques
jours seulement avant le déclenchement de l’attaque russe et alors que le Donbass était de nouveau massivement ciblé par les bombardements ukrainiens contre leur minorité russophone, auront
sonné comme la provocation de trop.
Au-delà de ce déficit de compréhension, l’ignorance de la guerre, de ses souffrances tangibles, l’habitude de la porter et de la mener au loin, notamment au Moyen-Orient sans grandes
conséquences domestiques, la vanité insigne des dirigeants européens et américains, la fureur de voir qu’une fois encore leurs calculs se révèlent faux, que la propagande n’a pas fait se
matérialiser la victoire occidentale sur le terrain, que les objectifs russes s’élargissent chaque jour, que la situation leur échappe et ligue désormais contre eux la majeure partie du
monde, tout les pousse à une fuite en avant irresponsable.
UNE VOIE POSSIBLE .
Comment stopper l’engrenage ? Que peut et doit faire la France ? Si elle reste sourde à la brochette de généraux, agents de renseignements et géopoliticiens américains qui s’expriment
clairement dans les médias mondiaux depuis des mois, elle peut au moins accorder quelque crédit à l’illustre Henry Kissinger qui redoute de plus en plus les effets ravageurs d’un «
déséquilibre » trop grand entre les blocs de force à l’échelle mondiale.
Elle doit ouvrir un espace d’appréciation autonome de l’attitude russe (ce qui suppose sans doute quelques changements à l’intérieur de la cellule diplomatique de l’Élysée…). Paris doit
proposer au Conseil de Sécurité la réunion urgente d’une conférence sur la refondation de la sécurité et de la coopération en Europe. Washington s’y opposera ? Fort bien. Alors elle
l’organisera à Paris.
Ceux de nos alliés européens qui ont compris que c’était une guerre russo-américaine sur le dos de l’UE et de l’Ukraine elle-même, verront l’intérêt de ce « pas de côté » salutaire. Paris
redeviendra enfin utile à quelque chose. Une telle approche doit évidemment aller de pair avec la cessation immédiate de toute livraison d’armements et de tout soutien militaire à Kiev. Cela
ne sauve pas le peuple ukrainien, cela le condamne.
Nous sommes cobelligérants de fait depuis trop longtemps, ce qui neutralise toute marge de manœuvre diplomatique et toute légitimité pour endosser l’habit de médiateur. On me rétorquera que
c’est donner raison au bourreau contre la victime, au Diable contre l’Ange, que c’est le retour de Munich. Non. C’est juste revenir à l’intelligence basique d’une situation qui est en train
de nous échapper et dont nous ferons les frais bien plus que Washington. C’est redonner la parole à un peu d’éthique du conflit au lieu de se planquer derrière des postures prétendument
morales, dont les Ukrainiens sont la chair à canon, comme avant eux les Irakiens, les Libyens, les Syriens… C’est admettre que nous sommes allés bien trop loin, que la Russie n’est pas en
Ukraine uniquement pour défendre le Donbass ni pour conquérir le pays, encore moins pour le détruire mais avant tout pour rétablir, à ses frontières face à l’OTAN, une zone neutre de
protection vitale.
Si l’on ne veut pas l’éclatement ultime du pays et son dépècement entre Russie, Pologne et Hongrie, c’est maintenant qu’il faut agir sans plus tergiverser. Il faut sortir de ce guêpier et
vite… sans perdre la face. C’est là que le bât blesse car c’est impossible si l’on croit la sauver en incarnant le camp du Bien contre celui du Mal. Il faut changer les marqueurs de la «
victoire », et considérer que l’Europe, et la France, font une faute cardinale en appuyant les États-Unis dans cette entreprise déstabilisatrice et contreproductive à l’échelle mondiale.
Légende photo en bandeau : Photo Ukrinform ;
(*) Caroline Galactéros, Docteur en science politique, auditeur de l’Institut des hautes études de la Défense nationale
(AA59) et spécialiste des questions balkaniques. Elle a longtemps travaillé dans l’évaluation et la prospective stratégiques pour les services de l’État. Aujourd’hui
directeur de séminaire à l’École de guerre, colonel dans la réserve opérationnelle des armées, elle dirige le cabinet de conseil privé et de formation en intelligence
stratégique Planeting. Elle est l’auteure du blog « Bouger les lignes ».
Elle est la créatrice et directrice du think tank GéoPragma consacré à la géopolitique réaliste.
Colonel de la réserve opérationnelle, Administratrice de l’ASAF
POURQUOI IL FAUT BOUTER POUTINE DEHORS ET PRÉSERVER LES RUSSES
Certains s’inquiètent encore que l’Occident pousse Poutine à bout. Henri Guaino réitère (l’Express du 7 septembre) ses craintes d’un
« jusqu’au-boutisme » ukrainien et européen. Certes, humilié, Poutine pourrait être tenté d’utiliser l’arme nucléaire avec toutes les conséquences insondables susceptibles d’en
découler. Il est la réplique sismique du stalinisme qu’il admire. Dès 2005, il avait déclaré que la chute de l’URSS avait été « la plus grande catastrophe géopolitique » du XXe siècle. Les tyrans
perdent facilement la raison. Quand ils sont empreints d’une idéologie dominatrice, ils sont prêts à tout y sacrifier, y compris la vie des peuples.
Il est donc raisonnable en l’état d’éviter d’entrer officiellement dans cette guerre que la Russie n’a jamais déclarée. A cet égard, et pour le moment, l’effort du
président français et du chancelier allemand pour garder un brin de conversation avec Poutine n’est pas critiquable. Pas plus que le refus des Etats-Unis de livrer à l’Ukraine des missiles à
longue portée. Du moins, il n’est pas encore temps. C’est aussi une tentative de conserver un espoir de renouer un jour avec le peuple russe qui est encore marqué par des décennies de
totalitarisme rouge. C’est peut-être aussi le moyen d’éviter que Poutine soit renversé par de pires extrémistes plutôt que par les libéraux.
Mais les tyrans sont toujours des géants aux pieds d’argile, entourés de gens serviles, repus et corrompus de leurs propres mensonges. Il ne faut pas en avoir
peur : ils trompent le monde en se trompant eux-mêmes. Déjà les alliés supposés de Poutine l’abandonnent, la Chine ne veut pas s’en mêler et au sommet de l’Organisation de Coopération de
Shanghai ces 15 et 16 septembre, Modi a fait savoir au président russe que l’heure n’était « pas à la guerre ».
Le temps de la détermination
Il est donc heureux que le temps ne soit plus aux hésitations, s’il l’a jamais été. Après beaucoup d’atermoiements, le Chancelier Scholz a demandé le 13 septembre
au président russe le retrait de tous les territoires occupés. Après avoir espéré la négociation, quitte à demander à l’Ukraine d’abandonner des territoires, Emmanuel Macron exhorte désormais la
communauté internationale à ne faire montre d’« aucune faiblesse, aucun esprit de compromission » (mardi 23 août) face à la Russie. Les Etats-Unis ont consacré les plus gros efforts
financiers et militaires dans le soutien à l’Ukraine, mais l’Europe n’a pas été de reste avec 19 Md€ débloqués à ce jour pour l’Ukraine en guerre hors aides militaires. Dans son discours à
Strasbourg du 14 septembre Madame von der Leyen a appelé les Européens à « faire preuve de détermination et pas d’apaisement ». Il faut continuer à soutenir l’Ukraine.
La Russie est l’envahisseur. Et les armées russes se comportent comme des barbares ainsi que le prouvent les charniers et les salles de torture découverts lors de
la reprise des territoires ukrainiens qu’ils ont occupés, et encore ces derniers jours à Kharkiv. Il ne faut jamais accepter une telle vilenie, une telle inhumanité. Et s’y opposer mollement
serait plus qu’une acceptation, un encouragement tacite, comme Daladier et Chamberlain face à Hitler.
Bien sûr, l’Europe souffrira de l’embargo imposé à la Russie. Mais celui-ci fait déjà ses preuves. La Russie manque de pièces détachées et de composants
électroniques pour réparer et construire ses matériels militaires, pour faire voler ses avions, pour faire tourner ses usines. Ses finances sont sous assistance respiratoire. Elle est en défaut
sur le paiement de ses obligations souveraines. La chute des recettes de l’Etat russe s’accélère avec la baisse des exportations d’hydrocarbures. Ses réserves d’armement semblent s’épuiser. La
Russie est, plus profondément, faible de son assujettissement qui ignore la morale, détruit l’esprit d’initiative et anémie les peuples.
Préserver la population russe
La population russe semble elle-même commencer à exposer ses réticences face à la guerre. Les échecs successifs de l’armée russe devant Kiev puis maintenant dans le
Donbass ont dévoilé le mensonge que couvrait la désignation d’ « opération spéciale » dont Poutine affublait son invasion. Malgré la répression, la terreur et la censure totale,
des voix russes courageuses s’élèvent contre cette guerre jusque parmi des élus de Saint Petersbourg. Il ne faut pas les abandonner.
Les Ukrainiens eux-mêmes ont fait preuve d’une grande capacité à s’amender dans l’adversité. Ils étaient, tout autant que les Russes, minés par des pouvoirs
pervertis à la botte d’oligarques prédateurs. Volodymyr Zelensky, qui avait lui-même succombé aux pratiques occultes de l’économie ukrainienne, s’est ressaisi et désormais sa politique vise à
rétablir la transparence et la probité à tous les niveaux de la société. En témoigne l’entrée en vigueur en juin 2022 de sa « loi sur la déoligarchisation » de septembre 2021, sa nomination
d’un nouveau procureur anti-corruption, et les sanctions engagées contre son parrain en politique, Ihor Kolomoïsky, le propriétaire de la chaîne qui a lancé sa série Le Serviteur du peuple.
Ce que les Ukrainiens sont en train de faire dans la guerre, les Russes doivent pouvoir le faire dans la libération de leur pays.
Les dirigeants russes se conduisent en barbares, mais la Russie n’est pas barbare. Les hordes asiatiques qui l’ont envahie il y a de nombreux siècles y sont
arrivées plus tard qu’en Europe de l’Ouest, mais l’Orthodoxie y a fait prospérer une culture différente et complémentaire qui n’a rien à envier à celle du vieil Occident romain. L’esprit slave,
cette « énigmatique âme russe », est sans doute plus mystique que celui des Latins et des Anglo-Saxons. Mais leurs racines chrétiennes les réunissent. L’Europe s’enrichirait de
retrouver ses anciennes alliances avec la Russie : celle-ci tempèrerait le matérialisme européen aux sources de la transcendance orthodoxe tandis que l’Europe pourrait réduire la tentation
impériale de confusion des pouvoirs civils et spirituels qu’ont conservé les successeurs de Byzance. Ne faut-il pas réfléchir dès à présent aux moyens de renouer le fil entre les héritiers de
Jérusalem, Athènes, Rome et Constantinople ? Ce qui suppose aussi tout à la fois que Poutine ne soit plus là et que le peuple russe comprenne que nous voulons le libérer plutôt que le
soumettre.
Les Etats-Unis et l’OTAN commettent l’erreur capitale dans une guerre : Sous-estimer leur ennemi
Les référendums organisés cette fin de semaine dans le Donbass sont un véritable tournant dans la guerre dite « guerre d’Ukraine ». Nul ne doute des
résultats. Comment une population russophone à qui Kiev a interdit l’usage de sa langue maternelle, y compris dans l’éducation de ses enfants, mais surtout qui est soumise aux exactions
des bataillons de représailles néo-nazis et à des bombardements quotidiens depuis huit ans, comment donc cette population pourrait ne pas se prononcer pour le rattachement à la Russie. Ce
que certains appellent « retourner à la maison ».
Comme la Douma d’Éat a déjà annoncé qu’elle demanderait au président Vladimir Poutine d’entériner les résultats, le Donbass va devenir territoire
russe.
D’autre part, la Russie a annoncé une mobilisation limitée en vue de renforcer son armée sur le front Ouest. Notons au passage, que cette mobilisation a
pour objectif de recruter 300 000 hommes, soit 1,2% de la capacité maximum de mobilisation du pays qui est de 25 millions d’hommes. Tout est donc en place pour un affrontement entre la
Russie et l’OTAN soutenu par les États-Unis. Il n’est un secret pour personne que la guerre ne se poursuit actuellement que grâce au soutien de « l’Occident collectif ». En effet,
l’Ukraine avait déjà perdu, fin juillet, la totalité de son armement d’origine soviétique et la moitié de ses soldats. Quel pays pourrait continuer le combat seul dans ces conditions ? La
situation sur le terrain, Donbass toujours ukrainien ou indépendant, suivant le point de vue, permettait de maintenir l’illusion d’une agression russe sur l’Ukraine.
Dans quelques jours, les États-Unis et leurs vassaux de l’Union européenne vont se trouver devant le dilemme suivant :
• poursuivre les opérations visant à écraser les forces russes se projetant sur le territoire de l’Ukraine, ce qui correspondrait, comme l’explique Scott
Ritter dans son dernier article, à reconnaître, sinon la légitimité, au moins la réalité de l’incorporation du Donbass et des territoires ukrainiens du Sud dans la Fédération de Russie.
Ou,
• continuer à soutenir la politique actuelle du gouvernement ukrainien et de ses alliés occidentaux qui vise à expulser la Russie du Donbass et de la
Crimée, ce qui signifierait maintenant attaquer la Russie. Ce serait donc la guerre avec la Russie.
De son côté, la Russie se considère déjà en guerre contre « l’Occident collectif » comme l’a déclaré le ministre de la Défense russe, Sergueï Choïgou dans
le discours qu’il a prononcé suite à l’annonce de la mobilisation partielle par Vladimir Poutine. « Nous ne parlons pas seulement des armes, livrées en énorme quantité mais aussi des
systèmes de communication, des systèmes de traitement de l’information, des systèmes de reconnaissance et des systèmes de renseignement par satellite ».
Tout ceci montre clairement que la Russie ne se considère plus en guerre contre l’Ukraine, mais contre l’OTAN et « l’Occident collectif » qui utilise
l’Ukraine. Le président russe a non moins clairement expliqué que si l’adversaire s’en prenait à l’intégrité de la Fédération de Russie (dont le Donbass fera maintenant partie), « si
l’intégrité territoriale de notre pays est menacée, nous utiliserons tous les moyens à notre disposition pour défendre la Russie et notre peuple ». Une référence évidente à l’arsenal
nucléaire russe et à la doctrine d’usage de cette force. Et Vladimir Poutine d’ajouter, « Ce n’est pas du bluff ». Mais chacun sait que Vladimir Poutine n’a jamais bluffé.
Nous nous trouvons donc, grâce à l’obstination désespérée des États-Unis à conserver leur hégémonie sur le monde et à la sottise (ou veulerie, ou
incompétence, ou aveuglement, ou corruption, choisissez) des « dirigeants » européens, à une seconde de minuit sur « l’Horloge de l’Apocalypse ».
Quel que soit le vainqueur de la guerre en Ukraine, les États-Unis en seront les perdants stratégiques. La Russie nouera des relations plus étroites avec la Chine
et d’autres pays du continent eurasien, notamment l’Inde, l’Iran, l’Arabie saoudite et les États du Golfe. Elle se détournera irrévocablement des démocraties européennes et de Washington. Tout
comme le président Richard Nixon et Henry Kissinger ont joué la « carte de la Chine » pour isoler l’Union soviétique pendant la Guerre froide, les présidents Vladimir Poutine et Xi Jinping
joueront leurs cartes pour tenter de contester le leadership mondial des États-Unis.
Sachant bien que l’Europe ne peut plus rester son premier client énergétique, Moscou a logiquement décidé de développer ses ventes de combustibles fossiles avec
l’Asie, notamment la Chine et l’Inde. Depuis l’invasion de l’Ukraine, la Russie est devenue le premier fournisseur de pétrole de la Chine, remplaçant l’Arabie saoudite. Il est vrai qu’à court ou
moyen terme, la capacité de transfert limitera la quantité de combustibles fossiles que la Russie pourra vendre à la Chine. Elle ne dispose actuellement que d’une seule voie d’acheminement
terrestre du pétrole vers la Chine, l’oléoduc ESPO. Le seul gazoduc actuellement en service est Power of Siberia. Les ventes de pétrole et de gaz par gazoduc sont complétées par des voies
maritimes vers la Chine continentale. Dans les années à venir, la Chine et la Russie réaliseront sans aucun doute d’importants investissements pour développer le transport de pétrole et de gaz
entre les deux pays, ce qui permettra à la Russie d’être le principal fournisseur de combustibles fossiles de la Chine. Les Chinois seront probablement en mesure de réduire leur dépendance en ce
qui concerne les expéditions de combustibles fossiles en provenance du Moyen-Orient, qui doivent passer par des points d’étranglement navals particulièrement exposés tels que le détroit de
Malacca.
Des relations énergétiques plus étroites entre la Chine et la Russie contribueront à les rapprocher en tant qu’alliés stratégiques « sans limites » sur le continent
eurasien. En ayant un fournisseur d’énergie russe dévoué à ses côtés, la Chine obtiendra inévitablement une plus grande flexibilité stratégique pour traiter avec les États-Unis et ses alliés de
la région indo-pacifique, le tout au détriment des démocraties occidentales.
Depuis l’invasion de l’Ukraine, la Russie a également fortement augmenté son commerce énergétique avec l’Inde. Selon le Centre de recherche sur l’énergie et l’air
pur, « l’Inde a été le principal acheteur des cargaisons Atlantique dont l’Europe ne veut plus. » Avant l’invasion de l’Ukraine, l’Inde n’achetait presque pas de pétrole à la Russie. Aujourd’hui,
elle en importe plus de 760 000 barils par jour. L’augmentation des ventes de combustibles fossiles russes vers l’Inde sera préjudiciable aux efforts déployés par les États-Unis, l’Australie et
le Japon pour continuer à mettre Delhi sur une orbite plus proche des pays démocratiques de la région indo-pacifique.
En fait, l’Inde – la plus grande démocratie du mond – a adopté une position neutre quant à l’invasion de l’Ukraine par la Russie. Aux Nations unies, l’Inde s’est
abstenue lors des votes qui ont condamné l’invasion de l’Ukraine. Elle a refusé de blâmer la Russie pour cette attaque. Outre une relation nouvelle et croissante en matière d’approvisionnement
énergétique, la Russie est également depuis longtemps le principal fournisseur d’armes des forces armées indiennes. Il est important de noter que Delhi continue d’apprécier le soutien de longue
date de la Russie au Cachemire. La réponse indienne à la guerre russo-ukrainienne souligne le fait que l’Inde ne devrait pas se retrouver totalement intégrée dans une alliance du Pacifique
occidental telle que la Quadrilatérale. Si la Chine est suffisamment intelligente pour éviter d’autres combats frontaliers avec l’Inde, l’impulsion donnée à l’Inde pour s’impliquer davantage dans
la Quadrilatérale pourrait bien diminuer.
Autre mauvaise nouvelle pour l’Occident, l’Inde n’a pas été la seule à s’abstenir de voter la résolution de l’Assemblée générale des Nations unies censurant la
Russie pour son invasion de l’Ukraine. Trente-quatre autres pays ont refusé de prendre le parti de l’Occident. Les deux tiers de la population mondiale vivent dans des pays qui se sont abstenus
de dénoncer la Russie. Même le Mexique voisin a refusé de condamner la Russie ou de se joindre aux sanctions économiques.
Ce sont des réalités stratégiques difficiles à intégrer pour les États-Unis. Après l’invasion russe, les démocraties occidentales se sont rapidement unies et ont
adopté un large éventail de sanctions contre Moscou, y compris des dates limites pour mettre fin aux achats de combustibles fossiles auprès de la Russie. Les sanctions énergétiques de l’Occident
se sont, dans une certaine mesure, retournées contre ce dernier, provoquant une inflation et des perturbations de l’approvisionnement si graves que Bruxelles a désormais du mal à faire face aux
conséquences économiques. L’UE a même annoncé discrètement des mesures visant à assouplir les sanctions énergétiques russes afin de contribuer à la stabilisation des marchés de l’énergie. Alors
que l’Occident se plaint que la Russie a militarisé ses exportations de pétrole et de gaz, la réalité est que ce sont Bruxelles et Washington qui ont les premiers brandi l’épée énergétique
lorsqu’ils ont annoncé leur intention de réduire les achats de combustibles fossiles russes immédiatement après l’invasion de l’Ukraine.
L’une des retombées positives de la guerre russo-ukrainienne a été la cure de jouvence de l’OTAN, qui s’est mobilisée pour soutenir l’Ukraine. L’alliance deviendra
encore plus forte lorsque la Finlande et la Suède la rejoindront. Du côté négatif, proportionnellement, les États-Unis assument plus que leur part du fardeau du soutien à l’Ukraine par rapport
aux autres partenaires de l’alliance, à l’exception des États baltes et de la Pologne. Jusqu’au 20 mai 2022, les États-Unis ont fourni ou engagé 54 milliards de dollars d’aide militaire au
bénéfice de Kiev. Le Royaume-Uni arrive loin derrière avec 2,50 milliards de dollars, suivi de la Pologne avec 1,62 milliard de dollars et de l’Allemagne avec 1,49 milliard de dollars. Au 20 mai,
les États-Unis avaient engagé plus de trois fois plus d’aide au bénéfice de Kiev que tous les autres pays de l’Union européenne réunis. Les États-Unis sont le plus grand fournisseur d’aide
militaire, bien que l’invasion de la Russie constitue une menace bien plus immédiate pour les alliés européens que pour les États-Unis, qui se trouvent à plus de 9000 km de la guerre, de l’autre
côté de l’océan Atlantique. La situation en Ukraine montre à nouveau à quel point l’Europe occidentale est dangereusement dépendante du leadership américain et de son armée. Cela ne changera pas
tant que l’establishment de la politique étrangère américaine ne se débarrassera pas de la conviction, solidement ancrée depuis sept décennies, que seuls les États-Unis peuvent diriger l’OTAN, en
fournissant l’ossature militaire de l’alliance.
Les États-Unis doivent s’adapter, d’autant plus qu’au titre de l’article V, les engagements de l’OTAN sont limités à la région Atlantique, ce qui constitue une
vérité dérangeante et lamentable. Si Pearl Harbor, Hawaï ou Guam étaient attaqués par la Chine, la Corée du Nord ou la Russie, les engagements de défense collective de l’OTAN ne s’appliqueraient
pas. Néanmoins, même s’il n’y a aucune chance que le traité de l’OTAN soit un jour modifié pour aider les États-Unis dans le Pacifique, Washington ne doit et ne peut pas abandonner l’OTAN. Au
contraire, les responsables de la politique étrangère américaine doivent faire en sorte de permettre aux alliés européens de prendre plus de responsabilités et d’assumer une plus large part du
fardeau de leur côté du continent eurasien, même si ce n’est pas la part du lion. Si les États-Unis continuent à garder la tête enfouie dans les hypothèses historiques qui ont conduit à la
création de l’OTAN en 1949, les choses ne vont cesser d’empirer pour les ressources et les capacités militaires américaines qui sont surchargées. Les États-Unis ne sont plus la seule puissance
dominante du monde. Un plus grand partage du fardeau dans le système d’alliance américain devra intervenir tôt ou tard pour faire face à la réalité d’un monde de plus en plus multipolaire.
Ramon Marks est un avocat international new-yorkais à la retraite.
Vladimir Poutine, les représentants des régions occupées d'Ukraine et les dirigeants des républiques séparatistes locales ratifieront vendredi le
rattachement de ces territoires à la Russie vendredi au Kremlin. Le président russe prononcera un discours à l'issue de la cérémonie.
Vendredi, il sera 14h à Paris, 15h à Moscou, lorsque Vladimir Poutine et les représentants des Républiques séparatistes de Donetsk et Lougansk ainsi que ceux des
zones ukrainiennes occupées de Kherson et Zaporijia ratifieront au Kremlin les traités d'annexion de ces territoires à la Russie. Cette cérémonie succède aux
pseudos-référendums joués d'avance dont les résultats proclamés mardi ont permis aux leaders fantoches de ces régions de demander leur rattachement à la Russie.
Si la communauté internationale ne reconnaîtra aucun de ces rattachements, Vladimir Poutine en profitera tout de même pour prononcer un discours à l'issue de
l'échange des signatures.
Célébration d'une prétendue victoire sur le front ukrainien, éloge de la "Grande Russie", chantage nucléaire... Qu'attendre de la prise de parole du président russe ?
Un discours de victoire ?
C'est le porte-parole du Kremlin qui a officialisé la nouvelle ce jeudi. "Vladimir Poutine prononcera un grand discours" lors de la cérémonie de ratification des
annexions, a déclaré Dmitri Peskov.
D'après nos informations, le président de la fédération russe s'adressera à la nation au milieu des 1250m² de la salle Saint-Georges, sous les ors du Kremlin et
sous des lustres de 1300 kilos.
En-dehors de cette solennité, Vladimir Poutine poursuivra un objectif aussi concret que cynique: transformer un désastre en succès, et ne pas perdre la face alors
que son armée est en plein marasme.
"Il y a des aspects politiques, comme utiliser cette cérémonie et ce discours pour prononcer un discours de victoire, disant: 'Voilà, nous avons sauvé ces
régions, nous les protégeons et donc cette opération est d'ores et déjà un succès et se justifie pleinement'", a exposé le colonel Michel Goya, consultant Défense de BFMTV.
"C'est une manière pour la Russie de changer la nature du conflit: on oublie l'opération spéciale qui était une opération extérieure, là, on passe à la défense de la patrie. (...) On repousse les
frontières de la patrie donc maintenant tout ce qu'il se passe dans ces zones ukrainiennes occupées devient l'affaire de la nation russe et justifie de mobiliser toutes les forces de la nation
russe", a encore analysé l'officier.
Sortir le "parapluie nucléaire"
Justifier le bienfondé de la guerre en soi, et justifier une "mobilisation partielle" qui patine sérieusement depuis qu'elle a été décrétée mercredi
dernier, entre exodes massifs, manifestations hostiles et ratés dans le recrutement. Un double bénéfice pour Vladimir Poutine qui devrait tenter de pousser son avantage plus loin.
Patrick Sauce, éditorialiste de BFMTV sur les questions internationales, souligne que le président russe avait déjà livré une bande-annonce de son discours à venir:
"On a eu une petite idée de ce qu'il allait dire quand il a parlé, mardi, de 'sauvetage des populations'. Et il s'agit de les sauver avec le parapluie nucléaire. Il n'y a rien d'autre. Il va
sans doute être menaçant par rapport à ceux et celles - enfin, grosso modo, l'armée ukrainienne, qui voudraient s'en prendre à ces territoires".
Vladimir Poutine a de surcroît prévenu qu'il se réservait le droit d'employer "toutes les armes" à sa disposition - n'excluant donc pas une frappe nucléaire - si
les "intérêts vitaux" et le territoire russe étaient en péril. Autant dire qu'une tentative de l'Ukraine de regagner ses terres, à Lougansk, Donetsk, Kherson ou Zaporijia entrerait pleinement
dans cette définition fallacieuse.
"Si ces quatre régions deviennent russes, elles entreront dans la couverture de la protection des armements russes, nucléaires mais bien d'autres, des
bombes thermobariques etc", a étayé le colonel Peer de Jong, vice-président de l'Institut THEMIIS, et ancien colonel des troupes de marine.
Ces annexions prennent même des airs de triomphe personnel pour le président russe dont elles tendent à couronner le parcours politique. "Vladimir Poutine a
toujours voulu la 'Grande Russie'. Il se trouve qu'elle sera agrandie demain, de plusieurs milliers de kilomètres carrés", a ainsi remarqué Patrick Sauce.
Passer pour un homme de paix
Enfin, l'opération lui ménage un dernier espace pour essayer de redorer son blason et donner l'impression qu'il sort par le haut d'une partie qui semble perdue sur
le terrain, ou du moins mal engagée.
"Quelque part il va demander l'arrêt de la guerre, l'arrêt des combats", a estimé Peer de Jong.
Il faut dire qu'avec ces rattachements Vladimir Poutine pourrait faire valoir que son armée a rempli au moins en partie la mission qui lui a été assignée. "Mais
les Ukrainiens ne les laisseront pas faire", a repris le vice-président de l'Institut THEMIIS.
Après la conclusion de ces référendums voulus par le pouvoir russe dans les zones occupées, le président ukrainien Volodymyr Zelensky a d'ailleurs écarté
toute cessation des hostilités en l'état. S'adressant à ses concitoyens sur Telegram mardi soir, il a averti: "Nous agirons pour protéger notre peuple: à la fois dans la région de Kherson,
dans celle de Zaporijjia, dans le Donbass (et aussi) dans les zones actuellement occupées de la région de Kharkiv et en Crimée".
Quel intérêt, alors, pour Vladimir Poutine de formuler une offre dont il sait qu'elle sera rejetée par son adversaire? C'est que, d'après Peer de Jong, l'enjeu est
désormais attirer l'attention d'un tout autre interlocuteur: "Le message est aussi adressé à l'OTAN et aux Etats-Unis, pour dire: 'On a atteint nos objectifs, arrêtons cette guerre'. L'objectif
c'est que les Etats-Unis cessent d'aider les Ukrainiens qui ne pourraient pas continuer sans cette aide".
Pour le moment, le désir du dictateur semble cependant relever du fantasme tant la communauté internationale est vent debout contre l'agression perpétrée à l'égard
de son allié ukrainien.
"Le destin nous appelle à un champ de bataille" Poutine - Le 30/09/2022.
"Le destin nous appelle à un champ de bataille" Poutine
Poutine et les gouverneurs des Oblasts ukrainiens annexés à la Russie
Ainsi l'annexion officielle du 30 septembre de quatre régions d'Ukraine est scellée par la volonté du peuple. « Les gens ont fait leur choix, un choix qui ne laisse aucun doute
quant à leur volonté » (1), mais un peuple réduit et contraint, un peuple sous les bombes et l’occupation illégale russe. C’est donc un Poutine forcé par la défaite
de son armée sur le terrain, acculé comme un cheval au recul qui baisse l’arrière-main en se bloquant, (les cavaliers comprendront), qui faute de victoire, tente de retourner la situation en
faisant en sorte qu’en étant agresseur il devienne agressé.
La ficelle est un peu grosse, mais il table sur la lassitude des Européens, le froid de l’hiver, un retournement de situation, qui contraindraient les dirigeants
européens de céder face aux protestations des peuples, le coup à payer serait bien trop cher pour une population peu encline à la résistance, à la privation,
au déclin économique et les relais de la désinformation ne manqueront pas pour agiter les menaces, à la fois militaires sociales et sociétales. La
lutte d’influence a pris tout son sens ce 30 septembre.
Un Poutine qui a annexé un morceau de territoire ukrainien, en rejouant le scénario de 2014 en Crimée, et en désignant à la fois les Ukrainiens, l’Europe, les Etats-Unis et l’Otan comme
étant les seuls responsables.
Poutine, le chevalier blanc, sauveur des valeurs occidentales, en lutte contre la décadence illustrée par le wokisme, défenseur des Etats
qui, à peine sortis du joug des colonisations actives, seraient toujours sous la coupe des Etats-Unis, de la France
et de l’Europe, pilleurs de richesse.
Car son discours de la Place Rouge devant une foule fortement influencée par des années de propagande, pire que ce qu’elle avait
connue lors de l’Union Soviétique, tant elle touche tous les leviers des influences, ne voit pas le danger qui les menace. Ce danger est le
retour à un système autoritaire et sanguinaire.
Le sang versé en Ukraine par les soldats russes issus des basses couches de la société ne scellera pas le renouveau slave, bien au contraire. Par la mobilisation en
cours, dont on voit les effets et les limites, la société russe va versune sorte
de déliquescence, alors que par effet inverse, les sociétés occidentales progressivement pourraient se réveiller, en
constatant l’urgente nécessité de résister et de recréer des moyens de résilience.
Tout le danger de cette guerre est celui de l’impasse stratégique dans laquelle Poutine s’enferme, sur le terrain, il ne peut
gagner cette guerre, et l’Ukraine ne peut le contraindre à reculer. L’Occident doit remettre en cause un certain nombre de ses certitudes et la Russie devra-t-elle en faire
autant ?
Cette voie de la sagesse est la seule possible. Mais je crains qu’il ne faille passer par un conflit généralisé, le processus est en cours, il sera difficile de l’arrêter.
Selon l’ancien ministre de l’Europe et président de l’Assemblée de l’OTAN, la guerre en Ukraine est jusqu’à présent un échec total pour la Russie. S’il
faut prendre au sérieux les menaces nucléaires du Kremlin, il faut aussi reconnaître l’affaiblissement de la France et le renforcement de la domination américaine en Europe.
CAUSEUR. Plus de sept mois après le déclenchement de la guerre en Ukraine, comment évaluez-vous la dimension militaire de ce conflit ?
PIERRE LELLOUCHE : Au-delà des incertitudes inhérentes à ce genre de situations, il est évident que début mars l’opération militaire de Poutine avait échoué dans son plan A qui
consistait à prendre le contrôle de Kiev et à procéder rapidement à un changement de gouvernement en Ukraine. Cependant il avait des objectifs stratégiques : régler les questions du Donbass
et surtout, s’assurer que l’Ukraine reste à l’extérieur de l’OTAN et ne se rapproche jamais de l’Occident.
Et pour les atteindre, quel est son plan B ?
Le plan B était de prendre la totalité du Donbass. Cependant, les Russes ont du mal à occuper et conserver complètement ces territoires. Et, à partir de la mi-avril, les Américains se sont
fortement engagés dans cette guerre, ce qu’ils n’avaient pas fait précédemment, en livrant des armes de frappe de très haute précision, en intensifiant la formation des soldats ukrainiens, avec
les Anglais et d’autres membres de l’OTAN. En conséquence, on a assisté au blocage de l’offensive russe et donc à un semi-échec du plan B, aggravé début septembre par la contre-offensive
ukrainienne dans la région de Kharkiv, où l’initiative est passée dans le camp ukrainien.
Comment en est-on arrivé là du point de vue militaire ?
Poutine a commis une série d’erreurs de calcul gigantesques, de proportions historiques. Il a surestimé sa force militaire, sous-estimé la capacité de résistance des Ukrainiens et s’est
complètement trompé sur l’engagement des États-Unis, sans doute à cause de leur recul en Syrie en 2013 et de leur sortie calamiteuse d’Afghanistan en août 2021, six mois avant l’offensive russe.
En conséquence, l’objectif stratégique majeur de la guerre – tenir l’Ukraine en dehors de l’orbite occidentale – est définitivement raté. L’Ukraine est inondée de matériel occidental, elle est
désormais officiellement candidate à l’Union européenne. Et le comble, du point de vue de Moscou : une nation ukrainienne divisée qui avait du mal à trouver son unité est aujourd’hui soudée
contre la Russie – même la partie russophone ! C’est difficile d’expliquer aux gens que vous allez les sauver du nazisme quand vous les bombardez chez eux et quand l’armée commet, en plus,
des atrocités sur le terrain. Échec sur toute la ligne.
On peut aussi penser qu’il a renforcé l’OTAN…
En effet, pour ne rien arranger, l’OTAN voit arriver deux nouveaux membres, et on assiste au retour du leadership américain en Europe, ainsi que de 100 000 soldats américains sur notre
continent. On peut rajouter à la liste de dommages l’isolement relatif, mais important, de la Russie et le sacré coup qu’a pris sa réputation de puissance militaire. Enfin, les sanctions
occidentales, d’une violence inouïe, vont avoir un impact certain sur la Russie, notamment dans le secteur des hautes technologies. Le bilan est donc très mauvais.
Poutine a-t-il un plan C ?
Oui : de réussir au moins son plan B… C’est ce qu’il a annoncé la semaine dernière en s’adressant au peuple russe. Si vous lisez sa déclaration, il veut conserver ces territoires-là, et
uniquement ceux-là. Il attend que les Ukrainiens et les Occidentaux ratifient le fait accompli. Mais il sait que ce n’est pas facile à faire, compte tenu de l’engagement américain et de
l’insuffisance de ses effectifs – d’où sa décision de mobiliser, qui prendra du temps avant de produire éventuellement des résultats sur le terrain.
Justement, qui est en guerre contre la Russie ?
Le discours politique, aussi bien à Washington qu’à Paris, c’est : « Nous ne sommes pas en guerre contre la Russie. » Mais on a bel et bien affaire à une guerre non déclarée, par
procuration, entre les États-Unis (et derrière, l’OTAN) et la Russie. Une situation d’une gravité considérable, sans précédent depuis 1945. La dispute vieille de trente ans sur le statut de
l’Ukraine s’est transformée en un affrontement direct avec une dimension mondiale, car cela impacte l’économie mondiale, l’énergie, l’alimentaire.
L’offensive de Kharkiv est à mes yeux la preuve la plus spectaculaire de cet engagement direct des États-Unis. Le président Zelensky a reconnu qu’elle n’aurait jamais été possible sans l’aide des
États-Unis et de très hauts responsables du Pentagone ont confirmé qu’elle avait été préparée directement entre le Pentagone et l’état-major ukrainien.
Comment jugez-vous cet engagement américain croissant depuis avril ? Était-ce une erreur ? Fallait-il laisser l’Ukraine épuiser ses stocks de
munitions et capituler ?
Je connais la situation en Ukraine depuis presque vingt ans, depuis les révolutions orange. Je me suis beaucoup occupé de l’Ukraine à la fois quand j’étais président de l’Assemblée de l’OTAN et
également quand j’étais ministre de l’Europe. Ce qui est frappant, c’est qu’après 2014, l’affaire de Crimée et les accords de Minsk, les Américains ne s’en sont plus vraiment souciés ! Sous
Trump, la question ukrainienne a été soulevée uniquement pour avoir la peau du fils de Joe Biden, alors candidat contre lui à la présidentielle ! Trump appelle Zelensky pour lui demander de
déclencher des poursuites contre Hunter Biden en échange des missiles Javelin ! C’est dire le sérieux avec lequel les États-Unis considéraient cette question.
Pendant toute cette période, la balle était dans le camp des Français et des Allemands, mais ceux-ci n’ont pas pu obtenir le respect des accords de Minsk qui accordaient aux territoires à l’Est
une autonomie très large. À Moscou, cela a renforcé l’idée que rien ne pourrait être obtenu par le processus de Minsk. C’est pour cela qu’à la mi-décembre, juste avant de déclencher les
opérations, Poutine a posé un double ultimatum : il exigeait des Américains la confirmation écrite du statut de neutralité de l’Ukraine ainsi que le retrait de certains systèmes d’armes
offensifs occidentaux déployés aux frontières de la Russie. Ces demandes de négociation ont été rejetées.
Dans la foulée, les renseignements américains ont conclu que Poutine allait attaquer, mais l’administration Biden, très prudente, a fait savoir qu’elle ne participerait pas à une guerre en Europe
et les conseillers militaires américains ont été retirés de Kiev. Juste avant le début de la guerre, la Conférence sur la sécurité a eu lieu à Munich, en présence de Kamala Harris,
vice-présidente des États-Unis. Zelensky, venu tout spécialement de Kiev, a reçu une standing ovation, mais pas le moindre engagement de l’OTAN. Pour vous dire à quel point on a assisté en avril
à un véritable revirement de la position américaine !
Comment expliquer ce changement si radical ?
Ils ont vu les faiblesses de l’armée russe ! Ils ont dû penser que l’occasion était bonne pour leur infliger une défaite lourde. C’est d’ailleurs ce qu’a dit Lloyd Austin, le ministre
américain de la Défense : il faut faire en sorte que la Russie ne puisse plus recommencer. À partir de là, on a vu arriver des flots de dollars, les Américains en sont à 45 milliards
aujourd’hui, dont 15 milliards d’aide militaire, et 15 milliards supplémentaires viennent d’être annoncés. Mais Poutine n’a pas l’intention de céder, d’où la mobilisation. Et si le peuple russe
tient, à la longue, le rapport de forces pourrait de nouveau basculer en faveur des Russes. Ils sont très résilients, ils l’ont montré pendant la Seconde Guerre mondiale. Ceux qui annoncent leur
défaite immédiate se trompent. On est loin d’avoir résolu cette affaire à l’heure actuelle, d’autant que l’hiver arrive, que les deux parties vont essayer de se renforcer. Beaucoup dépendra des
choix que feront les Américains et donc de leurs buts de guerre. Que veut-on ? C’est la grande question.
Quelle devrait être la boussole stratégique de la France dans cette guerre ?
Maintenir le contact avec la Russie et penser à l’après ! Tout faire pour arriver à un cessez-le-feu le plus rapidement possible et obtenir un accord de paix. Toute guerre, un jour, s’arrête
et il y a un compromis, plus ou moins stable, suivi par un traité de paix. La question est de savoir : quelles seront nos relations ensuite avec la Russie ? Pour l’instant, nous sommes
dans une situation inquiétante, car il y a une escalade dans les imprécations des deux côtés, y compris du côté occidental. On est passé d’une discussion sur le statut de l’Ukraine et celui du
Donbass à une guerre de civilisations. Poutine présente la situation de la Russie comme étant agressée par la totalité de l’Occident ; tandis que du côté occidental, même si les
chancelleries répètent que « nous ne sommes pas en guerre contre la Russie », beaucoup de gens parlent d’en finir avec l’ADN impérialiste de la Russie. Poutine est présenté et dénoncé
publiquement par le président américain comme « un tueur », des intellectuels français considèrent soit qu’il est « fou », soit qu’il est un « terroriste »… On prétend que l’intégralité du peuple russe est
complice, et qu’à ce titre, il faut lui interdire de voyager chez nous ; les Baltes et les Finlandais vont même jusqu’à fermer leurs frontières y compris aux déserteurs russes, ce qui est
assez curieux… Il va bientôt être interdit de lire Dostoïevski ou d’écouter Tchaïkovski. La Russie est dit-on malade, et il faut la débarrasser de force de cette « maladie impériale ».
On entend ce discours aussi dans les États baltes, en Pologne où l’ancien président Walesa propose de découper la Russie. Et chez nous, certains disent ouvertement que le but de cette guerre
n’est pas seulement de libérer l’Ukraine mais de créer, par la défaite de l’armée russe, une situation politique qui oblige Poutine à quitter le pouvoir. Tout cela permet à Poutine de dire que,
trente ans après avoir démantelé l’URSS (ce qui est naturellement faux car la désintégration de l’URSS est due à ses faiblesses internes), l’Occident cherche aujourd’hui à détruire la Russie.
Reste que, depuis quelques jours, il brandit la menace de l’utilisation de l’arme nucléaire, même si concrètement des intérêts vitaux russes ne sont pas
menacés…
Tout l’objet de ses référendums, c’est de faire en sorte que les quatre oblasts ukrainiens deviennent partie intégrante de la Russie. À partir de ce moment-là, toute attaque contre la Crimée ou
contre les territoires annexés sera une attaque contre la Russie. D’après la doctrine militaire russe actuelle, qui est ironiquement la même que celle de l’OTAN dans les années 1960, si des
forces conventionnelles ne parviennent pas à empêcher une percée contre le territoire de la Russie, alors les Russes se réservent le droit d’utiliser des armes nucléaires. Il ne faut pas prendre
ces paroles à la légère. Si Poutine devait être confronté au risque d’effondrement de son armée ou de défaite imminente, la question de l’utilisation de l’arme nucléaire se poserait, tout comme
se poserait celle de la réponse occidentale. Même si cela paraît impensable aujourd’hui.
Je ne prends pas ces choses à la légère, les Américains non plus. À l’approche de l’hiver où les opérations militaires seront figées, faut-il intensifier
la pression militaire et pousser jusqu’au bout la bête blessée, ou bien se contenter d’une pause ?
Au fond, chacun attend de voir qui va s’effondrer le premier. Poutine attend de voir si l’Europe va supporter la punition de cet hiver, et si les Américains intensifient ou pas les livraisons
d’armes.
Comment jugez-vous le rôle d’Emmanuel Macron ?
Malheureusement, alors qu’il voulait, selon ses propres mots, jouer le rôle d’une « puissance stabilisatrice » et devenir un faiseur
de paix, la pression du reste de l’Europe, le poids de la Pologne, des États baltes et derrière eux des États-Unis et de l’Angleterre, qui désormais pilotent cette guerre, ont été trop forts.
Le rôle de l’Allemagne et de la France devient donc très inconfortable, car elles sont ouvertement critiquées dans les États baltes et par le Premier ministre polonais. Certains en France s’en
réjouissent en soulignant que le centre de gravité est passé à l’Est de l’UE. Pas moi ! En effet, derrière la Pologne et les États baltes, tout se passe comme si les Américains étaient un
membre invisible mais omniprésent de l’Union européenne, et seuls décideurs de l’avenir de la sécurité en Europe.
Quant à l’Allemagne, qui avec un budget militaire de 100 milliards d’euros revendique déjà le statut de première puissance militaire en Europe, son réarmement se fera aux États-Unis, pas avec la
France. La totalité des programmes militaires bilatéraux (franco-allemands) sont gelés par Berlin. Ce qui en dit long sur le fameux couple franco-allemand… et sur la défense européenne chère à la
France.
Finalement, les Américains s’en tirent bien !
Pour eux, c’est la guerre parfaite : zéro mort, aucun body bag, beaucoup d’argent parce que les prix des hydrocarbures augmentent, que le GNL
américain va remplacer le gaz russe et que des dizaines de milliards d’armements vont être livrés aux Européens. Tout cela en plus d’un leadership sur l’OTAN et donc sur l’UE. Le paradoxe étant
que l’opinion publique américaine est quasi indifférente à cette guerre : son vrai sujet, c’est la situation économique et l’avortement. Quant aux décideurs, leur vraie priorité est bien sûr
la Chine. Si les États-Unis réussissent à contrer la Russie en Europe, ce sera un signal très fort envoyé aux Chinois au sujet de Taïwan.
La guerre a été principalement terne, avec peu de mouvement. Une guerre de tranchées comme lors de la Première Guerre mondiale. La grande erreur a été
commise au début, lorsque la Russie a essayé de s’emparer d’un pays de 40 millions d’habitants avec quelques soldats à peine. Le chef des services de renseignement russes, M. Naryshkin, a
récemment admis que
la Russie ne disposait d’aucun renseignement fiable sur l’Ukraine. Pendant de nombreuses années, depuis 1991, les services de renseignement russes n’avaient pas suivi l’évolution de la
situation en Ukraine. La Russie est donc entrée en guerre, en espérant que les Ukrainiens accueilleraient leurs soldats avec des fleurs. Cela s’est terminé par une grande retraite des
troupes russes. Poutine pensait pouvoir passer un accord avec Kiev, mais il s’avère que l’Ukraine signe des accords un jour et les renie le lendemain. Les choses ont donc continué ainsi,
jusqu’à ce que, six mois plus tard, l’armée russe commence à mobiliser ses réserves.
Il n’y a pas eu que du ratage : La Russie a connu de bons et de mauvais moments dans son combat contre l’Ukraine. La prise de Marioupol, sur la côte de la
mer d’Azov, a été un bon moment. Un mauvais moment, en revanche, a été la retraite de Kharkov. L’accord sur les céréales et le retrait de l’île des Serpents ont été des moments de
stupidité. Les moments de trouble grave ont été l’explosion des gazoducs réalisé par les marines américains et britanniques et l’assassinat de Daria Douguine. Nous vivons un moment de
vérité, avec la critique des chefs militaires, qui comporte des appels au suicide du ministre de la Défense. Les gens sont mécontents de la façon dont l’armée russe agit. L’explosion sur
le pont de Crimée a exacerbé ce sentiment.
Et c’est à ce moment-là que Poutine a appelé le général Sourovikien à prendre en charge la guerre en Ukraine. Sourovikine est un général populaire qui a
commandé l’opération syrienne et il a été surnommé « Général Armageddon » pour des raisons évidentes. Et le général Armageddon a fait ce que le peuple voulait : il a lancé des
dizaines de missiles de croisière sur les villes ukrainiennes. Kiev a été attaquée pour la première fois ; l’électricité a été coupée dans de nombreux endroits, y compris à Kharkov.
Jusqu’à présent, Poutine prenait soin de l’infrastructure ukrainienne comme si c’était son bien. Aujourd’hui, cela a changé. Une chose se maintient : les Russes essaient de préserver les
civils, par opposition aux militaires ukrainiens qui ne se gênent pas pour les massacrer.
La guerre a commencé parce que depuis le coup d’État de 2014, les Ukrainiens bombardaient régulièrement le Donbass, une région à majorité russe située au
sud-est du pays. Poutine a tenté de résoudre le conflit par l’accord de Minsk, qui promettait un Donbass autonome au sein de l’Ukraine fédérale. Les Ukrainiens ont signé l’accord de Minsk
mais n’avaient aucune intention d’en respecter les articles. Ils ont tué des milliers d’habitants du Donbass, principalement en bombardant leurs magasins, leurs écoles et même leurs rues.
Les nationalistes du bataillon Azov étaient particulièrement féroces envers les habitants du Donbass. Lorsque les troupes russes sont venues aider le Donbass en février de cette année,
les combattants d’Azov se sont retirés dans les vastes galeries souterraines de l’aciérie de Marioupol.
Ils se sont toutefois rendus assez rapidement : être enfermé dans des cavernes n’est pas très réjouissant, même s’ils avaient de la nourriture et de l’eau.
Quelque deux mille combattants sont partis en captivité. Les habitants du Donbass voulaient les envoyer devant un tribunal avec des mercenaires étrangers. Mais Moscou a passé outre et ils
ont été échangés contre des prisonniers de guerre russes et, chose bien ennuyeuse, contre un politicien de l’opposition. Certains prisonniers de guerre d’Azov ont été tués par le
bombardement du camp de prisonniers par Kiev : ils avaient apparemment commencé à révéler des vérités dérangeantes sur leurs actions. Les combattants d’Azov échangés ont été transportés
par un oligarque, le juif russe Roman Abramovitch, dans son jet privé vers les Émirats arabes unis. Cela a également contrarié la population, qui aurait largement préféré qu’ils soient
jugés.
Les Russes patriotes étaient assez mécontents de la façon dont la guerre était menée. Ils estimaient que les commandants russes étaient trop tendres avec
l’Ukraine alors que les Ukrainiens continuaient à bombarder le Donbass. Les écrivains et les artistes russes ont souvent soutenu l’Ukraine. À Moscou, on collectait de l’argent pour
l’Ukraine, pas pour l’armée russe. Aujourd’hui, le blitz du général Armageddon a changé ce sentiment, mais l’Ukraine a toujours de nombreux partisans en Russie dans les milieux
pro-occidentaux. Cela ne devrait pas changer de sitôt : 30 ans de politique pro-occidentale ne peuvent être défaits en un instant. La frustration est grande, car le Donbass toujours
bombardé tandis que Kiev restait intacte.
Il semble que Poutine mette la pédale douce dans sa campagne : il espère encore des changements positifs après les élections américaines de mi-mandat, et
garder le tiers-monde de son côté. Le temps nous dira si cet espoir est raisonnable. Les grands médias occidentaux battent le rappel pour l’Ukraine. Les Russes tués sont présentés comme
des victimes du nettoyage ethnique russe, comme à Boucha et Izium. L’accord sur les céréales avait été conclu uniquement parce que les médias vociféraient sur la famine en Afrique. Ce fut
un flop : seuls 2% du blé sont allés aux pays pauvres, le reste allant à l’UE. Les Russes ont également cédé l’île des Serpents, qui aurait été une base parfaite pour lancer une opération
de débarquement à Odessa.
L’élite ukrainienne reçoit beaucoup d’argent, ainsi que des contacts de haut niveau et des encouragements. Mme Zelensky a été invitée à boire et à manger
par SAR la Princesse de Galles. Ces gens-là ne vont pas aimer la paix et se voir relégués dans l’obscurité. Les désirs de Poutine n’ont plus rien à voir avec la situation actuelle, car le
gros client de l’Ukraine, ce sont les États-Unis et le Royaume-Uni, et la guerre leur profite. La guerre est payée par l’Europe, et ce sont les États-Unis qui en tirent des bénéfices.
Aujourd’hui, les États-Unis vendent du gaz liquéfié quatre fois plus cher que le prix russe, et ce sont les Européens qui paient.
Bien sûr, le peuple ukrainien en fait les frais ; ils souffrent sous les missiles russes. Mais les États-Unis s’en moquent. Pour eux, c’est rentable. Les
industries allemandes vont probablement disparaître : c’est encore mieux pour les États-Unis. Ils espèrent qu’elles se délocaliseront aux États-Unis.
Il ne fait aucun doute que les gazoducs russes ont été sectionnés par un sabotage américano-britannique. Des sources russes désignent même le responsable (le lieutenant Chris Bianchi). Nous apprenons maintenant que l’OTAN avait essayé de
bombarder les gazoducs en 2015 une première fois, mais ils avaient été appréhendés. Ce n’est que maintenant que cela se sait. Hélas, la Suède ne veut pas permettre à la Russie d’accéder
au site de l’explosion ; elle ne veut pas non plus partager les résultats de son enquête. Les terroristes ont salopé le boulot : ils ont laissé un pipeline intact, de sorte que les Russes
et les Allemands peuvent recommencer à pomper du gaz immédiatement, à condition qu’il y ait une volonté politique en ce sens. Mais il n’est pas certain que les Allemands aient une volonté
politique autre que celle de se conformer aux souhaits des États-Unis.
Le parti de la guerre des États-Unis est très fort et les Russes n’ont aucune chance de le vaincre. Mais cela ne signifie pas qu’une guerre nucléaire soit
inévitable. Ni le président américain ni celui de la Fédération de Russie ne la souhaitent. Il est probable que la guerre conventionnelle se poursuivra sans franchir le seuil nucléaire.
L’accord de paix ne répondra probablement pas aux attentes des deux parties, mais les Russes ne sont pas disposés à conclure un autre accord de Minsk juste pour se faire rouler dans la
farine par Kiev.
La Russie et les
sanctions
Les principales armes des États-Unis et de l’Union européenne contre la Russie sont les sanctions et le rideau de fer. Si les sanctions n’ont que peu entamé
le tissu de la société russe, ce n’est pas le cas du rideau de fer. C’est douloureux et pesant. Au cours des 30 dernières années, les Russes se sont habitués à voyager en Europe.
Maintenant, ils doivent changer leurs habitudes. Certes, les Russes peuvent aller en Turquie et en Israël, en Inde et en Amérique latine, mais l’Europe était toute proche et amicale.
Aujourd’hui, il est difficile de s’y rendre : en général, ils peuvent le faire en prenant un vol pour Istanbul, mais pour un prix beaucoup plus élevé. C’est particulièrement pénible pour
les Russes aisés : ils avaient l’habitude d’aller passer leurs week-ends à Paris et à Londres ; c’est bien fini…
Les sanctions sont probablement dérangeantes pour les hommes d’affaires, mais les gens ordinaires en pâtissent moins en Russie qu’en Europe. La viande est
bonne et abondante ; le gaz est bon marché ; le théâtre est bon et peu coûteux. On peut écouter l’intégralité de l’Anneau des Nibelungen (quatre opéras extra-longs) pour cent
dollars.
L’inflation existe en Russie, comme partout ailleurs. Mais il n’y a pas de folie verte, ni de délire du genre. Il n’y a pas d’enseignement ou de chants
patriotiques. La Russie est assez progressiste, mais pas trop. Les églises sont ouvertes et pleines de fidèles. En fait, la vie est normale. Peut-être trop normale pour un pays dont la
ligne de front vient de s’effondrer par manque de soldats.
La mobilisation est venue corriger cette carence. Pour la première fois en 80 ans, les Russes se mobilisent, et cela ne s’est pas bien passé. Les
volontaires sont refusés, tandis que des malades et des personnes âgées sont enrôlés. Beaucoup de pro-occidentaux relativement jeunes se sont enfuis en Géorgie et en Israël, où il n’y a
pas besoin de visas. Mais malgré tout, le nombre nécessaire de personnes a été enrôlé. Dans deux mois, l’armée russe aura assez de soldats pour tenir la ligne de front.
En attendant, elle doit faire face au terrorisme. L’explosion du pont de Crimée a fait l’objet d’une enquête. Il s’est avéré que les explosifs ont été
envoyés hors d’Ukraine par un bateau ostensiblement chargé de blé, conformément à l’accord sur le blé. La cargaison mortelle est passée par la Bulgarie et la Géorgie pour rejoindre la
Russie. Les services de sécurité russes viennent d’arrêter les Ukrainiens qui avaient fait passer en fraude deux missiles anti-aériens Igla avec leurs lanceurs via l’Estonie. Ils
prévoyaient d’abattre des avions civils en Russie. L’Estonie a été impliquée dans le meurtre de Daria, la jeune russe fille du philosophe Alexander Douguine, dans les environs de Moscou.
Le ministre estonien a félicité l’Ukraine pour l’attentat terroriste sur le pont de Crimée. La Lituanie a tenté d’empêcher l’accès des Russes à son enclave en Prusse orientale. Bref,
l’Ukraine n’est pas seule, et la Russie a beaucoup de sympathisants neutres, mais peu d’alliés.
Ils n’étaient pas nombreux ceux qui croyaient dans les chances de l’Ukraine, le 24 février dernier, lorsque le pays a été envahi par l’armée de Poutine.
Pourtant, quand le président Zelenski a répondu qu’il voulait des armes, pas un taxi –« I need ammunition, not a ride »– à ceux qui voulaient l’exfiltrer, on avait compris que
les Ukrainiens voulaient se battre. Galvanisés par leur président, ils ont fait mieux que résister. Fin février, Kiev devait tomber en trois jours. Aujourd’hui, presque neuf mois plus
tard, ce sont les troupes russes qui se défendent dans l’est et le sud du pays. Avec le risque d’un effondrement militaire, malgré la mobilisation partielle, décrétée par le Kremlin.
Héroïques, les Ukrainiens défendent leurs villes et leurs villages que les Russes bombardent sans cesse.
La « libération » de l’Ukraine par la Russie est en fait une entreprise de destruction massive du pays, de ses infrastructures, comme savaient
très bien le faire les Soviétiques dont s’inspire un Poutine de plus en plus isolé (lors du vote à l’ONU sur l’annexion des régions ukrainiennes, seulement 4 pays ont voté en faveur de la
Russie : la Biélorussie, la Syrie, le Nicaragua et la Corée du Nord !). Son règne est maintenant lié à l’issue de cette guerre. Déjà humiliée sur le front, son armée ne tient plus
qu’à un fil et la libération de Kherson serait une défaite lourde de conséquences pour les Russes. On comprend de plus en plus, pour que tout cela s’arrête, qu’il faut en finir avec
l’autocrate de Moscou qui a entraîné son pays dans une invasion suicidaire. Le Wall Street
Journal se demande s’il connaîtra la fin de Khrouchtchev ou celle de Gorbatchev. Peut-être aucune des deux. Il ne faut pas le sous-estimer, mais il ne faut pas non plus
oublier que Poutine est un mélange de mafia et de KGB. Sa chute risque d’être plus violente que celle de ses prédécesseurs.
Pendant que Poutine s’adressait à une salle remplie de militaires qui semblaient en poste depuis l’époque soviétique et sentaient la naphtaline, le président Zelensky
arrivait à Washington,
son premier déplacement à l’étranger depuis le début de la guerre. Un jour avant son départ, il était sur le front à Bakhmout où les combats font rage. Il aurait pu déserter dès les
premières semaines, en février, et se réfugier à Varsovie ou à Londres. D’ailleurs, certains ne se sont pas privés de le traiter de « comédien » (de rigolo, pensaient-ils même
en leur for intérieur) dont les interventions étaient montées de toutes pièces. Ils en sont pour leur ironie mal placée : Zelensky est bien resté dans son pays, il défend son peuple
avec une énergie farouche, ses interventions n’étaient pas des hologrammes. En se rendant aux Etats-Unis, comme l’avait fait Churchill en décembre 1941, il montre sa gratitude envers ceux
qui lui apportent la plus grande aide dans sa lutte contre l’envahisseur russe.
Cette visite, la rencontre avec le président américain et le discours devant le Congrès où il a été acclamé pendant de longues minutes, ont une portée qui ne se limite pas à une seule
nation. C’est tout l’Occident qui soutient Zelensky qui a rappelé que « l’Ukraine ne se rendra jamais » ! Sa force, sa détermination, l’héroïsme de ses soldats, la
résilience de son peuple, ont fait de ce politique une star. Il est probable que cette étoile va longtemps briller, car les enjeux sont immenses sur le plan international. Volodymyr
Zelensky a montré au monde entier que l’on peut résister à un pays largement plus fort militairement. C’est déjà énorme. L’éditorialiste du Wall
Street Journal déroule en outre une chaîne de conséquences qui donne le vertige : si Kiev était tombée en février, l’Ukraine serait totalement occupée aujourd’hui. La
Moldavie aurait subi le même sort ainsi que, très probablement, l’un des pays Baltes. L’OTAN et les Occidentaux auraient été totalement décrédibilisés. La Chine y aurait vu un feu vert
pour envahir Taïwan. Poutine aurait exulté et trouvé mille manières de faire chanter nos démocraties. Aujourd’hui, la stratégie du dictateur russe se résume à bombarder les
infrastructures ukrainiennes afin de plonger dans le noir et le froid le peuple qu’il voulait « libérer ». Oui, espérons que Zelensky puisse gagner rapidement cette guerre.
C’est une nécessité morale, mais ne perdons pas de vue que nous y avons aussi, tous, puissamment intérêt.
Guerre en Ukraine (vidéo n°12)
Sylvain Ferreira & Régis de Castelnau - Le 15/10/2022.
La semaine dernière, on nous annonçait l’effondrement de l’armée russe et la reconquête de la Crimée par les Ukrainiens. A priori cela n’en prend pas le
chemin pour l’immédiat. Aujourd’hui nous allons parler de l’attitude des experts de plateaux chargés de la désinformation, brièvement de la question du droit international et de
l’offensive aérienne russe avec ses conséquences. Au passage on recommande à nouveau la lecture du premier (et seul pour l’instant) livre sur l’aspect militaire de la guerre en Ukraine,
écrit par notre ami Sylvain Ferreira : « La
bataille de Marioupol ».
Sommaire :
Les propagandistes de plateaux : Munichois ou collabos ?
Rapides observations sur le droit international.
Analyse des opérations aériennes russes : Nature, objectifs et conséquences.
Prospective : Est-il possible de prévoir la suite sur le terrain ukrainien ?
Une capitulation de Poutine ? Impensable. Il vaudrait mieux négocier aux conditions du tsar avant que l’escalade devienne incontrôlable.
N’écoutez pas les délires des médias qui vous disent que Poutine est aux abois et que son armée est désespérée. Tout cela n’est que boniment pour entretenir une guerre qui sert les seuls intérêts
américains. L’Europe détruit son industrie et va payer son énergie au prix fort pour le plus grand bonheur des industriels d’outre-Atlantique. Que le peuple ukrainien soit sacrifié dans cette
guerre OTAN/Russie ne fera pleurer aucun Américain de New York à Los Angeles. Cela dit, l’OTAN va perdre cette guerre, une fois de plus.
Car au bout de sept mois de conflit, qu’observe-t-on ?
Les sanctions appauvrissent l’Europe bien davantage que la Russie. Les Occidentaux arment, forment et encadrent les Ukrainiens, ils les renseignent et planifient leurs opérations. Et pourtant les
Russes occupent toujours leurs positions depuis sept mois, preuve que l’armée russe constituée de bons à rien selon les « experts », est bien plus coriace que prévu ! La désinformation
a ses limites.
Les bombardements russes vont s’intensifier. Les pays proches de la Russie, donc bien renseignés, Chine, Inde, Serbie, Egypte et Kazakhstan, demandent à leurs ressortissants d’évacuer l’Ukraine.
Ceux qui annoncent un recul de l’armée russe sont des irresponsables, qui refusent de voir la situation réelle.
Poutine n’a pas annexé quatre régions pour les abandonner aux représailles des ultranationalistes ukrainiens. Question de temps pour renforcer la ligne de front et reprendre l’offensive.
La Russie occupe toujours 120 000 km2 du territoire ukrainien malgré quelques reculs tactiques russes qui se sont soldés par une hécatombe côté ukrainien. Son armée est quasi intacte, avec 150
000 soldats engagés, alors que l’Ukraine a mobilisé toutes ses forces de 18 à 70 ans. Poutine peut maintenant tripler ses forces sur le terrain sans même faire appel à son armée d’active.
C’est dire combien une défaite russe est une douce illusion. Biden saigne l’Ukraine sans verser une seule goutte de sang américain. Pour l’Amérique, cette guerre peut bien durer 100 ans, le
peuple américain n’en souffre pas. Il n’a d’ailleurs jamais souffert puisque ce pays en guerre permanente mène toutes ses croisades à l’extérieur de ses frontières.
C’est bien pour cela qu’on n’entend personne en Europe évoquer des négociations de paix. C’est au contraire la surenchère. On n’entend que les mots sanctions, Himars, canons Caesar et missiles
sol-air pour aider l’Ukraine. Et qui paie le prix du sang ? Principalement l’Ukraine qui voit son armée pulvérisée par l’inépuisable artillerie russe, qui n’a encore rien donné de sa puissance
phénoménale.
On évoque maintenant le chiffre de 200 000 soldats ukrainiens mis hors de combat, entre les tués, les blessés, les prisonniers et les déserteurs. Une boucherie inutile puisque Poutine ne peut pas
reculer et que Kiev devra céder tôt ou tard. Côté occidental, quelques « conseillers » y ont laissé la vie, mais aucune guerre menée par l’OTAN n’aura fait aussi peu de victimes dans
les rangs occidentaux. Rappelons que les Américains ont perdu 50 000 soldats au Vietnam en huit ans de guerre, sans parler des innombrables blessés. En sept mois les Ukrainiens en ont perdu
autant. Jusqu’à quand allons nous saigner l’Ukraine en armant Zelensky ?
Et côté russe, si les pertes furent conséquentes les premiers jours de la guerre, elles ont considérablement baissé dès que Poutine a décidé de se retrancher dans le Donbass. Tous les replis
tactiques se sont déroulés avec le minimum de pertes pour les Russes. Mais toutes les contre-attaques sans intérêt stratégique majeur se sont soldées par un bain de sang pour les Ukrainiens. Une
étude anglaise fondée sur les avis de décès des communes russes, faisait état en juillet de 7 000 tués côté russe, ce qui correspond aux chiffres annoncés par le ministère russe de la Défense. Ce
qui est certain, c’est que lorsque les Ukrainiens tirent 5 000 obus dans la journée, les Russes en tirent dix fois plus. Ceci explique cela.
Mais revenons à la fable d’une défaite de Poutine.
Comme le dit François Martin dans l’article ci-dessous, la Russie ne peut accepter de perdre cette guerre.
Si la Russie est défaite, les Occidentaux et Zelensky exigeront un retour aux frontières d’avant 2014, avec abandon du Donbass et restitution de la Crimée historiquement russe. On imagine le sort
réservé aux populations russophones, alors que dans les zones récemment « libérées » par les Ukrainiens, des vidéos de massacres de pro-russes circulent sur les réseaux. Et bien
entendu, les ignobles médias occidentaux se taisent.
Les vainqueurs exigeront une dérussification totale de l’Ukraine, intégreront ce pays dans l’OTAN et l’UE, installeront des bases OTAN à la frontière russe avec des armes nucléaires braquées sur
Moscou. Qui peut encore croire que Poutine acceptera cette perspective sans combattre jusqu’au dernier Russe ? Le chef du Kremlin, mais pas seulement lui, préférera engager son pays dans
une guerre totale contre l’Amérique et l’Occident. Pour un Russe, mieux vaut l’Apocalypse que se soumettre à l’OTAN.
D’autant plus que la Russie de 2022 possède des armes dissuasives qu’elle n’avait pas en 1962 lors de la crise de Cuba.
La seule solution pour l’Occident est donc de négocier puisque chaque jour qui passe saigne un peu plus l’Ukraine et ruine un peu plus l’Europe, sans la moindre chance d’éviter la partition de
l’Ukraine.
Mais une négociation, cela commence d’abord par un arrêt des livraisons d’armes à Zelensky.
Il faudra ensuite accepter une partition de l’Ukraine, donc l’intégration du Donbass et de la Crimée à la Russie. Car il ne s’agit plus d’un Donbass autonome mais qui resterait ukrainien, ce que
prévoyaient les accords de Minsk, il s’agit maintenant d’un Donbass russe.
Poutine exigera la neutralité de l’Ukraine, donc pas question d’intégrer l’OTAN ou même l’UE, entité soumise à 100 % aux Etats-Unis.
Bref, ce sera une négociation aux conditions de la Russie ou bien une guerre totale Russie/OTAN. Je n’imagine pas d’autre solution.
Si Macron avait fait respecter les accords de Minsk, il n’y aurait jamais eu de guerre. Mais la France étant soumise totalement aux Etats-Unis, qui veulent anéantir la Russie, Macron avale toutes
les couleuvres et se plie à tous les diktats. N’est pas de Gaulle qui veut. Nous sommes de misérables vassaux sans aucun pouvoir, menacés de représailles économiques par notre propre allié et
peut-être même soumis à un chantage insoupçonné.
Car voir l’Europe accepter d’être ruinée pour le seul bénéfice des Etats-Unis a de quoi laisser perplexe. L’OTAN est notre perte.
Suivrons-nous aussi les Etats-Unis dans leur croisade contre la Chine pour sauver Taïwan ? Washington en rêve.
Au lieu de livrer à Kiev canons Caesar et missiles en pure perte, au lieu de former 2000 soldats ukrainiens en France, Macron serait mieux inspiré en parlant de paix. L’engrenage, ce sont les
seuls Ukrainiens et Européens qui en paient le prix fort, pour que Biden exerce encore davantage sa domination sur ses vassaux.
Si un courageux patriote prenait le pouvoir, en quittant aussitôt l’OTAN et l’UE, la France aurait une petite chance d’être sauvée. En attendant, entre la guerre contre la Russie et le
mondialisme débridé qui nous ruinent, entre l’immigration de masse et l’islam conquérant qui disloquent la société, notre pays roule vers l’abîme et tout s’accélère.
Concernant notre rendez-vous hebdomadaire, nous avons changé notre fusil d’épaule. Sylvain Ferreira étant l’invité de TVL qui a réalisé une longue interview sur
la guerre en Ukraine, nous n’avons pas souhaité faire un doublon.
Par conséquent nous avons publié hier notre vidéo N° 13 pour annoncer la diffusion de celle-ci. Il est intervenu à propos de son livre « La bataille de
Marioupol », mais a également été interrogé sur l’ensemble des opérations militaires et sur les perspectives pour les semaines et les mois qui viennent.
Nous relayons évidemment cet entretien sur Vu Du Droit.
Cela étant la vidéo N° 13, contient quelques informations et la diffusion d’une vidéo enregistrée par l’expert américain Scott Ritter.
Et bien sûr le rappel concernant la cagnotte TIPEEE destinée à l’amélioration technique de notre web TV.
Confrontation Russie-Occident : Des lance-roquettes HIMARS contre des porte-monnaie vides ?
Source :
Bd.Voltaire - par Frédéric Lassez - Le 26/10/2022.
Les analystes, les yeux fixés sur la ligne de front, guettent la moindre avancée des troupes de Kiev. Alors que des missiles et des drones kamikazes tombent
quotidiennement sur l’Ukraine, un nouveau village tombera-t-il, qui permettra de relancer l’espoir d’une reconquête des territoires contrôlés par la Russie ? Une grande offensive est annoncée du
côté de Kherson et les Russes évacuent les populations ; bientôt une percée décisive ? Les médias occidentaux veulent se rassurer. Après avoir déclaré, pendant des semaines, que la Russie était
arrivée au bout de ses capacités logistiques et que son armée était en déroute, les frappes massives déclenchées à la suite de l’explosion du pont de Crimée ont quelque peu remis en cause cette
affirmation.
Peu importe, la guerre de l’information se poursuit au même rythme et le ministère de la Défense britannique annonce désormais que «
huit mois après [le début de] l’invasion,
les principaux éléments de la direction militaire russe sont de plus en plus dysfonctionnels ». Les Russes n’en ont donc plus pour longtemps, gardez confiance bonnes gens et acceptez, comme
votre président vous l’a demandé, de «
payer le prix » en attendant des jours meilleurs.
Et s’il venait à l’idée d’un Vladimir Poutine, désespéré et acculé, d’utiliser l’arme nucléaire, Josep Borrell, le chef de la diplomatie européenne, l’a affirmé le
13 octobre dernier, il y aura « une
réponse militaire si puissante que l'armée russe sera anéantie ». On ne sait pas comment, puisque la Commission européenne ne dispose d’aucun moyen militaire, mais peu importe, là
encore, nous le croirons sur parole. Vladimir Poutine et son état-major doivent trembler.
À moins que notre perception du conflit ne soit pas vraiment la bonne et que la bataille décisive se joue bien loin de la ligne de front, dans les pompes à essence,
les compteurs électriques et le porte-monnaie des Occidentaux, par exemple.
« Crise énergétique
: les Européens au bord de la panique », titraitLe
Monde, le 7 octobre dernier, à l’occasion d’une réunion des vingt-sept à Prague. Les nouvelles n’étaient pas bonnes : flambée des prix de l’énergie, inflation galopante et surtout
l’échappée de l’Allemagne qui, avec l’annonce de ses 200 milliards d’euros de bouclier tarifaire, semblait vouloir abandonner le reste du peloton européen pour sauver son économie.
Nous oublions que la partie se joue sur plusieurs échiquiers à la fois. Or, le temps joue pour la Russie sur le front énergétique. Deux jours avant la réunion du
Conseil européen à Prague, un événement majeur avait lieu. L’OPEP+
prenait la décision de réduire sa production de pétrole malgré les demandes réitérées de États-Unis et de la France qui voulaient de toute urgence faire baisser les prix. Une vraie
claque de la part du prince héritier saoudien Mohammed ben Salmane.
Le sort politique de Joe
Biden s’est peut-être joué à ce moment-là. En 2019, après l’assassinat du journaliste Jamal Khashoggi, il déclarait : «
Nous allons leur faire payer le prix et nous ferons de cet État les parias qu’ils sont. » Le prince saoudien, à quelques semaines des midterms,
lui a rendu la monnaie de sa pièce. Loin d’être isolée, la Russie peut compter sur de solides alliances qui témoignent du déclin de l’influence et du pouvoir de contrainte des Occidentaux.
Joe Biden, de plus en plus critiqué en interne pour sa politique économique et son soutien inconditionnel à Kiev, se voit désormais contraint de libérer
rapidement 15 millions de barils de carburant supplémentaires de la réserve stratégique de pétrole américaine afin de réduire les prix de l'essence et de rassurer les électeurs inquiets
de la hausse des coûts.
L’opinion publique en Europe commence, elle aussi, à alarmer nos chers médias. Le 13 octobre dernier, Challenges constatait
un revirement dans les sondages nationaux : «
À l’approche de l’hiver et alors que l’inflation explose, les opinions publiques, inquiètes des effets sur leur porte-monnaie, sont de plus en plus hostiles aux sanctions contre Moscou.
» Les yeux fixés sur la ligne de front, peut-être découvrirons-nous bientôt que ce ne sont ni les HIMARS ni les canons CAESAr qui finiront par déterminer le sort du
conflit mais des pompes à essence et des porte-monnaie vides.
Après plus de huit mois d’Opération
Militaire Spéciale (OMS), tout le monde évoque une guerre existentielle, pour les uns et les autres. Enfin ! La stratégie de Vladimir Poutine est donc payante. Et les résultats d’une
stratégie se jugent à l’aune de ses objectifs.
Les objectifs
Il suffisait d’écouter les discours successifs de Vladimir Poutine depuis le début, ainsi que les interventions de Sergueï Lavrov et de Dmitri Medvedev,
pour savoir que l’OMS n’avait pas pour objectif de simplement ramener les territoires du Donbass au sein de la Fédération de Russie, mais bien de promouvoir un nouveau paradigme
géopolitique, un Nouvel Ordre Mondial si vous voulez.
Aujourd’hui, tout le monde finit par s’y accorder et surtout par le dire ouvertement, tel, récemment, le général Mark A. Milley, chef d’état-major des
armées US. Il n’y a plus d’ambiguïté pour personne. Cette guerre est bel et bien une guerre existentielle.
La stratégie
Si la Russie avait opéré une guerre éclair, et elle en a les moyens, cela n’aurait rien changé fondamentalement aux règles du jeu des relations
internationales, de la même façon qu’après le retour de la Crimée dans la Fédération de Russie. La classe médiatico-politicienne occidentale aurait poussé des hurlements d’orfraie pour
dénoncer une vile agression du méchant ours russe contre un gentil pays souverain. On en serait resté là, pour un certain temps encore.
En choisissant une guerre d’usure, la Russie a décidé d’user les pays du Bloc Altantico-Occidental (BAO), sur les plans militaire, économique, et
bientôt culturel.
Sur le plan militaire, à force de livrer des armes au régime de Zelensky, dont une bonne partie s’en vont directement dans des réseaux
mafieux, les pays du BAO se sont épuisés. Ils n’ont plus suffisamment de ressources. Le virage vers une stratégie du faible au fort centrée sur des opérations de terrorisme, que j’évoque
dans mon précédent article, en est un indicateur consistant. Aujourd’hui, l’évocation répétée d’une possible montée au nucléaire par les dirigeants et les médias occidentaux en dit long.
Ils ne leur reste plus que cela, le nucléaire ; ils arrivent au bout du bout. Mais sur cette question, les classes dirigeantes occidentales n’ont pas encore saisi que la
Russie dispose d’une forme de dissuasion intermédiaire, non nucléaire, contre laquelle ils ne peuvent rien : Les missiles hypersoniques. Il suffirait d’une bordée de missiles
hypersoniques pour pulvériser le pentagone et le centre de commandement de l’OTAN, même sans charge militaire, c’est-à-dire sans explosif à l’intérieur. La simple énergie cinétique de ces
missiles serait suffisante [l’énergie cinétique est proportionnelle à la masse et au carré de la vitesse. Ainsi un missile Kinzhal qui est trois fois plus lourd et douze fois plus rapide
qu’un Tomawak possède une énergie cinétique 432 fois supérieure]. Espérons toutefois que les militaires du pentagone, qui eux, savent de quoi il s’agit, tempéreront les ardeurs
bellicistes et suicidaires des fous-furieux de Washington.
Sur le plan économique, l’effet boomerang des sanctions étasuniennes et européennes se met à produire des résultats au détriment des populations
occidentales. Cette fois-ci, on ne peut pas dire que c’est la faute du méchant Poutine, mais plutôt à cause de la sublime intelligence autoproclamée et dévastatrice de nos propres
dirigeants et experts en tout genre. Et cela ne fait que commencer. L’hiver sera rude !
Sur le plan culturel, il va s’agir du retour à la réalité pour nos propagandistes de plateau qui vivent dans un monde virtuel et idéologique fait de
fantasmes et d’injonctions et qui formatent l’opinion, quoique de moins en moins. Avec la fin de cette Sainte Inquisition médiatico-politicienne qui a tenté d’imposer son nouvel ordre
moral appelé « politiquement correct » en vouant aux gémonies tous les sceptiques, tous les curieux [Les mêmes ont jadis brûlé les sorcières], le nouvel obscurantisme qui s’est
mis en place depuis trois décennies au moins va laisser la place à un nouveau réalisme en attendant le moment du GRAND DEBRIEFING. Je n’entrerai pas dans le détail de tout ce que contient
le « politiquement correct », chacun y trouvera ce qu’il cherche.
Dernier acte, dernière
scène
Le général Hiver arrive, et ce général
est russe. Napoléon et Hitler l’on appris à leurs dépends, mais un peu tard. Ainsi, pour mettre l’OTAN à genoux et reconquérir la Novorussia, la Russie s’apprête à lancer
l’offensive décisive, avec le soutien du général Hiver. Rappelons que la Novorussia inclut toute la côte de la mer noire et qu’elle va jusqu’à la frontière de la Transnistrie. Elle avait
été conquise sous Catherine-II au cours des guerres contre l’empire ottoman, entre 1768 et 1774. Elle fut donnée à l’Ukraine par Lénine en 1920, mais restait au sein de l’URSS… jusqu’à
l’éclatement de celle-ci.
Les manœuvres préparatoires à l’offensive décisive ont lieu : Mobilisation, entraînement et déploiement de 300 000 réservistes, bombardements stratégiques
sur les arrières (système électrique, centres opérationnels et logistiques militaires, nœuds de communication…), nomination d’un nouveau commandant de théâtre, le général Sergueï
Sourovikine qui a fait ses preuves en Syrie.
On peut même inclure dans ces manœuvres préparatoires la destruction du meilleur de l’armée de Kiev au cours des huit mois de guerre, mais il est vrai que
cela a été grandement facilité par la stupidité et le cynisme des chefs militaires de l’OTAN à la manœuvre et de Zelensky lui-même.
Cette offensive aura lieu sur tous les fronts, avec probablement une manœuvre de déception et un emploi ad’hoc de la guerre électronique. Dans ce domaine on
en sait peu, sinon que la Russie a atteint un très haut niveau en la matière, probablement le plus haut. Mais en matière de guerre électronique, il faut être prudent. Quand on a utilisé
une certaine forme de brouillage, si l’adversaire en a les moyens, et l’OTAN les a, il peut écouter, enregistrer et analyser les signaux afin de développer des contre-mesures. Ainsi,
l’usage de la guerre électronique doit être adapté (ce qui est nécessaire mais pas plus), ciblé et intelligent. Il est fort probable que pour l’offensive décisive, la Russie va employer
des moyens qu’elle n’a pas encore utilisé.
Un monde s’effondre, un autre
naît
Nous assistons peut-être à la fin d’un cycle de quatre siècles. Dans son ouvrage « Histoire secrète de l’oligarchie anglo-américaine »
Carroll Quigley, s’appuyant sur d’importantes archives et grâce à un travail de bénédictin, explique comment les élites anglo-saxonnes ont élaboré, dans la deuxième moitié du XIXe siècle,
un plan de bataille afin de permettre à l’Empire britannique associé aux États-Unis d’asseoir une hégémonie complète sur le monde. Cette volonté de puissance et de domination a été
l’œuvre d’une poignée d’hommes liés intimement à la haute finance de la City et de Wall Street. Elle a émergé dans un monde déjà préparé par un système financier et bancaire qui s’était
développé depuis la fin du XIVe siècle afin, au départ, de financer les expéditions vers les Amériques. Ce long processus est très bien expliqué par Paul Grignon dans un film d’animation
de 52 minutes « L’argent
dette». C’est ce monde là qui est en train de disparaître, et avec lui la toute puissance du dollar et la fin de la domination anglo-américaine sur le monde, en particulier dans le
domaine monétaire. La mission des portes-avions américains était d’imposer le dollar au reste du monde. C’est fini !
On peut même se poser des questions sur l’avenir de la monarchie britannique.
En parallèle, depuis 2017 véritablement, se construit à l’Est une volonté de développer de nouvelles relations internationales fondées sur la souveraineté
des nations, et donc sur la garantie de sécurité pour toutes les nations.
Les chemins que prennent l’Organisation de coopération de Shanghai (OCS) et les BRICS illustrent l’attrait de plus en plus grand des pays autres que ceux du
BAO, c’est-à-dire plus de 80% de l’humanité, pour ces organisations et ce qu’elles proposent. La dernière réunion de Samarcande en est une illustration magistrale. Les exemples de cet
attrait sont nombreux et plus ou moins furtifs. Du reste, moins ils deviennent furtifs, mieux ils illustrent la bascule en train de se produire. Pour ne citer qu’un exemple, l’attitude du
roi d’Arabie saoudite envers le président des États-Unis en dit long ; cela n’aurait jamais pu avoir lieu il y a dix ans. En Afrique, en Amérique latine, au proche et moyen Orient, en
Asie du sud-est, tous les peuples attendent leur libération. Il y a moult signaux faibles partout dans le monde, et depuis longtemps déjà. Si on les perçoit, on n’est alors pas surpris
quand ils deviennent des signaux fort puis des actes. La fin est inéluctable, quelque soit le chemin suivi.
L’hiver sera rude pour nous, mais possiblement, l’été prochain sera lumineux.
Régis Chamagne
NB : j’écris peu sur mon blog. Certains me le reprochent. Mais j’ai choisi d’écrire sous l’angle du changement de paradigme géopolitique. Cela demande
du temps de réflexion afin de présenter mes analyses de la façon la plus intelligible possible, et surtout, j’écris quand c’est utile, pour ne pas trop me répéter. Ainsi je ne commente
pas les opérations militaires au niveau tactique ni même opératif ; certains le font excellemment bien et c’est tant mieux.
Lors d’une récente émission sur LCI ce WE, le général Michel
Yakloveff a affirmé que la libération de Kherson était un nouveau clou dans le cercueil de Poutine. Il n’a pas tort. Après l’échec de ce qui devait être une « opération
spéciale » à Kiev et la contre-offensive éclair des Ukrainiens à Kharkiv, voici une nouvelle humiliation pour l’armée russe obligée d’abandonner la seule capitale de région conquise depuis
février par Poutine. Il s’agit d’une ville stratégique du côté ouest du fleuve Dniepr, considérée comme la porte d’entrée vers Mykolaïv et Odessa. A partir de là, la Russie aurait pu contrôler
tous les ports ukrainiens de la mer Noire et on aurait même pu craindre une invasion de la Moldavie. Les soldats russes se sont retirés précipitamment de Kherson en laissant derrière eux
d’énormes quantités de matériel militaire. La joie des habitants lors de la libération confirme – s’il l’avait fallu – que le référendum de septembre, lors duquel plus de 90 % de la population se
serait prononcée pour l’annexion à la Russie, n’était qu’une vaste tromperie à la soviétique.
On voit très bien que les Ukrainiens héroïques, galvanisés par leur président et avec les armes occidentales qui leur sont fournies, peuvent gagner contre
l’envahisseur. Plus que l’hiver qui approche, ce qui est à craindre c’est la négociation.
Des bruits courent sur le fait que le président Biden exercerait des pressions sur le président Zelenski afin de négocier avec Poutine. Actuellement, une négociation donnerait aux Russes du
temps, la possibilité de se regrouper, de renforcer leurs positions défensives et de se préparer à une nouvelle attaque. De plus, il faut avoir la mémoire courte pour oublier que Poutine ne
respecte ni les traités,
ni ses engagements, ni sa parole. Plus la victoire des Ukrainiens est rapide, plus la fin de Poutine le sera aussi. D’ailleurs, les succès remportés par l’armée de Kiev justifient le fait de
l’aider encore plus et non pas de chercher une issue diplomatique. L’heure de la diplomatie viendra quand l’Ukraine sera libérée. Maintenant, il faut continuer à enfoncer des clous dans le
cercueil de Poutine.
Retour sur l’événement que constitue l’évacuation de la ville de Kherson par l’armée russe. Regard sur les élections américaines et la confusion qui en
résulte.
SOMMAIRE
• Comment expliquer le retrait des troupes russes de la ville de Kherson.
• Est-il possible de faire des prévisions sur la suite des opérations militaires ?
Actualité assez chargée avec les suites de l’évacuation de Kherson, les bombardements russes sur les installations critiques de l’Ukraine et le « bombardement » de la Pologne
par la défense antiaérienne ukrainienne.