> > Ce mardi 14 janvier 2020, le Président de la République réagissait, après l’ouverture de plusieurs enquêtes concernant des violences policières
présumées. Il réclame (à qui ?) des propositions claires afin d’améliorer la déontologie des forces de sécurité intérieure. Cela fait suite à des « comportements qui ne sont pas acceptables »
(sic). Le décor ainsi posé, peut-être est-il venu le temps d’en discuter et de remettre les choses dans le contexte sociétal qui est le nôtre avec dignité intellectuelle, honnêteté et humanité.
Avant de commencer, on doit préciser que les lignes qui vont suivre, si elles sont le ressenti de gendarmes de tous les corps, en activité de service, sous la bannière de l’association
professionnelle nationale militaire « Association Gendarmes & Citoyens® », elles ne remettent en question d’aucune façon le travail et le quotidien de nos amis et collègues de la Police
Nationale. Nous sommes différents. Nos engagements et les fonctionnements institutionnels sont différents ! C’est un fait, et personne ne saurait remettre en question le quotidien professionnel
de plus en plus difficile, avec des moyens pas toujours au rendez-vous, mais dont le seul et unique objectif est de servir nos concitoyens.
Nous l’affirmons clairement et sans malhonnêteté, il existe des dérives.
Oui, il existe des gendarmes et des policiers déviants ! Oui, il existe des comportements injustifiables ! Dans les missions générales du quotidien et aussi dans
l’exercice du maintien de l’ordre. Et malheureusement, il y en aura encore demain et pour longtemps. Cependant, à quel moment vous, citoyens de tous bords, politiques, médias, donneurs de leçons
en tout genre et procureurs de la bien-pensance, avez-vous oublié que le gendarme et le policier étaient surtout de simples citoyens, des citoyens du monde, des êtres-humains en somme, comme vous
? N’en déplaise aux nouveaux dirigeants de cette nation, les juges du web et des réseaux-sociaux (largement suivis par les mondes politique et médiatique), nous demeurons aussi des humains
faillibles, comme vous mais avec une petite différence tout de même, nous avons fait le choix de servir, jusqu’au sacrifice suprême. Finalement, que représentent les gendarmes et les policiers
dans cette drôle de société ? 250 000 engagés au service des citoyens et de leur sécurité. A peine 0,55 % du corps électoral, c’est dire le peu d’influence qui pèse sur les choix politiques et la
direction prise par le pays et 0,37 % de la population française. Nous perdons en moyenne chaque année depuis 20 ans, 70 des nôtres en service ou par acte d’autolyse. Nous subissons pour notre
engagement 20 000 blessures dans le cadre du service chaque année. Presque 10 % de notre population professionnelle est meurtrie dans sa chair, pour avoir fait le choix de vous servir !
Imaginez-vous rentrer le soir chez vous et expliquer à votre enfant de 6 ans que papa a le nez fracturé parce qu’il porte sur lui un polo bleu, qu’il a voulu éviter qu’une femme se fasse encore
une fois tabasser par son conjoint et qu’elle retire sa plainte tous les quatre matins ! Rentrer chez soi le soir le bras en écharpe parce qu’un fou vous a pris sur son capot, parce que vous avez
évité que des gilets jaunes ne se fassent rouler sur le corps lors de rassemblements non déclarés.
Il faut le vivre au quotidien pour comprendre !
Passer 8 heures, 15 heures, 20 heures d’affilée pour sécuriser un cortège, une manifestation déclarée ou non et se faire cracher dessus, insulter “sa mère et ses
enfants”, se faire brûler par des individus qui n’ont rien à faire des sommations d’usage, se faire autopsier immédiatement par des vidéos-montages lacunaires et des milliers de commentaires sur
les réseaux-sociaux, des appels publics au meurtre des gens en uniforme, finalement que croyez-vous qu’il arrive ? Quel être-humain peut finalement en accepter plus par son engagement et ses
convictions que le gendarme et le policier ? La violence illégitime ne peut être tolérée et doit-être durement sanctionnée, mais n’est-il pas compréhensible d’assister à des dérives
comportementales qui rappellent finalement et profondément que nous sommes tous des humains faillibles ayant des limites ? On voit déjà débarquer les contradicteurs Facebookiens argumentant que
tout cela n’est que le fait de l’exécutif. C’est faux ! Vous êtes la majorité, vous êtes depuis des décennies les décideurs des prises de direction de notre nation. Vous êtes aussi et surtout les
premiers responsables de vos mots et de vos agissements. Les gendarmes et les policiers sont 0,55% des électeurs de ce pays, ils ne sont pas au service de « Macron », de « BFM » & Co. Ils
sont engagés pour notre sécurité et personne plus qu’eux n’en paye un prix aussi fort chaque année, avec les militaires déployés en OPEX.
Et la déontologie dans tout ça ?
Il faut être passé entre les mains de l’IGGN ou de l’IGPN, pour en comprendre les arcanes. Contrairement au droit Français, le droit dont vous bénéficiez, à savoir
la présomption d’innocence n’est pas appliquée pour les forces de l’ordre. Les services d’enquêtes internes instruisent à charge. C’est la hantise de chaque gendarme ou policier.
Les réseaux sociaux ont pris le pas sur la justice.
Nous assistons depuis quelques années, à la prolifération de comportements indignes sur les réseaux-sociaux, à tort considérés par nos politiques comme la « voix
des Français », par les médias qui ne cherchent que le lectorat pour vendre de la publicité et ainsi satisfaire leurs actionnaires (chaines d’informations en continu par exemple). Des
comportements prônant l’entraide, l’humanité, une société meilleure mais qui n’ont de cesse de juger, de se faire les experts de tout, vertus autoproclamées et agressives de leurs pensées qu’ils
veulent imposer à la société entière. Êtes-vous seulement conscients que l’entreprise Facebook, par ses algorithmes, vous enferme dans vos pensées et votre idéologie en ne vous donnant que
l’information qui vous fera cliquer ou commenter ? Que vous êtes parqués comme du bétail au préjudice de votre liberté de savoir et qu’il ne vous est plus accessible qu’une vision déshumanisée
?
Gendarmes et policiers, ne sont pas à la solde du « pouvoir », ils sont au service des concitoyens, de la nation. Ils en font partie
intégrante ! Être les garants de principes républicains et de valeurs ne fait pas d’eux les suppôts du pouvoir. Ils sont un demi pourcent des électeurs au service des institutions publiques que
VOUS avez mises en place !
Et s’il fallait encore vous convaincre que la minorité des déviants ne représente en rien ceux qui vous servent au quotidien, nous voulons solennellement vous dire
ceci.
Nous soutenons l’ensemble des femmes et hommes de la Gendarmerie Nationale et de la Police Nationale. Nous n’avons aucun scrupule à mettre au ban ceux d’entre nous
qui commettent des violences illégitimes, à condition de vivre au-delà de la politique, des médias de circonstances et des réactionnaires abrutis des réseaux-sociaux !
Nous réclamons de la justice, la vraie, celle qui prend ses réquisitions au nom du peuple français, une sévérité envers ceux qui nous abîment, à hauteur des faits
!
Nous réclamons du Président de la République, qu’il affecte des moyens humains et matériels, afin de justifier les actions tant au quotidien que dans le maintien de
l’ordre. Nous lui demandons qu’il cesse, comme il le fait depuis bientôt trois ans, de supprimer sans négociation les mises en réserve budgétaires nécessaires au fonctionnement de
l’Institution.
Nous réclamons du Ministre de l’intérieur, que soit immédiatement mise en place une commission permanente neutre et plurielle, composée de gendarmes, de policiers,
de magistrats et de citoyens concernés pour débattre des affaires de dérives comportementales de la part des membres des forces de l’ordre et pour que chacun, à quelque niveau qu’il fut, prenne
enfin ses responsabilités.
Il n’est pas acceptable que les commentateurs de plateaux télé, qui semblent connaître tous les éléments d’une intervention, souvent avant même les principaux
acteurs, salissent l’engagement de la totalité des 250 000 gendarmes et policiers avec l’aval tacite des pouvoirs publics et des médias parce qu’une très petite minorité s’est trompée de
vocation.
L’association dénonce un amalgame systématique qui ne laisse que peu de place à la sérénité des relations entre les forces de sécurité intérieures et les citoyens,
tout en condamnant les violences illégitimes de part et d’autre. Généraliser le fait de quelques-uns à toute une profession ne peut que conduire à plus de violence et d’incompréhension. Il faut
absolument apaiser les tensions, et garder raison.
Le 04/02/2020.
MERCI pour cette lettre ouverte...qui révèle le profond malaise régnant dans les forces de maintient de l'ordre...et une profonde fracture entre le Peuple et ceux qui nous gouvernent...!
Je partirai sur deux postulats :
- La violence devient légitime dès lors qu'elle décidée par le pouvoir politique...dans l’intérêt supérieur de la Nation.
- Les militaires, les forces de l'ordre sont "construits" pour obéir au pouvoir politique.
Quand les ordres sont de "casser" une manifestation de mamans avec leur poussette, ils chargent.
Quand ils reçoivent l'ordre de "nasser et gazer", ils nassent et gazent.
Quand ils reçoivent l'ordre ne pas intervenir lorsqu'on brûle un drapeau français, ils restent le bouclier au pieds;
Quand ils reçoivent l'ordre de laisser les black-blocks casser, ils les laissent détruire....
Dans ces conditions absolument nauséabondes, voulues par le pouvoir politique, il n'est pas étonnant que le "service du citoyen" se transforme en "A la solde du
pouvoir"...et permettent à quelques "déviants" de jouer au trappeur en "visant l’œil pour ne pas abîmer la peau" et au plus doux des Hommes de devenir un monument de violence en quelques
fractions de secondes...surtout lorsqu'il a pris des pavés et des cocktails Molotov sur la figure pendant une ou deux heures !
En revanche, les rédacteurs de cette lettre ouverte ont raison lorsqu'ils font remarquer que "NOUS" (membres de forces de l'ordre compris..!) en votant "Macron" ou en s'abstenant, avons
permis à ces donneurs d'ordres de faire exploser la société.
Car ce "pouvoir de technocrates" actuel ne se soucie absolument pas du bien-être et de la sécurité du Peuple. Il est le seul responsable de cette nouvelle fracture de la société.
Une de plus !
En 2017, nous avons subi un "coup d'état institutionnel" qui, comme tous les coups d'état, dérive vers une dictature...
Nous y sommes.
Reste à savoir quand, le gendarme ou le policier de base continuera à obéir à des ordres que l'on pourrait facilement qualifier d'illégaux car donnés par un "pouvoir" non représentatif ?
C'est d'ailleurs là que se situe l'effet pervers de nos élections.
Porter au pouvoir des individus qui ne représentent pas la majorité du corps électoral...et ce à tous les niveaux.
Déjà, l'année dernière, un "lanceur d'alerte" sonnait le tocsin !
Il y a un problème avec la police en France, c’est certain, mais j’ai du mal à voir clair dans la situation. Les
policiers manifestent parce qu'ils sont en colère. Ils ont sûrement de bonnes raisons pour cela, mais ils ne sont pas les seuls. Regardez du côté des infirmiers, des services d'urgence, de
la psychiatrie, de l'Education nationale, et même des pompiers (il paraît qu'il y a eu des affrontements pompiers-flics). De quoi se demander quel corps de métier n'est pas en colère. Je trouve
même ça inquiétant, cette « convergence des colères » (pour pasticher une invocation à la mode dans certains milieux).
Rien de plus que citoyen ordinaire (spécialiste de rien du tout, mais toujours un peu aux aguets), j'essaie ici de
mettre quelques réflexions noir sur blanc.
D’un côté, des gens en uniforme, payés par l’Etat, envoient des tas de "balles de défense" qui font de gros dégâts
parce qu'elles sont lancées "à tir tendu" (je traduis : "pour faire de vrais dégâts"), tabassent des gens (y compris pacifiques), bousculent des vieilles dames et donnent ainsi l’impression de se
conduire comme des brutes cassant tout sur leur passage (il faudrait nuancer, mais).
De l’autre, quelques dizaines ou quelques centaines de délinquants et gangsters de diverses origines, masqués et
armés, très rapides à la manœuvre, très bien entraînés, profitent d’une manif annoncée comme pacifique pour venir casser des centres-villes et piller des magasins de luxe, suscitant l’incrédulité
du monde entier au spectacle des photos de guerre dans les avenues de Paris (« La France à feu et à sang »).
Entre les deux, une population ordinaire et normale, en général hébétée quand elle voit les images de tout le mal
qu'elle n'a pas fait, venue marcher dans la rue, avec des banderoles et des mégaphones, pour donner son avis sur des mesures gouvernementales qui lui paraissent injustes.
Voilà, en gros, les données du problème : au centre, « la population », ceux que les journalistes adorent, dans les
grands enterrements ou les grands drames, appeler « la foule des anonymes », qui vaque à des occupations plus ou moins politiques (= qui font leur métier de citoyens), cernée d’un côté par les
incroyables forces – disproportionnées aux yeux de la simple raison – déployées par le gouvernement (ou l’Etat ?), cernée de l’autre par la violence avide de carnage de groupes – finalement très
peu nombreux – accourus là pour faire la guerre.
1 – Liberté de manifester ?
Conséquence de cet affrontement : le silence imposé par la force aux voix qui s’élèvent des profondeurs du peuple pour
dire sans violence leur souffrance ou leur refus. Le message qui en découle directement, c’est : « Fermez vos gueules, le peuple ! ».
Car cette situation entraîne de fait l’interdiction de manifester dans les formes légales et
légitimes, puisque ce que retiennent les images médiatiques, c'est le plus sanglant, le plus violent, le plus spectaculaire. Dans le jeu atroce du spectacle de tout comme condition de l'existence
aux yeux des autres, les manifestants pacifiques ont tout à perdre. Car ceux qui manifestent n'ont, au départ, aucune mauvaise intention : ils veulent qu'on les entende. La surdité des "hautes
sphères" est pour beaucoup dans la tentation de la violence. Dans la rue, les plus violents ne tiennent pas à se faire entendre, ils n'ont rien à demander : ce qu'ils veulent, ils le prennent par
la force.
Les gilets jaunes l'ont eu dans l'os, et au-delà du supportable. Je ne cherche pas à savoir qui est le coupable ou à
qui le crime profite, mais je remarque que le premier bénéficiaire visible est le gouvernement en place : les « black blocks » sont objectivement des ennemis du peuple et des copains du
gouvernement. Est-ce que les policiers sont pour autant les amis du peuple ? On pourrait le penser en entendant les propos d'un gradé de rang moyen, proche de la retraite, entendu récemment sur
France Culture (série "LSD"), mécontent en priorité de l'organisation de la police, et de la façon dont ses missions sont pensées. Mais si l'on s'en tient aux contusions, blessures et mutilations
obtenues par LBD, on peut en douter.
Ce qui est sûr, c’est que la France présente au monde, dans ces circonstances, un visage absolument étrange, pour ne
pas dire absurde. Comment se fait-il qu’à la moindre manifestation, le gouvernement mette sur le terrain sept ou huit milliers de gendarmes et de policiers (annoncés à son de trompe dans tous les
canaux médiatiques), quand les gouvernements de nos voisins (Grande-Bretagne, Allemagne, …) – du moins d'après ce que j'en sais – en envoient quelques centaines ? Et des policiers et gendarmes
français dotés de tenues, d’équipements et d’armes faits a priori pour mener, non des négociations sociales, mais des "guerres de basse intensité".
2 – Le pouvoir a peur.
Qu’est-ce qui motive la tenue de combat façon « robocop » des forces de police pour faire face à des manifestations de
foules a priori pacifiques ? C’est, à mon avis, au-delà du mimétisme américano-centré, l’attitude mentale des autorités en place (légales : gouvernement, préfets, etc.) : le pouvoir a
peur, il anticipe le pire. Cela crève les yeux : nos gouvernants, qu'ils soient élus, hauts responsables politiques ou hauts fonctionnaires, ont peur des Français.
Ils ont peur que la situation leur échappe, et qu'il se produise alors quelque chose qui les mettrait en danger ou
dont ils devraient porter le chapeau. Je pose une question bête : s'ils n'avaient pas peur, pourquoi Emmanuel Macron et sa majorité auraient-ils, par voie législative, introduit dans le droit
commun des mesures jusqu'alors réservées à l'état d'urgence ? Qu'on m'excuse, mais quand on est soucieux des libertés publiques, introduire l'urgence dans le droit commun, c'est une contradiction
dans les termes.
On a l'impression que le pouvoir entre leurs mains ressemble à un fer rouge qu'ils ne savent pas comment empoigner. Je
me suis d'abord demandé s'ils ne pétaient pas de trouille parce qu'ils sont clairement et complètement conscients des conséquences ultimes dévastatrices des politiques qu'ils sont chargés de
mettre en oeuvre par leurs promesses, par leurs convictions et par leurs commanditaires. Rationaliser les tâches à toute berzingue et adapter la machine économique nationale en cavalant derrière
les pays à bas coût de main d'œuvre, cela ne se fait pas sans dévastations sociales dans le pays. Bah, on verra après.
Ils anticipent le pire. Je me suis dit qu'ils mettaient tout en place pour se préparer à une terrible violence future
: si la casse sociale induite par "les réformes" (les sacro-saintes réformes) se produit, il faut s'attendre à quelques "mécontentements". Et que ceux-ci, alimentés par l'avancée des "réformes",
finissent par ressembler à de l'exaspération. Sait-on jamais ?
C'est peut-être pour ça que la préoccupation (normale en temps normal) de l'ordre public est devenue pour les récents
pouvoirs en place une véritable obsession. C'en est au point que le général Richard Lizurey, directeur général de la gendarmerie, se plaint : « L'ordre public a hypothéqué le reste de
nos missions » (interview dans Le Progrès du 15 octobre 2019). Ce propos rejoint celui du gradé de rang moyen proche de la retraite cité plus haut.
Ensuite, en les mettant en vrac, j'ai eu tendance à attribuer cette peur à la déconnexion intellectuelle et
psychologique dont on a coutume d'accuser, avec raison, une classe politique vivant plus ou moins en vase clos, et qui les empêche de percevoir et de partager le sort commun des citoyens
ordinaires : aussi bizarre que ça puisse paraître, tout se passe comme s'ils ne savaient pas à qui ils ont à faire.
Pour les responsables politiques français, les Français sont, pour faire court, des dossiers à traiter. Finalement,
ils ont une vision abstraite de la citoyenneté et de la vie ordinaire. Tout ce qui outrepasse le contenu du dossier est illégal. Je plaisante, mais seulement à moitié.
Plus on se rapproche de l'altitude zéro (alias « le terrain », alias « on entre dans le dur », alias « on est dans le
concret »), plus le message global des étages supérieurs de la société aux sous-fifres est que la population qui manifeste est un adversaire, une menace, qu’il faut traiter comme
tels.
Plus le haut responsable consent à descendre de son empyrée, plus il s'attend à l'hostilité : quand Macron part en
balade dans la France profonde, il est bien à l'abri, derrière un épais rideau de muscles policiers, et il ne se gêne pas pour paralyser toute la presqu'île (dernièrement à Lyon, pour je ne sais
plus quel machin international).
Il faut, d’après la haute hiérarchie policière, se méfier du français moyen (craint-on d'éventuelles fraternisations
type "bas-clergé-tiers-état" ?). C'est nouveau : le français moyen, voilà l'ennemi. Quand il manifeste, il faut s’attendre au pire (sous peine d’être traité de laxiste ou d’incompétent en cas
de). La façon dont est pensée et conçue l'action de la police est selon moi l'expression de la peur des couches dirigeantes de la société.
Je veux dire que le Français moyen n’est pas un partenaire avec qui il serait légitime de discuter,
mais un ennemi dont il faut à tout prix contrer le potentiel de nuisance. Et il n’y a pas besoin des « black blocks » pour cela : je n’oublie pas l’hallucinant cadre en acier
soviétique qui avait entouré une manif contre les « lois El Khomri », qui avait obligé les protestataires à tourner autour du bassin de l’Arsenal (quai de Seine-Bastille et retour).
Le manège à manif n'est pas loin : il ne reste plus qu’à mettre tout ce beau monde sur un plateau tournant avec un air
de musette, les flics autour et la CGT au milieu. Une sinistre farce, dans ma mémoire, à laquelle s’étaient prêtés les syndicats.
Face aux manifs, le pouvoir se comporte en général, même sans les « black blocks », comme en face de forces
dangereuses : le gouvernement sait que les mesures qu’il est en train de prendre sont « impopulaires ». Il prévoit logiquement le refus, mais il se prépare alors à un
affrontement physique, comme s’il redoutait une révolution. Et c’est finalement le pouvoir qui, en mobilisant en masse des forces de l’ordre en tenue de combat, crée une atmosphère de
guerre civile. Le pouvoir anticipe le pire, au détriment des réalités raisonnables et négociables. Et en l’anticipant, il le crée.
Je me demande si cette image d’une plèbe toujours prête à l’insurrection, propre aux représentations que s’en fait le
pouvoir, n’est pas la nourriture « culturelle » qu'on fait ingurgiter à tous les futurs flics pendant toute la période de leur formation. Ira-t-on jusqu'à parler pour cela d'endoctrinement
?
Je me demande si cette conception n'imprègne pas toute la chaîne de commandement : toujours s'attendre au pire. Je me
demande si ce ne sont pas tous les membres des forces de l’ordre qui sont, après l’obtention de l’habilitation et une fois dans l’exercice pratique du métier, imprégnés de cet
état d’esprit où domine la méfiance à l’égard de la population. La méfiance et l'hostilité du pouvoir à l'égard du peuple ressemble à un principe, à un dogme, à une philosophie
globale.
Bref, je me demande si cette méfiance des pouvoirs et des forces détentrices de la « violence légitime » à l’égard des
gens ordinaires n’est pas une simple construction mentale, une pure élucubration de quelqu’un qui a besoin de s’inventer un adversaire et de lui prêter a priori un potentiel de "violence
délinquante", pour se prétendre autorisé à faire usage de la "violence légitime".
La population manifestante est ainsi revêtue par le pouvoir d’un costume chamarré d’énergumène déchaîné et de voyou
potentiel prêt à tout casser et à « bouffer du flic ». Or, comme l’ont montré les embrassades chaleureuses qui ont suivi le 7 janvier et le 13 novembre 2015, celle-ci est toute prête à entretenir
avec sa police une relation de respect, et même d’amitié. Ce genre d’occasion est rare et malheureusement éphémère. Tout revient vite à la « normale » (= au désamour).
Il est loin, le temps de la « police de proximité », que regrette le gradé de rang moyen proche de la retraite, déjà
cité.
A suivre.
MON POINT DE VUE SUR LA POLICE ...
...FRANÇAISE (2/2)
Source : http://lantidote.hautetfort.com/archive/2019/10/17/mon-point-de-vue-sur-la-police-6183088.html - Le 17/10/2019.
3 – La police de proximité.
Je crois que ce préjugé défavorable au peuple, soigneusement entretenu par les autorités, explique l’incroyable
élargissement du fossé qui sépare la population des forces de police. Récemment, sur France Culture, un gradé de rang moyen, proche de la retraite (le même que précédemment), rappelait que, lors
de la cohabitation Chirac-Jospin après 1997 (la dissolution), ce dernier avait eu cette trouvaille admirable : la « police de proximité », et que sa disparition avait été une catastrophe (voir
plus bas).
Qu’est-ce que c’était, pour Lionel Jospin et son entourage, la police de proximité ? C’était l’occasion inespérée de
répandre dans la population l’idée que, quand la police est là, c’est pour venir à son aide, la secourir, faire en sorte que règne, en fin de compte, un ordre qu’on puisse qualifier de
républicain. Jospin a réussi, avec la police de proximité, à installer des postes de police jusque dans des quartiers où, aujourd’hui, les policiers ne peuvent plus s’aventurer sans prendre
cailloux ou cocktails Molotov, sans provoquer des émeutes. On peut se demander naïvement pourquoi : la réponse fait hurler de rage le simple bon sens.
La police de proximité, c’étaient des policiers en quelque sorte chargés d’une mission de haute sensibilité : établir
entre la population et les forces représentant la loi des relations de confiance réciproque. Des flics destinés à vivre si possible dans les mêmes conditions réelles d'existence que les vrais
gens, dont ils auraient une vraie « connaissance de terrain » et aux yeux desquels ils étaient chargés de représenter la loi en action et en présence.
La loi, certes, en uniforme, mais avec un visage d’individu reconnaissable et familier. La police dans la population
comme un poisson dans l’eau : la voilà, la police républicaine. Des personnes au milieu d'autres personnes. Et qui pouvaient, selon les moments, taper dans un ballon dans les "quartiers" ou taper
sur les voyous, les délinquants et les dealers. L'ordre qu'ils représentaient était admis par la population, et ils n'oubliaient jamais leur mission première : incarner la loi.
Avec la police de proximité, Lionel Jospin avait mis en place les conditions de la paix civile sur tous les
territoires de la république. Cela devait paraître insupportable à certains.
4 – La politique du chiffre : le policier est un gros bâton. Un poing, c'est tout.
La police de proximité commençait juste à porter ses fruits, quand elle a été supprimée d’un simple trait de plume, au
motif qu’ « un flic, c’est pas payé pour jouer au football ». Celui qui tient alors la plume (et l’auteur de la citation, qui en a d'autres belles à son actif : "kärcher",
"casse-toi pauvre con", etc. ...) est un voyou que les Français ont eu la niaiserie de porter à la présidence (en fait, à ce moment-là – avant 2007 – il n'était que le ministre de l'Intérieur de
Chirac). Croyant élire un homme d’action, ils ont élu un casseur. Le bilan de Nicolas Sarkozy (c’est lui, tout le monde avait compris) est un bilan de casse : la justice, l’hôpital, la police,
tout y passe.
La justice ? On compare les magistrats à des rangées de boîtes de petits pois sur des rayons, et on envoie Rachida
Dati tirer dessus comme à la foire et faire des gros trous dans la carte judiciaire. L’hôpital ? On tient en laisse un molosse du nom de Roselyne Bachelot, qu'on lâche un jour avec pour mission
de dévaster le service public de santé en imposant la rémunération à l’acte, mesure qui transforme illico l’hôpital en entreprise "prestataire de services", dirigée par un patron chargé de
veiller, sinon à la rentabilité, du moins à l’équilibre des comptes (c’est la loi « HPST », dont on admire aujourd'hui les fabuleux résultats, entre autres, dans les services d’urgence et la
filière psychiatrique).
La police ? Le bilan de Sarkozy est encore plus brillant. On commence par bousiller tout le service de renseignement «
de terrain » (les « Renseignements Généraux », vous savez, ces policiers qu'on disait chargés des basses besognes des gouvernements, qui se baladaient incognito dans tous les syndicats, partis,
groupes et milieux (mais aussi églises, synagogues et mosquées), en laissant traîner les yeux et les oreilles, pour prendre et "faire remonter" en temps réel la température de la population) en
le fondant brutalement dans un nouveau service (DGSI) où on le mélange en touillant bien avec la DST, qui avait un oeil sur les étrangers séjournant en France. Or ce sont deux métiers distincts.
RG et DST n'ont jamais pu additionner leurs compétences. Je parierais volontiers que Mohamed Merah (2012) est le brillant résultat de l'opération.
Et surtout, on va transformer la police en entreprise en y appliquant la même politique du
« paiement à l’acte » qu’à l’hôpital, sauf que là, ça prend le nom de « politique du chiffre ». Pour Sarkozy, un policier est seulement un gros bâton entre
ses mains. Une trouvaille ! Fallait y penser ! Plus nombreux sont les « constats », plus nombreuses les « affaires traitées », et plus le commissaire est
content. Il a de quoi. Car pour « motiver » les troupes, on introduit dans la rémunération du commissaire une variable liée
aux résultats de ses services sur le terrain : plus il coche de cases, plus il se sent confortable et plus il tire d’oreilles, à la façon de notre "petit caporal" national, pour dire sa
satisfaction à ses "grognards".
Résultat des courses ? On laisse
courir la réalité triviale, fatigante et salissante pour fabriquer des statistiques en pur papier dont le pouvoir peut se gargariser, et où apparaissent, grâce à Sarkozy, les formidables gains de
productivité et d’efficacité de la police républicaine. Concrètement, faire du chiffre, ça veut dire qu'on envoie les bidasses agrafer des « baba cools » en uniforme (dreadlocks et
rouge-orange-vert), confisquer leur barrette de « shit » et les envoyer en comparution immédiate : c’est ça, le « chiffre ». J’ai oublié le terme employé par le flic gradé de rang moyen proche de
la retraite, sur France Culture, mais c’est à peu près ça. La réalité réelle ? Elle fout le camp. Les plus gros poissons ? Ils courent à toutes jambes et à tire d’aile, jamais
inquiétés.
La voilà, la police de Sarkozy :
c’est une police qui a sorti les mains du cambouis, c’est une police propre, une police en pur papier de statistiques.
J'exagère évidemment, mais c'est pour faire comme Günther Anders : c'est à visée pédagogique. Le malheur, c'est que ni
Hollande, ni Macron n'ont fait quoi que ce soit pour rectifier le tir après le décès politique du voyou. Ah si, pourtant : il semblerait que, avec les "brigades de sécurité du quotidien", le
régime actuel veuille faire revivre d'une certaine manière l'idée de Jospin. Espérons.
5 – Le policier obéit aux ordres.
Le dernier point sera pour souligner un aspect souvent minimisé dans les comptes rendus de la presse
: rien de ce que font les policiers lors des manifestations ne se fait sans avoir été autorisé ou ordonné par la hiérarchie. Le
gradé de rang moyen proche de la retraite, déjà cité, le confirme : si on lui dit de reculer d’un mètre, le policier de base recule d’un mètre en disant : « Oui chef ! Bien chef ! ». La police
est un outil mis à la disposition des gouvernants par la Constitution, c'est-à-dire par l'Etat.
Je ne vais pas me lancer dans l'historique impossible de la confusion presque permanente entre "intérêt de l'Etat" et
"intérêt du gouvernement" au fil de la Cinquième République : je veux juste rappeler la fonction d'utilité publique de la Police nationale et de la Gendarmerie nationale. C'est un instrument au
service de la chose publique. Ce qu'on appelle la "chaîne de commandement" va du ministre en charge jusqu'au bidasse du dernier rayon, où chaque échelon inférieur est supposé obéir aux ordres
qu'on lui donne, et chaque échelon supérieur censé donner des ordres conformes aux intérêts de la nation. C'est au moins la théorie.
Cela veut dire que le flic de terrain, lorsqu’il tire une « balle de défense » avec son LBD, c’est qu’on lui a dit de
le faire. Même chose pour les gaz lacrymogènes, même chose pour les « grenades de désencerclement ». Même chose pour les manœuvres destinées à couper toutes les issues à une foule de
manifestants, pour les enfermer comme dans une nasse, qu'on arrose ensuite de "lacrymos" pour leur apprendre les bonnes manières. Même chose pour les manœuvres consistant à laisser les "black
blocks" se fondre au milieu des marcheurs, ce qui permet de ne plus distinguer ensuite le bon grain de l'ivraie. Même chose, évidemment, quand il s'agit de "foncer dans le tas" (après sommations
d'usage).
Cela veut dire qu’il faudrait moins parler de « violences policières » que de « violences d’Etat » : s’il y a des
dégâts sur le terrain (un œil, une main en moins, des blessures diverses), c’est que cela entre dans le cadre des ordres donnés par la hiérarchie policière. Et la hiérarchie policière, elle n'a
qu'une pensée : appliquer les consignes données par le ministère de l’Intérieur (ou par celui qui en tient lieu en région : le préfet). L’œil crevé, la main arrachée, autant de trophées que le
ministre pourrait à bon droit exposer aux murs de son bureau : c'est lui qui lance la meute à l'attaque.
En matière de violences policières, il y a manifestement une parfaite adéquation entre les dégâts infirmiers et
médicaux et les intentions politiques dans le cadre desquelles ils s'inscrivent. En haut lieu, on peut certes "déplorer" et "compatir", mais on ne désavouera pas l'action et on ne sanctionnera
personne : ce serait se punir soi-même. Dit autrement : les violences policières sont pensées, voulues, prévues par quelqu'un qui ne descend pas sur le terrain, et qui laisse les "manards" en
prendre parfois plein la gueule. Si les policiers sont violents, c'est sur ordre, mais à leurs risques. C'est, dit le ministre, le résultat qui compte : peu importent les "dommages collatéraux".
Cela explique pour une bonne part monsieur Castaner, "droit dans ses bottes" quand il est devant les caméras, soutenant la légitimité de l'emploi des LBD.
Tout ça pour dire que, si l’on s’indigne à raison en visionnant des images de smartphone faites « sur le terrain » des
manifs, où l’on voit une matraque s’abattre sur un piéton déjà à terre, où l’on entend le long cri de douleur d’un homme qui a reçu une balle de défense dans les couilles, on devrait s’en prendre
de façon beaucoup plus directe à toute la chaîne de commandement (jusqu'au ministre) qui a permis d’aboutir à ces dommages corporels. Les policiers n'ont fait qu'obéir aux ordres. Dommages
stupéfiants dans un pays si fier encore de se considérer comme une démocratie exemplaire.
Voilà, en gros, les réflexions qui me viennent quand je pense à l’exercice de la police en France. Pour moi, une
police démocratique et républicaine devrait pouvoir se déplacer dans la population, dans les quartiers, dans les territoires comme un poisson dans l’eau. Or je constate que tout est fait pour que
le corps policier apparaisse comme un « corps étranger » qui n'est nulle part le bienvenu, et violemment conspué dans certains endroits.
L'hostilité qui entoure les apparitions et les actions de la police dans les manifs est sans doute le but recherché
par le pouvoir. Quand on pense à la « police de proximité » patiemment mise en place sous Jospin (la greffe avait commencé à "prendre"), et brutalement rayée de la carte par Sarkozy, on reste
effaré devant le gâchis : quelle perte imbécile !
J’en attribue la responsabilité à Sarkozy bien sûr, mais plus généralement à tous les pouvoirs en place, qui tiennent
à garder sous le coude des solutions concrètes et "fortes" à tous les « problèmes », au cas où : la formation des policiers, l’organisation policière, la définition des missions de la police, le
contrôle des forces de l'ordre, la hiérarchie policière, tout cela serait à refondre dans un esprit authentiquement républicain.
Je ne sais pas tout de la question, mais en l’état actuel des choses, il ne me semble pas qu’on puisse qualifier la
police française de « républicaine ». Or la police est telle que la veulent les pouvoirs, qu'ils soient de droite ou de gauche. Il
semble évident que la faute en incombe à tous les gradés de rang supérieur et à tous les "hauts fonctionnaires" qui les chapeautent, mais plus encore à tous les politiques qui, au gré des
élections, sont mis à la tête de tout ce petit monde pour "mettre en œuvre" la politique des présidents qui les ont nommés. Et je n'oublie pas les noms de Squarcini et Péchenard qui, au ministère
de l'Intérieur, furent des exécutants disciplinés des ordres fangeux donnés par Nicolas Sarkozy.
Je plains les policiers eux-mêmes. En particulier les gradés de rang moyen proches de la retraite.
Je plains les services publics en général.
Voilà ce que je dis, moi.
Note : il reste bien des sujets à traiter : les taux de suicide dans les rangs de la police et de la gendarmerie ; le
positionnement politique très à droite de beaucoup de policiers ; les millions d'heures supplémentaires de service non rémunérées ; les difficultés du recrutement ; etc.