La France, en guerre, ne doit pas être désarmée

...par Gilles Platret - Maire de Calons S/ Saône - le 17/07/2017.

Il n’est sans doute, sur le sol de France et, plus encore peut-être, sur les théâtres d’opérations extérieures, pas un soldat qui n’ait durement ressenti l’admonestation infondée qu’Emmanuel Macron a adressée jeudi soir, veille de Fête nationale, aux Armées de la France.

En bombant le torse pour proclamer à nos soldats, l’air vainement fâché par la grogne qui monte, « Je suis votre chef ! », le nouveau président de la République a allègrement franchi la frontière, ténue et sévère, qui sépare l’autorité de l’autoritarisme.

Car enfin ! faut-il blâmer les Armées et leurs cadres dès lors que M. Macron leur a lui-même donné plein motif de se lamenter de la décision si pleine de dangers qu’il a prise de faire du budget de la Défense la variable d’ajustement du budget de la Nation ?

Jamais une nation confrontée à l’ennemi n’aura fait subir aux forces qui la protège une diète aussi insensée

A soumettre toute l’action gouvernementale aux impératifs de la communication médiatique, quand les réalités commandent de ne prendre aucune décision hâtive qui obérerait gravement nos comptes, on finit par commettre d’irréparables erreurs. Ainsi en a-t-il été dimanche dernier de ce revirement fiscal inédit qui, alors que la prudence imposait de ne pas détériorer un budget fragile par une suppression trop rapide de la taxe d’habitation, s’est pourtant imposé dans le but premier de faire taire les critiques par une opération de communication.

Il y aurait du reste fort à dire sur cette suppression fiscale qui, dans sa volonté de vassaliser les communes de France, est sans doute inconstitutionnelle en ce qu’elle blesse le principe de libre administration des collectivités territoriales (article 34) et contrarie l’impératif selon lequel « les recettes fiscales et les autres ressources propres des collectivités territoriales représentent, pour chaque catégorie de collectivités, une part déterminante de l’ensemble de leurs ressources » (article 72).

On connaît la suite : le véritable scandale qui consiste à imposer aux Armées, dans un pays en guerre, 850 nouveaux millions d’économies en moins de 6 mois ! Jamais une nation confrontée à l’ennemi, aussi engagée qu’elle l’est sur tant de fronts, intérieurs et extérieurs, n’aura fait subir aux forces qui, en la protégeant, protègent une partie du monde occidental, une diète aussi insensée. Et M. Macron a beau promettre des jours meilleurs, qu’a-t-il prévu dans l’entre-temps : de demander aux terroristes de différer de quelques mois leurs attaques contre nous ?


Qu’on ne blâme donc pas dans ces conditions le chef d’état-major d’avoir, devant la représentation nationale, dit vertement qu’il se sentait trahi, quand même le président macronien de la commission de la Défense de l’Assemblée déclare ce 14 juillet regretter les choix budgétaires du gouvernement. Le général de Villiers a parlé au nom de l’ensemble des soldats de notre pays. C’était son devoir. Mais il a fait davantage : il a parlé au nom de la Nation tout entière. Ce sera sa gloire. Car l’Armée demeure le bras armé de la Nation. Ainsi en va-t-il –il faudrait que M. Macron le comprenne vite, très vite même– depuis la Révolution française et la naissance, face à l’ennemi, de cette armée du peuple qui, tant de fois, étonna l’univers. Croira-t-on une seule seconde que le président de la République n’ait pas en main le sinistre tableau de l’état de nos Armées : soldats littéralement épuisés, casernes démunies, matériels obsolètes, à qui on n’a pas prévu de remplaçants, reliquats dangereusement vieillissants de coupes budgétaires successives ? L’écart entre les besoins et les moyens se chiffre à plusieurs milliards.


Dans la violence du propos se cache une de ces fautes qui ne s’effacent pas Il ne suffira donc pas au président de la République de taper du poing sur la table, comme un enfant gâté se fâche tout rouge dans un énième caprice. Les Armées françaises, comme la Nation, ont besoin que le chef de l’Etat se pénètre de cette réalité terrible et incontournable : nous sommes en guerre. Une guerre nouvelle aux fronts multiples et mouvants. Une guerre totale car notre ennemi, l’islamisme conquérant, se sent porté par le vent de l’Histoire et qu’il a décrété notre soumission ou notre anéantissement. Il n’existe aucune alternative : nous devons gagner cette guerre et pour cela déployer les moyens nécessaires aux succès de nos armes.

Voilà pourquoi l’humiliant rappel à l’ordre de ce 13 juillet est une offense sans nom. Quand on connaît le sens du sacrifice, quand on mesure le prix du sang qu’ont juré de verser nos soldats pour notre Liberté, on ne s’adresse pas à eux en les accusant « d’indignité » et de « mauvaises habitudes », on ne remet pas en cause leur « sens du devoir » ni leur « sens de la réserve ».

Cette blessure restera béante car, dans la violence du propos, en plein temps de guerre, se cache une de ces fautes qui ne s’effacent pas.

 

Tribune de Gilles PLATRET 
Maire de Chalon-sur-Saône

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