Un club, pas une organisation décisionnaire
...par Stratediplo - Le 26/08/2019.
De formation militaire, financière et diplomatique, s'appuie sur une trentaine d'années d'investigations en sciences sociales et relations internationales.
Une fois de plus il n'est pas inutile de rappeler quelques faits.
La CSCE, ou Conférence pour la Sécurité et la Coopération en Europe, a cessé d'exister début 1995 quand elle a été transformée en Organisation pour la Sécurité et la Coopération en Europe. Ses anciens membres ne peuvent pas usurper soudain le souvenir de la CSCE pour se réunir sans la totalité des membres de l'OSCE. Le secrétariat permanent des cycles de négociation de l'Accord Général sur les Tarifs Douaniers et le Commerce (connu en anglais comme GATT) a cessé d'exister début 1995 quand l'Organisation Mondiale du Commerce a été créée par les signataires de l'accord. Ses anciens membres ne peuvent pas usurper soudain le souvenir du GATT pour se réunir sans la totalité des membres de l'OMC. Et le G7, ou Groupe des Sept, a cessé d'exister en 1994 quand il a été transformé en G7+1, devenu à son tour G8 en 1997. Ses anciens membres ne peuvent pas usurper soudain le souvenir du G7 pour se réunir sans la totalité des membres du G8.
Les règles de fonctionnement du G8 ne prévoient pas la possibilité d'en expulser un membre. C'est d'ailleurs pour cela que les six membres du G8 qui ont déclaré la guerre à la Russie début mars 2014, ainsi que le Japon sous leur influence, ont alors quitté le G8 (deux semaines avant le referendum d'autodétermination criméen) faute de pouvoir en exclure la Russie. Le sommet des 4 et 5 juin 2014 à Sotchi, convoqué lors du sommet des 17 et 18 juin 2013 à Lough Erne, a été marqué par l'absence de ces sept membres qui n'ont pas honoré l'invitation de la présidence de l'année. Ce sommet de 2014 à Sotchi a aussi été marqué par l'impossibilité de transmettre la présidence au pays qui devait succéder à la Russie, à savoir l'Allemagne, qui aurait alors fixé une date et un lieu pour le sommet de 2015. Aujourd'hui le seul moyen de relancer le G8 en sommeil depuis début 2014 serait de demander à la présidence, à savoir la Russie, de convoquer un nouveau sommet en remplacement de celui boycotté par ses ennemis déclarés. On peut relire les détails du complot ourdi par les Etats-Unis contre la présidence du G8 en mars 2014 sur http://stratediplo.blogspot.com/2015/08/fronde-au-sein-du-g8_28.html, ou dans la Dixème Arme.
...par Thierry Meyssan - Le 27/08/2019.
Consultant politique, président-fondateur du Réseau Voltaire.
Dernier ouvrage en français : Sous nos yeux - Du 11-Septembre à Donald Trump(2017).
Le G7, qui était originellement un lieu d’échange entre dirigeants occidentaux pour mieux comprendre les points de vue respectifs, est devenu un enjeu de communication. Loin d’exposer à huis clos le fond de leur pensée, les invités sont devenus des acteurs d’un show médiatique où chacun essaye de faire bonne figure. Le pire aura été la surprise concoctée par Emmanuel Macron pour les journalistes et contre son invité états-unien.
Lors de sa création en 1976, par Valéry Giscard d’Estaing et Helmut Schmidt, le G-6 était un groupe de discussion informelle. Le président français et le chancelier allemand entendaient échanger avec leurs homologues pour cerner leurs pensées dans le contexte de la crise du dollar qui résultat de la fin de la guerre contre le Vietnam. Il ne s’agissait pas de prendre des décisions, mais de réfléchir sur l’avenir de l’économie occidentale. Les invités étaient les mêmes que ceux réunis par le Trésor états-unien, pour la même raison, un peu plus tôt. Cependant la réunion ne rassemblait pas cette fois les ministres des Finances, mais les chefs d’État ou de gouvernement et l’Italie avait été ajoutée. L’année suivante, le Canada a également été invité.
Avec la dissolution de l’Union soviétique et la fin de la division du monde en deux camps, le G-7 a abordé des questions politiques, puis a associé la Russie à ses discussions informelles. Mais lorsque Moscou s’est relevé, s’est opposé à l’Otan en Syrie et a refusé le coup d’État en Ukraine, la confiance fut brisée et les Occidentaux décidèrent de se réunir à nouveau entre eux. Cet épisode clôt toute velléité de faire participer la Chine.
Les derniers G-7 ont produit quantité de Déclarations et de Communiqués. Cette littérature n’a acté aucune décision, mais élaboré un discours commun, d’autant plus verbeux que la politique intérieure US était dominée par le « politiquement correct ». Comme toujours lorsque l’on n’a pas conscience d’avoir de contre-pouvoirs, la séparation entre la réalité et ce discours n’a cessée de croître.
Une dérive a eu lieu en 2005, au Royaume-Uni, où le Premier ministre britannique Tony Blair attira l’attention de tous en assurant que le G8 qu’il présidait allait annuler la dette des 18 pays les plus pauvres d’Afrique. En réalité, cette annonce était gratuite : le G8 ne prit jamais cette décision. Par la suite, 14 pays acceptèrent les conditions léonines de la Grande-Bretagne, puis s’en mordirent les doigts. 4 autres refusèrent ce piège. Cette mise en scène a laissé l’impression fallacieuse que le G7/8 était une sorte de gouvernement mondial.
Il est essentiel qu’il ne prenne pas de décision : ce serait constituer un cartel au sein de l’Assemblée générale de l’Onu et violer le principe de l’égalité entre chaque État quelle que soit sa puissance. Il existe déjà un privilège, reconnu aux principaux vainqueurs de la Seconde Guerre mondiale, de siéger de manière permanente au Conseil de sécurité et d’y détenir un droit de veto. Privilège qui découle du réalisme : aucune majorité d’État ne peut imposer sa volonté à de si grandes puissances.
Quoi qu’il en soit, l’importance de cette réunion informelle se mesure à la puissance cumulée de ses invités. Il convient d’abord d’observer que le G-7 réunit 9 personnalités : le président de la Commission européenne et celui du Conseil européen y sont invités. Il se trouve que pour des raisons de santé, Jean-Claude Juncker manquera à l’appel. Observons ensuite que, depuis 2015, le président tournant du G7 a invité des hôtes étrangers. Emmanuel Macron en a choisi 8, dont 3 l’avaient déjà été l’année dernière : deux des BRICS (l’Inde et l’Afrique du Sud), l’Australie (qui y a été invitée comme le Canada en tant que dominion britannique et devrait adhérer dans quelques années à l’Otan et y constituer une force anti-Chinoise avec le Japon), et des « clients » (l’Égypte, le Burkina-Faso, le Chili, le Rwanda et le Sénégal). Ces États participeront à certaines réunions, mais pas à toutes.
Le président Macron a rappelé la possibilité de réintroduire la Russie dans ce cercle fermé, en 2020 (évoquée par le président Trump qui présidera alors ce club). Cela supposerait d’abord que la Syrie soit libérée et que l’adhésion de la Crimée à la Fédération de Russie soit reconnue. En outre, pour que la participation de Moscou ait un sens, il faudrait que la Russie se mette à parler comme les Occidentaux. Sergueï Lavrov a déjà poliment répondu qu’il examinerait cette proposition (saugrenue) lorsqu’elle serait formulée.
Après le fiasco du G-7 de 2018, où l’on ne parvint pas à élaborer un discours commun, Emmanuel Macron a fait le choix de chercher un discours plus large et plus général qui fait toujours recette et ne menace personne, un sujet sociétal et surtout pas social : la « lutte contre les inégalités entre les femmes et les hommes ». Précautionneusement, il a prévenu qu’il n’y aurait pas cette fois de texte final.
Au plan économique, les conséquences de la guerre douanière livrée par les États-Unis à la Chine sont la principale source de préoccupation des membres du G7. N’ayant aucunement l’intention d’être à nouveau placé en situation d’accusé comme il le fut l’an dernier, le président Trump a choisi l’attaque en dénonçant les taxes françaises sur Google/Apple/Facebook/Amazon. C’est en effet le point faible de son partenaire. La France a choisi d’attaquer les Gafa au plan fiscal, mais ne réagit pas à deux questions plus importantes : leur position monopolistique et leurs violations des libertés individuelles. Ce point devrait être réglé en marge de la réunion de Biarritz par les ministres des Finances français et états-unien et renvoyé à l’OCDE.
Emmanuel Macron et son ancienne professeure de théâtre, son épouse Brigitte Trogneux-Macron, avaient prévu une mise en scène particulière pour ce sommet. Nul ne peut en nier la qualité scénique et les rebondissements.
Le président a fait précéder le sommet d’une courte adresse télévisée [1] au cours de laquelle il avait annoncé diverses initiatives spectaculaires et s’était engagé à en présenter un bilan le 26 août au soir.
Dans les jours qui ont précédé ce sommet, des médias européens ont massivement relayé une campagne d’intoxication selon laquelle la totalité de la forêt amazonienne serait en feu. Sa destruction priverait la Terre d’oxygène et accélérerait le réchauffement climatique. Or, ce n’est pas la forêt qui brûle, mais les zones déforestées soumises à la technique de défrichage par brûlis ; et l’Amazonie ne fournit qu’une très petite partie de l’oxygène de l’atmosphère. En réalité, certains membres du G7 espèrent contourner l’OTCA (Organisation du Traité de coopération amazonienne) afin de pouvoir exploiter les fabuleuses richesses minérales, pharmaceutiques et boisières de cette région. Déjà Emmanuel Macron a autorisé l’exploitation de plusieurs mines aurifères en Guyane française à un consortium franco-canadien au plus grand mépris de la forêt et de ses habitants. C’est à juste titre que le président brésilien Jair Bolsonaro a dénoncé le caractère colonial de l’entreprise du G7. Les mensonges d’Emmanuel Macron seront lourds deconséquences.
Autre sujet et non des moindres : le président a lui-même prétendu qu’il avait reçu un « mandat » du G7 pour négocier avec l’Iran. C’est évidemment impossible non seulement parce que le G7 ne donne pas de mandat, mais aussi parce que jamais les États-Unis ne délèguent ce pouvoir à un pays tiers. Après que la presse internationale a repris les yeux fermés cette ineptie et que le président Trump a eu un coup de sang, Emmanuel Macron a reconnu une méprise. Sur ce, il a invité le ministre des Affaires étrangères iranien, Mohammad Javad Zarif, qui est immédiatement arrivé à Biarritz et qu’il a rencontré. Il était impossible de faire plus spectaculaire, mais c’est au prix d’une insulte publique à son invité, Donald Trump, et d’un inconfort pour ses autres invités.
Les conseillers de l’Élysée assurent que le président états-unien avait donné son accord, mais à quoi ? Mohammad Javad Zarif n’a pas été autorisé à entrer dans l’hôtel du Palais où se tient le sommet. Il a été accueilli durant trois heures par son homologue Jean-Yves Le Drian et le ministre des Finances, Bruno Lemaire, à la mairie de Biarritz. Emmanuel Macron a abandonné ses invités pour se joindre à ses deux comparses durant une demi-heure. L’entretien s’est tenu en présence de conseillers britannique et allemand. Cette visite impromptue ne fera pas avancer le conflit irano-US, mais braquera les États-Unis à la fois contre l’Iran et contre la France. Ce scénario est la première grave faute internationale d’un président dont l’inclinaison sociopathique est connue depuis bien avant son élection. Par sociopathie nous entendons une tendance générale à l’indifférence vis-à-vis des normes sociales et des droits d’autrui doublée d’un comportement impulsif.
Le président Donald Trump considère le « discours politiquement correct » comme le symptôme de la mainmise de l’oligarchie globaliste sur son pays. Selon le Washington Post, il se serait bien passé d’aller perdre son temps à Biarritz. A l’évidence, l’arrivée en ville d’un hôte qu’il ne voulait pas voir a transformé son ennui en colère. Ses têtes à têtes avec son homologue français se sont délicieusement passés assurent les conseillers de l’Élysée mais ont été odieux selon les siens — et ceci dès le petit-déjeuner—. Selon sa conseillère, Kelly Ann Shaw, le président souhaiterait donc que la prochaine réunion, en 2020 aux États-Unis, fixe de nouveaux objectifs.
La Déclaration finale du sommet de Biarritz [2] n’est qu’un bref catalogue des points d’accord entre ses participants. Tout le monde constatera que, malgré l’autosatisfaction du président Macron et la vénération que lui porte une certaine presse, elle aurait pu être écrite longtemps à l’avance : aucun sujet listé n’a évolué. Personne n’a forcé la main de personne.
Thierry Meyssan
[1] « Adresse d’Emmanuel Macron avant le G7 », par Emmanuel Macron, Réseau Voltaire, 24 août 2019.
[2] « Déclaration des chefs d’État et de gouvernement du G7 », Réseau Voltaire, 26 août 2019.on avant le G7
....Par Caroline Galactéros - le 27/08/2019.
Docteur en Science politique, ancien auditeur de l'IHEDN, elle a enseigné la stratégie et l'éthique à l'Ecole de Guerre et à HEC.
Colonel de réserve, elle dirige aujourd'hui la société de conseil PLANETING et tient la chronique "Etat d'esprit, esprit d'Etat" au Point.fr.
Elle a publié "Manières du monde. Manières de guerre" (éd. Nuvis, 2013) et "Guerre, Technologie et société" (avec R. Debray et V. Desportes, éd. Nuvis, 2014).
Polémologue, spécialiste de géopolitique et d'intelligence stratégique, elle décrit sans détours mais avec précision les nouvelles lignes de faille qui dessinent le monde d'aujourd'hui.
Dossier Iranien, taxe GAFA, affaire amazonienne… A regarder dans le détail ces sujets, le Président Macron n’a pas beaucoup bougé les lignes. Dommage.
« No comment ». Il est des « coups de théâtre » dont on se demande s’ils visent à masquer une tragédie indépassable, ou à relancer l’intrigue d’une comédie humaine désespérément convenue. « No comment » donc. C’est ainsi que le président américain a rétorqué au coup d’éclat fomenté secrètement par Emmanuel Macron, hôte du sommet du G7, consistant à faire venir – confiné pour un entretien bilatéral dans une petite salle municipale en marge de l’Hôtel du Palais -, le ministre des affaires étrangères iranien, le subtil Jawad Sharif.
Qu’espérait notre Président de cette initiative ? La tient-il pour un succès ? Personnel, collectif ? Pouvait-il sérieusement croire que cela suffirait à replacer la France au cœur du dossier iranien et lui donner une posture dynamique et même offensive ? Le Président américain aurait « admis » in extremis l’invité surprise sulfureux. Mais enfin, depuis quand un président américain a-t-il son mot à dire sur les autres invités de l’hôte d’un sommet en territoire souverain ? Cette rodomontade présidentielle était brillante. Elle masque mal la réalité d’une docilité rémanente qui nous efface jour après jour de la scène du monde, malgré une geste créative. Nous désobéissons timidement et sans conséquences in fine.
Pour trancher et faire bouger vraiment les lignes, il eut mieux valu, voici plus d’un an, au lieu de nous coucher devant l’oukase américain dans des circonvolutions sémantiques lamentables, dire à Donald Trump que la France était et resterait pleinement satisfaite de l’Accord en l’état, qu’aucune pression ne la convaincrait d’en étendre la portée aux vecteurs balistiques, de le renégocier ou lui substituer un nouvel accord pour complaire aux exigences sans fin de Washington qui cherche l’affrontement avec Téhéran comme on cherche l’eau dans le désert.
Il eut aussi fallu se placer en soutien politique résolu de nos entreprises présentes en Iran (notamment de Total qui s’est retiré au profit de Pékin d’un gigantesque projet) au lieu de les laisser seules, donc rapidement inquiètes devant le spectre de sanctions extraterritoriales américaines si elles avaient l’aplomb de demeurer à pied d’œuvre dans le pays pour permettre à l’Iran de survivre et d’espérer un jour renaitre autrement que sous le joug avant la coupe réglée. On me rétorquera que la pression est trop forte, les amendes potentielles trop insoutenables pour nos banques… Mais pourquoi les payer ? Au nom de quoi tolérer un tel chantage ? Au nom de notre alliance avec Washington ? Traite-t-on ainsi ses alliés ? Non. Ses vassaux dont on ne craint rien, oui.
Quand bien même Donald Trump se serait affranchi à Biarritz, dans un éclair d’autonomie de pensée, de la nécessité d’enrichir les marchands d’armes des « swing states » qui tiennent sa réélection entre leurs mains, et aurait saisi l’occasion de cette « apparition » pour tendre la main à l’Iranien et amorcer un dialogue minimal, Zharif l’outragé s’y serait refusé. Il a ses ordres, ceux du Guide suprême Khamenei, qui l’a autorisé à prendre l’avion pour voir ce que le Français a dans le ventre et oserait éventuellement proposer, certainement pas pour parler au « grand Satan ». Il n’y a plus rien à négocier. Téhéran a gagné la dernière manche de l’affrontement dans le détroit d’Ormuz, mais ce n’est qu’une bataille dans une guerre ouverte ou indirecte, qui sera longue et vicieuse et se jouera sur de multiples fronts. Une guerre pour la souveraineté, l’honneur, la survie économique et l’influence régionale dans le cas iranien ; une guerre pour la déstabilisation d’un régime afin de mettre la main sur son juteux marché pour Washington. Dans cette perspective américaine, Moscou doit être convaincu de son intérêt à lâcher Téhéran en Syrie, et Pékin doit finir par voir le sien dans l’achat de pétrole américain et non plus iranien ou russe pour nourrir sa croissance. C’est là le véritable arrière-fond de la guerre commerciale actuelle comme de l’attitude américaine ambivalente face à Moscou en Syrie.
Revenons donc aux fondamentaux. En Amérique, le besoin d’ennemi est insatiable, structurel, vital. C’est le moteur de l’économie américaine. Au nom de la paix mondiale, du progrès et de la démocratie de marché naturellement. Dès qu’un ennemi disparaît, un autre doit être désigné et se dresser, diabolisé, pour nourrir le monstre du complexe militaro-industriel qui vit de, par et pour la guerre ! Le Président Eisenhower lui-même s’était en son temps alarmé de cette puissance vampirique et destructrice de tout apaisement durable.
Bilan du Sommet : « L’Iran ne doit jamais avoir l’arme nucléaire et cette situation ne doit pas menacer la stabilité de la région » conclut notre Président, qui se dit « convaincu qu’un accord pourra être trouvé si le président iranien rencontre le président américain ». On se pince. Qui menace la sécurité de la région ? Qui cherche à déstabiliser l’Iran, l’asphyxie de sanctions, a dénoncé unilatéralement un accord déjà très douloureux pour Téhéran mais qu’il respectait à la lettre ?
Nous n’avons donc rien gagné à Biarritz, sauf peut-être d’y avoir inclus l’enjeu climatique autour du drame amazonien comme nécessaire sujet de discussion… mais d’aucun accord. Quoi qu’il en soit, le climat, aussi fondamentale et urgente que soit sa prise en compte dans les politiques des grands États, n’est qu’un leurre qui masque notre impuissance et notre désaccord sur tous les autres dossiers qui comptent, ceux de l’affrontement infantile entre puissances belliqueuses, ceux du multilatéralisme en miettes, ceux de l’introuvable gouvernance mondiale. Ah oui ! Il y a la taxation française des GAFA…. Qui elle aussi sera bientôt réduite et dénaturée à la sauce OCDE.
Cerise sur le gâteau, c’est encore Trump et non Macron qui a eu l’habileté, en amont du sommet, d’appeler haut et fort à la réintégration de la Russie au sein du G7. Notre président aurait pu très facilement en prendre l’initiative, recevant son homologue russe à Brégançon, au lieu de sembler marcher sur des œufs face à Vladimir Poutine désabusé et narquois pour satisfaire les néoconservateurs et les atlantistes forcenés qui l’environnement et le brident. Ses élans pragmatiques, ses intuitions réalistes, ses initiatives à hauteur de France retombent systématiquement dans le vide, démentis, dévoyés ou réduits à des mots sans lendemain par ceux qui devraient juste mettre en œuvre sa pensée et sa vision au lieu de saper sa crédibilité face à ses interlocuteurs. En politique étrangère, la constance et la fiabilité sont des vertus cardinales si l’on prétend avoir une vision et une ambition nationales. Bref, le président français semble presque aussi prisonnier de son entourage que Trump du sien. Et c’est la logique de l’affrontement infantile qui gagne à ce double enchaînement.
Tout ça pour finir par tenir une conférence de presse de clôture avec le président américain ! Comme pour s’excuser de l’audace du « vrai-faux » invité surprise. Comme si les autres chefs d’État étaient ravalés au rang de figurants, comme si l’Occident rentrait dans le rang et avait retrouvé son père tonitruant et brutal dont on aime les coups, comme si la France était fière de juste passer les plats. Cela rappelle les « Accords de Rambouillet » en 1999, prélude manipulé à la curée lancée contre la Serbie récalcitrante. Un mauvais souvenir… Celui d’un renoncement à réfléchir et décider seuls. Nous étions en cuisine déjà. Il n’existe pas de relation stratégique privilégiée entre Paris et Washington. C’est l’écart, la sortie du rang déterminée, non la servilité qui peut la faire naitre. De la posture à la stature, il y a le courage et la cohérence. Ce sont ces invités surprise-là que l’on attend pour enfin faire la différence.
Pour le reste, sans la Russie, sans la Chine et sans l’Inde, le G7 n’a plus qu’une représentativité résiduelle. Il est complètement décalé par rapport aux nouveaux rapports de force du monde. Il fait figure de vieux club poussiéreux de ronchons déphasés qui jouent au bridge tandis que la vraie partie se joue ailleurs et sans eux, dans un gigantesque jeu de go. Vladimir Poutine l’a d’ailleurs cruellement rappelé à Brégançon. Certes, l’Occident a de beaux restes. Asinus asinum fricat. Entre Boris Johnson, désormais sans équivoque aux ordres de Washington et salivant à l’idée des retombées commerciales qu’il en attend pour une Grande-Bretagne débarrassée de l’Europe technocrate, Jair Bolsonaro – hors club mais qui éructe sa grossièreté brouillonne envers Paris, Angela Merkel qui compte les jours la séparant d’une sortie de ce panier de crabes ingrats, et les autres qui font de la figuration dans cet aréopage de carpes et de lapins, Paris va devoir changer de niveau.
Et surtout réfléchir au fond. Des actes, du courage enfin ! Un changement de pied radical sur les dossiers syrien et yéménite (il n’y aura pas un mot à Biarritz sur cette atroce guerre pour rien !), de l’audace sur l’Iran, les sanctions russes et les accords de Minsk. Voilà l’occasion d’être « disruptif » pour de bon. Sur tous ces dossiers, nous avons d’évidentes positions à prendre pour faire bouger les lignes dans le bon sens et nous rendre enfin de nouveau utiles. Vue l’aboulie des Européens sur tous ces sujets, faire la différence n’est pas difficile. L’heure est grave pour la France. Il faut se réveiller et sortir de la politique spectacle. Je ne peux croire que notre président préfère la fausse lumière des idéalités qui s’abiment dans un réel sanglant à la chaleur d’une politique moins cynique, plus humaine et enfin efficace.
*Caroline Galactéros, présidente de Geopragma
Alors, quand j’observe tout le cirque fait par Macron à cette réunion du G7, je me dis que tout cela est une esbroufe de plus.
Sans la Russie ni la Chine ni, même, le Brésil (cinquième pays du monde en superficie), ce G7, c’est plutôt l’un de ces petits cirques Zavatta qui tournent l’été dans les stations balnéaires comme Barnum au temps de sa splendeur.
Il faut tout de même être un peu sérieux : prétendre régler la question iranienne sans la présence de la Russie ni de la Chine, c’est franchement se moquer du monde, pour rester poli.
Il en va, naturellement, de même pour les sujets du climat, les questions économiques et tout le reste.
Et, d’ailleurs, il y a quelque chose de profondément « malsain » dans ces réunions où « ça surjoue » à tour de bras.
Angela me fait plutôt pitié : elle sait que sa fin politique est proche. Elle semble traîner toute la misère du monde et de son pauvre pays englué dans ses problèmes de migrants.
Le pétulant Trudeau, grand ami d’Emmanuel, a perdu de sa superbe et commence, lui aussi, à avoir de sérieux problèmes internes.
Donald, fidèle à lui-même, n’en a « strictement rien à cirer » et n’est là que pour montrer que l’Amérique, c’est l’Amérique.
Abe, le nippon, doit se demander si, enfin, Macron va oser évoquer le cas de Carlos Ghosn en public. Verra-t-on Abe céder ?
Quant à Boris, il est clair qu’il n’hésitera pas à « mettre les pieds dans le plat », tout comme il a mis le pied sur le guéridon à l’Élysée et qu’il ne cherche que des accords de libre-échange, en particulier avec son ami Donald.
Tout cela, cela sent « la fin de race » et il n’est que notre brillant Monsieur Loyal de président pour faire croire que le spectacle va commencer alors que c’est plutôt le clap de fin.
Et pendant que les sept nains font semblant de bosser à grand renfort de caméras et de trompettes, il y a fort à parier que Xi et Poutine s’occupent, eux, de choses sérieuses.
Comme l’Organisation de coopération de Shanghai, vous savez, cette « petite » organisation qui regroupe la Chine, la Russie, l’Inde, le Pakistan… En tout, 3,25 milliards d’habitants et… 5,6 millions de soldats.
De quoi soutenir l’Iran, même contre les sept nains.
Source : https://www.bvoltaire.fr/g-7-ou-les-7-nains-au-boulot/
Objet : L'infâme Femen Inna Shevchenko a participé officiellement au G7 à la même table que Macron 27 Août 2019,
L'infâme Femen Inna Shevchenko a participé officiellement au G7 à la même table que Macron -
le 27 Août 2019,
L’information est passée quasiment inaperçue, simplement soulignée par un tweet enthousiaste de l’ineffable Marlène Schiappa et quelques articles de la mouvance “féministe” : la Femen Inna Shevchenko participait de façon officielle au G7 de Biarritz, désignée par la Macronie pour siéger au Conseil consultatif pour l’égalité femmes-hommes du G7 et se retrouver à la même table que le président de la république.
Certes, il fallait un œil très attentif pour la reconnaître. Pour l’occasion, elle avait adopté un look très embourgeoisé, loin de l’image d’hystérique dépoitraillée enchaînant les provocations antichrétiennes, les blasphèmes, les profanations et les séances d’exhibitionnisme sous l’objectif des photographes de presse et des caméras de télévision.
Pourtant, c’était bien elle.
Dès leur arrivée en France, l’ukrainienne Inna Shevchenko et son mouvement Femen avaient bénéficié d’évidentes collusions avec différents cercles du Pouvoir. Mais Inna Shevchenko apparaît désormais de plus en plus officiellement comme une interlocutrice appréciée lors des rendez-vous du Nouvel Ordre Mondial.
« Quand orgueil chevauche devant, honte et dommage suivent de près » nous rappelle un dicton populaire. Et, c’est bien la leçon que l’on peut tirer aujourd’hui du dernier sommet du G7 de Biarritz sous présidence française alors, qu’il y a quelques jours encore, Jupiter et sa cohorte de courtisans nous vantaient le succès incommensurable de ce barnum. Jamais, nous avions eu droit à une telle débauche de superlatifs pour qualifier l’exploit diplomatique du président de la République. Une sorte de Machiavel croisé de Talleyrand en action face à ses homologues stupéfaits. Une authentique leçon de diplomatie multilatérale qui avait permis de régler, en un tournemain, les grands problèmes de la planète alors que personne n’y croyait la veille encore. Son succès sur la scène internationale renforçait sa main sur la scène intérieure au moment où une rentrée sociale difficile se préparait (prolongation de la grève des urgentistes, réforme des retraites, incendie de Rouen, manifestations des policiers, mécontentement croissant des citoyens dû à une défiance à l’égard de la parole politique…).
Pour notre part, à contre-courant de la bienpensance germanopratine et très modestement, nous avions émis de sérieux doutes sur le prétendu succès de cette rencontre en nous fondant sur des réalités objectives et non sur quelques chimères médiatiques1. Certains trouvaient nos jugements trop entiers, trop catégoriques. Alors que la fumée médiatique se dissipe autour de cette grand-messe, les réalités les plus triviales refont surface. Tous les problèmes présentés comme résolus restent pendants, pour certains se sont aggravés depuis. Voici à quoi conduit le fait de surfer médiatiquement sur les questions du jour et non de traiter les questions structurelles du monde. Cette situation traduit un aveuglement coupable de nos dirigeants, Jupiter, l’hyper président en tête. L’accessoire l’emporte sur le principal. Même si le sujet du « Brexit » n’était pas inscrit à l’ordre du jour, et pour cause, la rencontre de Jupiter avec Boris Johnson, censée être un exercice de calinothérapie, n’a rien changé aux excès de l’homme à la mèche blonde et aux insuffisances stratégiques de la Commission européenne depuis le début des négociations2.
Afin de mieux appréhender la réalité du G7 de Biarritz3, nous avons choisi, de manière subjective assumée, de nous pencher sur les sujets qui ont été traités (c’est du moins ce que l’on nous a affirmé) lors de cette rencontre, d’une part et les sujets pourtant essentiels qui ne l’ont pas été, d’autre part.
LES SUJETS QUI ONT ÉTÉ TRAITÉS
Examinons de plus près les percées de cette rencontre sur la Côte des Basques. Nous retiendrons, de manière arbitraire, les deux questions suivantes qui nous paraissent tout à fait révélatrices des faiblesses, pour ne pas dire de l’absence de résultats concrets du si vanté sommet du G7 de Biarritz : Amazonie et Iran.
L’Amazonie ou les limites des leçons de morale
L’Amazonie continue de brûler4 et rien de très tangible ne semble se passer depuis les bonnes résolutions ( ?) de Biarritz hormis la signature par sept États amazoniens d’un « pacte » pour protéger la forêt (Leticia, Colombie, 6 septembre 2019)5 et l’annonce de la création d’un fonds de 500 millions de dollars à la veille de l’Assemblée générale de l’ONU. Accessoirement, les feux de forêt se prolongent dans le sud de la France sans que l’on ne remette en question la politique économique et sociale d’Emmanuel Macron. Plusieurs questions doivent être posées pour tenter de mesurer l’efficacité des recommandations du G7 et des saillies du chef de l’État. La polémique inutile lancée par Emmanuel Macron, par voie de tweets, avec son homologue brésilien en valait-elle la chandelle ? A-t-elle fait progresser la compréhension du problème de la déforestation dans le monde et sa solution ? La réponse se trouve dans la question. Elle contribue à détériorer la relation bilatérale au moment où l’on nous explique que nous parlons avec tout le monde. Au passage, elle a mis en évidence nos pratiques peu académiques en Guyane de la part de certains de nos élus locaux, en particulier la prolongation de l’orpaillage. Qu’est-il advenu de la ligne de crédit de 10 millions d’euros promise pour attaquer le problème ? Qui doit payer et comment se partager l’addition ? Un grand classique des grandes conférences internationales : on promet beaucoup et au final on donne peu ou rien. La France est experte en la matière. Comment expliquer que Donald Trump, dont on nous disait qu’il s’était rendu aux arguments de bon sens de Jupiter, ait félicité Jair Bolsonaro pour son action en Amazonie, aussitôt après avoir quitté Biarritz. Tout ceci n’est pas très cohérent. Quelle rôle l’Union européenne entend-elle jouer collectivement pour relever le défi global de la déforestation dans le monde, en Afrique en particulier, un vrai sujet lié à la protection de l’environnement ? Nous ne le savons pas et il y a bien des chances que nous ne l’apprenions pas tant elle est divisée en plusieurs sous-ensembles et paralysée par l’interminable feuilleton du « Brexit » animé hier par Theresa May et aujourd’hui par Boris Johnson.
On l’aura compris, tout ceci n’est pas très sérieux et démonétise la parole diplomatique de la France, une fois encore.
L’Iran ou les limites des effets d‘annonce
Cette question nous est présentée en fin de G7 comme celle où les percées diplomatiques avaient été les plus importantes grâce à l’habileté du président de la République. L’inspecteur des Finances s’est transformé en un diplomate à l’habileté redoutable. Il réussit un double tour de force : faire venir à Biarritz le persan avec l’aval implicite de Donald Trump et faire chanter au sept la même chanson : pas d’arme nucléaire pour l’Iran et pas de déstabilisation de la zone proche et moyen-orientale qui l’est déjà suffisamment6. Le monde respire en fin. Les diplomates ont pris le pas sur les militaires et les bruits de botte s’éloignent. Nous sommes entrés dans le monde des bisounours depuis Biarritz. Comme avec Jésus Christ, il y a un avant et un après.
Or, depuis la fin du G7 de Biarritz, le moins que l’on puisse dire est que les choses ont été de mal en pis en dépit des cocoricos d’Emmanuel Macron aussi faux médiateur que faux prophète. Téhéran et Washington multiplient les gestes de défiance7. À quoi a donc servi le « coup médiatique » de la venue du ministre iranien des Affaires étrangères sur la Côte basque pour y rencontrer discrètement Emmanuel Macron, Jean-Yves Le Drian et Bruno Le Maire. Encore, un de ces fameux pétards diplomatiques qui font rapidement pschitt. Pour avoir une chance de succès, si mince soit-elle, ces affaires se traitent dans la plus grande discrétion et nos dans l’ostentation la plus visible. Ne voit-on pas le médiateur Macron, censé faire la part des choses, s’en prendre aux Iraniens qui seraient la cause de tous les maux de la région ! Ce n’est plus l’Élysée qui est en première ligne. On fait appel aux idiots utiles du Quai d’Orsay. Sa porte-parole à l’échine souple fait très bien le « job » ». L’Iran doit « s’abstenir de toute action concrète non conforme à ses engagements susceptibles de nuire aux efforts de désescalade », déclare le 5 septembre 2019 le ministère français des Affaires étrangères après l’annonce par Téhéran de son intention de reprendre le développement de centrifugeuses. « C’est dans ce cadre que nous examinerons la portée concrète de cette annonce, en lien avec nos partenaires et l’Agence internationale de l’énergie atomique », ajoute la porte-parole du ministère, Agnès von der Mühl, lors d’un point de presse. Dans un discours télévisé mercredi, le président iranien Hassan Rohani annonce que son pays allait reprendre le développement de centrifugeuses, en vue d’un enrichissement de l’uranium plus rapide. Il précise que son pays enrichissait l’uranium uniquement à destination des centrales nucléaires. Un haut responsable iranien confirmé ensuite que Téhéran ne se conformerait de nouveau aux engagements prévus par l’accord sur le nucléaire de 2015 que s’il bénéficie d’une ligne de crédit de 15 milliards de dollars garantie par du pétrole. Selon des sources occidentales et iraniennes, la France avait formulé une telle proposition pour désamorcer les tensions dans le Golfe et tenter de sauver l’accord de 2015, une option qui a suscite le scepticisme de Washington. L’AIEA refait surface alors que le point de savoir qui avait violé en premier l’accord de 2015 lui revenait avec possibilité de renvoi au Conseil de sécurité de l’ONU en cas d’indices graves et concordants. Par ailleurs, cette idée des 15 milliards est une vaste blague qui ne convainc que les imbéciles. Imaginez un seul instant un chef d’entreprise européen accepter de commercer avec l’Iran alors qu’il sait qu’il peut de retrouver dans une prison américaine comme l’a été le cadre d’Alsthom qui y a passé deux années sans que les autorités françaises s’en émeuvent outre mesure alors que la France est la patrie autoproclamée des droits de l’homme. Nous sommes tombés sur la tête. Alors que l’Union européenne aurait dû envoyer des messages clairs à Washington après sa dénonciation unilatérale du 14 juillet 2015, c’est aujourd’hui à l’Iran qu’elle s’en prend en lui demandant de respecter sa parole donnée. Et, la France qui en rajoute par la voix de sa zélée porte-parole du Quai d’Orsay comme si la diplomatie française n’en avait pas déjà trop et mal fait sur le sujet.
Et, nous prétendons jouer le rôle de médiateur alors que nous portons la voix de Washington dans cette affaire.8 De rencontre Rohani/Trump en marge de l’ONU ? Point en dépit des indiscrétions savamment orchestrées sur la tentative avortée d’entretien téléphonique entre l’Iranien et l’Américain sous la pression de Jupiter9. Une sorte de tango à New-York sans danseurs10. Hassan Rohani fait faux bond à Macron et à Trump11. Pourquoi ? La raison en est simple pour ceux qui connaissent la diplomatie, en général et l’Orient compliqué, en particulier. L’horizon se mesure en décennies. Injecter de la confiance est un art du long terme.
On l’aura compris, tout ceci n’est pas très sérieux et démonétise la parole diplomatique de la France, une fois encore. La donneuse de leçons est prise au piège qu’elle a elle-même armée. Et, nous pourrions ajouter d’autres questions comme celle de la taxation des GAFAM (l’OCDE doit rendre ses propositions avant la fin de l’année 2019), de la lutte contre les inégalités qui figuraient dans l’inventaire à la Prévert qui a pour nom ordre du jour… Une chatte n’y retrouverait pas ses petits. Le constat est identique : des mots, rien que des mots ; de la communication à volonté pour masquer l’absence d’approche stratégique et prospective qui sied en principe aux chefs d’États pour travailler à la paix, la sécurité et la prospérité dans le monde. Un point d’application de la politique de l’essuie-glaces, un sujet chassant l’autre à la vitesse V que pratique à la perfection Emmanuel Macron le comédien. Il est vrai « qu’Emmanuel Macron a un talent de metteur en scène dont on n’a pas fait assez l’éloge »12.
Nous sommes pleinement rassurés en apprenant ex-post, qu’en marge du G7 de Biarritz, un accord aurait été conclu entre Emmanuel Macron et Angela Merkel sur l’épineuse question des contrôles des exportations d’armes laissant les acteurs français du secteur de la défense sceptiques en raison du climat tendu des relations entre nos deux pays13. À voir à l’avenir….
Passons aux sujets, qui de notre point de vue, auraient amplement mérité de donner lieu à de francs échanges de vues entre les Sept pour y voir un peu plus clair dans l’analyse des défis et menaces du monde en ce début du XXIe siècle !
LES SUJETS QUI AURAIENT DÛ ÊTRE TRAITÉS
Ils étaient sept pour parler des affaires du monde. Mais au-delà des sourires et des poignées de main, ont-ils parlé de la faim dans le monde, de l’endettement des pays pauvres ?14 Sans parler d’autres sujets aussi importants sur lesquels ils ont fait l’impasse : gouvernance mondiale, situation économique et financière, Chine, Afrique.
Gouvernance mondiale ou l’ode au multilatéralisme d’antan
Alors que le multilatéralisme est à l’agonie et que le système commercial mondial se meurt, de quoi ont discuté les Sept ? Ont-ils au moins tenté de s’accorder sur quelques grandes orientations générales de réorganisation de la gouvernance mondiale pour la prochaine décennie ? Vous n’y pensez pas. C’est le règne du chacun pour soi, du retour des égoïsmes nationaux. Chacun pensait en priorité à ses problèmes internes. L’Amérique brandit de nouvelles sanctions et de nouvelles taxes à l’importation (elle les met en application avec Airbus) mais a le regard tourné sur les prochaines élections présidentielles (affaire de L’Ukrainegate). L’Allemagne est préoccupée par le début de récession économique qui la frappe en raison des conséquences néfastes de la guerre commerciale sino-américaine sur son commerce extérieur. Le Royaume-Uni est monopolisé par le feuilleton du « Brexit ». L’Italie est en crise politique permanente. Le Japon ne sait plus sur quel pied danser. Le Canada fait de la présence. La France a réussi un « coup » avec la venue à Biarritz du ministre iranien des Affaires étrangères. Pour quel résultat ? Seul l’avenir le dira. Alors qu’il y a le feu à la Maison, les Sept grands nains jouent dans la forêt avec des allumettes et jurent la main sur le cœur, à l’américaine, qu’ils s’occupent sérieusement de l’avenir de la planète.
Situation économique et financière ou fermons les yeux
Aujourd’hui, « les cadres de pensée et les schémas institutionnels de la mondialisation chancellent, sans que de nouveaux ne se dessinent encore » avertit le Centre d’études prospectives et d’informations internationales (Cepii) dans son rapport annuel sur l’économie mondiale15. La déstabilisation du système commercial multilatéral va bien au-delà du tassement des échanges16. Au fil des mois, tous les indicateurs sont au rouge. Les risques de récession économique, voire de crise financière, ne sont pas négligeables. L’Allemagne voit son PIB stagner. Si cette situation se poursuivait, elle pourrait entraîner d’autres pays européens sur cette pente glissante. Le G7, dont la vocation initiale était de se concerter à haut niveau pour analyser la situation économique, avait toute son utilité. Si l’on n’y parle de tout et de rien au lieu de se concentrer sur ce qui est au cœur des préoccupations des citoyens, le risque est grand de voir survenir une crise de grande ampleur sans s’y être préparé. Est-ce normal, acceptable de réunir autant de monde à Biarritz pour un résultat aussi lamentable ? On ne peut vanter les mérites incontestés et incontestables de la diplomatie des clubs tout en n’utilisant pas ses réelles potentialités pour lui faire jouer son rôle d’enceinte de dialogue multilatéral, voire de concertation sur des orientations générales à faire ensuite décliner concrètement par les experts. Perdre son temps à des échanges de tweets sur la silhouette de Brigitte Macron avec les autorités brésiliennes semblait plus important aux yeux de son mari alors même qu’il y a le feu à la Maison et que les pompiers regardent ailleurs. L’addition se règlera un jour prochain, intérêt et principal lors des prochaines élections dans tous les pays membres du G7. Ses dirigeants auront la bonne excuse de parler des méfaits du « populisme » au lieu d’assumer la pleine et entière responsabilité de leurs actes ou, plus exactement, de leur absence d’actes pour ne pas dire de leurs renoncements. Le boomerang risque de revenir à la figure de nos politiciens de bas étage, incapable de se pencher sur les vrais maux du malade monde alors que l’OMC revoit ses prévisions de croissance des échanges à la baisse : 1,2% contre 2,6% envisagés initialement17. Le monde est malade mais il se remettra tout seul sans qu’on ne lui administre le moindre remède efficace pour le soulager.
Chine ou laissons faire Oncle Donald
Il aurait été utile que les Sept chefs d’État et de gouvernement tentent d’avoir une compréhension commune de la problématique chinoise, à la lumière des effets négatifs de la guerre commerciale sino-américaine sur l’économie mondiale et de la crise à Hongkong. Il y a bien longtemps déjà que ce sujet aurait dû faire l’objet d’échanges approfondis entre les ces États, les « nouvelles routes de la soie » étant un exemple concret de la volonté impériale chinoise18. Tel est l’objet même de ce dialogue qui a pour nom diplomatie. Emmanuel Macron aurait pu interroger Donald Trump sur sa feuille de route avec Pékin, sur une éventuelle concertation avec l’Union européenne pour donner plus de poids à une démarche occidentale en lieu et place d’être divisés. Nous n’avons pas l’impression que le sujet ait été abordé ou, s’il l’a été, nous n’en avons pas vu les résultats. Le risque est que les Américains s’entendent avec les Chinois (leur processus de négociation n’a jamais été interrompu) sur le dos des Européens et de l’OMC. Le risque est alors grand que cet accord ne soit négatif pour les Européens spectateurs d’une négociation entre les deux Grands. Le sujet du numérique est aussi important. Qu’en pensent les Européens ? Ont-ils une stratégie allant au-delà de généreuses pétitions de principe sans lendemain ? Le moins que l’on puisse dire est que le G7 aura été inutile de ce point de vue alors qu’il arrivait à point nommé pour faire un point utile sur tous les grands problèmes d’un monde en perte de repères. Encore une occasion ratée de faire jouer à la diplomatie de clubs toute sa partition afin de compenser les insuffisances du multilatéralisme universel. Tout ceci est d’autant plus surprenant que, le 2 octobre 2019, Washington lance son opération surtaxe contre les avions d’Airbus19.
Afrique ou le continent perdu
Le continent, dont on nous annonce année après année depuis son indépendance, qu’il va décoller, est toujours cloué à terre. Il est vrai qu’avec des Robert Mugabe (qui vient de décéder à Singapour)20 et autres autocrates dont la liste est longue, on comprend pourquoi l’Afrique est en panne et qu’elle doit prendre son destin en mains. Quel message réaliste et crédible, les Sept ont-ils adressé à l’Afrique sur tous les sujets d’intérêt général ? Aucun, si ce n’est d’avoir invité un Paul Kagame en signe de réconciliation au G24. L’Afrique est un vrai sujet qui n’a été traité autrement que par quelques photos sur papier glacé. Cela satisfait l’ego de Jupiter mais ne participe en rien à la solution d’un problème grave et lancinant. Encore un fois, la bonne vieille diplomatie du chien crevé au fil de l’eau, une variante de la maxime d’Henri Queuille : « Il n’est pas de problème dont l’absence de solution ne finisse par venir à bout ». Ils étaient Sept à Biarritz pour parler de lutte contre les inégalités. Mais, les pays où elles sont le plus criantes – Russie, Chine, Inde – étaient absents. Et l’Afrique ? L’Afrique profonde, celle qui a faim, celle qui souffre ? L’inégalité la plus grave frappe des populations qui fuient la guerre et la misère. Mais l’Europe s’est déchirée sur la question des réfugiés21. Que penser de l’expansion chinoise en Afrique, un vrai sujet ?22 Heureusement, Emmanuel Macron a saisi l’occasion de son dernier discours devant l’Assemblée générale de l’ONU (24 septembre 2019) pour informer la docte assemblée des résultats du G7 de Biarritz sur tous les sujets qui y ont été traités, y compris de l’Afrique23. Il aligne initiatives improbables, chiffres incompréhensibles, annonces extravagantes dans une parfaite opération d’enfumage diplomatique. Mais, ses collègues ne sont pas dupes. En deux ans, ils ont appris à connaître le personnage et sa propension à tirer la couverture à lui. Ils ont également appris à se méfier de ses brillants communiqués de victoire sur tous les fronts.
« Tout l’art de la politique est de se servir des conjonctures » clamait il y a fort longtemps notre bon roi Louis XIV. Manifestement, Emmanuel Macron a fait de cette pensée la colonne vertébrale de sa ligne politique globale. Si sur la scène intérieure, cette manière de procéder peut à la rigueur faire illusion (et encore à mesurer l’agitation qui sévit), sur la scène internationale, cela ne se passe pas. Cela se voit et cela peut vous revenir en boomerang sur la figure au moment où vous vous y attendez le moins. Rien n’y fait y compris lorsque le meilleur communicant d’Emmanuel Macron n’est autre qu’Emmanuel Macron comme nous le découvrons dans le reportage diffusé à toutes heures du jour et de la nuit sur BFM TV intitulé « Dans les coulisses du G7 de Biarritz ». Un morceau d’anthologie de la propagande officielle où nous retrouvons sa conseillère très spéciale, Alice Rufo bien connue des lecteurs assidus de notre site. La Fregoli de la haute fonction publique : un jour au Quai d’Orsay, le lendemain à la Cour des comptes ; un quinquennat à la cellule diplomatique de François Hollande, le lendemain à la cellule diplomatique d’Emmanuel Macron. Une experte du contorsionnisme qui mâche de manière peu élégante son chewing-gum devant les caméras et se prend très au sérieux alors qu’elle devrait se cacher. On comprend avec ce genre d’énergumène, qui n’a jamais mis les pieds dans une ambassade, pourquoi la diplomatie française est si mal en point et si incohérente. L’Histoire jugera avec objectivité tout ce qui restera de ce brillant sommet du G7 de Biarritz au-delà de la seule volonté diplomatique exprimée médiatiquement. Un mois après, il n’en reste déjà que l’écume des jours.
Guillaume Berlat
7 octobre 2019
1 Guillaume Berlat, G7 de Biarritz : plus de jeux que
d’enjeux !, www.prochetmoyen-orient.ch , 2 septembre 2019.
2 Virginie Malingre, Bruxelles envisage le pire, faute d’une relance des négociations, Le Monde, 6 septembre 2019, p. 3.
3 Jean-Pierre Chevènement, « La stratégie internationale de Macron : Du grand jeu ! », Marianne, 6-12 septembre 2019, pp. 32-33.
4 Bruno Meyerfeld, L’Amazonie continue de partir en fumée, En Amazonie, la lutte incertaine contre les feux, Le Monde, 8-9 septembre 2019, pp. 1 et 5.
5 Marie Delcas, Sept pays amazoniens, signent un « pacte » pour protéger la forêt, Le Monde, 8-9 septembre 2019, p. 5.
6 Richard Labévière, Iran : pourquoi une haine si tenace ?, www.prochetmoyen-orient.ch , 2 septembre 2019.
7 Gilles Paris, Nucléaire : Washington et Téhéran multiplient les gestes de défiance, Le Monde, 6 septembre 2019, p. 3.
8 Isabelle Lasserre, Après le G7 de Biarritz, la médiation française marque le pas, Le Figaro, 6 septembre 2019, p. 2.
9 Marc Semo, La tentative ratée d’appel entre Trump et Rohani, Le Monde, 3 octobre 2019, p. 5.
10 Un tango à New-York, Le Canard enchaîné, 2 octobre 2019, p. 2.
11 Philippe Gélie, Iran : comment Rohani a fait faux bond à Macron et à Trump, Le Figaro, 3 octobre 2019, p. 5.
12 Arnaud Montebourg, « Pour moi la mondialisation est terminée », Le Monde, 8-9 septembre 2019, p. 8.
13 Nathalie Guibert/Thomas Wieder, Fragile entente entre Merkel et Macron sur les épineuses exportations d’armes, Le Monde, 15-16 septembre 2019, p. 4.
14 Jacques Vuillemin, La Bande des Sept dans ses grandes œuvres et ses petits oublis, Courrier…, Marianne, 6-12 septembre 2019, p. 58.
15 Rapport du Cepii, L’économie mondiale 2020 : ralentissement sous haute tension, 2019.
16 Julien Bouissou, Une mondialisation sommée de se réinventer, Le Monde, Économie & Entreprise, 12 septembre 2019, p. 13.
17 Julien Bouissou, Trou d’air pour le commerce mondial, Le Monde, Économie & Entreprise, 3 octobre 2019, p. 19.
18 De Mao aux ambitions planétaires de Xi Jinping, Le Monde, Géopolitique, 29-30 septembre 2019, p. 20.
19 Véronique Guillemard, Washington autorisé à surtaxer les avions Airbus, Le Figaro, Économie, 3 octobre 2019, pp. 1-20-21-22
20 Éditorial, Zimbabwe : la tragédie de Mugabe, Le Monde, 8-9 septembre 2019, p. 28.
21 Jacques Vuillemin, Un G7 à côté de la plaque, Valeurs Actuelles, 12 septembre 2019, p. 87.
22 L’Afrique, un continent dans la toile de Pékin, Le Monde, Géopolitique, 15-16 septembre 2019, p. 18.
23 www.elysee.fr