On souligne à juste titre les horreurs commises par l’armée israélienne à Gaza. Ce qu’on voit moins, c’est l’effet désastreux que la guerre à tendance génocidaire a sur le moral des soldats.
Beaucoup de soldats envoyés en congé ne se représentent pas quand ils sont rappelés pour combattre à Gaza. Les horreurs commises, la dévastation de Gaza, la dureté des combats avec le Hamas et
les autres mouvements combattants palestiniens, tout cela se conjugue et débouche sur un refus de servir qui ne dit pas son nom et que les autorités ne combattent pas, de peur d’aggraver le
problème.
CNEWS juge utile
d’interroger Benjamin Netanyahu pour convaincre les Français de la justesse de la cause israélienne. Insupportable déversement de clichés au service de la barbarie: “Notre
victoire c’est votre victoire” dit le Premier ministre israélien en français, après avoir utilisé tous les clichés: défense de la civilisation, lutte contre des terroristes qui utilisent les
civils comme boucliers humains, aide alimentaire volée par le Hamas etc…
A part le fait de livrer un spectacle affligeant, qui débouche sur une critique d’Emmanuel Macron qu’elle ne cherche même pas à arrêter, Laurence Ferrari fait tout
sauf informer sur la guerre de Gaza.
La presse israélienne elle-même donne pourtant une toute autre image.
La profonde démoralisation de l’armée israélienne
The Cradle pointe
utilement l’article publié par Ha Maqom, journal religieux, sur le refus de retourner au front qui atteint maintenant de nombreux soldats:
Après un an de génocide à Gaza, de plus en plus de soldats israéliens refusent discrètement l’ordre de retourner combattre dans la bande de Gaza, se disant déprimés, épuisés,
psychologiquement endommagés et démotivés, selon un rapport du magazine Ha-Makompublié le 20 octobre.
Le magazine à orientation ultra-orthodoxe a interrogé plusieurs soldats et parents de soldats qui refusent de retourner à Gaza. Lorsqu’une section de 30 soldats de la brigade Nahal a
récemment reçu l’ordre d’entrer dans la bande de Gaza pour la dernière de plusieurs missions, seuls six d’entre eux se sont présentés au travail.
Le tableau qui est dressé est celui d’une guerre qui n’a plus de sens:
« J’appelle cela du refus et de la rébellion », déclare Inbal, la mère de l’un des soldats de la section.
« Ils retournent dans les mêmes bâtiments qu’ils ont nettoyés, ce qui les piège à chaque fois. Ils sont déjà allés trois fois dans le quartier d’Al-Zaytoun. Ils comprennent que c’est vain
et inutile. »
Bien qu’ils n’aient qu’un cinquième de leurs effectifs, le commandant a insisté pour qu’ils entrent dans Gaza.
« Comme il s’agissait d’une petite équipe, ils ne pouvaient pas partir en mission. Ils sont restés sur place et ont attendu que le temps passe. C’était encore plus inutile.
En plus de combattre les combattants du Hamas, les soldats israéliens ont démoli des immeubles résidentiels à l’aide d’explosifs, tiré sur des enfants, bombardé des hôpitaux et des écoles
accueillant des personnes déplacées, et détruit les infrastructures d’eau et d’électricité de Gaza.
Un parent d’un soldat à Nahal a déclaré que, selon son fils, « les salles sont vides. Tous ceux qui ne sont pas morts ou blessés ont subi des dommages mentaux. Il ne reste que très peu de
personnes qui sont retournées se battre. Et ils ne sont pas tout à fait bien non plus ».
Après l’invasion terrestre du Liban par Israël, au cours de laquelle de nombreux soldats ont déjà été tués ou blessés,
son fils lui a dit : « Je ne sais pas avec quelle armée ils envisagent d’entrer au Liban, mais je ne retournerai pas au bataillon ».
Le commandement de l’armée ne punit pas ceux qui quittent le service sans bruit
Le phénomène est suffisamment répandu pour que les autorités israéliennes laissent faire :
Selon les personnes interrogées par Ha-Makom, il
n’y a pas de mouvement parmi les soldats pour refuser de servir.
Au lieu de cela, l’un d’entre eux va tranquillement voir son commandant et lui dit qu’il n’est pas en mesure de se battre. Il est alors démis de ses fonctions et placé ailleurs à un poste
non combattant.
« Les choses se règlent au sein de l’unité. Cela arrive tout le temps. Il y a un abandon incessant et secret des combats », explique un parent.
Chez les mères, ce phénomène est appelé « refus silencieux » ou « refus gris ».
Aucune punition ni peine de prison n’a été infligée :
Les commandants font honte aux soldats qui disent ne plus pouvoir se battre. Les commandants disent qu’ils abandonnent leurs camarades et tentent de les convaincre de se battre, mais ne
prennent finalement aucune mesure à l’encontre des soldats.
« Deux mois avant lui, deux combattants de son équipe ont refusé et c’est ce qui lui a donné le courage. Pour l’instant, la plupart d’entre eux n’ont pas été mis en prison et le phénomène
est passé sous silence ».
Ha-Makom ajoute : « Après 12 mois consécutifs d’une guerre qui ne mène nulle part, les soldats sont “noirs”. En argot militaire, cela signifie qu’ils sont déprimés, épuisés et
démotivés ».
Une société israélienne rongée de l’intérieur
C’est le calcul que fait l’Iran et que font la Russie ou la Chine : A quoi bon déclencher une guerre totale contre Israël, alors que ses soldats refusent de
retourner au combat et des centaines de milliers de personne ont émigré depuis le 7 octobre ?
Pendant ce temps, cependant, le massacre des Palestiniens et des Libanais continue. Il ne suffit donc pas de laisser faire. Il est nécessaire d’appeler par leur nom
les horreurs qui se déroulent sous nos yeux. Il n’est pas fortuit qu’un journal religieux israélien en dise un peu plus que la majorité de la presse du pays. Mais c’est encore timide.
Les horreurs commises rongent leurs auteurs. C’est un phénomène bien connu dans les régimes totalitaires. Israël est une société qui reste relativement libre. Il
devrait donc être plus facile de provoquer des prises de conscience – qui seront dévastatrices pour le pouvoir. Bien loin des questions complaisantes de Madame Ferrari sur CNews.
«Il a quitté Gaza, mais Gaza ne l’a pas quitté» : Les soldats israéliens de retour de guerre luttent contre le
traumatisme et le suicide
CNN
publie un article sur les soldats israéliens incapables de surmonter les horreurs de la guerre dont ils ont été témoins. Eliran Mizrahi, 40 ans et père de quatre enfants, a été déployé à
Gaza après l’attaque de Hamas contre Israël le 7 octobre 2023. Il est revenu transformé, traumatisé par ce qu’il avait vu, et souffrait de troubles de stress post-traumatique. Avant
d’être redéployé, il a mis fin à ses jours, rapporte le journal.
Un père de quatre
enfants, déployé à Gaza le 7 octobre 2023, est revenu transformé
Eliran Mizrahi, un réserviste militaire israélien de 40 ans et père de quatre enfants, a été déployé à Gaza après l’attaque meurtrière menée par le Hamas
sur Israël le 7 octobre 2023. Sa famille a raconté à CNN qu’il
est revenu transformé, traumatisé par ce qu’il avait vu dans la guerre contre Hamas dans la bande de Gaza. Six mois après son premier déploiement, il luttait contre le syndrome de stress
post-traumatique (SSPT) à son retour chez lui. Avant de devoir être redéployé, il a mis fin à ses jours.
«Il a quitté Gaza,
mais Gaza ne l’a pas quitté. Et il est mort après, à cause du post-traumatisme», a déclaré sa mère, Jenny Mizrahi.
L’armée
israélienne fournit des soins aux soldats souffrant de SSPT
L’armée israélienne a déclaré qu’elle fournissait des soins à des milliers de soldats souffrant de SSPT ou de maladies mentales causées par le traumatisme
de la guerre. Il n’est pas clair combien d’entre eux ont mis fin à leurs jours, car les Forces de défense israéliennes (FDI) n’ont pas fourni de chiffres officiels.
«Beaucoup d’entre nous
ont très peur d’être redéployés dans une guerre au Liban», a déclaré un médecin des FDI qui a servi quatre mois à Gaza à CNN, sous
couvert d’anonymat en raison de la sensibilité du sujet. «Beaucoup d’entre nous
ne font pas confiance au gouvernement en ce moment».
Les soldats
israéliens témoignent des horreurs de la guerre
Les autorités israéliennes ont, avec de rares exceptions, fermé Gaza aux journalistes étrangers sauf sous escorte des FDI, rendant difficile la capture de
l’ampleur des souffrances palestiniennes ou des expériences des soldats là-bas. Les soldats israéliens qui ont combattu dans l’enclave ont raconté à CNN qu’ils
avaient été témoins d’horreurs que le monde extérieur ne peut jamais vraiment comprendre. Leurs récits offrent un aperçu rare de la brutalité de ce que les critiques ont appelé la «guerre
éternelle» du Premier ministre israélien Benjamin Netanyahou, et du coût intangible qu’elle impose aux soldats qui y participent.
Le parcours de
Mizrahi à Gaza
Mizrahi a été déployé à Gaza le 8 octobre dernier et a été chargé de conduire un bulldozer D-9, un véhicule blindé de 62 tonnes capable de résister aux
balles et aux explosifs.
Il a été civil la majeure partie de sa vie, travaillant comme gestionnaire dans une entreprise de construction israélienne. Après avoir été témoin des
massacres commis par Hamas, il a ressenti le besoin de combattre, a déclaré Jenny à CNN.
Le réserviste a passé 186 jours dans l’enclave jusqu’à ce qu’il subisse des blessures au genou, suivies de dommages auditifs en février lorsqu’une roquette
propulsée par grenade (RPG) a frappé son véhicule, a déclaré sa famille. Il a été retiré de Gaza pour traitement et, en avril, a été diagnostiqué avec un SSPT, recevant une thérapie par
la parole hebdomadaire.
Son traitement n’a pas aidé.
«Ils ne savaient pas
comment les traiter (les soldats)», a déclaré Jenny, qui vit dans la colonie israélienne de Ma’ale Adumim, en Cisjordanie occupée. «Ils (les soldats) ont
dit que la guerre était si différente. Ils ont vu des choses qui n’avaient jamais été vues en Israël».
Les symptômes de
Mizrahi
Lorsque Mizrahi était en permission, il souffrait de crises de colère, de sueurs, d’insomnie et de retrait social, a déclaré sa famille. Il a dit à sa
famille que seuls ceux qui étaient à Gaza avec lui pouvaient comprendre ce qu’il traversait.
«Il disait toujours,
personne ne comprendra ce que j’ai vu», a déclaré sa sœur, Shir, à CNN.
Jenny s’est demandé si son fils avait tué quelqu’un et ne pouvait pas le supporter.
«Il a vu beaucoup de
gens mourir. Peut-être qu’il a même tué quelqu’un. (Mais) nous n’apprenons pas à nos enfants à faire des choses comme ça», a-t-elle dit. «Alors, quand il a
fait ça, quelque chose comme ça, peut-être que c’était un choc pour lui».
Le témoignage de
Guy Zaken
Guy Zaken, l’ami de Mizrahi et co-conducteur du bulldozer, a fourni plus d’informations sur leur expérience à Gaza. «Nous avons vu des
choses très, très, très difficiles», a déclaré Zaken à CNN. «Des choses qui sont
difficiles à accepter».
L’ancien soldat a parlé publiquement du traumatisme psychologique enduré par les troupes israéliennes à Gaza. Dans un témoignage devant la Knesset, le
parlement israélien, en juin, Zaken a déclaré qu’à de nombreuses reprises, les soldats devaient «écraser des
terroristes, morts et vivants, par centaines».
«Tout
éclabousse», a-t-il ajouté.
Zaken dit qu’il ne peut plus manger de viande, car cela lui rappelle les scènes horribles dont il a été témoin depuis son bulldozer à Gaza, et qu’il a du
mal à dormir la nuit, le bruit des explosions résonnant dans sa tête.
«Quand vous voyez
beaucoup de viande à l’extérieur, et du sang… à la fois le nôtre et le leur (Hamas), cela vous affecte vraiment quand vous mangez», a-t-il dit à CNN, en se
référant aux corps comme de la «viande».
Le dilemme moral
des soldats
Lorsque les soldats rencontrent des civils, cependant, beaucoup sont confrontés à un dilemme moral, selon le médecin des FDI qui a parlé à CNN sous
couvert d’anonymat.
Il y avait une «attitude collective
très forte» de méfiance parmi les soldats israéliens envers les Palestiniens de Gaza, surtout au début de la guerre, a déclaré le médecin.
Il y avait une notion que les habitants de Gaza, y compris les civils, «sont mauvais, qu’ils
soutiennent Hamas, qu’ils aident Hamas, qu’ils cachaient des munitions», a déclaré le médecin.
Sur le terrain, cependant, certaines de ces attitudes ont changé «quand vous voyez
réellement des civils de Gaza devant vos yeux», ont-ils dit.
Le coût mental de
la guerre pour les civils de Gaza
Le coût mental de la guerre à Gaza est probablement énorme. Les groupes de secours et l’ONU ont à plusieurs reprises mis en lumière les conséquences
catastrophiques de la guerre sur la santé mentale des civils de Gaza, dont beaucoup avaient déjà été marqués par un blocus de 17 ans et plusieurs guerres avec Israël. Dans un rapport
d’août, l’ONU a déclaré que les expériences des habitants de Gaza défiaient les «définitions
biomédicales traditionnelles» du SSPT, «étant donné qu’il n’y
a pas de ‘post’ dans le contexte de Gaza».
Les réactions sur
les réseaux sociaux après le suicide de Mizrahi
Après que Mizrahi a mis fin à ses jours, des vidéos et des photos sont apparues sur les réseaux sociaux montrant le réserviste en train de démolir des
maisons et des bâtiments à Gaza et posant devant des structures vandalisées. Certaines des images, qui auraient été publiées sur ses comptes de réseaux sociaux désormais supprimés, sont
apparues dans un documentaire pour lequel il a été interviewé sur la chaîne 13 d’Israël.
Sa sœur, Shir, a déclaré qu’elle avait vu beaucoup de commentaires sur les réseaux sociaux accusant Mizrahi d’être «un meurtrier»,
le maudissant et répondant avec des émojis désagréables.
«C’était dur»,
a-t-elle dit, ajoutant qu’elle avait fait de son mieux pour l’ignorer. «Je sais qu’il avait
un bon cœur».
La guerre à Gaza
est différente des autres guerres d’Israël
Ahron Bregman, un scientifique politique au King’s College de Londres qui a servi dans l’armée israélienne pendant six ans, y compris pendant la guerre du
Liban de 1982, a déclaré que la guerre de Gaza est différente de toutes les autres guerres menées par Israël.
«Elle est très
longue», a-t-il dit, et elle est urbaine, ce qui signifie que les soldats combattent parmi de nombreuses personnes, «la grande majorité
d’entre elles sont des civils».
Les opérateurs de bulldozer sont parmi ceux qui sont les plus directement exposés à la brutalité de la guerre, a déclaré Bregman. «Ce qu’ils voient, ce
sont des gens morts, et ils les déblaient (avec) les débris», a-t-il dit à CNN. «Ils passent
dessus».
Pour beaucoup, la transition du champ de bataille à la vie civile peut être accablante, surtout après une guerre urbaine qui implique la mort de femmes et
d’enfants, a déclaré Bregman.
«Comment pouvez-vous
mettre vos enfants au lit quand, vous savez, vous avez vu des enfants tués à Gaza ?»
Le retour de
Mizrahi à Gaza
Malgré le SSPT de Mizrahi, sa famille a déclaré qu’il avait accepté de retourner à Gaza lorsqu’il a été rappelé. Deux jours avant qu’il ne soit censé être
redéployé, il s’est suicidé.
Dans sa maison, Jenny a dédié une pièce pour commémorer son fils décédé, avec des photos de son enfance et de son travail dans la construction. Parmi les
objets que sa mère a conservés, il y avait la casquette que Mizrahi portait lorsqu’il s’est tiré une balle dans la tête, les trous de balle clairement visibles.
La famille de Mizrahi a commencé à parler de sa mort après que les FDI ne lui aient pas accordé d’enterrement militaire, déclarant qu’il n’était pas
«en réserve
active». Ils ont ensuite révoqué leur décision.
Le journal israélien Haaretz a
rapporté que 10 soldats se sont suicidés entre le 7 octobre et le 11 mai, selon les données militaires obtenues par le journal.
Les suicides dans
les FDI
Interrogé par CNN sur le
nombre de suicides dans les FDI depuis la guerre, Uzi Bechor, psychologue et commandant de l’Unité de réponse au combat des FDI, a déclaré que le corps médical n’était pas autorisé à
fournir un chiffre, et que l’armée considère le taux de suicide comme largement inchangé.
«Le taux de suicide
dans l’armée est plus ou moins stable depuis cinq ou six ans», a déclaré Bechor, notant qu’il a en fait diminué au cours des 10 dernières années.
Même si le nombre de suicides est plus élevé, a-t-il dit, le ratio jusqu’à présent «est à peu près le
même que l’année précédente parce que nous avons plus de soldats».
«Cela ne signifie pas
qu’il y a une tendance à plus de suicides», a déclaré Bechor à CNN.
Il n’a pas fourni à CNN le
nombre de suicides ou leur taux. «Chaque cas pour nous
est déchirant», a-t-il dit.
Les blessés de
guerre et les problèmes de santé mentale
Néanmoins, plus d’un tiers de ceux qui sont retirés du combat sont trouvés avec des problèmes de santé mentale. Dans une déclaration en août, la division de
réhabilitation du ministère israélien de la Défense a déclaré que chaque mois, plus de 1000 nouveaux soldats blessés sont retirés du combat pour traitement, dont 35% se plaignent de leur
état mental, avec 27% développant «une réaction mentale
ou un syndrome de stress post-traumatique».
Il a ajouté que d’ici la fin de l’année, 14 000 combattants blessés seront probablement admis pour traitement, dont environ 40% devraient faire face à des
problèmes de santé mentale.
Plus de 500 personnes meurent par suicide en Israël et plus de 6000 autres tentent de se suicider chaque année, selon le ministère de la Santé du pays, qui
note qu’il y a une sous-déclaration d’environ 23% dans les chiffres mentionnés.
En 2021, le suicide était la principale cause de décès parmi les soldats des FDI, a rapporté le Times of Israel,
citant des données militaires montrant qu’au moins 11 soldats s’étaient suicidés cette année-là.
Les efforts du
ministère de la Santé pour démentir les rumeurs de suicides
Plus tôt cette année, le ministère de la Santé a cherché à «démystifier les
rumeurs de taux de suicide en hausse depuis le 7 octobre», déclarant que les cas signalés sont «des incidents isolés
dans les médias et sur les réseaux sociaux». Sans fournir de chiffres, le ministère a déclaré qu’il y avait «une diminution du
suicide en Israël entre octobre et décembre par rapport aux mêmes mois des années récentes».
Bregman, le vétéran de la guerre du Liban, a déclaré que le SSPT et d’autres problèmes de santé mentale sont maintenant plus faciles à aborder qu’au cours
des années 1970 et 1980 grâce à la diminution du stigmate. Pourtant, a-t-il dit, les soldats sortant de Gaza «porteront (leurs
expériences) pour le reste de leur vie».
Les soins
psychologiques pour les soldats traumatisés
Le médecin des FDI qui a parlé à CNN a
déclaré qu’il y avait un officier de santé mentale désigné pour chaque unité de l’armée pendant et après le déploiement. L’impact de la guerre persiste, a déclaré le médecin, avec des
soldats aussi jeunes que 18 ans souffrant de traumatismes mentaux à Gaza. Ils pleuraient souvent ou apparaissaient émotionnellement engourdis, a ajouté le médecin.
Normaliser
l’anormal
Bechor, le psychologue des FDI, a déclaré que l’une des façons dont l’armée aide les troupes traumatisées à reprendre leur vie est de tenter de «normaliser» ce
qu’elles ont vécu, en partie en leur rappelant les horreurs commises le 7 octobre.
«Cette situation n’est
pas normale pour les êtres humains», a déclaré Bechor, ajoutant que lorsque les soldats reviennent du champ de bataille avec des symptômes de SSPT, ils se demandent : «Comment puis-je
rentrer chez moi après ce que j’ai vu ? Comment puis-je m’engager avec mes enfants après ce que j’ai vu ?»
«Nous essayons de
normaliser cela et de les aider à se souvenir de leurs valeurs et pourquoi ils sont allés là-bas (à Gaza)», a-t-il dit à CNN.
Un
nombre croissant de soldats israéliens refusent discrètement l’ordre de retourner au combat à Gaza.
Après un an de génocide à Gaza, de plus en plus de soldats israéliens tentent discrètement de se soustraire au combat dans la bande de Gaza, se disant
déprimés, épuisés, psychologiquement affectés et démotivés, selon un rapport publié le
20 octobre par le magazine Ha-makom.
Le magazine à orientation ultra-orthodoxe a interrogé plusieurs soldats et parents de soldats qui refusent de retourner à Gaza. Récemment, lorsqu’une unité
de 30 soldats de la brigade Nahal a reçu l’ordre de se rendre à Gaza pour la dernière de plusieurs missions, seuls six d’entre eux se sont présentés à l’appel.
«J’appelle ça du refus
et de la rébellion», déclare
Inbal, la mère de l’un des soldats de la section.
«Ils repartent vers
les mêmes bâtiments déjà nettoyés, où ils sont à nouveau piégés. Ils sont déjà allés trois fois dans le quartier de Zeyton. Ils réalisent que c’est voué à l’échec et vide de
sens».
Bien que les effectifs soient réduits à un cinquième, le commandant a néanmoins insisté pour qu’ils entrent dans la bande de Gaza.
Ils sont restés sur place et ont attendu que le temps passe. Opération inutile.
Outre la lutte contre les combattants du Hamas, les soldats israéliens démolissent des immeubles résidentiels à l’aide d’explosifs, tirent sur les enfants,
bombardent les hôpitaux et les écoles accueillant des réfugiés et détruisent les infrastructures d’eau et d’électricité de Gaza.
Un parent d’un soldat de Nahal a déclaré que, selon son fils, «les bâtiments sont
vides. Tous ceux qui ne sont pas morts ou blessés ont subi des traumatismes mentaux. Rares sont ceux qui sont retournés au combat. Et ils ne se sentent pas vraiment bien non
plus».
Après l’invasion terrestre du Liban par Israël, au cours de laquelle de nombreux soldats ont déjà été tués et blessés, son fils lui a dit :
«Je ne sais pas avec
quelle armée ils envisagent d’entrer au Liban, mais je ne retournerai pas là-bas avec mon bataillon».
Selon les personnes interrogées par Ha-makom, le
refus de servir ne fait l’objet d’aucun consensus parmi les soldats.
Au contraire, l’un d’entre eux est allé tranquillement voir son commandant et lui dit qu’il n’est pas en mesure de se battre. Il est alors démis de ses
fonctions et affecté à un poste non combattant ailleurs.
«Les choses se règlent
au sein de l’unité. Cela arrive tout le temps. Les soldats abandonnent sans cesse le combat», explique un parent.
Chez les mères, ce phénomène est appelé «refus
silencieux» ou «refus
gris».
Les soldats sont démoralisés à l’idée de devoir retourner dans des zones de Gaza où ils se sont battus il y a plusieurs mois, et où ils étaient censés avoir
vaincu le Hamas.
«Retourner là-bas, à
Jabaliya, Zeyton et Shajaya, a brisé les soldats», explique Eidit, une mère de famille.
«C’est dans ces
secteurs qu’ils ont perdu leurs amis. La zone était déjà propre. Mais fallait la préserver. Ça les a beaucoup frustrés. Ce qui les abat, ce sont les conditions et la durée des combats,
dont on ne voit pas la fin. Personne ne peut savoir quand on en sortira, et cela fait déjà un an que ça dure. Sans parler des pertes et des scènes éprouvantes auxquelles ils assistent à
Gaza».
Yael, la mère d’un combattant d’une brigade de commandos, raconte que son fils lui a dit :
«Nous sommes comme des
cibles de choix au champ de tir. Nous ne savons pas ce que nous faisons ici. Les otages ne se ramènent pas une deuxième ou une troisième fois, et on voit bien que c’est sans fin, et les
soldats sont blessés et tués».
En mars, quatre combattants de l’unité ont été tués et des dizaines d’autres blessés lors de trois attaques distinctes.
Après son retour de Gaza, l’unité du soldat a été convertie en unité de réserve et renvoyée directement pour combattre dans l’enclave.
«Il a dit à son
commandant qu’il voulait rester combattant de réserve mais que, pour le moment, ce n’était pas possible à cause de ses parents, et qu’il ne pensait pas que ce soit utile de continuer. Il
a été libéré mais n’a pas reçu d’ordre 8», qui est un ordre de mobilisation des combattants de réserve.
Leurs commandants les humilient pour avoir abandonné leurs camarades et tentent de les convaincre de se battre, mais finalement, aucune mesure n’est prise
contre ces soldats.
«Deux mois avant lui,
deux combattants de son unité ont refusé de retourner au combat, et c’est ce qui lui a donné le courage. À l’heure actuelle, la plupart d’entre eux n’ont pas été mis en prison et le
phénomène est passé sous silence».
Ha-Makom ajoute
qu’«après
12 mois consécutifs d’une guerre qui ne mène nulle part, les soldats sont «noirs». En argot
militaire, cela signifie qu’ils sont déprimés, épuisés et démotivés».
«Au début, il était
très déterminé», raconte Ofer, le père d’un tireur d’élite de l’une des unités d’infanterie. Il disait :
«Notre travail est de
ramener les otages, notre travail est de nous venger, et il y est allé».
Le rapport de l’ONG B’Tselem publié cette semaine, «Bienvenue en
enfer», n’est pas seulement un rapport sur ce qui se passe dans les prisons israéliennes, c’est un rapport sur Israël. Quiconque veut savoir ce qu’est Israël devrait
lire ce rapport avant tout autre document sur la démocratie israélienne.
Quiconque veut se familiariser avec l’esprit du temps en Israël devrait noter comment la plupart des médias [israéliens,
NdT] ont ignoré le rapport, qui aurait dû susciter l’indignation et le choc en Israël. Même la documentation sur le viol collectif rapportée cette semaine par Guy Peleg
sur Channel 12
News ne montrait pas seulement le centre de détention de Sde Teiman. Elle montrait le visage du pays.
Si un rapport comme celui de B’Tselem a été presque totalement ignoré ici, et si même après les preuves montrées par Peleg, le débat sur la question de
savoir s’il est permis de détenir les soldats répignants présentés dans le rapport se poursuit – dans le programme du matin de Channel 12,
il y a eu une discussion sur qui est en faveur du viol et qui s’y oppose – alors la documentation de Peleg est une documentation sur le visage d’Israël 2024, son esprit et sa
semblance.
Malheureusement, même Peleg a continué à qualifier la victime du viol barbare de «terroriste» (après tout, il travaille pour Channel 12 News), bien
qu’il ait révélé un peu plus tôt que la victime du viol n’était pas un membre de la Nukhba [unité d’élite des Brigades
Ezzedine Al Qassem du Hamas qui aurait dirigé l’Opération Toufan Al Aqsa, terme entré dans le vocabulaire israélien après le 7 octobre, NdT] ou un commandant de compagnie – c’était un simple
policier de l’unité anti-drogue de Jabaliya. Il a donc été extrait parmi des dizaines de détenus qui gisaient menottés sur le sol, peut-être au hasard parce qu’il était le dernier de la rangée.
Pas de violence ni d’émeutes, comme les avocats indignes des suspects ont tenté de le faire croire.
Qu’avait fait exactement ce «terroriste» ? Et pourquoi était-il en prison ? Est-ce parce que son salaire est payé par le gouvernement de la bande de Gaza ? Ce sont
des questions qui ne devraient pas être posées. Mais l’image de son corps tremblant sous la douleur de la pénétration, qui a vacillé un instant tandis que les violeurs se cachaient derrière leurs
défenseurs, aurait dû torturer toutes les consciences.
Pas la conscience de la plupart des Israéliens, s’avère-t-il. Mardi, une fois de plus, une audience de la Haute Cour de justice portant sur la demande de fermeture
du centre de torture de Sde Teiman a été interrompue en raison des cris de l’assistance. «Le peuple est souverain», a crié la populace aux juges de la Haute Cour. Bientôt on verra des lynchages
sur les places des villes, menés par le souverain et soutenus par les médias. Dans les émissions télévisées du matin, on discutera de la légitimité du lynchage. Il y aura un orateur pour et un
orateur contre, dans nos médias équilibrés.
Un mari violent peut être charmant, impressionnant, aimé de tous ceux qui le connaissent et talentueux ; s’il bat sa femme ou ses enfants, c’est un mari violent.
Cette définition éclipse toutes les autres descriptions, sa violence définit son identité. Toutes ses autres caractéristiques sont oubliées à cause de sa violence.
Sde Teiman définit également Israël, plus que ses autres caractéristiques. C’est aussi comme cela qu’ils ont traité les personnes soupçonnées de harcèlement sexuel
dans le mouvement israélien #MeToo, qui a détruit les carrières et les vies d’hommes qui n’étaient que des suspects. Mais les violeurs de Sde Teiman ? Ce n’est pas un problème pour #MeToo – celui
qu’ils ont violé était un «terroriste».
Quand on lit les 94 pages du rapport de B’Tselem, qui vous fait perdre le sommeil, on comprend qu’il ne s’agit pas d’un incident exceptionnel, mais de la routine de
la torture, qui est devenue une politique. Contrairement à la torture pratiquée par le Shin Bet, qui avait vraisemblablement un but sécuritaire – obtenir des informations – ici, il s’agit
uniquement de satisfaire les pulsions sadiques les plus sombres et les plus malsaines. Regardez avec quel calme les soldats s’approchent pour exécuter leurs intentions malveillantes. Il y a aussi
des dizaines d’autres soldats qui ont vu et su et qui sont restés silencieux. Apparemment, ils ont également participé à des orgies similaires, d’après les dizaines de témoignages cités dans le
rapport de B’Tselem. C’est la routine.
L’indifférence à toutes ces choses définit Israël. La légitimation publique définit Israël. Dans le camp de détention de Guantanamo Bay ouvert par les USA après les
attentats du 11 septembre, neuf prisonniers ont été tués en 20 ans ; ici, c’est 60 détenus en 10 mois. Faut-il en dire plus ?
Des soldats décrivent l’absence quasi-totale de règles dans la guerre à Gaza, les soldats tirant à leur guise, brûlant les maisons, laissant des cadavres dans les rues, avec l’aval de
leur hiérarchie.
Début juin, Al-Jazeera a
publié une série de vidéos troublantes
révélant ce qu’il a qualifié d’«exécutions
sommaires», des soldats israéliens abattant plusieurs Palestiniens qui marchaient près de la route côtière dans la bande de Gaza, et en trois occasions distinctes. Dans chacun
des cas, les Palestiniens ne semblaient pas armés, et ne représentaient aucune menace imminente pour les soldats.
De telles images sont rares, en raison des contraintes
sévères auxquelles sont confrontés les journalistes dans l’enclave assiégée et du danger
permanent pour leur vie. Mais ces exécutions, qui ne semblent pas avoir de justification sécuritaire, correspondent aux témoignages de six soldats israéliens qui ont parlé
à +972
Magazine et à Local
Call après leur libération du service actif à Gaza au cours des derniers mois. Corroborant les témoignages de témoins
oculaires et de médecins palestiniens
tout au long de la guerre, les soldats ont déclaré avoir été autorisés à ouvrir le feu sur les Palestiniens pratiquement à volonté, y compris sur les civils.
Les six sources – à l’exception d’une seule parlant sous couvert d’anonymat – ont raconté comment les soldats israéliens exécutent régulièrement des
civils palestiniens simplement parce qu’ils pénètrent dans une zone que l’armée définit comme une «zone
interdite». Les témoignages dépeignent un
paysage jonché de cadavres de civils laissés à l’abandon ou dévorés par des animaux errants. L’armée ne les dissimule qu’avant l’arrivée des convois d’aide internationale,
afin que «les images de
personnes en état de décomposition avancée ne soient pas diffusées». Deux
des soldats ont également fait état d’une politique systématique consistant à incendier les maisons palestiniennes après les avoir occupées.
Plusieurs sources ont décrit que tirer sans restriction permet aux soldats de se défouler ou de rompre avec la monotonie de leur routine
quotidienne.
«Les gens veulent
vivre l’événement [à fond]», se souvient S., un réserviste qui a servi dans le nord de Gaza. «J’ai
personnellement tiré quelques balles sans raison, dans la mer, sur un trottoir ou un bâtiment abandonné. Ils disent qu’il s’agit de «tirs ordinaires», ce qui est un code pour dire «je
m’ennuie, donc je tire»».
Depuis les années 1980, l’armée israélienne refuse de divulguer ses règles en matière de tirs à balles réelles, malgré plusieurs pétitions adressées à
la Haute Cour de justice. Selon le sociologue politique Yagil
Levy, depuis la seconde Intifada, «l’armée n’a pas
donné aux soldats de règles d’engagement écrites», laissant ainsi une grande latitude à l’interprétation des soldats sur le terrain et de leurs commandants. En plus de contribuer
à l’assassinat de plus de 38 000 Palestiniens, des sources ont déclaré que ces directives laxistes étaient également en partie responsables du nombre élevé de soldats israéliens tués
par des tirs amis au cours des derniers mois.
Soldats
israéliens du 8717e bataillon de la brigade Givati opérant à Beit Lahia, dans le nord de la bande de
Gaza, lors d’une opération militaire, le 28 décembre 2023.
«La liberté
d’action était totale», a déclaré B., un autre soldat qui a servi dans les forces régulières à Gaza pendant des mois, y compris dans le centre de commandement de son
bataillon.
«S’il y a [ne
serait-ce] que la moindre sensation de menace, pas besoin de se justifier, il suffit de tirer». Lorsque les soldats voient quelqu’un s’approcher, «il est permis de
tirer sur le centre de gravité [du corps], pas en l’air», poursuit B.. «Il est permis de
tirer sur tout le monde, jeunes filles, femmes âgées».
B. a poursuivi en décrivant un incident survenu en novembre, au cours duquel des soldats ont tué plusieurs civils lors de l’évacuation d’une école
proche du quartier Zeitoun de la ville de Gaza, qui servait d’abri aux Palestiniens déplacés. L’armée avait ordonné aux personnes évacuées de sortir par la gauche, vers la mer, plutôt
que par la droite, où se trouvaient les soldats. Lorsqu’une fusillade a éclaté à l’intérieur de l’école, ceux qui ont fui le chaos qui s’est ensuivi ont été immédiatement pris pour
cible.
«Des rumeurs
circulaient selon lesquelles le Hamas voulait créer la panique», explique B.. «Une bataille
s’est engagée à l’intérieur, les gens ont fui. Certains sont partis vers la gauche, en direction de la mer, [mais] d’autres ont couru vers la droite, y compris des enfants. Tous ceux
qui sont allés à droite ont été tués – 15 à 20 personnes. Il y avait un amoncellement de corps».
B. a déclaré qu’il était difficile de distinguer les civils des combattants à Gaza, affirmant que les membres du Hamas «se promènent
souvent sans leurs armes». Mais
de ce fait, «tout homme âgé de
16 à 50 ans est soupçonné d’être un terroriste».
«Il est interdit
de se promener, et toute personne qui se trouve dehors est suspecte», poursuit B.. «Si nous voyons
quelqu’un nous regarder par une fenêtre, c’est suspect. On tire. Tout contact [avec la population] met les soldats en danger, et il faut donc faire en sorte qu’il soit interdit
d’approcher [les soldats] sous quelque prétexte que ce soit. [Les Palestiniens ndlr] ont compris que lorsque nous arrivons, ils doivent s’enfuir».
Même dans des zones apparemment non peuplées ou désertées de Gaza, les soldats se sont livrés à des tirs intensifs dans le cadre d’une procédure connue
sous le nom de «démonstration de
présence». S. a
témoigné que ses camarades soldats
«tiraient
beaucoup, même sans raison – quiconque veut tirer, quelle que soit la raison, fait feu». Dans
certains cas, a-t-il ajouté, cela avait pour but «de faire sortir
les gens [de leurs cachettes] ou de faire acte de présence».
M., un autre réserviste qui a servi dans la bande de Gaza, a expliqué que ces ordres émanaient directement des commandants de la compagnie ou du
bataillon sur le terrain.
«Les fusillades
sont fréquentes et débridées. Et pas seulement à l’arme légère : à coups de mitrailleuses, d’obus de mortier».
Même en l’absence d’ordres venant d’en haut, M. a témoigné que les soldats sur le terrain font régulièrement la loi eux-mêmes.
«Les soldats
ordinaires, les officiers subalternes, les commandants de bataillon – les soldats qui veulent tirer ont l’autorisation de le faire».
S. se souvient d’avoir entendu à la radio qu’un soldat stationné dans une enceinte sécurisée avait tiré sur une famille palestinienne qui se promenait à
proximité.
«Au début, ils
disent «quatre personnes», puis «deux enfants et deux adultes», et finalement ils parlent «d’un homme, d’une femme, et de deux enfants». Vous composez vous-même le
tableau».
Un seul des soldats interrogés dans le cadre de cette enquête a accepté d’être identifié par son nom : Yuval Green, un réserviste de 26 ans originaire
de Jérusalem qui a servi dans la 55e brigade de parachutistes en novembre et décembre de l’année dernière (Green a récemment co-signé une lettre de
41 réservistes exprimant leur refus de continuer à servir à Gaza, suite à l’invasion de Rafah par l’armée).
«Il n’y avait
aucune restriction sur les munitions», a déclaré Green à +972 et
à Local Call.
«Les
hommes tiraient juste pour tromper leur ennui».
Green a décrit un incident survenu une nuit pendant la fête juive de Hanoukka en décembre, lorsque
«tout le bataillon
a ouvert le feu simultanément comme un feu d’artifice, y compris avec des munitions traçantes [qui génèrent une lumière vive]. Cela a donné des couleurs folles, illuminant le ciel, et
parce que [Hanoukka] est la «fête des lumières», c’est devenu symbolique».
Soldats
israéliens du 8717e bataillon de la brigade Givati opérant à Beit Lahia, dans le nord de la bande
de Gaza, le 28 décembre 2023. (Yonatan Sindel/Flash90)
C., un autre soldat qui a servi à Gaza, a expliqué que lorsque les soldats entendaient des coups de feu, ils communiquaient par radio pour savoir s’il y
avait une autre unité militaire israélienne dans le secteur, et si ce n’était pas le cas, ils ouvraient le feu. «Les soldats
tiraient comme ils voulaient, à tour de bras». Mais comme le note C., la liberté de tir signifie que les soldats sont souvent exposés au risque considérable de tirs amis, qu’il
qualifie de «plus dangereux
que le Hamas». «À plusieurs
reprises, des soldats de Tsahal ont tiré dans notre direction. Nous n’avons pas réagi, nous avons vérifié à la radio mais personne n’a été blessé».
À l’heure où nous écrivons ces lignes, 324 soldats israéliens ont été tués à Gaza depuis le début de l’invasion terrestre, dont au
moins 28 par des tirs amis, selon l’armée. D’après l’expérience de Green, ce type d’incident est le «principal
facteur» de mise en danger de la vie des soldats. «Il y a eu
beaucoup [de tirs amis], ça m’a rendu fou», a-t-il déclaré.
«Ils m’ont parlé
d’une pratique consistant à faire exploser les tunnels, et je me suis dit que s’il y avait des otages [dans ces tunnels], cela les tuerait».
Après que les soldats israéliens à Shuja’iyya ont tué trois otages agitant des drapeaux blancs en décembre, pensant
qu’il s’agissait de Palestiniens, Green dit avoir été furieux, mais on lui a dit «on ne peut rien y
faire». Les commandants ont affiné les procédures en disant : «Montrez-Vous
attentifs et réactifs, nous sommes dans une zone de combat, restons vigilants».
B. confirme que même après l’incident de Shuja’iyya, «contraire aux
ordres» de l’armée, les règles relatives aux tirs à découvert n’ont pas changé.
«Quant aux otages,
nous n’avions pas de directive spécifique», se souvient-il. «Les hauts gradés
de l’armée ont déclaré qu’après la fusillade sur les otages, ils ont informé [les soldats sur le terrain]. [Mais ils ne nous ont rien dit]».
Lui et ses compagnons de combat n’ont entendu parler des tirs sur les otages que deux semaines et demie après l’incident, une fois qu’ils ont quitté
Gaza.
«J’ai entendu des
déclarations [d’autres soldats] disant que les otages étaient morts, qu’ils n’avaient aucune chance, et qu’ils ont été abandonnés», a indiqué Green. «C’est ce qui m’a
le plus dérangé… ils n’arrêtaient pas de dire : «Nous sommes ici pour les otages», mais il est clair que la guerre nuit aux otages. C’est ce que je pensais à l’époque, et aujourd’hui,
cela s’avère fondé».
Soldats
israéliens du 8717e bataillon de la brigade Givati opérant à Beit Lahia, dans le nord de la bande
de Gaza, le 28 décembre 2023. (Yonatan Sindel/Flash90)
A., un officier qui a servi dans la direction des opérations de l’armée, a témoigné que la salle des opérations de sa brigade – qui coordonne les
combats depuis l’extérieur de Gaza, en approuvant les attaques et en prévenant les tirs amis – n’a pas reçu d’ordres clairs concernant la conduite à tenir en cas de fusillade, pour
les transmettre aux soldats sur le terrain.
«À partir du
moment où nous avons pénétré dans le périmètre, il n’y a jamais eu de briefing», a-t-il déclaré. «Nous n’avons pas
reçu d’instructions de la hiérarchie à transmettre aux soldats et aux commandants de bataillon».
Il a noté que des instructions avaient été données pour ne pas tirer sur les itinéraires humanitaires, mais qu’ailleurs,
«on remplit les
blancs, en l’absence de toute autre directive. C’est selon le
principe «Si on l’interdit ailleurs, ici, on peut»».
A. explique que les tirs sur «les hôpitaux, les
cliniques, les écoles, les institutions religieuses [et] les bâtiments des organisations internationales» requièrent tout de même une autorisation spéciale. Mais dans la
pratique,
«je peux compter
sur les doigts d’une main les cas où l’on nous a dit de ne pas tirer. Même pour des bâtiments sensibles comme les écoles, [l’autorisation] n’est qu’une formalité».
«En général»,
poursuit A., «l’état d’esprit
qui règne dans la salle des opérations est le suivant : «Tirez d’abord, posez des questions ensuite». Personne ne versera de larme si nous détruisons une maison alors que ce n’était
pas nécessaire, ou si nous tirons sur quelqu’un qu’on n’avait pas besoin d’abattre».
A. a déclaré qu’il avait connaissance de cas où des soldats israéliens avaient tiré sur des civils palestiniens entrés dans leur zone d’opération, ce
qui correspond à l’enquête
deHaaretz sur
les «zones de
mort» dans les secteurs de Gaza occupés par l’armée.
«C’est la règle
par défaut. Aucun civil n’est censé se trouver dans la zone, c’est le principe. Si nous repérons quelqu’un à une fenêtre, alors on tire, et on le tue».
A. ajoute que les rapports ne permettent pas toujours de savoir si les soldats ont tiré sur des militants ou sur des civils non armés – et «souvent, on sent
bien que la personne a été piégée dans un contexte et qu’on a ouvert le feu».
Mais cette ambiguïté sur l’identité des victimes signifie que, pour A., les rapports militaires sur le nombre de membres du Hamas tués ne sont pas
fiables.
«Dans la salle de
commandement, chaque personne tuée est considérée comme un terroriste», a-t-il témoigné.
«L’objectif est de
comptabiliser le nombre de [terroristes] tués dans la journée», a poursuivi A.. «Chaque soldat
veut montrer qu’il est le meilleur. On considère que tous les hommes sont des terroristes. Parfois, un commandant demande soudainement des chiffres, et l’officier de la division court
alors de brigade en brigade pour parcourir la liste du système informatique militaire et faire le décompte».
Le témoignage d’A. corrobore un
reportage récent du média israélienMako,
concernant une frappe de drone par une brigade qui a tué des Palestiniens dans la zone d’opération d’une autre brigade. Des officiers des deux brigades se sont consultés pour savoir
laquelle devait enregistrer les exécutions.
«Qu’est-ce que ça
peut faire ? Enregistrez-les tous les deux», a
déclaré l’un d’eux à l’autre, indique la publication.
Au cours des premières semaines suivant l’attaque du 7 octobre menée par le Hamas, se souvient A., «on se sentait
très coupables que cela se soit produit sous notre surveillance», un sentiment partagé par le grand public israélien – et qui s’est rapidement mué en volonté de
représailles.
«L’ordre de se
venger n’a pas été explicite», a déclaré A., «mais lorsqu’il
faut prendre une décision, les instructions, les ordres et les protocoles [concernant les affaires «sensibles»]
n’ont qu’une faible incidence».
Lorsque des drones diffusaient des images d’attaques à Gaza, «il y avait des
cris de joie dans la salle de commandement», a
déclaré A.. «De temps en
temps, un bâtiment s’effondre… et l’on se dit : ‘Wow, c’est dingue, trop bien’».
Palestiniens sur
le site d’une mosquée détruite par une frappe aérienne israélienne, près du camp de réfugiés
de Shaboura à Rafah, dans le sud de la bande de Gaza, le 26 avril 2024.
A. relève l’ironie selon laquelle ce qui a motivé les appels à la vengeance des Israéliens, c’est la conviction que les Palestiniens de Gaza se sont
réjouis des morts et des destructions du 7 octobre. Pour justifier l’absence de distinction entre civils et combattants, les gens ont recours à des déclarations telles que «Ils ont distribué
des bonbons», «Ils ont dansé le
7 octobre» ou encore «Ils ont élu le
Hamas»… Pas tout le monde, mais bon nombre de gens pensent que l’enfant d’aujourd’hui [est] le terroriste de demain.
«Moi aussi, soldat
plutôt de gauche, j’ai très vite oublié qu’il s’agissait de vraies maisons [à Gaza]», dit A. à propos de son expérience dans la salle de commandement. «J’avais
l’impression d’être dans un jeu vidéo. Ce n’est qu’au bout de deux semaines que j’ai réalisé que ces bâtiments en train de s’effondrer étaient bien réels : s’il y a des habitants
[dedans], alors [les bâtiments se sont écroulés] sur eux, et si ce n’est pas le cas, ils se sont effondrés avec tout ce qu’ils contenaient».
Plusieurs soldats ont témoigné que la politique de tir permissive a habilité les unités israéliennes à tuer des civils palestiniens, même lorsqu’ils
sont identifiés comme tels au préalable. D., réserviste, a déclaré que sa brigade était stationnée à proximité de deux couloirs de circulation dits «humanitaires»,
l’un pour les organisations d’aide, et l’autre pour les civils fuyant du nord vers le sud de la bande de Gaza. Dans la zone opérationnelle de sa brigade, une politique de «ligne rouge,
ligne verte» a été mise en place, délimitant des zones où il était interdit aux civils de pénétrer.
Selon D., les organisations humanitaires étaient autorisées à se rendre dans ces zones moyennant une coordination préalable (l’interview a été réalisée
avant qu’une série de frappes de précision israéliennes ne tue sept
employés de la World Central
Kitchen), mais pour les Palestiniens, c’était différent.
«Quiconque
traversait la zone verte devenait une cible potentielle», explique D., affirmant que ces zones étaient signalées aux civils. «S’ils
franchissent la ligne rouge, vous le signalez à la radio et vous n’avez pas besoin d’attendre la permission, vous pouvez tirer».
Pourtant, D. affirme que des civils se rendent souvent dans les zones où passent les convois d’aide afin de récupérer les restes qui pourraient tomber
des camions. Néanmoins, la politique consiste à tirer
sur quiconque tente d’entrer.
«Les civils sont
clairement des réfugiés, ils sont désespérés, ils n’ont plus rien», a-t-il déclaré. Pourtant, au cours des premiers mois de la guerre, «il y avait chaque
jour deux ou trois incidents impliquant des innocents ou des personnes soupçonnées d’avoir été envoyées par le Hamas comme guetteurs», sur lesquels tiraient les soldats de son
bataillon.
Les soldats ont témoigné que dans toute la bande de Gaza, des cadavres de Palestiniens en civil sont restés éparpillés le long des routes et sur les
terrains vagues.
«Toute la zone
était jonchée de cadavres», a déclaré S., un réserviste. «Des chiens, des
vaches et des chevaux ont également survécu aux bombardements et n’ont nulle part où aller. Nous ne pouvons pas les nourrir et nous ne voulons pas non plus qu’ils s’approchent trop
près. C’est pourquoi on voit parfois des chiens se promener avec des morceaux de corps en décomposition. Il y règne une effroyable odeur de mort».
Décombres de
maisons détruites par des frappes aériennes israéliennes dans la zone de Jabalia, dans
le nord de la bande de Gaza, le 11 octobre 2023.
Mais avant que les convois humanitaires n’arrivent, les corps sont enlevés.
«Un D-9 [bulldozer
Caterpillar] arrive avec un char, et nettoie la zone des cadavres, les enterre sous les décombres ou les pousse sur le côté pour que les convois ne les voient pas – [pour que] les
images de personnes à un stade avancé de décomposition ne soient pas diffusées», raconte-t-il.
«J’ai vu beaucoup
de civils [palestiniens] tués – des familles, des femmes, des enfants», poursuit S.. «Il y a bien plus
de morts que ce qui est publié. Nous étions dans un petit périmètre. Chaque jour, au moins un ou deux [civils] étaient tués [parce qu’ils] marchaient dans une zone interdite. Je ne
sais pas qui est terroriste et qui ne l’est pas, mais en général, ils ne portaient pas d’armes».
Green a déclaré que lorsqu’il est arrivé à Khan Younis à la fin du mois de décembre,
«nous avons vu une
masse indistincte à l’extérieur d’une maison. Nous avons réalisé qu’il s’agissait d’un corps en distinguant une jambe. La nuit, des chats l’ont mangé. Puis quelqu’un est venu et l’a
déplacé».
Une source non militaire qui a parlé à +972 et
à Local
Call après s’être rendue dans le nord de Gaza a également rapporté avoir vu des corps éparpillés dans les environs.
«Près du camp
militaire situé entre le nord et le sud de la bande de Gaza, nous avons vu une dizaine de gens abattus d’une balle dans la tête, apparemment par un tireur embusqué, [sans doute alors
qu’ils] tentaient de retourner vers le nord», a-t-il déclaré. «Les corps étaient
en décomposition, des chiens et des chats traînaient autour».
«Ils ne s’occupent
pas des corps», a déclaré B. à propos des soldats israéliens à Gaza. «S’ils gênent, ils
sont poussés sur le côté. Les morts ne sont pas enterrés. Les soldats marchent sur les corps par inadvertance».
Le mois dernier, Guy Zaken, un soldat qui conduisait des bulldozers D-9 à Gaza, a témoigné devant
une commission de la Knesset que lui et son équipe avaient «écrasé des
centaines de gens, morts ou vivants». Un autre soldat avec lequel il a servi s’est ensuite suicidé.
Deux des soldats interrogés dans le cadre de cet entretien ont également décrit comment l’incendie des maisons palestiniennes est devenu une pratique
courante parmi les soldats israéliens, comme l’a rapporté Haaretz pour
la première fois en janvier. Green a été personnellement témoin de deux cas de ce genre – le premier à l’initiative d’un soldat et le second sur ordre du commandement – et sa
frustration à l’égard de cette politique est l’une des raisons qui l’ont poussé à refuser de poursuivre son service militaire.
Selon son témoignage, lorsque les soldats investissent une maison, la politique est la suivante : «Quand vous
partez, brûlez la maison». Pour Green, cela n’avait aucun sens : «en aucun
cas» le centre du camp de réfugiés ne pouvait faire partie d’une zone de sécurité israélienne qui aurait pu justifier une telle destruction.
«Nous sommes dans
ces maisons non pas parce qu’elles appartiennent à des combattants du Hamas, mais parce qu’elles nous servent sur le plan opérationnel», a-t-il fait remarquer. «Ce sont des
maisons de deux ou trois familles – les détruire signifie qu’elles se retrouveront sans abri».
«J’en ai parlé au
commandant de ma compagnie, qui m’a répondu qu’aucun équipement militaire ne pouvait être laissé sur place si nous ne voulons pas que l’ennemi découvre nos stratégies de combat»,
a poursuivi le lieutenant-colonel Green. «J’ai dit que je
procéderai à une fouille [pour m’assurer] qu’aucune [preuve de] nos stratégies de combat ne reste sur place. [Le commandant de la compagnie m’a donné des explications tirées tout
droit d’un appel à la vengeance. Il a déclaré qu’on les brûleraient parce que des D-9 ou des dispositifs explosifs spéciaux du génie [qui auraient pu détruire la maison par d’autres
moyens] n’étaient pas disponibles. Il a reçu des ordres, et cela ne l’a pas perturbé».
«Avant de partir,
on brûle la maison – toutes les maisons», répète B. «Ces ordres sont
confirmés par les commandants de bataillon, pour que les Palestiniens ne puissent pas revenir, et qu’au cas où nous aurions laissé des munitions ou de la nourriture, les terroristes
ne puissent pas s’en servir».
Avant de partir, les soldats empilent matelas, meubles et couvertures, et «avec du carburant
ou des bouteilles de gaz», note B., «la maison brûle
sans problème, une vraie fournaise».
Au début de l’invasion terrestre, sa compagnie occupait les maisons quelques jours, puis repartait. Selon B., ils «ont brûlé des
centaines de maisons. Il est arrivé que des soldats mettent le feu à un étage et que d’autres soldats se trouvant un étage au-dessus soient obligés de fuir à travers les flammes dans
les escaliers ou s’asphyxient avec la fumée».
Green a déclaré que les destructions laissées par l’armée à Gaza étaient «inimaginables».
Au début du conflit, a-t-il raconté, les soldats avançaient entre des maisons situées à 50 mètres les unes des autres, et de nombreux soldats «les considéraient
[comme] une
boutique de souvenirs», pillant tout ce que les habitants n’avaient pas réussi à emporter avec eux.
«Au bout d’un
moment, on meurt d’ennui, [après] des jours d’attente», a déclaré Green. «On dessine sur
les murs, on écrit des grossièretés. On joue avec les vêtements, on trouve les photos d’identité oubliées, on accroche la photo de quelqu’un parce que c’est drôle. Nous utilisions
tout ce que nous trouvions : matelas, nourriture, l’un d’entre nous a trouvé un billet de 100 NIS (environ 27 dollars) et l’a pris».
«Nous détruisions
tout ce que nous voulions», explique Green. «Pas par désir de
détruire, mais par pure indifférence pour tout ce qui appartient aux [Palestiniens]. Chaque jour, un D-9 démolit des maisons. Je n’ai pas pris de photos avant et après, mais je
n’oublierai jamais un très beau quartier … réduit à l’état de poussière».
Le porte-parole de l’armée israélienne a répondu à notre demande de commentaire par la déclaration suivante :
«Des instructions
de tir à découvert ont été données à tous les soldats des Forces de défense israéliennes qui se battent dans la bande de Gaza et sur les frontières au moment de leur engagement dans
les combats. Ces instructions reflètent le droit international que les troupes israéliennes sont tenues de respecter. Les instructions de tir à découvert sont régulièrement revues et
mises à jour à la lumière de l’évolution de la situation opérationnelle et du renseignement, et approuvées par les plus hauts responsables de l’armée israélienne.
«Les instructions
relatives aux tirs à découvert apportent une réponse pertinente à toutes les situations opérationnelles et permettent à nos unités de disposer, en cas de risque, d’une liberté
d’action opérationnelle totale pour éliminer les menaces. Ces instructions donnent aux soldats les moyens de faire face à des situations complexes en présence de la population civile,
et mettent l’accent sur une réduction des risques pour les personnes non identifiées comme ennemies, ou qui ne représentent pas de menace pour leur vie. Les directives de base
relatives aux instructions de tir à découvert telles que celles décrites dans la question ne sont pas identifiées et, dans la mesure où elles ont été transmises, sont en contradiction
avec les ordres de l’armée.
«Tsahal enquête
sur leurs activités et tire des leçons des événements opérationnels, y compris l’événement tragique du meurtre accidentel de feu Yotam Haim, Alon Shamriz, et Samer Talalka. Les
conclusions de l’enquête sur l’incident ont été transmises aux forces de combat sur le terrain afin d’éviter que ce type d’incident ne se reproduise.
«Dans le cadre de
la destruction des capacités militaires du Hamas, il est nécessaire, entre autres, de détruire ou d’attaquer les bâtiments où l’organisation terroriste installe des infrastructures de
combat. Il s’agit également des bâtiments que le Hamas convertit régulièrement en QG de combat. Par ailleurs, le Hamas utilise systématiquement à des fins militaires des bâtiments
publics censés servir à des fins civiles. Les ordres de l’armée réglementent le processus d’approbation, de sorte que les dégradations de sites sensibles doivent être approuvées par
des commandants haut gradés qui prennent en compte l’impact des dommages causés à la structure sur la population civile, et ce face à la nécessité militaire d’attaquer ou de démolir
la structure. La prise de décision de ces commandants supérieurs se fait de manière méthodique et réfléchie.
«L’incendie de
bâtiments non nécessaires à des fins opérationnelles va à l’encontre des ordres de l’armée et des valeurs de Tsahal.
«Dans le cadre des
combats et sous réserve des ordres des armées, il est possible d’utiliser les biens de l’ennemi à des fins militaires vitales, ainsi que de s’emparer des biens d’organisations
terroristes comme butin de guerre sous réserve des ordres de l’armée. Par ailleurs, la prise de biens à des fins privées constitue un acte de pillage et est interdite par la loi sur
la juridiction militaire. Les incidents au cours desquels les soldats ont agi de manière non conforme aux ordres et à la loi feront l’objet d’une enquête».
Les publications israéliennes +972
Magazine et Local
Call ont interrogé six soldats libérés du service actif qui ont donné des récits détaillés de la façon dont ils ont attaqué des civils à Gaza.
Contestant les affirmations répétées des responsables israéliens et de leurs partisans véhéments au sein de l’administration Biden qui ont honteusement démenti que les forces de
défense ciblent les civils à Gaza et
ailleurs en Palestine occupé, un reportage approfondi publié lundi, basé sur le témoignage de six anciens soldats de Tsahal, décrit comment ils étaient encouragés à tirer avec leurs
armes pour se «soulager de
l’ennui» et qu’ils se sentaient «autorisés à
ouvrir le feu sur les Palestiniens pratiquement à volonté, y compris sur les civils».
Dans leur dernier rapport
d’enquête sur les règles d’engagement de Tsahal à Gaza, publications israéliennes +972
Revue et Appel
local a interrogé six soldats qui avaient été libérés du service actif.
Les prestataires médicaux et les témoins oculaires ont décrit les
tirs ciblant les femmes et les enfants palestiniens par des tireurs d’élite israéliens, et des images ont montré des
Palestiniens non armés exécutés alors qu’ils marchaient le long d’une route. Les soldats ont confirmé que Tsahal opère, depuis octobre, avec «une totale
liberté d’action», comme l’un d’entre eux l’a dit.
«S’il y
a [ne serait-ce] qu’un sentiment de menace, il n’est pas nécessaire de l’expliquer : il suffit de tirer», a déclaré un soldat identifié comme étant B.
Si les soldats voient une personne approcher et ne savent pas si elle est armée ou représente une menace, «il est permis de
tirer sur son centre de masse [son corps], pas en l’air… Il est permis de tirer sur tout le monde, une jeune fille, une vieille femme, etc.» dit B.
Les soldats ont déclaré qu’ils tiraient parfois avec leurs armes comme «un moyen de se
défouler ou d’atténuer l’ennui de leur routine quotidienne», un réserviste affirmant qu’ils voulaient «vivre l’événement
[pleinement]».
Le réserviste a décrit avoir tiré «sans raison»
par moments, «dans la mer, sur
le trottoir ou dans un bâtiment abandonné», tandis qu’un soldat identifié comme S. a déclaré que Tsahal s’engagerait dans une tactique appelée «démonstration de
présence», dans laquelle ils tireraient à plusieurs reprises avec leurs armes pour montrer à tous les Palestiniens dans la zone qu’ils étaient là.
Ils «tireraient
beaucoup, même sans raison – quiconque veut tirer, quelle qu’en soit la raison, il tire», a déclaré S.
Le rapport fait suite à la publication d’une analyse par des experts médicaux dans The Lancet,
qui a déclaré que le bilan des morts à Gaza – officiellement plus de 38 000 – pourrait être en réalité d’environ 150 000 personnes en raison des Palestiniens qui sont morts de faim,
ou qui sont morts de problèmes médicaux, n’ayant pas pu être soignés en raison de la destruction du système de santé et ont succombé à d’autres impacts «indirects»
de la guerre..
La journaliste d’Al
Jazeera Laila Al-Arian a déclaré que les aveux des soldats israéliens au +972 ne font que confirmer ce qui «était clair
depuis le début».
«Les
soldats israéliens à Gaza partent du principe qu’ils peuvent tuer tout ce qui bouge et que chaque Palestinien est une proie facile pour le massacre», a-t-elle déclaré.
Soldats
israéliens autour de la bande de Gaza, le 7 octobre
Les soldats ont également décrit avoir exécuté «systématiquement»
des civils palestiniens parce qu’ils étaient entrés dans une zone désignée «zone
interdite» par l’armée israélienne, et avoir laissé leur environnement «jonché de
cadavres de civils, qui sont laissés pourrir ou mangés par des animaux errants».
Les soldats ont reçu pour instruction de cacher les corps à l’arrivée des groupes humanitaires internationaux, afin de s’assurer que «des images de
personnes à un stade avancé de pourriture ne soient pas révélées».
S. a déclaré avoir «vu beaucoup de
civils tués sans raison – des familles, des femmes, des enfants» et a confirmé qu’«il y a plus de
morts que ce qui est rapporté».
«Chaque
jour, au moins un ou deux [civils] sont tués [parce que] ils marchaient dans une zone interdite. Je ne sais pas qui est un terroriste et qui ne l’est pas, mais la plupart d’entre eux
ne portaient pas d’armes», a-t-il déclaré.
B dit à +972 et Appel
local que l’armée soupçonne tout homme âgé de 16 à 50 ans d’être un terroriste et traite toute personne se promenant à l’extérieur ou regardant les FDI depuis un bâtiment
comme suspecte – et comme une cible légitime.
«Vous
tirez d’abord», a déclaré B. «La perception [de
l’armée] est que tout contact [avec la population] met les forces en danger, et il faut créer une situation dans laquelle il est interdit d’approcher [les soldats] en aucune
circonstance».
Le rapport fait suite aux révélations précédentes des médias israéliens sur l’action de Tsahal de l’utilisation
de l’intelligence artificielle pour cibler les Palestiniens, sans se soucier des civils qui pourraient être tués lorsque
des membres présumés du Hamas ont été attaqués à leur domicile.
Un soldat identifié comme A. a déclaré que travailler aux côtés des commandants dans une salle d’opérations et déterminer quels bâtiments devaient être frappés «ressemblait à un
jeu informatique».
«Moi
aussi, militaire plutôt de gauche, j’oublie très vite que ce sont de vraies maisonsabritant de vrais
êtres humains», estime A.
«Ce n’est qu’au
bout de deux semaines que j’ai réalisé qu’il s’agissait de [véritables] bâtiments qui tombaient : s’il y avait des habitants [à l’intérieur], alors [les bâtiments s’effondraient] sur
leur tête».
Yuval Green, qui a servi dans la 55e brigade de parachutistes à la fin de l’année dernière et a signé le mois dernier une lettre avec 40 autres réservistes refusant de participer à
l’invasion de Rafah, a déclaré que les soldats
avaient reçu l’ordre d’incendier les maisons qu’ils occupaient.
«Si
vous faites déménager, vous devez incendier la maison», a-t-il déclaré, ajoutant que cette politique n’avait pas de sens à ses yeux dans le cadre d’une opération censée viser le
Hamas.
«Nous
sommes dans ces maisons non pas parce qu’elles appartiennent à des membres du Hamas, mais parce qu’elles nous servent sur le plan opérationnel», a déclaré Green. «C’est une maison
de deux ou trois familles. La détruire signifie qu’elles se retrouveront sans abri».
Tariq Kenney-Shawa, analyste politique s’est adressé à
ceux qui pourraient être surpris que «les soldats
israéliens admettent si facilement leurs crimes de guerre».
«C’est
simple», a déclaré Kenney-Shawa. «Ils n’ont jamais
subi de conséquences. Personne ne leur demande de comptes pour leurs massacres».
Yael Berta, de Middle East
Initiative, a déclaré que la dernière dépêche du +972 concernant
les ordres donnés aux soldats de Tsahal n’est probablement qu’une fraction de la vérité qui finira par éclater sur la guerre à Gaza.
«Je
suis presque sûre que nous ne savons pas la moitié de ce qui s’est passé pendant ces neuf mois à Gaza», a-t-elle déclaré.