"L'OBS" - Violette Lazard - Publié le 15 juillet 2016
Au lendemain de l'attaque au camion à Nice, qui a fait au moins 84 morts, le président de la commission d'enquête parlementaire sur les attentats de 2015, le député Les Républicains Georges Fenech, monte au créneau pour dénoncer "l'inanité" des mesures d'urgence annoncées par François Hollande face à la menace djihadiste.
Vous venez tout juste d'achever votre rapport sur les moyens de lutte contre le terrorisme et un nouvel attentat se produit. Quels sont les dysfonctionnements ?
En dehors de la tristesse immense que je ressens, je suis aujourd’hui très amer. Nous avons remis notre rapport au président de l’Assemblée nationale cette semaine [le 5 juillet, NDLR] après six mois de travail intense et 200 heures d’audition. Nous avons pointé du doigt de nombreuses failles dans le dispositif de lutte contre le terrorisme et nous avons fait des préconisations. Or que s’est-il passé ? Bernard Cazeneuve nous a fait venir le lendemain de la remise de notre rapport pour boire un café, et nous expliquer que nos préconisations n’étaient pas réalistes et qu’il n’en tiendrait pas compte.
Que faudrait-il faire selon vous ?
Quand j’entends ce matin le président de la République parler des veilles recettes – augmenter les frappes, prolonger l’état d’urgence et le déploiement de la force Sentinelle – je suis atterré.
Ces trois propositions ont montré leur inanité dans l’instant. On a bien vu par exemple que la force Sentinelle n’avait même pas eu le droit d’intervenir au Bataclan… Nous avons des propositions concernant la refonte en profondeur des services de renseignement, une meilleure coordination des forces d’interventions qui n’ont rencontré aucun écho !
Selon les premiers éléments de l’enquête, l’auteur de l’attentat de Nice n’était pas fiché pour terrorisme...
J’attends de voir les résultats de l’enquête. On sait que c’est un délinquant déjà condamné. Attendons de connaître son traitement pénal. Je ne dis pas que l’on peut tout arrêter, tout empêcher, mais notre enquête a montré que les auteurs des attentats du 13-Novembre étaient tous connus des services de police et par la justice, et que personne ne les a empêchés de passer à l'action. Il faut maintenant relever le braquet. Il faut passer à la vitesse supérieure concernant les 3.000 personnes fichées, et ceux qui vont revenir de Syrie. On en fait quoi ? Il faut des centres de rétention pour tous ceux qui reviennent et pas sur le mode du volontariat. Cela suppose peut-être une réforme constitutionnelle mais ça le mérite.
Le mode opératoire, un camion projeté à pleine vitesse contre une foule rassemblée, comment l’éviter ?
Patrick Calvar, le patron de la DGSI, nous a dit : il va y avoir des attentats avec des voitures piégées. Relisez son audition ! On est le 14-Juillet, en état d’urgence, à Nice, et on n’est pas capable d’empêcher un camion d’entrer dans cette zone piétonne ! Il va falloir s’expliquer !
Revenons à la commission d’enquête parlementaire. Toutes vos préconisations vont donc être jetées aux oubliettes ?
Nous avons demandé avec mon rapporteur, Sébastien Pietrasanta, la constitution d’une mission d’information pour suivre, justement, le devenir de notre rapport. Le ministre de la Justice, Jean-Jacques Urvoas voulait nous voir pour en parler. Le rendez-vous devait se tenir en septembre. Compte tenu des événements, il va peut-être être avancé.
Propos recueillis par Violette Lazarda
Intégralité du rapport d'enquête parlementaire :
Je ne mettrai ni drapeau, ni bougie, ni de "Je suis ..."
Je ne suis pas Nice, pas Charlie, pas Paris, pas Toulouse, pas Bagdad, Jerusalem ou Tel Aviv, pas Boston ou Tunis,
je ne suis pas plus du 11 septembre que d'un autre jour en particulier ...
Je suis tout ça ..
Je suis en colère ..
Je suis triste ...
Je suis maman, je suis famille, Je suis citoyenne et j'ai la nausée ...
Alors M. Le Président ... ?
Après les Discours du tout va mieux, les marches main dans la main, les "Moi je" ... , les "j'ai décidé ... " Vous agissez quand ?
Vous attendez quoi ? Un autre carnage ? Vous ouvrirez une ( autre et énième ) cellule de Crise,
reprendrez l'antenne en direct et aurez ce même ton compatissant à vomir qu'on ne connait que trop ( en même temps depuis Charlie vous avez eu l'occasion de le travailler ! )
Et on finira par un joli sondage des service com. de l'Elysée : 2% ( ou 40 % on s'en fout ) des Français pensent que Hollande a su gérer l'après massacre !!!
Et vous (re-) penserez à vos primaires, votre trône, gérer votre coiffeur, votre maîtresse, votre petit confort et gros acquis ... votre retraite assurée et votre avenir tracé ...
Vous avez dit ( il fallait oser quand même ... ) être entré dans l'histoire ...
Ah oui ... ça ... C'est sur ... Dans d'autres circonstances ... ça me ferait mourir de rire !
J'ai juste honte pour vous ... et tellement de colère !
Vous vous êtes entendu hier ?
J'ai décidé - sur proposition du 1er ministre - ( heureusement qu'il a eu cette bonne idée ) ...
J'ai décidé - blablabla
J'ai décidé ... blablabla ...
6 minutes de discours soporifique improbable, déplacé ( la description de l'attaque est juste à vomir ), ... mou et écrit !!!
Comment parler - en lisant ou en récitant - d'arsenal législatif et autres foutaises inutiles !
Ahhh ? vous allez rajouter des militaires devant le Printemps à Haussmann et ailleurs pour ... ? comment la nommez-vous déjà cette opération ? ... Super !! et sinon ? trains, bateaux, des contrôles prévus ??? ... manif, émeutes, ... quelque chose ?
... les fichés S perdus de vue ?
... Les services de renseignements qui ne se connaissent pas entre eux ?
... le GIGN qui attend qu'on l'autorise ?
... Les autres S qu'on connait ?
... Ceux en devenir ? ...
... un truc de prévu malgré les vacances ?
Vous êtes ( vraiment et comme toujours ) à coté de la plaque : Quand votre pays attend un discours qui sort de vos tripes et de votre cœur, clair, concis, comme un bon coup de poing sur la table, en disant que c'est assez et que vous allez les trouver dans les plus petits recoins de l'hexagone et que vous allez nous en débarrasser ...
Vous nous parlez de frappes ailleurs et de sentinelles ici ... de mesurettes ...avec le texte et le ton d'un élève de CM2 qui lit sa rédac en essayant d'y mettre le ton !!!
Tout sonne faux ... parce que tout est faux
Vous vous en fichez ... en fait ...
Sinon il n'y aurait déjà pas eu Charlie après Toulouse, Pas le Bataclan, ... et pas hier ...
C'est votre Rôle ce discours ... mais pas votre vie ...
Mettez donc sur votre bureau la photo d'un de ces gamins partis hier et regardez la jusqu'à la fin de vos jours en vous disant que vous auriez pu l'éviter ...
On espère juste que demain il n'y aura rien d'autre ...
Mais votre propension à ne rien faire, à préférer les mots mielleux aux actions, m'inspire plus la crainte que la confiance.
Comment se fait il que ce matin, il n'y ait pas eu de descente pour aller chercher ces prêcheurs de la mort qui retournent le cerveau de notre jeunesse désœuvrée ...
Celle-la même que vous laissez grandir dans la haine et en attisant le rejet et les clivages !
On sait qui ...
On sait où ...
Pourquoi restez vous sans rien faire en France ?
... Bombarder les lieux stratégiques de Daesh en Syrie ou Al Kaida ... ailleurs?
C'est sur notre sol que des enfants meurent ...
Hier soir, en regardant les étoiles et les jolis feux multicolores, ils étaient athées, bouddhistes, catholiques, juifs, musulmans, protestants ...ils avaient l'avenir devant eux.
C'était des enfants de France et vous n'avez pas su les protéger !!!
Assassinés par des kamikazes décérébrés que vous pensez pouvoir effrayer en leur retirant la nationalité ?
On est en guerre,
Et l'ennemi est partout sur notre territoire !
Alors, en tant que citoyenne Française, je vous demande , avec tout le respect que je dois,
si ce n'est pas à l'homme, au moins à la Fonction ...de passer vraiment à l'action - demain pas dans 6 mois, de nous débarrasser de cette vermine,d'empêcher qu'il y en ait d'autre ...de faire votre devoir de Chef de la Nation et de Guerre ou de quitter ce poste !
Et, Il serait dés lors tout à votre honneur d'en profiter pour rendre votre Grand-croix de l'ordre national de la Légion d'honneur, réservée normalement à ceux ayant rendu des «mérites éminents» à la Nation.
...Tout est dit....rien à ajouter ! JMR
Le Point.fr : Considérez-vous qu'il y a eu un véritable manque de sécurité lors du feu d'artifice de Nice ?
Georges Fenech : Pour l'instant, il serait prématuré de se faire une idée précise. Concernant l'individu, on ne pourra jamais anticiper un acte isolé et spontané. Mais la question que je me pose, comme tout le monde d'ailleurs, c'est comment ce semi-remorque a pu pénétrer dans cette zone piétonne. C'est invraisemblable. Comment se fait-il qu'il n'y ait pas eu plus de protection, car les barrières ne suffisent pas, on le sait très bien. Christian Estrosi a également pointé du doigt la faiblesse du système policier.
Si Christian Estrosi avait des doutes sur la sécurité mise en place, aurait-il mieux valu annuler l'événement ?
Non, je ne pense pas qu'il fallait annuler. Malgré les menaces, on n'a pas annulé les fan-zones ou le feu d'artifice à Paris du 14 Juillet.
En période d'état d'urgence, les grands événements comme ceux-là sont-ils souhaitables ?
Moi, j'étais plutôt pour l'interdiction de grandes fan-zones comme celles de Paris. On a pris beaucoup de risques. Heureusement, tout s'est bien passé. Mais nous savons très bien que les menaces sont toujours là. Il ne faut malheureusement pas croire que Nice sonne la fin des attentats. Il y en aura d'autres. Il faut véritablement prévoir des protections plus efficaces que celles qui ont été utilisées à Nice, c'est certain.
Vendredi soir, Manuel Valls et Bernard Cazeneuve se sont contredits à propos de l'assaillant…
(Il coupe.) C'est pour cela qu'il faut être prudent quand on parle sur ce sujet. Tant que l'on n'a pas les résultats de l'exploitation de tout ce qui a été saisi à son domicile, il faut rester prudent. Je ne veux pas enfoncer le clou, la situation est difficile. Bernard Cazeneuve doit avoir moins d'informations, ou plus de prudence, que Manuel Valls. Évidemment, il vaut mieux parler d'une seule voix au sein du gouvernement, mais il ne faut pas en faire un plat.
Vous paraissez plus tempéré que certains de vos collègues de droite qui n'ont pas attendu bien longtemps après le drame pour s'en prendre au gouvernement… N'y avait-il pas là un manque de décence ?
Écoutez… Tout le monde a été extrêmement choqué par cet attentat d'un nouveau genre, qui est un carnage innommable. Les responsables politiques sont des hommes, et il y a un moment où l'on peut sortir un peu de ses gonds. Mais, oui, évidemment, ils doivent mesurer leur parole.
Cela dit, le gouvernement ne peut pas échapper à une critique. Ils sont dans le « bis repetita ». Le pouvoir nous sort exactement les mêmes réponses que le 16 novembre devant le Congrès : « état d'urgence », « force Sentinelle » et « accélération des frappes ». C'est bien la preuve que l'on est au bout du bout, qu'il n'y a plus aucune offre politique pour lutter contre le terrorisme. Par exemple, même si je le revoterai, l'état d'urgence n'a plus d'intérêt, il ne nous protège plus. Les perquisitions ne donneront pas plus que ce qu'elles ont donné jusqu'à maintenant… On ne lutte pas contre le terrorisme en faisant du flagrant délit, ce n'est pas vrai. Le travail doit se faire en profondeur.
Certains, comme Frédéric Lefebvre, préconisent même l'état de siège…
Non, non, mais après, on peut se lancer dans toutes les surenchères que l'on voudra, ça ne fera jamais avancer les solutions. Il vaut mieux en appeler au courage politique d'imposer des réformes absolument souhaitables. Non, il faut arrêter l'état d'urgence. Même la force Sentinelle n'a pas vocation à durer dans le temps.
Vous avez déclaré qu'il fallait « tout revoir dans la lutte contre le terrorisme ». Qu'entendez-vous par là ?
Quand je dis cela, certains, comme Cambadélis, m'accusent de faire de la récupération sur le dos des victimes. Moi, j'ai plutôt le sentiment qu'on essaye d'esquiver de vraies questions, aussi sur le dos des victimes, sous prétexte d'unité nationale. J'ai l'impression qu'on veut bâillonner tous ceux qui ont des idées, et notamment ceux qui ont travaillé dans cette commission d'enquête pendant cinq mois. Il n'y a plus de débat. C'est la raison pour laquelle je dis qu'on est dans une forme de chute des responsabilités alors que l'on va aller vers plus d'attentats et plus de victimes.
Pendant cinq mois, nous avons réalisé une enquête très approfondie, avec l'audition des responsables de tous les services français et aussi européens. Nous avons rencontré nos homologues du renseignement à Ankara, à Athènes, à Bruxelles, à Tel-Aviv, à Washington… Nous sommes désormais convaincus que nos dispositifs doivent changer de nature, car nous ne sommes plus dans les schémas des années 80 où le terrorisme était localisé, identifié, revendiqué.
Vous semblez préconiser un véritable changement de paradigme ?
C'est évident. Il faut voir la réalité en face : nous avons des services qui ont des cultures remontant aux brigades du Tigre ! Nous ne sommes pas encore entrés dans le XXIe siècle. On n'ose pas toucher à l'existant, parce que cela heurte des prés carrés, cela heurte des cultures bien ancrées depuis toujours. C'est ce que nous dit Bernard Cazeneuve : il faudrait stabiliser l'état des réformes parce que nos services ne supporteraient pas un grand soir. Je suis désolé, mais ce sont quand même les représentants légitimement élus qui doivent impulser des réformes et qui doivent les imposer aux administrations. Voire changer les hommes à leur tête si ça ne suit pas derrière. Pendant ce temps-là, on a en face de nous des terroristes, des mafieux, des organisations du crime organisé qui se jouent totalement de nos faiblesses.
Quelles propositions faites-vous alors pour moderniser le logiciel ?
Nous avons mis la barre haut dans nos 40 propositions, car, avec Sébastien Pietrasanta, nous avons vite compris qu'il n'y avait plus d'autres alternatives. Nous devrions, par exemple, nous inspirer de ce qu'ont fait les États-Unis après le 11 septembre 2001 et commencer une restructuration en profondeur des services de renseignements. En France, ils détiennent chacun une partie des informations. Il y a, certes, des partages, mais ce que l'on demande, c'est une coordination au niveau du chef de l'État. Le ministre de l'Intérieur n'a pas autorité sur ses collègues les ministres de la Défense et du Budget… Nous demandons donc un véritable directeur national du renseignement avec une triple mission : le partage des informations, être capable d'analyser le niveau de la menace et être en capacité de mener une véritable stratégie de contre-terrorisme. Et, bien sûr, il faut aussi une base commune européenne : il est absolument nécessaire qu'Europol monte en puissance.
L'enquête de la commission n'a, semble-t-il, pas convaincu le ministre de l'Intérieur…
Nous avons l'impression que le pouvoir s'en contrefiche. Dès la publication de nos propositions, Bernard Cazeneuve nous a envoyés dans les cordes à l'Assemblée en parlant de nos mesures comme étant du « plum pudding », alors qu'il n'avait pas parcouru le dossier. Sébastien Pietrasanta, qui l'avait interrogé, s'est pris cela en pleine figure et l'a très mal pris. Le lendemain, Bernard Cazeneuve nous a reçus au petit déjeuner dans un souci d'apaisement, mais il a rejeté toute idée de réforme un tant soit peu profonde du système de renseignement. Il nous a même dit, avec une pointe d'humour, ou plutôt d'ironie : « Je souhaite bien du plaisir à mon successeur s'il veut se lancer dans cette aventure. »
À partir de là, il n'y a plus de dialogue possible puisqu'on nous fait comprendre que c'est irréaliste et infaisable.
Général de corps d’armée (4 étoiles) et ancien numéro 2 des forces terrestres, Jean-Philippe Houdinet a pris sa retraite à Châtenois. Il analyse la mobilisation des forces armées pour Sentinelle et l’appel à la réserve opérationnelle.
Qu’avez-vous ressenti en apprenant l’attentat de Nice ?
« Une immense tristesse et une grande douleur face à ces morts, ces blessés et ces familles meurtries et endeuillées. Il y a eu janvier et novembre 2015 puis ce 14 juillet sans oublier les deux policiers. Ce type d’attentat avec passage à l’action soudaine et individuelle est difficilement prévisible. Quasiment incontournable. Nous devrons hélas faire face à d’autres événements du même type. Nous sommes entrés, depuis janvier 2015, dans une guerre qui frappe régulièrement et touche plus de civils que de militaires. Depuis janvier 2015, nous avons perdu plus de civils que de militaires envoyés en opérations extérieures depuis 1992. Les innocents payent le tribut. »
Un tel acte le 14-Juillet est très douloureux…
« Cela blesse d’autant plus qu’il n’y a rien eu pendant l’Euro 2016. Il s’agit peut-être d’un message. On n’a pas voulu viser l’Europe et dès la première date symbolique, on attaque la France. Je suis très malheureux et en colère car on a visé le symbole de la fête nationale de manière horrible. C’est aussi un camouflet pour le président de la République qui s’adressait à la Nation juste avant. On lui a fait comprendre qu’il parlait pour rien. Je suis en colère mais pas dans la haine pour ne pas devenir comme eux. »
Le président de la République appelle la réserve opérationnelle. Qu’en dites-vous ?
« Nous sommes encore dans le symbole. Après chaque attentat, il convient de trouver une annonce qui va marquer l’opinion pour montrer que l’on va encore faire quelque chose. Il y a eu Vigipirate renforcée, l’état d’urgence, la déchéance de la nationalité et son débat, l’appel des militaires pour Sentinelle et maintenant la réserve opérationnelle. L’état d’urgence comme Sentinelle n’ont pas empêché les attentats malheureusement. Je suis inquiet car nous approchons de l’utilisation de nos capacités maximum avec de moins en moins de marge de manœuvre. »
Qu’apportera cette réserve selon vous ?
« L’apport de la réserve opérationnelle de la gendarmerie et de la police nationale ne fera pas de mal. Aujourd’hui, toutes les forces, militaires, gendarmes, policiers, sont épuisées. L’apport des hommes de la réserve doit permettre aux autres de se remettre en condition et de se soulager. Même si cela ne nous évitera sans doute pas de nouveaux attentats. »
Comment jugez-vous de l’opération Sentinelle ?
« L’Armée de terre a 10 000 hommes scotchés sur le territoire national pour des missions surtout statiques de surveillance et de gardiennage de bâtiments, églises, synagogues. C’est un peu du gâchis. Ce sont des soldats professionnels formés pendant des longs mois, ce qui engendre des coûts pour assurer des missions dynamiques de combat avec des matériels de pointe. Ils doivent aussi assurer leurs missions normales : engagement opérationnel à l’extérieur, entraînement et remise en condition. Les deux dernières parties sont un peu réduites si bien que les soldats non seulement fatiguent mais, en plus, voient leur niveau s’affaiblir. Donc on se met en danger avec des conséquences à terme. Il faudrait que les missions statiques soient reprises par des agents de sécurité privés. »
Vous êtes pessimiste. Craignez de nouvelles actions. Que faire de plus ?
« Il est nécessaire de se donner encore plus de moyens pour travailler le renseignement en amont, pour identifier les individus susceptibles de passer à l’action. La Justice qui a un grand rôle, les gendarmes et policiers doivent bénéficier d’un effort budgétaire important pour renforcer notre sécurité. Le problème est notre situation financière… »
Propos recueillis par Sébastien GEORGES
Source: http://www.vosgesmatin.fr/
Le général (2S) Jean-Bernard Pinatel est expert en géostratégie et en intelligence économique. Il tient le blog Géopolitique - Géostratégie. Il est aussi l'auteur de nombreux ouvrages, dont Carnets de guerres et de crises aux Éditions Lavauzelle en 2014.
FIGAROVOX. - Que vous inspire la concomitance entre le défilé militaire du jeudi matin et l'attentat du jeudi soir? Est-ce l'illustration de la nature asymétrique de la guerre que la France mène contre l'Etat islamique?
Général (2S) Jean-Bernard Pinatel: On n'est pas dans une guerre asymétrique, mais dans une guerre de nature et d'inspiration religieuse: le wahhabisme mène une guerre civile mondiale pour l'unicité (tawhid), contre les apostats du monde entier (les occidentaux) et les musulmans polythéistes, comme les chiites et les sunnites shirk (opposés à l'unicité, c'est à dire qui se réfèrent au prophète Mohamed au même titre qu'à Allah ). Cette guerre pour faire reconnaître que la révélation d'Allah s'impose à tous et à toutes les autres lois se fonde sur la doctrine wahhabite. Nos responsables politiques sont des laïques et de ce fait sous-estiment totalement la dimension religieuse de cette da'wa (prosélytisme) wahhabite.
Ce n'est pas uniquement avec des forces armées que l'on vaincra le Califat d'Al-Baghadi. C'est en s'attaquant à la prédication wahhabite qu'on laisse s'exprimer dans une centaine de mosquées en France et qui réussit à convertir à ce courant réformiste et radical de l'Islam des musulmans sunnites, courant qui place le djihad comme un devoir premier.
On n'est évidemment pas prêt à cela. Car comment expliquer autrement l'erreur stratégique d'Obama et de François Hollande qui se sont lancés dans une déstabilisation du régime laïc d'Assad en Syrie, qui n'est certes pas le meilleur des chefs d'Etats, mais qui luttait comme le faisaient Saddam Hussein et Kadhafi en leur temps contre ce fondamentalisme islamique et le terrorisme qu'il inspirait. Croire qu'au Moyen-Orient, où se joue depuis trois siècles une lutte religieuse sans merci entre les différents courants de l'Islam, que l'on pourrait remplacer les dictatures par des démocraties est une méconnaissance totale ou une arrogance immense. On a vu ce qui s'est passé en Egypte où heureusement l'armée a mis fin à l'aventure des frères musulmans qui ont le même objectif final que les djihadistes, mais qui espèrent imposer l'Etat islamique en jouant le jeu démocratique.
Certains responsables politiques se sont étonnés du fait que les policiers présents n'aient disposé que de pistolets pour frapper le camion. Des armes lourdes comme des fusils d'assaut auraient-elles pu changer la donne?
Non. Dans le cas de Nice, on a négligé de couper les accès à la promenade des anglais par des défenses passives qui auraient pu être réalisées en barrant les rues d'accès par des autobus, des camions ou des véhicules de police. C'est ce qui est fait dans les pays où le terrorisme islamique sévit comme en Irak où l'accès aux objectifs sensibles est barré par des check points qui barrent les routes d'accès par des chicanes équipées de plots en béton.
Les critiques contre l'opération Sentinelle sont nombreuses. Quel regard portez-vous sur ses objectifs et sa mise en œuvre?
L'opération Sentinelle est une opération de sécurité subjective qui sert à rassurer les Français mais ne peut avoir, sauf coup de chance, d'efficacité objective car les terroristes ont le choix du lieu et du moment de l'attaque. Je fais confiance au chef d'Etat-Major des Armées pour ne pas obérer la capacité d'action opérationnelle de nos forces en fixant un plafond non franchissable de la mise à la disposition de nos forces pour l'opération Sentinelle. Les Armées sont des forces de troisième catégorie et il est tout à fait légal de les utiliser en renfort des forces de police afin qu'elles puissent mieux assurer leur mission de maintien de l'ordre.
Le «recul» de l'EI en Syrie et en Irak amènera-t-il Daech à changer de mode de fonctionnement pour devenir comme Al-Qaïda une organisation davantage clandestine? Comment faire face à cette possible évolution?
La fin du califat par la prise de Mossoul ne se fera au mieux qu'en 2017, mais la prédication wahhabite ne s'arrêtera pas pour autant et trouvera toujours dans nos sociétés occidentales, où la perte de valeurs et de repères est immense, des jeunes pour se convertir et vouloir mourir en martyr. Le problème de nos sociétés occidentales est d'avoir oublié d'où elles venaient et croire que la laïcité et la démocratie étaient de nature à éradiquer l'extrémisme religieux. Mais cela ne serait possible que si nos sociétés et nos dirigeants étaient vertueux. Quand le coiffeur de François Hollande est payé deux à trois fois plus que les soldats et les policiers chargés de nous protéger, comment voulez-vous que la jeunesse adhère à ce type de société ou, en outre, la spéculation financière est une source d'enrichissement plus rapide que la création de valeurs pour la société dans son ensemble?
La société civile, bercée dans l'illusion d'une fin de l'histoire, est-elle préparée psychologiquement à ce retour de la guerre sur son propre sol?
Non et c'est logique. Après l'effondrement de l'URSS, nous avons confondu société de libertés et libéralisme et nous avons cru que s'ouvrait pour l'humanité une ère de paix à condition d'installer partout dans le monde des démocraties, au besoin par la force des armes ou la corruption, comme les Américains l'ont fait dans les pays de l'Est. Mais la démocratie est une conquête des peuples que l'on ne peut imposer de l'extérieur.
C'est cette méconnaissance du temps long de l'histoire et l'arrogance affichée par certaines soi-disant élites qui nous ont conduits à ces malheurs où des innocents ont payé le prix, hier soir à Nice.
...Les députés commenceraient-ils à, enfin, ouvrir les yeux et proposer quelques mesures concrètes ?
Seront-ils écoutés....C'est une tout autre affaire ! JMR
On ne fera pas long, tout reste à faire mais tout a été dit. Néanmoins la répétition des même réflexions a au moins le mérite de contribuer au volume général de la protestation.
On s'interroge sur les prochains stades de l'escalade des opérations de relations publiques gouvernementales, au-delà de la destruction, annoncée par le président de la République à ses 12% d'approbateurs résiduels quelques heures après les sacrifices de Nice, de détruire un peu plus d'infrastructures syriennes après soigneuse évacuation de leurs occupants qataris.
Sur le plan intérieur la gesticulation en cours rappelle le printemps 2009, où le gouvernement avait grandiloquemment décrété le plan national de prévention et de lutte contre la pandémie grippale, puis son escalade législative phase après phase pour cacher sa décision non seulement de n'en appliquer aucune, mais aussi de laisser volontairement entrer la grippe Smithfield. Il en est de même, on l'a expliqué dès le début, de l'état d'urgence. Aujourd'hui certains appellent l'instauration du couvre-feu. Dans l'étude d'août dernier sur le Septième Scénario, qui annonçait la proclamation de l'état d'urgence un 14 novembre (involontaire prophétie), c'était justement pour pouvoir instaurer le couvre-feu en certains lieux que le gouvernement décidait de déclarer l'état d'urgence (comme en 2005). Or l'état d'urgence a bien été déclaré le 14 novembre mais le gouvernement n'a pas jugé opportun d'instaurer un couvre-feu dans les parties du territoire où son autorité est encore respectée. En soi d'ailleurs un couvre-feu nocturne ne changerait pas grand-chose puisque les sacrifices humains bismillah sont préférentiellement exécutés de jour, nonobstant quelques exceptions dans la pratique. De toute façon les quinze millions de partisans de cette pratique, et les quelques exécutants passés à l''acte jusqu'à présent, accordent à la loi coranique une autorité supérieure aux lois et décrets étatiques. La circulation d'un gros camion frigorifique en infraction des interdictions de centre ville, d'horaires vespéraux et de livraison les jours fériés n'est pas plus exceptionnelle que la tolérance des arsenaux des enclaves suburbaines de droit extraterritorial ou le laissez-passer sans contrôle accordé à toutes les encagoulées intégrales dans les aéroports de France et de Mayotte, sous état d'urgence comme sous état de patience : même en dehors des zones de droit coranique, l'exécutif ne fait plus appliquer les lois votées par le législatif, ou du moins il en exempte certaines populations et prend bien soin de leur faire savoir que ce n'est pas de la négligence aléatoire mais une exemption ciblée, au sens propre un privilège, accordé non pas à un individu selon son mérite mais à une communauté selon sa croyance… discours promotionnel dont l'effet, voire l'objectif, ne peut être que la propagation de ladite croyance qui accorde ainsi un statut supra-citoyen en France.
Quant à l'état de siège au sens de l'article 36 de la constitution, on a également déjà répondu à ceux qui en rêvent aujourd'hui. Comme en matière de pandémie, il est ridicule, donc contre-productif pour l'autorité de l'Etat, de décréter un nouvel état institutionnel avant d'avant appliqué les mesures prévues au stade précédent. Or il y en a beaucoup, et bien plus efficaces que l'instauration d'un couvre-feu dans les zones d'obéissance civique. Sur le territoire national, le transfert de l'autorité civile à une autorité militaire n'a plus aucun sens aujourd'hui en France. Il s'agirait de faire passer les centaines de milliers d'effectifs de police professionnelle sous le commandement de quelques officiers généraux exclusivement issus du corps expéditionnaire de manœuvre, puisque la restauration précipitée d'un symbolique commandement territorial ne peut pallier ni la dissolution des forces de défense du territoire, ni la déqualification méthodique, à leur corps défendant, des cadres de réserve, deux chantiers de désarmement menés depuis vingt ans par l'état-major conjoint Bercy-saint-Dominique. Qu'il s'agisse d'un simple couvre-feu à vocation publicitaire ou d'une véritable opération de perquisition et désarmement des enclaves extra-étatiques en France, il faudrait s'attendre non pas à une collaboration civique généralisée mais à l'insurrection, spontanée ou intimée, de l'ensemble des zones concernées, alors que l'effectif militaire maximal déployable ne permettrait même pas de sécuriser une seule métropole régionale, comme on l'a démontré, par les chiffres et selon les méthodes du Livre Blanc de la Défense et de la Sécurité, dans le Septième Scénario.
Surtout, aucune mesure de restauration de l'ordre pré-mahométan ne peut avoir la moindre efficacité dans l'actuel état d'esprit gouvernemental de soumission (islam en langue arabe) régulièrement exprimé par le régime, qui demande expressément à la population française de s'habituer à la généralisation des sacrifices collectifs pour au moins dix à vingt ans, sans oser lui préciser quelle issue la population survivante devrait attendre de cette tolérance vicennale. Le ministre de l'Intérieur a certes menti en disant le 5 août 2014 qu'il n'était pas illégal de prôner le djihad en France, puisque toute incitation à la violence est interdite qu'elle qu'en soit le motif ou la finalité. Mais son propos était cependant suffisamment grave pour devoir être pris au sérieux, tant comme intimation d'accepter, pour les uns, que comme encouragement à continuer, pour les autres ; le maintien à son poste après ce type de déclaration est un endossement gouvernemental sans ambiguïté. De son côté, le Directeur Général de la Sécurité Intérieure a déclaré le 24 mai 2016 devant l'Assemblée que ce qui le préoccupait beaucoup plus que le djihad est le risque de radicalisation d'une ultra-droite…
Pour les peuples de France, lorsqu'après avoir compris qu'ils ne pourraient pas contraindre le régime à l'obéissance civique ils auront repris leur destin en main, les méthodes de leur salut seront à chercher de l'autre côté de la Méditerranée : comme en Algérie l'interdiction de toute manifestation publique d'allégeance à l'idéologie mahométane (prières de rue par exemple), comme en Tunisie la fermeture des officines de propagation de ladite idéologie (mosquées par exemple). Seul le gouvernement français, dont aucun membre n'a sérieusement étudié le Coran (certaines ministres l'ont juste appris par cœur), prétend distinguer entre mosquées takfiristes, salafistes ou wahabbites comme il entend distinguer les bons terroristes qui massacrent des Syriens déclarés ennemis de l'Islam des mauvais terroristes qui massacrent des Syriens engagés eux aussi dans la lutte contre l'Etat laïc syrien. De même que tout chrétien confirmé, ou baptisé à l'âge adulte, a vocation (sinon empressement) à devenir un pratiquant de la confession, de la communion, de la messe, du pardon et de l'extrême-onction, tout musulman a vocation à prier cinq fois par jour pour l'extermination des non-musulmans, à faire l'aumône envers ses coreligionnaires, à faire le pélerinage à La Mecque si ses moyens le lui permettent, à se préparer pendant un mois au sacrifice par égorgement (d'abord à finalité alimentaire), et à faire le djihad.Cette vocation-là, aucune confiscation d'armes n'en viendra à bout, quand bien même une dictature musclée aurait la volonté et les moyens d'entreprendre la confiscation de toutes les Kalachnikov, tous les camions frigorifiques et tous les Opinel de France et de Mayotte. Regarder vers le pays fondé par le colonel de Gaulle, c'est se rappeler qu'après la confiscation irréfléchie des fusils de chasse aux fermiers isolés en 1992, le gouvernement a été obligé de distribuer des Kalachnikov aux villageois regroupés en 1995, à peine trois ans plus tard. Les événements vont parfois plus vite que la réflexion politique.
En quelques mois la France a déjà subi vingt fois le Milk Bar, la Cafétéria, le Coq Hardi et l'Otomatic réunis. La seule riposte qui ait fonctionné, en 1995 comme en 1957, c'est le Dispositif de Protection Urbaine. Si les Français veulent éviter de devoir choisir entre la chahada et le cercueil, c'est désormais à l'échelle du pays qu'ils devront mettre ce dispositif en œuvre.
Mardi 19 juillet 2016
« Une réserve militaire forte et territorialisée pour faire face aux crises. » Tel est le sens que la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées du Sénat, présidée par M. Jean Pierre Raffarin (Les Républicains - Vienne), a souhaité donner à la proposition de « garde nationale » esquissée par le Président de la République après les attentats du 13 novembre 2015, en adoptant, mercredi 13 juillet 2016, le rapport présenté par M. Jean-Marie Bockel (UDI-UC, Haut-Rhin) et Mme Gisèle Jourda (Socialiste et Républicain - Aude).
Ce rapport d’information, produit d’un groupe de travail sur « la "garde nationale" – la réserve militaire » animé par M. Bockel et Mme Jourda, auquel ont pris part Mme Joëlle Garriaud-Maylam (Les Républicains - Français établis hors de France), et MM. Michel Boutant (Socialiste et Républicain - Charente), Alain Gournac (Les Républicains - Yvelines) et Jean-Paul Émorine (Les Républicains - Saône-et-Loire), retient une approche « réaliste et pragmatique » du sujet.
Un état des lieux de la réserve militaire fait ressortir les insuffisances actuelles de la réserve opérationnelle des armées : effectifs et activité en deçà des objectifs fixés par les Livres blancs et lois de programmation de ces dernières années ; emploi par les armées dépourvu d’une vraie doctrine ; recrutement soumis à de nombreux freins et gestion dotée d’outils limités pour la réserve de 1er niveau (engagés volontaires), voire inexistante pour la réserve de 2e niveau (anciens militaires tenus à l’obligation de disponibilité).
M. Bockel et Mme Jourda, cependant, donnent acte au Gouvernement d’avoir entrepris, en ce domaine, une réforme nécessaire. Leur rapport détaille une cinquantaine de propositions pour « réussir un redimensionnement indispensable ». Il s’agit de décharger des armées aujourd’hui sur-sollicitées, notamment l’armée de terre du fait de la durée et du niveau d’engagement de l’opération « Sentinelle », et, à la fois, de contribuer à la cohésion de notre pays. Quatre préconisations générales sont formulées à cet effet :
- conserver à la réserve des armées, y compris leur réserve citoyenne, un statut et une vocation exclusivement militaires ;
- structurer cette réserve en fonction d’une « territorialisation », qui permettra aux armées de retrouver une présence sur l’ensemble du territoire national et d’y répondre à toutes les menaces de crise ou de troubles graves susceptibles de se réaliser ;
- assurer une coordination interarmées renforcée, notamment par la création d’une Inspection générale de la réserve militaire, qui serait commandée par un officier général sous l’autorité du chef d’état-major des armées et assisté de deux officiers en qualité d’adjoints, dont un réserviste au moins et un gendarme ;
- recruter en priorité des jeunes dans la réserve opérationnelle, et plus largement développer son attractivité en utilisant différents leviers que le rapport met en avant.
En rejetant tout projet qui conduirait à instituer une armée « bis » ou une organisation trop complexe, M. Bockel et Mme Jourda souhaitent qu’une éventuelle « garde nationale » soit fondée sur la réserve militaire ainsi rénovée. Ce nouveau nom traduirait alors le passage de la réserve d’un rôle de « réservoir » de forces à celui d’outil de défense à part entière.
Le rapport, ainsi qu’une synthèse de ses propositions, sont disponibles sur le site du Sénat à l’adresse suivante :
http://www.senat.fr/notice-rapport/2015/r15-793-notice.html
Êtes-vous surpris que Daesh revendique l'attentat de Nice ?
Michel Goya
Non, ce qui peut paraître surprenant, c'est le temps mis par
Daesh pour revendiquer cette attaque. Mais on sait que, jusqu'à présent, le groupe djihadiste ne s'est jamais attribué des actions qu'il n'avait pas commises. Cela dit, on peut aussi nuancer
entre revendiquer et saluer. Quoi qu'il en soit, Daesh a considéré que l'auteur de l'attentat était un de ses soldats.
L'attentat de Nice rajoute encore des dizaines de victimes à la guerre menée contre Daesh…
C'est la première guerre de l'histoire où 100 % des victimes sont civiles et pas militaires. Je ne souhaite bien sûr la mort d'aucun soldat français mais je
considère que la France ne mène pas une vraie guerre. Les frappes aériennes ne suffisent pas. Certes, il y a la formation de soldats irakiens mais le dispositif mis en place est trop faible pour
espérer une victoire. Les moyens aériens sont faits pour affaiblir un adversaire ou le contraindre à négocier, ce qui n'est pas le cas avec Daesh. La France n'est pas à la hauteur des enjeux.
Douze avions déployés et, au bilan, une bombe par jour sur un territoire grand comme le Royaume-Uni. Tout ceci est très coûteux et inefficace, même si, bien sûr, plus d'un millier de combattants
de Daesh ont été mis hors d'état de nuire.
Pourquoi la France ne mène-t-elle pas ce que vous appelez « une vraie guerre » ?
Elle l'a fait au Sahel. Si nous évitons le combat en Syrie et en Irak, c'est parce que nous nous alignons sur les Américains, où la guerre doit être votée par le
Congrès, ce qui rend les opérations extrêmement rigides. Les États-Unis n'ont engagé que quelques avions de combat, des drones et quelques unités de forces spéciales. Pour vraiment être
efficaces, il faudrait engager, comme au Sahel, des forces spéciales au sol, des hélicoptères de combat et de l'artillerie beaucoup plus apte à détruire des petites cibles. Ce qui avait été fait
en Libye.
La France en a-t-elle les moyens ?
Non, justement. Dans nos différentes opérations contre les djihadistes, nous sommes au maximum du contrat opérationnel d'engagement majeur prévu dans le Livre blanc
de 2013. Tout ça pour un résultat très limité.
Il y a unité de la classe politique sur le refus de mener la guerre que vous souhaitez…
Il y a surtout unité d'incompétence. Aujourd'hui, on paye le prix de la réduction des dépenses militaires engagée depuis vingt-cinq ans. Par contre, à chaque
attentat, on observe les mêmes incantations et les mêmes gesticulations. Et, au final, avec l'opération Sentinelle, on préfère déployer nos soldats dans les Hauts-de-France plutôt que contre
notre ennemi. Sans compter l'usure et la fatigue qui minent le moral des troupes. N'oublions pas que notre armée est composée à presque 70 % de CDD. Nous ne sommes pas à l'abri d'un type qui
pétera un câble et pourrait faire des dégâts. Je sais que l'opération Sentinelle a pour but de rassurer psychologiquement. Mais rassurer, ce n'est pas protéger. Et l'état d'urgence n'a empêché
aucun des attentats qui ont été commis.
L'attentat de Nice pouvait-il être évité ?
Les véhicules suicides ou les voitures béliers, ce n'est pas nouveau. Notre problème est que nous avons toujours un coup de retard sur les terroristes. On ne fait
que réagir. Comme après l'attentat du Thalys : on brandit les portiques de sécurité, etc.
Un gouvernement peut-il prendre le risque de faire tuer des soldats sur un terrain étranger ?
Mais c'est le principe de la guerre. On a déployé 4 000 hommes au Mali pour moins que ça, sept sont tombés. 89 soldats sont morts en Afghanistan alors qu'on n'était
pas directement attaqués. Là, nous sommes directement visés. Alors, il faut savoir si on veut vraiment gagner la guerre en prenant les risques que cela implique.
Colonel (ER) Michel GOYA
Télécharger l'original :
Attentat de Nice : la ville refuse de détruire 24 heures d'images de vidéosurveillance
...Est-ce bien sérieux ? Détruire des milliers d'heures de surveillance qui pourraient, à n'en pas douter, permettre de faire avancer l'enquête....!
A moins que ces enregistrements ne mettent trop en lumière les failles des dispositifs de sécurité, le manque de coordination des différents services de police...en un mot, la faillite de l'Etat à assurer la sécurité des citoyens !
JMR
...d'autres ont démissionné pour moins que cela, mais il faut un minium de courage ! JMR
Le bruit. Le souvenir du bruit. « Je ne l’oublierai jamais, dit Stéphane Erbs. Le bruit du choc entre le camion et les corps, projetés à des dizaines de mètres. Ils ne passaient pas sous les roues, ils volaient dans tous les sens. » Nice, promenade des Anglais, 14 juillet. Le bruit. « Ce moteur qui hurlait. Rachel a poussé Noémie. J’ai poussé Célian. »
Noémie, 12 ans, et Célian, 6 ans, sont physiquement indemnes, ou presque. Quelques bleus pour le benjamin. Mais ce soir-là, leur père, Stéphane Erbs, 41 ans, un habitant de Cessieu (Isère) est heurté par le côté, éjecté à 30 mètres par le 19 tonnes lancé à 90 km/h par Mohamed Lahouaiej Bouhlel. Pneumothorax, côtes cassées, brûlures. « J’étais persuadé que Rachel était loin », dit-il. Non, Rachel, son épouse de 39 ans, était derrière lui. Percutée. Elle est morte, un jour de Fête nationale.
Dans sa maison sur les hauteurs du village, il nous a reçus ce dimanche, au lendemain des funérailles de sa femme. Épais bandage au bras droit, déconcertante dignité en bandoulière, il veut dire, explique-t-il, une fois pour toutes, ce qu’il s’est passé. « Parce que l’on raconte tout et n’importe quoi. »
Alors il dit le dîner au restaurant, avant le feu d’artifice. Le départ pour la Corse, prévu le lendemain, en ferry, à 5 h 30. « On rentrait de la fête, on ne voulait pas se coucher trop tard. » Il dit le camion qu’ils voient débouler, sans comprendre. « Aussi, on s’est reculé de la route pour revenir vers la promenade. » La famille est à l’entrée de l’avenue. Donc parmi les premières victimes.
« Un homme a été fauché à trois mètres de moi. Les enfants criaient. C’était une scène de guerre. » À Rachel, on pratique un massage cardiaque. En vain. Lui, terrassé par la douleur, ne parvient pas à se relever. Souffle coupé. « On craignait une hémorragie interne. On m’a mis un bracelet rouge pour être évacué en priorité. » Sous les yeux de l’aînée, qui racontera la soirée à son père. La description d’un « carnage » dont, par pudeur, il tait les détails.
Rachel, déjà, est recouverte par un drap blanc. Stéphane apprend par les pompiers qu’elle est décédée. « Le lendemain, on a cherché son corps, on a appelé les hôpitaux, on se disait qu’il y avait peut-être un espoir. » Un test ADN pratiqué sur sa belle-sœur l’éteindra définitivement.
2 800 habitants ont rendu hommage à celle « qui souriait tout le temps »
Il dit aussi Alex et Mohamed. « Deux jeunes qui m’ont tout de suite mis en position latérale de sécurité, se sont occupés des enfants, ont appelé ma famille, mes amis. ». Comme ce Jean-François, qu’il n’avait pas vu depuis cinq ans, qui fut sur place en dix minutes. Et Alex et Mohamed : « Ils m’ont accompagné : “Serre-moi la main ! ; Parle-moi ! ; Ta fille est là !” La solidarité des Niçois a été formidable. »
Il dit les urgences, scènes « d’apocalypse et de professionnalisme » mêlées. Il apprend là qu’il s’agit d’un attentat. « Le personnel médical ne donnait pas l’impression d’être débordé. Une cellule psychologique nous a suivis, deux ou trois contacts par jour, et ça nous a fait beaucoup de bien. » Eux-mêmes supportaient mal le pire. « Quand on a pu voir le corps de Rachel, la toucher, en robe, super belle, on était encadré et une jeune psychologue a éclaté en sanglots. »
Dès le soir de l’attaque, une sollicitude exclusive et inquiète, familiale et amicale, a convergé vers la famille Erbs. Parents, belle-sœur, frère, etc. ont débarqué à Nice. À Cessieu, 2 800 habitants se sont mobilisés comme un seul homme pour soutenir, rendre hommage à celle « qui souriait tout le temps ».
Une « perle », dit-il. « Les messages, les fleurs devant la mairie, cela a fait chaud au cœur. »
Il dit son dégoût, plus que sa colère, Stéphane Erbs. Des hommes politiques, tous. « Ils ont envoyé à la fourrière toutes les voitures des familles de victimes du parking de l’hôpital pour l’arrivée du président ! Il est resté cinq minutes, a fait trois photos avec des blessés, il est reparti. Et la ministre de la Santé ! Elle n’a pas levé la tête, pas dit bonjour, pas adressé le moindre mot de soutien. » Il parle récupération. « Si, comme l’affirme Christian Estrosi, l’événement présentait un risque, il devait prendre ses responsabilités, l’annuler. »
Il dit l’après. Le chef d’entreprise adaptera son temps de travail. Le père de famille donnera priorité à ses enfants. Il n’y a ni larmes, ni pathos.
En nous raccompagnant, c’est même lui qui dit « merci ».
Pierre-Eric Burdin
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