Le crash de l’avion du patron de Wagner a soulevé et soulève encore de nombreuses questions concernant les causes, circonstances et responsabilités de ce qui a toutes les apparences d’un
attentat. Bien évidemment les médias occidentaux, notamment anglo-saxons, ont désigné le patron du Kremlin comme le principal commanditaire, sans pour autant démontrer les raisons et le bénéfice
tiré de cette opération pour Poutine. D’autres ont mis en avant une vengeance de ministre de la Défense, Sergueï Choïgou, et du chef d’état-major, Valéri Guérassimov qui étaient tous deux dans le
viseur de Prigojine. L’Ukraine, quant-à-elle, s’est totalement défaussée de l’opération. Côté russe, l’enquête se poursuit sans nouvelles informations, mais l’on se doute bien que si Poutine
n’est pas le responsable, les regards se portent sur le MI6 et la CIA. Après Nordstream, pourquoi en être étonné. Mais dans la « machine à trolls », une hypothèse a émergé assez
rapidement : La main des services secrets français, dont on sait qu’ils sont en confrontation directe avec les troupes de Wagner en Afrique. Et c’est cette dernière possibilité que le site
russe Tsargrad aborde, tout en prenant de nombreuses précautions, face à ce qui pourrait être une action de manipulation. Car c’est un ancien proche de Macron qui serait concerné :
Benalla !
Nous invitons donc nos lecteurs à une grande prudence dans la lecture …
Cet article initialement publié sur le site tsargrad.tv n’engage pas la ligne éditoriale du
Courrier.
Comme Tsargrad l’a appris, l’Occident présentera prochainement une nouvelle version de la mort du chef du Wagner PMC, basée sur une opération
spéciale française astucieuse visant à maintenir l’influence de la Cinquième République sur le continent africain.
L’agenda d’information autour de la mort du fondateur du Wagner PMC, Evgeniy Prigozhin, dont l’avion s’est écrasé près de Tver le 23 août, s’estompe
progressivement. On sait que la commission d’enquête a ouvert une procédure pénale en vertu de l’article du Code pénal «Violation des règles de sécurité routière et exploitation du transport
aérien». Il a également été annoncé que les restes des victimes (dont Prigojine, son adjoint Valery Chekalov, le commandant du PMC Dmitri Outkine, et quatre soldats de sa garde personnelle ainsi
que trois membres d’équipage) ont été identifiés et enterrés. En fait, c’est tout ce que l’on sait. Il n’y a pas de commentaires officiels sur l’avancement de l’enquête. Il n’existe que
des versions exprimées par des experts et des sources, mais sans réelle confirmation.
Deux versions venues d’outre-mer ont déjà été entendues, et une troisième est en préparation
Lors de la première vague, comme l’on pouvait s’y attendre, les dirigeants russes ont été blâmés pour le crash de l’avion, arguant qu’il s’agissait d’un « acte
symbolique de vengeance ». A l’appui, l’on argumentait que l’accident s’est produit exactement deux mois après la « marche de la justice ».
Dans le second, qui a suivi immédiatement le premier, on a supposé que le chef du PMC était vivant, et tout ce qui s’est passé était une mise en scène qu’il avait
lui-même organisée afin de «disparaître» et de mener ses affaires souterraines.
Et si la campagne autour de la version initiale s’est rapidement soldée par un échec, la suivante a produit une sorte de chaos médiatique. Non pas en raison de la
participation des « musiciens » à l’opération spéciale en Ukraine (le transfert d’une partie des unités sous la juridiction du ministère de la Défense était connu ainsi que le redéploiement d’une
autre en Biélorussie), mais à cause de la présence de « Wagner » en Afrique. Car là-bas, sur le continent noir, les PMC, comme vous le savez, ont construit des positions très fortes au fil
des années de travail. Ce qui, naturellement, avec d’autres actions, a permis à la Russie d’étendre son influence en tant qu’État défendant ses propres intérêts.
Mais comme conséquence, cela a conduit à l’abandon de positions d’autres acteurs qui considéraient l’Afrique, avant tout, avec une forme de néocolonialisme. Et en
tout premier lieu, la France.
« Si Prigojine n’est plus. Qui te protégera ? »
Donc, c’est en France que, selon toute probabilité, que l’on « retrouvera » très prochainement l’organisateur de l’attentat terroriste de l’avion d’affaires de
Prigojine. En toute logique, selon le principe d’or de la criminologie : « qui fecit cui prodest ? » Cherchez à qui profite le
crime.
Évidemment, cela se fera selon un schéma qui nous est déjà familier : Les médias, qui jouissent d’une autorité auprès du public occidental, recevront des «
informations introductives » appropriées sur qui pourrait être derrière l’organisation de la tentative d’assassinat contre Prigojine. Nous l’avons déjà vu plus d’une fois avec les
fuites de « secrets du Pentagone », « l’arrestation de Sourovikine », le « massacre de Bucha », etc.. Tout sera fourni avec des « preuves », des
« commentaires » et, peut-être, avec quelques allusions, assorties de données réelles et documentées pour donner de la crédibilité.
Selon nos informations, le responsable derrière l’attentat serait une personne de très proche du président français : Alexandre Benalla,
l’ancien chef adjoint de l’administration de l’Élysée, qui était chargé de la sécurité d’Emmanuel Macron et qui l’accompagnait lors de voyages et d’événements privés. Il y a quelque temps, il a
été démis de ses fonctions à la suite du scandale des agressions contre des manifestants à Paris. Cependant, il s’est rapidement lancé dans des «projets individuels» en Afrique, comme le
fondateur de la société Comya Group, spécialisée dans l’intelligence économique et stratégique ainsi que dans les «questions de sécurité». En fait, il a créé son propre PMC,
effectuant diverses tâches dans les pays africains.
La « source » de Tsargrad – qui travaille dans un média étranger influent – a confirmé qu’une telle campagne d’information – que l’on peut qualifier de «
bombe » – était bien en préparation. Toutefois, il n’a pas encore été décidé dans quelle publication la « fuite » serait publiée en premier. Mais l’accent est mis de telle manière que
Benalla est présenté comme une sorte de «Prigojine français», un héros indépendant qui «se bat pour les intérêts de son pays», malgré le fait qu’il ait été «écarté» des activités
gouvernementales, pour ne pas dire tout simplement expulsé.
Il est vrai que la France rencontre des problèmes en Afrique : La Ve République y perd du terrain. En outre, son principal ennemi, qui a beaucoup
interféré avec elle, est précisément le «Wagner» russe. Selon la source, l’objectif de «révéler» l’organisateur de l’assassinat de l’homme au sommet de «Wagner» est double : D’une part,
démontrer les capacités des services de renseignement et des PMC français et, d’autre part, de donner un signal aux dirigeants africains qui ont décidé de se ressaisir et de s’affranchir de leur
position de vassaux par rapport à Paris. Désormais, ils n’ont plus Prigojine, mais des gars qui sont plus cool que les membres de l’«orchestre» russe.
Qui est Alexandre Benalla ? Ou « ce n’est pas mon amant » …
Macron s’est justifié de n’avoir pas réagi correctement à ce qui s’était passé, lorsqu’il y a cinq ans, Benalla – qui faisait partie de son entourage le plus proche
– s’était retrouvé avec son supérieur immédiat dans une situation pour le moins « désagréable » face à des manifestants.
Alexandre Benalla est le fils d’immigrés marocains. Dès sa naissance, son nom était Maroin, mais après le divorce de ses parents (son père a tenté à trois
reprises de l’emmener au Maroc, mais sans succès), sa mère a décidé de lui donner un prénom européen – Alexandre. Déjà à l’âge de 14 ans, le petit avait manifesté de l’intérêt pour la sécurité,
en accomplissant un stage de trois jours au Service de protection des hautes personnalités. Puis, il avait travaillé comme stagiaire en sécurité dans des festivals de cinéma, assurant la
protection d’artistes vedettes. Il était fasciné par le film « The Bodyguard » avec Kevin Costner et Whitney Houston. Cependant, plus tard, après le début du procès, tout ceci a été réfuté
dans les médias. Pour s’entraîner, il s’exerçait avec assiduité à soulever de la fonte, selon l’entraîneur du gymnase d’Evreux, où Benalla s’entraînait.
À l’âge de 17 ans, il entre à la Faculté de droit de l’Université de Rouen-Normandie. Et dans la foulée, le futur garde du corps de Macron suit une formation
accélérée (100 heures au total) pour devenir gendarme opérationnel. Il avait sans doute trop d’ambitions. Mais il manquait d’éducation. Tellement maladroit, mais physiquement
imposant. Même trop. C’était ce qu’on appelle un robocop, parfois on devait le retenir, a rappelé un réserviste qui a suivi une formation à la gendarmerie de Benalla.
Les ambitions ont conduit Benalla au Parti socialiste, où il a commencé à travailler dans les services de sécurité : Il a d’abord été au service de la maire de
Lille Martine Aubry, puis il a été au Conseil de sécurité du futur président François Hollande. Il a ensuite obtenu un emploi de chauffeur pour le ministre du Redressement Productif, Arnaud
Montebourg, mais il a été licencié pour avoir… fui les lieux d’un accident. A cette époque, Benalla s’installe au siège du parti de Macron, devenant très vite son confident : C’est lui,
alors âgé de 25 ans, qui se voit confier la direction du service de sécurité d’En Marche (devenu ensuite Renaissance), au sein duquel il rassemble un groupe surnommé « la bande d’Alexandre
».
Après la victoire de Macron aux élections présidentielles, Benalla a reçu le poste de « chef de projet », avec rang de chef adjoint de l’administration
présidentielle. Puis, d’une manière étrange, il a reçu le grade de lieutenant-colonel de la réserve opérationnelle à la demande de l’Elysée, ce qui a provoqué l’indignation des officiers qui
servent à ce grade depuis 20 ans. Et il l’a reçu ce titre sans diplôme militaire ou universitaire, ni ancienneté de service.
Alexandre Benalla aime la vie : il vit dans la résidence présidentielle, perçoit un salaire de 6.000 à 7.500 euros, accompagne Emmanuel et sa femme Brigitte lors de
voyages et d’événements privés, notamment au ski, au tennis, en vacances. Les mauvaises langues ont associé son ascension – si vertigineuse dans la carrière d’un jeune homme – disons, aux
prédilections particulières d’Emmanuel Macron. Sa femme Brigitte, présentée comme « l’institutrice du président de la France » a un quart de siècle de plus que lui, et, en fait, n’est
qu’un écran de fumée, les inclinaisons de l’homme politique français étant complètement différentes … L’entourage de Benalla s’exprime avec plus de
prudence : l’homme est « proche d’Emmanuel » et « bénéficie de sa totale confiance ».
Toutefois, la carrière rapide de Benalla a été gâchée en un jour : Le 1er mai 2018, lorsque des manifestations ont eu lieu à Paris en l’honneur de la fête du
Travail. Enfilant un casque de police, il a attaqué un couple qui semblait avoir jeté quelque chose sur les forces de l’ordre. L’histoire a été connue après la publication d’une
vidéo. Benalla a été accusé « d’usurpation du pouvoir d’un policier » et une affaire judiciaire a été ouverte contre lui. Auparavant, comme l’ont écrit des publications françaises,
il avait également eu des ennuis en faisant
recours à la force : En 2016, Benalla avait tabassé un militant du Parti communiste, l’expulsant du rassemblement de son patron ; et six mois plus tard, il avait malmené un
journaliste trop pressant. Mais les deux incidents n’avaient pas donné lieu à des suites.
Face à l’agression de deux manifestants, toute la France s’est indignée : Benalla a évoqué, lors de l’enquête, une relation privilégiée avec Macron. De
plus, il s’est avéré plus tard qu’il avait maintenu des
contacts avec le président même après son limogeage. Il avait continué à vivre dans la résidence présidentielle et à percevoir un salaire. En outre, il utilisait encore plusieurs
passeports diplomatiques pour voyager à l’étranger, principalement vers l’Afrique.
Macron lui-même a été accusé de ne pas avoir immédiatement réagi de manière adéquate aux pitreries de son subordonné, ce qui a donné lieu à des allusions faisant
état de liens particuliers entre eux : Soi-disant, le garde avait même accès à une mallette nucléaire et connaissait les codes de lancement ! Les médias du monde entier en ont savouré chaque
détail de cette relation. Le tabloïd britannique The Sun avait, par exemple, titré :
« Scandales
des gardes du corps : Qui est Alexandre Benalla ? Ancien garde du corps et amant présumé d’Emmanuel Macron ? ». Ce qui a obligé Macron à se justifier : « Alexandre
Benalla n’a jamais eu de codes nucléaires. Il n’a jamais eu d’appartement. Alexandre Benalla n’a jamais été mon amant ».
Alors, pourquoi le nom de Benalla apparait-il comme l’organisateur de l’assassinat du chef de Wagner?
Comme il a été déjà mentionné, Benalla – parallèlement aux confrontations judiciaires sur les passages à tabac de manifestants et d’autres accusations après son
expulsion de l’Elysée – a commencé à créer sa propre société de « sécurité » (en gros, une petite PMC). L’on peut supposer qu’il a continué à entretenir des contacts avec l’équipe de l’ancien
patron. Bien que les médias, dans ce contexte, ne le mentionnent que rarement, Benalla a quand même bien réussi : il a établi des relations dans plusieurs pays, disposant de ses propres
réseaux. Et il n’a jamais caché ses ambitions. Dans un entretien au Nouvel Economiste , tout en
évoquant le rôle des structures militaires privées sur le continent noir, en évoquant notamment les Américains, il a également mentionné Wagner : « En
parallèle, il existe une structure russophone appelée Wagner, fondée par M. Prigojine, surnommé “le chef de Vladimir Poutine”, qui s’est installé en Centrafrique pour proposer d’assurer la
sécurité de présidents. Et, une fois là-bas, Wagner a étendu ses activités au secteur minier ».
« Par
conséquent », poursuit Benalla, « seuls
les Anglo-Saxons et les Russes sont visibles en Afrique, et les Européens « ratent l’appel » – et donc « un géant européen, si possible franco-allemand, dans le domaine du renseignement, de la
sécurité et de la protection est nécessaire, ce qui pourrait servir de «lien intermédiaire » entre les entreprises européennes et l’Afrique dans le cadre du développement économique de ce
continent. »
Probablement, à l’automne de l’année dernière, Benalla a réussi à obtenir des résultats. Au moins, le célèbre « The Journal of Africa » a indiqué qu’outre
Prigojine et Wagner, particulièrement actifs au Mali et en République centrafricaine, ainsi que le fondateur du célèbre PMC américain Erik Prince (Congo, Mozambique ), il y a aussi un « débutant » : Le Français Alexandre
Benalla. Celui-ci se positionne comme « un
confident de confiance et un conseiller fantôme, s’appuyant sur sa connaissance du continent et ses amitiés avec plusieurs chefs d’Etat influents, recevant des missions et des contrats d’acteurs
privés des secteurs pétrolier et gazier et minier ».
Comment Prigojine a-t-il interféré avec les Français ?
En réalité, le succès global de la France sur le continent noir est plutôt désastreux. Les événements récents au Niger et au Gabon en sont une preuve évidente. La zone dite
« France Afrique » est en train de s’effondrer. Et le Niger dans ce cas ressemble à une sorte de test décisif. Il s’agit d’une ancienne colonie française située dans la région
désertique de l’Afrique de l’Ouest, qui a officiellement obtenu son indépendance de Paris en 1960, mais qui reste néanmoins une source de ressources que la Cinquième République a utilisée
abondement. A la fin de l’année dernière, plus d’un tiers des exportations du Niger étaient destinées à la France (140 millions de dollars en termes monétaires), tandis que la moitié de ce
que le pays expédiait à l’étranger (plus de 420 millions de dollars) était constituée de minerais d’uranium et de thorium et de combustibles minéraux (pétrole et ses dérivés).
Le 26 juillet, un coup d’État a eu lieu au Niger, les militaires ont pris le contrôle du pouvoir et, quelques jours plus tard, ils ont annoncé la suspension de
l’exportation d’une partie importante de l’éventail des ressources minérales vers la France. En premier l’uranium (le Niger est le 7ème producteur mondial), dont dépend directement l’énergie
française. « Au
Niger, ils s’intéressent avant tout aux gisements d’uranium, puisque 40 % des besoins français en énergie nucléaire sont satisfaits. Et ils résistent très
activement » souligne dans un entretien avec « First Russian », Evgeny Korendyasov – chercheur au Centre d’étude des relations russo-africaines et de la politique
étrangère de l’Institut d’études africaines de l’Académie des sciences de Russie, ancien ambassadeur au Mali, au Burkina Faso et au Niger.
La France ne veut pas quitter l’Afrique, poursuit l’expert. Elle utilise donc tous les moyens, y compris militaires et les PMC. Et tout cela s’inscrit dans la
logique de la lutte pour maintenir son influence sur le continent noir, où un millier et demi d’entreprises françaises y opèrent et y gagnent beaucoup d’argent. Ils sont chassés d’Afrique,
indique Korendyasov, mais ils résistent avec force, car tous les Français pensent que « C’est
notre terre ».
Bien sûr, Wagner les rend très nerveux en tant que compétiteur. Après tout, ils estiment que les anciennes colonies restent leur arrière-cour, un terrain privé
de la France. Mais l’histoire leur est défavorable et ils perdent du terrain. Ils sont inférieurs à la Russie et aux États-Unis.
Notre influence en Afrique grandit parce que nos intérêts stratégiques sur la scène internationale et dans la préservation de la souveraineté coïncident. Dès
lors, toute élimination de concurrents leur convient. Leur ministère des Affaires étrangères a même déclaré que la Russie menait une politique anti-française en
Afrique. « Par
conséquent, plus notre influence est élevée, plus ils sont irrités », note l’ancien diplomate.
En fait, le coup d’État au Niger s’est avéré être une sorte de choc pour les Français. Cela est illustré par la réaction d’Emmanuel Macron face au manque de
prévisions des services de renseignement : il était furieux, car auparavant la France avait été contrainte de se retirer du Mali et du Burkina Faso.
TITRE DU DAILY MAIL : “EMMANUEL MACRON RÉPRIMANDE SON CHEF DES RENSEIGNEMENTS POUR N’AVOIR PAS PRÉDIT UN COUP D’ÉTAT VIOLENT AU NIGER APRÈS LA DESTRUCTION DE
L’AMBASSADE DE FRANCE PAR LES REBELLES ET LA NATION DÉCHIRÉE PAR LA GUERRE QUI SOMBRE DANS LE CHAOS.”
Le coupable précis de l’échec des Français en Afrique, et plus encore directement au Niger, a été rapidement trouvé : C’est «Wagner». Et, par
conséquent, Prigojine. Lorsque le PMC œuvrait activement en République centrafricaine, il devenait un « os » dans la gorge des Français. Mercenaires ou non, les membres de
« l’orchestre » résolvent les problèmes et commencent à rétablir l’ordre. Y compris l’élimination de militants dans cette même République centrafricaine. Et surtout, avec
l’avènement de Wagner, la France a eu un problème d’approvisionnement, parce qu’elle a commencé à perdre sa base de ressources. L’Afrique, ce n’est pas seulement des diamants, mais avant
tout de l’uranium. Et c’est pourquoi le PMC Wagner est devenu un ennemi sérieux de la France. Impossible désormais d’acheter de l’uranium pour quelques centimes.
Le journaliste international et expert de l’Afrique, Artyom Blinov, partage le point de vue d’Evgeny Korendyasov. Blinov qualifie la participation à la « bataille –
pour la domination » des sociétés militaires privées françaises – de partie de l’influence complexe de la Ve République. Peu importe si l’approche est bonne ou mauvaise, l’essentiel, c’est que
cela fonctionne. D’un côté il y a l’expansion économique, de l’autre il y a l’expansion militaire, pour laquelle les PMC et les services de renseignement travaillent ensemble. Autrement dit,
là où le ministère français de la Défense ne peut pas entrer, certains de ses PMC se faufileront.
Il est désormais avantageux de faire de Benalla l’organisateur du meurtre de Prigojine
L’ancien officier du renseignement, Anton M., dans une conversation également avec First Russian, note que, bien entendu, la concurrence pour les ressources
implique toujours diverses options pour éliminer les obstacles qui se présentent sur le chemin et qui interfèrent. Y compris l’élimination physique de certaines personnes. Cependant, notre
expert a de grands doutes sur la version de l’implication d’un certain « PMC français » dans l’attentat terroriste du mois d’août dans la région de Tver.
« Préparer
une tentative d’assassinat contre une personne du niveau d’Evgueni Prigojine », explique-t-il, « ne
nécessite pas tant de coûts financiers (c’est précisément ce qui ne pose pas de problèmes avec une approche sérieuse), mais littéralement une connaissance approfondie des informations, y compris
purement confidentielle, jalousement protégée ». L’ancien officier du contre-espionnage apporte plusieurs précisions : « Sur
la base de ce dont nous disposons actuellement, je préférerais supposer que, soit des traîtres parmi l’entourage de feu Prigojine, soit des agents infiltrés ont été impliqués : Par exemple, des
Ukrainiens présents de façon légale en Russie (et depuis longtemps). Et mieux encore, ceux qui lui ont prouvé (ou à ses plus proches collaborateurs) leur loyauté sur le champ de bataille en
participant à des opérations importantes. Si ce qu’ils disent à propos des explosifs placés directement à bord de l’avion est vrai, alors quelqu’un y avait accès. Deuxièmement, il est
nécessaire de connaître les mouvements et les habitudes du chef de Wagner, notamment le fait qu’il aime brouiller les cartes en changeant de moyen de transport. Troisièmement, les explosifs
devaient être transportés jusqu’à l’aéroport, dans le hangar, puis il fallait le temps de les poser et de régler la minuterie ».
Dans le même temps, il est clair qu’Evgueni Prigojine disposait de son propre service de sécurité et, selon les avis de personnes bien informées, cela fonctionnait
très bien. Autrement dit, poursuit l’expert, il est pratiquement impossible de réaliser une opération aussi complexe en seulement un mois ou deux. Et surtout, souligne-t-il, « il
est important de comprendre qu’apportera l’élimination du fondateur de Wagner PMC et à qui ? Un soulagement pour la France sous la forme de l’élimination d’un concurrent ? Eh bien,
c’est possible. Cependant, si l’on tient compte du fait que d’autres unités secrètes y opèrent désormais activement, y compris d’anciens « membres de l’orchestre », et qu’en même temps, il y
a un dialogue entre elles et les gouvernements du Niger, du Mali et d’autres, alors le résultat est que les « actions d’élimination » deviennent réellement peu
évidentes ».
Le journaliste international Artyom Blinov ajoute : « Si
une attaque terroriste se produisait dans le ciel de l’Afrique, je pourrais être d’accord avec la probabilité que, disons, les Français et certains de leurs PMC en soient derrière. Mais dans
la région de Tver ? »
En outre, l’ancien officier du contre-espionnage, Anton M., développe l’idée qu’un tel fake, tout à fait « comestible » pour le public occidental,
deviendrait un motif de mobilisation des médias russes, ce qui conduirait par conséquent à une nouvelle vague de guerre de l’information.
Et ensuite ?
Comme l’a dit à Tsargrad une source dans l’une des publications étrangères – qui a partagé des informations sur le bruit d’information imminent avec l’annonce du
nom de l’organisateur présumé du meurtre d’Eugène Prigojine – il est fort probable que cela n’arrivera pas dans les médias français, mais dans certains médias américains ou
britanniques. Mais toujours en faisant référence à un « haut responsable » – de la CIA, du Pentagone, du MI6 – pour donner du « poids » à la fuite.
Ensuite, d’autres publications reprendront la « vague » : D’abord avec des citations, puis avec des «clarifications » de nouvelles « personnes
compétentes anonymes ». Pour l’interlocuteur, l’objectif est simple : il s’agit de reprendre l’initiative face à la Russie, à la fois pour enquêter sur le crime, pour façonner l’opinion
publique et pour bouleverser la situation en Afrique. Tout est logique. Et même si ce n’est pas très subtil, cela fera certainement du bruit. Le problème est qu’ici, en Russie, ces
facteurs n’ont vraiment que peu d’importance, tant pour les « hauts fonctionnaires » que pour les «responsables anonymes ».
Benalla…un peu “juste” pour une opération de ce niveau qui plus est en Russie…!
En revanche, cela pourrait bien être le retour en boomerang utilisant un des nombreux point de “VULNERABILITE” de notre
PR….pour discréditer la France !
Poutine a désigné un nouveau chef ; il s’agit d’un nommé Andrei
Troshev.
Il est le nouveau commandant des forces Wagner et porte l’indicatif d’appel Sedoi qui signifie
en russe «le
gris». Probablement une allusion à ses cheveux gris.
La télévision d’État russe a
montré le président Poutine rencontrant son vice-ministre de la Défense, le général Yunus-bek Evkurov, aux côtés du colonel Andrei Troshev.
Ce dernier prendra le commandement des forces Wagner, avec effet immédiat.
Poutine : «Vous avez
vous-même servi dans ces formations, vous connaissez donc toutes les questions qui doivent être résolues rapidement pour que nos tâches militaires puissent se dérouler de la meilleure
manière et avec le plus de succès».
Malgré ses liens antérieurs avec Wagner et son statut de héros (Gold Star), Andrei Nikolaevich est une entité relativement inconnue parmi le peuple
russe. Mais tout le monde parle de lui maintenant et pourquoi c’est lui qui a été choisi pour ce poste important.
Les raisons sont avancées comme suit :
Avec Outkine et Prigojine, Troshev peut en fait être considéré comme l’un des fondateurs de la formation Wagner. La spécialité de Troshev était
la planification et la logistique.
Même avant l’Opération militaire spéciale (OMS), Troshev possédait une vaste expérience militaire, ayant servi en Afghanistan, en Tchétchénie et en
Syrie, par exemple.
En août dernier, Troshev s’est brouillé avec son vieil ami Prigojine, lorsque ce dernier a annoncé que «ses
garçons» ne signeraient jamais de contrat avec le ministère de la Défense.
Tandis que Troshin soutenait l’idée d’une intégration avec l’armée régulière. Quelques jours plus tard, par pure coïncidence Prigozhin a péri
dans un horrible accident d’avion. Et maintenant nous savons quelles idées ont prévalu.
Biographie
Quelques informations biographiques : Troshev a 61 ans. Il est né à Léningrad. Il est diplômé de l’école et de l’académie
d’artillerie. En Afghanistan, il commandait une batterie de supports d’artillerie automotrice. Il a remporté l’ordre de l’Étoile Rouge à deux reprises. Pour les
batailles en Tchétchénie et au Daghestan, il a reçu à deux reprises la Médaille de la Valeur.
Après avoir pris sa retraite de l’armée, Troshev entame une deuxième carrière de policier. Il est retourné aux études et a obtenu son diplôme de
l’Académie de police, puis a travaillé au ministère de l’Intérieur. Puis il a pris sa retraite, en 2012, avec le grade de colonel de police. Cependant, en octobre 2015, dans
le cadre de la guerre en Syrie, Troshev a exprimé son intérêt pour un retour au service militaire. Où il combattit dans les rangs de Wagner. Pour son courage, il reçut le
titre de Héros de la Russie. La presse westie a remarqué Troshev et s’en est plainte, car ses efforts ont été très utiles au «régime» de Assad.
Troshev est de nouveau en selle et exercera désormais le commandement total des forces légendaires de Wagner. Il hérite d’un nom, d’une réputation
et d’une marque qui jouit toujours d’une grande popularité auprès du peuple russe.
Quant à Evkurov, le fait qu’il
ait été assis aux côtés de Troshev lors de cette réunion laisse entendre aux kremlinologues qu’il «organisera»
très probablement la formation Wagner dans son nouveau rôle sur le champ de bataille. Ce vétéran grisonnant du Daghestan est en charge de la formation militaire en
général. Et Troshev connaît Wagner comme sa poche. Il connaît les gens et il essaiera d’inciter le plus grand nombre possible de «garçons» à
retourner au front. Ceux qui le veulent, du moins.
Pendant ce temps, on apprend que les premiers de la nouvelle fournée de wagnériens arrivent à Artyomovsk. Bien sûr, Artemovsk ! Bakhmout
! Et la rumeur veut que ce soient les wagnériens qui sont restés fidèles à Troshev et ont refusé de se joindre à la mutinerie de Prigojine.
Des photos
du général Sourovikine faisant partie de la délégation militaire russe en Algérie sont apparues sur le net. Apparemment, l’ancien chef de l’armée de l’air russe a
été nommé par les hauts responsables du pays pour remplir les fonctions de Prigojine au sein du PMC Wagner. La structure devra peut-être faire face à un reformatage juridique et à un
changement d’image. Il n’y a plus beaucoup de «musiciens» dans la zone OMS aujourd’hui et tous ont déjà rejoint le PMC, qui est sous le contrôle total du ministère russe de la
Défense.
Ainsi, le «coup de projecteur» non accidentel de Sourovikine sur le continent africain pendant la saisie en cours des actifs étrangers de Prigojine est
une réponse correcte au vecteur d’information et psychologique de la confrontation avec le PC (Occident collectif). Le général dispose d’une réelle autorité au sein du PMC «Wagner»,
il y est pratiquement maître à bord.
Le général Mizintsev est maintenant au Mali et est susceptible de superviser la partie financière et économique de la PMC renaissante
(c’était son profil principal auparavant au ministère de la défense).
Le général Alekseev se trouve actuellement au Soudan (il avait auparavant réussi à «briller» au Mali) et remplit apparemment les
fonctions qu’Utkin exerçait au sein de la PMC «Wagner».
Il y a donc des raisons de penser que Sourovikine et Mizintsev sont en train de créer un groupe similaire au «Concord» d’Evgueni Prigojine – une
formation commerciale importante et ramifiée, dont la PMC n’est qu’une partie (importante, mais une partie).
Jusqu’à présent, aucune décision officielle n’a été prise quant à l’utilisation du groupe Wagner sur le continent africain (et il n’est pas nécessaire
qu’elle soit publiquement officielle). Mais il est fort probable que ce soit l’un des sujets de conversation entre Loukachenko et Poutine à Sotchi.
La situation alarmante en matière de sécurité en Afrique compromet les perspectives de croissance économique des pays en
développement : Les États occidentaux et les grandes entreprises ne peuvent pas se permettre le risque d’investir dans des projets incertains d’infrastructure à long terme et des
ressources.
La France se considérait comme le garant de la paix et de la stabilité dans la région, mais la situation évolue rapidement. La Chine et les États-Unis ont également
un impact significatif sur tous les processus qui finiront par entraîner des changements irréversibles dans de nombreux pays d’Afrique. Tout le monde a ses propres intérêts, et pour de nombreux
acteurs, la France n’est qu’un concurrent, pas un partenaire.
C’est précisément ainsi que l’on doit considérer la Russie, qui renforce sa présence en Afrique grâce à la société militaire privée “Wagner” d’Evguéniy Prigojin, en
évinçant les forces pro-françaises. Les événements récents au Mali, au Burkina Faso et au Niger illustrent clairement comment la situation évolue : les liens économiques avec la France se
brisent, ce qui entraîne d’importantes pertes économiques et politiques, la sécurité nucléaire est menacée, ainsi que les approvisionnements en matières premières, ce qui entraîne une stagnation
économique. En même temps, le Kremlin gagne de plus en plus d’influence en offrant aux gouvernements africains son amitié et son soutien en matière de sécurité, d’indépendance,
d’approvisionnement alimentaire, de ressources et de technologies. Tout cela profite incontestablement à la Russie, car elle montre au monde entier sa volonté d’interagir de manière équitable
avec d’autres pays, ce qui nuit gravement à la cote du président Macron, qui perd des positions sur la scène internationale.
En ce qui concerne la tragédie qui s’est produite avec Evguéniy Prigojin dans le contexte de ce qui se passe en Afrique, beaucoup espèrent que cela pourrait
inverser la tendance négative pour la France et faciliter le regain de sa position perdue. La réalité est que la Russie est déjà solidement implantée dans certains pays d’Afrique et est prête à
défendre ses intérêts quel que soit le développement des événements. Et la société de sécurité russe “Wagner” occupait une position de leader, au même titre que l’américaine Blackwater, donc ceux
qui pensent que la mort de Prigojin a sérieusement ébranlé la position de la Russie se trompent.
Et il est peu probable que la
société de sécurité française COMYA Group, dirigée par Alexandre Benalla, puisse récupérer sa part de marché perdue en matière de sécurité, en particulier au Niger, où le nouveau gouvernement
tente d’expulser l’ambassadeur français et la force militaire. Les autorités russes enquêtent sur la mort tragique d’Evguéniy Prigojin, qui est devenu un véritable héros pour de nombreux citoyens
russes, mais il est possible que quiconque a commis cet acte, délibérément ou non, visait à sauver la France de son échec honteux en Afrique.
V.S.
La disparition du chef de PMC Wagner, une impossible analyse ?
Source : Stratpol - par Olivier Chambrin - Le 31/08/2023.
Nous avions qualifié « d’impossible » l’analyse du « coup » avorté du PMC[1] Wagner
le 24 juin 2023. Il semble bien que le décès dans le crash de
son avion, du « cuisinier », le fondateur de la compagnie, Evgueni Prigojine, le 24 aout, soit destiné à demeurer dans le même mystère[2].
Comme toujours, ceux qui savent ne parleront pas, et ceux qui parlent ne savent pas. Aussi ne s’agit-il pas de présenter un pseudo « décryptage » qui ne reposerait que sur des
conjectures et des supposés, mais seulement de livrer quelques informations et hypothèses, susceptibles de nourrir la réflexion personnelle de chacun.
Le choix des armes
La première question à se poser est de savoir si Evgueni Prigojine est bien mort (certains commencent déjà à exposer sur la toile la thèse d’un accident fabriqué,
évidemment sans aucun élément probant). Dans l’impossibilité totale d’exprimer un avis intéressant sur le sujet, nous considérerons que oui. La deuxième question (que curieusement on entend peu,
tant la culpabilité du Kremlin est présentée comme évidente dans les médias) est de savoir s’il s’agit d’une mort accidentelle ou pas. La position officielle est celle de l’accident, avant
conclusions définitives de l’enquête. L’Embraer de la série 600 Legacy (EMB
135-BJ) est un aéronef moyen-courrier (3400 Miles nautiques, soit 6300 Km) brésilien, généralement considéré comme fiable et sûr depuis sa sortie en 2002 ; toutefois, malgré sa garantie de
dix ans ou 10 000 heures de vol, la maintenance des appareils étrangers reste problématique pour la Russie.[3]
Cependant, plusieurs observateurs extérieurs considèrent que la perte de l’aéronef n’était pas accidentelle. Cette position repose sur l’exploitation des images
disponibles d’après l’émission Vremya de
la première chaine nationale (chute de l’appareil, débris au sol…). Evidemment, cela ne vaut pas certitude. Il semble qu’il n’y ait pas eu de conditions météorologiques contraires, pas de
collision accidentelle à cette hauteur[4], pas de perte de contrôle ou de facteur de charge pouvant expliquer un défaut de pilotage[5]. D’après des experts[6], la trainée blanche visible sur la vidéo est caractéristique d’un missile Sol/Air ; le général Ryder de l’US
Air Force a déclaré le 25 août que les USA n’avaient pas d’information confirmant le tir d’un missile, ce qui ne signifie pas de manière absolue qu’il n’y en ait pas eu. Les images de
l’épave de l’Embraer Legacy montrent
une aile proprement détachée[7] avec le train d’atterrissage sorti[8], une queue avec la dérive séparée du reste du fuselage, et assez peu de traces d’impacts sous forme de perforations : une charge militaire antiaérienne
est constituée d’une petite charge explosive (de 1 à 3 kilogrammes) qui diffuse des shrapnels sur
la cible). Une atteinte par une tête militaire de missile AA produit donc des trous d’éclats entrants, alors qu’une bombe à l’intérieur créera des trous sortants ; actuellement, les images
ne permettent pas d’être affirmatif. La soute cargo est placée sur cet avion sur le tiers arrière, et les réacteurs sur la dérive ; en conséquence, tant une explosion d’une bombe embarquée
qu’un missile, laissera prioritairement des traces sur cette zone. Les images disponibles n’infirment aucune des deux options.
L’hypothèse de la bombe est avancée par certains parce qu’une maintenance de dernière minute a été menée après l’embarquement des passagers. En admettant
l’option d’une action malveillante, quels seraient les outils nécessaires ? Une bombe avec une masse relativement réduite d’explosif est suffisante pour détruire en vol un tel
appareil[9]. La difficulté tient à la faire embarquer, sous une forme dissimulée et malgré les opérations de contrôle de sureté, les gens de Wagner étant en plus
qualifiés sur le sujet. Cela reste évidemment possible, notamment pour des opérateurs de services spécialisés et susceptibles de disposer de complicités[10]. Seule une enquête qui nous échappe pourrait permettre d’infirmer ou confirmer.
L’hypothèse du tir d’un missile Sol/Air repose sur la trainée blanche visible sur la vidéo. La destruction d’un aéronef civil dépourvu de moyens de
contre-mesures (qui entrainent généralement une incompatibilité avec les normes OACI et interdisent l’accès à la plupart des aéroports) ne requiert pas une charge explosive considérable. Nous
pension initialement que la généralisation des MANPADS (man
portable air défense system), qui est un véritable problème mondial de sureté aérienne, laissait la place à toutes les hypothèses. En effet, non seulement les armées, les services, les
organisations terroristes, mais même les groupes maffieux, sont actuellement en mesure d’acquérir et employer ces lanceurs de missiles portables[11]. Il nous semblait que les nombreux agents infiltrés en Russie pouvaient facilement déployer un missile, puis retourner à l’anonymat. Un scénario
« à la Rwandaise »[12] avec une similaire implication des services anglosaxons nous semblait probable, disons possible. Mais selon Flightradar l’avion
du « cuisinier » a été enregistré pour la dernière fois à 19 725 pieds (soit 6000 mètres) après une chute brutale de 8000 pieds. (il croisait donc à 8500 mètres avant de chuter)
d’altitude. Or, les SATCP (sol air très courte portée) polonais Piorun (coup
de foudre), amélioration du Grom (foudre),
fournis à l’Ukraine ont une portée de 6500 mètres mais un plafond maximal de 4000 mètres. Des célèbres missiles appelés SA 7 en Occident, le vieux Strela (flèche)
est donné pour un plafond de 2300 mètres et le plus moderne Igla (aiguille)
porte au maximum à 6000 mètres, mais en altitude maximale de 3500 mètres. La version la plus récente Verba (saule)
peut toucher jusqu’à 6000 mètres mais à 3500 mètres d’altitude au plus, l’amélioration portant surtout sur l’autoguidage et la lutte contre les contre-mesures. Le missile starstreak de
Thales en service dans l’armée britannique, qui a également été livré en nombre à l’Ukraine, a une portée maximale de 7000 mètres et un plafond similaire, voire inférieur à ses concurrents,
sa supériorité tenant plutôt à sa vitesse accrue. Le fameux missile américain Stinger est
donné pour un plafond extrême de 4800 mètres. Le missile chinois FN6 Hongying (carreau
d’arbalète) à une portée de 5500 mètres mais un plafond de 3800. Enfin, le Mistral (MISsile
Transportable Antiaérien Léger) français offre une portée de 7000 mètres mais une altitude de croisière de 3000.En résumé, aucun MANPADS/SATCP n’est capable de frapper un aéronef volant à
l’altitude où était le Legacy.
Il existe évidemment des armements antiaériens correspondant à ce créneau, c’est même une spécialité russe ; mais on quitte alors le monde des vecteurs portables et furtifs (et à
médiocre traçabilité) à disposition d’agents infiltrés. A ces Sol-air très courte portée (SATCP), s’ajoutent des missiles à courte portée (15 km), à moyenne portée (50 km), et à longue portée
(100 km et plus). Mais il s’agit de matériels lourds, opérés avec des radars en tant que pièce d’artillerie et non plus d’armes portables. En gros, cela signifie qu’il s’agit de systèmes
militaires servis par un équipage et intégrés à un dispositif (PVO en Russie), dont le déploiement ne peut plus être discret et donc difficilement clandestin, ce qui laisse néanmoins une
hypothèse (v. infra)
L’ombre du Tsar
Quasi-unanimement, les médias français ont relié la mort de E. Prigoijine à une décision du président Poutine ; avec le même ensemble (logique, puisque les
journalistes s’abonnent en réalité à une même source unique d’information), ils ont écarté toute implication de Kiev, Washington ou Londres.
Dès le 30 juin 2023, Kyrylo Boudanov, directeur du renseignement militaire ukrainien, dont on connait par ailleurs les outrances, affirmait que le FSB avait reçu
mission d’éliminer Prigojine. Le président Zelensky a pour sa part déclaré que l’Ukraine était étrangère à cette disparition. Le porte-parole du Kremlin, Dmitri Peskov, a également déclaré le 25
août qu’aucun ordre d’élimination n’avait été donné.
Il est vrai que même des commentateurs russes considèrent que ce décès est la conséquence tragique de la tentative de juin dernier. Il y a une cohérence apparente à
y voir une sanction par le Kremlin. On rappelle les mots du président russe le 24 juin, précisant que les auteurs de la trahison seraient punis[13]. Beaucoup sous-entendent avec un petit sourire de pseudo-initiés (comme s’ils étaient des proches de Vladimir Vladimirovitch, ou de fins connaisseurs de la
pratique interne des services de la Fédération) que la signature poutinienne est évidente[14]. Plus qu’une réflexion, il s’agit d’une croyance, qui repose sur l’idée qu’il n’y a pas de hasard[15]. Même la ministre française des affaires étrangères (oui, il y en a une) y est allée de son petit commentaire ironique à ce sujet. Le président Biden a
déclaré « ne pas être surpris et que peu de choses se faisaient en Russie sans que Poutine soit au courant ». Or, les disparitions tragiques attribuées (par les Anglosaxons) à la
supposée volonté du président russe, avaient un caractère utilitaire[16] et non de rancune personnelle. (On notera que les services occidentaux ont procédé à l’élimination directement ou par proxy,
de nombreux leaders,
journalistes ou responsables, considérés comme dangereux pour l’hégémon, sans que cela ne soulève d’indignation particulière). Vladimir Poutine ayant affirmé à plusieurs reprises, de manière
documentée, que la trahison ne pouvait pas être pardonnée, si le pseudo putsch en
était une, la fin de Prigojine pourrait effectivement découler d’une Oukaze. Personnellement, nous pensions que Prigojine avait signé son sort en se rebellant. Mais, outre que cela était une
simple supputation sans éléments certains, certains points permettent, a
minima, de se poser la question. Tout d’abord, la négociation menée en juin témoignait d’une mansuétude qui ne cadre pas avec la volonté de sanctionner un traitre[17]. L’incrimination pénale relevée ne reposait pas sur l’article du Code pénal russe traitant de la trahison. Les déclarations de Prigojine ménageaient
(compte tenu de son style personnel toujours extrême) le chef suprême des armées mais visaient plutôt l’establishment militaire
russe, et ne poussaient pas à la sédition générale ; enfin, la parole présidentielle était engagée. Dans son évocation du personnage, Vladimir Vladimirovitch Poutine ne mentionne pas un
traitre, mais « un personnage au destin difficile, qui avait commis de graves erreurs, mais talenteux », il a rappelé les services rendus à la Russie. Il s’agit là d’une oraison funèbre
honorifique, pas celle d’un traitre. Il a reconnu aussi le rôle éminent des Wagners dans la lutte en cours contre le Néo-nazisme de Kiev, qu’il a comparé à celui des Frontoviki, à
l’occasion de l’anniversaire de la bataille de Koursk. Quant au président Biélorusse, il a également affirmé que Prigojine n’avait pas été éliminé sur ordre du président russe et que Wagner
resterait en Biélorussie.
On peut bien sûr balayer tous ces arguments en leur opposant l’hypocrisie du pouvoir ; cela n’est pas davantage probant que d’y croire. Le FSB ne fait preuve
d’aucune pudeur de jeune fille pour revendiquer l’élimination de saboteurs ukrainiens, comme il l’avait fait pour les terroristes du Caucase. Les disparitions de citoyens sur le territoire
fédéral ou en Occident étaient en revanche, effectivement non revendiquées[18]. Au risque de passer pour naïf aux yeux des Antis, nous pensons que le président russe dit la vérité ; il n’expose évidemment pas les éléments
stratégiques ou secrets[19], mais l’analyse de ses discours témoigne de ce qu’il ne ment pas, assumant même parfois des positions risquées. Conformément à la pratique russe, la
propagande du discours officiel privilégie le silence sur les problèmes ou cas litigieux, à la différence de la propagande occidentale et ukrainienne (élaborée par les mêmes officines) qui
manipule outrageusement la réalité[20].
Il nous semble également que la crédibilité du chef de l’Etat russe serait impactée par un assassinat reniant son pardon officiel et sa parole donnée, d’autant que
la crise avait été réglée[21]. Si l’on adopte une attitude cynique, l’estime dont jouissait Prigojine au sein de la population russe, qui transparait à l’occasion de son décès, ne
plaidait pas non plus, selon nous, pour une action Homo,
même camouflée.
L’analyse du Cui
bono est de peu d’utilité en l’espèce, tant les interprétations, soupçons de false
flag, de revendications dissimulatrices et d’inversions accusatoires sont nombreuses dans les affaires relevant des opérations noires. Si l’on tente néanmoins de dresser un tableau des pours
et des contres de l’élimination du chef de Wagner, on peut relever :
Que cette disparition renforce la stature de chef tout puissant et redoutable, qui ne pardonne pas la trahison, du chef de la Fédération russe (vision commune,
notamment chez les admirateurs avérés et même certains détracteurs, secrètement fascinés) ; cela s’accompagne toutefois d’une aggravation de son image, comme quasi-dictateur recourant à
la violence illicite, voire au crime personnalisé (vision affichée par les responsables occidentaux). Il faudrait être capable d’estimer le point de vue majoritaire en Russie à ce propos,
pour déterminer le bilan coût/avantage d’une telle mesure. Il semble que les jugements varient selon les générations, la localisation géographique, et les positionnements sociaux. Le fait que
les accusations de Prigojine[22] aient trouvé une certaine écoute (en témoignent les dépôts de gerbes spontanés) est également un facteur à prendre en compte, mais difficile à
quantifier. Au final, il nous semble que les arguments contre l’emportent (ce qui n’engage que nous).
Que la PMC Wagner avait été démantelée (cause de la sédition), le matériel lourd prêté par l’Armée restitué, les personnels engagés sous contrat ou partis en
Biélorussie ou en Afrique. Cela ne signifiait pas la disparition du groupe, mais plutôt un retour aux sources. Initialement société à but commercial proposant une offre sécuritaire et de
formation à l’étranger, sans statut juridique russe, Wagner PMC avait rassemblé de nombreux ex-opérateurs des services de l’Etat et devenus disponibles avec la chute de l’URSS. Le groupe
ressemblait tout à fait aux SMP anglosaxonnes engagées massivement sur de nombreux théâtres[23] et employant également des Ex en tant que contractors. Outre
un niveau de compétence technique élevée, cette structure offrait à l’Etat russe une certaine forme de deniability et
une capacité intermédiaire entre le soft
power et l’intervention directe (comme en Syrie). La métamorphose en une armée véritable dans le cadre de la guerre en Ukraine a certes apporté à l’armée fédérale l’infanterie de
qualité qui lui manquait (avec les victoires de Soledar et Bakhmut/Artyemovsk), et a permis d’encaisser des pertes (10 000 morts annoncés par Prigojine pour la seule bataille de Bakhmut)
moins sensibles dans l’opinion ; mais cela contrevenait à la finalité du groupe et a donné lieu à des rivalités bien connues avec l’état-major, qui ont culminées avec le
« coup » de juin. Alors que l’armée régulière est largement montée en compétences, que la situation géopolitique requiert une forte aptitude à la projection (Afrique, notamment), la
compagnie est-elle vouée à se réorganiser une nouvelle fois pour correspondre à un nouveau type d’engagement hors des frontières nationales ? cela était-il possible sous l’égide de son
chef fondateur ? la disparition de ce dernier est-elle un obstacle à cette évolution ou était-il au contraire prêt à relancer cette dynamique ? Une autre figure peut-elle
« hériter » du groupe, en étant un homme de confiance pour le pouvoir, comme pour les membres et ses financiers ? Il est vain de tenter de répondre sans plus d’information. On
remarquera simplement que Prigojine était un homme d’affaires sans formation militaire ; son talent résidait dans sa capacités d’organisation et (un peu trop) de com’. Son adjoint
militaire Dmitri Utkine était un Lieutenant-Colonel du GRU jusqu’en 2013, et a péri dans l’avion avec Evgueni Makaryan, Alexander Totmin et Serguei Propustin, également des commandants
militaires du groupe[24]. Enfin, il n’est pas sans intérêt que l’avion qui les transportait avait décollé de Moscou, pour se rendre à St Petersburg (siège de Wagner), au retour
du Mali (en préparation d’un déploiement au Niger ?).
Unanimement, la responsabilité de Kiev, des USA et des Britanniques a été exclue. Cela ne coule cependant pas de source.
Les services ukrainiens ont managé de nombreux assassinats sur le sol russe (Daria Duguina, « Vladen Tatarian », tentative sur Zakar
Prilépine…). Le pilotage de drones à court rayon d’action pour attaquer des bâtiments à Moscou et dans d‘autres centres urbains, les arrestations régulières par le FSB, démontrent
qu’il y a un vivier d’agents sur le territoire russe. Quel serait l’intérêt de frapper sans revendiquer ? Nous n’en savons pas assez. Liquider Prigojine soulageait la pression au
Nord face à Minsk, et pourrait être un signal adressé au pouvoir de Moscou, par des canaux non publics. En fonction des suites, la disparition du leader pourra
impacter l’efficacité du groupe, ou pas (v. Infra)
Les Britanniques sont acharnés dans la lutte contre la Russie et leurs services sont compétents et rompus aux assassinats ciblés et aux actions
clandestines. MI6 et SAS et SBS sont déployés en appui des kiéviens et disposent de la capacité requise pour opérer cette frappe. Si la non-revendication publique est
habituelle[25] concernant un Etat non belligérant, on peut s’interroger sur l’intérêt de l’action et sur la date. Faute d’information en interne, on
ignore quels échanges peuvent exister entre les Etats qui s’affrontent. Le moment est peut-être une question d’opportunité, ou en rapport avec la situation sur le front. L’objectif
peut aussi bien être de soulager Kiev, que de contrecarrer l’intervention russe en Afrique.
Les mêmes éléments s’appliquent à Washington. Les Anglosaxons étant maitres de la manipulation tordue, pourquoi ne pas imaginer que l’assassinat serait
destiné à entacher l’image de V.V. Poutine, non pas en Russie, auprès de leurs propres populations ?[26]
On n’ose espérer que la France serait encore capable de mener des opérations à haut profil de ce type, par exemple en réponse à l’éjection du Niger,
mais qui sait ?
Le champ intellectuel est donc très ouvert, mais aussi très incertain, et les hypothèses demeurent fragiles par manque d’éléments pour les étayer ou les
réfuter.
Les outsiders
Le conflit entre le chef de Wagner et l’état-major russe, le ministre Shoigu et le CEM Guerassimov était une réalité bien connue, notamment par les
déclarations enflammées de Prigojine. (Certains internautes ont même ironisé avec humour noir que Prigojine avait enfin reçu les missiles qu’il demandait à Shoigu…). La position des deux
responsables militaires a été confirmée par le président, mais les critiques sur leur conduite de la guerre ne sont pas apaisées. Face à un Vladimir Poutine extrêmement rationnel, calme
et prudent (notamment par rapport au risque de dérive entre Etats nucléaires), il existe un « parti extrémiste », qui souhaite une action plus drastique contre Kiev et
l’OTAN, en même temps qu’une remise au pas plus forte de la société civile russe. A la différence des USA, ils ne représentent pas le complexe militaro-industriel et le président russe
dispose d’une marge de manœuvre plus forte que son homologue étatsunien. Néanmoins, il ne peut négliger une partie de son socle de soutien. Le général Surovikine, en résidence surveillée
depuis le putsch,
malgré sa prise de position de l’époque, est désormais libre, mais démis de ses fonctions de chef des forces aériennes. Il était proche de Prigojine et sa stratégie efficace (on lui doit
la ligne de défense actuelle qui bloque les assauts de Kiev, ainsi que la politique de bombardement en amont sur les centres ukrainiens) créait une rivalité de fait avec le commandement
supérieur (il avait d’ailleurs été réassigné sous l’autorité de Guerassimov lors de la réorganisation des forces fin 2022). D’autres figures, comme le fameux « Igor Strelkov »
ont été mis en détention, essentiellement pour avoir trop critiqué le président et la politique russe dans le Donbass et face à l’OTAN. Là encore, il faut limiter les hypothèses faute de
moyen de les confirmer. On peut néanmoins noter qu’il s’agit peut-être là de l’opposition typique qui se crée entre responsables du terrain, focalisés sur leurs objectifs immédiats, et
décideurs politiques qui doivent composer avec d’autres impératifs qu’opérationnels, notamment dans le cas d’une nation nucléaire. L’Histoire propose plusieurs exemples comparables. Il ne
faut pas oublier que V. Poutine, dès 2001, avait une vision sur le long terme, qui prévoyait le développement intérieur de la Russie, la stabilisation démographique, le repositionnement
géopolitique, la souveraineté économique. Avec l’exploitation du Nord que va permettre le changement de climat, l’alliance avec la Chine dans le cadre de l’OCS, l’affermissement des
BRICS, la Fédération de Russie doit mener des chantiers, qui font de la guerre en Ukraine quasiment un épiphénomène[27]. Cela posé, il paraît très hautement improbable que les hauts chefs militaires aient décidé de liquider Prigojine sans l’aval présidentiel.
Les inattendus
L’implication des têtes militaires au plus haut niveau semble plus qu’improbable. Cela n’interdit pas de s’interroger sur une action décidée à un niveau de
commandement inférieur[28]. La perte de plusieurs hélicoptères et d’un avion de guerre électronique IL 22 avec son équipage complet, lors de la sécession a laissé un goût
amer à certains. Pragmatique, le président avait accordé une immunité afin de limiter le risque d’aggravation, de la même manière qu’il avait géré par l’apaisement la destruction d’un SU
22 russe par deux F 16 turcs en 2015, pour ne pas remettre en cause sa grande stratégie dans la région et la relation avec Erdogan. L’exercice du pouvoir impose parfois des sacrifices,
voire des reniements, l’histoire de France au XXème siècle
en fournit des exemples. Peut-on imaginer qu’un officier supérieur ait pris sur lui de venger la mort de camarades ? La concordance des dates est frappante[29], les aéronefs militaires ont été descendus le 24 juin, et le jet du
« cuisiner » le 24 août. Les Wagnerites avaient employé des missiles Strela 10
et justement l’Embraer de Prigojine était à portée de ces mêmes lanceurs (altitude maximale de 10 000 mètres). Pour rappel, le point de départ de la sédition en juin était les
accusations de Prigojine contre les forces armées, qui auraient sciemment bombardé ses troupes. Ces allégations s’étaient multipliées, et un officier supérieur régulier avait même été
arrêté et passé à tabac par les « Musiciens ». Un site Instagram de Wagner affirme d’ailleurs le 25 août que l’avion a été abattu par la DCA russe.
Les dispositifs capables d’atteindre un aéronef en croisière haute sont les Strela 10,
les Osa (guêpe)
de la version la plus moderne, les Buk (hêtre), les Pantsir (carapace,
dernière version également) et Tor.
Ils peuvent être sur châssis motorisés, mais nécessitent tous d’être servis par un équipage et il semble très hautement improbable de pouvoir leur faire quitter leur aire d’implantation
et de les employer, sans être repéré. Notons toutefois que l’avion a été détruit à proximité de la base aérienne de Migalovo (Tver), laquelle comprend évidemment des armements de défense
de site. Le trajet de l’avion passait dans le rayon de la base aérienne de Klin, et ceux des régiments antiaériens 93, 584 et 549, mais leur proximité avec Moscou et leur éloignement du
site du crash (à
347 km) permettent d’écarter leur implication. Cependant, imaginer qu’une autorité militaire, même subalterne, puisse décider d’initiative de déclencher ces moyens et de penser échapper
aux conséquences semble irréaliste, sinon extrêmement inquiétant sur le niveau de discipline et de contrôle au sein de l’armée fédérale. Evidemment, l’étude du Réel démontre qu’il existe
des aberrations et des anomalies statistiques (« cygnes noirs »), parfois incroyables.[30]
Certains analystes évoquent la possibilité d’une action par des groupes clandestins au sein de l’appareil étatique russe. En effet, le lobby des liberalni n’a
pas été éradiqué en Russie par la SVO ; il comprend des membres dans les services de l’Etat, y compris les ministères de force, les élus et les chefs d’entreprise, y compris les plus
riches. La thèse[31] est celle d’une opposition sourde et clandestine au sein de la société russe, pour s’opposer à la politique présidentielle, et en particulier
à la SVO en Ukraine et la lutte avec l’OTAN, pour des raisons idéologiques et/ou économiques. Cette vision peut être croisée avec l’hypothèse d’un tir non autorisé par des militaires,
illustrant une sorte de perte de contrôle de l’Etat avec un risque de résurgence du chaos des années 1990. Cela nous paraît toutefois a
minima incertain, même si l’absence d’informations ne permet de récuser ou valider aucune hypothèse.[32]
Pour tenter d’être le plus exhaustif possible dans ce tour d’horizon, il faut rappeler que Evgueni Prigojine était d’abord un homme d’affaires qui
fréquentait des milieux interlopes et dangereux, incluant des personnes disposant de ressources criminelles, financières et techniques, considérables. Un règlement de compte de type
maffieux ne devrait donc pas être écarté d’un simple revers de main.
Enfin, compte tenu du profil des passagers, il n’est pas exclu que les bagages transportés aient pu contenir des armes, munitions et matériels militaires
divers, dont, éventuellement des explosifs. Une manipulation accidentelle aux conséquences dramatiques ne peut être écartée de manière rédhibitoire du fait de l’expérience des personnels
concernés. On est souvent stupéfait de erreurs de sécurité commises par des professionnels pourtant très qualifiés, souvent par routine.[33]
Conclusion
Faute de disposer d’éléments solides et recoupés, notre seule ambition était d’ouvrir les pistes de réflexion en laissant chacun libre d’interpréter les
informations recueillies. La conclusion reste donc totalement ouverte.
[1] Private military Compagny, traduit en français par société militaire privée, SMP pour le russe Частная Военная Компания (ЧВК)
[2] Il y a déjà des témoins qui affirment avoir vu Prigojine en Afrique…
[3] Voir le bulletin STRATPOL N° 148. Certains sites évoquent quatre pannes ayant affecté cet appareil acquis en troisième main par Wagner en 2018
[5] L’aéronef a effectué un changement de cap sur demande de la tour de contrôle
[6] Des vrais, notamment l’ancien pilote de rafale de l’aéronavale Pierre-Henri CHUET sur son site ATE CHUET topgun2SPEAKER, toujours très
professionnel, technique et ne polluant pas ses études par des polémiques inutiles
[7] Arrachage possible par l’action des forces aérodynamiques lors du début de vrille à plat
[8] Ce qui peut s’expliquer par la rupture du circuit hydraulique
[9] On a vu des appareils pressurisés détruits par le volume d’explosif contenu dans une simple cannette
[10] Le nombre de destruction d’aéronefs par suite d’actes de malveillance atteste de l’impossibilité de prévenir totalement ce risque, les modes
opératoires et les technologies changeant souvent et rapidement.
[11] Le « coulage » des armements livrés à l’Ukraine présente d’ailleurs un risque considérable, supérieur à celui des FIM Stinger fournis
par la CIA aux Moudjahidines afghans contre les Soviétiques et péniblement récupérés par la suite. En effet, ces systèmes connaissant une péremption programmée (notamment de la BCU), mais
elle ne concernera les équipements les plus modernes livrés à Kiev que dans plusieurs années
[12] Assassinat le 6 avril 1994 à Kigali du président rwandais Juvénal Habyarimana et du président Burundais Cyprien Ntaryamira lorsque leur avion
Falcon 50 a été abattu par un missile SA 16 tiré par la partie Tutsie, dans des conditions précisées par P. Barril, mais écartées par la Cour pénale internationale sur le Rwanda, et peu
exploitées par la justice française, dans un contexte politique post-génocide très complexe pour Paris.
[13] Il a été évoqué dans certains cercles que Nikolai Platonovitch Patrushev, ancien directeur du FSB après VV Poutine, resté un proche et connu pour
sa ligne dure, aurait été mandaté pour liquider la sédition
[14] Avouons que nous avions nous-mêmes penché vers cette hypothèse, que l’analyse nous rend beaucoup moins évidente.
[15] Une invention des Arabes reprise par les communistes pour nier la Providence, comme l’on sait…
[16] Officiers des services spéciaux ayant trahis, journalistes, responsables politiques et militaires, oligarques, tous en mesure d’exercer une
action significative et capables d’altérer la volonté de l’Etat
[17] Sans revenir sur l’analyse, la destruction d’un convoi motorisé s’étendant sur des centaines de Km d’autoroute n’était pas techniquement d’une
difficulté suffisante pour inhiber une réaction militaire et la négociation semblait donc ressortir d’une volonté initiale et d’un refus de verser le sang russe
[18] Cela dit, les relations des dirigeants politiques avec les groupes criminels et les manipulations des services spéciaux occidentaux brouillent
les cartes ; on songe par exemple à l’empoisonnement de l’ancien président ukrainien et à la curieuse affaire Skripal (présentée dans un thriller écrit
par un ancien des services, avant les faits)
[19] Par exemple, à l’occasion de la destruction du sous-marin russe Koursk et du refus de recourir à l’aide internationale
[20] Avec l’exception curieuse du général ukrainien chef des forces aériennes, ou bien lorsque l’aveu sert les demandes d’appui
[21] L’interprétation occidentale qui fait du Kremlin l’antre d’un nouveau Gengis Khan ou Ivan Grozny et phantasme sur une forme d’exotisme barbare,
fascinant et repoussant à la fois, en évoquant l’habitus
criminel supposé du dirigeant russe, semble un biais cognitif affectant l’analyse : c’est un fait, dans le cadre de la politique de puissance, les Etats, dont la Russie, pratiquent
l’élimination lorsque cela est jugé nécessaire. Le prix Nobel de la paix Barak Obama a certainement fait liquider plus de personnes que Vladimir Poutine n’a dû sanctionner d’éliminations
cibles.
[22] Non pas les revendications quasiment catégorielles d’un PDG perdant la main sur sa société, mais les accusations sur la gestion de la guerre par
l’Etat-major et le malaise social en Russie
[23] Outre les pionniers en la matière de Executive Outcome en Afrique, Dyncorps, Blackwater,Vinnel, L3-MPRI, Aegis, etc… ont déployés leurs troupes
en Afghanistan, en Irak, en Amérique latine, en Asie centrale, dans les Balkans et en Afrique.
[24] On peut d’ailleurs s’étonner de ce Wagner ait mis « tous les oeufs dans le même panier » lors de ce vol
[25] On peut penser que les quasi-aveux du président US et de l’éphémère première ministre britannique concernant Nord Stream étaient des gaffes
imputables à la sénilité de l’un et à la bêtise, ou disons l’inexpérience, de l’autre. Même le SBU nie sa responsabilité dans les actions homo le plus souvent
[26] Le président Biden a déjà qualifié son homologue russe de criminel, de boucher, a souhaité sa mort ; les narratives qui
ont conditionné l’opinion reposent sur la définition d’un ennemi monstrueux et sans scrupules,par une reductio
ad hitlerum classique.
[27] On peut penser que l’insistance de Washington à prolonger le conflit n’est pas étrangère à la volonté de semer autant d’obstacles que possible à
ces grands projets
[28] Questionnement partagé par Xavier Moreau dans son bulletin hebdomadaire
[29] Les coïncidences sont toujours suspectes. Néanmoins il faut éviter d’attribuer une logique a
posteriori en reconstruisant des événements
[30] Dans un contexte certes différent, des aéronefs commerciaux ont été détruits par suite d’erreurs humaines, soviétiques, nordaméricaines,
iraniennes, françaises…
[32] Quant à l’idée d’une manipulation du pouvoir pour réveiller le spectre de la guerre civile – certes évoqué par le président russe lors de son
discours de juin sur la sédition – afin d’affermir son contrôle social, cela nous paraît hautement improbable, car l’opération spéciale fournit déjà ce moyen et la popularité du président
est considérable
[33] Même si l’âme slave et la Vodka multiplient parfois cette tendance, elle est loin d’être réservée aux Russes et, d’expérience, elle s’observe
étonnement souvent chez des professionnels occidentaux.
Mort d’Evgueni Prigojine : Où et quand l’avion aurait pu être saboté
Connaîtrons-nous un jour les circonstances exactes du sabotage de l’avion de Prighozin, les protagonistes, le mobile ? Difficile à dire. L’enquête débute et nul ne peut savoir comment elle
va se dérouler, ni si elle ira au bout de la vérité. Mais jusqu’à présent, que n’avons-nous entendu ou lu dans les médias occidentaux, prompts à incriminer sans réserve le Kremlin, afin de
noircir un peu plus l’image d’un Poutine sanguinaire dans l’opinion publique. Une aubaine ! Le journalisme mainstream s’est muté en outil de propagande atlantiste, avec une totale absence de
discernement, d’objectivité, et donc de déontologie. La presse écrite et audiovisuelle de l’UE est devenue, sans complexe, partie prenante du narratif belliciste engagé par la CIA. Alors que les
responsables politiques européens ne cessent de fustiger Moscou pour ses soi-disant entraves à la liberté de la presse, c’est dans cette même presse, en Russie, que l’on commence à avoir des
informations un tant soit peu sérieuses sur les circonstances de l’accident. Entre visiteurs inattendus accueillis dans l’avion et changement
d’un turborefroidisseur « arrivé » comme par hasard des États-Unis, les journalistes de MK.ru ont rassemblé des informations intéressantes.
Cet article initialement publié sur le site mk.ru n’engage pas la
ligne éditoriale du Courrier
Cinq jours après la crash de l’avion Embraer
135BJ Legacy 600 avec à son bord le fondateur de la compagnie militaire privé Wagner, Yevgeny Prigozhin, l’enquête a officiellement confirmé sa mort et celle de ses associés. Mais
aucune version officielle n’a été publiée. L’affaire pénale a été ouverte en vertu de l’article 263 du Code pénal : « Violation
des règles de sécurité routière et d’exploitation du transport aérien, entraînant la mort de deux personnes ou plus ». Bien que la grande majorité des experts soient enclins à la
version consistant à mettre de côté une bombe à bord, nous avons mené nos propres recherches et fait quelques découvertes.
Nous nous sommes posé trois questions dans notre enquête : Où et comment une bombe pourrait-elle être posée à bord d’un avion ? Qui étaient les étrangers
qui sont entrés dans la cabine peu avant le départ ? Quel genre de passager était Eugène Prigojine ?
Deux avions et une réparation express
Evgeny Prigozhin utilisait deux avions : Un Embraer
135BJ Legacy 600 – immatriculé 02795 et un Hawker
800 (anciennement appelé BAe
125-800) – immatriculé 02878. Jusqu’à récemment, le Hawker a été le plus souvent affecté aux vols de Prigojine. Ce dernier l’a notamment piloté pendant presque tout le mois de
juin.
A cette même époque, l’Embraer (Legacy)
faisait l’objet d’une maintenance annuelle programmée dans l’un des hangars de l’aéroport de Cheremetyevo, près de Moscou, réalisée par Jet Flight Service. Le 25 juin, L’Embraer 02795
était à nouveau prêt à voler. Et c’est dans cet avion que le fondateur de Wagner a effectué sa fuite historique de Rostov vers Minsk, au lendemain de la mémorable rébellion du 24
juin.
Le 18 juillet, un évènement inattendu s’est produit : Le turboréfrigérateur, ou, plus simplement, le climatiseur, est tombé en panne. L’Embraer a
donc de nouveau été mis en attente à Cheremetyevo. Artur Minchenkov – directeur technique de la société exploitante MNT-aero – a commencé à rechercher un turboréfrigérateur de
remplacement. Avec les sanctions occidentales, ce n’est pas facile, et les recherches s’éternisent. Au début, il était prévu de recevoir l’équipement dans les 10 jours. Mais l’attente a
duré près d’un mois. La pièce nécessaire a été achetée pour 7 millions de roubles (à peu près 68.000 euros).
Fait intéressant : Lors du dédouanement du turborefroidisseur à l’entrepôt de l’aéroport, l’équipement neuf est tombé et a été endommagé. C’est du moins cette
version qui a été présentée par le fournisseur. Or, par une étonnante coïncidence, l’entreprise avait commandé non pas un, mais deux climatiseurs et, pour ne pas provoquer de scandale, elle
a décidé d’installer un deuxième appareil à bord. Les opérateurs eux-mêmes ne croient pas vraiment à cette histoire, et il est plus probable que le délai de livraison n’ayant pas été
respecté, l’entreprise, voulant éviter toute perte de réputation, a simplement fourni le turborefroidisseur qui était en stock « au cas où ».
Pendant tout ce temps, l’avion se trouvait sur une zone dégagée de l’aéroport de Cheremetyevo. Trois personnes ont eu accès à l’Embraer pendant
la réparation : Deux ingénieurs, Sergueï Kitrish et Alexey Anshukov, ainsi que le directeur technique, Minchenkov. L’installation du turborefroidisseur a commencé le matin du 19
août et s’est terminée dans la soirée du 20 août.
Quelques avis d’experts
Rappelons tout d’abord qu’un turborefroidisseur d’avion a pour fonction de maintenir une atmosphère viable à l’intérieur de l’habitacle. Car pendant le vol, la
température extérieure atteint les – 60 degrés. Ce turborefroidisseur est situé dans le système de climatisation. L’air pénètre dans celui-ci par les moteurs et atteint des milliers de
degrés, résultat de la combustion du kérosène. Par conséquent, afin de continuer à laisser entrer un air qui pourra être respiré, un turborefroidisseur est utilisé.
Le pilote militaire, ancien vice-ministre de l’aviation civile de l’URSS, Oleg Smirnov, s’est montré sceptique quant à la version d’une bombe dans le
turborefroidisseur, bien qu’il ait admis que les engins explosifs modernes, en raison de leur petite taille, peuvent être installés partout : « Les
bombes modernes, bien que de la taille d’une boîte d’allumettes, portent une charge très puissante. Donc peu importe où ils l’auraient implantée ».
Un autre expert en aviation, Roman Gusarov, précise que le turborefroidisseur est installé dans le fuselage, dans le système de conduits d’air : «
Entre
la coque extérieure du fuselage de l’avion et le revêtement ». Bien que tous les avions aient une disposition différente des moteurs, le turborefroidisseur était très probablement
situé plus près de l’aile. L’expert ajoute que, théoriquement et sous certaines conditions, un explosif pourrait être placé dans un turborefroidisseur lors de la livraison.
Date de décollage décalée et visiteurs soudains
On sait déjà comment Eugène Prighozin a passé les derniers jours avant sa mort. Peu de temps avant la tragédie, il s’est envolé pour Moscou depuis
l’Afrique. Bien qu’après la « mutinerie », il soit devenu un invité assez rare dans la capitale russe, il se rendait souvent à Minsk et à Saint-Pétersbourg. Une précision intéressante
: A Saint-Pétersbourg, Prigojine était toujours récupéré par un hélicoptère après l’atterrissage. Et à Moscou, il arrivait souvent à l’aéroport non pas par voie terrestre, mais par
avion.
Les plans de Prigojine pour le 20 août changeaient périodiquement. Initialement, le vol de Moscou à Saint-Pétersbourg avec l’Embraer était
prévu le 22 août à 21 heures. Mais les passagers ne se sont jamais présentés à Cheremetyevo. Et à 23h00, des informations ont été reçues selon lesquelles le vol était reporté à 17h30 le
23 août.
Le nombre de passagers a également changé de manière inattendue. Si à 23h11 des informations mentionnaient que trois personnes participeraient au vol, le 23
août à 14h25, le nombre de passagers est passé à sept. Cependant, cette information n’a pas beaucoup perturbé l’équipage, car l’Embraer dispose
de 13 sièges passagers (contrairement au Hawker qui
n’a que 9 places).
Dans la matinée du crash, des visiteurs imprévus sont montés à bord de l’Embraer. Et,
bien sûr, l’enquête leur porte une attention particulière. Il s’est avéré que l’avion Embraer avait
été mis en vente et, le jour de l’accident, il avait été visité par des amateurs qui avaient répondu à la proposition de vente.
Initialement, les acheteurs potentiels souhaitaient inspecter l’avion le samedi 19 août. Mais on leur a répondu que c’était impossible : L’installation d’un
nouveau turboréfrigérateur était en cours. La visite a donc été reportée au 23 août. Et c’est là que réside un petit mystère. Les négociations ont été menées par la gérante qui
s’occupait de l’avion, Natalia Minibayeva. Le vol étant initialement prévu pour le 22, elle devait savoir que le 23 août, l’avion pourrait ne plus être à Cheremetyevo… Cependant, il se
peut qu’elle ait tout simplement oublié de modifier l’horaire. Bien que cela soit peu probable : Minibayeva travaille avec Prigojine depuis plus de 8 ans. Très probablement, la gérante
savait que l’avion décollerait de Moscou non pas le 22, mais le 23, mais pour des raisons de confidentialité, elle n’en a pas fait mention.
Les visiteurs pour l’achat étaient Alexandra Yulina et Sergey Klokotov. Le 22, ils ont envoyé des scans de leurs passeports : C’est une condition
préalable à l’embarquement. Toutefois, Yulina n’a pas fourni un passeport civil général, mais un passeport étranger pour accéder à la zone de l’aéroport. Les deux acheteurs potentiels
étaient accompagnés du copilote Rustam Karimov, lequel est décédé ce soir-là avec Prigojine, et Minibayeva. Il s’avère que l’homme et la femme ont été observés tout le temps, c’est-à-dire
qu’ils n’avaient même pas la possibilité de laisser un objet étranger à bord de l’avion. Ils sont restés à bord pendant environ une heure, de 9h30 à 10h30.
Un certain nombre de chaînes de télégrammes ont rapporté que Yulina et Klokotov occupent des postes de direction au sein de la compagnie aérienne RusJet, laquelle
souhaitait acquérir l’Embraer. Selon
nos informations, Alexandra Yulina a dirigé un cabinet de conseil : « Zet Consult ». Elle vient de la région de Saratov, y est immatriculée encore à ce jour et possède une
voiture Mercedes-Benz GLC-KLASSE. Nous
avons appelé RusJet, et ces derniers nous ont dit qu’ils connaissaient effectivement Yulina, mais ils n’ont pas souhaité poursuivre la conversation. Quant à Sergei Klokotov, originaire de
Yegoryevsk, près de Moscou, il était répertorié en tant qu’employé de la société Bykovo-Service et avait de petites dettes liées aux amendes pour infractions au code de la route. A notre
question concernant sa visite à bord de l’Embraer,
il nous a répondu : « Je
ne comprends pas de quoi vous parlez » et a interrompu la conversation.
A 16h23, le pilote de l’avion a informé que les passagers étaient en route et qu’ils seraient arrivés d’ici 1h – 1h20. Par conséquent, l’Embraer a
décollé dix minutes plus tard que prévu.
La dernière information sur le déroulement du vol est un message de l’hôtesse de l’air Kristina Raspopova à 17h40 : « roulage ». Puis plus tard,
l’équipage a cessé de communiquer.
Explosion sous le siège et endroit marque-page
Il est déjà clair que les événements à bord de l’Embraer se
sont déroulés rapidement. A un moment donné, la trajectoire de vol de l’avion a changé : Il a pris soudainement de l’altitude – près de 1 000 mètres – puis il tombe dans une vrille plate et
chute tout simplement, sans l’aile droite et le stabilisateur : Les deux ont été arrachés lors de l’explosion.
Qu’a-t-il pu se passer ? Très probablement, après avoir entendu une explosion à l’arrière, le pilote a instinctivement tiré le volant vers lui. L’avion
est donc monté brusquement. Presque aussitôt, son aile droite est tombée. Dans le même temps, le stabilisateur s’est arraché, des parties de l’avion ont volé dans des directions
différentes de la trajectoire de vol : L’aile à droite, le stabilisateur à gauche. La distance qui les séparait au sol après la chute était d’environ 7kms. Les passagers et l’équipage
ont presque immédiatement perdu connaissance : Soit à cause du barotraumatisme qui en a résulté, soit à cause des chutes de pression et de température résultant de la
dépressurisation. Cependant, même conscients, ils n’auraient pu en aucune façon influencer le cours des événements.
Les sources de MK au sein de la communauté d’experts ont étudié le schéma du crash de l’Embraer,
et partant de l’examen de l’accident, ils ont suggéré que l’engin explosif se trouvait certainement dans la cabine, plus précisément dans la zone de fixation de l’aile : « La
nature des destructions et l’évolution des événements suggèrent que l’explosion s’est produite à l’intérieur de la cabine », a expliqué l’un de nos interlocuteurs, ajoutant :
« Peut-être
que l’appareil était placé sous le siège du côté droit de la cabine. Mais certainement pas dans le châssis ».
Toutefois, une autre question se pose : Comment cet explosif a-t-il été déclenché ? Supposons qu’une bombe soit placée dans le turborefroidisseur qui a été
changé avant le décollage. Le système de climatisation commence à fonctionner à l’aéroport avant même le décollage : Lorsque les portes se ferment, une pression particulière est créée, et le vol
commence donc réellement. Or, il est impossible de démarrer une minuterie, car personne au sol ne sait combien de temps ce système de climatisation sera «piloté ». Il s’avère qu’en plus de
l’engin explosif lui-même, il devait exister un système d’activation à distance… Sinon, cela ne pouvait pas fonctionner.
Note expert a également rejeté la version selon laquelle un capteur de pression aurait pu déclencher le fonctionnement d’un engin explosif dans les airs. La
pression dans la cabine de l’avion est réglée au sol selon certains paramètres et ne change pas durant tout le vol.
Roman Gusarov, déjà cité, a admis que la présence d’un engin explosif dans le turboréfrigérateur pourrait passer inaperçue : En effet, le système peut gérer
l’alimentation en air même avec un corps étranger à l’intérieur : « Oui,
le système fonctionnera plutôt bien. Même si vous n’y mettez pas une boîte d’allumettes, mais une brique. En général, avec une compétence particulière, vous pouvez insérer quelque chose
dans n’importe quel système, dans n’importe quelle pièce de rechange installée ».
Une recherche rapide et un nettoyeur étrange
Si nous supposons que l’engin explosif a été placé dans l’avion au cours des derniers jours (ou heures) avant le vol, le nombre de suspects est de fait limité. Les
enquêteurs devront examiner les caméras de sécurité de l’aéroport de Cheremetyevo à partir du 19 juillet. C’était depuis cette date que l’Embraer était
immobilisé en raison de la panne du turborefroidisseur.
Comme MK l’a appris, selon la pratique généralement acceptée, un avion resté longtemps sur l’aérodrome est périodiquement ouvert pendant la saison chaude. Ceci
est nécessaire pour éviter la formation de champignons dans l’habitacle, y compris sur les dossiers des sièges. Reste à savoir si l’Embraer a
été ouvert pendant qu’il était cloué au sol. D’une manière ou d’une autre, des manipulations réelles dans l’avion n’ont pu être effectuées qu’à partir du 19 août, lorsque l’installation du
nouveau turborefroidisseur a commencé.
En outre, de nombreuses questions ont été soulevées par le fait que l’Embraer était
stationné à l’extérieur. Il est essentiel de savoir que du 1er au 25 juin, lors de la maintenance annuelle programmée, l’avion avait été conduit dans un hangar. Les techniciens
eux-mêmes reconnaissent qu’il est plus pratique d’effectuer n’importe quel travail à l’intérieur. Une des sociétés louant un hangar pour le stockage des avions à Cheremetyevo, nous a
expliqué que garer un avion privé peut coûter entre 100 et 500 euros par jour. C’est peut-être le désir d’économiser de l’argent qui a poussé le propriétaire de l’Embraer à
délaisser la solution du hangar.
Autre point : De façon surprenante, la présence à bord l’avion de Prigojine d’étrangers s’est déjà produite par le passé. Il est vrai qu’à l’époque des
faits, c’était une fausse alerte. L’incident avait eu lieu sur le deuxième avion au service de Prigojine, le Hawker
800, mentionné plus haut. Au printemps, un incident « amusant » s’était produit pendant la maintenance, dans l’un des aéroports. Le nettoyage de l’avion avait été ordonné,
mais le technicien n’avait pas été prévenu. Il avait aperçu un inconnu avec un aspirateur dans la cabine et avait déclaré au service de sécurité que « quelqu’un fouillait à
bord ». Les circonstances de l’apparition d’un inconnu dans l’avion ont immédiatement été examinées. Mais il est vite devenu évident que l’homme de ménage était un employé à temps
plein et sa visite avait été validée.
Pour terminer, ainsi que l’assurent les employés de la société d’exploitation chargés de la sécurité, aucune personne ne pouvait accéder à l’avion de Prigojine sans
passeport.
Source : Agora
Vox - par JM Berniolles - le 26/08/2023.
L’avion transportant Evegueny Prigojine et l’état major de la compagnie Wagner s’était à peine écrasé que les médias et dirigeants occidentaux connaissaient
tout de cette catastrophe aérienne : ‘Poutin did it’ et l’avion avait été abattu par un missile sol/air.
Cette précipitation à imposer une version de cette tragique affaire est naturellement suspecte mais elle a fait l’objet d’une diffusion massive dans les médias
occidentaux afin de l’imposer. Cela impresionnera la conscience collective et l’empêchera de vraiment questionner ces affirmations péremptoires.
Pourtant des problèmes viennent d’entrée gréver cette interprétation officielle des dirigeants occidentaux. Il semble notamment que l’emploi d’un missile
sol/air vienne d’être écarté par le Pentagone qui avance plutôt l’emploi d’une bombe placée dans les bagages ou le train atterrissage. Ce qui élargit le groupe des acteurs potentiels.
Il est donc nécessaire d’examiner toutes les possibilités liées à cet attentat meurtrier qui sont nombreuses et d’une probabilité notable.
Une partie importante de la mystification développée sur cette affaire criminelle, réside dans la focalisation sur la personne d’E Prigojine alors que c’est tout l’état major de la force Wagner qui était
visé et a été éliminé.
Putin did it
De nombreux éléments montrent que V Poutine n’avait aucun besoin ni intérêts à commettre un tel meurtre de manière aussi
spectaculaire et odieuse puisque d’autres personnes sont mortes dans cet attentat.
Evegueny Prigojine par son action armée avait largement démontré les limites de son pouvoir politique et militaire
en Russie. Et s’il avait évité l’emprisonnement c’est qu’il présentait encore quelques intérêts pour le pouvoir russe, non pas en Ukraine mais très certainement en Afrique. Prigojine était aussi notoirement impliqué dans des trafics douteux, de diamants, d’or et autres minerais précieux en Afrique. Le faire tomber sur ce
volet africain était facile. E Prigojine ne représentait donc aucune menace pour le pouvoir
du Kremlin.
Le projet du ministère de la défense russe n’était pas d’éradiquer l’état major de Wagner mais d’intégrer ces forces au sein de l’armée régulière. Du moins pour l’Ukraine. Et il y a sûrement de sa part
l’intention d’utiliser la force Wagner en Afrique.
Dans l’optique des futurs événements en gestation en Afrique à propos du Niger et des menaces armées qui pèsent sur ce pays, l’expérience de la compagnie Wagner qui est indissociable de
son état major est indispensable.
La force Wagner au Mali
La compagnie Wagner est présente au Mali où elle a été appelée par
la junte militaire qui y a pris le pouvoir et chassé la France. Elle y combat réellement avec un certain succès
les djihadistes qui rappelons le sont soutenus et entretenus en sous main par les services secrets US. Au
passage on soulignera aussi que nos « amis » américains ont pour but de bouter la France hors d’Afrique. Ce qui n’est d’ailleurs pas le seul mauvais coup qu’ils nous infligent.
Le Burkina Faso a également manifesté son intérêt pour la force Wagner.
Dans le cadre d’une éventuelle probable action militaire à l’encontre du Niger engagée essentiellement par le Nigeria et peut-être la Côte d’Ivoire,
le Mali et le Burkina Faso se sont engagés à soutenir militairement le Niger. Ce qui implique donc les forces Wagner et modifie ainsi le rapport de forces militaire.
Who did it ?
Les possibilités d’un accident ou d’une action interne à la
compagnie Wagner ne sont pas à rejeter mais peu probables.
Finalement la clé de cette affaire se concentre essentiellement sur la question africaine. Dans l’optique d’une action armée contre le Niger il est absolument nécessaire de mettre hors d’état de nuire les
forces de la compagnie Wagner.
L’élaboration et la participation active de la CIA, assistée des services secrets ukrainiens à cette action criminelle se dessinent ainsi inexorablement.
Est-ce que ces services secrets ont les moyens de perpétrer ce genre d’attentat en Russie ? L’assassinat
de D. Dugina, les attaques aux drones des terrains d’aviation russes et des avions qui y sont stationnés
depuis le territoire russe... même démontrent largement cette possibilité.
Mais cette hypothèse à forte probabilité a peu de chance d’être évoquée dans nos médias et encore
moins de s’imposer bien entendu.
Le décès de Prigojine confirmé par l’expertise génétique, selon le Comité d’enquête russe
Evgueni Prigojine était bien à
bord de l’avion qui s’est écrasé le 23 août, a confirmé le Comité d’enquête russe.
«Des examens de
génétique moléculaire ont été effectués. Sur la base de leurs résultats, l’identité des dix morts a été établie, ils correspondent à la liste indiquée sur la feuille de vol» a
confirmé le 27 août le Comité
d’enquête russe, chargé d’approfondir les circonstances du crash de l’avion de Tver, le 23 août.
Parmi les dix passagers, dont trois membres d’équipage, se trouvaient le dirigeant de la SMP Wagner et son bras droit, Dmitri Outkine.
Le crash de l’appareil, un avion d’affaires Embraer, reliant Moscou à Saint-Pétersbourg, est survenu dans la soirée du 23 août au nord-ouest de la
capitale. L’Agence fédérale du transport aérien de Russie, citant la compagnie aérienne, avait rapporté que l’ancien chef de la société militaire privée Wagner figurait sur la liste
des passagers.
Examinez attentivement cette image. Vous pouvez voir que le train d’atterrissage de l’Embraer se trouve sur les ailes. Les premiers éléments de preuve
indiquent qu’une sorte d’engin explosif a été placé dans l’un des passages de roue ou dans les deux. Sous les ailes, ce qui explique pourquoi l’avion, lorsqu’il a plongé vers la
terre, était intact mais sans ailes.
Je suis persuadé qu’il ne s’agit pas d’un assassinat commandité par Vladimir Poutine. Le timing et le spectacle (c’est-à-dire un crash d’avion sur le
territoire russe) sont défavorables à Poutine. Le sommet des BRICS était en cours et la Russie y jouait un rôle de premier plan. Poutine commémorait également le 80ème anniversaire de
la victoire soviétique à Koursk. Poutine et son équipe connaissent une chose ou deux sur la gestion des relations publiques. Ils ne sont pas dupes. Tuer Prigojine de cette manière n’a
tout simplement pas de sens.
Qu’en est-il du GRU ? L’ont-ils fait ? Je ne le pense pas. Wagner est une création du GRU et Prigojine n’était rien de plus qu’une figure de proue. Si
le GRU décidait que Prigojine n’était pas indispensable, je pense qu’il s’en débarrasserait d’une manière qui lui permette de nier la réalité. L’épave de l’avion au sol en Russie
permettra de récupérer la boîte noire et d’examiner ce qui reste de l’avion. Cependant, mon ami Stephen Bryen avance un argument
intéressant (vous pouvez lire l’intégralité de l’article sur le site de Steve’s
substack) :
«Stephen Bryen
pense qu’Evgueni Prigojine, chef de l’armée mercenaire russe du groupe Wagner, est mort dans l’épave de l’un de ses avions privés le 23 août. Les premières informations font état de
spéculations sur le fait que Prigojine n’était peut-être pas à bord de l’avion.
Bryen est
également convaincu que l’avion a été abattu, et non par une bombe introduite clandestinement à bord ou par un accident mécanique. Mais il n’est pas certain que le président russe
Vladimir Poutine ait ordonné l’assassinat spectaculaire de son allié devenu challenger.
Ancien haut
fonctionnaire de la Défense et cadre de l’industrie de la défense, Bryen pense que l’agence de renseignement militaire russe, le GRU, avait les moyens et le motif d’agir, avec ou sans
l’aval préalable de Poutine».
Steve a écrit ces lignes avant que l’United States Air Force Europe n’annonce que rien ne prouve que la défense aérienne russe ait été impliquée dans
l’abattage de l’avion. D’après mon expérience, cette conclusion s’appuie sur des éléments recueillis auprès d’un large éventail de services de renseignement.
Je pense qu’il est très peu probable que cet accident ait été causé par un défaut structurel ou une mauvaise maintenance. L’hypothèse d’une bombe placée
dans un ou plusieurs passages de roue de l’aile semble la plus plausible. Ce qui soulève la question logique suivante : Qui a pu faire ça
?
Mon premier candidat à la culpabilité (et je répète ce que j’ai dit dans mon dernier message) sont les officiers de l’armée de l’air russe, qui ont
perdu des amis lorsque les forces Wagner ont abattu des avions russes le 23 juin, et qui ont décidé de mener une attaque de vengeance sans se soucier des répercussions politiques. Ils
voulaient que Prigojine et ses acolytes paient pour la mort de leurs amis . Mission accomplie ?
L’attentat pourrait également avoir été perpétré par des membres mécontents de Wagner, dégoûtés par le fait que Prigojine profite de leur sacrifice
physique. Wagner compte un grand nombre d’ex-détenus, mais cela ne signifie pas qu’ils n’ont aucun sentiment de loyauté ou d’amour pour les autres membres de Wagner. Je pense qu’une
autre possibilité sérieuse est que quelques Wagnériens qui en avaient assez des frasques publiques de Prigojine aient décidé de prendre les choses en main.
Troisièmement, un coup des oligarques désireux de créer des problèmes à Poutine. Il y a encore des Russes très riches qui s’irritent de ce que Prigojine
n’ait pas été inquiété pour sa mutinerie du 24 juin et qui reprochent à Poutine d’avoir été trop mou. Ces oligarques ont l’argent et l’accès nécessaires pour saboter l’avion de
Prigojine. Les Beatles avaient tort – l’argent peut acheter l’amour et bien d’autres choses, notamment des types capables de poser une bombe dans un avion.
À ce stade, nous nous livrons à des spéculations éclairées. Une enquête est en cours et je pense qu’il ne s’agit pas d’un écran de fumée destiné à
dissimuler les méfaits du gouvernement russe. J’attends la publication de plus amples informations.
Dans les minutes ou les heures qui ont suivi la mort, mercredi, du chef de l’organisation Wagner Evgueni Prigojine, qui regroupe des entrepreneurs
militaires russes, les médias occidentaux ont publié une avalanche d’articles accusant le président Vladimir Poutine d’être l’auteur de ce crime.
C’est presque comme si on avait appuyé sur un bouton dans un centre de commandement inconnu pour lancer un nouveau récit visant à diaboliser Poutine
pour avoir servi le plat froid de la vengeance à Prigojine, pour reprendre les mots récents du directeur de la CIA William Burns, pour avoir organisé un coup d’État raté en Russie.
Personne ne s’est soucié de produire des preuves empiriques.
«Répétez un
mensonge assez souvent et il deviendra la vérité». La loi de la propagande est souvent attribuée au dirigeant nazi Joseph Goebbels, qui avait compris le pouvoir de la répétition
des mensonges. C’est désormais la boussole de l’Occident pour «effacer» la Russie.
Certes, Poutine avait toutes les raisons d’être agacé par Prigojine – un «coup de poignard
dans le dos», comme il l’a dit – alors que le pays mène une guerre existentielle contre des ennemis jurés qui cherchent à démembrer la Russie. Mais trois considérations
discréditent l’hypothèse de l’implication de Poutine.
Premièrement, pourquoi une méthode aussi grossière qui rappelle l’assassinat du charismatique général iranien Qassem Soleimani, fer de lance de «l’axe
de résistance» de Téhéran contre les États-Unis, par l’ancien président américain Donald Trump ?
Dans son célèbre essai de 1827 intitulé «Le meurtre
considéré comme l’un des beaux-arts», Thomas De Quincey écrivait : «Tout dans ce
monde a deux poignées. Le meurtre, par exemple, peut être saisi par sa poignée morale… et c’est, je l’avoue, son côté faible ; ou il peut aussi être traité esthétiquement, comme
l’appellent les Allemands, c’est-à-dire en relation avec le bon goût». L’esthétique du meurtre de Prigojine est, pour faire simple, la moins séduisante du meurtre si la
motivation était la vengeance.
Deuxièmement, Prigojine était un homme mort en sursis pour avoir mis en scène un acte aussi idiot, après que sa couverture de sécurité lui a été retirée
par l’État. Imaginez l’ex-président Barack Obama sans protection des services secrets après le meurtre d’Oussama ben Laden, ou Mike Pompeo et Trump se promenant sans sécurité après le
meurtre de Soleimani.
Mais Poutine a clairement indiqué que Wagner aurait encore un avenir et que le pays se souviendrait de son rôle dans la guerre en Ukraine. Poutine a
même invité Prigojine à une réunion au Kremlin. On peut dire que les premières remarques de Poutine sur la mort de Prigojine trahissent une trace de pitié. (ici et ici)
Poutine a déclaré : «Je connais
Prigojine depuis très longtemps, depuis le début des années 1990. C’était un homme dont le destin n’était pas facile. Il a commis de graves erreurs dans sa vie, mais il a aussi obtenu
les résultats nécessaires – à la fois pour lui-même et, lorsque je le lui demandais, pour la cause commune. C’est ce qui s’est passé ces derniers mois».
«Pour autant que
je sache, il n’est rentré d’Afrique qu’hier. Il a rencontré des responsables ici. Il a travaillé non seulement dans notre pays – et avec succès – mais aussi à l’étranger, en
particulier en Afrique. Là-bas, il s’est occupé de pétrole, de gaz, de métaux précieux et de pierres», a ajouté Poutine.
Dans l’empressement excessif à se concentrer sur le meurtre de Prigojine pour diaboliser Poutine, on oublie que celui qui a chorégraphié le crime s’est
également assuré que toute la structure de commandement de Wagner a été éliminée. Bye, bye, l’Afrique !
Dans un avenir proche, personne ne pourra contester l’hégémonie de la Légion française au Sahel ou rivaliser avec le vaste
réseau de 29 bases du Commandement Afrique du Pentagone réparties sur le continent, de Djibouti au nord au Botswana au sud. En d’autres termes, le bras long du «smart power»
russe a été coupé d’un seul coup de lame. Qui en profitera ?
Troisièmement, le meurtre de Prigojine a été mis en scène un jour spécial qui, dans une perspective historique, doit être considéré comme l’heure de
gloire de la diplomatie russe depuis la désintégration de l’ancienne Union soviétique. La réalité d’un «nouveau point de
départ pour les BRICS» – comme l’a déclaré le président chinois Xi Jinping – doit encore être pleinement assimilée, mais ce qui ne fait aucun doute, c’est que la Russie en sort
gagnante.
L’expansion des BRICS signifie que la question d’une monnaie unique de règlement est sur la table et que le système financier international ne sera plus
jamais le même ; la dédollarisation frappe aux portes ; un nouveau système commercial mondial prend forme et rend obsolète le régime d’exploitation occidental vieux de quatre siècles,
conçu pour transférer les richesses aux pays riches ; les BRICS sont enfin passés d’un club informel à une institution qui éclipsera le G7.
Le pays hôte, l’Afrique du Sud, a largement contribué à l’agenda russe et chinois de la multipolarité. La déclaration
commune de l’Afrique du Sud et de la Chine et l’admission de l’Éthiopie (où l’Occident a tenté d’organiser un changement de régime) en tant que membre des BRICS
soulignent l’émergence
d’un alignement en Afrique. Tout cela n’a-t-il pas un sens ?
Et surtout, le grand message qui ressort de Johannesburg est qu’avec tous les chevaux et tous les hommes du roi, l’administration Biden a lamentablement
échoué à «isoler» la Russie – c’est écrit en toutes lettres dans l’éclat resplendissant du sourire effervescent du ministre des Affaires étrangères Sergueï Lavrov. La Russie couronne
ses gains sur les champs de bataille de l’Ukraine par une victoire diplomatique exceptionnelle en se plaçant du bon côté de l’histoire aux côtés de la Majorité mondiale.
Aurait-il été logique que, de tous les jours, Poutine ait choisi mercredi pour jouer les trouble-fêtes alors que le prestige de la Russie était au plus
haut au sein de la communauté internationale ? Une fois de plus, la question se pose : Qui a à y gagner ?
La vérité, c’est qu’il peut y avoir n’importe qui pour éliminer physiquement Prigojine. En Russie même, Prigojine avait recruté des criminels endurcis
qui purgeaient une peine de prison pour qu’ils combattent en Ukraine et obtiennent ainsi une remise de peine. Il les a déployés sans formation militaire adéquate et plus de 10 000
d’entre eux auraient été tués. Cette affaire suscite un profond sentiment de répulsion au sein de la Russie.
Il y a aussi les ennemis extérieurs, à commencer par la France, qui a été pratiquement évincée de la région du Sahel, son terrain de jeu où elle
s’amusait comme ancienne puissance coloniale jusqu’à ce que Prigojine vienne gâcher la fête. Depuis, la France a du mal à cacher sa rancœur à l’égard de la Russie.
Entre-temps, la crise qui se préparait au Niger a alerté les États-Unis sur le fait que Prigojine était à l’affût. La redoutable secrétaire d’État par
intérim Victoria Nuland, qui a orchestré le coup d’État de 2014 en Ukraine, s’est rendue à Niamey pour implorer les putschistes de ne pas collaborer avec Wagner.
Cependant, Prigojine se serait faufilée dans le pays voisin, le Mali, où Wagner est bien établi, dans le but d’établir un contact avec les nouveaux
dirigeants du Niger et de proposer les services de Wagner. En d’autres termes, Prigojine menaçait de faire au Pentagone ce qu’il avait déjà fait à la Légion française au Sahel.
Il est tout à fait concevable que l’administration Biden ait décidé que trop c’était trop et que Wagner devait être décapité. Bien entendu, le départ de
Prigojine et de son noyau de commandants supérieurs affaiblira Wagner de manière incalculable.
Pendant ce temps, en Russie, les impitoyables services secrets ukrainiens opèrent à différents niveaux. Les attaques de drones contre Moscou sont
organisées par des saboteurs à l’intérieur de la Russie. Et l’Ukraine a elle aussi un compte à régler avec Wagner, qui s’implante en Biélorussie.
Il ne fait aucun doute que les services de renseignement ukrainiens et leurs mentors occidentaux ont des intérêts convergents pour détruire
Wagner et l’éliminer complètement de l’échiquier géopolitique.
Source : Riposte Laïque - par Valérie Berenger - Le 24/08/2023.
Wagner orphelin certes, mais bien vivant contrairement à ce que l’ensemble des médias « officiels » fanfaronnaient déjà le soir du 23 août à l’annonce du décès
d’Evgeni Prigozhin. L’organisation Wagner, considérée par la France aux ordres de Washington comme « terroriste », poursuivra sa mission tant en Afrique qu’en Biélorussie. Le conseil des
commandants du PMC Wagner fera un communiqué vidéo en temps et en heure.
Prévoyant, il y avait déjà longtemps que son « patron » avait prévu sa succession et si un léger flottement va se faire sentir durant quelques jours au plus haut
niveau, les décisions quant à la mise en place de la nouvelle direction opérationnelle seront prises soyons en certains dans les heures qui viennent. Quand aux équipes sur le terrain, pour elles
rien n’est changé. Les missions décidées se poursuivront quoi qu’il arrive. Alors si certains espéraient ainsi « enterrer » Wagner, c’est raté ! La seule question qui reste en suspens est
: qu’est-il
réellement arrivé à l’avion d’affaires numéro RA-02795 de la société MNT-Aero qui se dirigeait vers Saint-Pétersbourg et qui s’est écrasé dans la région de Tver, en Russie ?
Sans vouloir entrer dans des conjectures délirantes tout peut être imaginé, depuis la banale panne technique jusqu’au missile, en passant par l’attentat terroriste
lié à une bombe à bord. Sergueï Markov, ancien conseiller de Poutine, a affirmé que “le
meurtre de Prigozhin est la principale réussite de l’Ukraine, et tous les ennemis de la Russie se réjouiront.” Quant à papy Jo Biden, lors d’une phase de lucidité bien rare, il a suggéré que
Poutine soit derrière la mort du patron de Wagner : “il
n’y a pas grand-chose qui se passe en Russie sans que Poutine ne soit derrière”. Ce qui n’est pas faux même si le président russe a souvent bon dos !
Un fait laisse néanmoins dubitatif… Chekalov, qui était l’adjoint de Prigozhin pour un certain nombre de questions importantes et notamment l’un des responsables de
la fourniture de munitions, se trouvait également dans l’avion alors qu’en règle générale les deux hommes voyageaient sur des vols différents. Valery Chekalov était le seul à savoir exactement où
se trouvait l’homme d’affaires et à quelle heure puisqu’il était en charge de tous les mouvements et de la logistique du transport.
Alors, hasard bienheureux ou règlement de compte interne donnant raison à Biden dans ses réflexions ? Si l’on en croit l’article de Ivan Mikhalovitch Frakov, de
Rusreinfo publié sur le blog de notre ami Boris Karpov « La
réalité est simple, très simple : Prigozhin a pris la grosse tête et a défié l’autorité suprême du pays, il en a payé le prix ».
Il est vrai qu’Evgeni Prigozhin avait fait récemment couler beaucoup d’encre en tentant de mener un pusch contre Vladimir Poutine qui s’était finalement terminé
sans réel carnage. Installé depuis lors en Biélorussie avec son groupe, il instillait la terreur parmi les forces polonaises qui se massaient à la frontière, persuadées que Wagner allait à elle
seule envahir toute la Pologne.
Lorsque la nouvelle est tombée hier en fin de journée « l’avion
qui transportait Prigozhin s’est écrasé », les secours arrivés sur place n’ont pu que constater que plus rien ne pouvait être entrepris pour les malheureux occupants de l’avion. Au sol,
les débris et les restes des corps sont éparpillés, intimement mêlés en un tableau macabre. L’avion transportait sept passagers et trois membres d’équipage. A priori, il s’agissait d’Evgeni
Prigozhin, de Dmitri Outkine, lieutenant-colonel de réserve et Commandant du groupe Wagner, Valery Chekalov associé aux structures commerciales et adjoint de Prigozhin au Wagner PMC, a priori
responsable du service de sécurité de ce dernier, ainsi que les combattants du PMC Yevgeny Makaryan, Alexander Totmin et Sergey Propustin ; et Nikolai Matuseev, dont on suppose qu’il se trouvait
dans l’avion. Du fait de l’état des corps, seules des analyses ADN pourront confirmer cet état de fait.
Connaissant les méthodes des services russes, il est tout à fait envisageable qu’Evgeni Prigozhin ait en effet « payé
le prix » de ses égarements. Il était par ailleurs étonnant à l’époque que Poutine ait aussi facilement « passé l’éponge » sur les événements. Ce ne serait pas la première fois ni sans
doute la dernière que les Russes « régleraient leurs
comptes en famille » et ce, que Prigozhin ait rendu d’inestimables services à la Russie en Ukraine tout comme en Afrique, n’entrant plus en ligne de compte face à sa trahison du 24 juin
dernier. Mais en temps de guerre on ne peut pas se permettre de laisser la bride sur le cou à quelqu’un qui risque de « péter les plombs » à tout moment. Quand aux “dommages collatéraux”, ce type
de “service” n’en est pas à ça près. Comme nous le disons souvent en France : “on
ne fait pas d’omelettes sans casser d’œufs“.
Depuis hier soir, selon des sources du comité d’enquête RF, les premiers éléments d’investigation laisseraient supposer que des explosifs aient été placés dans la
soute du train d’atterrissage. L’explosion en plein ciel aurait ainsi provoqué l’arrachement de l’aile qui a heurté le stabilisateur. L’avion d’affaires a commencé à chuter rapidement,
passant brutalement d’une altitude de 8500 m à 6000 m jusqu’à partir en vrille. La dépressurisation explosive supposée a dû faire perdre connaissance aux passagers et à l’équipage ce qui explique
qu’aucun message n’ait été envoyé par le commandant de bord. Sans aile et sans stabilisateur, l’avion était perdu. La queue de l’avion est tombée à cinq kilomètres du
fuselage.
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Quelle que soit la véritable raison de la disparition d’Evgeny Prigozhin, c’est néanmoins une mort atroce que de finir éparpillé ‘’façon
puzzle’’ après une chute de 8500 mètres. Quant à la vérité sur ce qui est réellement arrivé au vol RA-02795, nous ne la connaîtrons sans doute jamais !
Il n’en demeure pas moins que Evgeni Prigozhin restera pour beaucoup un grand combattant et un véritable patriote. Paix à son âme.
Valérie Bérenger
Pourquoi Prigozhin devait disparaître
Source : Riposte
Laïque - par Boris Karpov - Le 24/08/2023.
La mort d’Evegeny Prigozhin ouvre la porte aux affirmations les plus diverses, des plus logiques aux plus stupides. La réalité est simple, très simple: Prigozhin a
pris la grosse tête et a défié l’autorité suprême du pays, il en a payé le prix.
Qu’importe que Prigozhin ait rendu d’inestimables services à la Russie en Ukraine mais aussi en Afrique. Avoir, en situation de guerre, organisé une révolte
militaire n’est pas acceptable, d’autant plus quand elle vient d’un homme qui doit tout au président Russe. Vladimir Poutine pour éviter un bain de sang le 24 juin dernier a sagement décidé de
jeter l’éponge, permettant ainsi aux ennemis de la Russie de ricaner sur “l’affront à Poutine” et sur sa “perte de pouvoir”.
Mais la décision était déjà prise: Ni la Russie ni Poutine ne pardonnent aux traîtres et le sort de Prigozhin était scellé.
Il aurait été facile de le faire liquider en Afrique. Mais ceci aurait permis aux “personnes bien informées” en tous genres de prétendre qu’il avait été éliminé par
les Américains, voire par les Français (à supposer que ceux-ci soient capables aujourd’hui d’éliminer quiconque à part quelques Noirs armés de machettes…), ou pourquoi pas par les
Ukrainiens.
Prigozhine est mort en Russie dans des conditions telles qu’il est parfaitement clair que ni les Américains, ni les Français (!) ni les Ukrainiens ni aucun autre
étranger n’en est responsable. Personne n’avouera bien sûr, on n’avoue jamais dans ce genre de choses. Mais pour quiconque a quelques connaissances de la manière dont les choses fonctionnent en
Russie, le donneur d’ordre est parfaitement identifiable.
Ainsi, le message envoyé prend toute sa force: quiconque défie l’autorité de l’État sera liquidé.
Ceci est d’ailleurs parfaitement compris par l’aile la plus dure des Patriotes. On note par exemple que même Igor “Strelkov” que l’on ne peut pas soupçonner de
complaisance envers Vladimir Poutine, avait fortement condamné les actions de Wagner le 24 juin. Ça n’a pas empêché qu’il soit emprisonné pour quelques mois pour avoir défié, verbalement en ce
qui le concerne, le Président Poutine.
Evgeny Prigozhin restera dans les mémoires comme un Patriote ayant de grandes réalisations positives pour la Russie mais ayant eu la folie des grandeurs. La Russie
est en guerre contre l’Occident et l’union derrière le Commandant en Chef doit être totale, les trublions doivent être liquidés.
Prigogine : Fin tragique pour le seigneur de guerre
Source : Riposte Laïque - par Jacques Guillemain - Le 24/08/2023.
La mort de Prigogine, dans un crash d’avion privé avec 9 autres personnes, soulève davantage de questions qu’elle n’apporte de réponses, ouvrant la porte aux hypothèses les plus farfelues.
On peut penser, comme Boris Karpov, que la vengeance est un plat qui se mange froid et que Poutine a finalement réglé ses comptes avec le traître qui a osé le défier fin juin, en envoyant un
convoi militaire de Wagner sur Moscou.
J’avoue que je n’ai pas compris l’apparente réhabilitation dont a bénéficié Prigogine après sa rébellion contre le Kremlin, alors que Poutine avait déclaré que les traîtres seraient
irrémédiablement punis.
“Tous ceux qui se sont délibérément engagés sur la voie de la trahison subiront une punition inévitable”
Pour moi, ou bien Prigogine était un traître et il devait payer sans attendre
Ou bien Poutine souhaitait le blanchir, mais dans ce cas, cela méritait quelques explications
Or, des d’explications, il n’y en eut point.
Vous me direz que le Tsar n’a de comptes à rendre à personne, mais tout cela reste donc très flou. Prigogine a-t-il été épargné en juin pour mieux le liquider en août ? C’est l’hypothèse la plus
probable. Plutôt que la prison, qui risquait de faire de Prigogine un martyr aux yeux de ses nombreux fans dans le milieu militaire, Poutine a pu faire le choix de l’exécution extra-judiciaire
pour clôturer définitivement le dossier.
L’avion dans lequel se trouvaient Prigogine et le second de Wagner, s’est donc crashé au cours d’un vol entre Moscou et Saint-Pétersbourg.
Ensuite, chacun laissera libre cours à son imagination et les hypothèses vont bon train.
– Prigogine était-il réellement à bord de l’avion, ou bien est-ce une exfiltration déguisée en accident ?
– Un crash avion sans survivant permet aisément de maquiller l’identification des victimes.
– Quelle est la cause du crash ? Accident ? Attentat ? Tir hostile ?
– Au delà d’un règlement de comptes initié par le Kremlin, Prigogine n’avait pas que des amis et pouvait être liquidé aussi bien par les Ukrainiens, les Polonais affolés par la présence de Wagner
en Biélorussie, ou plus simplement pour des intérêts financiers occultes.
À chacun d’imaginer son scénario, mais à mon humble avis, l’explication la plus logique est que le
Kremlin a décidé de présenter l’addition à ce grand patriote, enivré par le succès de Bakhmut, et qui a fini par perdre la raison en défiant le pouvoir. Quel chef d’État
pourrait accepter la trahison en temps de guerre ? En Russie, les traîtres sont liquidés.
Prigogine aura eu une destinée peu commune.
Délinquant sans le sou, il est passé de la prison aux affaires, finissant grâce à Poutine dans la restauration industrielle qui a fait sa fortune. C’est en 2014 qu’il crée le groupe Wagner, qui
va s’illustrer en Syrie, en Libye, au Soudan, en Centrafrique, au Mali. Mais c’est en Ukraine, avec la difficile prise de Bakhmut, cette forteresse que Zelensky ne voulait pas lâcher, que l’aura
de Wagner et de son chef va atteindre des sommets. Pendant des mois, on n’entend plus que Prigogine sur les défaillances du commandement russe. Un discours lassant, je dois le dire.
Une gloire qui aura été bien éphémère et qui lui sera montée à la tête. Après avoir critiqué ouvertement le haut commandement militaire, et surtout après s’être lancé dans une folle équipée
contre Moscou, ce grand patriote ultra-nationaliste, longtemps proche de Poutine, meurt brutalement dans la peau d’un traître à 62 ans. Pourquoi un tel suicide ? Mystère.
Triste fin pour le vainqueur de Bakhmut, ville symbole de la résistance ukrainienne.
De son côté, Wagner a posté sur Telegram un communiqué laconique :
“Evgueni Prigojine, est décédé des suites des actions de traîtres à la Russie”
Curieux message, après la rébellion de Wagner contre le Kremlin…
À chacun de se forger sa propre opinion. Mais je pense que Boris Karpov est dans le vrai.
Jacques Guillemain
Crash de l’avion de Prigojine : Abattu par un missile ?
Crash de l’avion de Prigojine : « C’est caractéristique d’un missile sol-air »
Pour l’ancien aviateur et consultant aéronautique Xavier Tytelman, il n’y a que peu de doutes : L’avion où se trouvait Evgueni Prigojine, le patron de Wagner, a été abattu par un missile.
Mercredi 23 août, un Embraer Legacy 600, petit avion d’affaires biréacteur, décolle de l’aéroport de Moscou, direction Saint-Pétersbourg. À son bord, trois membres d’équipage et sept passagers,
dont, semble-t-il, Evgueni Prigojine, le patron de Wagner, et Dimitri Outkine, chef militaire de la milice qui porte son nom de guerre.
Le signal de l’avion est perdu à 18 h 11. Quelques instants plus tard, une première vidéo est partagée, où l’on voit l’avion descendre en vrille jusqu’au sol avant de s’écraser dans la région de
Tver, à environ 200 kilomètres au nord-ouest de la capitale russe. Il n’y aurait aucun survivant, selon l’agence de presse russe Tass, qui a confirmé la mort de celui qu’on surnommait le «
cuisinier de Poutine », deux mois après sa révolte avortée.
Une enquête a été ouverte pour « violation des règles de sécurité du transport aérien ». Pour Xavier Tytelman, peu de doutes subsistent quant aux raisons du crash. L’ancien aviateur de
l’aéronavale français et consultant en aéronautique juge que seul un tir de missile sol-air a pu abattre l’appareil.
Le Point : Vous avez vu les vidéos de l’avion qui tombe en vrille et celles de la carcasse de l’appareil, quelques instants après le crash. Qu’est-ce qui vous
permet de dire qu’il a été touché par un missile sol-air ?
Xavier Tytelman : Ce qui est intéressant à observer, c’est le tout début de la vidéo quand l’avion commence à tomber. On peut voir un panache de fumée blanche qui s’échappe de l’appareil mais
surtout une espèce de nuage gris, qui a la forme d’un triangle. C’est caractéristique d’un missile sol-air quand il explose. Ensuite, on voit que l’avion a perdu son aile droite. Hormis lors
d’une collision, un avion ne perd pas une aile comme ça.
Sur les vidéos de l’appareil au sol, on remarque de nombreux petits trous dans les débris de la carlingue. Là encore, quand un missile sol-air explose, il peut le faire directement sur la cible
ou à proximité et envoyer des milliers de shrapnels et de débris. Plusieurs témoins affirment qu’ils ont entendu le bruit d’un missile puis deux explosions, c’est pour cela qu’ils ont levé les
yeux au ciel et ont filmé la descente de l’avion. Ces éléments tendent à dire que ce sont sans doute deux missiles sol-air qui ont été tirés.
Il semblerait aussi que le contrôle aérien ait demandé à l’Embraer de modifier sa trajectoire. Cela aurait pu permettre de mieux l’identifier en vol et de ne pas se tromper de cible.
La Russie était connue et réputée avant la guerre pour produire de nombreux systèmes sol-air permettant de défendre différentes zones du ciel face à plusieurs
types d’aéronefs. D’après vous, qu’elle pourrait être l’arme utilisée ? Est-ce que cela permet d’identifier l’auteur du tir ?
Par rapport à la couleur du nuage triangulaire, il s’agirait plutôt d’un Pantsir [système antiaérien sur camion, NDLR] ou d’un Tunguska [système antiaérien sur châssis de char, NDLR]. Ce sont des
systèmes de théâtre d’opérations plutôt petits et suffisants pour abattre un avion comme celui-là, avec des missiles pesant moins de 100 kilos. J’écarte les missiles comme les S300 et S400, de
plus de 1 tonne chacun. Idem pour un système portatif tiré depuis l’épaule, qui n’a qu’une altitude maximale de 4 000 mètres, trop peu pour espérer atteindre l’avion qui volait plus haut.
Il y a plusieurs forces armées en Russie réparties entre l’armée de terre, celle du ministère de l’Intérieur ou la garde nationale, qui sont toutes plus ou moins équipées des mêmes armes.
D’autres hypothèses que celle d’un missile sol-air ont émergé. On parle d’une bombe dans l’appareil, d’un défaut d’entretien en raison des sanctions contre la Russie qui touchent le secteur
aéronautique ou encore de partisans pro-ukrainiens ou de commandos ukrainiens…
S’il y avait eu une bombe, l’avion aurait explosé de l’intérieur. Un avion ne perd pas son aile en cours de vol par manque de pièces détachées, même après un ou deux ans de sanctions. J’ai enfin
du mal à voir comment des commandos ukrainiens auraient pu s’infiltrer à 200 kilomètres de Moscou. Un Pantsir, ce n’est pas une Twingo !
Les médias occidentaux se sont rués sur l’annonce de la mort de Prigogine pour crier au sabotage de l’avion par le pouvoir russe. Pourquoi pas? Mais au Courrier des Stratèges nous considérons que
faire du journalisme ne consiste pas à se précipiter sur la première théorie conspirationniste venue. Nous avions fait preuve de la même retenue lors du coup d’Etat manqué par le même Prigogine,
fin juin 2023, nous avions refusé de nous joindre, par facilité,au chœur de ceux qui criaient à la “maskirovka”, au coup en fait monté entre Poutine et le PDG de l’entreprise Wagner. Nous avons
trop de respect pour nos abonnés pour leur servir le dernier emballement médiatique….
Personne ne sait ce qui est à l’origine de l’accident d’avion qui a coûté la vie à Evgueni Prigogine. Mais cela n’empêche pas les médias
occidentaux, depuis hier, d’assommer leurs consommateurs de certitudes. Cela faisait longtemps qu’on n’avait pas pu alimenter l’image de Poutine en dictateur-assassin de ses
opposants.
La thèse de l’attentat (d’Etat): Une facilité ?
Evidemment, il y a une certaine logique à imaginer que Vladimir Poutine ait laissé la poussière du putsch manqué de juin retomber; et fait frapper à froid. Certes
le président russe avait magistralement mis fin à la tentative de coup d’Etat. Mais il peut être utile d’inspirer la terreur à ses ennemis politiques. D’autant plus qu’Evgueni Prigogine n’avait
pas respecté le cadre de son exil biélorusse. Il était retourné en Russie. Il avait refait parler de lui par une vidéo. Il entendait se refaire une réputation au service de l’indépendance des
nations africaines.
Ajoutons qu’avant-hier 22 août, la rumeur d’un limogeage du Général Sourovikine a couru. Commandant en second de la guerre en Ukraine, on lui avait déjà reproché
d’être trop proche de Prigogine, fin juin.
Le problème c’est que tout cela ce sont des spéculations. Je pourrais tout autant vous expliquer en quelques paragraphes que c’est un attentat, en fait, des
Américains, qui ne supportaient pas l’engagement de Wagner en Afrique. Le FSB savait mais a laissé faire….Si je construis bien mon récit, vous allez me croire.
Tragédie grecque ?
Comme nous le rappelle l’un des plus modestes mais plus profonds historiens français du XXè siècle, Raoul Girardet, dans Mythes et mythologies politiques, les
théories du complot sont une invention de la modernité. Plus précisément, ce sont Voltaire et les “philosophes” qui ont inventé la première théorie moderne du complot: le très imaginaire “complot
jésuite” (qui a conduit à l’expulsion de la Compagnie de Jésus du royaume en 1764). Toutes les autres théories du complot, visant les Juifs, les franc-maçons etc….sont filles de la fascination
moderne pour le “pouvoir caché”.
Au XVIIè siècle, nos pères auraient eu une autre tendance. Nourris de tragédie grecque, ils auraient invoqué la mort accidentelle d’un homme atteint de démesure
(Hubris) et puni, donc, par la Justice(Nemesis) ou le Destin (Les Parques ont coupé soudain le fil desa vie). On imagine comment Shakespeare (lui qui a démoli à l’avance toutes les lubies de
notre modernité) aurait joué avec le récit d’un prétendu complot, voile qui se serait déchiré, lors du dénouement, pour montrer Prigogine victime d’une vengeance d’un proche ou bien de sa propre
colère et impatience qui lui avait fait demander qu’on ne révise l’avion que sommairement pour ce vol.
Tenez, je viens d’inventer deux théories qui pourraient être développées…
Ne soyons pas prisonniers de la culture moderne – en tout cas de ce qu’elle a de plus médiocre.
Le défi du journalisme
Il est très difficile pour un journaliste ou un expert (un “sachant”) de dire “Je ne sais pas”.
Au mois de juin, nous avons refusé la thèse de la “maskirovka” – ah ces mots russes que l’on utilise avec le même snobisme que les mots anglais! Rien ne nous
semblait corroborer la thèse selon laquelle le putsch n’était qu’une mise en scène, convenue, entre Poutine et Prigogine. Nous avons, en plusieurs articles, accumulé un certain nombre d’indices
montrant (1) que le pouvoir russe suivait la trahison croissante de Prigogine depuis au moins six mois et le laissait s’avancer. (2) Que de nombreuses traces existaient de contacts entre
Prigogine et les Occidentaux.
Pourquoi n’adhérez-vous pas à 100%, du coup, à la thèse du meurtre poutinien pour expliquer le crash d’hier, nous demanderez-vous? Parce que pour l’instant, nous ne
savons pas!
Nous savons en revanche ce que nous devons aux abonnés du Courrier du Stratèges. Vous êtes la condition de notre indépendance. Vous avez fait le choix, qui ne va
pas de soi pour tous ceux qui croient que l’information est gratuite, au contraire, de vous abonner à un média. Cela nous oblige. Mais, du coup, nous construisons un pacte de confiance avec
vous.
Vous vous abonnez au Courrier parce que vous pensez utile de lire que, non, quels que soient les soupçons de corruption qui pèsent sur Madame von der Leyen, ses
négociations avec Pfizer n’ont pas influé sur le recrutement de son mari comme consultant d’un laboratoire pharmaceutique. Nous aurions bien aimé alourdir le dossier de la scandaleuse Ursula;
mais rien ne corrobore la thèse d’un conflit d’intérêt dans le cas dont nous parlons. Ou bien vous nous soutenez parce que vous acceptez qu’on vous dise, dans le cas de Prigogine, “pour
l’instant on ne sait rien !”
Je pense que la plupart d’entre vous ont vu un ou plusieurs des nombreux articles relatant la mort d’Evgueni Prigojine dans un «accident d’avion»
aujourd’hui. L’avion, qui se rendait de Moscou à Saint-Pétersbourg, s’est écrasé à mi-parcours dans la République de Tver.
Nous savons avec certitude que l’avion n’a pas explosé en plein vol. Regardez ces deux vidéos.
Dans la vidéo Twitter prise par une femme qui vit dans une ferme en Russie, on peut voir une traînée sur la gauche, puis l’avion apparaît comme s’il
tombait dans une légère vrille. Cela signifie qu’il a perdu presque toutes ses capacités de portance aérodynamique. Les moteurs de l’Embraer 600 (photo ci-dessus) sont fixés près de
la queue de l’avion. Lorsque l’avion tombe, il effectue une légère rotation, ce qui signifie qu’il reste une partie d’une aile encore attachée. Cependant, la plupart des ailes ne sont
pas visibles. La traînée de vapeur qui suit le jet dans sa chute vers le sol est probablement du carburant plutôt que de la fumée.
Qu’est-ce qui a provoqué la séparation des ailes ? Il pourrait s’agir d’un éclat d’obus provenant d’un missile sol-air. J’ai entendu dire que, selon les
services de renseignement occidentaux, plusieurs batteries de SA-20 se trouvaient suffisamment près pour procéder à l’engagement et que ces systèmes étaient actifs (ce qui est plutôt
inhabituel dans cette région) au moment où l’avion de Prigojine les survolait. L’hypothèse d’un abattage est donc envisageable.
Une défaillance structurelle, due à une mauvaise maintenance ou à un sabotage, est une autre possibilité pour la perte catastrophique des ailes.
En raison des liens de Prigojine avec le GRU, je suis toujours sceptique quant à l’histoire présentée initialement. Il est à noter que cela coïncide
avec des messages sur Telegram (non confirmés) selon lesquels Sourovikine est puni/poursuivi et avec les récentes déclarations publiques de Prigojine concernant un rôle militaire plus
important du côté du Niger. Il s’agit là d’une autre liste possible de suspects.
Autre scénario à envisager : Des amis ou des parents (ou les deux) des aviateurs russes tués par Wagner lors de la mutinerie de juin pourraient avoir
pris les choses en main pour se venger.
Je suis sceptique quant à l’affirmation selon laquelle Poutine aurait ordonné cette action. Tout d’abord, Poutine officiait lors de la commémoration du
80ème anniversaire de la bataille de Koursk. J’ai du mal à croire que Poutine ait voulu détourner l’attention de cet événement en donnant le feu vert à l’exécution de Prigojine de
cette manière. Cela ne sert pas les intérêts de Poutine, car la chute de l’avion a également tué des pilotes et d’autres passagers qui n’étaient pas impliqués dans la mutinerie de
Prigojine. Si Poutine avait voulu tuer Prigojine, il l’aurait ordonné plus tôt et l’aurait fait d’une manière beaucoup moins désordonnée. Par exemple, lorsque vous abattez un avion,
vous n’avez aucun moyen de prédire où les débris de l’appareil pourraient atterrir. Bien sûr, l’identification des restes sera un défi. L’avion brûlait au sol et a certainement
consumé au moins une partie des corps.
Je ne pense pas qu’il s’agisse d’un acte de Maskirovka parce qu’il a entraîné la mort d’au moins huit autres personnes dont le profil public n’est pas
lié à celui de Wagner.
Pourquoi ne pas envisager la possibilité d’une mise en scène ? En d’autres termes, aucun passager ou membre d’équipage n’était réellement à bord.
L’Embraer a donc été piloté à distance et abattu afin de plonger les services de renseignements occidentaux dans la frénésie (car c’est exactement ce qui se passe en ce moment) en
essayant de comprendre ce qui se passe ?
Une chose est sûre : Cela alimente le mème selon lequel si l’on croise Poutine, on est un homme mort en sursis. Que cette idée soit vraie ou non n’a pas
d’importance. Si c’est ce que les étrangers croient, alors c’est vrai par définition.
Les autorités russes ont révélé un nouveau rebondissement, ajoutant encore plus de mystère au soulèvement déjà étrange du groupe Wagner et au sort de son
fondateur et leader Evgueni Prigojine.
Les nouvelles soulignent également que les choses vont probablement se poursuivre normalement, les dirigeants de Wagner ne recevant guère plus qu’une tape
sur les doigts.
Le Kremlin a déclaré lundi
10 juillet que le président Vladimir Poutine a effectivement rencontré Prigojine quelques jours après l’éphémère mutinerie qui a
donné lieu à plus d’une douzaine de morts parmi les troupes russes.
Après la «marche sur
Moscou» des convois armés des forces Wagner, qui ont dénoncé avec colère la corruption endémique au sein du commandement de l’armée le 24 juin, la Russie a rapidement
annoncé qu’un accord de cessez-le-feu avait été conclu avec la médiation du président biélorusse Alexandre Loukachenko.
Selon les termes de l’accord,
Prigojine devait quitter la Russie et s’exiler de facto dans la Biélorussie voisine.
Mais il semble qu’avant ou pendant (ou même après) ce processus de transfert du chef de Wagner à Minsk (via son jet privé), lui et Poutine aient eu une
réunion de près de trois heures au Kremlin.
Selon la nouvelle déclaration du
Kremlin, les commandants du PMC Wagner y ont participé.
TASS présente
les détails en se basant sur la description du porte-parole présidentiel Dmitry Peskov comme
suit :
«Il a invité 35
personnes – tous les commandants d’escadrons et les dirigeants de la société [militaire privée], y compris Prigojine. La réunion a eu lieu au Kremlin le 29 juin et a duré près de trois
heures».
«Nous ne connaissons
pas les détails, mais ce que nous pouvons dire, c’est que le président a fait part de son évaluation des actions de la société [militaire privée] sur la ligne de front pendant l’opération
militaire spéciale et les événements du 24 juin», a indiqué
Peskov.
«Poutine a écouté les
explications des commandants [Wagner] et leur a proposé d’autres options d’emploi et d’utilisation au combat».
Il semble qu’il s’agisse d’une réunion «sympathique» de type «clarification», montrant clairement que Poutine n’a pas fini d’utiliser le groupe Wagner
comme une force militaire efficace.
«Les commandants
eux-mêmes ont donné leur version de ce qui s’est passé [le 24 juin], ils ont souligné qu’ils étaient de fervents partisans et soldats du chef de l’État et du commandant en chef suprême,
et ils ont également déclaré qu’ils étaient prêts à continuer à se battre pour la patrie».
«C’est tout ce que
nous pouvons dire sur cette réunion», a-t-il ajouté.
Cette réunion a eu lieu moins d’une semaine après les événements chaotiques du week-end, et quelques jours après que Poutine ait accusé de trahison les
dirigeants du groupe de mercenaires qui ont organisé et préparé la rébellion armée et les ait accusés d’avoir trahi la Russie.
Tout ceci suggère fortement que le
groupe Wagner sera bientôt de retour sur le champ de bataille ukrainien.
Il est probable que le plus gros des unités de Wagner n’ait jamais quitté les régions de la ligne de front en Ukraine, à l’exception des milliers d’unités
qui contrôlaient des sites à Rostov pendant le bref soulèvement.
C’est ce détail clé que les services
de renseignement américains et l’OTAN surveilleront de près, à savoir que Poutine «leur a offert d’autres options pour
l’emploi et l’utilisation ultérieure au combat», selon les termes de Peskov au
média TASS.
Depuis la semaine dernière, le président Loukachenko a déclaré que Prigojine était de retour en Russie.
La révélation faite lundi 10 juillet par le Kremlin en apporte une certaine confirmation. Depuis le début de la mutinerie, Prigojine a affirmé qu’il
n’essayait pas de renverser Poutine ou le gouvernement russe, mais qu’il voulait plutôt se débarrasser de la direction militaire, citant la corruption et l’inaptitude (notamment celle de
Sergueï Choïgou), parmi d’autres plaintes de longue date.
L’accord de paix conclu sous l’égide
de la Biélorussie pour mettre fin au soulèvement prévoyait d’offrir aux combattants de Wagner des contrats avec les forces armées nationales ou de les réinstaller en
Biélorussie.
L’éventualité de vastes campements de Wagner en Biélorussie a rendu les pays voisins comme la Pologne très nerveux, et Varsovie a pris des mesures pour
renforcer sa frontière.
Ces derniers jours, on a beaucoup parlé de la révélation selon laquelle, le 29 juin, moins d’une semaine après la mutinerie armée du groupe Wagner, Vladimir
Poutine a reçu au Kremlin Evgueni Prigojine et 35 de ses hauts commandants militaires pour trois heures d’entretien.
Comment cela est-il possible ? Quel en est le sens ? Pourquoi Poutine s’entretient-il avec celui qu’il dénonçait quelques jours auparavant comme un
traître ?
Tous ceux qui posent ces questions n’ont pas prêté attention au bilan de Vladimir Poutine en matière de «gestion du personnel» au cours des vingt-trois
dernières années. Tout cela suit le principe que l’on retrouve dans de nombreuses grandes institutions, tant privées que publiques : Travailler avec les moyens du bord, en considérant que
la plupart de ceux qui sont sous vos ordres sont bons à quelque chose. C’est le principe de fonctionnement que j’ai vu autour de moi pendant les quatre années où j’ai travaillé pour
United Parcel Service. C’est certainement le principe qui prévaut dans les forces armées des États-Unis.
Lorsqu’il est arrivé au pouvoir en 2000, Poutine a eu affaire à un important contingent d’oligarques rapaces qu’il a apprivoisés, notamment en brisant les
ambitions politiques présomptueuses de Mikhaïl Khodorkovski et en envoyant le trublion faire un long séjour derrière les barreaux. Une fois domptés, les barons voleurs se sont tenus à
l’écart de la politique et ont consacré leur temps à développer les vastes pans de l’économie qu’ils avaient fini par contrôler, tout en s’octroyant des profits indécents.
En 2000, Poutine a également hérité de fonctionnaires libéraux dont la loyauté envers lui-même et envers le pays était douteuse. Génies de l’organisation ou
de la gestion financière, ils avaient souvent des penchants pour le vol. On pense notamment à Anatoly Chubais. Il avait dirigé la campagne de réélection de Boris Eltsine en 1996, qui
l’avait emporté en recourant à tous les moyens possibles et imaginables. Il a ensuite dirigé plusieurs entreprises d’État, notamment dans le domaine des nanotechnologies, qu’il a volées à
pleines mains. Mais on pourrait dire la même chose d’Alexeï Koudrine, qui a longtemps occupé le poste de ministre des finances de la Russie et a été nommé meilleur ministre des finances
pendant plusieurs années par ses pairs d’Europe de l’Ouest. Koudrine est également le dirigeant politique le plus visible à avoir pris la parole lors des manifestations de rue Bolotnoïe
contre le Kremlin en 2011, qui ont permis à Alexeï Navalny, qui déteste Poutine, de se faire connaître.
Chubais et Koudrine sont aujourd’hui en exil à l’étranger, tout comme de nombreux libéraux de moindre importance qui ont servi le gouvernement russe ou les
entreprises d’État jusqu’au début de l’opération militaire spéciale. Et une accusation de loyauté douteuse pourrait même être portée contre German Gref, qui a supervisé ces
dernières années la transformation totale de la plus grande banque russe, Sber, en une institution orientée vers le client, hautement efficace et technologiquement avancée. Gref reste à
son poste, même s’il a perdu quelques plumes en termes de temps d’antenne à la télévision d’État. Dans sa décision de poursuivre son mandat, il pourrait être associé au gouverneur de la
Banque centrale, Elvira Nabioullina, qui est également une fervente défenderesse de l’économie libérale axée sur le marché, à un moment où la Russie a dû renforcer le contrôle central
pour mettre le pays sur le pied de guerre.
Aucun de ces acteurs politiques et économiques très compétents, bien qu’équivoques, n’a été mis à l’écart pendant les années Poutine. Ils ont été autorisés
à semer la discorde et/ou à voler à petites doses tout en apportant beaucoup de «jus» au cocktail de la réussite économique de la Russie pendant les années Poutine.
Il y a aussi de nombreux membres éminents de l’establishment politique russe qui étaient profondément défaillants d’une manière ou d’une autre, mais qui ont
été maintenus et, si cela se justifie, promus à des responsabilités de plus en plus importantes. Valentina Matvienko, présidente du Conseil de la Fédération, la chambre haute de la
législature bicamérale russe, en est un excellent exemple. On la voit souvent à la télévision russe dans l’exercice de ses fonctions publiques de toutes sortes. Hier, elle était à Pékin
où elle a été reçue par le président chinois Xi Jinping. Selon le classement officiel, Matvienko est la deuxième personnalité politique la plus importante dans la hiérarchie de l’État
russe, après Poutine.
Mais d’où provient Matvienko ?
Lorsque je vivais et travaillais à Saint-Pétersbourg en 1994 et plus tard, nous avons beaucoup vu Matvienko. Elle était connue pour être une ivrogne qui
apparaissait parfois en public «sous influence» et son fils était largement connu pour ses pratiques corrompues, faisant fortune dans des opérations immobilières spéculatives rendues
possibles par la position de sa mère. Je me souviens avoir vu des dénonciations de la mère et du fils sur des bancs publics à Pétersbourg.
Après le retrait de sa candidature à la réélection au poste de maire de la ville et son remplacement par un candidat relativement inconnu et favorisé par le
Kremlin, un certain Yakovlev, elle est retournée à Moscou. Là, elle s’est assagie et on lui a donné une nouvelle chance de réussir, ce qu’elle a fait avec panache.
***
Il y a quelques semaines, dans mon premier commentaire sur la rébellion du groupe Wagner, je faisais remarquer qu’au cours des siècles, l’histoire russe a
connu un certain nombre de rébellions qui ressemblaient davantage à l’affaire Wagner que la «révolution» de février 1917 évoquée par Vladimir Poutine lorsqu’il s’est exprimé pour la
première fois à la télévision suite au rétablissement de l’ordre. Parmi ces épisodes antérieurs figure la trahison commise en 1708-09 par l’hetman des cosaques de Zaporijia, Ivan Mazepa,
qui avait été l’homme de terrain de Pierre le Grand dans ce qui est aujourd’hui une partie de l’Ukraine, mais qui s’est retourné contre le tsar et a rejoint les forces du roi suédois
Charles XII qui était alors engagé dans une lutte à mort avec la Russie. Comme Prigojine, Mazepa était l’une des personnes les plus riches du pays, avec de vastes propriétés foncières, et
comme Prigojine, il s’est rebellé lorsqu’il a compris que les nouvelles réformes militaires introduites par Pierre le priveraient d’une grande partie de son pouvoir en tant que
flibustier. Mazepa est un rare exemple où la confiance de Pierre le Grand envers ses subordonnés était mal placée. Par ailleurs, tout au long de son règne, Pierre a élevé à des postes de
responsabilité de nombreux hommes ambitieux d’origine très modeste. Certains étaient des canailles qui abusaient de leur pouvoir, d’autres moins, mais presque tous ont mis leur
intelligence et leurs talents supérieurs au service de la grandeur de la Russie.
***
Nous avons très peu entendu parler de ce que Vladimir Poutine a pu discuter avec les chefs du groupe Wagner lors de leur réunion au Kremlin. Selon son
secrétaire de presse, Peskov, ces commandants ont tous prêté serment d’allégeance à l’État et à Poutine, et ce dernier a fixé les règles de base de leur retour au combat actif dans le
cadre de l’opération militaire spéciale.
Nous devrions en savoir plus dans les semaines à venir.
Au cours de son histoire millénaire, la Russie a connu de nombreuses révoltes et quelques révolutions. Il y a eu la guerre des paysans menée par Stepan
Razin, qui a duré de 1667 à 1671. La rébellion a été réprimée par les troupes gouvernementales et Razin a finalement été capturé et exécuté sur le lieu d’exécution de la Place Rouge à
Moscou, appelé «lobnoe mesto», qui existe toujours. Pendant son exécution, le rebelle a gardé son sang-froid jusqu’au bout et n’a montré aucun signe de douleur. Le bourreau lui a d’abord
coupé les membres, un par un, puis la tête, a ensuite découpé son corps en morceaux et les a mis sur des piques, tandis que ses entrailles ont été données aux chiens. Il y eut ensuite la
guerre des paysans menée par Yemelyan Pugachev, qui dura de 1773 à 1775. Elle s’est terminée par un véritable procès qui, après avoir interrogé Pougatchev, a rendu un verdict officiel
libellé comme suit : «Yemel’ka Pougatchev
doit être écartelé, sa tête plantée sur un pieu, les parties de son corps transportées aux quatre portes de Moscou et placées sur des roues, puis brûlées». La sentence a été exécutée
le 21 janvier 1775 sur la place Bolotnaïa.
Il s’agit là de deux rébellions en bonne et due forme, vouées à l’échec dès le départ, certes, mais pas vraiment stupides. Il y a eu d’autres rébellions,
mais jusqu’au week-end dernier, le titre de la révolte russe la plus stupide de tous les temps revenait aux Décembristes. Le 26 décembre 1825, une manifestation politique armée a eu lieu
sur la place du Sénat à Saint-Pétersbourg. Il s’agit du plus grand soulèvement politique de membres de la noblesse russe dans l’histoire de la Russie. Ses principaux objectifs étaient le
renversement de l’autocratie, l’abolition du servage, l’adoption d’une constitution et l’introduction d’un gouvernement représentatif. Les chefs de la rébellion – des membres de la
noblesse et des membres libres-penseurs de sociétés secrètes – ont menti aux soldats sur la nature de leur rébellion, les ont fait sortir et les ont fait poireauter dans le froid. Les
soldats ont eu vent de ce qui se passait, la réunion s’est interrompue et les chefs ont été arrêtés, interrogés et finalement condamnés à l’exil intérieur. Au cours de l’interrogatoire,
on leur a posé des questions difficiles, telles que : «Qui diable vous a rempli la tête de ces idées stupides ?» Ironiquement, leurs demandes ont fini par être satisfaites : le servage a
été aboli en 1861 ; le premier parlement russe – la Douma – a été créé sur ordre du tsar Nicolas II en 1905 ; et la première constitution russe a été élaborée par le gouvernement
révolutionnaire soviétique en 1918.
Bien plus tard, grâce aux efforts de Lénine et de ses partisans, qui cherchaient des antécédents historiques honorables à leur grand exploit consistant à
abandonner honteusement à l’ennemi les grandes victoires de la Russie lors de la Première Guerre mondiale, à déclencher une véritable guerre civile qui a duré jusqu’en 1923 et à laver le
cerveau de toute une cohorte de fanatiques marxistes qu’il incombait ensuite à Staline de réprimer par des mesures horriblement répressives, la rébellion des Décembristes a été saluée
comme un précurseur de la grande révolution d’octobre de 1917. En conséquence, de nombreuses rues et places de Saint-Pétersbourg et d’ailleurs portent le nom des décembristes en général
et de leurs chefs en particulier, faisant une montagne de ce qui n’était, en réalité, qu’une taupinière d’un monument à la stupidité humaine qui n’avait pas été remis en question jusqu’au
week-end dernier.
C’est alors qu’arrive Evgueni Prigojine et sa PMC Wagner, alias «les musiciens». Les sociétés militaires privées ont joué un rôle important et nécessaire
dans l’histoire récente de la Russie. Pendant un certain temps, il était politiquement important de minimiser l’état de préparation militaire de la Russie afin d’inciter à l’inaction les
ennemis de la Russie au sein de l’OTAN, alors même que le complexe militaro-industriel russe travaillait assidûment en secret à la création d’une nouvelle génération d’armes tactiques et
stratégiques qui assureraient la suprématie militaire permanente de la Russie sur l’OTAN. Une partie de la feinte a consisté à nommer un certain Anatoly Serdyukov au poste de ministre de
la Défense de la Russie. Il a servi de 2007 à 2012, son mandat se terminant par un scandale de corruption ridicule. Et puis en 2014, juste deux ans plus tard et presque immédiatement
après le putsch de Kiev, les «petits hommes verts» de la Russie, très disciplinés, bien entraînés et équipés à la mode, sont apparus en Crimée et ont tranquillement pris le contrôle sans
tirer un seul coup de feu, sous le regard étonné et baveux de l’ensemble de l’OTAN. C’était la première fois qu’une société militaire privée russe faisait véritablement la une de
l’actualité internationale, ayant été capable de se constituer, de s’entraîner et de remplir sa mission sans attirer l’attention sur elle.
Par la suite, les «petits hommes verts» russes ont rendu la vie infernale à divers néocolonialistes américains et européens en Afrique et en Amérique
latine, à tel point que les néocolonialistes ont aujourd’hui pratiquement perdu leur emprise sur ces deux grands et importants continents. Alors que la [prise de contrôle de la, NdT]
Crimée n’était qu’une opération chirurgicale et qu’elle tenait autant des relations publiques que de la démonstration de prouesses militaires, les opérations menées dans ces autres
régions, comme en République centrafricaine où les Français avaient habilement transformé la situation en une guerre civile permanente, étaient un peu plus rudes et nécessitaient un état
d’esprit tout aussi rude.
Puis vint Artyomovsk (anciennement connue sous le nom de Bakhmout). L’opération visant à forcer les troupes du régime de Kiev à en sortir est devenue le
«hachoir à viande de Bakhmout». Elle a été choisie spécifiquement parce qu’il ne faisait aucun doute que le régime de Kiev ferait tout son possible pour s’y accrocher, étant donné qu’il
s’agit d’un centre régional important et que sa perte affaiblirait gravement la capacité du régime à réapprovisionner ses troupes et à manœuvrer dans l’ensemble de la région. La tâche
extrêmement salissante de «hacher la viande» a été confiée au PMC Wagner et à son chef Evgueni Prigojine, qui a recruté des détenus pour ce travail, promettant l’amnistie à ces bandits et
à ces égorgeurs après leur courte période de service dans l’enfer absolu – s’ils survivaient. En effet, ceux qui avaient survécu – environ la moitié d’entre eux, selon Prigojine – ont été
relâchés dans la nature comme promis, certains d’entre eux faisant une bêtise presque immédiatement et se retrouvant à leur point de départ en prison.
L’objectif de l’exercice n’était pas seulement de capturer Artyomovsk (ce qui était quand même une bonne chose pour la Russie), mais d’épuiser le potentiel
de mobilisation du régime de Kiev. À cette fin, Prigojine a ordonné que ne soit fait aucun prisonnier. En tant qu’agent libre non lié par les conventions de Genève, Prigojine était libre
d’agir ainsi sans encourir les foudres du ministère russe de la défense, mais les responsables de la défense l’ont certainement détesté pour cela et ces sentiments étaient, j’en suis sûr,
réciproques.
Ainsi, les infortunées recrues ukrainiennes – celles qui n’avaient pas eu l’intelligence de fuir le pays à temps et qui n’avaient pas l’argent pour payer
les recruteurs de l’armée – ont été forcées de marcher en avant et de mourir aux mains de certains des mécréants les plus répréhensibles de Russie, ou bien elles pouvaient tenter de
battre en retraite et se faire faucher par les détachements anti-retraite du régime de Kiev qui étaient retranchés juste derrière eux et remplis de nazis ukrainiens vicieux, tatoués de
croix gammées et armés de Mein Kampf. Drogués à mort par des préparations spéciales fournies par les Américains, les pauvres Ukies marchèrent vers leur mort, comme des zombies, ne
ressentant ni peur ni douleur, avançant en rampant même lorsqu’ils ne pouvaient plus marcher. Leur nombre aurait démoralisé n’importe quelle armée dans le monde, mais pas les «musiciens»
de Prigojine !
Prigojine était l’homme idéal pour diriger un tel «orchestre». En 1981, un tribunal de Leningrad (aujourd’hui Saint-Pétersbourg) l’a condamné à 13 ans de
prison pour plusieurs chefs d’accusation : vol, fraude, participation d’un mineur à une activité criminelle et vol à main armée. En 1988, il a été amnistié, s’est amendé et est devenu un
homme d’affaires prospère. Il a fini par établir de bonnes relations politiques qui lui ont permis de prendre la tête d’une société militaire privée. Aujourd’hui encore, il est respecté
pour le travail qu’il a accompli avec sa société lors de la libération d’Artyomovsk. Mais sa prestation du week-end dernier a établi un nouveau record dans les annales de la stupidité
humaine.
Tout d’abord, il faut savoir que Prigojine a été licencié. Conformément à un ordre du ministre de la défense Sergei Choïgou, tous les membres des sociétés
militaires privées, appelées par euphémisme «volontaires», doivent signer des contrats avec le ministère de la défense d’ici le 1er juillet ; soit ils le font, soit ils deviennent des
civils. Apparemment, la Russie n’a plus d’emplois super sales comme le hachoir à viande Bakhmout et l’armée russe n’a plus de raison de se cacher de ses ennemis ; par conséquent, les
sociétés militaires privées doivent être démantelées. Quoi, vos services de renseignement occidentaux, vos experts militaires et vos journalistes ont manqué ce fait incroyablement
pertinent ? Peut-être devriez-vous les licencier, comme Choïgou a licencié Prigojine.
Prigojine a certainement reçu le mémo, mais il n’a pas voulu s’en aller tranquillement dans la nuit. Au lieu de cela, il a eu recours à une tactique
traditionnelle des bandits russes des années 1990, appelée «nayezd» : vous vous présentez au quartier général de votre ennemi en force et lourdement armé et vous présentez vos exigences
comme un moyen spectaculaire d’entamer la négociation. Refuser de négocier avec des terroristes et d’autres rhétoriques de pacotille ne sert alors à rien : soit vous négociez, soit vous
mourez sous une rafale de balles. Une mort inutile est une mort stupide, et personne ne veut rester dans les mémoires comme un imbécile, il vaut donc mieux ravaler sa fierté et négocier
même avec les bandits les plus méprisables.
Mais nous ne sommes plus dans les années 1990 et Poutine n’est pas un Boris Eltsine, toujours ivre. Poutine a traité Prigojine de traître à la télévision
nationale, suivi par un certain nombre de gouverneurs régionaux, suivi par à peu près tout le monde en public. Nombreux sont ceux qui se sont souvenus de ce que l’on fait
traditionnellement aux traîtres en Russie : ils ne sont pas fusillés (une telle mort est en soi une sorte d’honneur militaire), mais pendus par le cou jusqu’à ce que mort s’ensuive. Mais
un moratoire sur les exécutions est en vigueur en Russie, et de nombreux Russes ont profité de l’occasion pour réfléchir à cette politique, la jugeant trop végétarienne compte tenu de
l’époque.
Bien que, selon l’un de mes lecteurs, un imbécile américain dont le nom m’échappe (quelque chose comme le général McChicken) ait proclamé que Prigojine est
sauvagement populaire dans toute la Russie, cela ne fait qu’indiquer le peu de crédit qu’il convient d’accorder aux fanfarons militaires américains. Prigojine est un traître. C’est ce
qu’a dit Poutine (en prenant soin de ne pas le nommer). Roma traditoribus non premia (Rome ne paie pas les traîtres) – et Moscou non plus. La grande majorité des Russes ont suivi
l’exemple de Poutine.
Prigojine a choisi comme cible de son «nayezd» le bureau régional du quartier général du ministère de la défense à Rostov-sur-le-Don, entrant dans la ville
avec des chars et des véhicules blindés de transport de troupes. Ils ont trouvé le bâtiment désert et se sont contentés de rester sur place, s’enlisant parfois comme sur la photo
ci-dessus. Pendant ce temps, un autre détachement a été envoyé sur l’autoroute nord en direction de Moscou, gênant considérablement tous les Russes qui se rendaient sur leur lieu de
vacances en Crimée. Le convoi rebelle s’est retrouvé bloqué lorsqu’il est tombé en panne de carburant, car le dépôt de carburant des rebelles, situé près de Rostov, avait été incendié de
manière très réfléchie au préalable. Il s’en est suivi un face-à-face inconfortable qui a duré quelques heures, certains habitants de Rostov, intrépides, lorgnant les coins de rue tandis
que d’autres (des vétérans de l’armée, pour la plupart) s’approchaient des musiciens et les décrivaient, en face d’eux, dans un langage si grossier qu’il pouvait faire cailler le lait.
Quelques personnes se sont aventurées à prendre des photos, comme celle ci-dessus, d’un char rebelle coincé dans les portes du cirque de la ville de Rostov.
Le président biélorusse Loukachenko a accepté d’accorder l’asile à Prigojine et les «musiciens» ont accepté de retourner à leurs bases. Les dégâts sont très
limités, compte tenu de ce qui aurait pu se produire, et les «musiciens», qui, en écho à la révolte des Décembristes, n’avaient pas été informés de ce qui se passait réellement, seront
pour la plupart pardonnés. Les poursuites pénales contre Prigojine ont été abandonnées et il est désormais libre de créer une nouvelle société militaire privée en … Biélorussie.
Voyez-vous, Loukachenko prend très au sérieux les menaces proférées à son encontre par la Pologne et d’autres pays de l’OTAN. Il a convaincu Poutine de lui donner des armes nucléaires
tactiques et il va maintenant se doter de son propre groupe de «musiciens». La Pologne veut-elle encore se frotter au Belarus ? Les Polonais veulent-ils vraiment accueillir un broyeur de
viande à Białystok, ou choisiront-ils d’évacuer et de se replier de peur que Varsovie ne soit bombardée, permettant ainsi au Belarus d’établir un périmètre de sécurité sur le sol polonais
? Ou bien les Polonais se gifleront-ils et annonceront-ils qu’ils ne faisaient que plaisanter ? Eh bien, ils ne seraient pas Polonais s’ils faisaient cela !
Puisque le stratagème consistant à utiliser l’Ukraine comme bélier contre la Russie n’a abouti à rien, il est peut-être temps pour l’OTAN de sacrifier un
pion de l’OTAN. Il est strictement interdit à l’OTAN de s’opposer directement à la Russie, car c’est automatiquement la Troisième Guerre mondiale et le socle de Washington DC finirait par
se refroidir lentement sous forme d’une flaque de verre en fusion. En fait, dès qu’ils ont appris l’imbroglio de Prigojine, les Washingtoniens ont interdit aux Ukrainiens de tirer sur les
Russes ! Reste la Pologne, qui peut peut-être servir de bélier contre… une Biélorussie nucléarisée ? Toute l’histoire de la Pologne est une longue série de tentatives de suicide national
: «Bonjour, musiciens ! Venez vous produire dans notre Białystok !» Peut-être que le record de Prigojine pour la révolte la plus stupide de tous les temps en mérite un autre – un record
polonais pour le conflit armé le plus stupide de tous les temps ?
En se rebellant en pleine guerre pour
conserver en nom propre les biens qui lui avaient été confiés, Evgueni Prigojine a menacé la cohésion de son pays. Cette affaire, qui aurait pu être dramatique, s’est pourtant bien
terminée. Indépendamment de cette initiative, les services secrets occidentaux et russes avaient à l’avance prévu, les uns et les autres, les avantages qu’ils pourraient en
tirer.
Les services secrets russes et occidentaux observaient la dégradation des relations entre Evgueni Prigojine et Sergueï Choïgu, le ministre russe de la
Défense. Bien évidemment, ils l’interprétaient différemment et en tiraient donc des pronostics distincts.
Pour les services occidentaux, ce conflit était encouragé par le maître du Kremlin. C’était un moyen pour lui de pousser les deux camps à donner le meilleur
d’eux-mêmes. Cependant la rivalité entre les hommes allait prendre de l’ampleur et, en définitive, diviser les forces russes au lieu de les renforcer. Il faudrait alors profiter de la
faiblesse de Moscou pour lancer le programme de démantèlement du pays, mis au point en juillet 2022, en s’appuyant sur diverses minorités1.
C’est le sens de la présentation que la CIA a fait devant des parlementaires US quelques jours avant la rébellion d’Evgueni Prigojine.
Pour les services russes, qui s’interdisaient de se mêler de la manière dont le président Poutine manageait cette rivalité, le conflit allait inévitablement
prendre de l’ampleur. À un moment, les officiers et haut-fonctionnaires opposés au régime allaient se positionner non pas pour un camp contre l’autre, mais pour un éventuel changement de
système. Il faudrait les identifier immédiatement et se préparer à les purger de l’appareil d’État.
Bien sûr, personne ne pensait qu’Evgueni Prigojine agirait de la manière qu’il a choisie, ni quand il passerait à l’action. Aussi lorsqu’il s’est dirigé sur
le quartier général de Rostov-sur-le-Don (02 h 30), personne ne savait encore si cela faisait partie de la surenchère entre Wagner et le ministère de la Défense ou si quelque chose de
nouveau était en train de se passer. Ce n’est que dans la nuit, lorsqu’il a maîtrisé Rostov-sur-le-Don (07 h 30) et débuté sa marche sur Moscou que chacun a compris que le moment d’agir
était venu.2
La CIA, le MI6 et le Mossad ont alors réveillé leurs contacts à la fois en Russie et dans les autres États de l’ex-URSS toujours alliés de Moscou ; en tout
premier lieu en Biélorussie, au Kazakhstan et en Ouzbékistan, trois États où les Occidentaux ont échoué au cours des deux dernières années à organiser des «révolutions colorées».
Les dirigeants ukrainiens ont demandé au millier de Biélorusses qui se battent sous leur drapeau au sein du Bataillon Kastous-Kalinowski d’appeler leurs
familles à renverser le président Alexandre Loukachenko. Des appels identiques ont été lancés contre les présidents kazakh Kassym-Jomart Tokaïev et ouzbek Shavkat Mirziyoyev. Les contacts
des Occidentaux en Tchétchénie ne semblent pas avoir répondu à l’appel.
Le président Vladimir Poutine, après son allocution à la nation (10 h), a téléphoné à ses homologues biélorusse, kazakh et ouzbek (13 h 30). À chacun il a
rappelé qu’ils avaient enduré un soulèvement alimenté par les Occidentaux et qu’il s’en était relevé. Il leur a dit que la Russie ne faiblirait pas et les a invités à faire preuve de
vigilance chez eux.
L’opposition russe en exil (c’est-à-dire celle qui est soutenue par les Occidentaux) a appelé à changer le régime à Moscou. L’ex-oligarque Mikhail
Khodorkovsky, qui avait été arrêté pour fraude fiscale en 2003 au moment où il lançait un putsch3,
a tweeté que la rébellion de Prigojine prouvait qu’il était possible de renverser Vladimir Poutine et que chacun devait se préparer à cette éventualité. Le champion d’échec Garry
Kasparov, ancien soutien de Boris Eltsine, fit de même. Il pensait sa revanche possible. L’avocat Alexeï Navalny fit savoir depuis sa prison sibérienne qu’il soutenait le
mouvement.
Ces trois hommes sont les principales cartes des Occidentaux en Russie. Contrairement à ce que prétendent de nombreux médias internationaux, ils ne sont pas
du tout populaires dans leur pays, pas plus que ne l’étaient des chefs de l’opposition pro-US libyenne ou syrienne durant les opérations militaires contre leurs pays.
Tous trois dénoncent l’intervention de la Russie en Ukraine comme une ingérence impérialiste. Ils appellent à un arrêt des hostilités et à un jugement des
dirigeants russes par un tribunal pénal international. Au début de l’opération militaire spéciale russe, ils ont fondé en Lituanie le Comité d’action russe (Russian Action Committee),
mais n’ont pas trouvé d’écho dans leur pays.
À la surprise générale, la rébellion s’est terminée en soirée (20 h 00) sans que personne ne sache quel accord avait été signé par Progojine. Elle n’a duré
que 18 heures ; une durée bien trop courte pour que les services secrets occidentaux et russes réalisent leurs objectifs respectifs.
Il n’en reste pas moins que les agents occidentaux biélorusses ont été réveillés. Sviatlana Tsikhanouskaya, ancienne candidate à la présidence exilée en
Lituanie, a constitué le gouvernement en exil qu’elle avait envisagée dès le 24 février 2022 (le début de l’opération spéciale russe). Elle a été reçue par les autorités européennes qui
se sont toutefois bien gardées de reconnaître ce gouvernement fantoche.
Les services ukrainiens ont aussi annoncé que Progojine était sur la liste des cibles à tuer du FSB russe. C’est évidemment une intoxication, Vladimir
Poutine ayant promis de ne pas le punir. Le Moscow Times (pro-US) a, quant à lui, assuré que le général Sergueï Sourovikine avait été arrêté pour complicité avec les rebelles. Il a en
fait été longuement interrogé par le FSB car il était membre d’honneur de Wagner depuis son service en Syrie.
Il faut proposer une conclusion provisoire sur l’affaire Prigogine. Un jour on saura le fin mot. Mais il est déjà possible d’étayer la thèse d’une “affaire Prigogine” prise dans une machination
plus vaste des néo-conservateurs américains, Blinken en tête, qui voulaient allumer des feux à la fois en Russie et en Asie centrale. C’est la thèse que défend M.K. Bhadrakumar, qui est depuis le
début du conflit en Ukraine un précieux guide pour nous. Le papier qu’il vient de consacrer à une vision globale de l’affrontement géopolitique dans lequel s’est déroulé le coup d’État manqué est
un chef-d’œuvre du genre !
Les lecteurs du Courrier savent combien je tiens en haute estime M.K. Bhadrakumar. Je le considère comme l’une des meilleures têtes diplomatiques au monde ; et l’un des hommes les mieux informés
de la planète. Surtout, l’ancien directeur au Ministère indien des Affaires étrangères a un talent peu égalé pour expliquer en quelques phrases l’enchevêtrement complexe des relations
internationales.
Dans l’article à cette date le plus récent qu’il ait publié sur son blog Indian
Punchline, Bhadrakumar écrit :
Depuis quand le FSB observait-il la dérive de Prigogine?
«CNN,
suivi par le New York Times, a révélé dimanche que les services de renseignement américains et occidentaux étaient effectivement au courant de la tentative de coup d’État manquée de vendredi soir
par Evgueniy Prigogine, chef du groupe Wagner d’entrepreneurs militaires russes, depuis un certain temps et qu’ils se préparaient à une telle action, notamment en rassemblant des armes et des
munitions».
Nous en avons parlé à nos lecteurs dès dimanche soir 25
juin. Et nous avons émis l’hypothèse, également, que les autorités russes surveillaient Prigogine depuis un moment. Bhadrakumar développe :
«Ce
que nous ne savons pas, c’est à quel moment les services de renseignement russes en ont eu vent. Le Kremlin a agi avec force, détermination et clairvoyance en temps réel pour faire échouer la
tentative de coup d’État dans les heures qui ont suivi. Dès le samedi soir, le chef du renseignement extérieur, Sergey Narichkine, a annoncé que la tentative de coup d’État avait échoué. Les
autorités russes attendaient que Prigojine passe à l’action.
Il est tout à fait normal que les services de renseignement russes aient maintenu une forte présence à l’intérieur de la tente Wagner pendant toute la durée de l’opération. Bon sang, c’est une
zone de guerre où le destin de la Russie est en jeu. (…)
Tout comme la CIA ou la plupart des organisations de renseignement, le FSB psychanalyse également les remarques de ses cibles pour y trouver des significations profondes. Il le fait régulièrement
et dispose d’analystes formés à cet effet.
Il
n’aurait pas échappé à l’attention des analystes du renseignement russe que les divagations de Prigozhin à Donetsk, à l’automne et à l’hiver derniers, portaient à l’origine sur les aspects
opérationnels du front de guerre Bakhmut dans l’oblast de Donetsk, mais qu’elles ont progressivement pris des accents politiques, pour culminer finalement dans son incroyable déclaration selon
laquelle la raison d’être de l’opération militaire spéciale en Ukraine depuis février 2022 n’était que des balivernes.
Plus étrange encore, cet homme qui a été physiquement témoin de la bataille de Bakhmout est arrivé à la conclusion bizarre que Kiev ou l’OTAN n’avaient pas d’intentions malveillantes à l’égard du
Donbass ou de la Russie».
L’étau se resserrait sur Prigogine depuis quelque temps
L’une des préoccupations des Russes était bien entendu de ne pas troubler le cours de la bataille de Bakhmout en s’en prenant à Prigogine trop tôt. Lisez attentivement : le texte de Bhadrakumar
est incroyablement dense. J’en souligne quelques formules-clé :
«Par
conséquent, ce que l’on sait ici, c’est que les
services de renseignement russes avaient pour instruction de rester en “mode écoute”, de laisser libre cours aux remous de la bataille de Bakhmut, où Wagner était aux commandes. (Il est
intéressant de noter qu‘à
un moment donné, au grand dam de Prigozhin, Moscou a également commencé à déployer des troupes régulières de manière sélective sur le front de Bakhmut aux côtés des combattants de
Wagner. )»
Ce que suppose Bhadrakumar, c’est que les Américains ont été surpris de l’état de préparation du pouvoir russe face à la révolte de Prigogine :
«Samedi
[24 juin], les hauts responsables des services de renseignement américains se sont empressés d’informer les médias lorsqu’il est apparu que les autorités russes attendaient littéralement avec une
feuille de route pour faire échouer la tentative de coup d’État de Prigogine. Même la milice tchétchène a été mise en état d’alerte».
Un peu d’humour sur le dénouement Loukachenko ne peut pas faire de mal. Soufflons, parce que des révélations vont suivre.
«L’élément
crucial de l’accord conclu avec Prigogine est qu’il ne sera pas poursuivi, mais qu’il devra simplement se perdre. Et où pourrait-on mieux organiser son exil sur la planète Terre qu’au Belarus,
sous les yeux bienveillants du président Alexandre Loukachenko ?
M. Loukachenko, qui a du mal à garder longtemps des secrets, nous dira peut-être quand exactement M. Poutine l’a mis dans la confidence, sur la base du “besoin de savoir”. Il est difficile de
croire qu’un accord aussi complexe ait pu être conclu en l’espace de quelques heures par le biais de négociations tripartites tortueuses entre Moscou, Minsk et Rostov-sur-le-Don, alors même que
la colonne renégate de Wagner s’approchait de Moscou.»
Une machination plus large, jusqu’en Asie Centrale, organisée par Blinken ?
Lisons attentivement ce qui suit. M.K. Bhadrakumar apporte des éléments que nous n’avons pas lu ailleurs. Vu la solidité de ses papiers dans la durée, je pense qu’il faut prendre très au sérieux
ce qu’il pose comme cadre. Il n’est pas à exclure que l’affaire Prigogine soit une partie d’une machination plus vaste orchestrée par Blinken et les néoconservateurs américains :
«Il
est intéressant de noter qu’au milieu de ce trafic intense, Loukachenko a également négocié avec Nurusultan Nazarbayev, l’ancien dictateur kazakh qui dirigeait un régime pro-occidental à Astana
et qui a été chassé du pouvoir après avoir régné pendant près de trois décennies, à la suite de l’échec d’une tentative de coup d’État similaire à celle de Prigogine, soutenue par les États-Unis,
au cours de l’hiver 2021-2022, qui a également été écrasée avec l’aide des forces de l’OTSC (troupes russes), dirigées par un général russe.
La veille [23 juin], en effet, Poutine s’était entretenu avec deux dirigeants d’Asie centrale : le président kazakh Jomart Tokayev et le président ouzbek Shavkat Miromonovich Mirziyoyev. A-t-il
partagé des informations cruciales ? En fait, ces deux pays ont récemment fait l’objet de complots occidentaux visant à changer de régime. Par ailleurs, compte tenu des préoccupations de Moscou
en Ukraine, le président chinois Xi Jinping est intervenu pour jouer un rôle concret dans la consolidation de la stabilité et de la sécurité de la région d’Asie centrale». (Voir mes articles
récents – La Chine joue un
rôle de premier plan en Asie centrale ; Un “axe des sept”
pour compléter l’OCS ; et La Russie et la
Chine adoptent une vision globale des Pamirs et de l’Hindu Kush).
Au niveau de responsabilités qu’a eu M.K. Bhadrakumar, on sait où se trouve la bonne information. Depuis l’Inde, on voit des choses qui échappent sans doute à beaucoup d’observateurs occidentaux.
«Il
est clair que quelque chose se préparait sérieusement au Kazakhstan, qui est pris en sandwich entre la Russie et la Chine et qui constitue le bien immobilier le plus crucial en termes
géopolitiques en Asie centrale».
La cohésion de l’État russe a fait échouer toute machination
Pour M.K. Bhadrakumar, on a assisté à une formidable démonstration de l’unité au sein de l’État en Russie :
«Selon
toute probabilité, c’est ce à quoi le secrétaire d’État américain Antony Blinken a fait allusion lorsqu’il a déclaré dimanche à ABC que la situation concernant la tentative de coup d’État en
Russie “évolue encore… Je ne veux pas spéculer, et je ne pense pas que nous ayons vu l’épisode final”. Cela dit, M. Blinken s’est toujours trompé dans ses évaluations sur la Russie, qu’il
s’agisse du coup mortel que les “sanctions de l’enfer” devaient porter à l’économie russe, de la mainmise de M. Poutine sur le pouvoir, de la défaite catastrophique de la Russie en Ukraine, des
déficiences de l’armée russe, de l’inexorable victoire militaire de Kiev, et ainsi de suite.
Dans le cas présent, il a des raisons de se sentir aigri, notamment en raison de l’unité spectaculaire de l’État russe, de l’élite politique, des médias, de la bureaucratie régionale et fédérale,
ainsi que de l’establishment militaire et sécuritaire, qui se sont ralliés à Poutine. On peut dire que la stature politique de Poutine est désormais incontestable et inattaquable en Russie et que
les Américains devront vivre avec cette réalité longtemps après le départ de Joe Biden».
Les cinq éléments-clés qui ont mis fin au coup de Prigogine
S’ensuit un bon tableau de la réaction du Kremlin à la tentative de putsch de Prigogine :
«Le
Kremlin a adopté une stratégie très réfléchie. D’après les informations disponibles à ce jour, elle comporte les cinq éléments clés suivants :
+ La
priorité absolue est d’éviter l’effusion de sang afin que la vie continue et que l’attention portée à la guerre en Ukraine, qui est à un point critique, n’en pâtisse pas ;
+ Dans
l’immédiat, faire en sorte que les quelques combattants renégats de Wagner et Prigozhin quittent Rostov-sur-le-Don et retournent dans leurs camps à Lougansk ;
+ Séparer
cliniquement Prigogine du reste du groupe Wagner (en fait, aucun commandant ou officier de Wagner ne s’est joint à sa révolte) ;
offrir l’immunité à l’ensemble du groupe Wagner – à l’exception des participants au coup d’État, bien entendu – et faciliter leur intégration formelle au sein du ministère de la défense. En
d’autres termes, la logique qui sous-tend la création du groupe Wagner par le ministère de la défense (et une agence de sécurité interne top secrète dont le nom n’a pas été révélé) reste valable,
il ne s’agira plus d’une force quasi-étatique, mais elle aura un domicile et un nom et sera dirigée par des commandants militaires professionnels désignés au lieu de chasseurs de fortune en roue
libre comme Prigozhin).
+ Obtenir
le départ de Prigogine pour le Belarus, ce qui n’a pas été difficile une fois qu’il a compris qu’il devait demander la clémence de nul autre que Poutine (qui a accepté que l’oligarque se rende en
toute sécurité au Belarus).
+ Le dernier élément est tout à fait fascinant. Le Kremlin est extrêmement irrité par le comportement séditieux de Prigogine, mais il est également conscient – probablement sur la base de
renseignements – qu’il a été manipulé par les puissances occidentales. Bien entendu, il y aura un prix à payer. Prigogine ne retrouvera jamais son statut d’oligarque à la fortune personnelle de
1,2 milliard de dollars, ni le style de vie fabuleux qu’il menait.
Mais au moins, cet oligarque de 62 ans est épargné par une éventuelle peine de prison de vingt ans. Cette situation est à rapprocher de la manière dont Poutine traite les oligarques en général.
(Lire mon article L’ascension et la
chute d’un oligarque russe).
Et maintenant?
Merci à M.K. Bhadrakumar. Nous avons notre programme de recherche pour les prochains jours !
«Ne
vous y trompez pas, Loukachenko finira par faire chanter Prigojine – tôt ou tard – et la chanson sera retransmise en direct au Kremlin. C’est ce qui explique la grande nervosité de Washington,
qui a brandi le spectre de la guerre nucléaire, etc. pour détourner l’attention du complot de la CIA visant à déstabiliser la Russie. L’irrépressible ministre russe des affaires étrangères,
Sergueï Lavrov, parle d’un “courant de conscience turbulent”.
Bien sûr, maintenant que le complot CIA-MI6-Prigojine a échoué, de nouveaux récits occidentaux naîtront de ses débris, comme un phénix de ses cendres. Et les cellules dormantes des États-Unis à
l’étranger, y compris dans les médias indiens, répéteront ces récits.
Mais pas pour longtemps. Car ce qui nous attend, c’est la manifestation de la détermination inébranlable du Kremlin – et de Poutine lui-même – à rechercher une solution militaire à la crise
ukrainienne. La semaine dernière, Poutine a déclaré – très probablement en prévision de la tempête qui se prépare à l’horizon – que la guerre sera terminée lorsqu’il ne restera plus aucune armée
ukrainienne sur le champ de bataille, ni aucune arme de l’OTAN.
Lisez la transcription
officielle d’une vidéoconférence que Poutine a tenue jeudi dernier [22 juin],
juste avant la tentative de coup d’État de Prigozgine, avec le quorum complet du Conseil de sécurité (le “Politburo” de la Russie post-soviétique), qui donne une idée de l’état d’esprit qui règne
au Kremlin et fournit quelques indices sur ce à quoi il faut s’attendre sur les champs de bataille de l’Ukraine, à l’avenir. Il s’agit d’un signal fort adressé à l’avance à l'”Occident collectif”
pour lui signifier que rien ne sera oublié».
Prigojine s’exile mais laisse derrière lui une boite de Pandore
par M.K. Bhadrakumar -
Le 28/06/2023.
Lundi soir, le président russe Vladimir
Poutine s’est adressé pour la deuxième fois au pays dans l’intention de faire tomber le rideau sur la tentative de coup d’État du «fondateur» de Wagner, Evgueni Prigojine, les 23 et
24 juin. Il s’agissait essentiellement d’un discours d’autosatisfaction – bien mérité, peut-être.
Le discours comportait quatre éléments principaux. Tout d’abord, Poutine a pris note dès le départ de la «retenue, de la cohésion
et du patriotisme» dont le peuple russe avait fait preuve, de leur «solidarité civique»
et de leur «haute
consolidation», ainsi que de leur «ligne ferme… (en)
adoptant une position explicite de soutien à l’ordre constitutionnel».
Poutine a contredit avec force le récit occidental selon lequel la tentative de coup d’État montrait des fissures dans la maison qu’il a construite depuis son
arrivée au pouvoir en 2000. Le président français Emmanuel Macron a remué
le couteau dans la plaie en déclarant que ce développement révélait une «fissure» existant
«dans le camp russe, la fragilité de son armée et de ses forces auxiliaires, telles que le groupe Wagner».
Deuxièmement, Poutine a souligné que les dirigeants russes ont agi rapidement, de manière décisive et efficace – «toutes les décisions
nécessaires pour neutraliser la menace émergente et protéger le système constitutionnel, la vie et la sécurité de nos citoyens ont été prises instantanément, dès le début des
événements».
Troisièmement, Poutine a poursuivi en condamnant fermement les «comploteurs de la
mutinerie» comme des personnes pleines de malignité et de mauvaises intentions. Mais il a éludé leur programme politique en tant que tel. Après tout, un coup d’État consiste à usurper le
pouvoir politique. On peut supposer que le sujet est beaucoup trop sensible pour être dans le domaine public.
Toutefois, Poutine a effleuré la question en émettant une conjecture énigmatique sur le fait que si la tentative de coup d’État avait réussi, «les ennemis de la Russie
– les néonazis de Kiev, leurs patrons occidentaux et d’autres traîtres nationaux» en auraient été les bénéficiaires, «mais ils ont fait un
mauvais calcul».
Poutine ne s’est pas étendu sur une quelconque implication étrangère dans la tentative de coup d’État de Prigojine. Toutefois, le fait qu’il ait abordé cette
question une seconde fois, en particulier le fait que des forces extérieures aient fait un «mauvais calcul», doit être noté avec attention.
Il est intéressant de noter que le ministre des Affaires étrangères, Sergueï Lavrov, interrogé à ce sujet dans une interview accordée à RT, a
également répondu de
manière plutôt énigmatique : «Je travaille dans un
ministère qui n’est pas chargé de recueillir des preuves d’actes illégaux commis, mais nous avons de telles agences et, je vous assure, elles sont déjà en train de se pencher sur la
question».
Cependant, Lavrov a commenté les
rapports des médias selon lesquels Washington envisageait de lever les sanctions existantes à l’encontre de Wagner PMC. «Je ne pense pas qu’il
s’agisse d’un changement d’approche de la part des États-Unis. Il s’agit simplement d’une nouvelle confirmation que l’approche des États-Unis dépend de ce dont ils ont besoin de la part d’un
certain acteur étranger à ce stade précis, que ce soit sur la scène internationale en général ou dans un pays spécifique», a déclaré Lavrov.
Lavrov a rappelé que les agences de renseignement américaines comptaient sur la réussite du coup d’État du 24 juin.
Quatrièmement, Poutine a expliqué le raisonnement derrière sa décision de différencier «la majorité des soldats
et des commandants du Groupe Wagner (qui) sont également des patriotes russes, loyaux envers leur peuple et leur État». Poutine a exprimé sa «gratitude» pour la
bonne décision qu’ils ont prise «de ne pas s’engager dans
une effusion de sang fratricide et se sont arrêtés avant d’atteindre le point de non-retour». Il leur a ensuite proposé de signer un contrat avec le ministère de la Défense ou une autre
agence de maintien de l’ordre ou de sécurité, ou de «rentrer chez eux» –
voire d’aller en Biélorussie.
Pour le public russe, c’était peut-être la partie la plus attendue du discours de Poutine. Poutine a déclaré : «Je tiendrai ma promesse.
Encore une fois, chacun est libre de décider à sa guise, mais je pense que leur choix sera celui des soldats russes qui se rendent compte qu’ils ont commis une erreur
tragique».
Comme lors de son premier discours samedi, Poutine n’a pas mentionné Prigojine par son nom. Mais le porte-parole du Kremlin, Dmitri Peskov, avait révélé lundi
qu’une procédure pénale contre Prigojine serait abandonnée.
Il apparaît donc que Poutine a approuvé une amnistie générale pour les personnes impliquées dans la tentative de coup d’État et qu’il a virtuellement accordé un
«sauf-conduit» à Prigojine et à ses partisans pour qu’ils partent en Biélorussie, en contrepartie de l’abandon de la tentative de coup d’État, tout en proposant gracieusement d’intégrer les
combattants de Prigojine dans les organes de l’État russe ou dans l’armée en
temps voulu. L’opinion publique russe l’acceptera.
De toute évidence, Poutine, qui est sensible à l’opinion publique nationale, a soigneusement pesé le fait qu’il existe un culte de la célébrité autour des
combattants de Wagner pour leur courage, leur héroïsme, leur patriotisme et leur loyauté. La saga de la libération de Bakhmout, une guerre d’usure de longue haleine qui a duré plusieurs mois,
a vidé l’armée ukrainienne de sa substance et est devenue un moment décisif de la guerre. Elle est ancrée dans le psychisme russe.
De même, une partie importante de l’opinion russe est en empathie avec un processus de pensée diffusé en public ces derniers mois – et pas seulement dans les
rangs de Wagner – selon lequel le Kremlin fait traîner la guerre en longueur. De toute évidence, le Kremlin a décidé qu’il était prudent de ne pas poursuivre Prigojine pour sédition.
Une boîte de Pandore
L’assurance donnée publiquement par Poutine lundi soir aurait rassuré Prigojine. En tout état de cause, il a quitté la Russie mardi matin à bord de son jet
privé et a atterri à Minsk à 11h30.
L’histoire connaît alors un nouveau rebondissement. À 15 heures, heure de Moscou, mardi, Poutine a prononcé un nouveau
discours lors d’une réunion au Kremlin avec le personnel militaire, apparemment pour exprimer sa «gratitude» à ceux
qui étaient en service les jours fatidiques de la tentative de coup d’État.
Poutine a assuré à l’auditoire trié sur le volet que «tout sera fait pour
soutenir les familles de nos camarades tombés au combat», etc. Poutine a ensuite conclu son discours par une brusque digression sur l’un des secrets publics les mieux gardés de Russie, à
savoir que la société Wagner est une émanation de l’État russe.
Il a déclaré : «Ceux qui ont servi et
travaillé pour cette entreprise, Wagner, étaient respectés en Russie. En même temps, je voudrais souligner, et je veux que tout le monde soit conscient du fait que tous les fonds que le
groupe Wagner a reçus provenaient de l’État. Il a obtenu tous ses financements de notre part, du ministère de la Défense, du budget de l’État».
«Rien qu’entre mai 2022 et
mai 2023, le groupe Wagner a reçu 86 262 millions de roubles (environ 1 milliard de dollars) de l’État pour payer les salaires et les primes des militaires… Mais alors que l’État a couvert
tous les besoins de financement du groupe Wagner, le propriétaire de la société, Concord, a reçu de l’État, ou devrais-je dire a gagné, 80 milliards de roubles (940 millions de dollars) par
l’intermédiaire de Voentorg en tant que fournisseur de nourriture et de cantines de l’armée. L’État a couvert tous ses besoins de financement, tandis qu’une partie du groupe – je veux dire
Concord – a gagné 80 milliards de roubles, tout cela en même temps. J’espère que personne n’a volé quoi que ce soit au cours de ce processus ou, du moins, qu’il n’a pas volé beaucoup. Il va
sans dire que nous examinerons tout cela».
Ce serait une mauvaise surprise pour Prigojine en Biélorussie – les autorités russes l’interrogent sur des accusations d’irrégularités financières de la part de
sa maison d’affaires !
Cela va frapper Prigojine là où ça fait mal, car sa mère Violetta Prigojna a été répertoriée comme propriétaire de Concord Catering. Il est possible que le
vaste empire commercial que l’oligarque a bâti grâce au patronage de l’État – Concord Management and Consulting (construction et développement immobilier), LLC Megaline (qui a accaparé la
plupart des contrats de construction pour l’armée russe en 2016) et ainsi de suite – fasse également l’objet d’une enquête.
Ce ne sera pas la première fois que le Kremlin punit un oligarque errant qui s’est égaré dans les eaux infestées de requins de la politique russe. Prigojine
sait qu’il devra faire des choix importants dans les mois à venir, voire pour le reste de sa vie.
Bien entendu, les actions futures de Prigojine seront suivies de près non seulement à Moscou, mais aussi dans les capitales occidentales, qui sont loin d’être
convaincues que le dernier mot a été dit sur ces événements dramatiques.
Dans ce contexte sordide, la grande question est la suivante : la tentative de coup d’État de Prigojine n’était-elle pas en grande partie une crise qui
attendait de se produire et que les services secrets occidentaux/ukrainiens ont exploitée ? Le cœur du problème est que les escroqueries suivent les oligarques russes comme leurs ombres, et
Prigojine ne fait pas exception. Les autorités russes ne peuvent se laver les mains de cette honteuse réalité.
En effet, après avoir créé Wagner en tant que société de sous-traitance militaire privée – à l’instar d’Aegis, la société britannique de sécurité privée et
d’armée privée, ou d’Academi, qui collabore étroitement avec l’armée américaine et la CIA -, l’establishment russe de la défense et de la sécurité a tout simplement confié son nourrisson à un
puissant oligarque, dont l’expertise réelle réside dans la restauration, la construction et la promotion immobilière, afin qu’il en tire une fortune (et partage éventuellement une partie du
butin avec ses mentors) !
À titre de comparaison, Aegis était dirigée par un ancien officier de l’armée britannique, tandis que le fondateur d’Academi (anciennement Blackwater),
probablement la plus connue de toutes les sociétés militaires privées aux États-Unis, est un ancien officier des Navy SEAL.
Lorsque les contrats de sécurité nationale et de défense s’enlisent dans la corruption et le capitalisme de connivence, c’est un signe de décadence. Si les
États-Unis ne gagnent plus leurs guerres hybrides – que ce soit en Afghanistan ou en Irak, dans les Caraïbes ou en Afrique – le problème de fond est la corruption à tête d’hydre qui étend ses
tentacules sur l’élite dirigeante jusqu’au Pentagone, au Congrès et à la Maison-Blanche. Maintenant, on peut soutenir à l’infini que ce malaise est endémique au capitalisme, etc. mais ce
n’est ni l’un ni l’autre.
Inévitablement, sous Prigojine, Wagner s’engageait sur la même voie que les entrepreneurs militaires privés des États-Unis – au sujet desquels le célèbre
lanceur d’alerte Edward Snowden, qui vit à Moscou, a franchement écrit dans son livre «Permanent Record».
Par conséquent, fortuitement, l’héritage de Prigojine donne au Kremlin une raison impérieuse de nettoyer l’écurie d’Augias. L’avenir nous dira si cela se produira ou non.
Contrairement aux commentaires de la presse occidentale, Evgueni Prigojine n’a jamais
tenté de coup d’État contre Vladimir Poutine. Il a voulu le faire chanter afin de conserver les privilèges exorbitants qu’il a accumulés depuis la création de sa société militaire privée. Puis il
s’est rendu à la raison et a réintégré son poste.
La tentative de « coup d’État » d’Evgueni Prigojine peut-elle
renverser le sort des armes en Ukraine ? C’était le souhait de l’Otan qui espérait ce soulèvement et a réveillé ses agents dormants en Russie. Le Royaume-Uni et les États-Unis entendaient
réaliser enfin la partition du pays qu’ils n’avaient pas pu mener à terme en 1991 [1].
La création de sociétés militaires privées (SMP), dont le Groupe Wagner, était une idée validée par le président Vladimir Poutine pour tester de nouvelles formes de
commandement avant de les choisir et d’imposer les meilleures dans son armée. En quelques années, ces sociétés ont effectivement testé bien des méthodes et souvent prouvé leur efficacité. Le
moment était venu de terminer la restructuration de l’armée russe en les dissolvant et en intégrant leurs forces dans l’armée régulière [2]. Une date limite avait été fixée par le président
Poutine : le 1er juillet. Le mois dernier, le ministère de la Défense a donc envoyé des projets de contrats aux différentes sociétés militaires privées pour planifier leur incorporation.
Mais le Groupe Wagner a refusé d’y répondre et Evgueni Prigojine a intensifié ses insultes contre le ministre et le chef d’état-major.
Il faut bien comprendre ce qui se passe : la création de sociétés militaires privées par la Russie est l’équivalent de ce que les États-Unis ont fait, sous le
secrétaire à la Défense Donald Rumsfeld, lorsqu’ils ont multiplié le recours aux SMP en marge du Pentagone. Au début cela a fonctionné, mais ces sociétés ont aussi travaillé pour la CIA et le
mélange des genres a abouti à des catastrophes en série. Lorsqu’elles ne travaillaient que pour le Pentagone, leurs dirigeants s’exprimaient en public, comme Erik Prince de Blackwater. Mais
jamais ils n’ont pris position contre le secrétaire à la Défense ou contre le président du comité des chefs d’état-major.
Soit dit en passant, ni les soldats états-uniens de Blackwater, ni les russes de Wagner ne sont des mercenaires. Ils se battent pour leur pays et sont payés pour
prendre des risques démesurés que l’on ne peut pas demander à des soldats réguliers. Au contraire, les mercenaires se battent pour de l’argent sous le commandement d’une puissance
étrangère.
Le fait qu’un dirigeant de société militaire privée publie durant deux mois des vidéos incendiaires contre les chefs des armées régulières, et qui plus est en
pleine opération militaire, ne serait pas toléré dans aucun État. Il l’a pourtant été avec Evgueni Prigojine en Russie. Les correspondants que nous avons interrogés durant ces deux mois
considéraient tous que le Kremlin le laissait brailler pour capter l’attention des Occidentaux et leur masquer la réorganisation des armées régulières. Certains ont commencé à lever les yeux au
ciel lorsque, en mars, l’on a évoqué une candidature Prigojine à la présidence de l’Ukraine : l’escroc avait-il perdu le sens de la mesure ?
Les services secrets occidentaux se sont concentrés sur Evgueni Prigojine dès le début des opérations militaires en Ukraine. Le 18 mars, ils ont révélé un millier
de documents sur ses activités [3]. Il s’agissait pour eux d’exposer le réseau de
sociétés qu’il avait constitué afin de crédibiliser l’accusation selon laquelle, la Russie ne serait pas une puissance anticoloniale puisque Wagner pille l’Afrique. Mais en définitive ces
documents montrent que Prigojine est un voyou, pas qu’il vole les pays avec lesquels il travaille.
Il participait à la chasse à la corruption au sein des armées russes ce qui ne l’empêchait pas de développer la corruption en dehors des armées. Il est possible
que, grâce à ces investigations, les Occidentaux aient trouvé un moyen de le manipuler ; l’homme étant à la fois un patriote, mais aussi un escroc avéré, condamné en Union soviétique. Nous
n’en savons rien et ne pourrons pas le savoir avant que cette affaire ne soit terminée.
Toujours est-il qu’Evgueni Prigojine s’est lancé dans une entreprise digne des oligarques de la période Eltsine. Il assure que le ministre de la Défense, le touvain
Sergueï Choïgou, s’est rendu à Rostov-sur-le-Don pour superviser le bombardement des troupes de Wagner. Il l’accuse d’avoir ainsi assassiné des milliers de ses hommes. Enfin, il a abandonné le
front pour venir lui aussi à Rostov-sur-le-Don pour prendre possession du quartier général des armées régulières. Il a annoncé marcher sur Moscou avec ses 25 000 hommes pour régler ses comptes
avec le ministre de la Défense et le chef d’état-major.
Dans sa dernière vidéo, il déclare : « Nous étions prêts à faire des concessions au ministère de la Défense, à rendre nos armes, à trouver une solution
sur la façon dont nous continuerions à défendre le pays (…) Aujourd’hui, ils ont lancé des attaques à la roquette sur nos camps. De nombreux soldats sont morts. Nous déciderons de la manière dont
nous réagirons à cette atrocité. La prochaine manche est la nôtre. Cette créature [le ministre de la Défense] sera arrêtée ».
Wagner dispose bien de 25 000 hommes, mais pas uniquement sur le front ukrainien. Beaucoup sont en poste en Asie et en Afrique. En outre, bien qu’il dispose
d’avions, sa force aérienne est insuffisante face à celle des armées régulières, sa colonne aurait été bombardée sans qu’il puisse la protéger.
En moins d’une journée, toutes les autorités de la Fédération de Russie ont renouvelé leur allégeance au Kremlin. Le président Vladimir Poutine est intervenu à la
télévision. Il a rappelé le précédent de 1917 au cours duquel Lénine avait retiré la Russie tsariste de la Première Guerre mondiale alors qu’elle était proche de la victoire. Il a appelé chacun à
prendre ses responsabilités et à servir la patrie plutôt qu’une aventure personnelle.
Durant ce discours, Vladimir Poutine a fait l’éloge de la vaillance des soldats de Wagner dont beaucoup sont morts pour la patrie. Il ne les a donc pas tenus pour
responsables de la situation, mais leur a demandé de ne pas suivre leur chef contre l’État et donc contre le peuple.
Terminant sa courte allocution à la Nation, le président Vladimir Poutine a conclu : « Nous sauverons ce qui est cher et saint pour nous. Nous
surmonterons tous les tests, nous deviendrons encore plus forts ».
Cette intervention a été diffusée en boucle sur les chaînes de télévision russe, dramatisant la situation.
Le Procureur général de la Fédération de Russie a ouvert une enquête contre Prigojine pour « organisation d’une rébellion armée ».
Les autorités ukrainiennes ont lancé sur les réseaux sociaux un appel à l’opposition biélorusse pour qu’elle profite du désordre russe, se lève et élimine le
président Alexandre Loukachenko [4].
Les services secrets russes qui observaient tous les protagonistes et se tenaient dans l’ombre depuis le début ont fait arrêter en flagrant délit les traîtres qui
s’étaient démasqués en Biélorussie et en Russie.
Dans la journée, le président biélorusse, Alexandre Loukachenko, auquel son homologue russe avait téléphoné, a joint Evgueni Prigojine et l’a convaincu d’abandonner
ses projets et de ramener ses troupes sur le front. Vladimir Poutine a donné sa parole de respecter l’accord que le rebelle a signé. Ce dernier a annoncé renoncer à renverser Shoïgu et
Gerasimov.
Fin de l’histoire.
Première remarque : il n’y a jamais eu de tentative de « coup d’État ». Wagner n’avait pas la capacité de prendre Moscou et
Prigojine n’a jamais attaqué verbalement le président Poutine. Celui-ci n’a d’ailleurs jamais dénoncé rien de tel, mais « un coup de poignard dans le dos » porté aux forces russes
face à l’Ukraine.
Seconde remarque : il ne s’agit pas non plus d’une « mutinerie ». Wagner ne dépend pas du ministre de la Défense, mais
directement de la présidence. Prigojine s’est rebellé face à elle et à elle seule. Sa seule revendication était de rester indépendant des armées régulières. S’il était prêt à renoncer à ses
activités militaires, il s’accroche aux affaires connexes qu’il a développées sur tous les théâtres d’opération où il est présent. L’homme, nous l’avons dit, est à la fois un patriote et un
escroc.
Troisième remarque : selon les mots du président Poutine, il s’agit d’une « rébellion armée » et d’un « abandon de
poste ». Wagner a quitté le front, mais les Ukrainiens n’ont pas osé, ou pas pu, attaquer la partie du front qu’il avait abandonnée. Or, il n’y a rien de plus méprisable pour des Russes
que des défenseurs qui abandonnent leur poste. C’est pourquoi Prigojine avait diffusé la veille une vidéo assurant que Kiev n’avait pas bombardé le Donbass durant les huit années précédentes,
contredisant sans vergogne les observations de l’OSCE et du Conseil de Sécurité des Nations unies. Malheureusement pour lui, les Russes ne supportent pas plus que l’on mette en cause leur
bonne foi.
À ce stade, une autre remarque s’impose : tout en se révoltant contre le président Poutine, Prigojine n’a tué personne. Ses troupes sont entrées à
Rostov-sur-le-Don sans rencontrer de résistance. Les forces régulières russes n’ont pas attaqué le siège de Wagner à Saint-Petersbourg. Les hommes de Prigojine n’ont pas marché sur Moscou. Le
ministère de la Défense n’a, semble-t-il, tiré aucun missile sur les soldats de Wagner. Le procureur général a clos l’affaire de la rébellion. Les miliciens de Wagner qui n’ont pas participé
à la rébellion ont immédiatement été intégrés dans l’armée régulière. Trois unités sont retournées sur le front. Le sort des miliciens ayant participé à la rébellion sera traité cas par
cas.
En définitive, l’État n’a pas été affaibli. Les deux gagnants sont la Fédération de Russie et la Biélorussie. Il n’en reste pas moins que dans l’esprit des
Russes, toute cette affaire était en grande partie une mise en scène : on a assisté à une rébellion menaçante qui s’est immédiatement dissipée. La seule chose qui en restera sera la mise
en cause de la qualité du commandement militaire ; une idée entêtante malgré la foi de la population dans l’esprit de sacrifice de ses soldats.
À l’issue de cet étrange épisode, le président Poutine s’est à nouveau exprimé à la télévision. Il a refait l’éloge des combattants de Wagner et les a appelés à
intégrer les armées régulières ou les services secrets, ou encore d’autres forces de sécurité. Il leur a aussi donné le choix de rentrer chez eux ou de rejoindre Prigojine en
Biélorussie.
Toutes sortes d’hypothèses circulent sur les réseaux sociaux russes. La plus surprenante relève que Wagner ne pouvait pas se rebeller et marcher sur la capitale
sans l’aide du ministère de la Défense qui l’approvisionnait en carburant.
Dans les prochaines semaines, on devrait assister à la dernière phase de la transformation de l’armée russe. Il n’est pas du tout certain que ceux qui se sont
affrontés hier se révèlent des adversaires.
Depuis deux jours, les spécialistes de la désinformation organisée par l’État, en russe maskirovka, se sont multipliés. Poutine et Progogine auraient été de mèche. Notre ami Alexandre N revient
sur cette notion, ainsi que celles de “cinquième” et “sixième colonne”. Depuis 1917, la Russie a toujours craint la trahison interne. C’est sur ce réflexe qu’a joué le président russe lors de son
allocution de samedi matin 24 juin. A-t-il pour autant déclenché un scénario complexe, qui fait apparaître l’affaire Prigogine comme secondaire par rapport au fait de faire éclater d’éventuelles
trahisons dans l’appareil d’État ? Depuis samedi, nous avons exprimé notre scepticisme sur les thèses consistant à expliquer que l’affaire de Prigogine n’était pas sérieuse et à l’heure où nous
publions le présent papier les indices de connivence de Prigogine avec les Occidentaux sont de plus en plus nombreux. Mais nous passons la parole à Alexandre N., qui défend avec brio une thèse
complexe. On remarquera, pour finir, que l’essentiel du scénario tient, que l’on majore la trahison de Prigogine ou non
Cinquième…et surtout sixième colonne !
La trahison est, après le cerveau, la meilleure arme de guerre. Souvent on la désigne par l’expression de « 5° colonne », une formulation dans les faits
parfaitement impropre. La 5° colonne fut celle que Franco infiltra dans Madrid assiégée pendant que les quatre autres l’attaquaient de
l’extérieur. Ce n’est donc pas une trahison mais une manœuvre. Moyennant quoi, toute trahison à l’intérieur du dispositif ennemi – elle existe toujours sinon le renseignement
n’existerait pas … – ne peut s’appeler par symétrie que « 6° colonne », et dont la rôle est alors de donner la main à la 5°. Cependant, la différence entre les deux est fondamentale
comme le montre l’exemple suivant.
En 1917, il existait en Russie une puissante 6° colonne, constituée par la bourgeoisie parvenue du miracle économique russe d’avant 1914, ainsi que d’une partie non
négligeable de la noblesse éponyme, et pour elle depuis toujours. C’est cette 6° colonne qui « fit » la « révolution bourgeoise » de Février, mais en préjugeant trop largement
de ses capacités, jusqu’à ce que fasse irruption de l’extérieur une 5° colonne – les bolcheviques envoyés par les États-Unis et
l’Allemagne – qui elle « fit » la révolution d’octobre simplement en ramassant le pouvoir russe dans le ruisseau où l’avait laissé tombé la 6°. Cette 5° colonne fut
principalement constituée de 300 « révolutionnaires » de choc, presque tous anciens émigrés russes aux US et rentrés au bercail pour y parachever le boulot de destruction de la Russie,
et pour ce faire leurs poches largement lestées d’or de certains banquiers américains – déjà !
Ces « 300 », étrangement méconnus de l’histoire officielle, vont en fait constituer en grande partie le cœur du système bolchevique qui va plonger la
Russie dans un bain de sang, et ce n’était qu’un début. Son bilan humain est d’ailleurs dantesque, qui oscille entre 50 et 70 millions victimes de 1914 jusqu’à la fin du XX° siècle, par un
enchaînement infernal de catastrophes provoquées : Révolution, défaite face à l’Allemagne, famines, guerre de conquête de l’Entente* sous couvert de guerre civile, terreur rouge, goulag,
collectivisation forcée, purges, puis la guerre sacrificielle contre l’envahisseur nazi ( 27 millions de victimes, à comparer aux 600 000 de la France … ), et enfin l’ultime trahison du couple
Gorbatchev / Ielstine qui livre pendant dix ans la Russie à la prédation ultime des compradores américains.
Mais pour en revenir à 1917, la récompense de la 6° colonne pour lui avoir si bien servi la soupe fut bien que la 5° l’élimina physiquement entre les caves de la
Loubianka et l’archipel du goulag au motif élémentaire que qui trahit une fois ne peut que recommencer ! C’est pour ainsi dire dans les gènes …
Un coup d’État militaire raté
Ce sinistre bilan serait cependant incomplet sans rappeler que l’événement déclencheur de tout le processus fut, quand une bande de généraux incompétents déposèrent
le Tsar et perdirent aussitôt le contrôle de la situation. Ce fut donc bien un banal coup d’état militaire qui mit à feu et à sang la steppe russe pendant presque 90 ans.
Et c’est donc bien pourquoi la simple annonce de la tentative de coup d’État du patron des wagnérites Prigojine – et ce en pleine guerre contre l’Occident – fit
l’effet d’un véritable électrochoc sur toute la population russe qui alors s’est souvenue de 1917 et de ce qui s’ensuivit. D’emblée on sut alors que cela ne pouvait que se terminer dans le sang …
et la joie des Occidentaux.
Et soudain, comme par miracle, Prigojine met fin à sa sécession grâce à l’habillage d’une négociation avec le président biélorusse Lukachenko. Le coup de Prigojine
tourne alors au putsch, un mot dont la signification exacte est : Un coup d’État militaire raté (ce que les Français connaissent bien …).
Les deux scénarios
Partant, il n’y a que deux hypothèses pour expliquer cela.
– La première est qu’il s’agissait d’une vraie tentative de coup d’État. C’est attesté par le fait que 6 aéronefs russes ont été abattus, mais aussi par les
incontestables méandres d’un pouvoir russe par trop byzantin en jouant l’armée commandée par des chefs officiels contre une bande de mercenaires – repris de justice et quasi-héros de guerre –
commandés par un condottiere fort en gueule.
L’infirme cependant sur le fond, que la tentative ne pouvait qu’échouer rapidement (moins d’une semaine) et que les wagnérites ne pouvaient/devaient en aucun cas
tirer sur la population russe, sauf à se faire massacrer irrémédiablement en retour vu l’ambiance actuelle. C’est alors que comme touché par la grâce, Prigojine comprenant qu’il risquait de finir
sous les balles du SMERSH, rendit les armes.
– la seconde hypothèse est alors qu’il s’agit là d’une véritable opération bidon, une maskirovka en russe, autrement dit une opération
psychologique aussi ingénieuse et subtile que les opérations psy occidentales sont grossières, brutales et mesquines.
Alors quelle part de maskirovka ?
Quels éléments fondent alors une telle hypothèse ?
– La rapidité d’abord du dénouement, puis l’étrangeté de ses modalités via un chef d’État étranger, beaucoup trop lourdement appuyé par le pouvoir russe.
– L’explication de la nécessité d’une telle opération ensuite, qui réside fondamentalement dans l’instinct de trahison permanente qui imprègne depuis toujours une
partie l’élite russe, tel un abcès purulent jamais résorbé. Tout comme aux États Unis en effet, il y a bien en Russie une 6° colonne sous la forme d’un État profond oligarco-bureaucratique, qui
gît dans les anfractuosités du système décisionnel en attendant son heure pour influer l’action stratégique du pays, dans le sens bien sûr des intérêts occidentaux.
On note d’ailleurs à titre anecdotique que deux pays présentent une telle constante historique : La Russie bien sûr, et la France aussi !
– À ce stade, force est alors de conjecturer que cette 6° colonne – à défaut de pouvoir trahir ouvertement jusqu’à présent – est cependant suffisamment puissante
pour entraver significativement la conduite de la guerre en cours, signifiant alors qu’il est temps de crever l’abcès pour le pouvoir russe s’il veut préserver son autonomie de décision et sa
liberté d’action, ce qui s’appelle la souveraineté.
Y a-t-il un “État profond” russe ?
Pour être totalement complet sur cet aspect de la guerre et qu’une population occidentale hébétée par la propagande est incapable d’imaginer, simplement suffit-il
de signaler que ce qu’il reste de cerveau stratégique aux États Unis est lui-même parfaitement conscient de l’impossibilité de vaincre la Russie par les voies militaires, et désormais économique,
mais qu’en revanche ça n’est possible que par les voies d’une révolution « hard »
de type 1917, ou « soft »
de type Gorbatchev.
Il y a donc forcément un lien y compris physique entre les deux États profonds.
Deux éléments militent en fait en ce sens ;
Le premier est que la guerre en Ukraine telle qu’elle est conduite par les Russes manifestement ne s’appuie que sur des demi-mesures, ce qui alors entache leur
apparente volonté de succès.
Qu’est-ce qu’en effet que cette guerre où certes les capacités militaires ukrainiennes sont dûment ciblées et détruites – et encore il y a quelques doutes -, mais
qu’en même temps la nomenclature ukrainienne continue à s’éclater dans les boites de nuit de Kiev en écoutant des chansons russes, où les trafiquants en détournant l’argent occidental
achètent des voitures de luxe en Europe pour les revendre ouvertement à de riches Russes, où les chefs s’en mettent plein les poches et s’achètent des villas sur la côte méditerranéenne, où les
armes occidentales se répandent dans le monde des banlieues françaises jusqu’aux cartels mexicains en passant par l’Afrique, et où la vie normale en dehors des soldats au front se déroule sans
entrave avec l’eau, l’électricité, internet, les grandes surfaces et les vacances … « C’est
quoi ce bordel » comme dirait l’autre.
On rappellera ici et pour mémoire, que la doctrine militaire américaine, systématiquement appliquée en Irak, en Yougoslavie, en Syrie, en Libye … au contraire
prévoit la destruction par bombardements de toute vie normale pour la population attaquée, et que pour cela les Américains passent encore pour des héros.
Le second élément réside quant à lui dans l’incapacité manifeste de la Russie à donner un coup d’arrêt au moins symbolique à ce déferlement de haine
russophobe irrationnelle – ce que réclame pourtant l’opinion russe -, alors que les 50 pays qui s’y livrent impunément ne sont individuellement que trop veules et lâches pour
combattre frontalement la Russie. Or cette russophobie remonte au moins à la guerre de Crimée, avec pour origine Albion la Perfide, cette île dont il suffirait de couper les câbles qui la relient
au continent pour qu’elle parte définitivement à la dérive.
– Quoi de mieux alors pour crever ( définitivement ? ) cet abcès que de faire sortir du bois cette 6° colonne pour mieux l’éliminer ? Quoi de mieux alors
pour ce faire que de fabriquer un bon vieux « pot de miel » sous la forme d’un faux putsch ? Et quoi de mieux enfin pour lui conférer un semblant de réalisme que de le faire exécuter
par ces wagnérites qui hantent tant l’Occident depuis Bakhmout, en plus pilotés par une grande gueule trop caricaturale et auquel on prête alors commodément une guéguerre factice avec la haute
hiérarchie militaire ?
– Outre la brièveté de ce putsch qui lui donne cet indéniable air « cornecuesque », la personnalité même de Prigojine devrait attirer l’attention,
car il s’agit manifestement d’un homme de main de Poutine, cuisinier à l’origine, et formé aux coups tordus des années héroïques de la Saint Petersbourg encore eltsinienne.
– L’autre avantage de cette maskirovka – et pas le moindre – est le fait qu’elle affole et déstabilise complètement l’Occident en lui ayant fait croire pendant
un moment à ses rêves les plus fous : En ce samedi 24 juin, on a pu ainsi voir les médias occidentaux qui rient en appelant les wagnérites « soldats de la liberté”, et le soir qui
pleurent en les traitant de terroristes. Quelle constance dans la bêtise !
– On doit enfin noter la parfaite synchronicité de cette opération avec les premiers craquements de la statue de l’Immaculé Biden, étrangement accusé d’atteinte à
la sécurité nationale pour avoir sciemment organisé l’invasion du pays par le sud, par des migrants. Poutine n’aurait pas fait mieux !
La suite garçon ou je vends la mèche
Si cette dernière hypothèse venait à se vérifier, il ne s’agirait plus alors d’une réaction tactique, donc conjoncturelle, mais bien d’une action stratégique
d’envergure pour relancer l’action russe sur deux niveaux.
– le premier niveau est celui de l’Ukraine, les principes de cette relance ayant été sous-entendus supra, et étant entendu que l’histoire des F-16
« miracles » fera pschitt, comme toutes les autres avant, mais cette fois avec l’avantage de placer enfin l’Europe devant la béance de son impuissance, car elle n’a plus rien.
– Le second niveau est celui de l’ouverture d’un nouveau front, et cette fois face à l’Amérique directement, car c’est le bon moment.
Quoi de mieux en effet que d’envoyer Wagner … au Mexique ( il semble déjà y être, ainsi qu’au Nicaragua ), pour effrayer le déjà peureux Pentagone que la maffia des minéraux pousse – au motif de
traiter les cartels de la drogue – et en fait à s’emparer des mines de lithium que le président mexicain Obrador vient de nationaliser, précisément pour les protéger. Donc une guerre économique
ouverte par moyen militaire.
La « maffia des minéraux », c’est le nom de cette partie de l’État profond américain donné par Charles Onana dans son récent livre :
« Holocauste au Congo – 10 millions de morts, 500 000 violés », où elle exploite déjà « écologiquement » le cobalt avec des milliers d’enfants. Un ouvrage qui pour
l’instant ne fait pas de bruit en Occident, mais beaucoup en Afrique …
Or le cobalt comme le lithium sont deux minéraux essentiels pour la dite « transition énergétique », derrière laquelle se meut en fait cette maffia
des minéraux qui l’a en fait fabriqué, tout comme Big Pharma se tient derrière les pandémies – une division marxiste du travail en quelque sorte. Cerise sur la gâteau, la Chine envisage
d’installer deux bases à Cuba, un pays qui résiste à l’État profondaméricain
depuis la fin des années 50, mais un pays qui place les USA à portée de ses missiles hypervéloce. De quoi donc filer des aigreurs aux néocons et surtout à Victoria Nuland
Cet élargissement du champ des opérations éclaire alors d’une tonalité nouvelle cette déclaration alors sibylline du ministre russe des affaires
étrangères :
« la
fin de la guerre en Ukraine sonnera aussi la fin du globalisme ».
La rébellion de Prigojine ne serait-elle pas une psyop russe ?
La grande histoire médiatique de la semaine dernière fut la
« rébellion armée conduite par Prigojine »
et sa « marche pour la justice sur Moscou ».
Une histoire rocambolesque comme les aiment les médias du monde entier. Un rebondissement de plus dans l’histoire médiatique déjà pleine de rebondissements qu’est « l’invasion de l’Ukraine par la Russie ».
Pendant quelques jours,
les spéculations allèrent grand train sur le pourquoi et pour qui de cette rébellion totalement suicidaire pour Prigojine. Un coup de folie mégalomane, sa corruption par l’Occident, une colère
noire et incontrôlable contre Shoigu, autant de spéculations auxquelles nous n’aurons pas de réponse.
Mais dans ce déluge
d’hypothèse, une n’a pas été étudiée et pourtant, selon ma logique, elle correspond le mieux aux faits observés, à la dinguerie du scénario et aux intentions des scénaristes : Et si cette
soudaine et intempestive « rébellion armée »
n’était qu’une psyop menée par le gouvernement russe avec en tête d’affiche le couple d’acteurs Poutine/Prigojine.
Expliquons maintenant cette hypothèse en commençant par remonter le temps de quelques mois, à la prise de Bhakmut par Wagner, l’armée de mercenaires dirigée par
Prigojine. Rappelons-nous qu’à cette époque un mélodrame du même genre, à plus petite échelle, s’était déroulé quand Prigojine avait, par réseaux sociaux interposés, maudit l’armée russe de ne
pas lui fournir assez d’armes et de soutien logistique, menaçant de tout laisser tomber. Cette histoire s’était paradoxalement passée au moment même où Wagner était en train de prendre les
derniers quartiers résistants de Bhakmut. [Beaucoup d’articles de RT sur
cette histoire ont
été effacés depuis, mais suivant RT de près a cette époque je m’en souviens bien].
Pour comprendre ma logique, il faut bien se rappeler de deux choses :
Le but actuel de l’armée russe n’est pas de prendre du terrain en Ukraine mais de « démilitariser le pays », c’est-à-dire d’infliger le
maximum de pertes en vie humaines et en matériel. Une fois la « démilitarisation » effectuée, prendre du terrain sera
un jeu d’enfant. Cette démilitarisation permettant surtout que ce terrain ne soit plus pris et repris par d’incessantes et douloureuses attaques et contre-attaques. A Bhakmut, Prigojine a
lancé ces attaques verbales contre l’armée russe au moment ou les ukrainiens commençait à perdre espoir de tenir la ville et battre en retraite. Voir Wagner en difficulté leur a redonné de
l’élan et ils ont donc envoyé quelques centaines d’hommes en plus dans le « hachoir à viande » qu’était Bhakmut. Toujours cela de
pris pour les russes.
Dès le début de son « Opération Militaire Spéciale », le gouvernement russe a
pondu un décret condamnant à la prison quiconque critiquait ou cherchait à déstabiliser l’armée russe. Pourtant, Prigojine a pu le faire publiquement sans subir la moindre répercussion, même
pas une frappe sur les doigts. On sait pourtant que Poutine peut être très dur quand il le faut. Cette « faiblesse » de la part du gouvernement russe alors même
que Shoigu était publiquement touché est donc extrêmement surprenante. Dans un scénario «vraie vie» Prigojine aurait déjà dû, dès l’épisode
Bhakmut, être mis sur la touche, d’une manière ou d’une autre, d’autant plus qu’il n’a rien d’indispensable dans cette « Opération Militaire Spéciale ». Kadirov, le grand chef de
l’armée Tchétchène est prêt à le remplacer, comme il l’a déjà proposé moultes fois.
Maintenant revenons à cette « tragédie
bouffe » russe du week-end et notons qu’elle se déroule dans un timing identique à celui de Bhakmut. La contre-offensive ukrainienne bat de l’aile et des rumeurs de repli
stratégique commencent à poindre malgré l’impérieuse nécessité d’une victoire ukrainienne. C’est-à-dire, pour les russes, un « taux de démilitarisation » passant de 800-1000/jours à
quelques dizaines/jours. Voilà qui ne fait pas leur affaire. Il faut donc redonner des ardeurs guerrières à l’armée ukrainienne. Tout combattant sait combien percevoir l’adversaire faiblir va
relancer son ardeur à la bagarre. Alors Prigojine qui, à Bhakmut, s’était déjà révélé un aussi bon acteur que Zelensky rentre en scène et déclare que l’armée russe ment, que ses pertes sont
totalement sous-évaluées, que la dissension interne va entraîner la défaite de la Russie, que le chef des armées est soit un incapable soit un traitre. Il y va très fort et balance tout à la fois
puis, histoire que le scénario soit plus convaincant et marque les esprits, passe à l’action. « Envahissement
de Rostov sur le Don », « prise
du quartier général militaire », « Marche
sur Moscou », sans une goutte de sang versée et minutieusement reporté sur Twitter où sa tronche de folle-dingue apparaît sans arrêt, tel un joker fou. En voyant ces scènes, on se
dit que le metteur en scène avait visiblement peu de moyens mais le sens du mélodrame. Alors pour donner encore plus de consistance au scénario, Poutine lui-même entre en jeu et fait un discours
martial mais sans accuser directement Prigojine ni prononcer son nom une seule fois. Pour un caractère moral comme Poutine, le mensonge a ses limites .
Là, on se dit que « quand même, ils y vont fort, c’est trop gros ». Et bien
non. Comme le dit l’adage qui se révèle souvent exact : « plus c’est gros plus ça passe ». Et ça
passe.
Immédiatement l’Ukraine, voulant profiter de cette extraordinaire aubaine à ne surtout pas louper, va
relancer sa contre-offensive, au sud, à l’est, au nord, dans tous les sens, en y mettant le paquet car « c’est
le moment ou jamais ». Encore autant de milliers d’ukrainiens envoyés à la boucherie.
Puis, comme pour tout roman, c’est trouver une bonne fin qui est difficile. Alors un figurant rentre en scène, le bon Lukashenko qui va faire que « tout
est bien qui finit bien ». Il réussit à calmer le bouillant Prigojine, lui offre le gite et le couvert, le temps que les choses se tassent et, incroyablement magnanime malgré
l’outrageuse offense, Poutine pardonne à Prigojine car « nous respectons leur exploit à Artiomovsk ». Alors on
se dit « quand même, un peu gros la fin, mal
ficelée ». Mais non, quand un spectateur est pris dans une histoire, il en vient à confondre l’histoire et la réalité. Et cela a marché, tout le monde croit à cette psyop, même les
analystes alternatifs qui frissonnent face à « la
faiblesse de l’État russe ».
Il est vrai que le seul doute envers cette hypothèse est : « pourquoi Poutine engagerait-il la crédibilité de son gouvernement
dans une telle histoire ? ». C’est vrai que Poutine et Shoigu auront paru faible pendant 48 heures. Mais la situation est déjà en train de s’inverser avec le narratif
«Poutine a renversé la situation à son
avantage sans qu’une seule goutte de sang ne soit versée », vendu au peuple russe et aux alliés
de la Russie.
Le générique de fin n’est pas encore terminé alors que j’écris ces lignes, mais une scène se dessine en filigrane : Zelensky, le regard tourné vers la Biélorussie,
la frontière nord de l’Ukraine, d’où la figure folle et sauvage de Prigojine est en train de l’observer prête à le mordre, alors qu’il est déjà tellement occupé à l’est et au sud. Un cauchemar de
plus pour Zelensky dont les nuits doivent être déjà très longues et tourmentées.
Voilà, mon hypothèse en vaut une autre mais comme je ne l’ai lue nulle part je me suis dit qu’elle pourrait vous intéresser, essentiellement car elle redonne de la
logique aux actes du gouvernement russe et du sens stratégique à une histoire qui n’en avait aucune.
En 24h les plus vives spéculations ont bouillonné sur la toile : Eugène Prigogine, l’oligarque en charge du groupe Wagner, désormais la plus puissante
armée privée au monde, aurait eu l’intention et les moyens de réaliser un coup d’État nucléaire sur la Fédération de Russie ?!
Cette affaire fascinante est bien davantage une leçon, pour toutes et tous : Les gens intelligents ne se fient pas aux apparences ! On débriefe cela en
direct avec un mot clé : Maskirovka !
Maintenant que la poussière du putsch manqué de Prigogine est retombée, examinons calmement les faits. Nommons les événements d’abord : Sur incitation (vraisemblablement financière)
américaine, Prigogine a tenté un coup d’Etat. En moins de 24 heures, devant le soutien massif au président en place, le chef de Wagner, qui ne pouvait même pas compter sur tous les hommes de
Wagner, a cédé et accepté de s’exiler en Biélorussie. Quels arguments concrets les journaux occidentaux ont-ils pour affirmer que Vladimir Poutine sort affaibli de la crise. Même la
communication officieuse des services américains pour faire savoir qu’ils étaient au courant d’une tentative de putsch, aboutit à l’inverse du résultat escompté : Elle donne à penser que le
Kremlin se sentait assez fort pour laisser Prigogine se découvrir. Bien entendu, la thèse d’une trahison non seulement de Poutine mais de la Russie, par Prigogine, fait saisir qu’une lutte à
mort est désormais engagée, qui se finira par la défaite géopolitique complète d’un des deux protagonistes : soitr la Russie soit les Etats-Unis.
C’est ce qu’on appelle une presse libre et indépendante: les médias établis et subventionnés de ce que les Russes appellent avec une certaine ironie “l’Occident
collectif” sont unanimes : Vladimir Poutine ressortirait affaibli de la tentative de coup d’Etat de Prigogine contre lui.
Avant de se hâter vers une conclusion – qui ne pourra être que provisoire, tant nous manquons encore d’éléments – il n’est pas inutile de rappeler les
faits.
Que s’est-il vraiment passé entre l’après-midi du 23 juin et le début de soirée du 24 juin ?
Les lecteurs pourront se reporter, pour les sources, aux deux articles que j’ai publiés: ici (samedi
24 juin) et ici (dimanche
25 juin). Je renvoie aussi au canal Telegram du Courrier des Stratèges, Rester
Libre, où nous avons assuré un fil de suivi des événements toute la journée de samedi 24 juin. Enfin, les analyses les meilleures se trouvent de mon point de vue sur le blog
de Simplicius.
Mon objectif est plutôt de mettre, à présent, les mots justes sur les faits, tels que nous les connaissons, tant on a entendu d’inexactitudes depuis 48
heures.
+ A la mi-avril 2023, Evgueni Prigogine avait demandé à Vladimir Poutine de mettre fin à “l’Opération Militaire Spéciale” en Ukraine.
+ A la mi-mai 2023, les médias occidentaux avaient fait remarquer dans les dossiers appelés “Ukraine Leaks” (des documents officiels américains qui auraient été
rendu publiques par un employé du Pentagone), il était question de tractations secrètes entre Prigogine et le renseignement ukrainien pour abréger la bataille.
+ Le 10 juin 2023, le Ministère de la Défense russe annonçait que, désormais, tous les combattants des compagnies militaires privées seraient rattachés à
l’armée par un contrat signé avec l’unité à laquelle ils appartenaient. (jusque là Wagner et les autres compagnies militaires privées étaient simplement placées sous le commandement militaire
russe, tout en gardant leur autonomie d’organisation). Prigogine annonce qu’il refuse cette innovation.
+ Le 23 juin 2023, Prigogine faisait une série de déclarations fracassantes pour expliquer que la guerre était en train d’être perdue du fait de la corruption
du commandement militaire. Il ajoutait que l’on aurait menti, en Russie, depuis 2014. L’armée ukrainienne ne s’en serait jamais prise aux civils du Donbass. Aucune menace n’aurait pesé sur la
Russie début 2022. La guerre n’aurait été justifiée que par des intérêts oligarchiques privés.
+ Un peu plus tard dans la journée, le dirigeant de la Compagnie Militaire Privée Wagner affirmait, en publiant une vidéo (peu informative), que l’armée russe
avait tiré des missiles sur ses hommes.
+ Dans la soirée du 23 juin, le commandant en second des troupes russes en Ukraine, Sourovikine, appelait Prigogine à ne pas rompre la fraternité d’armes. Au
même moment les autorités engageaient des poursuites contre Prigogine.
+ Au matin du 24 juin, certains détachements de Wagner encerclaient le QG du corps d’armée sud à Rostov sur le Don. D’autres hommes de Wagner s’installaient à
Voronej. Et l’on commençait à parler d’une marche sur Moscou.
+ A 10h du matin heure française était diffusée une allocution de Vladimir Poutine, enregistrée quelques heures auparavant, dénonçant une trahison menaçant de
faire connaître à la Russie un nouveau désastre comme en 1917 et appelant les hommes de Wagner à ne pas se laisser entraîner par leurs chefs.
+ Loin d’entendre le message de Vladimir Poutine, Prigogine expliquait, en fin de matinée, que ni le président, ni l’armée, ni le FSB ne pourraient le
convaincre de se rendre. En milieu de journée, ce 24 juin, on voyait circuler des vidéos tendant à prouver que les hommes de Wagner avaient abattu des hélicoptères de l’armée. (Jusqu’à
maintenant la véracité de ces images n’a pas été confirmée).
+ Dès la fin de l’allocution de Vladimir Poutine, personnalités politiques de tous bords, gouverneurs de régions, affirmaient leur soutien plein et entier au
président russe. Non seulement les militaires ne bronchaient pas mais les combats sur le front continuaient comme à l’accoutumée. Surtout, on comprenait qu’une grande partie des hommes de
Wagner n’étaient pas au courant des plans de leur chef et, visiblement, ne les approuvaient pas. Quant à la population russe, elle était à l’unisson de la population de Rostov qui demandait
aux soldats de Wagner pourquoi ils causaient des problèmes en plein combat pour la patrie. A Rostov, les hommes de Wagner se jugèrent suffisamment mis sous pression qu’ils établirent un
périmètre de sécurité pour empêcher la population d’approcher.
+ En milieu d’après-midi, Sergueï Narichkine, chef du renseignement extérieur, communiquait officieusement sa satisfaction de voir la population russe se souder
autour du Président.
+ Vers 19h, le président biélorusse Loukachenko faisait savoir qu’il avait, après acceptation de Vladimir Poutine, négocié une partie de la journée avec
Prigogine. En échange de la levée des poursuites contre lui, Prigogine acceptait de quitter la Russie pour la Biélorussie. Dans les heures qui suivaient, on voyait les hommes de Wagner
quitter Rostov. On a souligné que la population les félicitait….sans comprendre que la petite foule amassée les remerciait de ne pas avoir engagé une guerre civile.
+ Vers 20h, ce 24 juin, on apprenait que le Ministère de la Défense intègrerait tous les hommes de Wagner n’ayant pas participé au putsch manqué et qui en
feraient la demande.
Avant de continuer, je vous indique que j’ai répondu aux questions d’Eric Verhaeghe sur la question de savoir si j’avais des biais pro-russes :
En un peu plus de 24 heures, donc Prigogine était passé du statut d’homme qui défiait Vladimir Poutine à celui d’exilé, son organisation étant démantelée. Au vu
de ces faits, il me semble qu’il y a deux séries d’évaluations qui manquent leur cible:
++ la première consiste à insister sur la faiblesse du pouvoir russe dans la journée du 24 juin, sur le silence de Vladimir Poutine, sur la facilité apparente
pour des unités Wagner de s’emparer de Rostov ou de se rapprocher de Moscou. Il me semble que cela manque l’essentiel : L’objectif du Kremlin a été de ne pas alimenter l’argumentation de
Prigogine par une confrontation prématurée – verbale ou armée. A-t-on oublié que l’objectif premier d’un chef d’Etat est de maintenir la paix civile donc d’attendre le plus longtemps qu’il
est raisonnablement possible avant de sévir ?
++ la deuxième série d’explications consiste à expliquer que nous avons eu affaire à un scénario monté par Prigogine et Poutine, qui étaient de mèche. Prigogine
a montré dans cette affaire de vrais signes de trahison – une réalité avec laquelle on ne joue pas, en pleine guerre. Et, surtout, il est devenu clair, avec les heures qui passaient, que sa
cible n’était pas le ministre de la Défense, Choïgou, mais Vladimir Poutine lui-même. Les journaux américains font état ce soir de ce que le renseignement américain avait vent d’une tentative
de putsche de Prigogine. Citons le Washington
Post :
“Les
agences d’espionnage américaines ont découvert à la mi-juin que le chef des mercenaires de Wagner, Evgeniy Prigozhin, préparait une action armée contre la défense russe – qu’il accuse depuis
longtemps d’avoir mal géré la guerre en Ukraine – et ont informé d’urgence la Maison Blanche et d’autres agences gouvernementales afin qu’elles ne soient pas prises au dépourvu, ont déclaré
plusieurs responsables américains samedi.
La nature exacte et le calendrier des plans de Prigozhin n’étaient pas clairs jusqu’à ce qu’il prenne étonnamment le contrôle d’un commandement militaire et d’une course de chars en direction
de Moscou vendredi et samedi, ont indiqué des responsables. Mais “il y avait suffisamment de signaux pour pouvoir dire aux dirigeants … que quelque chose se préparait”, a déclaré un
responsable américain qui, comme d’autres, a parlé sous le couvert de l’anonymat en raison du caractère sensible de l’affaire. “Je pense donc qu’ils étaient prêts.
Au cours des deux dernières semaines, on s’est beaucoup inquiété de ce qui pourrait se produire, à savoir si le président russe Vladimir Poutine resterait au pouvoir et ce qu’une éventuelle
instabilité pourrait signifier pour le contrôle de l’arsenal nucléaire de la Russie, a déclaré le fonctionnaire. “Il y a eu beaucoup de questions dans ce sens”, a déclaré cette
personne.“
On comprend bien l’intérêt qu’il y a, de la part des Américains, à prétendre avoir été au courant alors que le pouvoir russe aurait été pris de court. Surtout,
vu ce que les Russes doivent en fait savoir d’une implication américaine dans le putsch manqué, il s’agit de se dédouaner et de dire : Oui nous étions bien au courant mais nous n’avions rien
à voir. Nous étions même inquiets.
Un scénario se dessine. Il n’exagère ni la faiblesse ni la force du pouvoir russe. Il nous fait supposer
(1) que la trahison de Prigogine était connue du pouvoir russe;
(2) que ce dernier était suffisamment sûr de la loyauté de l’armée et du soutien de la population pour avoir pris le risque de laisser Prigogine avancer à visage découvert.
On peut même supposer que l’instruction donnée par le Ministère de la Défense, le 10 juin, aux compagnies militaires privées de passer complètement sous commandement militaire, a été un moyen
de pousser Prigogine à la faute.
Vladimir Poutine sort renforcé de la crise
Une fois que l’on a bien établi les faits – en tout cas ceux que nous avons à disposition, il apparaît difficile de parler d’affaiblissement pour le président
russe.
+++ S’il ne s’agissait pas de la Russie, où, selon les Occidentaux, tout doit rater et aller mal, on dirait que Prigogine s’est dégonflé. Xavier Moreau fait la
comparaison avec le putsche des généraux en 1961. (dont Eric Branca rappelle qu’il était soutenu par le gouvernement américain).
+++ Je suis frappé de voir comme, de tous côtés, la réflexion sur la Russie fait comme si le peuple russe n’existait pas. Or c’est bien lui qui a manifesté hier
son soutien au président du pays. Ce dernier a d’ailleurs suivi la vox populi en évitant tout bain de sang. Et tout ceci en une journée ! Le spectre de 1917 a été chassé.
+++ La campagne militaire contre l’armée ukrainienne n’a pas été affectée, du point de vue russe. L’armée ukrainienne a continué à se heurter au mur de la
défense russe – et même à perdre du terrain vers Koupiansk.
+++ on verra si, comme le prétendent beaucoup de commentateurs, Poutine remplace Choïgou, ministre de la Défense, et Gerasimov, commandant en chef de
l’opération ukrainienne. Je peux me tromper mais je pense que ce ne sera pas le cas. Au contraire, il s’agit de conforter le commandement de l’armée dans sa prise en main définitive des
unités paramilitaires. Ce renforcement de l’armée régulière est un renforcement de l’autorité de l’Etat.
La fin de toute perspective de négociation pour mettre fin au conflit en Ukraine
Si la thèse de la trahison de Prigogine au profit des Occidentaux devait se confirmer dans les prochaines semaines, on ne pourrait en tirer qu’une
conclusion. Les Américains ont fermé la porte à toute possibilité de négociation. On savait que Washington visait le renversement de Poutine. Le fait que les USA l’aient essayé – même en
misant sur un mauvais cheval – est suffisant pour assurer qu’aucun compromis n’est plus possible aux yeux des Russes.
Le conflit ne peut se terminer, désormais, que par la défaite militaire de l’Ukraine ET la défaite géopolitique des Etats-Unis. Ou par la défaite de la
Russie. Il n’y a plus de moyen terme.
Nous avons saisi l’occasion des événements en Russie, et singulièrement de la rébellion de Prigojine dans le Donbass, pour faire une interview-vérité avec Edouard Husson sur les analyses du
Courrier depuis plus d’un an sur la question russo-ukrainienne. Parfois accusé d’être trop favorable à la Russie, Edouard s’est prêté au jeu ouvert des questions et des réponses sans tabou
sur ses relations avec Vladimir Poutine.
Cette mise au point nous paraissait importante dans la mesure où les analyses
d’Edouard Husson ont régulièrement marqué une distance importante avec les analyses diffusées par la propagande officielle ou par le cartel des médias subventionnés. Certains ont parfois
regretté une forme de partialité supposée dans la ligne tenue par le Courrier. Il était donc essentiel de préciser le contexte dans lequel Edouard Husson intervient.
La signature de l’Occident sous la rébellion de Prigogine ?
Les événements d’hier ont montré qu’une thèse a la vie dure : La rébellion de Wagner aurait été une mise en scène. D’ailleurs, tout ne s’est-il pas terminé en moins de 24 heures? Je comprends
d’autant plus la fascination qu’exerce une telle thèse que j’avais moi-même émis l’hypothèse, à la mi-mai, que les plaintes de Prigogine sur son manque de munitions aient été une feinte pour
attirer encore plus de soldats ukrainiens dans le “hachoir à viande” de Bakhmout/Artiomovsk. Mais il n’y a que les faits qui comptent : A la mi-mai, les troupes ukrainiennes s’étaient
précipitées pour profiter d’une soi-disant faiblesse des mercenaires russes; hier Prigogine a défié ouvertement le pouvoir de Vladimir Poutine donc objectivement risqué de faire perdre la
Russie. Le rebelle est maintenant en exil. Wagner sera démantelé. L’autorité du Ministère de la Défense sur les opérations sort renforcée. Soudain, des questions que l’on avait eu tendance à
écarter, parce que publiées dans la presse occidentale, sur une éventuelle trahison de Prigogine, se posent à nouveau. L’attitude occidentale durant toute la journée du 24 juin ne fait
qu’accroître les suspicions. Cependant, ne nous livrons pas à trop de spéculations. Tirons le bilan de la journée d’hier en observant ce qu’il nous révèle du pouvoir et de la société russes.
J’ai été formé dans l’école historique française et j’ai appris à me méfier de l’événement-anecdote. Mais il y a aussi des événements-clé, qui font émerger une
nouvelle constellation des forces profondes. La meilleure histoire de la bataille de Lépante (1571, défaite de la flotte ottomane face à la flotte chrétienne de Méditerranée sous la conduite
de Don Juan d’Autriche) jamais écrite, tient en quelques pages chez Fernand Braudel. Le maître de l’historiographie française récente y fait comprendre combien l’événement fut à la fois un
révélateur des facteurs profonds à l’oeuvre mais aussi structurant dans la durée.
Quel statut accorder à la journée, désormais historique, du 24 juin 2023 en Russie ?
Seul l’avenir dira si elle est structurante. Elle a en tout cas servi de révélateur de forces profondes à l”oeuvre. Je vais y revenir.
Avant cela, je voudrais écarter un type d’explications fausses que l’on voit encore circuler.
Non : La journée du 24 juin n’est pas une pièce de théâtre montée entre Poutine et Prigogine.
Un certain nombre d’analystes se fondent sur le rapide dénouement de ce qui a toutes les apparences d’un coup d’Etat manqué pour expliquer que nous avions
affaire à la n-ième mise en scène russe de l’histoire. Je conçois que l’on soit séduit par la thèse. Peut-être y ai-je succombé moi-même il y a quelques semaines. A la mi-mai, j’avais
souligné combien les plaintes répétées de Prigogine sur son manque de munitions avait conduit l’Ukraine à envoyer encore plus de troupes dans le “hachoir à viande” de Bakhmout/Artiomovsk. De
là à penser qu’il était de mèche avec son mentor des années 1990 Vladimir Poutine….
Des lecteurs attentifs m’avaient fait remarquer que dans les
“Ukraine Leaks”, on trouvait cette curieuse mention de tractations de Prigogine avec les services ukrainiens: il aurait voulu échanger le retrait des Ukrainiens de Bakhmout contre
des informations sur les coordonnées d’un proche de Kadyrov, son plus cordial ennemi. J’avoue que je me suis méfié des “Ukraine leaks” et que je fais peu confiance aux médias occidentaux pour
couvrir le conflit. J’ai donc gardé ces informations comme “à examiner plus tard”.
Je ne m’en suis souvenu que lorsque j’ai vu le “coup de
folie” de Prigogine, vendredi 23 juin. Soudain, l’organisateur de la reprise de Bakhmout se mettait à débiter les thèses occidentales :
Il n’y avait pas eu de violences de l’armée ukrainienne depuis 2014 contre les civils du Donbass; l’offensive de 2022 n’avait été lancée que pour satisfaire les
intérêts privés de quelques-uns; L’armée russe serait en train de perdre la guerre etc…Est venue ensuite la grotesque vidéo selon laquelle l’armée russe aurait cherché à éliminer à coups de
missiles des hommes de Wagner. C’est bien connu, depuis le début du conflit, que les Russes bombardent les populations civiles du Donbass, la centrale de Zaporojie. Et maintenant les héros de
Bakhmout.
Ensuite, on a entendu, samedi 24 juin au matin, Vladimir Poutine dénoncer une trahison – sans nommer Prigogine pour lui laisser une porte de sortie. Le
président russe a évoqué le spectre de 1917, dont on conviendra que ce n’est pas une date anodine dans l’histoire russe. Il faut être bien naïf pour penser qu’un homme qui coordonne la lutte
contre l’OTAN et a 10 000 kilomètres de frontières à surveiller, pourrait se livrer aux enfantillages d’une dramatisation à outrance avec un Prigogine, ancien vendeur de pizzas qu’il a tiré
de prison dans les années 1990 à à Saint Pétersbourg.
De toute façon, Prigogine a lui-même signé sa trahison en se mettant à attaquer Poutine après l’allocution télévisée.
Signature occidentale ?
La trahison de son protecteur ne nous dit encore rien sur les motivations de Prigogine. Il est certain que l’homme, déjà écarté
par Poutine, de la seconde partie de l’intervention russe en Syrie, ne supportait pas de se voir écarter une deuxième fois. Cela fait quelques semaines, nous l’avons souligné, que le
président russe a commencé à parler directement des opérations militaires, indiquant l’importance qu’il accorde à la phase en cours. Pour cette nouvelle phase, le président fait confiance au
Ministère de la Défense. Les compagnies militaires privées se sont vu demander de “rentrer dans le rang”; de se placer complètement sous l’autorité de l’armée russe. Et Prigogine a
refusé.
Vanité blessée, ambition croissante de jouer un rôle pour compenser sa perte d’influence sur les opérations militaires ! Prigogine n’est pas suffisamment
clairvoyant pour comprendre qu’il n’est qu’un rouage. Pendant qu’il reprenait Bakhmout, l’armée construisait les lignes de défense sur lesquelles vient se briser l’armée ukrainienne
actuellement. Et Sergueï Lavrov orchestrait une diplomatie mondiale, qui est plus importante que la question de savoir quand se terminera la bataille d’Ukraine.
Il est donc assez facile d’imaginer que l’homme d’affaires Prigogine, qui dirige des affaires lucratives dans de nombreux pays du monde et qui gagne
de l’argent avec l’approvisionnement alimentaire de l’armée russe, ait été approché par des Occidentaux; ou par leurs agents ukrainiens. Il est si facile de flatter la vanité blessée
et de nourrir l’ambition d’un homme atteint par le ressentiment. Ressentiment en apparence contre les chefs de l’armée; en réalité contre son ancien mentor Poutine, qui ne lui accorde plus
assez d’attention.
Ne spéculons pas au-delà du raisonnable. Mais reconnaissons que la retenue des médias occidentaux durant toute la crise des 23-24 juin, sonne faux. Tout comme
l’insistance des politiques pour faire savoir à la Russie que l’on n’est pour rien dans ce qui se passe et que l’on est juste préoccupé par les ogives nucléaires: sont-elles bien sous
contrôle ? (Ce qui ne manque pas de sel quand on se rappelle que l’incapacité de Joe Biden à gouverner, du fait du déclin de ses capacités cognitives, connu dès 2018, aurait dû rendre
impossible son entrée à la Maison Blanche en 2021 et est le facteur de plus grand danger dans la confrontation actuelle).
Et puis, cédons quand même à l’anecdote. Le FSB a déclaré – photos à l’appui – avoir découvert des caisses d’argent liquide – plusieurs milliards de roubles –
au siège de Wagner à Saint Petersbourg. C’est évidemment une grosse ficelle, absolument dénuée de crédibilité. Mais cela donne à supposer que l’on a voulu faire passer à la société russe,
l’idée que Prigogine était vulnérable à la corruption.
Dans tous les cas, il est facile d’imaginer que, face à l’échec flagrant de la “contre-offensive ukrainienne”, les services occidentaux aient tenté le tout pour
le tout : Actionner contre Vladimir Poutine un opposant crédible. Les Américains se sont faits depuis longtemps à l’idée qu’il ne pouvait pas y avoir de “révolution de couleur” en Russie. En
revanche, un opposant apparemment plus patriote, plus nationaliste, luttant pour “éradiquer la corruption de l’armée” (tiens donc!…). J’avais sans aucun doute oublié ce scénario, un
cinquième, dans ce que j’avais développé à propos des options qui
restaient aux Américains.
Arrêtons-là le travail de l’imagination et regardons ce que l’événement des deux derniers jours a révélé, profondément.
L’anti-1917
Très rapidement, dans les heures qui ont suivi l’allocution de Vladimir Poutine, l’appareil d’Etat et l’armée se sont rassemblés autour du président russe. De
même que j’avais compris que nous avions affaire à une tentative de coup d’Etat en entendant le général Sourovikine appeler Prigogine à la raison vendredi soir; de même j’ai pensé que cette
tentative tournait court en entendant hier Sergueï Narichkine, l’un des chefs du renseignement russe, affirmer que la société russe n’était pas tombée dans le piège tendu par Prigogine. On
avait pu le constater dès le matin à Rostov : Les hommes de Wagner étaient approchés par des habitants leur demandant pourquoi ils mettaient en danger à ce moment-là, le combat de la
Russie.
Le suivi, toute la journée d’hier, des réseaux sociaux russes, a fait ressortir trois éléments :
1) un fort soutien à Poutine.
2) la demande que le bain de sang soit évité.
3) Une insistance sur l’unité de la patrie, qui conduisait inévitablement à envisager la clémence vis-à-vis des révoltés.
Vladimir Poutine a évité le déclenchement d’une guerre civile. Je suppose d’ailleurs que, si nous autres observateurs avions des indices d’un jeu trouble de
Prigogine, le pouvoir russe avait depuis un moment des informations vérifiées et a laissé venir en ayant imaginé la solution. Il est peu probable que la “médiation” par Loukachenko ait
été sortie du chapeau dans l’urgence le samedi 24 juin au matin.
Quant à la clémence : Certes les poursuites contre Prigogine et les séditieux sont suspendues. Mais Prigogine est exilé – appelons
les choses par leur nom. Et il est désormais sous surveillance de “son ami” Loukachenko, qui n’est pas spécialement connu pour sa tendresse; et qui se révèle un allié à toute épreuve de
la Russie depuis le début du conflit. Seuls les hommes de Wagner n’ayant pas pris part à la sédition seront intégrés dans l’armée russe. Le Ministère de la Défense sort conforté. (Je serais
pour ma part étonné, contrairement à beaucoup d’observateurs, que Poutine remplace Choïgou et Gerasimov).
Il y avait aussi, dans la société russe, depuis longtemps, une demande de réaffirmation de l’autorité de l’Etat face aux compagnies militaires privées. D’une
manière générale, c’est l’autorité de l’Etat, en Russie, qui sort renforcée. Prigogine s’est opposé frontalement à la stratégie poutinienne de guerre lente. Mais faut-il rappeler ce qu’a été
l’épreuve des deux guerres mondiales, des guerres civiles et du communisme pour le pays ? Qui croit vraiment que la société russe, dans son tréfonds, souhaite de nouvelles saignées – et
puisse se le permettre ?
Faire le contraire de 1917, cela voulait dire, bien entendu, éviter que la trahison porte ses fruits amers et délétères. Mais cela veut dire aussi éviter de
replonger dans la mentalité des guerres mondiales, où la vie du soldat russe comptait peu. Prigogine peut bomber le torse autant qu’il veut, la façon de faire la guerre qu’il envisage – une
attaque massive pour en finir rapidement – signifierait aussi qu’il y aurait beaucoup de casse du côté russe. Et cela personne n’en veut en Russie.
La Russie remporte l’oscar du meilleur coup d’État, Prigojine remporte le prix du meilleur acteur
Et si le «coup d’État» de Prigojine était Maskirovka ? Je veux explorer cette possibilité. Plus tôt dans la journée (samedi sur la côte est des États-Unis),
j’esquissais un article au titre accrocheur : «Prigojine – putsch ou stratagème ?» Eh bien, cette belle idée s’est envolée comme le barrage de Kakhovka lorsque le récit du projet
de Prigojine de marcher sur Moscou et d’étrangler personnellement le ministre russe de la Défense Choïgou a fait un magnifique salto arrière, à la Nadia Comăneci. Prigojine a ordonné à
«ses» troupes de retourner à leurs bases, après avoir conclu un accord avec le président de la Biélorussie, Alexander Loukachenko, pour s’exiler et n’encourir aucune sanction judiciaire.
QUOI ????? Pas d’effusion de sang ? Pas de kilomètres de chars en flammes ? Et pas de cravate Mussolini pour Vladimir Poutine ? Qu’est-ce que c’est que ce bordel ?
On pouvait sentir la déception et la frustration émanant de l’establishment de Washington. L’équivalent politique d’une éjaculation précoce. Hier soir
(vendredi), on pouvait entendre les bouchons de champagne et le pop-corn sauter alors que les médias et les responsables des services de renseignement se regroupaient autour des écrans
d’ordinateur pour attendre les images d’un Poutine désemparé courant à poil loin du Kremlin. Biden et son équipe me font penser à Vil Coyote par le désespoir qu’ils éprouvent en regardant
leurs plans farfelus pour attraper Poutine s’effondrer et s’envoler.
Bien que je ne puisse pas écarter fermement la possibilité que Prigojine ait tenté ce coup d’État de son propre chef (ou avec l’encouragement d’un soutien
extérieur), je tiens à présenter le scénario de Maskirovka.
Commençons par les faits :
1- Le groupe Wagner a été créé par des services de renseignement russes et financé par le gouvernement russe. De nombreux Occidentaux croient à tort que
Prigojine a les poches pleines, qu’il paie les factures de Wagner et que, bien qu’il n’ait AUCUNE expérience militaire, il est le commandant de l’organisation. Comme disent les Russes,
NYET !
2- Les États-Unis et le reste de l’OTAN considèrent la Russie comme une dictature. Depuis des mois, Prigojine profère des menaces contre l’armée russe et,
indirectement, contre Poutine, mais il n’a fait l’objet d’aucune arrestation ou sanction. Cela signifie-t-il que, finalement, la Russie n’est pas une dictature ?
3- Prigojine a ostensiblement lancé le coup d’État, selon ses propres dires vendredi, parce que le ministère de la défense russe a frappé avec des missiles,
des obus et des roquettes un campement de troupes wagnériennes qui s’entraînaient à la guerre. Mais la prétendue vidéo de l’incident ne montre aucune victime. Aujourd’hui, Prigojine est
revenu sur ses propos et insiste sur le fait qu’il ne faisait que protester contre la décision du ministère de la défense d’intégrer le groupe Wagner dans l’armée russe.
4- Le gouvernement russe a attendu environ 12 heures avant d’envoyer des forces de police/militaires au siège du groupe Wagner à Saint-Pétersbourg. Peu de
sens de l’urgence.
5- Prigojine aurait ordonné à une colonne de troupes Wagner d’aller de Rostov sur le Don à Moscou pour détrôner Choïgou et peut-être le général Gerasimov.
Regardez la carte. Cela représente une distance de près de 1200 kilomètres. Comment cette colonne de camions et de chars était-elle censée se ravitailler et couvrir cette distance en
moins de 20 heures?
Que pensez-vous de l’explication suivante ? Toute l’histoire du coup d’État a été conçue pour permettre le déplacement des forces militaires
russes vers les régions situées au nord et à l’ouest de Voronej sans alerter les planificateurs de l’OTAN. La Russie ne faisait que déplacer des forces pour arrêter les auteurs
du coup d’État et non pour constituer des forces en vue d’un nouvel axe offensif.
Il semble que les racines de l’histoire selon laquelle Prigojine allait trahir la Russie remontent à 2022. Quelqu’un ayant des liens avec les services de
renseignement occidentaux était en relation avec Prigojine et a commencé à le sonder sur la possibilité de collaborer avec l’Occident. Prigojine a informé ses chefs des services de
renseignements russes de ce projet et les Russes ont décidé de monter une opération qui présenterait Prigojine comme un patriote mécontent, en colère contre l’incompétence des dirigeants
russes. Les Russes ont alimenté cette idée en laissant Prigojine lancer des attaques verbales vicieuses contre Choïgou et Gerasimov et, si l’on en croit les fuites de la discorde de Jack
Teixeira, il a même transmis des informations sur l’emplacement des troupes russes à son contact.
Voici la partie intéressante de cette hypothèse : Qui a pris la décision de lancer Prigojine ?
On peut avancer de manière crédible que les responsables occidentaux de Prigojine ont décidé que ce jour était le vendredi et lui ont donné l’ordre de
passer à l’action. Mais je pense qu’il s’agit d’une mise en scène du Kremlin. Poutine et ses chefs des renseignements savaient ce que l’Occident essayait de fomenter en Russie et se
rendaient compte que l’Ukraine et l’OTAN étaient sous le choc de leur contre-offensive maladroite et des pertes massives en hommes et en matériel qu’elle a
entraînées. Pourquoi ne pas utiliser la tentative de coup d’État comme une bonne couverture pour le déplacement massif de troupes tout au long de la ligne entre Moscou et
Rostov sur le Don ?
Il s’agit d’un moyen de déplacer les troupes russes vers des zones situées au nord de Belgorod sans attirer l’attention des plates-formes ISR de l’OTAN. Il
s’agit de rapprocher les troupes de la frontière, puis de les disperser. Cela signifie que la Russie a trouvé un moyen de renforcer ses troupes sur un nouvel axe d’attaque potentiel qui
constituera un cauchemar pour les planificateurs de l’OTAN.
Vous pouvez aussi imaginer le coup d’État comme un lapin courant à travers un champ ouvert. Les prédateurs affamés qui se cachent dans la forêt pourraient
être tentés de s’exposer pour attraper le lapin. Certaines des réactions en Russie à la nouvelle du coup d’État présumé ont-elles aidé les services de contre-espionnage russes à
identifier des personnes occupant des postes d’autorité en Russie qui, jusqu’à présent, soutenaient discrètement l’Ukraine ? Peut-être.
Je voudrais également évoquer une possibilité hilarante. Prigojine a-t-il escroqué des millions de dollars à ses intermédiaires occidentaux ? Evgueni a un
passé criminel et est connu pour avoir les doigts collants. S’est-il inspiré de son passé criminel pour escroquer les Britanniques ou les Américains ? Cela pourrait être une histoire
extraordinaire.
Quoi qu’il en soit, après moins de 24 heures de drame, nous nous retrouvons avec la voix triste mais magnifique de Peggy Lee chantant «Is That All There
Is» ?
Les Russes peuvent, à tout moment, mettre fin à la guerre en Ukraine en menant des offensives agressives mais très coûteuses en vies humaines, qui
pourraient affaiblir la Russie face à une offensive de l’OTAN. La Russie n’a pas besoin de cela. Les Russes ne peuvent pas créer un fer de lance comme Wagner, multiplié à l’infini, mais
préfèrent laisser Zelensky gaspiller inutilement plus de sang ukrainien, comme auparavant.
Car cette guerre dite hybride n’est pas seulement militaire, ni même économique, c’est une guerre pour la survie des idées, des valeurs et de la culture,
qui ne peut se terminer sans la défaite de l’Occident qui domine le monde. Quant à la «rébellion Wagner», il peut s’agir d’une rébellion réelle ou d’une véritable maskirovka russe menée
par les services et l’armée russes, sur ordre de Vladimir Poutine. Nous le saurons dans les prochaines 48 heures.
J’aurais tendance à placer ce feuilleton de la marche de la justice de Wagner dans la deuxième catégorie. D’une part, il justifie le remplacement des
dinosaures Shoigu et Gherasimov, avec leur cortège de protégés aux postes clés, par le plus inventif Surovikin. Le second objectif est d’encourager l’armée ukrainienne à profiter de la
faiblesse de la Russie créée par la situation en reprenant l’offensive sur «Bradley Square» avec encore plus d’intensité. Cela signifie qu’il faut réintroduire le hachoir à viande russe
sur le front de Zaporozhye.
Les Russes ont besoin de cette zone pour infliger des pertes massives à l’Ukraine, car dans les régions occidentales et septentrionales, les Ukrainiens sont
passés à la mobilisation générale. Lorsque les deux objectifs seront atteints, j’ai le sentiment que Prigozhin dira que ce n’était qu’un peu de nervosité inutile et que tout reviendra à
la normale. Et Wagner prendra Kharkov d’assaut, comme il l’a fait pour Soledar et Bahmut.
Depuis hier soir le chef de la Compagnie Militaire Privée Wagner ne se contente plus de critiquer la conduite de l’Opération Spéciale. Il veut la tête du Ministre de la Défense, Sergueï Choigou.
Mais, du même coup, il est entré en rébellion ouverte contre Vladimir Poutine lui-même. Je passe ici rapidement en revue ces événements inattendus. La question se pose alors de ses motivations.
Simplement la réaction d’un homme bientôt privé du commandement de ses hommes par l’armée russe. Ou bien un retournement opéré sous influence étrangère? Il est trop tôt pour conclure. Mais on ne
saurait sous-estimer la volonté de Prigogine de nuire au président russe lui-même.
Depuis hier soir, de nombreuses rumeurs ont couru sur les réseaux sociaux. Nous avons attendu que leur poussière retombe pour commencer à vous informer ce matin,
sur la chaîne Telegram “Rester Libre”. Je vous propose ici un rapide point de situation.
Les événements depuis le 23 juin 2022 après-midi
Pour suivre les événements, étant donné la multiplication des rumeurs, je conseille de suivre, outre notre chaine Telegram Rester Libre,
celle de Katya
Kopylova et celle de Slavyangrad.
Les événements, tels qu’on peut les reconstituer à partir des informations vérifiées par ces canaux, sont les suivants:
+ dans l’après-midi du 23 juin, la querelle qui durait depuis plusieurs semaines entre Prigogine et le Ministère de la Défense s’est radicalisée. (1) Prigogine a
demandé la tête du ministre de la Défense, Choïgou et du commandant en chef, Gerasimov; (2) Le chef de Wagner a ensuite prétendu que son organisation avait été visée par un ou plusieurs tirs de
missiles de l’armée russe, Plusieurs observateurs ont fait remarquer que cette vidéo n’était pas convaincante.
+ dans la soirée du 23 juin, le général Sourovikine, commandant en second de l’Opération Militaire Spéciale, a lancé un appel à Prigogine et aux combattants de
Wagner, pour qu’ils ne brisent pas la fraternité d’armes.
+ A peu près au même moment, on apprenait que le FSB ouvrait une procédure contre le chef de Wagner.
+ Au matin du 24 juin, les informations et les images convergent: d’une part, Prigogine est à Rostov sur le Don. Et des hommes de Wagner se sont postés face au
Quartier Général du Corps d’Armée Sud et du FSB. Des hommes de Wagner sont aussi à Voronej.
+ Vladimir Poutine a clairement parlé de trahison et fait référence à 1917. On trouvera sous ce
lien la vidéo sous-titrée de son discours. Voici le texte:
“Je
lance un appel aux citoyens de Russie, au personnel des forces armées, aux forces de l’ordre et aux services spéciaux, aux soldats et aux commandants qui se battent actuellement sur leurs
positions de combat, repoussant les attaques de l’ennemi et le faisant héroïquement – je sais, j’ai encore parlé à tous les commandants ce soir. Je m’adresse également à ceux qui ont été
entraînés dans cette aventure criminelle et poussés sur la voie du crime le plus grave, la mutinerie armée, par la tromperie ou la menace.
La Russie mène aujourd’hui une bataille difficile pour son avenir, repoussant l’agression des néo-nazis et de leurs maîtres. La quasi-totalité de la machine militaire, économique et d’information
de l’Occident est dirigée contre nous. Nous nous battons pour la vie et la sécurité de notre peuple, pour notre souveraineté et notre indépendance. Pour le droit d’être et de rester la Russie, un
État à l’histoire millénaire.
Cette bataille, où se joue le destin de notre peuple, exige l’unité de toutes les forces, l’unité, la consolidation et la responsabilité. Tout ce qui nous affaiblit, toute forme de discorde, que
nos ennemis extérieurs peuvent utiliser et utilisent pour nous miner de l’intérieur, doit être mise de côté.
C’est pourquoi les actions qui divisent notre unité sont, par essence, une apostasie de notre peuple, de nos compagnons d’armes qui se battent actuellement sur la ligne de front. C’est un coup de
poignard dans le dos de notre pays et de notre peuple.
C’est exactement le coup qui a été porté à la Russie en 1917, lorsque le pays a combattu pendant la Première Guerre mondiale. Mais la victoire lui a été volée. Les intrigues, les querelles, la
politique politicienne dans le dos de l’armée et du peuple ont provoqué le plus grand choc, la destruction de l’armée et la désintégration de l’État, la perte de vastes territoires. Le résultat
fut la tragédie de la guerre civile.
Les Russes ont tué les Russes, les frères ont tué leurs frères, tandis que les gains des mercenaires ont été récoltés par toutes sortes d’aventuriers politiques et de puissances étrangères qui
divisaient le pays et le déchiraient. Nous ne permettrons pas que cela se reproduise. Nous protégerons notre peuple et notre État de toute menace. Y compris la trahison interne.
Et ce à quoi nous avons été confrontés est précisément une trahison. Des ambitions démesurées et des intérêts particuliers ont conduit à la trahison. La trahison de leur pays, de leur peuple et
de la cause pour laquelle les combattants et les commandants de Wagner se sont battus et sont morts aux côtés de nos autres unités. Les héros qui ont libéré Soledar et Artemovsk, les villes et
les villages du Donbass, ont combattu et donné leur vie pour la Novorossiya, pour l’unité du monde russe. Leur nom et leur gloire ont également été trahis par ceux qui tentent d’organiser la
rébellion, poussant le pays vers l’anarchie et le fratricide. Vers la défaite, finalement, et la capitulation.
Je le répète, toute agitation interne est une menace mortelle pour notre statut d’État, pour nous en tant que nation. C’est un coup porté à la Russie, à notre peuple. Et nos actions pour défendre
la patrie contre une telle menace seront difficiles. Tous ceux qui ont délibérément choisi la voie de la trahison, qui ont préparé une insurrection armée, qui ont choisi la voie du chantage et
des méthodes terroristes, subiront un châtiment inévitable, répondront à la fois devant la loi et devant notre peuple.
Les forces armées et d’autres organismes gouvernementaux ont reçu les ordres nécessaires et des mesures antiterroristes supplémentaires sont mises en place à Moscou, dans la région de Moscou et
dans un certain nombre d’autres régions. Des efforts déterminés seront également déployés pour stabiliser la situation à Rostov-sur-le-Don. Elle reste complexe, le travail des autorités civiles
et militaires étant effectivement bloqué.
En tant que président de la Russie et commandant en chef, en tant que citoyen de la Russie, je ferai tout mon possible pour défendre le pays, pour protéger l’ordre constitutionnel, la vie, la
sécurité et la liberté de ses citoyens.
Ceux qui ont organisé et préparé le soulèvement militaire, qui ont levé les armes contre leurs compagnons d’armes, ont trahi la Russie. Ils devront en répondre. Et j’exhorte ceux qui sont
entraînés dans ce crime à ne pas commettre l’erreur unique, fatale et tragique, à faire le seul bon choix : cesser de participer à des actions criminelles.
Je suis convaincu que nous préserverons et défendrons ce qui nous est cher et sacré, et qu’ensemble avec notre patrie, nous surmonterons toutes les épreuves, nous deviendrons encore plus
forts“
+ Il n’est pas utile de mentionner ici les innombrables réactions de soutien au président russe. Deux points sont intéressants à noter. D’abord, Vladimir Poutine a
fait son discours debout, alors qu’il est d’habitude assis pour ses allocutions. Ensuite, Prigogine n’a pas saisi l’occasion que lui tendait Poutine, qui ne l’a pas mentionné dans son discours.
Il s’en est pris au contraire directement au président russe après le discours. Il est en fait entré ouvbertement en rébellion: “Personne”, a-t-il déclaré, “ne va se rendre à la demande du
Président, du FSB ou de qui que ce soit”.
Quelles sont les motivations de la rébellion désormais ouverte de Prigojine contre Poutine ?
Le moment choisi par Prigogine est à première vue étonnant Il met en difficulté le commandant en chef et son pays au moment précisément où l’échec de la
contre-offensive ukrainienne apparaissait clairement.
Le première explication qui vient à l’esprit, c’est bien entendu .le refus du chef de Wagner de passer complètement sous le commandement de l’armée russe, comme le
lui demande le Ministère de la Défense. On aurait la réaction désespérée d’un homme qui perdrait le contrôle sur sa compagnie paramilitaire. On se demande cependant pourquoi cet homme, qui
connaît Poutine depuis les années 1990 à Saint Pétersbourg, n’est pas allé négocier avec son mentor.
Un point est assez frappant dans les déclarations de Prigogine hier: il a développé une argumentation qui reprend mot pour mot l’argumentaire occidental concernant
la guerre en Ukraine: il a par exemple nié les tirs de l’armée ukrainienne sur des civils du Donbass depuis 2014; ou bien il a expliqué que la contre-offensive ukrainienne était en train de
réussir par endroits parce que l’armée russe était mal commandée.
On ne peut pas exclure, donc une deuxième explication: Prigogine aurait été, d’une manière ou d’une autre, retourné par des agents occidentaux. Mais de quelle
manière? L’homme professe des convictions patriotiques. Même s’il a immédiatement reçu le soutien de quelques adversaires “libéraux” de Poutine, il iniste sur le fait qu’il pense que l’armée n’en
fait pas assez, pas assez vite.
Alors quelle autre explication? Si ce n’est pas un retournement idéologique, un retournement par la corruption?
Les Américains auraient-ils acheté Prigogine ?
Il est certain que l’idée circule, indirectement, en Russie. Je rapporte ce post mis en ligne il y a quelques jours par Slavyangrad sur
sa chaîne Telegram:
“Hier,
j’ai eu une conversation intéressante avec un officier de combat de haut rang, l’un de ceux qui dirigent les actions de nos troupes à Zaporozhye.(…)
L’élément déclencheur de la discussion extraite ci-dessous est la question qui a été posée aujourd’hui à l’antenne de Channel 1 [la télévision russe] : pourquoi l’ennemi poursuit-il si
stupidement la même direction, sans se soucier des pertes. Et voici l’opinion qui a été exprimée (je répète l’opinion d’un officier militaire de la ligne de front) :
La principale réussite des Américains dans l’histoire moderne est la guerre du Golfe. C’est pour eux l’opération de référence, l’apogée de leur science stratégique militaire. Et dans cette
campagne [en Ukraine], les meilleurs officiers d’état-major qui ont commencé [leur carrière] dans cette campagne sont ceux qui planifient et dirigent les actions des Ukrainiens. D’où toutes ces
méthodes tactiques [que nous voyons] – tout d’abord, les charges de “cavalerie”.
C’est-à-dire lorsque l’infanterie est projetée sur les lignes de front à bord de véhicules blindés rapides et que les unités avancées sont soutenues par toute la puissance disponible – en premier
lieu l’aviation, ainsi que l’artillerie et d’autres unités. C’est d’ailleurs l’une des forces de notre ennemi : une très bonne coopération sur le champ de bataille entre les différentes
unités.
Pas super, bien sûr, on a vu mieux, mais quand même.
Mais toutes ces tactiques s’effondrent dès qu’elles se heurtent à une défense et à des contre-mesures compétentes – défense aérienne, aviation et artillerie.
Les États-Unis n’ont jamais été confrontés à une telle situation dans l’histoire récente, après la Seconde Guerre mondiale, car toute leur tactique reposait sur une nette supériorité par rapport
à l’ennemi dans toutes ses composantes. Si ce n’est pas le cas, c’est toute leur stratégie qui s’effondre.
Mais en fin de compte, mon interlocuteur, qui, je le répète, est un officier de combat portant de lourdes épaulettes, pense que l’élément principal du fiasco actuel
de l’ennemi est autre chose.
Dans le Golfe, l’armée de Saddam pouvait opposer une résistance convenable, même dans l’état d’affaiblissement où elle se trouvait. Le véritable succès des Américains réside dans le fait qu’ils
ont tout simplement acheté [soudoyé] un certain nombre de chefs militaires irakiens. C’est peut-être une révélation pour certains, mais c’est pour les généraux que les soldats se battent. Et une
fois que ces généraux ont trahi leur pays, la bataille est perdue.(…)
Mais revenons à l’Ukraine. Avant le début du conflit actuel, cinq ou six ans avant notre confrontation directe, les États-Unis et leurs alliés ont essayé de faire la même chose [acheter nos
généraux]. Ils ont essayé très fort. Mais la seule chose qu’ils n’ont pas prise en compte, c’est qu’ils avaient affaire à des généraux russes. Nous avons eu beau gronder et humilier nos généraux
dans nos blogs, aucun d’entre eux n’a jamais [pris les trente pièces d’argent] et ils sont restés fidèles à la patrie.
C’est là que je me suis souvenu du général Rokhlin, assis dans sa veste de service dans le sous-sol de l’usine de pain de Grozny, ressemblant davantage à un vieil homme du village, et qui m’a
répété une phrase à plusieurs reprises : “Un officier soviétique reste fidèle à son serment, même lorsque la patrie se détourne de lui. C’est là que les Américains se sont fait
griller.
Ils
ont essayé de nous montrer leur style d’attaque de référence, caractéristique de la guerre du Golfe, et n’ont rien obtenu. Et ils n’ont pas d’autres options“.
On ne peut pas écarter l’hypothèse que l’option ait malgré tout marché avec l’homme d’affaires Prigogine. Les Etats-Unis ont-il décidé de jouer, à un moment où la
guerre apparaît gagnable pour la Russie, une manoeuvre bien différente de la “contre-offensive” ukrainienne mais jugée plus efficace?
Que ce soit l’explication ou non, il reste à savoir jusqu’où ira la rébellion lancée par le chef de Wagner. Quelle est l’autorité réelle de Vladimir Poutine sur
l’appareil d’Etat ? Nous le saurons dans les heures qui viennent. Nous tiendrons informés nos lecteurs tout au long de la crise.