Vous trouverez toujours quelqu’un pour ridiculiser une théorie élaborée en la comparant à «une partie
d’échecs en 3D», comme si personne n’était capable de jouer aux échecs en 3D. Or, il est divertissant de constater que Vladimir Poutine mène depuis 2008 une partie d’échecs en 3D
pour mettre un terme au mondialisme, l’idéologie maitresse pour dominer la planète d’une toute petite élite internationale composée des banques internationales, grands fonds
d’investissements et leurs multinationales. Il ne sert à strictement rien d’observer le monde à travers une loupe politique, puisque le FMI, la BRI, la Banque mondiale, la FED,
BlackRock et Vanguard mènent le monde à travers leur contrôle sur les pétrolières, multinationales, pharmaceutiques, médias, ONG et leur porte-parole visible qu’est le Forum
économique mondial de Davos. La CIA et l’OTAN n’écoutent pas les présidents et Premiers ministres, ils sont tous à la solde de cette clique mondialiste dont les terminaisons
américaines sont le Council on foreign relation et la Commission Trilatérale. Biden, Macron, Trudeau et Scholz sont de simples exécutants, de vulgaires pions sur l’échiquier.
Ainsi, la lutte à mort actuelle entre deux idéologies est strictement économique. Ce n’est pas celle des USA contre la Russie ou la Chine, mais celle
des Mondialistes vs les Nationalistes. Le New World
Order, qui contrôlait depuis 1944 la civilisation mondiale, est aujourd’hui menacé par ceux qui veulent qu’on respecte la souveraineté et l’indépendance des nations, un mouvement
amorcé par un seul homme, Vladimir Poutine. Car voilà, les politiciens nationalistes ne se contentent pas d’être des pions, mais utilisent réellement le pouvoir dont on les a
investis. Heureusement, Poutine n’est plus seul, parce qu’il a mené d’une main de maitre sa partie d’échecs en 3D, qui arrive à terme.
Avant de continuer, je justifie immédiatement l’utilisation de l’expression anglaise New World
Order, plutôt que la francisée Nouvel Ordre Mondial. D’abord c’est un concept anglo-saxon, pas français. Ensuite, c’est une erreur importante de traduction : le New World
Order date de 1944 et coïncide avec la conférence de Bretton-Woods ayant imposé le dollar américain comme monnaie de réserve internationale, suite à la seconde guerre mondiale. Comme
essentiellement, le monde transitait de l’empire britannique à l’empire américain, ce qu’on devrait appeler l’Ordre Mondial du
Nouveau Monde fut imposé en 1944, et est aujourd’hui menacé par une partie de la planète qui se rebelle.
Pour comprendre l’état du monde en cet automne 2023, on doit posséder une boite à outils complète : clouer une vis avec un marteau n’a jamais rien
donné de bon, et en ce moment, la plupart des journalistes et analystes, indépendants tout comme mainstreams, tentent de percer des trous avec un rabot, parce que la plupart ignorent
quelques préceptes de base, à la source de TOUTE la géopolitique mondiale actuelle. L’importance primordiale de l’analyse économique sur sa déclinaison politique en est un, et en
voici un autre encore plus important.
Un talon d’Achille
Entre 1999 et 2008, Vladimir Poutine a tout essayé pour intégrer la Russie à la communauté internationale, à la seule condition que la souveraineté de
la Russie y soit respectée. Le 10 mars 2007, suite à l’annonce du président américain Bush jr que l’Ukraine et la Géorgie devenaient candidats pour l’OTAN, Poutine lance un premier
avertissement à l’organisation qui doit cesser ses provocations par son expansion illégitime, puisqu’une promesse avait été faite en 1990 à Gorbatchev que l’OTAN ne s’étendrait pas
vers l’est, ce qu’elle n’a jamais cessé de faire depuis jusqu’aux frontières de la Russie. Avec la guerre de Géorgie en 2008, Poutine comprend enfin que jamais la clique mondialiste
ne laissera la Russie se gérer comme elle l’entend. Il n’avait que deux options : laisser tomber le peuple russe et livrer son pays aux banques, ou alors, détruire le
mondialisme. Chose plus facile à dire qu’à faire, puisque la clique contrôle la création monétaire et l’économie mondiale, et par extension, la plupart des armées du monde.
J’ai l’impression que Poutine a identifié assez tôt dans sa croisade que le talon d’Achille de l’empire des Banques était le secteur du pétrole. Pas les
autres énergies, juste le pétrole. Il y a longtemps que l’Occident craint de perdre le contrôle du marché de l’or noir qu’il tenait jadis au creux de la main par les menaces
militaires aux pays producteurs. Au début des années ’70, Libye, Syrie, puis un peu plus tard l’Iran, sont sortis de ce contrôle, ce qui activa le Plan B du «réchauffement climatique
causé par le CO2» (produit de la combustion du pétrole), et la soudaine importance d’envisager un jour une transition énergétique vers d’autres sources énergétiques pour sauver la
planète du brasier imaginaire. Malheureusement pour la clique qui en rêvait au début du Plan B, ils n’ont jamais trouvé une énergie capable de remplacer le pétrole pour les cargos de
marchandises, les avions, l’agriculture et les armées. Et ce n’est pas faute d’avoir cherché une alternative, mais à ce jour, le pétrole reste la seule énergie pour faire fonctionner
l’économie mondiale, basée sur les transports des biens. Et puis il y a le double problème du pétrodollar : comment justifier la valeur d’une monnaie sur une énergie hors de son
contrôle ? Le dollar sans le pétrole, ni l’or abandonné en 1971, est une monnaie de singe. Ah mais, le Canada et les USA sont en haut de la liste des producteurs mondiaux ?
Absolument, mais leurs exploitations compliquées sont trop couteuses, elle perd même de l’argent aux États-Unis, où il est plus avantageux d’acheter du pétrole que de le produire. Et
ils ne peuvent plus réguler les prix pour rentabiliser leur production. Or, qui contrôle le pétrole contrôle le monde. Soit, tu vends la seule énergie qui fait fonctionner l’économie,
soit tu en es un client.
Dans un contexte de cette production Nord-Américaine onéreuse, et de réserves décroissantes aux USA, le château de cartes mondialiste tremble donc sur
cette énergie évanescente. Et c’est ici qu’opère la magie du maestro des échecs en 3D, qui se mit en tête de saigner à blanc le mondialisme en lui retirant son sang, le pétrole. Pour
y arriver, il lance en 2008 une refonte complète de l’appareil militaire russe qu’il doit rendre quasi-invincible. Au fil de la décennie suivante, la Russie se met à inventer les
meilleurs systèmes défensifs que sont les S-400 et Pantsir ; les meilleurs brouilleurs électroniques tel que le Mourmansk-BN ; une panoplie de missiles offensifs hypersoniques
inarrêtables, dont les Kinjals et Zircons ; les meilleurs avions et bombardiers de la gamme Soukhoïs ; enfin, les cauchemars nucléaires dissuasifs Sarmat, Avangard et Poséidon qui
exposent les flancs de l’Occident sans aucune défense possible. Outre les sous-marins, Poutine n’a pas perdu son temps à fignoler la marine, fleuron et seul avantage notable de
l’Occident, car en cette époque de missiles hypersoniques, les porte-avions sont désormais des canards flottants en attente de couler.
En couplant ce réarmement d’une refonte de l’armée russe, étatisant au passage la production des armes pour contrer les coûts prohibitifs qui viennent
avec le secteur privé comme celui qui draine les économies occidentales, puis en créant la société privée Wagner, il a bel et bien créé une machine militaire invincible, et souple.
D’où son attaque en 3D, bouffant les pions sur trois étages, en permettant aux producteurs de pétrole de gagner leur indépendance, avec la promesse de protéger leurs arrières par la
désintégration du contrôle des mondialistes sur ce marché crucial.
Les globalistes
attaqués
Les banques internationales ont vu venir le coup et ont tenté de prendre Poutine de vitesse, en lançant dès 2011 le Printemps Arabe dans 9 pays
stratégiques, dont la Syrie, l’obstacle principal bloquant le vieux plan d’élargissement d’Israël (The plan for
Greater Israel, publié en 1982), soit une métaphore pour la prise de contrôle de presque tout le pétrole de la péninsule arabique par Israël, le mandataire du New World Order au
Moyen-Orient. En 2011, la Russie n’était pas encore militairement prête pour intervenir, et Poutine observa avec horreur le sort réservé à Kadhafi, grand nationaliste qui avait
préservé la Libye du chaos occidental pendant quatre décennies.
La Russie n’était toujours pas prête en 2014 et il a regardé la CIA faire la révolution en Ukraine et commettre de nouvelles atrocités, dont un massacre
à Odessa, les bombardements sur la population du Donbass, et le souffle chaud de l’OTAN qui se rapprochait. Dès l’année suivante, même si la Russie n’avait pas encore complété son
nouvel arsenal, Poutine a compris qu’il fallait risquer de perdre sa reine pour empêcher Bashar el-Assad de tomber en Syrie, et le 29 septembre 2015, il s’attaque enfin aux faux
terroristes/vrais mercenaires occidentaux que sont ISIS et al-Qaida, mandatés pour mettre la Syrie au diapason occidental. Cette aide déterminante à l’armée syrienne fut un premier
coup de pied direct du leader russe sur le New World Order. En empêchant les mondialistes d’écraser la Syrie, Poutine les a empêchés de rassembler tous les derricks d’Irak, Syrie,
Koweit et en partie, ceux de l’Arabie saoudite et de l’Égypte, ou en d’autres mots, le contrôle assuré du marché du pétrole. Pour l’Occident, Poutine est devenu l’ennemi juré
n°1.
En février 2022, la Russie était enfin prête. S-400, Kinjals, Zircons, brouillage électronique, artillerie, drones, dernière génération de Soukhoï,
Sarmat et Avangard, tout y était. En entrant en Ukraine, Poutine savait qu’il affronterait l’OTAN au complet, qui y investirait argent, équipements et hommes, pour se rendre à
l’évidence que face à la nouvelle armée russe, rien de l’onéreux arsenal de l’OTAN ne tient la route. La seule chose que son équipement militaire fait mieux que l’équipement russe,
c’est de bruler. Pour les Ukrainiens conscrits qui ne se réclament pas de Stepan Bandera, la débâcle est une indicible tragédie, mais si Poutine avait laissé faire, ce serait une
apocalypse qui embraserait bien au-delà de l’Ukraine.
Sabordage
économique
Pour les mondialistes, la plandémie de coronavirus fut un prélude nécessaire pour terroriser les peuples et s’assurer de leur obéissance pour quand
viendrait le pénible changement d’une démocratie vers le totalitarisme austère prévu au programme du Forum économique. Avec l’abandon d’une partie du pétrole, l’Occident déclenchait
du même coup l’autodestruction de ses économies. De plus, l’élimination des petits commerces en faillite favorise à la fois les affaires des multinationales et libère l’espace
nécessaire pour la construction de villes 15 minutes, d’autres objectifs des ploutocrates. Toutes les absurdités scientifiques actuelles, que ce soit le réchauffement climatique
anthropique, la propagande du véganisme, le plastique dans les océans, la transition aux éoliennes et autres thèmes saugrenus, sont reliés au simple fait que l’occident est devenu
client du pétrole, dont elle ne contrôle plus le prix, ni l’approvisionnement. Comme leurs médias perdent massivement le contrôle sur la pensée du peuple, ils n’ont d’autre choix que
de sombrer dans le totalitarisme via l’identité numérique et le crédit social, s’ils veulent éviter de se faire lyncher sur la place publique pour 3 ans d’assauts continus contre la
population.
Le surendettement massif des nations au nom du soutien pour un virus imaginaire était aussi voulu, pour justifier une relance par le Grand Reset (ou
Grande Réinitialisation) des monnaies, incluant l’annulation des dettes nationales en échange de l’abandon de la propriété privée et la création d’une seule monnaie commune crypto,
sans papier imprimé, les CBDC. Dans la situation actuelle, cette monnaie n’aurait aucune valeur, car une partie trop importante de la planète ne veut pas de cette réinitialisation de
quelques pays ayant volontairement creusé leur tombe et qui n’ont rien pour insuffler une valeur à cette monnaie, même pas la confiance.
La botte secrète de
Vlad
Le problème pour l’Occident est que pour fonctionner, le Grand Reset doit être global, et encore une fois, Poutine a paré l’attaque en créant un système
économique parallèle au SWIFT, avec l’aide de la Chine et de l’Inde. Plusieurs facettes de ce système économique russo-chinois sont devenues des noms familiers : Coopération de
Shanghai, nouvelle route de la soie, les BRICS. Ils travaillent tous dans le même sens, réglant leurs importations avec les monnaies nationales, dans un élan commun de
dédollarisation. Le système SWIFT commence sa dérive, plus personne ne veut traiter avec les menteurs occidentaux qui saisissent et sanctionnent au gré des humeurs, et comme la Russie
est maintenant la plus forte, les pays n’ont plus peur de sauter la clôture du nationalisme, en devenant des transfuges du mondialisme.
Du côté des producteurs de pétrole, Iran, Venezuela, Algérie et Qatar sont déjà à l’abri, et est venu en 2023 un coup fumant sur l’échiquier, quand
l’Arabie saoudite et les Émirats arabes unis se sont mis en tête d’adhérer aux BRICS. L’Occident a perdu ses deux tours. Il ne reste pratiquement qu’à évacuer les USA de Syrie, d’Irak
et de Libye pour que Poutine termine de rallier tous les producteurs importants.
Le bulldozer multipolaire travaille sur plusieurs plans : après que Russie, Inde et Chine aient tous boudé la COP-21 de Glasgow en 2021, il devient
de plus en plus difficile pour l’Occident de maintenir son narratif réchauffiste, alors qu’une partie du monde ne fait plus semblant de sauver la planète. Si vous doutez de
l’implication de la Chine, sachez que Xi vient officiellement d’abandonner les Accords de Paris sur le climat (juillet 2023), handicapant l’histoire officielle du réchauffement de la
planète par le CO2, ce carbone instrumentalisé pour démolir la vie des gens qu’on veut plonger dans un totalitarisme orwellien. Les pays du BRICS ont choisi de continuer à développer
leurs économies avec la seule ressource disponible pour les transports, le pétrole. Leur motivation est loin du mondialisme imposé par l’impérialisme militaire, mais cherche la
prospérité engendrée par la coopération. Les BRICS ont choisi la réalité et l’humanité.
L’Afrique se
soulève
Le tsunami de nationalisme engendré par la dextérité géopolitique de Poutine est en cours et gonfle comme voile au vent. Le cas tout récent du
renversement de la marionnette occidentale au Niger, au moment exact où se tenait le sommet Russie-Afrique, est symptomatique des temps : la Russie est en train de rallier trois
continents presque entiers à sa cause. En voyant l’Asie, l’Afrique et l’Amérique du sud lui filer entre ses doigts, annonçant la fin-finale de la colonisation, la clique mondialiste
perd après le pétrole le restant des ressources qu’elle pillait chez autrui. Les anciennes colonies ne craignent plus les dettes du FMI, parce qu’il y a maintenant une porte de sortie
et qu’elles se savent protégés. Si vous doutez encore de la peur que provoque l’arsenal militaire et nucléaire russe aux mondialistes, consultez vite la liste d’une trentaine de pays
ayant déjà signifié leur intérêt pour joindre le nouveau système économique russo-chinois.
Tout au long de sa partie en 3D, Poutine a fait les bons choix. Désormais, les gouvernements occidentaux sont placés devant un mur, et pour l’abattre,
ils n’ont d’autre choix que d’abandonner l’idéologie mondialiste et le système économique érigé en tyrannie mondiale par les banques internationales et autres ploutocrates, pour
monter dans le train multipolaire économique des nationalistes, où autonomie et souveraineté seront respectés. Ils doivent sacrifier reine et roi pour survivre. L’alternative est de
risquer la révolution des peuples en les enfonçant dans un marasme social et un trou économique dont les banques ne se sortiraient jamais. Mais que faire des dettes ? On n’a qu’à
couper le fil avec les banques, qui seront emportées par le poids des dettes qu’elles ont provoquées, et faire ce qui est à la mode du côté de la multipolarité, c’est-à-dire opter
pour des monnaies nationales.
L’empire du mensonge n’a plus de plan B ni C, ni D. L’Occident est isolé, son armée est nue, ses missiles désuets, ses médias en disgrâce et ils perdent
la main sur toutes les ressources qui abreuvent sa richesse factice. Sous des pressions internes qui ne veulent plus d’un plan de destruction économique sans résolution possible au
bout, les gouvernements mondialistes des Young
leaders du FEM tombent ; Ardern en Nouvelle-Zélande, Sanchez en Espagne, Rutte au Pays-Bas et les autres suivront. Et on devra les remplacer par de vrais nationalistes, pas
des mondialistes déguisés à la Giorgia Melloni. Si Trump pouvait déloger les Démocrates en 2024, ce serait le clou final sur le mondialisme, entrainant son wokisme, son
réchauffement imaginaire et son lent génocide médical des peuples dans la poubelle de l’histoire.
Désormais, vous pouvez prendre avec un grain de sel les multiples analyses géopolitiques qui distinguent les intérêts politiques des USA de ceux de
l’UE, ou qui disent que «Biden défend à
Zelensky de négocier» ; ce sont des attributs de la même ploutocratie, qui elle-même veut sacrifier l’Europe pour renflouer sa reine, américaine. Et puis, tout ce qui ne tient
pas compte dans son cadre analytique de ce que Poutine a accompli via le pétrole est de la bouillie pour les chats. Et le plus tragique est que même si ça devient aussi évident que
les yeux dans le visage, à peu près personne n’a encore compris. C’est le précepte de base à tout ce qui se passe aujourd’hui en 2023, et c’est pourquoi Bobby Fisher a décidé de ne
pas jouer la partie de retour. Poutine a une avance militaire insurmontable et il n’attendra certainement pas que le complexe industriel militaire américain le rattrape : cette
fois, il n’arrêtera pas tant que l’Occident ne couche son roi. Si ça ne vient pas après l’Ukraine, il continuera, et à quelques coups de l’échec et mat, il serait bien fou
d’abandonner sa croisade.
RIA a publié un article intitulé «Les États veulent
ouvrir un front nord contre la Russie». L’auteur note :
«Il serait stupide
d’espérer qu’après avoir joué et abandonné l’Ukraine, les élites américaines cessent de faire pression sur la Russie. Objectivement, cette pression est leur seul espoir de retarder encore
un peu leur fin. Le prochain point chaud où les Américains comptent mettre les pieds se situe dans une région très froide, l’Arctique, notre région subpolaire. De nouveaux brise-glaces
sont déjà en construction, des exercices de l’OTAN sont régulièrement organisés dans la zone subpolaire et des porte-avions américains sillonnent les mers du Nord. La Norvège, la Suède et
la Finlande – le flanc nord de l’alliance – reçoivent un entraînement intensif pour affronter la Russie. «L’OTAN devrait renforcer sa présence dans l’Arctique», déclare Jens Stoltenberg.
Le Washington Post, porte-parole de l’armée américaine, a récemment rapporté que l’Arctique est en train de devenir une zone du Grand Jeu, c’est-à-dire de la confrontation stratégique
entre les Anglo-Saxons et la Russie».
L’article est bon dans l’ensemble puisqu’il donne le contexte de la question de la route maritime arctique et d’une sorte de panique qui s’installe parmi
les pays arctiques d’Europe, au point qu’ils essaient de convaincre Washington (bonne chance avec ça, LOL) que les choses ne
vont pas si mal :
«Le flanc nord de
l’Europe est plus stable que vous ne le pensez. L’OTAN, la Russie et la Chine sont-elles sur le point de jouer un nouveau grand jeu dans l’Arctique ? Ne retenez pas votre
souffle».
Il est évident que la situation est stable puisque la Russie n’a aucun intérêt à traiter avec la Scandinavie, comme les Finlandais sont en train de
l’apprendre à leurs dépens. Mais la Russie est prête à défendre ses possessions arctiques. Pour cela, elle dispose déjà des outils nécessaires, alors que
l’OTAN n’en a pas. Il ne s’agit pas seulement des brise-glaces, pour lesquels la Russie joue dans la cour des grands, notamment en ce qui concerne les brise-glaces
nucléaires.
Voici le Ivan Papanin du Projet 23550 en train de s’équiper :
Voici le Purga, de la Garde côtière russe, en train de se préparer :
Et voici à quoi ils ressembleront une fois terminés, avec ces jolis Kalibrs 3M54 et 3M14 installés sur eux.
Ceux-ci sont des brise-glace tout à fait respectables, d’un déplacement standard de près de 7000 tonnes, qui font passer le brise-glace de patrouille
norvégien Svalbard, équipé d’un canon de 57 mm, pour un navire de plaisance.
Et tout cela ne concerne que les brise-glaces de combat, le reste : Les forces de surface et sous-marines de la flotte du Nord et l’énorme composante
aérienne de combat, de défense aérienne et côtière – il n’est même pas équitable de comparer, notamment, les capacités combinées des États-Unis et du Canada. Rappelons que la flotte russe
du Nord n’est plus JUSTE la flotte, mais un district militaire à part entière. Si l’on tient compte du fait que les SSN de la marine américaine ont de sérieux
problèmes de préparation, alors que la Russie développe sa composante sous-marine dans l’Arctique, il devient évident que toute tentative de défier la Russie dans l’Arctique
est vouée à se heurter à des problèmes dès le départ. Il n’y a tout simplement pas assez d’outils pour cela. C’est aussi simple que cela. Après tout, on ne chasse pas l’ours avec
un couteau de cuisine.
La Russie et l’Arabie saoudite ont fait le même jour des déclarations simultanées au sujet de nouvelles restrictions de l’approvisionnement en pétrole sur le marché mondial. C’est de cette
façon qu’ils entendent résister aux actions menées par les États-Unis et l’UE pour tirer les prix du pétrole vers le bas. Moscou, en plus de diminuer sa production, entend également réduire
les exportations d’un demi-million de barils supplémentaires. Comment et de quelle manière cela aidera-t-il le budget russe ?
Cet article publié en russe par le site vz.ru n’engage pas la ligne
éditoriale du Courrier.
L’Arabie saoudite a annoncé qu’elle prolongeait d’un mois la réduction volontaire – décidée en juillet – de la production de pétrole de 1 million de barils par
jour, soit jusqu’en août. Par conséquent, la production du royaume en août sera d’environ 9 millions de barils par jour. Pour sa part, la Russie a déclaré qu’elle diminuerait volontairement
ses exportations de pétrole de 500.000 bpj en août, en plus de la réduction de sa production de pétrole de 500.000 bpj, prévue de mars jusqu’à la fin de l’année (ce qui a été mis en place en
avril).
Ces mesures ont été prises pour assurer l’équilibre du marché pétrolier, a déclaré le vice-premier ministre russe Alexander Novak. Igor Iouchkov – expert à
l’Université financière du gouvernement de la Fédération de Russie et au Fonds national de sécurité énergétique – commente ainsi cette décision : «Si
depuis mars, il s’agissait de réduire la production de 500.000 barils, Novak a annoncé une réduction non pas de la production, mais des exportations de pétrole. Par conséquent, cela ne
signifie pas une nouvelle réduction de la production ».
Deux scénarios possibles
L’expert voit deux scénarios possibles sur la manière dont la Russie peut réduire ses exportations de 500.000 barils sans réduire sa production du même
montant.
La première option : la Russie peut augmenter le raffinage du pétrole et fournir davantage de produits pétroliers finis, principalement du diesel et du mazout, au
marché mondial.
Scénario 2 : Au lieu d’exporter, la Russie stockera le pétrole produit ou les produits pétroliers qui en sont dérivés dans des installations de stockage
temporaires. Iouchkov note que « nous
n’avons pas de grandes installations de stockage de pétrole. Mais la Russie possède des réservoirs technologiques le long des oléoducs, dans les raffineries et dans les ports ».
Dans les deux scénarios, avec une réduction des exportations de pétrole, la production restera à peu près au même niveau qu’aujourd’hui.
La préservation de la production est importante pour les recettes budgétaires
L’expert apporte les précisions suivantes : « Si,
parallèlement à la réduction des exportations de pétrole brut, la Russie réduit effectivement la production, alors le budget en souffrira. Parce que les compagnies pétrolières paieront moins
d’impôts et de droits d’exportation au budget. Mais si la situation évolue selon le premier scénario, seules les exportations de pétrole brut seront réduites, alors que les exportations de
produits pétroliers, elles, seront en augmentation ; et par conséquent, le budget n’en souffrira pas. Parce que dans tous les cas, les entreprises paieront la taxe d’extraction minière
plus les droits d’exportation sur un plus grand volume de produits pétroliers ».
Si la production de pétrole ne baisse pas et que le « surplus » reste en Russie et est entreposé dans des installations de stockage, le budget perdra des
recettes du fait de la baisse des droits d’exportation. Cependant, à l’avenir, le budget peut recevoir beaucoup d’argent, ce que Iouchkov explique : « si
vous stockez du pétrole ou des produits pétroliers dans des installations de stockage domestiques jusqu’à l’automne, en prévision d’une hausse des prix, attendez cette hausse des prix et vendez
ensuite les volumes accumulés sur le marché mondial. Le budget recevra ensuite plus de revenus sous la forme de droits d’exportation ».
Entre décisions monétaires des États-Unis et de l’UE, et volume de production par la Russie et l’Arabie Saoudite
Si la Russie et l’Arabie saoudite ont clairement convenu de leurs restrictions et déclarations le même jour, c’est parce que leur principal objectif est de
maintenir au moins les prix au-dessus de 75 dollars le baril. « La
logique de la déclaration de Novak sur la réduction des exportations est qu’elle sera perçue comme s’il s’agissait d’une réduction de la production. Je pense qu’il s’agit d’une tentative
d’influencer verbalement les acteurs boursiers du marché pétrolier, peu attentifs au marché des produits pétroliers. Novak crée la perspective de pénuries de pétrole pour empêcher les prix
de baisser davantage. Dans le même temps, au total, la Russie peut continuer à exporter autant qu’avant. C’est juste que l’exportation de produits pétroliers augmentera avec une
diminution de l’exportation de pétrole brut », déclare Iouchkov.
Quant à l’Arabie saoudite, elle a d’abord annoncé une réduction de production de 1 million de barils par jour au cours du seul mois de juillet. L’expert
commente ainsi ce choix : « Je
crois que le calcul était que c’était en juillet qu’il y aurait un pic de baisse de la consommation sur fond de difficultés des économies de l’Union européenne et des États-Unis. Il fallait donc
éliminer l’offre excédentaire. Mais à partir d’août, ils espèrent une reprise de la demande. Cependant, tout le monde voit que les problèmes des économies des pays occidentaux
s’éternisent. La BCE peut augmenter ses taux plus d’une fois. Et même la Réserve fédérale américaine, au lieu de la baisse de taux attendue au second semestre, pourrait au contraire la
relever ».
L’expert poursuit son argumentation :
« Si les États-Unis augmentent le taux, cela frappera immédiatement les prix du pétrole, qui chuteront. Parce que plus le taux de la Fed est élevé, moins d’argent est échangé. Cela
signifie que la demande de marchandises chute, puis leur prix. Et le pétrole est une marchandise. Il n’est pas conseillé de mettre 1 million de barils de pétrole sur le marché en août,
sinon le prix du pétrole chutera définitivement. Par conséquent, les Saoudiens ont prolongé les réductions de production. Et la Russie a accepté de partager le fardeau en réduisant ses
exportations ».
Autrement dit, d’une part, les régulateurs américains et européens font baisser le prix du pétrole avec des décisions monétaires. D’autre part, la Russie et
l’Arabie saoudite contrecarrent cela en influençant un facteur fondamental : une diminution de l’offre de pétrole sur le marché.
Attendre l’évolution de la situation fin août
Concernant la décision de prolonger ou pas la réduction de l’offre de pétrole après août, elle sera prise en fonction de ce qui se passe dans l’économie
mondiale. Si la croissance continue de baisser, tout comme le prix du pétrole, alors Riyad et Moscou devraient prolonger leurs restrictions à l’automne. Si le pétrole monte et se consolide
au-dessus de 75 dollars le baril, ce sera un signal que l’économie mondiale se redresse, ce qui signifie que la demande augmente et qu’il est possible d’augmenter l’offre de pétrole sur le
marché, estime l’expert.
La Russie, en plus de maintenir les prix du pétrole en dessous de 70 à 75 dollars le baril, pourrait recevoir des bonus supplémentaires de ces
restrictions. Premièrement, les compagnies pétrolières doivent désormais vendre du pétrole avec une décote assez importante au Brent – près de 20 dollars. Il s’agit des données du
ministère des Finances pour le mois de juin. La réduction des exportations peut être un signal pour les acheteurs de réduire le rabais. Il sera plus rentable pour la Russie de vendre
moins de pétrole à un prix plus élevé. « Il
serait utile de signaler aux acheteurs de notre pétrole que nous pouvons manœuvrer les flux d’exportation : si vous nous prenez du pétrole avec une forte remise, nous vous fournirons davantage de
produits pétroliers finis. Et nous limiterons l’approvisionnement en pétrole afin de rendre cette denrée un peu rare. Par conséquent, la remise sur le pétrole devrait être
réduite », déclare Iouchkov. Rappelons que la Russie a deux principaux acheteurs de pétrole brut – l’Inde et la Chine. L’Inde représente 2,2 millions de barils, soit la moitié de toutes
les exportations de pétrole de la Russie !
Vendre plus de produits pétroliers et moins de pétrole brut
Deuxièmement, il est avantageux pour les entreprises russes de réaliser une telle opération. Car elles pourront gagner plus sur l’exportation de produits
pétroliers. La remise des produits pétroliers par rapport aux produits pétroliers d’autres fabricants a toujours été inférieure à celle du pétrole en termes de pourcentage. De plus, les
produits pétroliers sont désormais demandés sur le marché mondial. Iouchkov précise que « de
nombreux pays, principalement dans l’UE, acceptent une réduction de leur propre production de produits pétroliers, car de nombreuses raffineries européennes sont en sous-charge. L’UE est
désormais contrainte d’importer davantage de produits pétroliers finis, y compris d’Inde. Peu à peu, les Européens ont commencé à percevoir cela comme une nouvelle normalité. Par
conséquent, la demande de produits pétroliers sur le marché mondial augmente ».
La plupart des produits pétroliers russes sont acheminés vers la Turquie, l’Inde, la Chine et Singapour (hub de transbordement). À Singapour, les produits
pétroliers russes sont très probablement revendus sur les marchés asiatiques. Mais dans l’UE, le pétrole russe et les produits pétroliers mélangés à des hydrocarbures d’autres pays entrent
très probablement par la Turquie. Est-ce légal ou non, c’est la grande question. En général, la Turquie achète beaucoup à la Russie pour elle-même et peut envoyer ses propres volumes de
produits pétroliers vers l’UE.
Comment la Russie va contourner la guerre économique de l’Occident
Les États-Unis et l’Union européenne vont trop
loin dans leurs sanctions contre la Russie. Le résultat final pourrait être la dédollarisation de l’économie mondiale et des pénuries massives de matières premières dans le monde
entier.
Ainsi, une congrégation de hauts gradés de l’OTAN, installés dans leurs chambres d’écho, ciblent la banque centrale russe avec des sanctions et s’attendent à quoi ?
Des biscuits ?
Au lieu de cela, les forces de dissuasion russes sont passées à un « régime spécial de service », ce qui signifie que les flottes du Nord et du Pacifique,
le commandement de l’aviation à long rayon d’action, les bombardiers stratégiques et l’ensemble de l’appareil nucléaire russe sont en alerte maximale.
Un général du Pentagone a très vite fait le calcul de base et, quelques minutes plus tard, une délégation ukrainienne a été envoyée pour mener des négociations avec
la Russie dans un lieu tenu secret à Gomel, en Biélorussie.
Pendant ce temps, dans les royaumes vassaux, le gouvernement allemand était occupé à « fixer des limites aux bellicistes tels que Poutine » – une
entreprise assez cocasse si l’on considère que Berlin n’a jamais fixé de telles limites aux bellicistes occidentaux qui ont bombardé la Yougoslavie, envahi l’Irak ou détruit la Libye en totale
violation du droit international.
Tout en proclamant ouvertement leur désir de « stopper le développement de l’industrie russe », d’endommager son économie et de « ruiner la
Russie » – faisant écho aux édits américains sur l’Irak, l’Iran, la Syrie, la Libye, Cuba, le Venezuela et d’autres pays du Sud global – les Allemands ne pouvaient pas reconnaître un nouvel
impératif catégorique.
Ils ont finalement été libérés de leur complexe de culpabilité de la Seconde Guerre mondiale par nul autre que le président russe Vladimir Poutine. L’Allemagne est
enfin libre de soutenir et d’armer les néo-nazis au grand jour – aujourd’hui du type bataillon ukrainien Azov.
Pour comprendre comment ces sanctions de l’OTAN vont « ruiner la Russie », j’ai demandé l’analyse succincte de l’un des esprits économiques les plus
compétents de la planète, Michael Hudson, auteur, entre autres, d’une édition révisée de l’incontournable « Super-Impérialisme
: La stratégie économique de l’empire américain ».
Hudson a fait remarquer qu’il est « tout simplement abasourdi par
l’escalade quasi atomique des États-Unis ». En ce qui concerne la confiscation des réserves étrangères russes et la coupure de SWIFT, le point principal est « qu’il faudra un certain temps
à la Russie pour mettre en place un nouveau système, avec la Chine. Le résultat mettra définitivement fin à la dollarisation, car les pays menacés par la “démocratie” ou affichant leur
indépendance diplomatique auront peur d’utiliser les banques américaines ».
Ceci, selon Hudson, nous amène à « la grande question : si
l’Europe et le bloc dollar peuvent acheter des matières premières russes – cobalt, palladium, etc, et si la Chine se joindra à la Russie dans un boycott des minéraux ».
Hudson est catégorique : « La Banque centrale de Russie
dispose bien sûr d’actifs bancaires étrangers afin d’intervenir sur les marchés des changes pour défendre sa monnaie contre les fluctuations. Le rouble a plongé. Il y aura de nouveaux taux de
change. Mais c’est à la Russie de décider si elle doit vendre son blé à l’Asie occidentale, qui en a besoin, ou arrêter de vendre du gaz à l’Europe via l’Ukraine, maintenant que les États-Unis
peuvent s’en emparer ».
À propos de l’introduction éventuelle d’un nouveau système de paiement Russie-Chine contournant SWIFT et combinant le SPFS (système de transfert de messages
financiers) russe et le CIPS (système de paiement interbancaire transfrontalier) chinois, Hudson ne doute pas que « le système Russie-Chine sera
mis en œuvre. Les pays du Sud chercheront à y adhérer et, en même temps, à conserver SWIFT – en transférant leurs réserves dans le nouveau système ».
Je vais me dédollariser
Ainsi, les États-Unis eux-mêmes, dans une autre bévue stratégique massive, vont accélérer la dédollarisation. Comme l’a déclaré Hong Hao, directeur général de Bocom
International, au Global Times, la
dédollarisation des échanges énergétiques entre l’Europe et la Russie « marquera le début de la
désintégration de l’hégémonie du dollar ».
C’est un refrain que l’administration américaine a entendu discrètement la semaine dernière de la part de certaines de ses propres plus grandes banques
multinationales, dont des notables comme JPMorgan et Citigroup.
« L’exclusion de la Russie du
système mondial critique – qui traite 42 millions de messages par jour et sert de lien vital à certaines des plus grandes institutions financières du monde – pourrait se retourner contre elle,
faire grimper l’inflation, rapprocher la Russie de la Chine et soustraire les transactions financières à l’examen de l’Occident. Cela pourrait également encourager le développement d’une
alternative SWIFT qui pourrait à terme porter atteinte à la suprématie du dollar américain ».
Ceux dont le QI est supérieur à 50 dans l’Union européenne ont dû comprendre que la Russie ne pouvait tout simplement pas être totalement exclue de SWIFT, mais
peut-être seulement quelques-unes de ses banques : après tout, les commerçants européens dépendent de l’énergie russe.
Du point de vue de Moscou, c’est un problème mineur. Un certain nombre de banques russes sont déjà connectées au système CIPS de la Chine. Par exemple, si quelqu’un
veut acheter du pétrole et du gaz russes avec le CIPS, le paiement doit être effectué dans la monnaie chinoise, le yuan. Le CIPS est indépendant de SWIFT.
En outre, Moscou a déjà relié son système de paiement SPFS non seulement à la Chine, mais aussi à l’Inde et aux pays membres de l’Union économique eurasiatique
(UEE). Le SPFS est déjà relié à environ 400 banques.
Avec un plus grand nombre d’entreprises russes utilisant le SPFS et le CIPS, même avant leur fusion, et d’autres manœuvres pour contourner SWIFT, comme le troc –
largement utilisé par l’Iran sous sanctions – et les banques agents, la Russie pourrait compenser au moins 50% des pertes commerciales.
Le fait essentiel est que la fuite du système financier occidental dominé par les États-Unis est désormais irréversible dans toute l’Eurasie – et qu’elle se
déroulera en tandem avec l’internationalisation du yuan.
La Russie a sa propre panoplie de
tours
En attendant, nous ne parlons même pas encore des représailles russes à ces sanctions. L’ancien président Dmitri Medvedev a déjà donné un indice : Tout est
sur la table, de la sortie de tous les accords d’armement nucléaire avec les États-Unis au gel des actifs des entreprises occidentales en Russie.
Que veut donc « l’Empire du mensonge » ? (Terminologie de Poutine, lors de la réunion de lundi à Moscou pour discuter de la réponse aux sanctions).
Dans un essai publié ce matin, délicieusement intitulé « Les États-Unis battent
l’Allemagne pour la troisième fois en un siècle : les MIC, OGAM et FIRE conquièrent l’OTAN », Michael Hudson présente une série de points cruciaux, en commençant par la façon dont
« l’OTAN est
devenue l’organe d’élaboration de la politique étrangère de l’Europe, au point même de dominer les intérêts économiques nationaux ».
Il décrit les trois oligarchies qui contrôlent la politique étrangère des États-Unis :
La première est le complexe militaro-industriel, que Ray McGovern a baptisé de façon mémorable MICIMATT (militaire, industriel, congressionnel,
renseignements, médias, académie, think tank).
Hudson définit leur base économique comme « une rente de monopole,
obtenue avant tout par les ventes d’armes à l’OTAN, aux exportateurs de pétrole d’Asie occidentale et à d’autres pays dont la balance des paiements est excédentaire ».
Le deuxième secteur est celui du pétrole et du gaz, rejoint par l’exploitation minière (OGAM). Leur objectif est de « maximiser le prix de
l’énergie et des matières premières afin de maximiser la rente des ressources naturelles. Monopoliser le marché pétrolier de la zone dollar et l’isoler du pétrole et du gaz russes est une
priorité majeure des États-Unis depuis plus d’un an, alors que le gazoduc Nord Stream 2 reliant la Russie à l’Allemagne menaçait de relier les économies ouest-européenne et
russe ».
Le troisième est le secteur « symbiotique » de la finance, de l’assurance et de l’immobilier (FIRE), que Hudson définit comme
« le pendant
de l’ancienne aristocratie foncière post-féodale européenne vivant de la rente foncière ».
Alors qu’il décrit ces trois secteurs rentiers qui dominent complètement le capitalisme financier post-industriel au cœur du système occidental, Hudson note comment
« Wall Street
a toujours été étroitement fusionnée avec l’industrie pétrolière et gazière (à savoir les conglomérats bancaires Citigroup et Chase Manhattan) ».
Hudson montre comment « l’objectif stratégique le
plus urgent des États-Unis dans la confrontation de l’OTAN avec la Russie est la flambée des prix du pétrole et du gaz. En plus de créer des profits et des gains boursiers pour les entreprises
américaines, les prix plus élevés de l’énergie vont freiner l’économie allemande ».
Il met en garde contre la hausse des prix des denrées alimentaires « avec en tête le
blé ». (La Russie et l’Ukraine représentent 25% des exportations mondiales de blé.) Du point de vue du Sud global, c’est une catastrophe : « Cela mettra sous pression de
nombreux pays d’Asie de l’Ouest et du Sud souffrant de carences alimentaires, aggravant leur balance des paiements et menaçant de faire défaut sur leur dette extérieure ».
Quant au blocage des exportations de matières premières russes, « cela menace de provoquer des
ruptures dans les chaînes d’approvisionnement de matériaux clés, notamment le cobalt, le palladium, le nickel, l’aluminium ».
Et cela nous conduit, une fois de plus, au cœur du sujet : « Le rêve à long terme des
nouveaux adeptes de la Guerre froide américains est de briser la Russie, ou du moins de restaurer sa kleptocratie managériale qui cherche à encaisser ses privatisations sur les marchés boursiers
occidentaux ».
Cela n’arrivera pas. Hudson voit clairement comment « la plus énorme conséquence
involontaire de la politique étrangère des États-Unis a été de pousser la Russie et la Chine ensemble, ainsi que l’Iran, l’Asie centrale et les pays le long de l’Initiative Ceinture et
Route ».
Confisquons un peu de
technologie
Comparez maintenant tout ce qui précède avec la perspective d’un magnat des affaires d’Europe centrale ayant de vastes intérêts, à l’est comme à l’ouest, et qui
privilégie la discrétion.
Dans un échange de courriels, ce magnat des affaires a posé de sérieuses questions sur le soutien apporté par la Banque centrale russe à sa monnaie nationale, le
rouble, « qui,
selon les plans des États-Unis, est en train d’être détruit par l’Occident au moyen de sanctions et de meutes de loups monétaires qui s’exposent en vendant des roubles à découvert. Il n’y a
vraiment presque aucune somme d’argent qui puisse battre les manipulateurs du dollar contre le rouble. Un taux d’intérêt de 20% tuera inutilement l’économie russe ».
L’homme d’affaires affirme que le principal effet de la hausse des taux « serait de soutenir des
importations qui ne devraient pas être importées. La chute du rouble est donc favorable à la Russie en termes d’autosuffisance. À mesure que les prix à l’importation augmentent, ces biens
devraient commencer à être produits sur place. Je laisserais simplement le rouble tomber pour trouver son propre niveau, qui sera pendant un certain temps inférieur à ce que les forces naturelles
permettraient, car les États-Unis le feront baisser par le biais de sanctions et de manipulations de vente à découvert dans cette forme de guerre économique contre la Russie ».
Mais cela ne semble raconter qu’une partie de l’histoire. L’arme fatale dans l’arsenal de réponses de la Russie a été identifiée par le chef du Centre de Recherche
économique de l’Institut de la Mondialisation et des Mouvements sociaux (IGSO), Vasily Koltashov : la clé est de confisquer la technologie – comme dans le cas où la Russie cesse de reconnaître
les droits des États-Unis sur les brevets.
Dans ce qu’il qualifie de « libération de la propriété
intellectuelle américaine », Koltashov appelle à l’adoption d’une loi russe sur « les États amis et inamicaux.
Si un pays figure sur la liste des pays hostiles, nous pouvons commencer à copier ses technologies dans les domaines pharmaceutique, industriel, manufacturier, électronique et médical. Cela peut
être n’importe quoi – de simples détails à des compositions chimiques ». Cela nécessiterait de modifier la constitution russe.
Koltashov soutient que « l’un des fondements du succès
de l’industrie américaine était la copie des brevets d’invention étrangers ». Maintenant, la Russie pourrait utiliser « le vaste savoir-faire de la
Chine avec ses derniers processus technologiques de production pour copier les produits occidentaux : la libération de la propriété intellectuelle américaine causera des dommages aux États-Unis à
hauteur de 10 000 milliards de dollars, rien que dans la première phase. Ce sera un désastre pour eux ».
En l’état actuel des choses, la stupidité stratégique de l’UE dépasse l’entendement. La Chine est prête à s’emparer de toutes
les ressources naturelles russes, l’Europe n’étant plus que le pitoyable otage des océans et des spéculateurs sauvages. Il semble qu’une scission totale entre l’UE et la Russie se profile à
l’horizon, avec des échanges commerciaux limités et une diplomatie nulle.
Maintenant, écoutez le son des bouchons de champagne partout dans le MICIMATT.
Vendredi matin 25 février, Sergei Glazyev a
publié l’analyse suivante des sanctions américaines contre l’économie russe et des options russes de défense et de contre-attaque.
Glazyev est un fonctionnaire de l’État russe de rang ministériel. Il a été pendant de nombreuses années conseiller en politique économique du président Vladimir
Poutine ; depuis 2019, il est ministre de l’Intégration et de la Macroéconomie de la Commission économique eurasienne, le bloc d’anciens États soviétiques coordonnant ensemble les politiques
douanières, de banque centrale, de commerce et de gestion budgétaire.
Glazyev, aujourd’hui âgé de 61 ans, est également la plus longue force survivante à gauche de l’élaboration des politiques russes depuis la fin de l’Union
soviétique en 1991 et la destruction par Boris Eltsine du Congrès des députés du peuple en 1993. Il a constamment critiqué la politique monétaire. Les politiques de la Banque centrale
russe ; et du système oligarque promu par Anatoly Chubais, Alexei Kudrin, German Gref et leurs alliés commerciaux à Moscou, et par les centres financiers de New York et de Londres. Pendant
25 ans, ils se sont montrés plus forts dans le cercle présidentiel que Glazyev ; ils ont persuadé Poutine de l’annuler publiquement, puis de l’ignorer et de le marginaliser. Jusqu’à
maintenant.
Depuis le discours de Poutine le 21 février, la reconnaissance des Républiques populaires de Donetsk et de Lougansk et le début de la campagne militaire en Ukraine,
la gestion de l’économie russe est passée sur le pied de guerre. Selon l’interprétation d’un banquier européen de premier plan, l’escalade des sanctions des États-Unis et de l’Union européenne
(UE) vise à confisquer les actifs de la Banque centrale et à détruire tous les liens financiers entre la Russie et l’Occident. Il commente que rien à cette échelle contre une grande puissance
mondiale n’a été tenté depuis que le président Franklin Roosevelt a gelé les avoirs étrangers du Japon le 26 juillet 1941 et a imposé un embargo sur les importations japonaises de pétrole et
d’essence six jours plus tard.
Les nouvelles sanctions ont commencé le 22 février en réponse à la reconnaissance par la Russie de l’indépendance du Donbass et à la signature d’un traité de
coopération militaire et économique. La première frappe de sanctions visait deux banques d’État ; trois fils de fonctionnaires de l’État russe ; et des obligations d’État à émettre à partir
de mercredi de cette semaine.
Les sanctions de la seconde frappe se sont intensifiées le 24 février pour « cibler l’infrastructure
de base du système financier russe – y compris toutes les plus grandes institutions financières de Russie et la capacité des entités publiques et privées à lever des capitaux – et exclure
davantage la Russie du marché financier mondial ». Les actions ciblent également près de 80% de tous les actifs bancaires en Russie et auront un effet profond et durable sur l’économie
et le système financier russes.
En outre, les cibles ont été élargies pour inclure pour la première fois la société d’État Alrosa, le producteur de diamants et le teneur du marché international du
diamant ; et Sovcomflot, le plus grand opérateur mondial de flotte de pétroliers. Dans le même temps, le Trésor américain a déclaré qu’il ne bloquerait pas les paiements russes pour
« les produits
agricoles et médicaux et la pandémie de COVID-19 ; survol et atterrissage d’urgence ; énergie ».
La troisième grève a débuté dans la nuit du 26 au 27 février. La Maison Blanche a annoncé la déconnexion du système de paiements interbancaires SWIFT pour
« certaines
banques russes ». La presse russe a émis l’hypothèse que Sberbank et VTB seraient déconnectées, ainsi que les autres banques ciblées le 24 février. Il n’est pas clair si Alfa Bank, la
principale banque commerciale détenue par Mikhail Fridman, figurera sur la liste de déconnexion SWIFT.
La Maison Blanche a également annoncé le lancement d’un « groupe de travail
transatlantique multilatéral pour identifier, traquer et geler les avoirs des sociétés et des oligarques russes sanctionnés – leurs yachts, leurs manoirs et tout autre bien mal acquis que nous
pouvons trouver et geler ».
Les responsables américains et européens affirment que « les mesures restrictives qui
empêcheront la Banque centrale russe (CBR) de déployer ses réserves internationales » équivalent à un gel des avoirs libellés en dollars américains et en euros de la Banque centrale. Au
31 janvier, la CBR déclarait détenir 469 milliards de dollars en devises. Sur cet agrégat, les données CBR datant d’un an suggèrent que 22% sont en dollars américains ; 29% en euros et 6% en
livres sterling.
Des sources bancaires londoniennes et une figure de premier plan du commerce pétrolier estiment que si les sanctions interrompent les paiements en dollars
américains et en euros pour le pétrole, le gaz, le charbon, le titane, le palladium, les diamants et d’autres exportations de matières premières russes, ainsi que le service des intérêts et des
principaux prêts, la partie russe arrêtera tous les paiements de la dette. Ils arrêteront également toutes les livraisons aux États-Unis et en Europe.
Les implications politiques intérieures russes ne sont pas moins dramatiques ; ils sont potentiellement révolutionnaires, mais pas dans la direction que des
personnalités américaines comme Antony Blinken, Victoria Nuland et William Burns ont calculée en public. Glazyev est l’un des révolutionnaires russes qu’ils souhaitent le moins voir prendre le
pouvoir sur les oligarques maintenant.
Pour rendre compte des réponses de Glazyev à la première série de sanctions américaines en mars 2014, lisez ceci.
Pour une archive plus longue sur Glazyev remontant à 1993, cliquez
pour ouvrir.
*
Sanctions et souveraineté
par Sergueï Glazyev.
Il serait puéril de supposer que « lorsque
nous sommes battus, nous devenons plus forts ». Bien que nous ayons effectivement renforcé notre souveraineté nationale dans le domaine économique sous l’influence des sanctions américaines, mais
pas au point que nous n’y prêtions pas du tout attention. Les dommages causés par les sanctions sont bien sûr là et ils sont considérablement renforcés par la politique passive des autorités
monétaires.
L’intimidation permanente de la Russie avec de nouvelles « sanctions d’enfer » a depuis longtemps cessé d’exciter l’opinion publique russe. Je me souviens
qu’en 2014, comme d’autres de la première liste soumise aux sanctions américaines, j’ai été interviewé et nous avons tous assuré aux journalistes que nous étions fiers d’une telle reconnaissance
de nos services à la Russie. Depuis lors, le nombre de personnes physiques et morales sanctionnées par les États-Unis et ses satellites a augmenté à plusieurs reprises et n’a pas eu d’impact
notable sur notre pays. Au contraire, les mesures de rétorsion introduites par notre gouvernement en termes de restriction des importations alimentaires en provenance de ces pays ont contribué de
manière significative à la croissance de la production agricole nationale, qui a presque complètement
remplacé l’importation de volaille et de viande.
Les entreprises des secteurs de la défense et de l’énergie ont appris à contourner ces
sanctions en refusant d’utiliser le dollar, et par la même occasion les banques américaines, au profit des monnaies nationales et des banques des pays partenaires. La prochaine
étape est le développement d’instruments de monnaie numérique qui peuvent être utilisés sans recourir aux services des banques, qui craignent de tomber sous le coup des sanctions. Le peuple russe
suit avec intérêt le retour au pays des capitaux
exportés par les oligarques et eux-mêmes, qui ont peur d’être confisqués et arrêtés dans les pays de l’OTAN.
Les sanctions américaines n’ont pas tant touché la Russie que les pays tiers, qui ont subi les pressions de Washington. D’abord nos voisins européens, qui ont
écourté la plupart des projets de coopération dans les domaines scientifique, technique et énergétique. Elles ont également affecté les banques commerciales chinoises opérant dans la zone dollar,
qui ont préféré cesser de servir les clients russes. Le chiffre d’affaires commercial de la Russie avec l’UE et les États-Unis a naturellement diminué, tandis qu’avec la Chine, il a
augmenté. Au cours de la période 2014-2020, en termes monétaires, le chiffre d’affaires commercial de la Russie avec la Chine a augmenté de 17,8%, passant de 88,4 milliards de
dollars à 104,1 milliards de dollars. La part des pays de l’APEC [Conférence économique Asie-Pacifique] et de l’OCS [Organisation de Coopération de Shanghai] dans le chiffre d’affaires du
commerce extérieur de l’UEE [Union économique eurasienne] est passée de 29 au cours de cette période. 6% à 36,4% et de 16,3% à 24,1%, respectivement. La part de l’UE dans le chiffre d’affaires du
commerce extérieur de l’UEE, au contraire, est passée de 46,2% en 2015 à 36,7% en 2020. Le chiffre d’affaires du commerce avec les États-Unis au cours de la période sous revue a diminué de 18,1%,
passant de 29,1 milliards de dollars à 23,9 milliards de dollars.
En fait, à l’aide de sanctions, les États-Unis tentent d’évincer les produits russes des marchés de leurs satellites, remplaçant les leurs. Cela s’est manifesté le
plus clairement sur le marché européen du gaz naturel, où la part des États-Unis a fortement augmenté, bien qu’il n’ait pas encore été possible de supplanter la Russie sur le marché européen du
gaz naturel.
Le principal résultat des sanctions américano-européennes a été un changement de la structure géographique des relations économiques extérieures
russes en faveur de la
Chine, l’expansion de cette coopération compense
pleinement la réduction des relations commerciales et économiques avec l’UE. Les consommateurs européens doivent se tourner vers des vecteurs énergétiques américains plus
chers, et leurs producteurs perdent tout simplement le marché russe. Les pertes totales de l’UE
dues aux sanctions anti-russes sont estimées à 250 milliards de dollars.
Un autre résultat important des sanctions américaines a été la chute de la part du dollar
dans les règlements internationaux. Pour la Russie, comme pour les autres pays soumis aux sanctions américaines, le dollar est devenu une
monnaie toxique. En traçant toutes les transactions en dollars, les autorités punitives américaines peuvent bloquer les paiements, geler ou même confisquer les actifs à tout moment.
Pendant 8 ans après l’imposition des sanctions, la part du dollar dans les règlements internationaux a diminué de 13,5 points de pourcentage (de 60,2% en 2014 à 46,7% en
2020).
Les sanctions sont devenues une puissante incitation au passage aux règlements en monnaies
nationales et au développement des systèmes de paiement nationaux. Ainsi, dans le commerce mutuel des États de l’UEE, la part du dollar a diminué de plus de 6 points de
pourcentage (de 26,3% en 2014 à 20,0% fin 2020).
Je me souviens qu’il y a dix ans, lors de l’examen des risques pour le système bancaire russe au sein du Conseil bancaire national, j’ai demandé au chef de la
Banque centrale de l’époque : « Le risque de déconnecter les banques russes du système international de transmission bancaire SWIFT est-il envisagé, comme l’ont fait nos partenaires
occidentaux vis-à-vis de l’Iran ? » À quoi j’ai reçu la réponse : « Nous ne pouvons pas envisager le risque qu’une bombe atomique frappe la Banque de Russie ». Cependant, la direction
de la Banque centrale a pris des mesures – aujourd’hui, la Russie a son
propre système de transmission de messages électroniques entre banques – le système de transmission de messages financiers (SPFS) de la Banque de Russie, ainsi que
son propre système de paiement
pour les cartes bancaires Mir, qui est interfacé avec le système
Chinese Union Pay et peut être utilisé pour les paiements et virements transfrontaliers. Les deux sont ouverts aux partenaires étrangers et sont déjà largement utilisés non
seulement dans les règlements nationaux, mais aussi dans les règlements internationaux. La désactivation de SWIFT
n’est plus considérée comme une menace à grande échelle – elle profitera au développement de nos systèmes de paiement et d’informations financières.
Cependant, il serait puéril de supposer que « lorsque nous sommes
battus, nous devenons plus forts ». Bien que nous
ayons effectivement renforcé notre souveraineté nationale dans le domaine économique sous l’influence des sanctions américaines, mais pas au point que nous n’y prêtions pas du tout attention. Les
dommages causés par les sanctions sont bien sûr là et ils sont considérablement
renforcés par la politique passive des autorités monétaires.
Depuis 2014, lorsque, avec la connivence du régulateur, les spéculateurs monétaires ont fait baisser le taux de change du rouble en manipulant le marché, ce dernier
a été utilisé par les sanctions comme un fusible à toute épreuve de la stabilité macroéconomique. Dans le même temps, c’est en 2014, à la veille des sanctions américaines déjà annoncées, que la
Banque de Russie est passée à un régime de change flottant. Et ce n’est qu’après cela que les États-Unis ont introduit leurs sanctions, étant certains que les spéculateurs en multiplieraient
l’effet négatif. Lorsque le rouble a chuté de près de moitié, Obama s’est contenté de dire que « l’économie russe est en
lambeaux ». À la suite de cette manipulation du marché des devises russe, les revenus et l’épargne en roubles se sont dépréciés et les spéculateurs ont reçu plus de 35 milliards de
roubles de bénéfices. Mais cela n’est pas arrivé à cause des sanctions, mais plutôt à cause de la complicité de la Banque de Russie, qui a laissé la formation du taux de change à la merci des
spéculateurs internationaux, sur la recommandation des organisations financières de Washington.
Seuls des gens très naïfs peuvent croire à la formation d’un taux de change d’équilibre du rouble en mode flottant. L’exclusion de la Banque de Russie de la
réglementation du taux de change du rouble, signifie que les spéculateurs internationaux sur les devises sont engagés dans cette voie. Sur le basculement du taux de change du rouble, qui est
devenu l’une des monnaies les plus
instables au monde avec une triple provision de réserves de change, les spéculateurs internationaux reçoivent des bénéfices de plusieurs milliards de dollars,
et les Russes, la dépréciation
de leur épargne et de leurs revenus en roubles ainsi que poussées d’inflation. Dans le même temps, le climat d’investissement se détériore désespérément – l’instabilité du taux
de change du rouble crée une incertitude quant aux principaux paramètres des projets d’investissement utilisant des équipements importés et des produits destinés à l’exportation.
Ainsi, les dommages causés par les sanctions financières
américaines sont inextricablement liés à la politique monétaire de la Banque de Russie qui est la politique idéale pour eux. Son essence se résume à une liaison étroite de
l’émission du rouble aux recettes d’exportation et du taux de change du rouble au dollar. En fait, une pénurie artificielle d’argent se crée dans l’économie et la politique stricte de la Banque
centrale entraîne une augmentation du coût des prêts, ce qui tue l’activité des
entreprises et entrave le développement des infrastructures dans le pays.
Les restrictions liées aux sanctions ont entraîné une demande extrêmement élevée de financement des entreprises sur le marché intérieur. Dans un contexte de taux
directeur relativement bas et d’accès à des financements moins chers, les grandes banques conservent systématiquement une marge nette d’intérêt supérieure à la moyenne du marché, de 5,4% à 6% ;
tandis que pour les plus grandes banques en Chine, aux États-Unis, en Allemagne, en France, en Grande-Bretagne et au Japon, la marge nette d’intérêt varie de 0,8% à 2,3%.
Cependant, ces gains exceptionnels ne
sont pas dirigés vers le financement de projets d’infrastructure, mais vers l’acquisition d’entreprises non
essentielles disparates qui sont combinées dans des écosystèmes. La plupart de ces entreprises restent non rentables même au niveau de l’EBITDA [bénéfice]. Malgré cela, des
milliards de roubles sont encore dépensés pour leur développement. Ces chiffres sont tout à fait comparables au volume des investissements dans un grand projet d’infrastructure dans le secteur
réel de l’économie, qui peut apporter à la fois une croissance de l’emploi et une contribution au développement de l’économie. Mais de tels projets (ainsi que le remplissage du budget) sont
encore laissés aux entreprises de matières premières, tandis que les plus grandes sociétés financières préfèrent diriger leurs revenus vers la création de chimères.
En fait, c’est la connivence de la Banque
centrale qui a fait que la Russie et son industrie ont été exsangues et incapables de se développer.
Si la Banque centrale remplissait son devoir constitutionnel d’assurer la stabilité du rouble – et elle en a toutes les possibilités en raison du triple excédent
des réserves de change de la base monétaire – alors les sanctions financières ne seraient rien pour nous. Ils pourraient même être retournés, comme dans d’autres secteurs de l’économie, au profit
du secteur bancaire, si la Banque centrale remplaçait les prêts retirés par les partenaires occidentaux par ses propres instruments de refinancement spéciaux. Cela augmenterait la capacité du
système bancaire et de crédit russe de plus de 10 000 milliards de roubles. En outre, cela compenserait pleinement la sortie du financement étranger des investissements, empêchant une baisse de
l’investissement et de l’activité économique sans aucune conséquence inflationniste.
En évaluant les conséquences des sanctions anti-russes, il est impossible d’ignorer les conséquences de la rupture des liens économiques avec l’Ukraine. L’abolition
mutuelle du régime de libre-échange et l’imposition d’un embargo sur une large gamme de produits ont conduit à la rupture des liens de coopération qui ont assuré la reproduction de nombreux types
de produits de haute technologie. Le blocage du travail des banques russes a conduit à la dépréciation d’investissements russes de plusieurs milliards de dollars. Le refus des autorités
ukrainiennes d’assurer le service de la dette envers la Russie a causé plusieurs milliards de dollars de pertes supplémentaires. Au total, leur volume est estimé à environ 100 milliards de
dollars pour chacune des parties. Il s’agit là d’un préjudice réel vraiment important et, à bien des égards, irréparable, que nous avons nous-mêmes
aggravé par des sanctions de représailles.
À ce jour, le bilan des conséquences économiques des sanctions anti-russes est le suivant : l’Ukraine a subi les pertes les plus importantes par rapport au PIB, en
termes absolus – Les pertes russes de PIB potentiel, depuis 2014, s’élèvent à environ 50 000 milliards de roubles. Mais seuls 10% d’entre eux s’expliquent par des sanctions, alors que 80% d’entre
eux résultent de la politique monétaire. Les États-Unis bénéficient de sanctions anti-russes, remplaçant l’exportation d’hydrocarbures russes vers l’UE, ainsi que vers la Chine ; remplacer
l’importation de marchandises européennes par la Russie. Nous pourrions complètement compenser les conséquences négatives des sanctions financières si la Banque de Russie remplissait son devoir
constitutionnel d’assurer un taux de change du rouble stable, et non les recommandations des organisations financières de Washington.
Considérez les menaces des russophobes américains et européens contre les nouvelles « sanctions d’enfer ». Il a déjà été mentionné plus haut que la menace
de déconnexion des banques russes du système SWIFT, largement évoquée dans les médias aujourd’hui, bien qu’elle interférera dans un premier temps avec les règlements internationaux, profitera à
moyen terme au système bancaire et de paiement russe.
La menace d’interdire les
transactions avec des obligations russes nous profitera également, car leur émission dans un excédent budgétaire n’est rien de plus qu’une source de profit pour les
spéculateurs étrangers. Et leur rentabilité est surestimée trois fois par rapport à l’appréciation du marché de leur risque. L’arrêt de la politique intéressée des autorités monétaires, qui
empruntent de l’argent objectivement inutile au budget à des prix exorbitants, nous permettra d’économiser
des milliards de dollars. Si les sanctionneurs essaient d’interdire l’achat des obligations en devises étrangères des sociétés russes, il sera alors possible de compenser le
financement manquant pour l’achat d’équipements importés en les rachetant au détriment d’une partie des réserves de change excédentaires. Si les prêts étrangers leur sont coupés,
Il existe également un risque potentiel de saisie des biens de l’État russe. Mais nous pouvons y répondre de manière symétrique en imposant un embargo sur le
service de la dette envers les créanciers occidentaux et en saisissant également leurs actifs. Les pertes des parties seront à peu près égales.
Il reste, en fait, une menace : retirer les avoirs étrangers des oligarques russes. Malgré toute sa popularité parmi les gens ordinaires, cela stimulera
le retour des capitaux
exportés du pays, ce qui aura également un effet positif sur l’économie russe.
Dans le même temps, nous devons nous protéger autant que possible de l’escalade attendue des sanctions américano-européennes. L’endroit le plus vulnérable pour
notre économie est sa délocalisation
excessive. Jusqu’à la moitié des actifs
de l’industrie russe appartiennent à des non-résidents. Il y a plus d’un billion de dollars de capitaux exportés du pays à l’étranger, dont la moitié est impliquée dans la
reproduction de l’économie russe. Le gel simultané de ces avoirs peut vraiment aggraver dramatiquement la
situation d’un certain nombre d’entreprises stratégiquement importantes dépendantes du marché extérieur. Les Américains ont montré comment cela se fait en utilisant l’exemple
de Rusal, en établissant leur contrôle sur celui-ci sous la menace d’arrêter les activités de commerce extérieur. On pourrait y répondre en nationalisant au moins les centrales hydroélectriques
géantes transférées à cette corporation pour une chanson et sur des bases douteuses, sur le fonctionnement desquelles repose la part du lion de ses bénéfices. Mais pour une raison quelconque, ils
n’ont pas protégé cette branche structurelle de notre économie de la saisie par le Trésor américain.
De ce qui précède, il s’ensuit la nécessité de mesures efficaces pour une réelle déoffshorisation de l’économie, ainsi que pour aligner la politique de la Banque de
Russie sur ses obligations constitutionnelles. Les mesures visant à renforcer la réglementation monétaire afin de stopper l’exportation de capitaux et d’étendre les prêts ciblés aux entreprises
ayant besoin de financer des investissements et des fonds de roulement, ne l’empêcheront pas non plus. Il convient d’introduire une taxation de la spéculation
monétaire et des transactions en dollars et en euros sur le marché intérieur. Nous avons besoin d’investissements sérieux en R&D afin d’accélérer le développement de notre
propre base technologique dans les domaines touchés par les sanctions – en premier lieu, l’industrie de la défense, l’énergie, les transports et les communications. Il faut achever la
dédollarisation de nos réserves de change, en remplaçant le dollar, euro et livre avec de l’or. Dans les conditions actuelles de croissance explosive attendue du prix de l’or, son exportation
massive à l’étranger s’apparente à une trahison et
il est grand temps que le régulateur l’arrête.
Or, trajectoire des prix sur un
mois
Il est nécessaire d’introduire dès que possible un rouble numérique, qui pourrait être utilisé pour les opérations de paiement et de règlement transfrontières en
contournant le système bancaire soumis à la pression des sanctions. Nous devrions nous dépêcher de créer notre propre espace d’échange et des mécanismes de tarification du rouble pour les
marchandises produites en excès ici. Inviter les partenaires en Asie à introduire une monnaie mondiale de paiement et de règlement basée sur l’indice des monnaies nationales et des biens
échangés. Il est possible de lever unilatéralement les sanctions imposées aux entreprises ukrainiennes, tout en facilitant la situation de la population russe employée par celles-ci. Il est
peut-être possible d’en ressortir avec l’initiative d’un espace économique unique de Lisbonne à Vladivostok, encourageant une partie saine de l’élite économique et politique européenne.
D’une manière générale, beaucoup reste à faire pour renforcer la souveraineté nationale dans l’économie. Les sanctions américaines
sont l’agonie du système économique mondial impérial sortant, basé sur l’usage de la force. Afin de minimiser les dangers qui y sont associés, il est nécessaire d’accélérer la
formation d’un nouvel ordre économique mondial – intégral – qui rétablisse le droit international, la souveraineté nationale, l’égalité des pays, la diversité des modèles économiques nationaux,
les principes d’avantage mutuel et de volontariat dans la coopération économique internationale.
À Saint-Pétersbourg, les nouvelles
puissances mondiales se réunissent pour bouleverser « l’ordre fondé sur des règles » inventé par les États-Unis et reconnecter le monde à leur manière.
Le Forum
économique international de Saint-Pétersbourg est configuré depuis des années maintenant comme étant absolument essentiel pour comprendre les dynamiques en évolution et les
épreuves de l’intégration de l’Eurasie.
Le Forum de Saint-Pétersbourg en 2022 est d’autant plus crucial qu’il est directement lié à trois évolutions simultanées que j’avais
précédemment décrites,
sans ordre particulier :
Premièrement, l’arrivée du « nouveau G8 » – quatre pays des BRICS (Brésil, Russie, Inde, Chine), plus l’Iran, l’Indonésie, la Turquie et le Mexique, dont le
PIB par parité de pouvoir d’achat (PPA) éclipse déjà l’ancien G8 dominé par l’Occident.
Deuxièmement, la stratégie chinoise des « trois anneaux », qui consiste à développer des relations géoéconomiques avec ses voisins et
partenaires.
Troisièmement, le développement des BRICS+, ou BRICS élargis, incluant certains membres du « nouveau G8 », qui sera discuté lors du prochain
sommet en Chine.
Il ne faisait aucun doute que le président Poutine serait la star de Saint-Pétersbourg 2022, prononçant un discours vif et détaillé lors
de la session plénière.
Parmi les points saillants, Poutine a brisé les illusions du « milliard d’or » qui vit dans les pays occidentaux industrialisés (12% seulement de
la population mondiale) et les « politiques macroéconomiques irresponsables des pays du G7 ».
Le président russe a fait remarquer que les « pertes de l’UE dues aux sanctions contre la Russie » pourraient dépasser 400 milliards de dollars
par an et que les prix élevés de l’énergie en Europe – qui ont en fait commencé « au troisième trimestre de l’année dernière » – sont dus au fait de « croire aveuglément
aux sources renouvelables ».
Il a également rejeté en bonne et due forme la propagande occidentale sur la « hausse des prix de Poutine », affirmant que la crise alimentaire et
énergétique est liée aux politiques économiques occidentales malavisées, c’est-à-dire que « les céréales et les engrais russes sont sanctionnés » au détriment de
l’Occident.
En bref, l’Occident a mal évalué la souveraineté de la Russie lorsqu’il l’a sanctionnée, et il en paie aujourd’hui le prix fort.
Le président chinois Xi Jinping, s’adressant au forum par vidéo, a envoyé un message à l’ensemble des pays du Sud. Il a évoqué le « véritable
multilatéralisme », insistant sur le fait que les marchés émergents doivent avoir « leur mot à dire dans la gestion de l’économie mondiale », et a appelé à « améliorer
le dialogue Nord-Sud et Sud-Sud ».
Il revenait au président kazakh Tokaïev, dirigeant d’un partenaire profondément stratégique de la Russie et de la Chine, de livrer la chute en personne :
L’intégration de l’Eurasie doit progresser main dans la main avec l’Initiative Ceinture et Route (BRI) de la Chine. La boucle est bouclée.
Construire une stratégie à long terme
« en quelques semaines »
Saint-Pétersbourg a offert plusieurs discussions passionnantes sur des thèmes et sous-thèmes clés de l’intégration de l’Eurasie, tels que les affaires dans
le cadre de l’Organisation
de Coopération de Shanghai (OCS), les aspects du partenariat stratégique Russie-Chine,
l’avenir des BRICS et
les perspectives du secteur
financier russe.
L’une des discussions les plus importantes a porté sur l’interaction croissante entre l’Union
économique eurasiatique (UEE) et l’ANASE, un exemple clé de ce que les Chinois définissent comme la « coopération Sud-Sud ».
Et cela est lié au chemin encore long et sinueux qui mène à une intégration plus
profonde de l’UEE elle-même.
Cela implique des mesures en faveur d’un développement économique plus autosuffisant pour les membres, l’établissement de priorités en matière de
substitution des importations, l’exploitation de tout le potentiel de transport et de logistique, le développement de sociétés transeurasiennes et l’inscription de la « marque »
UEE dans un nouveau système de relations économiques mondiales.
Le vice-Premier ministre russe Alexey Overchuk a été particulièrement précis sur les questions urgentes à traiter : la mise en œuvre d’une union douanière
et économique de libre-échange complet – ainsi qu’un système de paiement unifié – avec des règlements directs simplifiés utilisant la carte de paiement Mir pour atteindre de nouveaux
marchés en Asie du Sud-Est, en Afrique et dans le Golfe Persique.
Dans une nouvelle ère définie par les cercles d’affaires russes comme « le jeu sans règles » – démystifiant « l’ordre international fondé sur
des règles » imposé par les États-Unis – une autre discussion pertinente, à laquelle a participé Maxim Oreshkin, conseiller clé de Poutine, a porté sur les priorités des
grandes entreprises et du secteur financier en matière de politique économique et étrangère de l’État.
Le consensus est que les « règles » actuelles ont été écrites par l’Occident. La Russie ne pouvait que se connecter aux mécanismes existants,
étayés par le droit et les institutions internationales. Mais l’Occident a ensuite essayé de « nous évincer » et même « d’annuler la Russie ». Il est donc temps de
« remplacer les règles de pas de règles ». C’est un thème clé qui sous-tend le concept de « souveraineté » développé par Poutine dans son discours en plénière.
Lors d’une autre discussion importante présidée par Herman Gref, PDG de la Sberbank, une banque sanctionnée par l’Occident, on a beaucoup déploré le
fait que le « bond en avant de la Russie vers 2030 » aurait dû se produire plus tôt. Aujourd’hui, une « stratégie à long terme doit être élaborée en quelques
semaines », avec des chaînes d’approvisionnement qui s’effondrent dans tous les domaines.
Une question a été posée à l’auditoire – la crème de la crème de la communauté d’affaires russe : que recommanderiez-vous, une augmentation des échanges
avec l’Est ou une réorientation de la structure de l’économie russe ? Une majorité écrasante de 72% a voté pour la seconde solution.
Nous arrivons maintenant à l’essentiel, car tous ces thèmes interagissent lorsque nous regardons ce qui s’est passé quelques jours seulement avant
Saint-Pétersbourg.
Le corridor
Russie-Iran-Inde
Un nœud essentiel du Corridor international de Transport Nord-Sud (INTSC) est désormais en jeu, reliant le nord-ouest de la Russie au golfe Persique via la
mer Caspienne et l’Iran. Le temps de transport entre Saint-Pétersbourg et les ports indiens est de 25 jours.
Ce corridor logistique de transport multimodal revêt une importance géopolitique considérable pour deux membres des BRICs et un membre potentiel du
« nouveau G8 », car il ouvre une voie alternative essentielle à la voie habituelle de transport de marchandises de l’Asie vers l’Europe via le canal de Suez.
Le corridor INSTC est un projet d’intégration Sud-Sud classique : un réseau multimodal de 7200 km de voies maritimes, ferroviaires et routières reliant
l’Inde, l’Afghanistan, l’Asie centrale, l’Iran, l’Azerbaïdjan et la Russie jusqu’à la Finlande dans la mer Baltique.
Techniquement, imaginez un ensemble de conteneurs allant par voie terrestre de Saint-Pétersbourg à Astrakhan. Ensuite, la cargaison navigue via la mer
Caspienne jusqu’au port iranien de Bandar Anzeli. Puis elle est transportée par voie terrestre jusqu’au port de Bandar Abbas. Et enfin outre-mer jusqu’à Nava Sheva, le plus grand port
maritime de l’Inde. Le principal opérateur est l’Islamic Republic of Iran Shipping Lines (le groupe IRISL), qui possède des filiales en Russie et en Inde.
Et cela nous amène à ce sur quoi les guerres se joueront désormais : les corridors de transport – et non la conquête territoriale.
La BRI de Pékin est considérée comme une menace existentielle pour « l’ordre international fondé sur des règles ». Elle se développe le long de
six couloirs terrestres à travers l’Eurasie, plus la route de la soie maritime depuis la mer de Chine méridionale et l’océan Indien, jusqu’à l’Europe.
L’une des principales cibles de la guerre par procuration de l’OTAN en Ukraine est d’interrompre les corridors de la BRI à travers la Russie. L’Empire
mettra tout en œuvre pour interrompre non seulement la BRI mais aussi les nœuds de l’INSTC. L’Afghanistan, sous occupation américaine, n’a pas pu devenir un nœud de la BRI ou de
l’INSTC.
Avec un accès complet à la mer d’Azov – devenue un « lac russe » – et sans doute à l’ensemble du littoral de la mer Noire plus loin, Moscou
augmentera considérablement ses perspectives de commerce maritime (Poutine : « La mer Noire était historiquement un territoire russe »).
Au cours des deux dernières décennies, les corridors énergétiques ont été fortement politisés et sont au centre d’une compétition
mondiale impitoyable en matière de gazoducs – du BTC et South Stream à Nord Stream 1 et 2, en passant par les interminables feuilletons que sont les gazoducs
Turkménistan-Afghanistan-Pakistan-Inde (TAPI) et Iran-Pakistan-Inde (IPI).
Il y a aussi la route maritime du Nord, qui longe la côte russe jusqu’à la mer de Barents. La Chine et l’Inde s’intéressent de près à la route maritime du
Nord, qui a également fait l’objet de discussions
approfondies à Saint-Pétersbourg, ce qui n’est pas un hasard.
Le contraste entre les débats de Saint-Pétersbourg sur un possible recâblage de notre monde – et les trois faire-valoir prenant un train pour nulle part
pour dire à un médiocre comédien ukrainien de se calmer et de négocier sa reddition (comme le confirment les services de renseignement allemands) – ne pourrait être plus frappant.
Presque imperceptiblement – tout comme elle a réincorporé la Crimée et est entrée sur le théâtre syrien – la Russie, en tant que superpuissance
militaro-énergétique, montre maintenant qu’elle est potentiellement capable de renvoyer une grande partie de l’Occident industrialisé à l’âge de pierre. Les élites occidentales sont tout
simplement impuissantes. Si seulement elles pouvaient emprunter un couloir du train à grande vitesse eurasien, elles pourraient apprendre quelque chose.