Interview de Vladimir Poutine : Initialement postée sur les comptes personnels X et
You Tube de
Tucker Carlson où ils en sont actuellement à plus de 190 millions de vues sur X et 12,5 millions sur You Tube en 48
heures, cette vidéo a été largement reprise par des TV nationales du monde entier. Le nombre d’internautes ou de téléspectateurs y ayant eu accès se
comptera probablement en milliards infine. Le Sud global francophone a pu compter sur Sputnik Afrique et Russia Today en français qui
ont relayé l’interview en vidéo et par écrit. Voici une version intégrale écrite et traduite en français.
Ce document jouera un rôle déterminant sur la suite des événements dans le bras de fer
entre l’occident otanien et la multipolarité sur tous les fronts chauds sur lesquels les deux camps
s’opposent. Le narratif otano-kiévien auquel s’est associé la France est clairement battu en brèche tant au niveau
planétaire qu’au sein même des opinions publiques des pays de l’OTAN.
Ce document boostera incontestablement la popularité du Président Russe, en campagne
électorale pour sa réélection, en vue du scrutin qui interviendra dans 5 semaines. Un score supérieur à 80% au premier
tour est désormais probable. Rien à voir avec les scores obtenus dans leurs pays respectifs par les dirigeants occidentaux. Merci Tucker Carlson
!
Ce document boostera aussi l’audience et l’influence de Tucker Carlson, fervent soutien de
Donald Trump. Quel autre journaliste au monde peut se vanter de faire plus de 200 millions de vues sur un seul de ses
tweets en moins de 48 heure ? La meute des jaloux va se déchaîner contre lui, particulièrement en France, où les attaques personnelles et les mensonges
sont trop souvent utilisés par ceux des journalistes qui manquent d’arguments. Dans la technique bien connue qui est
habituellement la leur, les médias états-uniens vont probablement tenter de discréditer Tucker Carlson en inventant de toute pièce une histoire de harcèlement sexuel, en payant de vrais faux-témoins, et pourquoi pas les traditionnelles fausses
accusations de pédophilie, ou pire encore, de complotisme et d’antisémitisme
.....
Ce document boostera le déclin du Président Biden qui accumule les gaffes et dont chacun
peut se demander ce qu’aurait été sa prestation, s’il avait été interviewé pendant plus de deux heures par un journaliste
russe. Voir en 1 minutes, sans oublier de mettre le son, l’individu qui prétend diriger la planète de janvier 2025 à janvier 2029
Ce document boostera donc la candidature de Trump dont l’élection mettrait probablement un
terme au bellicisme jusqu’au-boutiste et tous azimuts de la politique étrangère américaine actuelle menée par l’État
profond néoconservateur, mondialiste et sous forte influence sioniste.
Sur le lien ci après, vous trouverez les commentaires de Xavier Moreau (10 minutes) sur cette
Le conflit en Ukraine, l'élargissement de l'Otan, la création d'un monde multipolaire... Voici le texte intégral de l'interview accordée par Vladimir Poutine à Tucker Carlson, journaliste et
fondateur de la plateforme Tucker Carlson Network.
Tucker Carlson: Monsieur le Président, merci. Le 24 février 2022, vous vous êtes adressé à votre pays et à votre nation, quand le conflit en
Ukraine a commencé. Vous avez dit que vous agissiez parce que vous aviez conclu qu'avec l'aide de l'Otan, les États-Unis pouvaient lancer une attaque inattendue contre votre pays. Pour les
Américains, cela ressemble à la paranoïa. Pourquoi pensez-vous que l'Amérique pourrait porter un "coup inattendu" à la Russie ?
Vladimir Poutine: Ce n'est pas que l'Amérique allait porter un "coup inattendu" à la Russie, je ne l'ai jamais dit ainsi. Nous avons un talk-show
ou bien une conversation sérieuse?
Tucker Carlson: C'est une phrase formidable. Merci. Oui, c'est une conversation sérieuse.
Vladimir Poutine: Puisque vous avez un enseignement de base de l'histoire, si je comprends bien, alors, je me permets, pour 30 secondes ou une
minute, une petite référence historique. Ça ne vous dérange pas ?
Tucker Carlson: Non.
Vladimir Poutine: Regardez comment nos relations avec l'Ukraine ont commencé. D'où l'Ukraine vient-elle? L'État russe a commencé à se rassembler
comme centralisé en 862, cette année est considérée comme l'année de la création de l'État russe, quand les habitants de Novgorod -l y a une ville appelée Novgorod dans le nord-ouest du pays- ont
invité à régner le prince Riourik de Scandinavie, des Varègues. En 1862, la Russie a célébré le millénaire de son État, et à Novgorod il y a un monument dédié au millénaire du pays.
En 882, le successeur de Riourik, le prince Oleg, qui remplissait essentiellement la fonction de régent auprès du jeune fils de Riourik (Riourik etait déjà décédé
en ce moment), est venu à Kiev. Il a chassé du pouvoir deux frères, qui, apparemment, avaient été autrefois des compagnons d'armes de Riourik. Et ainsi, la Russie a commencé à se développer avec
deux centres – à Kiev et à Novgorod.
Une autre date très importante dans l'histoire de la Russie est l'année 988 – c'est la conversion de la Russie au christianisme, lorsque le prince Vladimir,
arrière-petit-fils de Riourik, a "baptisé" la Russie et adopté l'orthodoxie, la partie orientale du christianisme. À partir de ce moment, l'État russe centralisé a commencé à se renforcer.
Pourquoi? Il y avait des territoires communs, des liens économiques communs, la même langue, et -après le "baptême de la Russie"- la même religion et le pouvoir du prince. Un État russe
centralisé a commencé à se former.
Mais pour diverses raisons, après l'introduction de la succession au trône par Yaroslav le Sage -dans les temps anciens, au Moyen Âge-, un peu plus tard, après son
décès, le système de succession était complexe. Le pouvoir n'était pas transmis directement du père au fils aîné, mais du prince décédé à son frère, puis à ses fils selon différentes lignées
familiales. Tout cela a conduit à la fragmentation de la Russie, qui avait commencé à se former comme un État unifié. Il n'y a rien de spécial en cela, la même chose s'est produite en Europe.
Mais l'État russe fragmenté est devenu la proie facile de l'Empire créé à l'époque par Gengis Khan. Les successeurs de celui-ci, dont Khan Baty, sont venus en Russie, ont pillé presque toutes les
villes, les ont ravagées. Dans la partie Sud du pays -où était Kiev et certaines autres villes- celles-ci ont simplement perdu leur souveraineté. Et les villes du Nord ont conservé une partie de
leur souveraineté, elles payaient tribut, mais conservaient une partie de leur indépendance. Et puis un État russe uni a commencé à se former à Moscou.
La partie sud des terres russes, y compris Kiev, a commencé à s'attirer progressivement à un autre pôle, un nouveau centre qui se développait en Europe. C'était le
grand-duché de Lituanie. Il a même été appelé russo-lituanien parce que les Russes constituaient une partie importante de cet État. Ils parlaient en russe ancien, étaient orthodoxes, avant qu'une
union du grand-duché de Lituanie et du Royaume de Pologne ne se produise. Quelques années plus tard, une autre union était signée dans le domaine spirituel et une partie des prêtres orthodoxes
s'était soumise à l'autorité du Pape. Ainsi, ces terres se sont retrouvées dans l'État polono-lituanien.
Pendant des décennies, les Polonais se sont occupés de la "polonisation" de cette partie de la population, en y introduisant leur langue, et ils ont commencé à
introduire l'idée que ce n'étaient pas vraiment des Russes, que parce qu'ils vivaient près de la frontière, qu'ils sont "ukrainiens". Le mot "ukrainien" signifiait initialement qu'une personne
vivait à la périphérie de l'État, près du bord ["kraï"-ndlr], et s'occupait du service frontalier, en fait. Cela ne signifiait pas un groupe ethnique particulier.
Eh bien, les Polonais, dans le cadre de cette "polonisation" persistante, ont traité cette partie des terres russes assez durement, pour ne pas dire cruellement.
Tout cela a conduit à ce que cette partie des terres russes a commencé à se battre pour ses droits. Ils ont écrit des lettres à Varsovie, exigeant le respect de leurs droits, qu'on envoie ici, y
compris à Kiev, des personnes…
Tucker Carlson: C'était quand ? En quelles années ?
Vladimir Poutine: C'était au XIIIe siècle. Je vais maintenant dire ce qui s'est passé ensuite et donner des dates pour qu'il n'y ait pas de
confusion. Et en 1654, un peu plus tôt même, les personnes qui contrôlaient le pouvoir dans cette partie des terres russes, se sont adressés à Varsovie, je répète, exigeant qu'on leur envoie des
personnes d'origine russe et de religion orthodoxe. Et lorsque Varsovie ne leur a rien répondu et a pratiquement rejeté ces exigences, ils ont commencé à demander à Moscou pour que Moscou les
prenne.
Pour que vous ne pensiez pas que j'avais inventé tout cela, je vais vous donner les papiers.
Tucker Carlson: Je ne pense pas que vous inventiez quelque chose. Non, non.
Vladimir Poutine: Quand même, ce sont des documents des archives, des copies, ou les lettres de Bogdan Khmelnitsky -c'est la personne qui
contrôlait à l'époque le pouvoir dans cette partie des terres russes que nous appelons aujourd'hui Ukraine- il a écrit à Varsovie pour exiger le respect de leurs droits, et après avoir reçu le
refus, a commencé à écrire des lettres à Moscou, demandant de les prendre sous la main forte du tsar de Moscou. Voici des copies de ces documents. Je vous les laisserai en souvenir. Il y a une
traduction en russe, et bien, vous traduirez ensuite en anglais.
La Russie n'était pas d'accord de les accepter immédiatement, car elle partait du fait qu'une guerre avec la Pologne pouvait commencer. Pourtant, en 1654, lors d'un
Zemsky Sobor -c'était un organe représentatif du pouvoir de l'ancien État russe- la décision a été prise. Cette partie des anciennes terres russes a été intégrée au Royaume de Moscou et, comme
prévu, une guerre avec la Pologne s'est déclenchée. La guerre a duré pendant 13 ans, puis une trêve a été signée, et seulement après la Conclusion de cet acte de 1654, soit 32 ans plus tard, la
paix avec la Pologne a été conclue, la "paix éternelle", comme on l'appelait à l'époque. Et ces terres, toute la rive gauche du Dniepr, y compris Kiev, ont été données à la Russie, et toute la
rive droite du Dniepr est restée en Pologne.
Puis, à l'époque de Catherine II, la Russie a repris toutes ses terres historiques, y compris le sud et l'ouest. Tout cela a duré jusqu'à la révolution [bolchévique
de 1917-ndlr]. Avant la Première guerre mondiale, profitant de ces idées d'ukrainisation, l'État-major autrichien a commencé à promouvoir très activement les idées de l'Ukraine et
l'ukrainisation. Il est clair pourquoi, car à la veille de la Guerre mondiale, bien sûr, il y avait un désir d'affaiblir un ennemi potentiel, il y avait un désir de créer des conditions
favorables dans la bande frontalière. Et l'État-major autrichien a commencé à son tour à promouvoir cette idée, née une fois en Pologne et selon laquelle les habitants de ce territoire ne sont
pas tout à fait Russes, qu'ils sont supposés être un groupe ethnique particulier, les Ukrainiens.
Des théoriciens de l'indépendance de l'Ukraine ont déjà fait leur apparition au XIXe siècle, ils ont parlé de la nécessité de l'indépendance de l'Ukraine.
Cependant, tous ces "gourous" de l'indépendance ukrainienne disaient que l'Ukraine devrait avoir une très bonne relation avec la Russie, et ils y insistaient. Néanmoins, après la révolution de
1917, les bolcheviks ont essayé de rétablir l'État, la guerre civile a commencé, y compris [une guerre] contre la Pologne. La paix a été signée avec la Pologne en 1921, selon laquelle la partie
occidentale [de l'Ukraine-ndlr], sur la rive droite du Dniepr, a de nouveau été cédée à la Pologne.
En 1939, quand la Pologne s'est mise d'accord avec Hitler, c'est lui qui a proposé -nous avons tous ces documents dans les archives- de conclure la paix avec la
Pologne, un traité d'amitié et d'alliance, mais il a exigé que la Pologne rende à l'Allemagne le soi-disant corridor de Danzig, qui reliait la majeure partie de l'Allemagne à Königsberg et à la
Prusse orientale. (Après la Première guerre mondiale, cette partie du territoire avait été cédée à la Pologne et au lieu de Danzig, la ville de Gdansk était apparue.) Hitler leur a demandé de les
rendre paisiblement, les Polonais ont refusé, mais ils ont néanmoins coopéré avec Hitler et se sont engagés ensemble dans la partition de la Tchécoslovaquie.
Tucker Carlson: Puis-je demander? Vous dites que certaines parties de l'Ukraine sont en fait des terres russes depuis des centaines d'années. Alors
pourquoi, quand vous êtes devenu Président, vous ne les avez pas pris il y a 24 ans? Vous aviez des armes. Pourquoi avez-vous attendu si longtemps?
Poutine: Oui, je vais vous le dire. Je termine cette introduction historique, elle est peut-être ennuyeuse mais elle explique beaucoup.
Tucker Carlson: Elle n'est pas ennuyeuse, non.
Vladimir Poutine: Très bien. Je suis alors très heureux que vous l'ayez apprécié, merci beaucoup.
Ainsi, avant la Seconde guerre mondiale, lorsque la Pologne a coopéré avec l'Allemagne, elle a refusé d'accomplir les exigences d'Hitler, mais elle a néanmoins
participé avec Hitler à la partition de la Tchécoslovaquie. Mais, comme elle n'a pas cédé le corridor de Danzig, les Polonais ont ainsi obligé -ils ont joué trop longtemps avec Hitler- et l'ont
obligé à commencer la Seconde guerre mondiale par eux-mêmes. Pourquoi la guerre a-t-elle commencé le 1er septembre 1939 en Pologne? Ce pays s'est avéré intraitable et Hitler n'avait plus d'autre
choix que de commencer la réalisation de ses projets [par l'invasion de] la Pologne.
Par ailleurs, l'Union soviétique s'est comportée -j'ai lu des documents d'archives- de façon très honnête, l'Union soviétique a demandé à la Pologne d'autoriser le
passage de ses troupes au secours de la Tchécoslovaquie. Mais la Pologne, par le biais du ministre des Affaires étrangères de l'époque, a dit, que même si les avions soviétiques survolaient le
territoire polonais en direction de la Tchécoslovaquie, ils seraient abattus au-dessus du territoire de la Pologne. Bon, peu importe. Ce qui est important, c'est que la guerre a commencé, et
maintenant la Pologne elle-même a été victime de la politique menée contre la Tchécoslovaquie, parce que selon les protocoles bien connus [du pacte] Molotov-Ribbentrop, une partie de ces
territoires était attachée à la Russie, y compris l'Ukraine occidentale. La Russie, sous le nom d'Union soviétique, est ainsi revenue sur ses territoires historiques.
Après avoir remporté la Grande guerre patriotique, comme nous le disons -c'est la Seconde guerre mondiale- tous ces territoires ont été définitivement attribués à
la Russie, à l'Union Soviétique. Et la Pologne a reçu, probablement à titre de compensation, les territoires occidentaux, traditionnellement allemands: la partie orientale de l'Allemagne, une
partie de ces terres - ce sont les régions occidentales de la Pologne aujourd'hui. Bien sûr, ils ont de nouveau eu l'accès à la mer Baltique, encore une fois, ils ont repris Danzig, qui a repris
son nom en polonais. C'est ainsi que cette situation s'est développée.
Avec la formation de l'Union soviétique, dès 1922, les bolcheviks ont commencé à former l'URSS et ont créé l'Ukraine soviétique qui, avant, n'avait pas
existé.
Dans le même temps, c'est Staline qui insistait pour que ces républiques, qui étaient en train de se formées, soient intégrées [à l'URSS] en tant qu'entités
autonomes. Mais pour une raison quelconque, le fondateur de l'État soviétique, Lénine, a insisté pour qu'elles aient le droit de quitter l'Union soviétique. Et aussi, pour des raisons
incompréhensibles, il a doté la [nouvelle] Ukraine soviétique de terres avec des populations qui y résidaient, même si elles n'avaient jamais été appelées Ukraine. Pour une raison quelconque,
lors de sa formation, tout cela a été "versé" dans la composition de l'Ukraine soviétique, y compris toutes les régions de la mer Noire acquises à l'époque de Catherine II, et avec lesquelles
l'Ukraine n'avait jamais eu de relation historique.
Même si nous revenons en 1654, lorsque ces territoires sont revenus à l'Empire russe, il y avait trois ou quatre régions de l'Ukraine contemporaine, mais il n'y
avait pas du tout de régions de la mer Noire là-bas. Il n'y avait tout simplement pas de quoi parler.
Tucker Carlson: En 1654? Vous avez des connaissances encyclopédiques. Mais pourquoi n'en avez-vous pas parlé les 22 premières années de votre
présidence?
Vladimir Poutine: Bon, l'Ukraine soviétique a reçu un grand nombre de territoires qui n'avaient jamais rien à voir avec elle, en particulier ceux
de la mer Noire. À l'époque, lorsque la Russie les avait reçus à la suite des guerres russo-turques, ils ont été baptisés Novorossia [Nouvelle Russie-ndlr]. Mais ce n'est pas important. Ce qui
importe c'est que Lénine, le fondateur de l'État soviétique, a créé l'Ukraine de cette façon. Pendant de nombreuses décennies l'Ukraine s'est développée comme ça, dans le cadre de l'URSS, et les
Bolcheviks, pour des raisons incompréhensibles aussi, se sont occupés de l'ukrainisation, non seulement parce qu'il y avait des Ukrainiens dans le pouvoir de l'Union soviétique, mais en général,
parce qu'il y avait une telle politique [en URSS-ndlr], qui s'appelait "l'indigénisation", et cela concernait l'Ukraine et d'autres républiques de l'Union. Les langues, la culture [des minorités]
nationales ont été introduites, ce qui n'est pas mal, bien sûr. Mais c'est ainsi que l'Ukraine soviétique a été créée.
Et après la Seconde guerre mondiale, l'Ukraine a non seulement reçu une partie des territoires polonais d'avant la guerre -aujourd'hui c'est l'Ukraine occidentale-
mais aussi une partie des terres hongroises et roumaines. Donc ces terres ont été prises à la Roumanie et à la Hongrie et elles ont intégré l'Ukraine soviétique et y restent toujours. Par
conséquent, nous avons toutes les raisons de dire que l’Ukraine est, dans un certain sens, un État artificiel créé sur ordre de Staline.
Tucker Carlson: Croyez-vous que la Hongrie a le droit de reprendre ses terres? Et que d'autres nations peuvent aussi reprendre leurs terres,
ramenant probablement l'Ukraine aux frontières de 1654?
Vladimir Poutine: Je ne sais pas [si on peut parler] des frontières de 1654. L'époque du règne de Staline est appelée le régime stalinien, tout le
monde dit qu'il y a eu beaucoup de violations des droits de l'homme, de violations des droits d'autres États. Dans ce sens, il est bien sûr tout à fait possible, sinon de dire qu'ils ont le droit
de récupérer ces terres, en tout cas, c'est compréhensible...
Tucker Carlson: L'avez-vous dit à Orban, qu'il peut récupérer une partie des terres de l'Ukraine?
Vladimir Poutine: Je ne l'ai jamais dit. Jamais, pas une seule fois. Nous n'avons même pas eu de conversation à ce sujet avec lui. Mais je sais
avec certitude que les Hongrois, qui y résident, veulent bien sûr revenir dans leur patrie historique.
Et plus encore, je vais vous raconter une histoire très intéressante, pour distraire, c'est une histoire personnelle. Vers le début des années 1980, je suis allé en
voiture de Léningrad (aujourd'hui Saint-Pétersbourg), pour un voyage à travers l'Union soviétique. Je suis passé par Kiev, puis je suis allé en Ukraine occidentale. Là, je suis entré dans la
ville de Beregovo, où tous les noms des villes et villages étaient indiqués en russe et dans une langue incompréhensible pour moi, c'était l'hongrois, donc en russe et en hongrois. Pas en
ukrainien, mais en russe et en hongrois.
Je traverse un village, devant des maisons, il y a des hommes en costumes noirs avec des chapeaux cylindriques noirs. Je demande: sont-ils des artistes? On me dit -
non, ce ne sont pas des artistes, ce sont des Hongrois. Je dis, que font-ils ici? -Comment? C'est leur terre, ils vivent ici. Tous les noms géographiques! À l'époque soviétique, pendant les
années 1980! Ils ont conservé la langue hongroise, les noms, leurs costumes nationaux. Ils sont Hongrois et se considèrent comme Hongrois. Et, bien sûr, lorsque [leurs droits] sont
bafoués...
Tucker Carlson: Oui, je pense que cela arrive beaucoup. Il y a probablement beaucoup de pays qui sont mécontents du changement des frontières
survenu au XXe siècle et avant. Mais le fait est que vous n'avez rien dit de pareil avant février 2022. Vous avez dit que vous ressentiez une menace physique de la part de l'Otan, en particulier
la menace nucléaire, ce qui vous a incité à agir. Est-ce que je vous comprends bien ?
Vladimir Poutine: Je comprends que mes longs dialogues, ils ne font probablement pas partie d'un tel genre d'interview. C'est pourquoi je vous ai
d'abord demandé si nous aurons une conversation sérieuse ou un show, vous avez dit que c'est une conversation sérieuse. Alors ne m'en voulez pas, s'il vous plaît.
Eh bien, nous sommes arrivés au moment où l'Ukraine soviétique a été créée. Ensuite il y a eu l'année 1991, l'effondrement de l'Union soviétique, et tout ce que
l'Ukraine avait reçu comme un cadeau généreux de la Russie, elle l'a emporté avec elle.
Et dans l'ensemble, je m'approche maintenant du moment très important pour aujourd’hui. Car cet effondrement de l'Union soviétique a été initié, en fait, par les
dirigeants de la Russie. Je ne sais pas ce qui a guidé les dirigeants russes à l'époque, mais je crois qu'il y avait plusieurs raisons de penser que tout irait bien.
Premièrement, je pense que les dirigeants russes étaient guidés par les bases fondamentales des relations entre la Russie et l’Ukraine. Une langue commune de fait,
90% et même plus [d'habitants de l'Ukraine] parlaient russe; les liens de parenté -une personne sur trois a des relations parentales, amicales-; une culture commune; une histoire commune et enfin
une religion commune. Le fait d’avoir été un seul État pendant des siècles, les économies interconnectées, tout cela ce sont des choses si fondamentales. Tout cela constitue la base pour des
relations inévitablement bonnes.
Deuxièmement, et c'est très important. Je veux que vous, en tant que citoyens américain, que vos auditeurs, le public l'entendent aussi. Les anciens dirigeants
russes partaient du fait que l'Union soviétique avait cessé d'exister et qu'il n'y avait donc plus de lignes de clivage idéologique. La Russie a consenti volontairement et a même initié
l’effondrement de l’Union soviétique. Et elle partait du fait que l'"Occident civilisé" le comprendrait comme une invitation à collaborer et à devenir alliés. C'est ce que la Russie attendait des
États-Unis et de l'"Occident collectif" dans son ensemble.
Il y avait des hommes intelligents, y compris en Allemagne. Egon Bahr -c'était un homme politique important du Parti social-démocrate d'Allemagne- a insisté
personnellement, lors de ses conversations avec les dirigeants soviétiques avant l'effondrement de l'Union soviétique, qu'il fallait créer un nouveau système de sécurité en Europe. Qu'il fallait
aider l'Allemagne à se réunir, mais aussi de créer un nouveau système, qui comprendrait les États-Unis, le Canada, la Russie et d'autres pays d'Europe centrale. Mais qu'il ne fallait pas que
l'Otan s'élargisse. Il a dit que si l'Otan s'élargissait, ce serait comme pendant la guerre froide, mais plus près des frontières de la Russie. C'est tout. C'était un vieux intelligent. Personne
ne l'a écouté. De plus, il s'est fâché un jour -nous avons aussi cette conversation dans les archives: 'si vous ne m'écoutez pas, a-t-il dit, je ne viendrais plus jamais à Moscou'. Il s'est fâché
contre les dirigeants soviétiques. Il avait raison. Tout s'est passé comme il l'avait dit.
Tucker Carlson: Oui, bien sûr, ses paroles se sont réalisées. Vous en avez parlé à plusieurs reprises. Je pense que c'est tout à fait juste. Et
beaucoup, aux USA, pensaient aussi que les relations entre la Russie et les États-Unis seraient normales après l'effondrement de l'URSS. Cependant, c’est le contraire qui s’est produit.
Cependant, vous n’avez jamais expliqué pourquoi vous pensiez que cela est arrivé. Oui, peut-être que l’Occident a peur d’une Russie forte, mais l’Occident n’a pas peur d’une Chine forte.
Vladimir Poutine: L’Occident craint plus une Chine forte qu’une Russie forte, car la Russie compte 150 millions d’habitants et la Chine en compte
un milliard et demi. Et l'économie chinoise se développe à pas de géant - plus de 5% par an, c'était encore plus, mais c’est suffisant pour la Chine. Bismarck a dit un jour que l’essentiel
c’était les potentiels. Le potentiel de la Chine est colossal, elle est aujourd'hui la première économie au monde en termes de pouvoir d'achat, en termes de volume économique. Celle-ci a déjà
dépassé les États-Unis depuis un certain temps et le rythme s'accélère.
Nous n'allons pas dire qui a peur de qui. Ne partons pas dans de telles catégories. Parlons du fait qu'après 1991, lorsque la Russie espérait être accueillie dans
la famille des peuples civilisés frères, rien de tel ne s’est produit. Vous nous avez trompés. Quand je dis "vous", je ne parle pas de vous personnellement, bien sûr, mais des États-Unis - ils
ont promis qu’il n’y aurait pas d’expansion de l’Otan vers l’Est, mais cela s’est produit cinq fois, cinq vagues d’expansion. Nous avons continué à patienter, à persuader, à dire: pas besoin,
nous sommes désormais des vôtres, comme on dit, capitalistes, nous avons une économie de marché, le Parti communiste n'est plus au pouvoir, négocions.
D’ailleurs, j’en ai déjà parlé publiquement - prenons maintenant l’ère Eltsine - il y a eu un moment où "des nuages sont apparus". Avant cela, Eltsine s'était rendu
aux États-Unis, rappelez-vous, il avait pris la parole au Congrès et prononcé des paroles merveilleuses: God bless America. Pourtant il avait tout dit, c'étaient des signaux: laissez-nous
entrer.
Non, lorsque les événements ont commencé en Yougoslavie... Avant cela, on n'avait cessé de louer Eltsine, mais dès le début des événements en Yougoslavie et
lorsqu'il a élevé la voix en faveur des Serbes -puisqu'il était impossible pour nous de ne pas défendre les Serbes... Je comprends qu'il y a eu des processus complexes, je le comprends. Mais la
Russie ne pouvait pas ne pas élever la voix en faveur des Serbes, car les Serbes sont aussi une nation particulière, proche de nous, avec une culture chrétienne orthodoxe, etc. C'est un peuple
qui souffre depuis des générations. L’important est qu’Eltsine ait exprimé son soutien. Que les États-Unis ont-ils fait? En violation du droit international et de la Charte des Nations unies, des
bombardements de Belgrade ont commencé.
Les États-Unis ont laissé ce génie sortir de la bouteille. Et lorsque la Russie s’y est opposée et a exprimé son indignation, quelle était la réponse? "La Charte
des Nations unies et le droit international sont dépassés". Aujourd’hui, tout le monde se réfère au droit international, mais à l'époque ils ont commencé à dire que tout était dépassé et qu’il
fallait tout changer.
En effet, il faut changer quelques chose car le rapport des forces a changé, c’est vrai, mais pas de cette façon. Oui, soit dit en passant, ils ont immédiatement
commencé à jeter l’opprobresur Eltsine, soulignant qu'il était alcoolique, qu'il ne comprenait rien, qu'il ne savait rien. Il comprenait et savait tout, je vous l'assure.
Alors ok. Je suis devenu Président en 2000. Je me suis dit: bon, le dossier yougoslave est clos, il faut essayer de rétablir des relations, tout en ouvrant cette
porte par laquelle la Russie essayait d’entrer. Et d'ailleurs, 00:29:34:11 j'en ai parlé publiquement, je peux le répéter, lors d'une réunion ici au Kremlin avec le Président sortant Bill Clinton
-ici, dans une pièce voisine- je lui ai posé la question: écoutez, Bill, qu'en pensez-vous, si la Russie soulevait la question de l'adhésion à l'Otan, pensez-vous que cela serait possible? Et
soudain, il a dit: tu sais, c'est intéressant, je pense que oui. Et le soir, lorsque nous nous sommes rencontrés au dîner, il a dit:vous savez, j'ai parlé à mon équipe - non, maintenant c'est
impossible. Vous pouvez lui demander, je pense qu'il entendra cette interview et le confirmera. Je n'aurais jamais dit une chose pareille si cela n'était pas arrivé. D'accord, maintenant c'est
impossible.
Vladimir Poutine: Écoutez, j'ai posé une question: est-ce possible ou non? Et j'ai reçu la réponse: non. Si je n'étais pas sincère dans mon désir
de découvrir la position des dirigeants...
Tucker Carlson: Et s’il disait oui, rejoindriez-vous l’Otan?
Vladimir Poutine: S'il avait dit "oui", le processus de rapprochement aurait commencé, et cela aurait finalement pu se produire si nous avions vu
un désir sincère de nos partenaires de le faire. Mais cela ne s'est pas passé. Eh bien, non c'est non, d'accord.
Tucker Carlson: Pourquoi, à votre avis? Quelles en sont les motivations? Je sens que vous êtes amer à ce sujet, je comprends. Mais pourquoi
pensez-vous que l’Occident vous a rejeté alors? D'où vient cette hostilité? Pourquoi n'avait-on pas réussi à améliorer les relations? Quelles en étaient les motivations, de votre point de
vue?
Vladimir Poutine: Vous avez dit que cette réponse me rendait amer. Non, ce n’est pas de l’amertume, c’est simplement un constat. Nous ne sommes pas
fiancés, l’amertume et le ressentiment ne sont pas des sentiments qu'on éprouve dans de tels cas. Nous nous sommes tout simplement rendus compte que nous n'étions pas les bienvenus là-bas, c’est
tout. D'accord. Mais construisons des relations différemment, cherchons un terrain d'entente. Pourquoi avons-nous reçu une réponse aussi négative, demandez à vos dirigeants. Je ne peux que
deviner pourquoi: notre pays est trop grand, il a sa propre opinion, etc. Quant aux États-Unis, j'ai vu comment les problèmes sont réglés au sein de l'Otan...
Je vais maintenant donner un autre exemple, concernant l'Ukraine. Les dirigeants américains ont "fait pression" - et tous les membres de l’Otan votent docilement,
même s’ils n’aiment pas quelque chose. Dans ce contexte, je vais maintenant vous dire ce qui est arrivé à l'Ukraine en 2008, même si on en parle et que je ne vous dirai rien de nouveau
ici.
Néanmoins, nous avons ensuite essayé de nouer des relations de différentes manières. Par exemple, il y a eu des événements au Moyen-Orient, en Irak - nous avons
construit nos relations avec les États-Unis très doucement et sereinement.
J'ai soulevé à plusieurs reprises la question selon laquelle les États-Unis ne devraient soutenir ni le séparatisme ni le terrorisme dans le Caucase du Nord. Mais
ils ont quand même continué à le faire. Et les États-Unis et leurs satellites ont apporté un soutien politique, informationnel, financier, voire militaire, aux groupes terroristes du
Caucase.
J'ai déjà soulevé cette question avec mon collègue, également Président des États-Unis. Il dit: "c'est impossible, avez-vous des preuves?" Je dis "oui". J'étais
prêt pour cette conversation et je lui ai fourni ces preuves. Il m’a regardé et savez-vous ce qu'il a dit? Je m'excuse, mais c'est ce qui s'est passé, je vais le citer, il a dit: "je vais leur
botter le cul". Nous avons longtemps attendu une réponse - il n’y a pas eu de réponse.
Je dis au directeur du FSB: écrivez à la CIA, y a-t-il un résultat une conversation avec le Président? J'ai écrit une fois, deux fois, puis nous avons reçu une
réponse. Nous l'avons dans nos archives. La CIA a répondu: "nous avons travaillé avec l’opposition en Russie; nous pensons que c'est bien et nous continuerons de travailler avec l'opposition".
Drôle. D'accord. Nous avons compris qu'il n'y aurait pas de conversation.
Tucker Carlson: Une opposition contre vous?
Vladimir Poutine: Bien entendu, il s'agissait de séparatistes, de terroristes qui ont combattu contre nous dans le Caucase. Ils appelaient cela une
opposition. C'est le deuxième épisode.
Le 3e épisode est très important, c’est le début de la création du système de défense antimissile américain. Nous avons passé beaucoup de temps à essayer de
persuader les États-Unis de ne pas le faire. De plus, après que le père de Bush Jr., Bush Sr., m'a invité à lui rendre visite sur l'océan, on a eu une conversation très sérieuse avec le Président
Bush et son équipe. J'ai proposé que les États-Unis, la Russie et l'Europe créent conjointement une DCA qui, selon nous, crééeunilatéralement, représente une menace pour notre sécurité, malgré le
fait que les États-Unis ont officiellement déclaré que ce système était créé pour contrer les menaces de missiles iraniens. C'est également la justification de la création de la défense
antimissile. J'ai proposé que l’on travaille tous les trois ensemble: la Russie, les États-Unis et l'Europe. On m'a dit que c'était très intéressant. On m'a demandé: tu es sérieux ? J'ai dit
"Absolument".
Tucker Carlson: C'était quand, en quelle année?
Vladimir Poutine: Je ne m'en souviens pas. C'est facile à retrouver sur Internet, quand j'étais aux États-Unis à l'invitation de Bush-père. C'est
encore plus facile de le savoir maintenant, je vais vous dire de qui.
On m'a dit: "c'est très intéressant". J'ai dit: "imaginez si nous résolvions ensemble une tâche stratégique aussi globale dans le domaine de la sécurité. Le monde
va changer. Nous aurons probablement des différends, probablement économiques et même politiques, mais nous changerons radicalement la donne dans le monde". Il a dit en réponse: "oui". On m'a
demandé: "es-tu sérieux?" J'ai dit: "bien sûr". "Il faut y réfléchir", m'a-t-on dit. J'ai dit: "je vous en prie".
Ensuite, le secrétaire à la Défense Gates, ancien directeur de la CIA, et la secrétaire d'État Rice sont venus ici dans ce bureau où nous discutons actuellement.
Ils se sont assis ici, derrière cette table, en face. Moi, le ministre des Affaires étrangères et le ministre de la Défense de la Russie, nous sommes assis de l’autre côté. Ils m'ont dit: "Oui,
nous avons réfléchi, nous sommes d'accord". J'ai dit: "Dieu merci, super". - "Mais à quelques exceptions."
Tucker Carlson: Vous avez donc décrit à deux reprises comment les Présidents américains prenaient certaines décisions, puis leurs équipes ont fait
échouer ces décisions?
Vladimir Poutine: C’est vrai. Finalement, nous avons été renvoyés. Je ne vous donnerai pas les détails, car je pense que ce n'est pas approprié.
Après tout, c’était une conversation confidentielle. Mais notre proposition a été rejetée, c'est un fait
C'est alors que j'ai dit: "écoutez, mais nous serons alors obligés de prendre des mesures de rétorsion. Nous créerons des systèmes de frappe qui surmonteront
certainement le système de défense antimissile". La réponse était la suivante: "nous ne le faisons pas contre vous, et vous faites ce que vous voulez, en partant du principe que ce n’est pas
contre nous, ni contre les États-Unis". J’ai dit: "d'accord". Cela a marché. Et nous avons créé des systèmes hypersoniques, à portée intercontinentale, et nous continuons à les développer. Nous
sommes désormais en avance sur tout le monde - les États-Unis et d'autres pays- dans la création de systèmes hypersoniques qui sont améliorés chaque jour.
Mais ce ne sont pas nous qui l’avons fait, nous avons proposé de suivre une autre voie, mais ils nous ont écartés.
Parlons maintenant de l’expansion de l’Otan vers l’Est. Eh bien, on nous a promis: il n’y aura pas d’Otan à l’Est, l'Alliance n'avancera pas d'un pouce à l’Est,
comme on nous l’a dit. Et après? On nous adit: eh bien, nous ne l’avons pas enregistré sur papier, dons nous allons l’étendre. Cinq expansions, incluant les États baltes, toute l’Europe de l’Est,
etc.
Et maintenant je passe à l’essentiel: l’Ukraine. En 2008, lors du sommet de Bucarest, on a annoncé que les portes de l'Otan étaient ouvertes pour l'Ukraine et pour
la Géorgie.
Il faut maintenant savoir comment les décisions sont prises dans ces pays. L'Allemagne et la France semblaient s'y opposer, ainsi que d'autres pays européens. Mais
ensuite, comme il s'est avéré plus tard, le Président Bush, qui est un homme dur, un politicien dur, comme on me l'a dit plus tard: il a fait pression sur nous, et nous avons dû l'accepter. C'est
drôle, on se croirait au jardin d'enfants. Où sont les garanties? C’est quoi ce jardin d'enfants, qui sont ces gens, ils sont qui? On leur a fait "pression", ils ont accepté. Puis ils ont dit:
"L'Ukraine ne fera pas partie de l'Otan, tu le sais". J'ai dit: "Je ne sais pas, je sais que vous l'aviez accepté en 2008, mais pourquoi ne le ferez-vous pas à l'avenir? "Eh bien, à l'époque, ils
nous ont pressés". Je dis: pourquoi ne vous presseront-ils pas demain pour que vous acceptiez à nouveau? C'est de la foutaise. Je ne comprends pas à qui parler là-bas. Nous sommes prêts à parler.
Mais avec qui? Quelles sont les garanties? Nulles.
Donc, ils ont commencé à s'installer sur le territoire de l'Ukraine. Quoi qu'il y ait là-bas, j'ai raconté le contexte, comment ce territoire s'est développé,
quelles relations il avait avec la Russie. Une personne sur deux ou sur trois a toujours eu un lien avec la Russie. Et lors des élections dans une Ukraine indépendante et souveraine, qui a obtenu
son indépendance à la suite de la Déclaration d'indépendance, et, soit dit en passant, celle-ci indique que l'Ukraine est un État neutre, et en 2008, on leur a soudainementouvert les portes de
l’Otan. Surprenant! Nous n’étions pas d’accord sur ce point. Tous les Présidents arrivés au pouvoir en Ukraine se sont appuyés sur l’électorat qui, d’une manière ou d’une autre, avait une bonne
attitude envers la Russie. C'est le sud-est de l'Ukraine, c'est un grand nombre de personnes. Et il était très difficile de "faire taire" cet électorat qui avait une attitude positive envers la
Russie.
Viktor Ianoukovitch est arrivé au pouvoir et comment: pour la première fois, il a gagné après le Président Koutchma - ils ont organisé un troisième tour, ce qui
n'est pas prévu dans la Constitution ukrainienne. C'est un coup d'État. Imaginez-le, si quelqu’un n’a pas aimé quelque chose, aux États-Unis...
Tucker Carlson: En 2014.
Vladimir Poutine: Non, avant. Non, non, c’était avant. Après le Président Koutchma, Viktor Ianoukovitch a remporté l'élection. Mais ses adversaires
n'ont pas reconnu cette victoire: les États-Unis ont soutenu son opposant et programmé un troisième tour. Qu'est-ce que c'est? C'est un coup d'État. Les États-Unis l'ont soutenu et il est arrivé
au pouvoir à la suite du troisième tour... Imaginez qu'aux États-Unis, quelqu'un n'aime pas quelque chose, qu'on organise un troisième tour qui n'est pas prévu dans la Constitution américaine.
Mais néanmoins, on l’a fait là-bas [en Ukraine]. Donc, Viktor Iouchtchenko, considéré comme un homme politique pro-occidental, est arrivé au pouvoir. D'accord, mais nous avons également établi
des relations avec lui, il effectuait des visites à Moscou, nous allions à Kiev et je le faisais en personne. Nous nous sommes rencontrés dans un cadre informel. Pro-occidental, soit, mais les
gens travaillent. La situation doit évoluer à l’intérieur même de l’Ukraine indépendante. Après avoir dirigé le pays, la situation s'est aggravée et Viktor Ianoukovitch est finalement arrivé au
pouvoir.
Peut-être n’était-il pas le meilleur Président et politicien -je ne sais pas, je ne veux pas porter de jugement- mais la question de l’association avec l’Union
européenne s’est posée. Nous n'avons jamais été contre: faites-le. Mais quand nous avons lu cet accord d'association, il s'est avéré problématique pour nous, car nous avons une zone de
libre-échange avec l'Ukraine, des frontières douanières perméables. Or l'Ukraine, selon cette association, aurait dû ouvrir ses frontières à l'Europe -et tous les flux seraient arrivés sur notre
marché.
Nous avons dit: "non, cela ne marchera pas, nous fermerons alors nos frontières avec l’Ukraine, nos frontières douanières". Ianoukovitch a commencé à calculer
combien l’Ukraine gagnerait et combien elle perdrait, puis il a annoncé à ses homologues européens: "je dois réfléchir à nouveau avant de signer." À peine eut-il déclaré cela, que des actions
destructrices commencèrent au sein de l’opposition, soutenue par l’Occident, le tout culminant avec le Maïdan et le coup d’État en Ukraine.
Tucker Carlson: Il a donc davantage commercé avec la Russie qu’avec l’Union européenne?
Vladimir Poutine: Bien sûr. Ce n’est même pas une question de volumes d’échanges. Le problème réside dans les liens de coproduction industrielle
sur lesquels repose l’ensemble de l’économie ukrainienne. Les liens de coopération entre les entreprises étaient très étroits depuis l’époque de l’Union soviétique. À l'époque, une entreprise
ukrainienne produisait des composants pour l'assemblage final en Russie, et vice versa. Il y avait des liens très étroits.
Ils ont donc fait un coup d'État. Je n'entrerai pas dans les détails maintenant car je ce n'est pas correct, mais les États-Unis nous ont dit: "Calmez Ianoukovitch,
et nous calmerons l'opposition; que tout suive la voie du règlement politique". Nous avons dit d'accord. Comme nous l’avaient demandé les Américains, Ianoukovitch n’a eu recours ni aux forces
armées, ni à la police. Mais l’opposition armée à Kiev a mené son coup d’État. Qu'est-ce que cela signifie? Qui êtes-vous en réalité? -c'est ce que je voulais demander aux dirigeants américains
de l’époque.
Tucker Carlson: Avec quel soutien ont-ils fait ça?
Vladimir Poutine: Avec le soutien de la CIA, bien sûr. Une agence pour laquelle vous [Tucker Carlson, ndlr] vouliez autrefois travailler. Dieu
merci, ils ne vous ont pas pris. Bien qu'il s'agisse d'une organisation sérieuse, de mes "anciens collègues" dans le sens où j'ai moi-même travaillé à la Première Direction principale, au service
du renseignement de l'Union soviétique. Ils ont toujours été nos adversaires. Mais le travail est le travail.
Techniquement, ils ont tout fait correctement, ils ont obtenu ce qu'ils voulaient: ils ont changé le gouvernement. Mais d’un point de vue politique, c’était une
erreur colossale. Ici, bien entendu, les dirigeants politiques n’ont pas fait leur travail correctement. Les dirigeants politiques auraient dû voir à quoi cela aboutirait.
Ainsi, en 2008, les portes de l'Otan se sont entrouvertes pour l’Ukraine. En 2014, un coup d'État a été mené et tous ceux qui n'ont pas accepté ce coup d'État, car
c'était bien un coup d'État, ont commencé à être persécutés. Il y a eu une menace pour la Crimée, que nous avons été forcés de prendre sous notre protection. Ils ont déclenché la guerre dans le
Donbass en 2014, en utilisant l’aviation et l’artillerie contre les civils. En réalité, c’est ici que tout a commencé. Il existe un enregistrement vidéo d’avions frappant Donetsk. Ils ont
entrepris une opération militaire à grande échelle qui a échoué, puis une autre. Et toujours sur fond de développement militaire de ce territoire et d’ouverture des portes à l’Otan.
Comment ne pas nous inquiéter de ce qui se passe? Ce serait une imprudence criminelle de notre part. Les dirigeants politiques américains nous ont poussés vers une
ligne au-delà de laquelle nous n'avions plus le choix, car cela aurait détruit la Russie elle-même. Et nous ne pouvions pas laisser nos coreligionnaires et, en fait, une partie du peuple russe,
sous cette machine de guerre.
Tucker Carlson: C'était huit ans avant le début du conflit. Qu’est-ce qui a provoqué ce conflit lorsque vous avez décidé que vous deviez quand même
franchir le pas?
Vladimir Poutine: Au départ, le conflit a été provoqué par le coup d’État en Ukraine.
Soit dit en passant, des représentants de trois pays européens étaient là: l'Allemagne, la Pologne et la France, qui étaient garants de l'accord signé entre le
gouvernement d’Ianoukovitchet l'opposition. Ils ont apposé leur signature en tant que garants. Malgré cela, l'opposition a mené un coup d'État, et tous ces pays ont prétendu qu'ils ne se
souvenaient de rien à propos du fait qu'ils étaient les garants du processus de paix. Ils l'ont immédiatement jeté aux oubliettes, personne ne s'en est souvenu.
Je ne sais pas ce que l'on sait aux États-Unis de cet accord entre l’opposition et le pouvoir, et ce que l'on sait des trois garants qui, au lieu de remettre tout
ce processus sur le terrain politique, ont soutenu le coup d’État. Reste que tout cela n'avait aucune utilité, croyez-moi. Parce que le Président Ianoukovitch a tout accepté. Il était prêt à des
élections anticipées, qu’il n’avait aucune chance de gagner, pour être honnête. Tout le monde le savait.
Alors pourquoi un coup d’État, pourquoi ces victimes? Pourquoi ces menaces contre la Crimée? Pourquoi avoir commencé les opérations dans le Donbass? C'est ce que je
ne comprends pas. C’est là que réside l’erreur de calcul. La CIA a achevé son travail en mettant en œuvre le coup d'État. Je crois même qu'un des secrétaires d'État adjoints a déclaré qu'ils
avaient dépensé une somme importante pour cela, près de cinq milliards de dollars. Mais l’erreur politique est colossale. Pourquoi fallait-il faire cela? La même chose aurait pu être faite, mais
légalement, sans victime, sans déclenchement d’opérations militaires et sans la perte de la Crimée. Et sans ces événements sanglants survenus sur le Maïdan, nous n’aurions pas levé le petit
doigt; cela ne nous serait jamais venu à l’esprit.
Après l’effondrement de l'URSS, nous avions convenu de frontières suivant celles des anciennes républiques soviétiques. Nous étions d'accord avec cela. Mais nous
n’avons jamais accepté l’expansion de l’Otan, et encore moins que l’Ukraine fasse partie de l’Otan. Nous n'étions pas d'accord sur le fait qu'il y aurait des bases de l'Otan là-bas sans aucune
discussion avec nous. Nous avons supplié pendant des décennies: ne faites pas ceci, ne faites pas cela.
Quel a été le déclencheur des événements récents? Premièrement, les dirigeants ukrainiens ont déclaré qu'ils n'appliqueraient pas les accords de Minsk, qui ont été
signés, comme vous le savez, après les événements de 2014, au cours desquels un plan de règlement pacifique dans le Donbass a été esquissé. Les dirigeants ukrainiens actuels, le ministre des
Affaires étrangères, tous les autres responsables, le Président lui-même ont déclaré qu'ils n'aimaient rien dans ces accords de Minsk. En d’autres termes, qu'ils ne s’y conformeraient pas.
Et les anciens dirigeants de l’Allemagne et de la France ont franchement déclaré -il y a un an et demi, devant le monde entier- qu’ils avaient signé ces accords de
Minsk, mais qu’ils n’avaient jamais eu l’intention de les mettre en œuvre. Nous avons simplement été menés par le bout du nez.
Tucker Carlson: Avez-vous parlé avec le secrétaire d'État, avec le Président? Ils avaient peut-être peur de vous parler? Leur avez-vous dit que
s’ils continuaient à gonfler l’Ukraine d’armes, vous agiriez?
Vladimir Poutine: Nous en parlions constamment. Nous avons appelé les dirigeants des États-Unis et des pays européens à arrêter cela immédiatement
et à garantir l’application des accords de Minsk. Franchement, je ne savais pas comment nous allions faire, mais j'étais prêt à le faire. C'est difficile pour l'Ukraine, les accords contenaient,
prévoyaient de nombreux éléments d'indépendance pour le Donbass, c'est vrai. Mais j'en étais absolument sûr, je vais vous le dire maintenant: je croyais sincèrement que si nous parvenions à
persuader les gens du Donbass -il fallait encore les convaincre de revenir dans le cadre de l'État ukrainien- alors progressivement les blessures guériraient. Que petit à petit, lorsque cette
partie du territoire reviendrait à la vie économique, à l'environnement social général, quand les retraites, les prestations sociales seraient versées, tout allait peu à peu se ressouder. Mais
non, personne ne voulait cela. Tout le monde voulait résoudre le problème uniquement par la force militaire. Mais nous ne pouvions pas permettre cela.
Et tout cela est arrivé à un point lorsqu'en Ukraine, on a annoncé: non, nous n’appliquerons rien. De plus, ils ont commencé à se préparer à une action militaire.
00:52:19:18 Ils ont déclenché la guerre en 2014. Notre objectif est de mettre fin à cette guerre. Et nous ne l’avons pas commencée en 2022, c’est une tentative de l’arrêter.
Tucker Carlson: Pensez-vous que vous avez réussi à l'arrêter maintenant? Avez-vous atteint vos objectifs?
Vladimir Poutine: Non, nous n’avons pas encore atteint nos objectifs, car l’un d’eux est la dénazification. Il s’agit de l’interdiction de tous les
mouvements néo-nazis. C'est l'un des problèmes dont nous avons discuté au cours des négociations, qui se sont terminées à Istanbul au début de l'année dernière. Mais ce n'était pas nous qui avons
initié leur fin, car on nous a dit, notamment les Européens: il est impératif de créer des conditions pour la signature finale des documents. Mes collègues en France et en Allemagne disaient:
"Comment imaginez-vous comment ils vont signer l'accord: avec un pistolet sur la tempe? Il faut retirer les troupes de Kiev". J'ai dit:"D'accord". Nous avons retiré nos troupes de Kiev.
Dès que nous l’avons fait, nos négociateurs ukrainiens ont immédiatement jeté à la poubelle tous nos accords conclus à Istanbul et se sont préparés à une longue
confrontation armée avec l’aide des États-Unis et de leurs satellites en Europe. Voici comment la situation aévolué. Et voilà à quoi elle ressemble maintenant.
Tucker Carlson: La dénazification, qu’est-ce que c'est? Qu'est-ce que cela signifie?
Vladimir Poutine: Je veux juste l’aborder maintenant. C'est une question très importante.
La dénazification. Après avoir accédé à l’indépendance, l’Ukraine a commencé à rechercher son identité, comme le disent certains analystes occidentaux. Et elle n’a
rien trouvé de mieux que d’ériger au premier plan de cette identité les faux héros qui ont collaboré avec Hitler.
J'ai déjà dit qu'au début du XIXe siècle, lorsque sont apparus les théoriciens de l'indépendance et de la souveraineté de l'Ukraine, ils partaient du principe
qu'une Ukraine indépendante devait entretenir de très bonnes relations avec la Russie. Mais en raison de l’évolution historique, du fait que lorsque ces territoires faisaient partie de la
République des deux nations, de la Pologne, les Ukrainiens ont été assez brutalement persécutés, on a essayé de confisquer, de détruire cette identité, ces violences sont restées dans le mémoire
du peuple. Lorsque la Seconde Guerre mondiale a éclaté une partie de cette élite extrêmement nationaliste a commencé à collaborer avec Hitler, croyant qu’il leur apporterait la liberté. Les
troupes allemandes, même les troupes SS, ont confié le travail le plus sale, celui d'exterminer la population polonaise, la population juive, aux collaborationistes. D’où ce massacre brutal de la
population polonaise, juive et russe aussi. A sa tête se trouvaient des personnages bien connus:Bandera, Choukhevytch. Ce sont ces gens qui sont devenus des héros nationaux. C'est le problème. Et
on nous le dit tout le temps: le nationalisme et le néonazisme existent dans d’autres pays. Oui, il y en a des pousses, mais nous les détruisons, comme le font d'autres pays. Mais en Ukraine ils
sont devenus des héros nationaux, des monuments leur sont érigés, ils figurent sur des drapeaux, leurs noms sont acclamés par des foules qui marchent avec des torches, comme enl'Allemagne nazie.
Ce sont eux qui ont détruit des Polonais, des Juifs et des Russes. Il faut mettre fin à ces pratiques et à cette théorie.
Bien sûr, toute nation s'est développée, comme une partie des gens croient là-bas... Je dis que cela fait partie du peuple russe, ils disent: non, nous sommes un
peuple distinct. D'accord. Si quelqu’un se considère comme un peuple distinct, il en a le droit. Mais pas sur la base du nazisme, de l’idéologie nazie.
Tucker Carlson: Serez-vous satisfait du territoire que vous possédez déjà?
Vladimir Poutine: Je vais terminer. Vous avez posé une question sur le néonazisme et la dénazification.
Quand le Président ukrainien est venu au Canada -c'est bien connu, mais passé sous silence en Occident- un homme a été présenté au parlement canadien qui, selon le
président du parlement, a combattu contre les Russes pendant la Seconde Guerre mondiale. Mais qui a combattu contre les Russes pendant la Seconde Guerre mondiale? Hitler et ses acolytes. Il s'est
avéré que cet homme avait servi dans les troupes SS et qu'il a personnellement tué des Russes, des Polonais et des Juifs. Ce sont les troupes SS, constituées de nationalistes ukrainiens, qui ont
fait ce sale boulot. Le Président de l'Ukraine et les membres du parlement canadien se sont levés pour applaudir cet homme. Comment peut-on imaginer cela? D’ailleurs, le Président ukrainien
lui-même est Juif.
Tucker Carlson: Que faire de cela? Cela fait 80 ans que Hitler est mort, l’Allemagne nazie n’existe plus, c’est vrai. Vous dites vouloir éteindre
ce feu du nationalisme ukrainien. Comment faire?
Vladimir Poutine: Écoutez-moi. Votre question est très subtile... Et puis-je vous dire ce que j'en pense? Ne serez-vous pas offensé?
Tucker Carlson: Bien sûr que je ne le serai pas.
Vladimir Poutine: Cette question semble subtile, très méchante même.
Vous dites: Hitler n'est plus là depuis tant d'années, 80 ans. Mais son œuvre perdure. Ceux qui ont détruit les Juifs, les Russes et les Polonais sont en vie. Et le
Président en exercice d'Ukraine actuelle l'applaudit au parlement canadien, l'applaudit debout! Comment pouvons-nous dire que nous avons complètement déraciné cette idéologie si ce que nous
voyons se produit aujourd’hui? C’est ce qu’est la dénazification dans notre compréhension. Nous devons nous débarrasser de ceux qui maintiennent en vie cette théorie et cette pratique et qui
tentent de les préserver - c'est ça la dénazification. C'est ce que nous entendons par là.
Tucker Carlson: D'accord. Bien entendu, je ne défends pas le nazisme ou le néonazisme. Mais ma question est d’ordre pratique: vous ne contrôlez pas
tout le pays, et il me semble que vous voulez le contrôler dans son ensemble. Mais comment peut-on alors déraciner une idéologie, une culture, des sentiments, l’histoire dans un pays que l’on ne
contrôle pas? Comment y parvenir?
Vladimir Poutine: Et vous savez, aussi étrange que cela puisse vous paraître, lors des négociations à Istanbul, nous avons néanmoins convenu -tout
est là sous forme écrite- que le néonazisme ne serait pas cultivé en Ukraine, y compris, qu'il y serait interdit au niveau législatif.
Monsieur Carlson, nous étions d'accord là-dessus. Il s’avère que cela peut être par voie négociée. Et il n’y a rien d’humiliant ici pour l’Ukraine en tant qu’État
civilisé moderne. Est-ce qu'un État est autorisé à promouvoir la propagande nazie? Non, n'est-ce pas? Point final.
Tucker Carlson: Y aura-t-il des négociations? Et pourquoi n’y a-t-il toujours pas eu de telles négociations de paix concernant le règlement du
conflit en Ukraine?
Vladimir Poutine: Il y en a eu, elles ont atteint un stade très avancé de concertation des positions d'un processus complexe, elles ont presque
abouti. Mais quand nous avons retiré nos troupes de Kiev, comme je l'ai déjà dit, l'autre partie, l'Ukraine, a rejeté tous ces accords et a écouté les instructions des pays occidentaux -d'Europe
et des États-Unis- de se battre jusqu'au bout contre la Russie.
Qui plus est, le Président ukrainien a légalement interdit de négocier avec la Russie. Il a signé un décret interdisant à quiconque de négocier avec la Russie. Mais
comment négocierons-nous s’il se l’interdit à lui-même et l'interdit à tout le monde? Nous savons qu'il avance quelques idées concernant le règlement de cette question. Mais pour se mettre
d’accord sur quelque chose, il faut dialoguer, n’est-ce pas?
Tucker Carlson: Oui, mais vous ne parlerez pas au Président ukrainien, vous parlerez au Président américain. À quand remonte la dernière fois que
vous avez parlé avec Joe Biden?
Vladimir Poutine: Je ne me souviens pas quand je lui ai parlé. Je ne m'en souviens pas, on peut le rechercher.
Tucker Carlson: Vous ne vous en souvenez pas?
Vladimir Poutine: Non, dois-je me souvenir de tout, ou quoi? J'ai beaucoup d'autres choses à faire. Nous avons des affaires politiques
internes.
Tucker Carlson: Mais il finance la guerre que vous menez.
Vladimir Poutine: Oui, il la finance, mais quand je lui ai parlé, c'était bien sûr avant le début de l'opération militaire spéciale, et d'ailleurs,
je lui ai dit alors -je n'entrerai pas dans les détails, je ne le fais jamais- mais je lui ai alors dit: "je crois que vous commettez une énorme erreur aux proportions historiques, en soutenant
tout ce qui se passe là-bas, en Ukraine, en repoussant la Russie". Je lui en ai parlé, je lelui ai dit plus d'une fois, d'ailleurs. Je pense que ce sera correct -ici, je me limiterai à
cela.
Tucker Carlson: Qu'a-t-il dit?
Vladimir Poutine: Demandez-lui, s'il vous plaît. C'est simple pour vous: vous êtes citoyen des Etats-Unis, allez lui demander. Il est inapproprié
de ma part de commenter notre conversation.
Tucker Carlson: Mais vous ne lui avez plus parlé depuis – après février 2022?
Vladimir Poutine : Non, nous n’avons pas parlé. Mais nous avons certains contacts. Au fait, vous souvenez-vous quand je vous ai parlé de ma
proposition de travailler ensemble sur un système de défense antimissile?
Tucker Carlson: Oui.
Vladimir Poutine: Vous pouvez demander à tout le monde: Dieu merci, ils sont tous en vie. L'ancien Président et Condoleezza [Rice] sont bien
vivants et, M.Gates, et l'actuel directeur de la CIA Burns - il était alors ambassadeur en Russie, à mon avis, un ambassadeur très réussi. Ils sont tous témoins de ces conversations. Demandez
leur. La même chose est vraie ici: si vous êtes intéressé par ce que m’a répondu Monsieur le Président Biden, demandez-lui. En tout cas, lui et moi en avons parlé.
Tucker Carlson: Je comprends parfaitement cela, mais de l'extérieur, pour un observateur extérieur, il peut sembler que tout cela pourrait aboutir
à une situation dans laquelle le monde entier serait au bord de la guerre, et que des frappes nucléaires seraient imminentes. Pourquoi n’appelez-vous pas Biden et ne dites pas: allons résoudre ce
problème d’une manière ou d’une autre?
Vladimir Poutine: Que devons-nous décider? Tout est très simple. Nous avons, je le répète, des contacts à travers différents départements. Je vais
vous dire ce que nous disons à ce sujet et ce que nous transmettons aux dirigeants américains: si vous voulez vraiment arrêter les hostilités, vous devez arrêter la fourniture d'armes, et tout
sera fini en quelques semaines, c'est tout, et ensuite vous pourrez vous mettre d'accord sur telles ou autres conditions, mais avant de le faire, arrêtez-vous.
Quoi de plus simple ? Pourquoi devrais-je lui l'appeler ? De quoi parler ou quémander ? "Allez-vous fournir telles ou telles armes à l’Ukraine? Oh, j'ai peur s'il
vous plaît, ne livrez pas". Parler de quoi?
Tucker Carlson: Pensez-vous que l'Otan craint que tout cela ne se transforme en une guerre mondiale ou même en un conflit nucléaire?
Vladimir Poutine: En tout cas, ils en parlent et tentent d’intimider leur population avec une menace russe imaginaire. C'est une évidence. Et les
hommes habiles à la réflexion -pas des gens ordinaires, mais ceux qui réfléchissent, des analystes, ceux qui sont impliqués dans la vraie politique, juste des hommes intelligents- comprennent
parfaitement qu'il s'agit d’une intox. Une menace russe est délibérément aggravée.
Tucker Carlson: Parlez-vous de la menace d’une invasion russe, par exemple en Pologne ou en Lettonie? Pouvez-vous imaginer un scénario selon lequel
vous enverriez des troupes russes en Pologne?
Vladimir Poutine: Dans un seul cas seulement : S’il y a une attaque contre la Russie depuis la Pologne. Pourquoi? Parce que nous n’avons aucun
intérêt ni en Pologne ni en Lettonie - nulle part. Pourquoi aurions-nous besoin de ça? Nous n’avons tout simplement aucun intérêt. Ce ne sont que des menaces.
Tucker Carlson: L'argument -et je pense que vous le savez bien- est le suivant: voilà, il a envahi l'Ukraine, il a des revendications territoriales sur l'ensemble
du continent. Êtes-vous en train de dire sans ambiguïté que vous n’avez pas de telles revendications territoriales?
Vladimir Poutine: Ceci est absolument exclu. Il ne faut même pas être un analyste: cela contredit le bon sens de se laisser entraîner dans une
sorte de guerre mondiale. Et une guerre mondiale amènerait l’humanité toute entière au bord de la destruction. C’est évident.
Il existe bien sûr des moyens de dissuasion. La Russie était toujours évoquée pour faire peur à tout le monde: demain la Russie utilisera des armes nucléaires
tactiques, demain elle utilisera celles-ci - ou bien, après-demain. Et alors? Ce ne sont que des histoires d’horreur pour les gens ordinaires, afin d’extorquer de l’argent supplémentaire aux
contribuables américains et européens dans la confrontation avec la Russie sur le théâtre d’opérations militaires ukrainien. L’objectif est d’affaiblir la Russie autant plus que possible.
Tucker Carlson: L'un des sénateurs séniors, Chuck Schumer, a déclaré hier, je crois: nous devons continuer à financer l'Ukraine, sinon les soldats
américains devront finalement combattre en Ukraine à la place de l’Ukraine. Comment évaluez-vous une telle affirmation?
Vladimir Poutine: C’est une provocation, et une provocation bon marché, de plus. Je ne comprends pas pourquoi les soldats américains doivent
combattre en Ukraine. Il y a déjà des mercenaires américains là-bas. La plupart des mercenaires viennent de Pologne, en deuxième position sont des mercenaires des États-Unis, et en troisième
position ceux de Géorgie. Si quelqu’un souhaite y envoyer des troupes régulières, cela mettra certainement l’humanité au bord d’un conflit mondial très grave. C’est évident.
Les États-Unis en ont-ils besoin? Pourquoi? À une distance de milliers de kilomètres du territoire national! Vous n'avez rien à faire? Vous avez beaucoup de
problèmes à la frontière, des problèmes de migration, des problèmes de dette nationale – plus de 33.000 milliards de dollars. N'avez-vous rien à faire - devez-vous vous battre en Ukraine?
Ne vaudrait-il pas mieux se mettre d’accord avec la Russie? Parvenir à un accord, en comprenant déjà la situation qui se développe aujourd'hui, en comprenant que la
Russie se battra jusqu'au bout pour ses intérêts et, en comprenant tout cela, en fait, nous revenons au bon sens, nous commençons à respecter notre pays, ses intérêts et chercher des solutions?
Il me semble que c'est beaucoup plus intelligent et raisonnable.
Tucker Carlson: Qui a fait exploser les Nord Stream?
Vladimir Poutine: Vous, bien sûr.
Tucker Carlson: J’étais occupé ce jour-là. Je n’ai pas fait exploser les Nord Stream.
Vladimir Poutine: Vous personnellement, vous avez un alibi peut-être, mais pas la CIA.
Tucker Carlson: Vous avez des preuves que l’Otan ou la CIA l’ont fait?
Vladimir Poutine: Vous savez, je ne vais pas entrer dans les détails, mais dans un tel cas, on dit toujours: "Cherche celui qui est intéressé".
Mais dans ce cas-là, il faut chercher non seulement celui qui en profite, mais aussi celui qui peut le faire. Parce qu'il peut y avoir beaucoup de ceux qui en profitent mais tout le monde ne peut
pas descendre au fond de la mer Baltique et effectuer cette explosion. Ces deux composantes peuvent être liées : Qui est intéressé et qui peut?
Tucker Carlson: Mais je ne comprends pas très bien. Il s’agit du plus grand acte de terrorisme industriel de l’histoire et, en outre, de la plus
grande émission de CO2 dans l’atmosphère. Mais compte tenu du fait que vous et vos services de renseignement disposez de preuves, pourquoi ne présentez-vous pas de telles preuves et ne
gagnez-vous pas cette guerre de propagande?
Vladimir Poutine: Il est très difficile de vaincre les États-Unis dans la guerre de propagande, car les États-Unis contrôlent tous les médias
internationaux et de très nombreux médias européens. Les bénéficiaires ultimes des plus grands médias européens sont des fondations américaines. Vous ne le savez pas? Par conséquent, vous pouvez
vous impliquer dans ce travail, mais cela vous coûtera cher, comme on dit. Nous risquons simplement de rendre publiques nos sources d’information, mais nous n’obtiendrons pas de résultats. Le
monde entier sait déjà ce qui s’est passé et même les analystes américains en parlent directement. C’est vrai.
Tucker Carlson: Oui, mais une autre question s’impose -vous avez travaillé en Allemagne, c'est bien connu, et les Allemands comprennent bien que
leurs partenaires de l'Otan ont fait cela, et bien sûr, cela a porté un coup dur à l'économie allemande- pourquoi alors est-ce que les Allemands restent silencieux? Cela me laisse perplexe:
pourquoi les Allemands n’ont-ils rien dit à ce sujet?
Vladimir Poutine: Cela me surprend également. Mais les dirigeants allemands d’aujourd’hui ne sont pas guidés par les intérêts nationaux, mais par
les intérêts de l’Occident collectif, sans quoi il est difficile d’expliquer la logique de leurs actions ou de leur inaction. Après tout, il ne s’agit pas seulement du Nord Stream 1 qu’on a fait
sauter. Le Nord Stream 2 a été endommagé, mais unede ses conduites est saine et sauve, et peut être utilisée pour fournir du gaz à l'Europe, mais l'Allemagne ne la met pas en service. Nous sommes
prêts, s'il vous plaît.
Il existe un autre gazoduc qui traverse la Pologne, appelé Yamal-Europe, via celui-ci, un flux important peut aussi être effectué. La Pologne l'a fermé, mais la
Pologne profite des Allemands en recevant de l'argent des fonds paneuropéens. Or le principal donateur de ces fonds est l'Allemagne. L'Allemagne nourrit la Pologne dans une certaine mesure. Et
celle-ci a fermé le gazoduc vers l’Allemagne. Pourquoi? Je ne comprends pas.
L'Ukraine, à laquelle les Allemands fournissent des armes et donnent de l'argent. Après les États-Unis, l’Allemagne est le deuxième sponsor en termes d’aide
financière à l’Ukraine. Deux gazoducs traversent le territoire de l'Ukraine. Les Ukrainiens en ont tout simplement fermé un. Ouvrez le deuxième et recevez du gaz de Russie. Mais non, ils ne
l'ouvrent pas.
Pourquoi les Allemands ne disent-ils pas: "Écoutez, les gars, nous vous donnons de l’argent et des armes. Ouvrez les vannes, s'il vous plaît, laissez le gaz couler
de Russie vers nous. Nous achetons du gaz liquéfié à des prix exorbitants en Europe, ce qui réduit à zéro le niveau de notre compétitivité et de l'économie dans son ensemble. Voulez-vous qu'on
vous donne de l'argent? Vivons de façon normale, laissons notre économie gagner de l’argent, nous vous donnons de l’argent à partir de là"? Non, ils ne le font pas ça. Pourquoi? Demandez-leur. Ce
qu’il y a ici et ce qu’ils ont dans la tête, c’est la même chose. Les gens là-bas sont très incompétents.
Carlson: Peut-être que le monde est désormais divisé en deux hémisphères: un hémisphère avec une énergie bon marché, l’autre non. Je veux vous
poser une question: le monde est désormais multipolaire, pouvez-vous décrire les alliances, les blocs, qui est de quel côté?
Vladimir Poutine: Écoutez, vous avez dit que le monde était divisé en deux hémisphères. Le cerveau a aussi deux hémisphères: l'un se concentre sur
l'action, l'autre est plus créatif. Mais c'est toujours le même cerveau. Il faut que le monde soit uni, que la sécurité soit commune et non conçue pour le "milliard d’or". Dans ce cas seulement,
le monde sera stable, durable et prévisible. Si la tête reste divisée en deux parties, c’est une maladie, une maladie grave. Le monde traverse cette période de grave maladie.
Il me semble qu'il est possible de remédier à cette maladie grâce, entre autres, à un journalisme honnête, car les journalistes travaillent comme des
médecins.
Carlson: Je vous donne un exemple concret. Le dollar américain a uni le monde entier à bien des égards. Pensez-vous que le dollar va disparaître
comme monnaie de réserve? Comment les sanctions ont-elles changé la place du dollar dans le monde?
Vladimir Poutine: Vous savez, c'est l'une des erreurs stratégiques américaines les plus graves: utiliser le dollar comme outil de lutte en matière
de politique étrangère.
Le dollar est la base de la puissance des États-Unis. Tout le monde le comprend très bien: peu importe le nombre de dollars que vous imprimez, ils se dispersent à
travers le monde. L'inflation aux États-Unis est minime : à mon avis 3 ou 3,4%, ce qui est tout à fait acceptable. Et ils continuent d'imprimer sans fin. Que signifie une dette de 33.000
milliards? C'est de l'émission.
Il s’agit néanmoins de l’arme principale permettant de maintenir la puissance américaine dans le monde. Les dirigeants politiques ont décidé d’utiliser le dollar
comme outil politique, mais ils ont porté un coup à cette puissance américaine. Je ne veux pas utiliser d’expressions vulgaires, mais c’est une bêtise et une énorme erreur.
Regardez ce qui se passe dans le monde. Même parmi les alliés des États-Unis, les réserves en dollars diminuent. Tous observent ce qui se passe et cherchent des
moyens de se protéger. Si les États-Unis appliquent des mesures restrictives à l'égard de certains pays, telles que la limitation des paiements, le gel des avoirs, etc., cela constituera un
signal d'alarme pour le monde entier.
Que s'est-il passé chez nous? Jusqu’en 2022, environ 80% des paiements du commerce extérieur russe étaient effectués en dollars et en euros. Dans le même temps, le
dollar représentait environ 50% de nos règlements avec des pays tiers, et maintenant il n'en reste que 13%. Mais ce n’est pas nous qui avons interdit l’utilisation du dollar, nous ne l'avons pas
voulu. Les États-Unis ont eux-mêmes décidé de limiter nos paiements en dollars. C'est complètement absurde, y compris du point de vue des intérêts américains, des contribuables américains. Car
cela porte un coup dur à l’économie américaine et mine la puissance des États-Unis dans le monde.
Soit dit en passant, nos paiements en yuans s'élevaient à environ 3%. Aujourd’hui, nous payons 34% en roubles et à peu près autant, un peu plus de 34%, en yuans.
Pourquoi les États-Unis ont-ils fait cela? Je ne peux l'attribuer qu'à l'arrogance. Ils pensaient probablement que tout allait s’effondrer, mais rien ne s’est effondré. De plus, d'autres pays, y
compris les producteurs de pétrole, commencent à parler de vente de pétrole en yuans et s'y mettent.
Comprenez-vous ce qui est en train d'arriver? Est-ce que quelqu'un le comprend aux États-Unis?Que faites-vous? Vous sciez la branche sur laquelle vous êtes assis...
Demandez à tous les experts, à toute personne intelligente et réfléchie aux États-Unis: qu'est-ce que le dollar pour les États-Unis? Vous êtes en train de le tuer vous-même.
Tucker Carlson: Je pense que c'est une évaluation vraiment juste. Question suivante. Peut-être avez-vous échangé une puissance coloniale contre une
autre, mais plus douce? Peut-être que les BRICS risquent aujourd’hui d’être dominés par une puissance coloniale plus douce, la Chine? Est-ce bon pour la souveraineté, selon vous? Est-ce que
cecivous dérange?
Vladimir Poutine: Nous connaissons ces histoires de croquemitaines. Ce sont des histoires de croquemitaines. Nous sommes voisins avec la Chine. Les
voisins, comme les parents, ne se choisissent pas. Nous avons avec eux une frontière commune de plusieurs milliers de kilomètres. C'est un premier point.
Second point, nous sommes habitués à vivre ensemble depuis des siècles.
Troisième point, la philosophie chinoise en politique étrangère n'est pas agressive. La conception chinoise en politique étrangère est toujours à la recherche d’un
compromis. Nous le constatons.
Voici encore un point. On nous le répète tout le temps, et vous le présentez encore comme une histoire de croquemitaine: notre niveau de coopération avec la Chine
augmente. Mais la croissance des coopérations entre la Chine et l'Europe est plus élevée que celle entre la Chine et la Russie. Demandez donc aux Européens: en avez-vous peur? Peut-être qu’ils
ont peur, je ne sais pas, mais ils essaient à tout prix d’entrer sur le marché chinois, en particulier aujourd’hui avec leurs problèmes économiques. Et les entreprises chinoises conquièrent les
marchés européens.
Les entreprises chinoises, sont-elles peu représentées aux États-Unis? Oui, les décisions politiques tentent de limiter cette coopération avec la Chine. Mais
Monsieur Tucker, vous le faites à votre propre détriment. Il s’agit d’un domaine délicat et il n’existe pas de solutions simples, comme dans le cas du dollar.
C’est pourquoi, avant d’introduire des sanctions illégitimes -illégitimes du point de vue de la Charte des Nations unies- il faut réfléchir. C'est un problème
auquel doivent réfléchir les dirigeants.
Tucker Carlson: Vous avez dit que le monde serait être meilleur s'il n'y avait pas deux alliances se faisant concurrence. Peut-être que
l'administration américaine actuelle, comme vous le dites, vous est hostile. Mais peut-être que le prochain gouvernement, après Joe Biden, voudra établir des liens avec vous et vous des liens
avec eux? Ou cela n'a-t-il aucune d'importance?
Vladimir Poutine: Je vais vous répondre, mais je souhaite conclure sur la question précédente. Nous nous sommes fixés un objectif avec mon collègue
et ami, le Président Xi Jinping, d'atteindre cette année 200 milliards de dollars de chiffre d'affaires commercial avec la Chine. Et nous avons dépassé cette barre. Selon nos données, nous
arrivons déjà 230 milliards, selon les statistiques chinoises à 240 milliards de dollars, si tout est calculé en dollars.
Une autre chose très importante: nous avons un chiffre d'affaires commercial équilibré. Il se complète dans le secteur de la haute technologie, de l'énergie et du
développement scientifique. C'est très équilibré.
Quant aux BRICS dans leur ensemble -la Russie est devenue présidente des BRICS cette année– les pays du groupe se développent à un rythme très rapide.
Si j'ai bonne mémoire, en 1992, la part des pays du G7 dans l'économie mondiale était de 47%. En 2022, elle est tombée, à quelque chose comme 30%. La part des BRICS
en 1992 n’était que de 16%, mais elle dépasse désormais le niveau des "sept". Et cela n’est lié à aucun événement en Ukraine. Les tendances du développement et de l’économie mondiale sont celles
que je viens de mentionner, cela est inévitable. Cela va continuer: il est impossible d'arrêter le soleil à mesure qu'il se lève, il faut s' adapter.
Comment les États-Unis s’adaptent-ils? Avec un recours à la force: sanctions, pressions, bombardements, usage des forces armées. Cela est lié à un excès de
confiance. Votre élite politique ne comprend pas que le monde change en raison de circonstances objectives, et qu'il faut prendre les bonnes décisions, en temps opportun afin de maintenir votre
niveau, excusez-moi, de leadership. De telles actions brutales, à l’égard de la Russie et d’autres pays, conduisent au résultat opposé. C’est devenu une évidence aujourd’hui.
Vous me demandez maintenant: un autre dirigeant américain viendra-t-il changer quelque chose? Il ne s'agit pas d'un dirigeant, pas de quelqu'un de particulier.
J’avais par exemple de très bonnes relations avec Bush. Je sais qu’aux États-Unis, il était décrit comme une sorte de gars de la campagne qui ne comprenait pas grand-chose. Je vous assure que ce
n'est pas le cas. Mais je pense aussi qu’il a commis beaucoup d’erreurs avec la Russie. Je vous ai parlé de 2008 et de la décision de Bucarest d'ouvrir les portes de l'Otan à l'Ukraine, etc. Cela
est venu de lui, c'est lui qui a fait pression sur les Européens.
Mais dans l’ensemble, sur le plan humain, j’ai eu une très bonne relation avec lui. Il n’est pas pire que n’importe quel autre homme politique américain, russe ou
européen. Je vous assure qu'il comprenait ce qu'il faisait, tout comme les autres. Trump et moi avions aussi un lien très personnel.
Le problème ne vient donc pas de la personnalité des dirigeants, mais de l’humeur des élites. Si l’idée de domination à tout prix, avec l’aide de la force, prévaut
dans la société américaine, alors rien ne changera – la situation ne fera qu’empirer. Si finalement vous comprenez que le monde change en raison de circonstances objectives et qu'il faut être
capable de s'y adapter à temps, en utilisant les atouts dont disposent encore les États-Unis, alors, probablement que quelque chose peut changer.
Regardez, l'économie chinoise est devenue la première au monde en termes de parité de pouvoir d'achat. En termes de volume, elle a depuis longtemps dépassé les
États-Unis. Viennent ensuite les États-Unis, puis l'Inde - un milliard et demi d'habitants, puis le Japon et la Russie à la cinquième place. Au cours de l’année écoulée, la Russie est devenue la
première économie d’Europe, malgré toutes les sanctions et restrictions. Est-ce normal de votre point de vue?Sanctions, restrictions, impossibilité d'effectuer des paiements en dollars,
déconnexion duSWIFT, des sanctions contre nos navires porteurs de pétrole, des sanctions contre les avions, des sanctions partout. Le plus grand nombre de sanctions jamais appliquées dans le
monde. Et pourtant nous sommes devenus la première économie d’Europe dans le même temps.
Les outils utilisés par les États-Unis ne fonctionnent pas. Il faut réfléchir à la suite. Si cette prise de conscience parvient jusqu'aux élites dirigeantes, alors
oui, la première personne de l’État agira en anticipant ce que les électeurs et les décisionnaires à différents niveaux attendent d'elle. Et quelque chose pourrait changer.
Tucker Carlson: Vous décrivez deux systèmes différents, vous dites que le leader agit dans l'intérêt des électeurs, mais qu’en même temps,
certaines décisions sont prises par les classes dirigeantes. Vous dirigez le pays depuis de nombreuses années, qu’en pensez-vous, avec votre expérience, qui prend les décisions en
Amérique?
Vladimir Poutine: Je ne sais pas. L’Amérique est un pays complexe, donc conservateur d’un côté et en évolution rapide de l’autre. Ce n'est pas
facile pour nous de comprendre cela.
Qui prend les décisions lors des élections? Est-il possible de comprendre cela lorsque chaque État a sa propre législation, chaque État s'autoréglemente et que
quelqu'un peut être exclu des élections au niveau de l'État. Il s’agit d’un système électoral en deux étapes, il nous est très difficile de comprendre cela. Bien sûr, deux partis dominent: les
Républicains et les Démocrates. Et dans le cadre de ce système de partis, il existe des centres qui prennent et préparent les décisions.
Alors, pourquoi une politique de pression si erronée, grossière et totalement infondée a-t-elle été menée à l’égard de la Russie après l’effondrement de l’Union
soviétique? Après tout, c’est une politique de pression. L'élargissement de l'Otan, le soutien accordé aux séparatistes du Caucase, la création d'un système de défense antimissile, autant
d'éléments de pression. Pression, pression, pression... Puis l'Ukraine a été entraînée dans l'Otan. Tout n'est que pression, pression. Pourquoi?
Je crois que, relativement parlant, une capacité de production excédentaire a été créée. Au cours de la lutte contre l'Union soviétique, de nombreux centres
différents ont été créés et il y avait des spécialistes de l'Union soviétique qui ne pouvaient rien faire d'autre. Ils croyaient et en persuadaient les dirigeants politiques qu'il fallait
continuer à marteler la Russie, tenter d'achever son effondrement, mettre en place plusieurs entités quasi-étatiques sur son territoire et les soumettre une par une, utiliser leur potentiel
combiné pour la lutte future contre la Chine. C’est une erreur, elle s'explique entre autres par le potentiel excédentaire de ceux qui ont œuvré contre l’Union Soviétique. Nous devons nous
débarrasser de cela -il faut qu’il y ait des forces nouvelles, des gens qui regardent vers l’avenir et comprennent ce qui se passe dans le monde.
Regardez comment l’Indonésie se développe ! 600 millions de personnes. Pouvons-nous l'ignorer? Non. Nous devons simplement partir du fait que l’Indonésie rejoindra,
elle est déjà en train de le faire, le club des principales économies mondiales, quoi qu’il arrive, que cela plaise ou non.
Oui, nous comprenons et sommes conscients que la situation est bonne aux États-Unis, malgré tous les problèmes économiques, et qu'il y une croissance économique
décente - une croissance du PIB de 2,5%, je crois.
Mais si nous voulons garantir l’avenir, il faut alors changer notre approche face à ce qui change. Comme je l’ai déjà dit, le monde changera encore, quelle que soit
la fin des événements en Ukraine. Le monde change. Aux États-Unis, des experts écrivent que le pays change progressivement sa position dans le monde -ce sont vos experts qui l'écrivent, je les
lis. La seule question est de savoir comment cela va se produire: en douleur et rapidement ou doucement et progressivement? Et ceci est écrit par des gens qui ne sont pas anti-américains -ils
suivent simplement les tendances du développement dans le monde. C'est tout. Afin d'évaluer celles-ci et de modifier la politique, nous avons besoin de personnes qui réfléchissent, qui regardent
vers l’avenir et sont capables d’analyser et de recommander certaines décisions au niveau des dirigeants politiques.
Tucker Carlson: Je dois demander. Vous avez clairement dit que l’expansion de l’Otan constituait une violation des promesses et constituait une
menace pour votre pays. Mais avant d'envoyer des troupes en Ukraine, lors d'une conférence sur la sécurité, le vice-Président américain a soutenu le désir du Président ukrainien d'adhérer à
l'Otan. Pensez-vous que c'est une des raisons qui ont provoqué les opérations militaires?
Vladimir Poutine: Je le répète encore une fois: nous avons proposé à plusieurs reprises de rechercher une solution pacifique aux problèmes apparus
en Ukraine après le coup d’État de 2014. Mais personne ne nous écoutait. De plus, les dirigeants ukrainiens, qui étaient sous le contrôle total des États-Unis, ont soudainement annoncé qu'ils
n'appliqueraient pas les accords de Minsk -ils les rejettent- et ont poursuivi leurs opérations militaires sur ce territoire. Et en parallèle, les structures militaires de l'Otan s'installaient
sur ce territoire sous le couvert de divers centres de formation et de recyclage du personnel. Ils ont essentiellement commencé à y créer des bases. C'est tout.
L'Ukraine a annoncé que les Russes étaient une nation non titulaire et a en outre adopté des lois limitant les droits des nations non titulaires. En Ukraine.
L'Ukraine, qui a reçu tous ces territoires du sud-est en cadeau du peuple russe, a soudainement annoncé que les Russes de ce territoire étaient une nation non titulaire. Est-ce normal? Tout cela
a conduit à la décision de mettre fin à la guerre déclenchée par les néo-nazis en Ukraine en 2014, par des moyens armés.
Tucker Carlson: Pensez-vous que Zelensky est libre de négocier un règlement du conflit?
Vladimir Poutine: Je ne sais pas. Il y a des nuances là-bas, bien sûr, c'est difficile pour moi de juger. Mais je pense que oui, en tout cas,
c'était le cas. Son père s'est battu contre les fascistes, les nazis pendant la Seconde Guerre mondiale, je lui en ai parlé un jour. J'ai dit: "Volodia, que fais-tu? Pourquoi soutenez-vous les
néo-nazis en Ukraine aujourd’hui alors que ton père a lutté contre le fascisme? C'était un ancien combattant" Je ne dirai pas ce qu’il a répondu, c’est un sujet distinct et je pense que c’est
incorrect.
Mais quant à la liberté de choix, pourquoi pas? Il est arrivé au pouvoir parce que la population ukrainienne espérait qu’il mènerait l’Ukraine à la paix. Il en a
parlé - grâce à cela, il a remporté la présidentielle avec un énorme avantage. Mais ensuite, quand il est arrivé au pouvoir, à mon avis, il a compris deux choses. Premièrement, qu'il vaut mieux
ne pas se disputer avec les néo-nazis et les nationalistes, car ils sont agressifs et très actifs - on peut s'attendre à tout de leur part. Et deuxièmement, que l’Occident, dirigé par les
États-Unis, les soutient et soutiendra toujours ceux qui combattent la Russie - c’est rentable et sûr. Il a donc adopté une position correspondante, tout en promettant à son peuple de mettre fin
à la guerre en Ukraine. Il a trompé ses électeurs.
Tucker Carlson: Pensez-vous qu’aujourd’hui, en février 2024, il a la liberté de parler à votre gouvernement et d’essayer d’aider son pays d’une
manière ou d’une autre? Peut-il le faire de son propre chef?
Vladimir Poutine: Pourquoi pas? Il se considère comme un chef d'État, il a remporté les élections. Même si nous, en Russie, croyons que tout ce qui
s’est passé après 2014 repose sur un coup d'État comme principale source de pouvoir et, en ce sens, même le gouvernement actuel ukrainien est déficient. Mais lui, il se considère comme Président
et, à ce titre, il est reconnu par les États-Unis, toute l’Europe et presque tout le reste du monde. Pourquoi pas? Il peut le faire.
Nous avons négocié avec l'Ukraine à Istanbul, nous nous sommes mis d'accord, il était au courant. De plus, le chef du groupe de négociation, il s'appelle
M.Arakhamia, je crois, il dirige toujours la faction du parti au pouvoir, le parti du Président à la Rada. Il dirige toujours la faction présidentielle à la Rada et siège toujours au parlement du
pays. Il a même apposé sa signature préliminaire sur ce document dont je vous parle. Mais ensuite il a déclaré publiquement: "Nous étions prêts à signer ce document, mais M.Johnson, alors Premier
ministre britannique, est venu, nous en a dissuadé et a dit qu'il valait mieux se battre avec la Russie. Ils nous donneront tout pour que nous puissions restituer ce qui a été perdu lors des
affrontements avec la Russie. Et nous avons accepté cette proposition". Écoutez, sa déclaration a été publiée. Il l'a dit en public.
Peuvent-ils y revenir ou non? C’est la question: le veulent-ils ou non? Et après cela, le Président ukrainien a publié un décret interdisant les négociations avec
nous. Qu’il annule ce décret, et c’est tout. Nous n'avons jamais refusé les négociations. Nous entendons tout le temps:la Russie est-elle prête? Oui, nous n'avons pas refusé! Eux, ils l'ont
publiquement refusé. Eh bien, qu'il annule son décret et entame des négociations. Nous ne les avons jamais refusées.
Et le fait qu'ils se soient soumis aux exigences ou à la persuasion de l'ancien Premier ministre britannique, M.Johnson, me semble absurde et très, comment dire,
triste. Parce que, comme l’a dit M.Arakhamia, "il y a un an et demi, nous aurions pu arrêter ces hostilités, arrêter cette guerre, mais les Britanniques nous ont persuadés et nous avons refusé de
le faire". Où est M.Johnson aujourd'hui? Et la guerre continue.
Tucker Carlson: C'est une bonne question. Pourquoi a-t-il fait ça?
Vladimir Poutine: Je ne sais pas, je ne le comprends pas moi-même. Il y avait une attitude générale. Pour une raison ou une autre, tout le monde
avait l'illusion que la Russie pouvait être vaincue sur le champ de bataille - par arrogance, par pureté de cœur, mais pas par grande intelligence.
Tucker Carlson: Vous avez décrit le lien entre la Russie et l’Ukraine, vous avez décrit la Russie comme un pays orthodoxe. Vous en avez parlé. Et
qu’est-ce que cela veut dire pour vous? Vous êtes leader d’un pays chrétien, comme vous vous décrivez vous-mêmes. Quel effet cela a sur vous?
Vladimir Poutine: Vous savez, comme j’ai déjà dit, en 988, le prince Vladimir s’est fait baptiser, suivant l’exemple de sa grand-mère, la princesse
Olga, et a ensuite fait baptiser ses gardes, et ensuite, progressivement, au cours de quelques années, a fait baptiser toute la Rus de Kiev. C’était un long processus des païens aux chrétiens,
cela a pris beaucoup d’années. Et finalement, l’orthodoxie, le christianisme oriental se sont profondément ancrés dans l’esprit du peuple russe.
Quand la Russie s’est élargie et a absorbé d’autres peuples qui confessaient l’islam, le bouddhisme, le judaïsme, la Russie a traité très sereinement les personnes
qui confessaient les autres religions. C’est en cela que repose sa force. C’est absolument sûr.
En plus, les thèses, les valeurs fondamentales sont pareilles, voire les mêmes, dans les religions mondiales que je viens de nommer et qui sont en fait les
religions traditionnelles de la Fédération de Russie. Les autorités russes ont toujours traité avec soin la culture et la religion des peuples qui rejoignaient l’Empire russe. Ceci, selon moi,
est la base de la sécurité et de la stabilité de l’État russe. Parce que tous les peuples qui y habitent le considèrent généralement comme leur patrie.
Si, par exemple, des gens de l’Amérique Latine viennent vivre chez vous ou en Europe, exemple encore plus clair et compréhensible, ces gens viennent de leur patrie
historique chez vous ou dans les pays européens. Et les gens qui confessent des religions différentes en Russie considèrent la Russie comme leur patrie, ils n’ont pas d’autre patrie. Nous sommes
ensemble, une grande famille. Et nos valeurs traditionnelles sont très semblables. J’ai dit "c’est une grande famille", mais chacun a sa propre famille et c’est le fondement de notre société. Et
si nous disons que la patrie et la famille concrète sont très liées, c’est bien le cas. Parce que nous ne pouvons pas assurer un avenir normal à nos enfants et à notre famille si nous n’assurons
pas un avenir normal et stable à tout le pays, à la patrie. C’est pourquoi en Russie le patriotisme est si développé.
Carlson: Si vous me permettez, les religions sont différentes. Le christianisme est une religion non-violente, le Christ dit: "présente l'autre
joue", "ne tuez pas" et ainsi de suite. Comment un dirigeant peut-il être chrétien s’il doit tuer quelqu’un d’autre? Comment peut-on l’unir dans son âme?
Vladimir Poutine: C’est très facile, si nous parlons de protéger nous-mêmes, notre famille, notre patrie. Nous n’attaquons personne. Par quoi les
événements en Ukraine ont-ils commencé? Par un coup d’État et le début des hostilités dans le Donbass - voilà par quoi. Et nous protégeons notre peuple, nous-mêmes, notre patrie et notre
avenir.
En ce qui concerne la religion en général, vous savez qu'elle n’est pas dans l’apparence, elle ne consiste pas à aller à l’église tous les jours ou à s'incliner la
tête au sol. Elle est dans le cœur. Et nous avons une culture centrée sur l’humain. Dostoïevski, qui est très bien connu en Occident comme un génie de la culture russe, de la littérature russe,
en a beaucoup parlé – de l’âme russe.
La société occidentale est quand même plus pragmatique. Un Russe, une personne russe, pense davantage à l’éternel, pense davantage aux valeurs morales. Je ne sais
pas si vous êtes d’accord avec moi, mais la culture occidentale est plus pragmatique. Je ne dis pas que c’est mauvais, cela permet au "milliard d’or" d’aujourd’hui d’obtenir de bons succès en
industrie, même en science et ainsi de suite. Il n’y a rien de mauvais ici – je dis juste que nous avons la même apparence, mais la conscience est un peu différente.
Tucker Carlson: Vous pensez donc que quelque chose de surnaturel agisse ici? Quand vous regardez ce qui se passe dans le monde, voyez-vous l’œuvre
de Dieu? Vous vous dites "je vois l’action de forces surhumaines ici"?
Vladimir Poutine: Non, honnêtement, je ne le pense pas. Je pense au fait que la communauté mondiale se développe selon ses propres lois internes et
qu’elles sont ce qu’elles sont. Il n’y a pas d’échappatoire, cela a toujours été le cas dans l’histoire humaine. Certains peuples et pays se sont élevés, multipliés, renforcés, puis ont quitté la
scène internationale, ne pouvant pas y être présents dans leurs rôles traditionnels. Je n’ai probablement pas besoin de citer ces exemples: les conquérants de la Horde -Gengis Khan, puis la Horde
d’Or- ou le grand Empire romain. Dans l’histoire de l’humanité, rien, semble-t-il, n’a été pareil au grand Empire romain.
Néanmoins, le potentiel des barbares s’accumulait progressivement, et sous leurs coups l’Empire romain s’est effondré, parce que les barbares sont devenus plus
nombreux, ils ont commencé, en général, à bien se développer, comme nous le disons maintenant, économiquement, ils ont commencé à se renforcer. Et le régime qui a été imposé au monde par le grand
Empire romain s’est effondré. Certes, il a fallu 500 ans pour briser le grand Empire romain. La différence avec la situation actuelle est que les processus de changement sont beaucoup plus
rapides aujourd’hui qu’à l’époque du grand Empire romain.
Tucker Carlson: Dans ce cas, quand l’empire de l’IA -l’intelligence artificielle- commencera-t-il?
Vladimir Poutine: Vous me plongez dans des questions de plus en plus difficiles. Pour répondre à cette question, il faut être un expert en BigData,
bien sûr, en intelligence artificielle.
L’humanité a beaucoup de menaces: les études en génétique qui peuvent créer un surhumain, un homme spécial, un homme-soldat, un homme-scientifique, un
homme-sportif. On dit qu’Elon Musk a déjà implanté une puce dans le cerveau d’un homme.
Tucker Carlson: Qu’en pensez-vous?
Vladimir Poutine: Je pense qu’il est impossible d’arrêter Musk, il fera en tout cas ce qu’il juge nécessaire. Mais il faut négocier avec lui, il
faut chercher des moyens de le convaincre. Je pense que c’est une personne intelligente, je veux dire que je suis sûr que c’est une personne intelligente. Il faut négocier avec lui pour que ce
processus soit soumis à certaines règles.
L’humanité doit penser à ce qui lui arrivera dans le cadre du développement de ces dernières recherches et technologies en génétique ou en intelligence
artificielle. On peut faire des prévisions approximatives sur ce qui se passera. Par conséquent, quand l’humanité s’est sentie menacée par les armes nucléaires, tous les possesseurs d’armes
nucléaires ont commencé à négocier entre eux parce qu’ils ont compris que leur utilisation négligente pourrait conduire à une destruction totale.
Quand on comprendra que le développement illimité et incontrôlé de l’intelligence artificielle, ou de la génétique, ou d’autres branches contemporaines qui ne
peuvent pas être arrêtées -ces études se poursuivront toujours, tout comme il était impossible de cacher la poudre à canon de l’humanité, et il est impossible d’arrêter la recherche dans un
domaine ou un autre, ces recherches se poursuivront toujours- mais quand l’humanité se sentira menacée, l’humanité en général, alors, je pense qu’il y aura une période de négociations au niveau
international sur la façon de les réglementer.
Tucker Carlson: Merci beaucoup pour le temps accordé. Je veux poser encore une autre question.
Evan Gershkovich, 32 ans, il est journaliste américain, il est en détention depuis plus d'un an, c'est une grande histoire aux États-Unis. Je veux vous demander:
Êtes-vous prêt à le libérer en signe de bonne volonté afin que nous puissions l'emmener aux États-Unis ?
Vladimir Poutine: Nous avons fait tellement de gestes de bonne volonté que, je pense, nous avons épuisé toutes les limites. Personne n'a jamais
répondu à nos gestes de bonne volonté par des gestes similaires. Mais nous sommes, en principe, prêts à parler du fait que nous n'excluons pas la possibilité de le faire si nos partenaires
agissent de la même façon.
Et lorsque je dis "partenaires", j’entends avant tout les représentants des services spéciaux. Ils sont en contact les uns avec les autres, et ils discutent de ce
sujet. Nous n'avons pas de tabous pour ne pas résoudre ce problème. Nous sommes prêts à le résoudre, mais il y a certaines conditions qui sont discutées par des canaux partenaires entre les
services spéciaux. Je pense que nous pouvons nous mettre d'accord sur cela.
Tucker Carlson: Bien sûr, tout se passe au cours des siècles - un pays attrape un espion, le détient, puis l'échange contre quelqu'un d'autre. Bien
sûr, ce n'est pas mon affaire, mais cette situation est différente du fait que cette personne n'est certainement pas un espion - c'est juste un enfant. Et, peut-être qu'il a effectivement
enfreint votre loi, cependant, il n'est pas un espion et certainement n'a pas espionné. Peut-être qu'il est issu d’une autre catégorie? Ne serait-il pas injuste de demander son échange contre
quelqu'un d'autre?
Vladimir Poutine: Vous savez, on peut dire ce qu’on veut sur ce qui est espion et ce qui ne l'est pas, mais il y a certaines choses prescrites par
la loi. Si une personne reçoit des informations secrètes de façon clandestine, cela s'appelle de l'espionnage. C'est exactement ce qu'il faisait: il recevait des informations secrètes et il le
faisait de façon clandestine. Je ne sais pas, peut-être qu'il a été impliqué dans cette affaire, peut-être que quelqu'un l'a entraîné dans cette affaire, peut-être qu'il a tout fait par
imprudence, de sa propre initiative. Mais le fait est que cela s'appelle de l'espionnage. Et tout est prouvé, car il a été pris en flagrant délit - en recevant ces informations. Si c'étaient des
choses fabriquées, inventées, non prouvées, alors cela serait une autre histoire. Il a été pris sur le fait, en recevant ces informations secrètes de manière clandestine. Alors que cela
signifie-t-il?
Tucker Carlson: Vous dites qu'il travaillait pour le gouvernement américain, pour l'Otan, ou est-il simplement un journaliste qui a reçu des
informations qui n'auraient pas dû tomber entre ses mains? Il me semble tout de même qu'il existe une différence entre ces deux catégories.
Vladimir Poutine: Je ne sais pas pour qui il travaillait. Mais je répète une fois de plus: recevoir des informations secrètes de manière
clandestine c'est de l'espionnage, et il travaillait dans l'intérêt de services spéciaux américains, de certaines autres structures. Je ne pense pas qu'il travaille pour Monaco - il est peu
probable que Monaco soit intéressé par l’obtention de ces informations. Ce sont les services spéciaux qui doivent se mettre d'accord entre eux, vous comprenez? Il y a certaines réalisations, il y
a des gens qui, selon nous, ne sont pas liés aux services spéciaux non plus.
Écoutez, je vais vous dire: Dans un pays allié des États-Unis, il y a une personne qui, pour des raisons patriotiques, a liquidé un bandit dans une capitale
européenne. Pendant les événements dans le Caucase, vous savez ce que celui-ci a fait? Je n'aime pas parler de cela, mais je vais quand même le dire: il mettait sur la route nos soldats faits
prisonniers, puis il passait sur leurs têtes avec une voiture. Quel genre de personne est-ce et est-ce même un humain? Mais un patriote est apparu et l'a liquidé dans l'une des capitales
européennes. L'a-t-il fait de sa propre intiative ou non – ça c’est une autre question.
Tucker Carlson: Evan Gershkovich ne l’a jamais fait, c’est une histoire complètement différente.
Vladimir Poutine: Il a fait autre chose.
Tucker Carlson: Il est juste un journaliste.
Vladimir Poutine: Ce n'est pas juste un journaliste, je le répète encore une fois. C'est un journaliste qui recevait des informations secrètes de
manière clandestine. Oui, c'est une histoire complètement différente.
Je parle des personnes qui sont en réalité sous le contrôle des autorités américaines, où qu'elles se trouvent en prison, et entre les services de renseignement un
dialogue est en cours. Il faut régler ceci calmement, tranquillement, à un niveau professionnel. Les contacts existent, qu'ils fassent leur travail.
Je n'exclus pas que cette personne dont vous avez parlé, Monsieur Gershkovich, pourrait rentrer dans son pays. Pourquoi pas? C'est plus ou moins dénué de sens de le
garder en prison en Russie. Mais que nos collègues des services de renseignement américains y réfléchissent aussi, comment résoudre les problèmes qui se posent devant nos services de
renseignement. Nous ne sommes pas fermés aux négociations. De plus, ces négociations sont en cours, et il y a eu de nombreux cas où nous sommes parvenus à un accord. Nous pouvons encore nous
entendre, mais pour cela, il faut négocier.
Tucker Carlson: J'espère que vous le libérerez. Merci beaucoup, Monsieur le Président.
Vladimir Poutine: Moi aussi, j'aimerais qu'il rentre finalement chez lui. Je le dis tout à fait sincèrement. Mais je répète, le dialogue se
poursuit. Plus nous médiatisons ce genre de choses, plus il est difficile de les résoudre. Tout doit être fait calmement.
Tucker Carlson: Honnêtement, avec la guerre, je ne sais pas si cela fonctionne ou non. Si vous le permettez, je vais poser une autre
question.
Peut-être que vous ne voulez pas répondre pour des raisons stratégiques, mais ne craignez-vous pas que ce qui se passe en Ukraine puisse conduire à quelque chose de
beaucoup plus vaste et de beaucoup plus terrifiant? Et dans quelle mesure êtes-vous prêt, êtes-vous motivé pour appeler, par exemple, les États-Unis et dire: négocions?
Vladimir Poutine: Écoutez, je l'ai déjà dit: nous n'avons pas refusé de négocier. Nous n’y refusons pas, c'est la partie occidentale qui le fait.
Et l'Ukraine est clairement aujourd'hui un satellite des États-Unis. C'est évident. Vraiment, je ne veux pas que cela sonne comme une insulte ou une offense à quelqu'un, mais nous comprenons ce
qui se passe, n'est-ce pas?
Un soutien financier de 72 milliards a été donné, l'Allemagne est en deuxième position, les autres pays européens, des dizaines de milliards de dollars vont en
Ukraine. Un énorme flot d'armes y va.
Dites à la direction actuelle de l'Ukraine: "Écoutez, asseyez-vous, mettez-vous d'accord, annulez votre stupide décret et asseyez-vous, négociez". Puisque nous
n'avons pas refusé.
Tucker Carlson: Oui, vous en avez déjà parlé. Je comprends très bien que ce n'est pas une injure. Et en effet, il a été rapporté que l'Ukraine
s'est vue refuser la signature de la paix sur les instructions de l'ancien Premier ministre britannique, qui agissait sur l'ordre de Washington. C'est pourquoi je demande pourquoi vous ne réglez
pas ces questions directement avec l'administration Biden, qui contrôle l'administration Zelensky en Ukraine?
Vladimir Poutine: Si l'administration Zelensky en Ukraine a renoncé aux négociations, je suppose qu'ils l'ont fait sur les instructions de
Washington. Maintenant, si Washington voit que c'était une mauvaise décision, qu'il la renie, qu'il trouve une sorte de prétexte fin, non offensant pour personne, qu'il trouve cette solution. Ce
n'est pas nous qui avons pris ces décisions – elles ont été prises là-bas, qu'ils y renoncent donc. C'est tout.
Mais ils ont pris la mauvaise décision, maintenant nous devons chercher une issue à cette mauvaise décision, couvrir leurs erreurs, corriger leurs erreurs? Ils
l'ont commise, qu'ils la corrigent. Nous sommes pour.
Tucker Carlson: Je veux m'assurer que je vous comprends bien. Donc vous voulez parvenir par la négociation à une solution à ce qui se passe
actuellement en Ukraine, c'est bien ça?
Vladimir Poutine: C'est exact. Pourtant nous avons accompli cela, nous avons créé un grand document à Istanbul, qui a été paraphé par le chef de la
délégation ukrainienne. Sa signature y est, sur un extrait de ce traité – pas sur le tout, mais sur un extrait. Il a apposé sa signature, puis il a dit lui-même: "Nous étions prêts à signer, et
la guerre aurait déjà pris fin il y a un an et demi. Mais Monsieur Johnson est venu, nous a dissuadés, et nous avons perdu cette chance". Alors ils l'ont perdue, ils ont fait une erreur – qu'ils
reviennent à cela, c'est tout. Mais pourquoi devons-nous nous précipiter et corriger les erreurs de quelqu'un d'autre?
Je comprends, on pourrait dire que c'est notre erreur, que nous avons intensifié les actions et décidé d'arrêter cette guerre par les armes, comme je l'ai dit,
guerre qui a commencé en 2014 dans le Donbass. Mais je vais vous emmener encore plus loin en arrière, j'en ai déjà parlé, nous en discutons actuellement. Retournons en 1991, quand l'Otan nous a
promis de ne pas s'élargir, retournons en 2008, quand les portes de l'Otan ont été ouvertes, retournons à la Déclaration d'indépendance de l'Ukraine, où elle s'est proclamée un État neutre.
Retournons au fait que des bases de l'Otan, des bases américaines, des bases britanniques ont commencé à apparaître sur le territoire de l'Ukraine, créant ces menaces pour nous. Retournons au
coup d'État qui a eu lieu en Ukraine en 2014. C'est absurde, n'est-ce pas? On peut continuer à faire rouler cette balle indéfiniment. Mais сe sont eux qui ont arrêté les négociations. Une erreur?
Oui. Corrigez-la. Nous sommes prêts. Quoi d'autre alors?
Tucker Carlson: Ne pensez-vous pas qu'il serait trop humiliant pour l'Otan de reconnaître aujourd'hui que la Russie contrôle ce qui était le
territoire ukrainien il y a deux ans?
Vladimir Poutine: Mais j’ai dit: laissez-les réfléchir à la manière de le faire avec dignité. Il existe des options, s'il y a une envie.
Jusqu'à présent, ils ont crié qu'il fallait infliger une défaite stratégique à la Russie, une défaite sur le champ de bataille... Mais maintenant, apparemment, on
se rend compte que c’est difficile, voire impossible à réaliser. À mon avis, c’est impossible par définition, cela n’arrivera jamais. Il me semble que ceux qui sont au pouvoir en Occident en ont
désormais conscience. Mais si tel est le cas et si cette prise de conscience s’est produite, il faut qu’ils réfléchissent maintenant à la suite. Nous sommes prêts au dialogue.
Tucker Carlson: Êtes-vous prêt à dire, par exemple, à l’Otan: félicitations, vous avez gagné, gardons la situation telle qu’elle est
actuellement?
Vladimir Poutine: Vous savez, c'est le sujet de négociations que personne ne veut mener avec nous, ou plus précisément, ils veulent le faire, mais
ne savent pas comment. Je sais qu’ils le veulent –non seulement je le vois, mais je le sais. Pourtant ils n’arrivent tout simplement pas à comprendre comment le faire. Ils se sont montés la tête,
ils sont arrivés à la situation dans laquelle nous nous trouvons. Ce n’est pas nous qui en sommes arrivés à ce point, mais nos "partenaires", nos adversaires. D'accord, il faut qu’ils
réfléchissent maintenant à la façon de changer les choses. Nous ne refusons rien.
Ce serait drôle si ce n'était pas si triste. Cette mobilisation sans fin, l’hystérie, les problèmes internes en Ukraine, tout ça… De toute façon, tôt ou tard, nous
parviendrons à un accord. Et devinez quoi? Cela peut même paraître étrange dans la situation actuelle: les relations entre les peuples seront de toute façon rétablies. Cela prendra du temps, mais
cela reviendra.
Je vais vous donner des exemples inhabituels. Voici un exemple concret: il y a un affrontement sur le champ de bataille, des soldats ukrainiens sont encerclés, nos
soldats leur crient: "Il n'y a aucune chance, rendez-vous! Sortez, vous serez en vie, rendez-vous! Et soudain, de là, quelqu’un crie en russe, en bon russe: "Les Russes ne se rendent pas!", et
ces soldats meurent. Ils se sentent toujours Russes.
En ce sens, ce qui se passe est, dans une certaine mesure, un élément de guerre civile. Et tout le monde en Occident pense que les combats ont séparé à jamais une
partie du peuple russe de l’autre. Non. La réunification aura lieu. Ça a toujours été comme ça.
Pourquoi les autorités ukrainiennes s’acharnent-elles contre l’Église orthodoxe russe? Parce qu'elle unit non pas le territoire, mais l'âme, et que personne ne
pourra la diviser.
On termine là ou autre chose?
Tucker Carlson: C’est tout. Merci beaucoup, Monsieur le Président.
L’Europe appelle à des sanctions contre Tucker Carlson
La visite de Tucker Carlson à Moscou a provoqué une tempête d’indignation dans les médias occidentaux démocratiques et parmi les politiciens européens.
Selon Newsweek,
l’UE propose d’envisager l’introduction de sanctions personnelles à l’encontre d’un journaliste connu.
La publication cite l’ancien Premier ministre belge et actuel membre du Parlement européen Guy Verhofstadt, qui appelle à envisager la possibilité
d’imposer une interdiction de voyager à Carlson, et a qualifié le journaliste lui-même de «porte-parole de
Poutine».
Aujourd’hui encore, de nombreux médias ont attiré l’attention sur le fait que Tucker Carlson se trouve sur le site ukrainien «Peacemaker», qui comprend
des personnes qui menaceraient la sécurité de l’Ukraine. Le correspondant a été introduit l’année dernière, mais il fait maintenant l’objet d’une attention accrue. Rappelons que
Carlson a également exprimé le désir d’interviewer Volodymyr Zelensky.
Les néoconservateurs ne sont pas habitués à être mis en lumière publiquement et exposés comme les maniaques bellicistes qu’ils sont devant les gens qu’ils
considèrent comme leurs fidèles moutons. Non seulement la Maison Blanche de Biden dit officiellement «non» à l’idée de négociations de paix comme Vladimir Poutine l’avait proposé dans son
interview avec Tucker Carlson, mais l’Occident Collectif est également furieux du fait même de l’interview, puisqu’elle porte un véritable coup à leur stratégie de propagande.
Bien que nous ne devions pas surestimer la foi qu’un stratège comme Vladimir Poutine met dans la perception publique – je ne peux reconnaître aucun signe qu’il se
soit jamais beaucoup soucié de son image publique en Occident – Poutine a manifestement décidé qu’utiliser une opportunité pour parler directement au public américain est quelque chose qui est
dans son intérêt.
Et vous pouvez voir comment les Médias Mainstream Occidentaux comprennent cela et le détestent viscéralement. Surtout cette offre très publique pour des
négociations de paix est quelque chose qu’ils essaient de beaucoup discréditer.
Alors que l’interview de Vladimir Poutine par le journaliste Tucker Carlson dépasse déjà les 120 millions de vues moins d’une journée après sa
publication, Google a décidé de censurer la vidéo de cet entretien qui provoque l’hystérie en Occident.
Dès que la présence de Tucker Carlson en Russie, et son entretien avec le président de la fédération de Russie ont été confirmés, une attente fébrile de
la publication de son interview de Vladimir Poutine a commencé.
Le contenu de l’interview n’était même pas encore connu que les médias occidentaux se sont lancés dans une surenchère d’insultes et de tentatives de
discréditer Tucker Carlson, le qualifiant d’idiot utile, ou de propagandiste du Kremlin.
En réalité, lorsqu’on regarde cette
interview de près de deux heures, on se rend bien compte que Tucker Carlson ne ménage en rien le président russe, et tente même à plusieurs reprises de l’amener sur un chemin qui
lui conviendrait mieux. Surtout lorsque Vladimir Poutine donne une longue leçon sur l’histoire de la Russie et de l’Ukraine, afin d’expliquer en détail les origines
historiques du conflit qui a éclaté dans le Donbass en 2014 et qui s’est finalement transformé en opération militaire spéciale.
Regarder l’interview en français :
Pour ceux qui suivent le conflit dans le Donbass depuis le début il n’y a rien de particulièrement nouveau dans ce que dit Vladimir Poutine. Mais pour
le public américain et anglophone profondément désinformé, il est clair que bon nombre des déclarations du président de la fédération de Russie seront une nouveauté, et surtout, elles
vont à l’encontre du narratif occidental officiel. Ce qui semble-t-il est devenu le pire des crimes de lèse-empire.
En effet, alors que plusieurs journalistes occidentaux s’offusquent que Tucker Carlson ait obtenu une interview avec Vladimir Poutine (alors
qu’eux-mêmes reçoivent refus sur refus), et que certains appellent même à prendre des sanctions contre lui pour avoir fait… son travail de journaliste, Google a purement et simplement
restreint l’accès à l’interview, et ce, malgré son grand nombre de vues.
Pour en venir à de telles extrémités comme l’appel public à lancer de nouvelles fausses informations en masses, et la censure pure et simple de la
vidéo, c’est que le narratif occidental est décidément bien fragile et incapable de résister à quelques vérités, principalement historiques.
Après son entretien de deux heures avec le président russe
Vladimir Poutine à Moscou, le journaliste américain Tucker Carlson a parlé de son expérience lors du Sommet mondial des gouvernements à Dubaï.
Dans une interview
d’une heure avec le présentateur de télévision Emad Eldin Adeeb, Carlson a expliqué pourquoi la conversation avec Poutine n’a pas abordé certains sujets, comment l’establishment politique
américain y a réagi et pourquoi Washington n’a pas compris Moscou, entre autres.
Poutine le diplomate
Carlson a affirmé avoir eu une conversation officieuse avec Poutine après leur entretien, mais n’a toutefois pas voulu révéler ce qui avait été discuté.
Carlson a déclaré que Poutine semblait disposé à négocier avec l’Occident à la fois sur la fin du conflit ukrainien et sur un nouvel équilibre des pouvoirs dans
le monde. La diplomatie est l’art du compromis, et presque tout le monde « à l’exception peut-être des États-Unis pendant la période
unipolaire » le comprend, a déclaré Carlson. Mais même si Poutine souhaite mettre un terme au conflit, sa position ne fera que se durcir à mesure que le conflit se prolonge, a-t-il
ajouté.
L’OTAN et la Russie
L’une des révélations majeures de l’interview de Carlson était que la Russie avait demandé à rejoindre l’OTAN – et même si le président américain de l’époque,
Bill Clinton, semblait réceptif, ses collaborateurs se sont opposés à cette idée et celle-ci a finalement échoué.
Puisque l’objectif principal de l’OTAN était de maintenir l’Union soviétique hors de l’Europe occidentale, a déclaré Carlson à Dubaï, « si les Russes demandent à rejoindre l’alliance, cela signifierait
que vous avez résolu le problème et que vous pouvez faire quelque chose de constructif avec votre vie. Mais nous avons refusé. »
“Va t’asseoir dans le
sauna pendant une heure et réfléchis à ce que cela signifie“, a-t-il ajouté.
Le problème des politiciens occidentaux
Les politiciens occidentaux ne se fixent pas d’objectifs « réalisables », a soutenu Carlson.
« J’ai personnellement
entendu des responsables du gouvernement américain dire que nous devons simplement restituer la Crimée à l’Ukraine », a-t-il déclaré. « Cela n’arrivera pas sans une guerre nucléaire. C’est une
idée folle, en fait. »
Même évoquer ce genre d’idées « montre que vous êtes un enfant, que vous ne comprenez pas du tout
le terrain et que vous n’avez aucune idée réelle de ce qui est possible », a conclu le journaliste.
C’est toujours Munich 1938
Selon Carlson, l’un des problèmes les plus importants aux États-Unis et en Occident en général est la tendance à tout réduire à la conférence de Munich de 1938,
au cours de laquelle la Grande-Bretagne et la France ont cherché à « apaiser » l’Allemagne nazie en lui donnant une partie
de la Tchécoslovaquie.
« Le modèle
historique des décideurs politiques américains est minuscule – en fait il n’y en a qu’un – et il s’étend sur une période de deux ans, à la fin des années 1930, et tout est basé sur cette
compréhension de l’histoire et de la nature humaine. C’est insensé“, a déclaré Carlson.
Comment Moscou l’a « radicalisé »
Carlson a souligné qu’il a 54 ans et qu’il a grandi dans une Amérique qui avait des villes agréables, sûres et belles, « et nous n’en avons plus ».
C’est « radicalisant » de voir Moscou « plus propre, plus sûre et plus jolie » que les villes
américaines, a-t-il déclaré, ou de se souvenir de cela à Dubaï et à Abu Dhabi – alors qu’aux États-Unis, on ne peut pas prendre le métro à New York parce que c’est sale et dangereux.
“C’est un choix
volontaire“, a-t-il déclaré. “En fait, il n’est
pas nécessaire d’avoir un endroit où le crime
règne.”
Réagir au contrecoup
Lorsqu’on lui a demandé pourquoi il n’avait pas abordé certains sujets avec Poutine, Carlson a répondu qu’il souhaitait faire cette interview parce qu’il
s’intéressait à la façon dont le dirigeant russe voyait le monde – et non pour s’insérer dans la discussion.
La plupart des journalistes qui interviewent des dirigeants que les États-Unis n’aiment pas ont tendance à parler d’eux-mêmes, a ajouté Carlson, et comme il ne
se soucie que de l’approbation de sa femme et de ses enfants, il n’a pas besoin de donner de signes de vertu.
Lorsqu’on lui a demandé de commenter le fait que l’ancienne candidate à la présidentielle américaine Hillary Clinton l’avait qualifié d’« idiot utile » pour la Russie, Carlson a
rigoler.
“C’est une enfant, je ne
l’écoute pas“, a-t-il déclaré. « Au fait,
comment se porte la Libye ? »
RT
Traduit par Wayan, relu par Hervé, pour le Saker Francophone.
L’Interview de Poutine a fait le tour du monde : Xavier Moreau réagit
L’interview de Vladimir Poutine par Tucker Carlson, suivie par des dizaines de millions de spectateurs à travers le monde, a suscité des débats intenses
et de vives réactions dans tous les médias. Selon Xavier Moreau, analyste politique et stratégique, Poutine s’est adressé à différents publics, des Américains aux Ukrainiens, en
mettant en lumière des aspects historiques souvent méconnus, cherchant à élever le débat au-delà des narratifs binaires habituels.
L’interview de Poutine a été perçue différemment outre-mer et en Occident, offrant une perspective nuancée sur l’histoire et la politique, loin des
récits simplistes. Xavier Moreau estime que Poutine a prodigué un cours de diplomatie et de sciences politiques, relevant les limites de l’approche binaire qui domine souvent les
discours occidentaux sur la Russie et l’Ukraine.
Le comportement calme et ferme de Poutine, ainsi que la technologie offerte par Elon Musk pour cette interview, ont déstabilisé les grands médias
traditionnels, révélant un nouvel espace de liberté dans le paysage médiatique. Selon Xavier Moreau, l’interview a été un exemple de journalisme professionnel, malgré les critiques et
les tentatives de le diaboliser.
Carlson interroge Poutine : Le désespoir des médias traditionnels
Petit vent de panique dans les médias et les réseaux sociaux : Tucker Carlson a réalisé un entretien avec Vladimir Poutine, ce qui ne
manque pas d’attiser de nombreux commentaires, pas tous indispensables.
Pour ceux (rares sans doute) qui n’auraient pas compris le sujet ou trouvé l’entretien en question, son intégralité est disponible
ici sur X : en deux heures, Carlson pose quelques questions à l’actuel président russe, couvrant ses motivations dans l’invasion ukrainienne, son avis sur les
tendances globales du monde et notamment la perte d’influence des États-Unis sur la scène internationale, l’affaiblissement du dollar et différents aspects géopolitiques
imposés par les événements actuels.
On pourrait disserter sur les réponses de Poutine, mais le brouhaha des commentaires de la presse et des réseaux sociaux suffit
amplement.
En revanche, on pourra noter quelques aspects périphériques que ce brouhaha ne couvre presque pas et qui n’en constituent pas moins des
informations très éclairantes de l’état actuel, réel et palpable du monde, de plus en plus éloigné de l’image qu’en retransmettent fébrilement les médias
occidentaux.
Rien que la mise en place de l’entretien constitue en lui-même un message que peu de journalistes de la presse politiquement autorisée
peuvent se permettre de relayer sans froisser de très vocales susceptibilités : par contraste, on se rappellera des réceptions par le même Poutine de dirigeants
occidentaux comme Scholz ou Macron qui eurent amplement la place de gesticuler, au contraire d’un Tucker Carlson fort rapproché du président russe.
Nul doute que cela pourra être interprété par les uns comme un désir pour Poutine de paraître chaleureux, pour d’autre de confirmer que
Carlson est évidemment stipendié
par le FSB. Charge pour Macron ou Scholz d’en tirer, peut-être, un enseignement diplomatique.
Et tant qu’à parler de contraste, on ne pourra s’empêcher d’en noter d’autres : au contraire des performances télévisuelles de Macron
qui débite ses phrases creuses avec un aplomb que seuls les cuistres possèdent, Poutine expose clairement un point de vue qui s’embarrasse assez peu du «en-même temps»
invertébré de Macron. Certes, ce point de vue peut amplement être vu comme un mensonge ou de la propagande, mais au moins peut-il se targuer d’une substance et d’une
constance dont le président français n’a jamais pu faire preuve : s’il ment, Poutine le fait de façon cohérente et contraste fort avec la girouette Macron dont les
petites phrases, au mieux grandiloquentes, au pire insultantes, n’ont que très rarement eu de portée au-delà du périphérique parisien.
Contraste aussi important lorsqu’on compare les deux heures d’entretien d’un dirigeant que des rumeurs occidentales insistantes voulaient
mourant ou en proie à quelques cancers carabinés, et les quelques minutes de conférence de presse de son équivalent américain pendant lesquelles l’actuel locataire de la
Maison-Blanche évoque le président allemand Mitterrand ou le président mexicain Sissi, dans un brouillard
mémoriel quelque peu préoccupant.
On notera au passage que pour certains, le commentaire historique de Poutine (trop long, il est vrai) serait sans intérêt ou carrément
hors-sujet pour justifier ou contextualiser l’actuel conflit russo-ukrainien, mais que les mêmes s’empresseront d’en appeler à l’histoire concernant Israël sur les cinq
mille dernières années dans un Deux-Poids, Deux Mesures décontracté qui n’étonnera que l’observateur extérieur réellement neutre. Du reste, cette partie de l’entretien
est, sur le plan de la communication, assez désastreux : la plupart des auditeurs n’ont plus, depuis des lustres, l’habitude de ce genre de réponses longues, les
réponses courtes permettant une bien meilleure viralité…
Mais en réalité, on peut s’interroger sur le but réel poursuivi par Poutine avec cet entretien : beaucoup d’Occidentaux le commentent
en partant du principe (peut-être faux) que le dirigeant russe essaie de leur faire passer un message, voire de les séduire.
C’est sans doute en partie vrai et on ne peut écarter l’influence de ce genre d’opération sur les opinions publiques en général. Cependant,
c’est aussi probablement une erreur d’oublier que Poutine, en donnant ce genre d’entretien, s’adresse aussi au reste du monde et que ce dernier continue de grandir en
importance géopolitique (actuellement au détriment de l’Occident, d’ailleurs). Ainsi, de nombreuses déclarations de Poutine sont rapidement virales en Chine, générant des
centaines de millions, voire des milliards de vues sur des sites tels que Weibo, soit des engagements bien plus importants que la population entière de la plupart des pays
occidentaux.
En outre, il ne fait aucun doute que l’entretien sera aussi disséqué et analysé par l’ensemble des alliés de la Russie et de ses partenaires
commerciaux ; dans ce contexte, on comprend mieux la réaction ulcérée de la presse occidentale avant que l’entretien ne paraisse, ou les appels quelque peu
consternants de certains politiciens à sanctionner
Tucker Carlson en Union Européenne. Apparemment, le journaliste américain a touché une corde sensible que d’autres, avant lui, n’avaient pas même frôlée : le
narratif occidental serait-il si fragile et si menacé par un tel entretien ?
En tout cas, à plus de 170 millions de vues, on comprend surtout que la puissance de frappe des médias occidentaux n’est plus ce qu’elle a
été, nonobstant le ban plus ou moins ferme de certaines
plateformes et de certains
médias.
Dans un monde où Macron rêverait sans doute réaliser un dixième de cette audience, l’entretien réalisé par Tucker Carlson montre surtout que
les médias traditionnels, politiquement corrects et officiellement sanctionnés, n’ont plus du tout la cote auprès du public : il apparaît clair que la presse
traditionnelle, bâtie sur un contrôle fin des contenus et des canaux de diffusion, généralement subventionnée (ou au moins autorisée) par les États, lourdement
«sponsorisée» par des intérêts et un capitalisme de connivences, a perdu de son pouvoir de pénétration des esprits : à l’exception sans doute des générations les plus
âgées qui restent cantonnées à la radio et à la télévision traditionnelles, les canaux d’information sont maintenant tous sur internet et les labels «agréé ou subventionné
par l’État» voire «avec des vrais bouts de fact-checking dedans» apparaissent de plus en plus comme des repoussoirs, tant et si bien que l’audience de ces médias
s’effondre.
En définitive, les réactions à l’entretien en disent beaucoup plus long sur ceux qui réagissent que sur Poutine ou Carlson, et ce d’autant
plus lorsque les réactions sont virulentes et font appel à l’émotion plutôt qu’à la raison.
La multiplication des adjectifs péjoratifs voire des insultes (tant envers Poutine qu’envers Carlson), les cris d’outrage, les appels au
boycott voire à la censure ou, encore plus éclairant, à ouvertement lancer des rumeurs ou de la désinformation pour contrer l’influence supposée de cet entretien indiquent
sans le moindre doute que, le calme et la pondération s’étant totalement évaporés, leurs auteurs ont pris – même confusément – conscience d’une réalité pour eux
insupportable : ils ne contrôlent plus l’information, l’opinion publique va devoir se former sur des sources multiples y compris contradictoires mais surtout, sans
eux.
Depuis Dubaï, Tucker Carlson est revenu sur son court séjour dans la capitale russe au cours duquel il a interviewé Vladimir Poutine. Le journaliste
américain a souligné le degré de développement de Moscou, contrastant avec la situation selon lui déplorable des grandes villes américaines, avant de dénoncer l’aveuglement politique
de Washington.
Lors du Sommet mondial des gouvernements à Dubaï, le 12 février, où il était convié à commenter sa récente interview avec Vladimir Poutine, Tucker
Carlson s’est montré sans concession sur sa perception des leaderships américain et russe.
«Je suis attristé
quand je vois que le président n’a pas le contrôle de son esprit, et que dans mon pays c’est considéré comme très impoli de dire cela», a déclaré dans un premier temps le
journaliste, concernant la situation aux États-Unis. «On se demande en
quelque sorte comment on en est arrivé là, où vous avez un président incompétent qui a fait baisser non seulement le niveau de vie, mais également l’espérance de vie, et que
personne ne se sent libre de dire cela», a-t-il poursuivi.
«Comment en est-on arrivé là ?»
Situation aux États-Unis que Tucker Carlson a comparé à celle en Russie, plus vaste pays au monde, «extrêmement diversifié linguistiquement,
culturellement, religieusement». «C’est difficile
de diriger un pays comme ça pendant 24 ans, que vous le vouliez ou non», a-t-il estimé. «Une personne
incapable ne pourrait pas faire cela», a insisté le journaliste, qui a alors mis en avant son séjour dans la capitale russe, tout en répétant aimer son pays l’Amérique et ne pas
être un partisan du président russe.
«Ce qui m’a
frappé, choqué et beaucoup dérangé, c’est la ville de Moscou où je n’étais jamais allé. Elle est plus belle que n’importe quelle ville de mon pays. Je ne pouvais même pas
l’imaginer», a-t-il confié à l’auditoire. «Mon père a
passé beaucoup de temps là-bas dans les années 80 quand il travaillait pour le gouvernement américain et il y avait à peine de l’électricité. Aujourd’hui, elle est tellement plus
propre, plus sûre et plus attractive sur le plan esthétique […] que n’importe quelle ville des États-Unis qu’on finit par se demander […] : comment en est-on arrivé
là ?»
«C’est très
dépaysant pour un Américain d’aller à Moscou[…] à Singapour, à Tokyo, à Dubaï et à Abou Dhabi, parce que ces villes – quelle que soit la manière dont on nous dit qu’elles sont
dirigées et selon tels ou tels principes – ce sont des endroits où il fait bon vivre», a-t-il déclaré. Là encore, après avoir comparé à la situation américaine de grandes villes
américaines, où «beaucoup de gens» ne prennent pas le métro à cause de l’insécurité.
New York et Paris, des villes devenues répugnantes
Une insécurité dont Tucker Carlson tient directement le gouvernement américain pour responsable. «Il s’agit d’un
choix consenti», a-t-il déclaré, dressant un parallèle avec la politique économique du pays. «L’inflation est
le résultat de choix faits principalement par la Banque centrale, pas exclusivement, mais aussi par les responsables politiques. C’est la même chose en ce qui concerne la
criminalité», selon lui. «On peut très bien
se passer de criminalité en fait, mes enfants ne fument pas de cannabis à table au petit-déjeuner. Pourquoi ? Parce que je ne les y autorise pas, c’est très simple», a-t-il
poursuivi.
Le journaliste américain a alors évoqué le cas d’une autre de ses villes «préférées», Paris. Une ville qui, comme
New York, est «crade», selon Tucker Carlson, qui pointe du doigt les graffitis que «personne ne nettoie». «Cela encourage
d’autres personnes à faire comme eux. Et nos responsables politiques pour une raison ou une autre ne le remarquent pas», a-t-il argumenté.
«Poutine veut sortir de cette guerre»
Un aveuglement dont feraient également preuve les Occidentaux sur la crise ukrainienne. À ce titre, Tucker Carlson s’est montré particulièrement incisif
sur leur attitude actuelle et passée vis-à-vis de Moscou. Interrogé sur son ressenti quant au fait que Vladimir Poutine pourrait rechercher un «compromis», il a clairement
répondu par l’affirmative.
«Les dirigeants de
tous les pays de la planète, à l’exception peut-être des États-Unis pendant la période unipolaire, sont contraints par la nature de leur travail de faire des compromis» a-t-il
notamment déclaré, rappelant le refus des Occidentaux d’ouvrir les portes de l’OTAN à la Russie. «Le but de l’OTAN,
à l’origine bien sûr, était d’empêcher les Soviétiques de venir en Europe occidentale» a-t-il rappelé, «donc si les
Russes demandaient à rejoindre l’alliance, cela suggérerait que vous avez résolu le problème et que vous pouvez passer à autre chose de constructif dans votre vie, mais nous avons
refusé». «Méditez
là-dessus, allez vous asseoir dans un sauna pendant une heure et réfléchissez à ce que cela signifie», a insisté Tucker Carlson.
«Poutine veut sortir de cette guerre», a répété le journaliste, relancé sur la volonté du président russe de trouver une issue politique au conflit
ukrainien. «Il n’a pas l’intention d’être plus enclin aux négociations au fur et à mesure que cela continue», a-t-il assuré, rappelant que les capacités industrielles
russes avaient été sous-estimées par les Occidentaux. À mesure que le conflit perdure, la position de Vladimir Poutine «se durcit», a-t-il encore remarqué.
Les responsables américains enfantins ?
Le journaliste a notamment dénoncé l’État d’esprit des responsables politiques occidentaux, notamment à Washington, qui à ses yeux «ne passent pas de
temps à réfléchir aux objectifs atteignables. J’ai entendu personnellement des responsables du gouvernement américain dire : Nous allons simplement devoir rendre la Crimée à
l’Ukraine. Il n’est pas besoin d’être un chercheur russe pour démontrer que cela ne se produira pas à moins d’une guerre nucléaire».
«Cela révèle que
vous êtes un enfant, que vous ne comprenez absolument rien en la matière et que vous n’avez aucune compréhension réelle de ce qui est possible», a fustigé le journaliste.
Premier journaliste occidental à avoir tendu le micro à Vladimir Poutine en deux ans de conflit, Tucker Carlson s’est attiré les foudres de ses
pairs dans les médias nord-américains et européens. Une démarche qu’il a justifié, auprès du public, par la nécessité d’informer ses compatriotes sur la perception des événements côté
russe.
La grande beauté de l’interview du président russe Vladimir Poutine avec le célèbre journaliste américain Tucker Carlson est qu’elle contient quelque
chose pour presque tout le monde – qu’il s’agisse d’historiens qui commémorent le passé, de diplomates qui isolent l’histoire et la sortent de son contexte, de maîtres de l’espionnage
qui sont des guerriers froids dont l’adrénaline continue à couler, de politologues qui s’arrangent pour créer de faux récits, et même d’un ou deux présidents américains et d’un
Premier ministre britannique très coloré, qui pourraient avoir du sang sur les mains.
Carlson a déclaré modestement qu’il voulait s’asseoir avec Poutine parce que «la plupart des
Américains ne sont pas informés» de la façon dont la guerre en Ukraine «remodèle le
monde».
Au fur et à mesure de leur conversation de
deux heures, un vaste panorama s’est déroulé :
de l’origine de la Rus à l’«État
artificiel» qu’est l’Ukraine ;
de Dostoïevski à l’âme russe ;
de la rebuffade des États-Unis face au désir de la Russie post-soviétique de faire partie de l’alliance occidentale au soutien de la CIA au
séparatisme et au terrorisme dans le Caucase du Nord ;
de l’expansion de l’OTAN à l’apparition de ses bases en Ukraine ;
du déploiement proactif du système ABM par les États-Unis en Europe à la riposte de la Russie avec des systèmes de frappe hypersoniques ;
de la militarisation du dollar au contrecoup de la dédollarisation ; et,
la nécessité impérative pour les États-Unis de s’adapter à la réalité géopolitique : «le monde
change».
L’interview a fait le tour de l’internet, recueillant des dizaines de millions de vues sur X. Ses répercussions pourraient se poursuivre pendant la
campagne pour les élections de novembre. Robert Kennedy Jr, candidat indépendant à l’élection présidentielle, a écrit : «Tucker Carlson
est dénigré depuis des jours. Les médias traditionnels et l’establishment Démocrate lui reprochent d’avoir simplement fait son travail. Les Américains sont capables de tenir des
conversations qui incitent à la réflexion. Nous pouvons faire face à des pensées dangereuses ou à des idées contraires qui ne correspondent pas à la narration des MSM. Laissez-nous
décider par nous-mêmes».
Sans aucun doute, la guerre en Ukraine a été le leitmotiv de l’interview. Interrogé sur les perspectives de paix, Poutine a déclaré : «Si vous voulez
vraiment arrêter les combats, vous devez cesser de fournir des armes». Puis a ajouté : «Ce sera terminé
en quelques semaines. C’est tout».
Cette solution, d’une facilité déconcertante, repose sur la conviction de Poutine, qu’il a toujours défendue depuis le début du conflit en février 2022,
qu’il s’agit au fond d’une guerre civile et d’un conflit fratricide qui divise des familles, des parents et des amis, et qui n’aurait peut-être pas eu lieu sans le comportement
malveillant et intrusif des puissances occidentales.
L’interaction de trois facteurs liés peut expliquer l’optimisme prudent de Poutine. Tout d’abord, l’interview intervient alors que la dynamique du champ
de bataille a basculé en faveur de la Russie. Par ailleurs, à un niveau plus profond, la résistance du Congrès à l’aide à l’Ukraine souligne la transformation de la dynamique des
partis et de l’électorat aux États-Unis.
Le Parti républicain, qui se distinguait autrefois par son opposition ferme à la Russie, penche de plus en plus vers l’isolationnisme et, dans certains
cercles, il y a même de la sympathie pour Moscou.
Bien sûr, si la politique américaine est fébrile, ce n’est pas à cause de Poutine mais à cause de la montée du populisme, de la polarisation de la
société, qui sont des phénomènes internes ayant des racines historiques. Après des décennies de consensus bipartisan pendant la guerre froide sur le rôle de l’Amérique dans le monde,
la mondialisation, les flux de migrants illégaux, les guerres étrangères, etc. ont discrédité l’ancienne façon de penser.
Un deuxième facteur pourrait être le sentiment naissant dans certains milieux à Moscou que, bien que le président Zelensky ait «trompé ses
électeurs» en tournant le dos à son mandat de mettre fin au conflit dans le Donbass, et qu’il ait plutôt décidé, dans son propre intérêt, qu’il était «bénéfique et sûr…
de ne pas entrer en conflit avec les néo-nazis et les nationalistes, parce qu’ils sont agressifs et très actifs, vous pouvez vous attendre à tout de leur part, et deuxièmement,
l’Occident dirigé par les États-Unis les soutient et soutiendra toujours ceux qui se mettent en conflit avec la Russie» – néanmoins, il peut toujours négocier avec Moscou.
Poutine a rappelé la révélation stupéfiante
faite dans une interview à la télévision ukrainienne par Davyd Arakhamia, qui dirigeait la délégation chargée de négocier avec les responsables russes à Istanbul en mars 2022 et qui
avait en fait paraphé le document final, selon laquelle «après notre
retour d’Istanbul, Boris Johnson s’est rendu à Kiev et a dit que nous ne devrions rien signer avec les Russes et que «nous devrions nous battre»».
Pour citer Arakhamia, qui est actuellement le chef de la faction du parti au pouvoir au parlement ukrainien et l’un des principaux conseillers de
Zelensky, «la guerre aurait
pu se terminer au printemps 2022 si l’Ukraine avait accepté la neutralité. L’objectif de la Russie était de faire pression sur nous pour que nous soyons neutres. C’était l’essentiel
pour eux : Ils étaient prêts à mettre fin à la guerre si nous acceptions la neutralité, comme l’a fait la Finlande. Et nous devions nous engager à ne pas rejoindre l’OTAN. C’était
l’essentiel».
C’est sans doute là que la lutte pour le pouvoir à Kiev et l’éviction du général Valery Zaloujny, ancien commandant en chef des forces armées, entrent
en jeu en tant que troisième facteur. Selon un rapport de
l’agence TASS, le
chef du service de renseignement extérieur russe, Sergueï Narychkine, a déclaré lundi à Moscou que les États-Unis et leurs alliés du G7 s’inquiètent des défections au sein du régime
ukrainien et évoquent l’idée de nommer un représentant spécial à Kiev pour veiller à ce que Zelensky s’en tienne à la ligne de démarcation. Narychkine a laissé entendre que ces
craintes étaient fondées dans les capitales du G7.
En effet, à la fin de l’entretien avec Carlson, Poutine a également laissé un message de départ : «Il y a des
options (pour des pourparlers de paix) s’il y a la volonté». Il a ajouté :
«Jusqu’à présent,
il y a eu du bruit et des cris pour infliger une défaite stratégique à la Russie sur le champ de bataille. Aujourd’hui, ils (l’OTAN) semblent se rendre compte que c’est difficile à
réaliser, voire impossible. À mon avis, c’est impossible par définition, cela n’arrivera jamais. Il me semble que les dirigeants occidentaux l’ont également compris.
Si c’est le cas,
si la prise de conscience a eu lieu, ils doivent réfléchir à ce qu’il faut faire ensuite. Nous sommes prêts pour ce dialogue… pour dire les choses plus précisément, ils sont disposés
à le faire mais ne savent pas comment s’y prendre. Je sais qu’ils veulent. Ce n’est pas seulement que je le vois, mais je sais qu’ils le veulent, mais qu’ils ont du mal à comprendre
comment le faire… Eh bien, qu’ils réfléchissent maintenant à la manière d’inverser la situation. Nous ne sommes pas contre».
La grande question est de savoir si l’administration Biden va prendre le taureau par les cornes. Le chancelier allemand Olaf Scholz s’est rendu à la
Maison-Blanche le 9 février. Dans ses remarques aux
médias avant la rencontre avec le président Biden, Scholz a douté des intentions de Poutine, déclarant : «Il veut
s’approprier une partie du territoire de ses voisins. C’est de l’impérialisme, de l’impérialisme. Et je pense qu’il est nécessaire que nous fassions tout notre possible pour soutenir
l’Ukraine et lui donner la possibilité de défendre son pays».
Pour sa part, Biden est resté circonspect. Plus tard, un communiqué détaillé
de la Maison-Blanche, axé sur les développements au Moyen-Orient, se contentait d’indiquer ce qui suit : «Le président
Biden et le chancelier Scholz ont réaffirmé leur soutien résolu à l’Ukraine dans sa lutte contre la guerre d’agression de la Russie. Le président a salué les contributions exemplaires
de l’Allemagne à l’autodéfense de l’Ukraine, et le chancelier Scholz a souligné l’importance du soutien durable des États-Unis».
Il semble très probable que l’administration Biden ait l’intention de maintenir le conflit en vie au moins jusqu’en novembre, alors qu’elle se concentre
principalement sur les développements au Moyen-Orient qui ont une incidence directe sur la candidature du président aux élections de novembre.