À l’heure où j’écris ces lignes, la grande contre-offensive ukrainienne du printemps est peut-être en cours. Je dis « peut-être », car il n’y a rien de plus
incertain qu’une action militaire aussi longtemps planifiée et claironnée. À tel point qu’il est difficile de lire la réalité des événements derrière l’écran de fumée de la propagande
partisane. Laquelle ne tend pas à informer, bien au contraire. La désinformation, c’est ce que les maîtres de l’ombre à l’époque soviétique appelaient la « desinformatzia ».
Cependant, depuis quelques semaines, des actions offensives sont menées par les FAU (Forces armées ukrainiennes). Les Russes y répondent en élargissant la
portée de leurs raids aériens. Compte tenu également du contrôle presque total qu’ils exercent sur l’espace aérien.
Cependant, ces actions, aussi intensifiées soient-elles, ne donnent pas l’impression qu’elles peuvent réellement affecter le cours général du
conflit.
Elles semblent surtout viser à donner un signal aux alliés occidentaux de Kiev. Et à justifier les nouvelles demandes d’argent et d’armement de
Zelensky.
Comme je l’ai dit, le risque paradoxal est que cette contre-offensive ukrainienne pousse Moscou à étendre la zone de conflit. Et à se doter d’armements
toujours plus lourds et dévastateurs. Ce qu’elle semble déjà faire.
Jusqu’à présent, la volonté de Poutine de limiter le conflit, qui n’est pas désigné par hasard par l’euphémisme « opération spéciale », était évidente.
L’objectif russe était de prendre le contrôle de l’ensemble du Donbass. Et, en perspective, d’empêcher l’installation de bases de l’OTAN en Ukraine.
Au-delà de l’armement utilisé, une guerre visant à redéfinir les zones frontalières. Et à avoir des effets diplomatiques. Bref, plus proche des guerres de
succession du XVIIIe siècle que d’un conflit moderne visant à anéantir l’adversaire.
Mais dans les guerres de succession, les belligérants avaient une sorte d’accord tacite. Ou, du moins, une compréhension commune des limites du conflit. Et
de ses objectifs.
Dans le cas présent, en revanche, la vision russe de l’opération dite spéciale n’a pas d’équivalent sur l’autre front.
Par « l’autre front », je n’entends évidemment pas les illusions de Zelensky et de ses hommes au pouvoir à Kiev, ni les forces armées ukrainiennes. Ni aux
forces armées ukrainiennes. Qui, dans ce jeu, ne sont que de la chair à canon consommable.
L’autre front est représenté par Washington. Avec ses satellites européens. Et l’objectif peu subtil de l’élite dirigeante actuelle à la Maison-Blanche (et
derrière elle) est l’anéantissement de la puissance russe. Un dernier redderationem.
Ce qui a été appelé, précisément par les Américains, « la stratégie de l’anaconda ». C’est-à-dire étouffer lentement Moscou, l’envelopper d’ennemis et la
contraindre à des conflits territoriaux permanents. Aujourd’hui l’Ukraine, demain la Transnistrie et la Géorgie… après-demain qui sait ?
On peut donc penser que l’actuel conflit russo-ukrainien n’est qu’une étape, la plus visible à ce jour, d’une longue, très longue guerre. Une guerre que
l’on pourrait qualifier d’interminable. Ou, du moins, dont les limites temporelles sont très éloignées de notre présent. Une nouvelle guerre de Cent Ans, mais à l’échelle mondiale.
Bien sûr, il est aujourd’hui presque impossible de faire des prévisions à long terme.
Moscou pourrait réagir à ce ruissellement par un féroce retournement de situation. C’est-à-dire en déployant tout son potentiel de guerre. Même
nucléaire.
C’est peu probable, du moins tant qu’un homme politique compétent comme Poutine est au Kremlin. Mais, comme je l’ai dit, il est impossible de prédire
l’avenir.
En outre, le risque d’utilisation d’armes nucléaires tactiques se situe plutôt du côté occidental. Du moins tant que les démocrates conserveront le pouvoir
à Washington. Et c’est là qu’il faut faire une, trop longue, réflexion sur la perspective du retour de Trump à la Maison Blanche. Et sur le temps qu’il reste à Biden et aux siens.
Et puis, il y a le Convive de pierre. Pékin.
Les Chinois sont habitués, bien plus que les Américains, les Européens et les Russes, à penser à long terme. Et ils savent comment gérer une guerre sans
fin.
La Chine et la Russie s’allient
militairement. Cela laisse présager un changement de paradigme stratégique qui pourrait obliger les États-Unis à reconsidérer la voie à suivre.
Le sentiment que les choses vont mal, et de plus en plus mal, est palpable. Le zeitgeist actuel est indéniablement teinté d’eschatologie. La spirale des
facteurs géopolitiques laisse présager des turbulences extrêmes.
Biden et les démocrates découvrent – à leur grande surprise – qu’ils sont dans une impasse : L’équipe de Biden, qui pensait se présenter en 2024 en
s’appuyant sur le « bilan économique de Biden », voit ses perspectives s’évanouir face à l’accélération des événements.
Et l’Ukraine – qui devait être le précurseur du renversement de la Russie en tant que telle – semble plus susceptible de sombrer dans la débâcle. La défaite
sur deux fronts (la « guerre » financière et diplomatique) étant déjà établie, et l’entité ukrainienne s’atrophiant
progressivement sous l’effet de l’attrition militaire russe sur un autre front, Washington se demande s’il faut ou non lancer une offensive
ukrainienne, craignant qu’elle ne scelle une catastrophe ukrainienne.
Kiev entend l’équivoque de Washington sur l’issue probable de l’offensive ukrainienne ; Kiev comprend également que cela pourrait signifier
« rideau » pour le « projet » Zelensky – si Biden décidait qu’il est temps de tirer un trait sur ce projet et d’achever le pivot vers la Chine. Cela signifierait
littéralement « la fin » pour la plupart des dirigeants de Kiev.
Le changement de stratégie est déjà évident : John Kirby (porte-parole de Sullivan) a brandi des pertes russes très exagérées à Bakhmout. En même temps, il
laisse entendre que si la Russie semble « gagner », elle a en réalité été vaincue. Blinken a poursuivi sur ce thème le lendemain en affirmant que « la Russie a échoué
dans son objectif d’effacer l’Ukraine » et que, par conséquent, elle a « perdu »,
n’ayant pas atteint ses objectifs.
Il est clair que l’équipe Biden se replie sur le récit d’une « victoire à la Pyrrhus » de la Russie, la survie de l’Ukraine étant considérée comme
une « mission accomplie ».
La conséquence était prévisible : la sortie des États-Unis étant apparemment imminente, il fallait s’attendre à une provocation majeure (à savoir l’attaque
du Kremlin par un drone). Il est clair que « quelqu’un » cherche désespérément à déclencher une réaction russe excessive qui, à son tour, forcerait l’Occident à entrer en guerre
totale contre la Russie.
À l’heure où nous écrivons ces lignes, nous ne savons pas qui pourrait être responsable de l’attaque du Kremlin. Cependant, la colère est profonde et
passionnée en Russie. Le Kremlin doit reconnaître ce sentiment public. Et il y aura une réponse ; mais en même temps, Moscou ne voudra pas entrer dans le jeu des provocateurs. (Le 9 mai
marque la victoire russe dans la guerre contre l’Allemagne nazie. Ils ne voudront pas que cette journée soit perturbée).
Face à l’imbroglio potentiel en Ukraine, à l’inflation galopante, à la récession imminente, à la ruée sur le système bancaire et à une faible cote de
popularité dans les sondages, « l’équipe Biden » semble avoir un plan. Il s’agit de refaire de Biden un « président de guerre », en mobilisant les États-Unis pour
abattre la Chine, alors que l’establishment pense que les États-Unis ont encore l’avantage (militaire conventionnel). Les « jeux de guerre » du Pentagone impliqueraient que les
États-Unis aient une chance avant que la Chine ne soit totalement préparée à la guerre.
Cela vous semble bizarre ? Eh bien, les autres « fronts » (l’inflation, la bulle financière, la récession, les médicaments et l’éducation
inabordables) n’ont tout simplement PAS de solution. Il s’agit de problèmes structurels profonds. Les États-Unis sont aujourd’hui un endroit où la plupart des gens reconnaissent les
problèmes, mais où le droit de veto, les intérêts bien ancrés et la domination de « l’Uniparti » au Congrès ferment la porte à toute tentative de réforme. Trump a essayé de
sortir de cette impasse, mais il a échoué. Biden échouerait également s’il essayait. Donc, si résoudre les problèmes des États-Unis est « le problème », alors devenir un
« président de guerre » pourrait vraisemblablement être considéré comme la « solution ».
Bien entendu, comme les sociétés occidentales d’aujourd’hui ne peuvent pas regarder la vérité en face, l’Occident doit apparaître comme la
« victime » des événements, et non comme l’auteur de son sort, ce qui permet de justifier la guerre. Et pour s’assurer que ce récit reste dans le domaine public, des coups de
semonce préparatoires ont été tirés à l’intention des médias pour qu’ils « restent dans l’équipe ».
« La rivalité entre
grandes puissances et la concurrence pour des ressources en diminution ne sont que de vieilles réalités qui renaissent », prévient Robert
Kaplan. « Leur retour est la
revanche de l’histoire qui définit maintenant un présent de plus en plus périlleux et incertain. »
« La situation mondiale
est similaire à celle qui prévalait avant 1914. Les nouvelles technologies n’ont pas surmonté la rivalité pour les ressources naturelles rares, elles en ont seulement déplacé le centre
d’intérêt », écrit le
philosophe John Gray.
Une nouvelle version du grand jeu de la fin du XIXe siècle se prépare. Les deux guerres mondiales ont été en partie motivées par le besoin de pétrole. La
conviction des sociétés occidentales que les options peuvent toujours être élargies par l’action humaine a été un élément central du projet politique occidental, ainsi que du libéralisme
progressiste, écrit le
professeur Helen Thompson.
Elle poursuit en disant que « … il manque le fait
que la technologie ne peut pas créer de l’énergie [au moins du type dont la société moderne a besoin]. Cette conviction de l’action humaine s’est longtemps révélée trop optimiste. Ceux
qui partent du principe que le monde politique peut être reconstruit par les efforts de la volonté humaine n’ont jamais eu à parier aussi lourdement sur la technologie – et non sur
l’énergie [fossile] – comme moteur de notre progrès matériel. »
Aahh – Le professeur Thompson vend la mèche. Ce « pari de
guerre » extrêmement risqué – à savoir que nos sociétés complexes peuvent de plus en plus fonctionner grâce aux technologies vertes plutôt qu’aux « ressources naturelles
du XIXe siècle » – est un pari, provoqué, selon Thompson, « par un sentiment
sous-jacent de peur existentielle, un soupçon tenace que notre civilisation pourrait s’autodétruire, comme tant d’autres l’ont fait dans le passé ». (D’où l’impulsion de
réaffirmer la domination – même au prix de l’accélération d’un éventuel auto-suicide de l’Occident).
Ce qu’elle veut dire, c’est que le zeitgeist culturel général tend vers le désespoir et le nihilisme. Oui, mais qui est responsable de la nécessité pour
l’Occident de parier sur la technologie plutôt que sur l’énergie pour assurer son avenir ? L’Europe disposait d’une source d’énergie fiable et bon marché jusqu’à ce qu’elle rejette les
plans des néo-conservateurs américains et européens.
« L’âge d’or » occidental était lié à des taux d’intérêt nuls et à une inflation nulle. Pendant des décennies, l’inflation a été quasiment nulle,
précisément grâce aux produits manufacturés bon marché en provenance de Chine et à l’énergie bon marché en provenance de Russie. Aujourd’hui, l’Occident est confronté au démon de
l’inflation et à des taux d’intérêt plus élevés qui ravagent son système financier. C’était son choix.
Oh oui, le « récit », comme l’explique Robert
Kaplan, est que « le destin est en fin
de compte entre les mains de l’action humaine. Mais l’action humaine ne doit pas nécessairement avoir des résultats positifs. Des individus tels que Poutine et Xi sont des agents humains
qui ont provoqué une guerre vaste et sanglante en Ukraine – et qui conduisent l’Asie vers un conflit militaire de haut niveau à propos de Taïwan ». L’Ukraine et Taïwan n’ont
donc rien à voir avec le projet néoconservateur d’étendre l’hégémonie américaine à une nouvelle ère ?
Incapable d’aborder les questions honnêtement, ce collectif d’intellectuels
occidentaux justifie une future guerre contre la Chine en partant du principe que Poutine, sans raison valable, a simplement choisi d’envahir l’Ukraine le 24 février 2022, et que Xi est
coupable d’avoir l’intention d’envahir Taïwan – ce à quoi l’Occident doit répondre de manière appropriée en stockant « au maximum » des armes à Taïwan.
Cette justification est aussi fallacieuse que celle de la guerre en Irak.
Les préparatifs de cette guerre s’accélèrent : Davantage d’armes à Taïwan ; les forces spéciales américaines organisent des exercices d’infiltration à
Taïwan en cas de prise de pouvoir par les Chinois (probablement pour lancer une guérilla insurrectionnelle). Et comme le relate Andrew
Korybko, les États-Unis rassemblent leurs alliés dans la région Asie-Pacifique : la Corée du Sud a autorisé des sous-marins américains dotés d’armes nucléaires à accoster dans ses ports ;
AUKUS est renforcé ; le Japon est officieusement à bord ; et l’Indonésie et les Philippines subissent la pression des États-Unis pour qu’ils fassent leur part du travail.
En contrepoint de la stratégie habituelle consistant à rassembler les alliés en prévision d’un éventuel conflit, le haut représentant de l’Union européenne,
Josep Borrell, propose que les marines de l’Union patrouillent
dans le détroit de Taïwan. Cette initiative intervient quelques semaines seulement après que le secrétaire général de l’OTAN, Stoltenberg, a déclaré :
« Nous
intensifions actuellement notre coopération avec nos partenaires de la région indo-pacifique : le Japon, la Corée du Sud, la Nouvelle-Zélande et l’Australie. »
« La tendance
indiscutable est que les partenaires européens des États-Unis sont prêts à jouer un rôle militaire plus important dans la région, y compris un rôle provocateur s’ils finissent par
patrouiller dans le détroit de Taïwan », écrit Korybko.
Von der Leyen et l’UE sont également impliquées – son nom a été mentionné trois fois dans le discours de Jake Sullivan sur le « nouveau
consensus de Washington », dans lequel il est prévu d’inverser toute la tendance politique depuis les années Reagan : retour au protectionnisme, intervention du gouvernement
central pour soutenir la politique industrielle, investissement audacieux dans le renforcement des capacités, « résilience » et réappropriation des chaînes d’approvisionnement
internes.
Il ne s’agit toutefois pas d’un véritable plan de réforme de l’économie américaine, bien qu’il soit présenté comme tel. Une véritable réforme nécessiterait
d’énormes changements structurels. Il s’agit de réorienter l’économie en vue d’une éventuelle guerre conventionnelle contre la Chine. (L’une des leçons du conflit ukrainien est que la
capacité industrielle est importante). Il s’agit probablement aussi d’un prétexte pour augmenter les dépenses fiscales (impression monétaire) dans la perspective des élections de
2024.
Inévitablement, ceux qui, au sein de l’UE, sont alliés aux « Verts » allemands et à von der Leyen sont en extase. Les fonctionnaires de Bruxelles
parlaient du « ticket Biden-von der Leyen » (comme s’il s’agissait d’une candidate à la vice-présidence des États-Unis sur le « ticket » démocrate !), et se
réjouissaient d’une alliance de pouvoir entre les États-Unis et l’UE s’étendant jusqu’en 2028 !
Que penser de ces changements ? Je le répète : Biden est dans l’embarras et son équipe bat de l’aile. Il est extrêmement prématuré pour la Maison-Blanche de
parler de « mission accomplie » en Ukraine, mais que peut-elle faire d’autre ? La guerre contre la Chine ne se fera pas uniquement contre la Chine, mais probablement aussi
contre la Russie. Telle était certainement l’essence de
la visite de quatre jours du ministre chinois de la Défense à Moscou (y compris une séance personnelle avec Poutine). Le message était clair : La Chine et la Russie « se donnent la
main militairement ». Cela laisse présager un changement de paradigme stratégique qui pourrait bien obliger les États-Unis à reconsidérer la voie à suivre – ou non.
Une série de développements européens ont récemment montré
l’accélération de la perte d’hégémonie des Etats-Unis face au mouvement sino-russe qui cherche à organiser le “reste” du monde en s’éloignant de l’Occident et du système
hégémonique américain. Aujourd’hui, ce qui était une fuite s’est transformée en une inondation. Le président chinois Xi a pris au lasso le président ukrainien Volodomyr Zelenskiy pour des
négociations visant à mettre fin, ou au moins à arrêter, la guerre entre l’OTAN et la Russie en Ukraine, malgré l’opposition apparente des États-Unis à de tels pourparlers ou même à un
cessez-le-feu, comme l’ont déclaré de nombreux responsables américains au cours des dernières semaines. La défection de l’Ukraine du projet américain OTAN-Ukraine, qui est aussi une tentative de
changement du régime russe, met Washington dans une situation délicate et pourrait donner lieu à des mesures drastiques.
Comme je l’ai noté récemment, une série de dirigeants européens se sont rendus à la Cité interdite pour consulter des responsables chinois sur des questions
économiques et politiques. Le président brésilien a ajouté le poids de l’État le plus puissant d’Amérique du Sud en rencontrant Xi et en appelant à la tenue d’une conférence de paix sur l’Ukraine
sous l’égide de la Chine. Mais il s’est avéré que le pèlerinage le plus important à Pékin a été celui du président français Emmanuel Macron. Le dirigeant de l’un des principaux membres de l’OTAN
et de l’UE et prétendant au leadership en Europe a annoncé ce que de nombreux dissidents conservateurs dans toute l’Europe affirment depuis des années. Après sa rencontre avec XI, Macron a
déclaré dans une interview accordée lors de son retour à Paris que l’Europe devrait éviter le statut de “vassal” et de “suiveur” par rapport aux États-Unis et rechercher plutôt une
“autonomie stratégique” en tant que “troisième pôle” dans le système international, aux côtés des
États-Unis et de la Chine. Une telle évolution représenterait évidemment l’élimination de la pierre angulaire du pôle américain ou occidental du système international. Washington et Bruxelles,
qui jouissaient de l’hégémonie depuis la fin de la guerre froide, verraient la fin du système unipolaire qu’ils dominaient et commenceraient à se disputer les faveurs de Pékin, même si cette
dernière protège les Russes tant détestés.
Voici maintenant l’appel de Zelenskiy à XI et la reconnaissance par ce dernier qu’ils ont discuté de l’implication de l’Ukraine dans la poursuite d’un processus de
paix avec la Russie, ainsi que l’annonce que Pékin nomme un envoyé spécial à Kiev pour coordonner la préparation des pourparlers. Le fait que Zelenskiy ait pris l’initiative du contact avec Xi et
que ce contact ait eu lieu alors que l’Ukraine était en train de perdre complètement son emprise sur la plaque tournante de Bakhmut dans le Donbass suggère que Zelenskiy, comprenant que l’aide
occidentale sera trop faible et trop tardive pour empêcher une marche russe vers le fleuve Dniepr qui forcerait le retrait du gouvernement de Kiev, voit que la défaite totale et complète de
l’Ukraine est écrite sur le mur. C’est une sage décision, mais il est peut-être trop tard pour lui, pour le régime de Maïdan et même pour la souveraineté de Kiev sur le territoire ukrainien, qui
est menacée non seulement par la Russie, mais aussi par la Pologne, voire par les États-Unis et l’OTAN, en raison de la situation désastreuse dans laquelle elle se trouve.
J’ai récemment noté les rapports de Seymour Hersh selon lesquels le directeur de la CIA William Burns, en visite à Kiev au début du mois, a remis à Zelenskiy une
liste de 35 généraux ukrainiens impliqués dans des actions de détournement de l’aide occidentale à l’Ukraine, d’une valeur de 400 millions de dollars depuis le début de la guerre. Burns aurait
dit à Zelenskiy que c’est lui, le président ukrainien, qui aurait dû figurer en tête de liste. Zelenskiy a donc été contraint de licencier le militaire corrompu le plus ambitieux de la liste.
Cela suggère que Washington a une grande emprise sur Zelenskiy et peut contrôler les politiques de guerre de l’Ukraine, sans parler de la dépendance totale de Kiev à l’égard des financements
occidentaux pour son budget d’État. Mais cela signifie non seulement que Washington et Bruxelles peuvent désormais manipuler Zelenskiy encore plus qu’ils ne le faisaient avant de présenter leurs
renseignements obtenus par l’écoute des communications internes de Kiev et que, plus que jamais, l’Ukraine est un membre de facto de l’OTAN et un État satellite de l’Occident dont la survie
dépend entièrement de l’alliance, en particulier de Washington, mais aussi que Washington peut déployer des renseignements pour accroître les tensions dans les relations entre civils et
militaires ukrainiens et, plus particulièrement, entre Zelenskiy et ses généraux. Les éléments compromettants recueillis sur Zelenskiy pourraient être déployés à l’avenir pour faire monter la
température et recruter ensuite des généraux, en particulier le chef de l’état-major ukrainien Viktor Zalyuzhniy, des ultranationalistes, des néofascistes ou d’autres personnes pour monter un
coup d’État contre Zelenskiy et/ou l’assassiner pour toute trahison des intérêts du président américain Joe Biden, de l’OTAN et d’autres intérêts occidentaux fondamentaux, par exemple en faisant
la paix avec Poutine sous les auspices de la Chine. Non seulement cela mettrait fin aux espoirs occidentaux de faire de la guerre contre la Russie en utilisant l’Ukraine et de virer Poutine de sa
position, mais cela placerait Pékin au-dessus de la “nation
indispensable” en tant qu’arbitre principal de la politique internationale. À Washington et à Bruxelles, éviter un tel résultat est bien plus important que la vie de Zelenskiy et la survie
de l’Ukraine.
On ne sait pas exactement quel lien il y a dans l’esprit de Zelenskiy entre sa main tendue à Pékin et les déclarations antérieures de Zelenskiy et du président
polonais Andrzej Duda sur la “dissolution” des
frontières entre la Pologne et l’Ukraine et ce que j’ai suggéré il y a de nombreux mois comme étant la possibilité réelle d’envoyer des forces polonaises ou de l’OTAN en Ukraine occidentale pour
contrer toute avancée russe au-delà du Dniepr. Toutefois, il est clair qu’un tel plan peut être mis en œuvre sans Zelenskiy à la tête de Kiev. En résumé, s’il n’y a pas d’imprimatur américaine
sur les contacts de Zelenskiy avec Pékin et sur les pistes de discussions possibles avec le Kremlin, Zelenskiy s’est mis dans une position très précaire. Qu’il s’agisse de Nord Stream, de Trump,
de son fils Hunter ou simplement d’une approximation de la vérité, Biden a montré qu’il n’était pas moins impitoyable que n’importe quel autre tyran. L’audace de Biden et de ceux qui contribuent
à déterminer ses politiques à Washington, Bruxelles, Davos et ailleurs ne fera que l’encourager à prendre des mesures désespérées, compte tenu de la détérioration rapide de la situation sur le
front ukrainien, alors que l’offensive russe gagne lentement et méthodiquement du terrain et encercle maintenant les troupes à Bakhmut, Avdieevka et ailleurs. Compte tenu aussi du début de la
campagne présidentielle de 2024 et des enjeux élevés des résultats des élections présidentielles et législatives pour Biden, sa famille, ses mécènes et ses alliés.
Gordon
Hahn
Traduit par Wayan, relu par Hervé, pour le Saker Francophone.
La montée de la Chine (et la chute des États-Unis ?)
Sur les cendres d’une
guerre mondiale qui a tué 80
millions de personnes et réduit de grandes villes en décombres fumantes, l’Amérique s’est levée comme un légendaire Titan grec, indemne et armée d’une puissance militaire et économique
extraordinaire, pour gouverner le monde. Au cours des quatre années de combat contre les dirigeants de l’Axe, à Berlin et à Tokyo, qui ont fait rage sur toute la planète, les commandants
américains – George Marshall à Washington, Dwight D. Eisenhower en Europe et Chester Nimitz dans le Pacifique – savaient que leur principal objectif stratégique était de prendre le contrôle de
l’immense masse continentale eurasienne. Qu’il s’agisse de la guerre du désert en Afrique du Nord, du débarquement en Normandie, des batailles sanglantes à la frontière entre la Birmanie et
l’Inde, ou de la campagne d’exploration des îles du Pacifique, la stratégie des Alliés pendant la Seconde Guerre mondiale consistait à limiter l’influence des puissances de l’Axe à l’échelle
mondiale, puis à leur arracher ce continent.
Ce passé, apparemment lointain, continue de façonner le monde dans lequel nous vivons. Ces généraux et amiraux légendaires ont bien sûr disparu depuis longtemps,
mais la géopolitique qu’ils ont pratiquée à un tel prix a encore de profondes implications. De même que Washington a encerclé l’Eurasie pour gagner une grande guerre et l’hégémonie mondiale,
Pékin est aujourd’hui impliqué dans une reprise beaucoup moins militarisée de cette quête de pouvoir mondial.
Et pour être franc, ces jours-ci, le gain de la Chine est la perte de l’Amérique. Chaque mesure prise par Pékin pour consolider son contrôle sur l’Eurasie affaiblit
simultanément la présence de Washington sur ce continent stratégique et érode ainsi sa puissance mondiale autrefois formidable.
La stratégie de la Guerre froide
Après quatre années chargées à assimiler ces leçons de géopolitique en sirotant le café du matin et les capsules de bourbon, la génération des généraux et amiraux
américains du temps de la guerre avait compris, intuitivement, comment réagir à une potentielle alliance entre les deux grandes puissances communistes qu’étaient Moscou et Pékin.
En 1948, après avoir quitté le Pentagone pour Foggy Bottom, le secrétaire d’État George Marshall a lancé le plan
Marshall de 13 milliards de dollars pour reconstruire une Europe occidentale déchirée par la guerre, jetant ainsi les bases économiques de la formation de l’alliance de l’OTAN un an plus
tard. Après un déménagement similaire du quartier général des Alliés à Londres en temps de guerre vers la Maison Blanche en 1953, le président Dwight D. Eisenhower a contribué à compléter une
chaîne de bastions militaires le long du littoral pacifique de l’Eurasie en signant une série de pactes de sécurité mutuelle – avec la Corée du Sud en 1953, Taïwan en 1954 et le Japon en 1960.
Pendant les 70 années qui ont suivi, cette chaîne d’îles a constitué la charnière stratégique de la puissance mondiale de Washington, essentielle à la fois pour la défense de l’Amérique du Nord
et pour la domination de l’Eurasie.
Après s’être battus pour conquérir une grande partie de ce vaste continent pendant la Seconde Guerre mondiale, les dirigeants américains de l’après-guerre savaient
certainement comment défendre leurs acquis. Pendant plus de 40 ans, leurs efforts incessants pour dominer l’Eurasie ont permis à Washington de prendre le dessus et, en fin de compte, de remporter
la victoire sur l’Union soviétique dans le cadre de la guerre froide. Pour contraindre les puissances communistes à l’intérieur de ce continent, les États-Unis ont entouré ses 6 000 miles de
cotes de 800
bases militaires, de milliers de chasseurs à réaction et de trois armadas navales massives – la 6e flotte dans l’Atlantique, la 7e flotte dans l’océan Indien et le Pacifique et, un peu plus
tard, la 5e flotte dans le golfe Persique.
Grâce au diplomate George
Kennan, cette stratégie a été baptisée “endiguement“, ce qui a permis à Washington de rester les bras
croisés pendant que le bloc sino-soviétique implosait à la suite de maladresses diplomatiques et de mésaventures militaires. Après la rupture entre Pékin et Moscou en 1962 et l’effondrement de la
Chine dans le chaos de la révolution culturelle de Mao Zedong, l’Union soviétique a tenté à plusieurs reprises, mais sans succès, de sortir de son isolement géopolitique – au Congo, à Cuba, au
Laos, en Égypte, en Éthiopie, en Angola et en Afghanistan. Dans la dernière et la plus désastreuse de ces interventions, que le dirigeant soviétique Mikhaïl Gorbatchev a fini par qualifier de
“plaie saignante“, l’Armée rouge avait déployé 110 000
soldats pour neuf années de combats brutaux en Afghanistan, subissant une hémorragie d’argent et d’hommes qui
allait contribuer à l’effondrement de l’Union soviétique en 1991.
Dans cette période grisante de victoire apparente en tant qu’unique superpuissance de la planète Terre, une jeune génération de responsables de la politique
étrangère de Washington, formés non pas sur les champs de bataille mais dans des groupes de réflexion, a mis un peu plus d’une décennie à laisser cette puissance mondiale sans précédent commencer
à s’évanouir. Vers la fin de la guerre froide, en 1989, Francis Fukuyama, un universitaire travaillant dans l’unité de planification politique du département d’État, a acquis une renommée
instantanée parmi les initiés de Washington avec son expression séduisante “la
fin de l’histoire“. Il affirmait que l’ordre mondial libéral de l’Amérique allait bientôt balayer l’ensemble de l’humanité dans une marée sans fin de démocratie capitaliste. Comme il l’a
dit dans un essai souvent cité, “le triomphe de l’Occident,
de la démocratie capitaliste et de l’économie de marché est en marche : “Le triomphe de l’Occident, de l’idée occidentale, est évident… dans l’épuisement total des alternatives systémiques
viables au libéralisme occidental… comme dans la propagation inéluctable de la culture occidentale consumériste“.
Le pouvoir invisible de la géopolitique
En plein milieu de cette rhétorique triomphaliste, Zbigniew Brzezinski, un autre universitaire dégrisé par son expérience du monde, réfléchissait à ce qu’il avait
appris sur la géopolitique pendant la guerre froide en tant que conseiller de deux présidents, Jimmy Carter et Ronald Reagan. Dans son livre « The Great Chessboard » (1997), Brzezinski proposait la
première étude américaine sérieuse de géopolitique en plus d’un demi-siècle. Ce faisant, il mettait en garde contre la profondeur de l’hégémonie mondiale des États-Unis, même à l’apogée de la
puissance unipolaire, qui est intrinsèquement “superficielle“.
Pour les États-Unis et, a-t-il ajouté, pour toutes les grandes puissances des 500 dernières années, l’Eurasie, qui abrite 75 % de la population et de la
productivité mondiales, a toujours été “le principal enjeu
géopolitique“. Pour perpétuer sa “prépondérance sur le
continent eurasien” et préserver ainsi sa puissance mondiale, Washington devra, a-t-il prévenu, contrer trois menaces : “l’expulsion de l’Amérique de ses bases offshore” le long du littoral
du Pacifique ; l’éjection de son “perchoir à la périphérie occidentale” du continent fourni par l’OTAN ; et enfin, la formation d’une “entité unique affirmée” dans le centre tentaculaire de
l’Eurasie.”
Pour justifier le maintien de la centralité de l’Eurasie après la guerre froide, Brzezinski s’est largement inspiré des travaux d’un universitaire britannique
oublié depuis longtemps, Sir Halford Mackinder. Dans un essai datant de 1904 qui a donné naissance à l’étude moderne de la géopolitique, Mackinder observait que,
pendant les 500 dernières années, les puissances impériales européennes avaient dominé l’Eurasie depuis la mer, mais que la construction de chemins de fer transcontinentaux déplaçait le centre de
contrôle vers le vaste “cœur” intérieur de
l’Eurasie. En 1919, au lendemain de la Première Guerre mondiale, il a également affirmé que
l’Eurasie, avec l’Afrique, formait une énorme “île
mondiale” et a proposé cette formule géopolitique audacieuse : “Qui domine le Heartland commande l’île mondiale ; qui domine l’île
mondiale commande le monde“. Manifestement, Mackinder était en avance d’une centaine d’années dans ses prédictions.
Mais aujourd’hui, en combinant la théorie géopolitique de Mackinder et la vision de Brzezinski sur la politique mondiale, il est possible de discerner, dans la
confusion du moment, quelques tendances potentielles à long terme. Imaginons la géopolitique à la Mackinder comme un substrat profond qui façonne des événements politiques plus éphémères, de la
même manière que le lent grincement des plaques tectoniques de la planète devient visible lorsque des éruptions volcaniques percent la surface de la terre. Essayons maintenant d’imaginer ce que
tout cela signifie en termes de géopolitique internationale aujourd’hui.
Le pari géopolitique de la Chine
Au cours des décennies qui ont suivi la fin de la guerre froide, le contrôle croissant de la Chine sur l’Eurasie représente clairement un changement fondamental
dans la géopolitique de ce continent. Convaincus que Pékin jouerait le jeu mondial selon les règles américaines, les responsables de la politique étrangère de Washington ont commis une erreur
stratégique majeure en 2001 en l’admettant au sein de l’Organisation mondiale du commerce (OMC). De l’avis de
deux anciens membres de l’administration Obama, “tout le
long de son spectre idéologique, la communauté de la politique étrangère américaine partageait la conviction sous-jacente que la puissance et l’hégémonie américaines pouvaient facilement modeler
la Chine à la convenance des États-Unis… Toutes les parties du débat politique se sont trompées“. Un peu plus d’une décennie après son adhésion à l’OMC, les exportations annuelles de Pékin
vers les États-Unis ont presque quintuplé et ses réserves de devises étrangères sont
passées de 200 milliards de dollars à un montant sans précédent de 4 000 milliards de dollars en 2013.
En 2013, s’appuyant sur ces vastes réserves de liquidités, le nouveau président chinois, Xi Jinping, a lancé une
initiative d’infrastructure d’un montant de mille milliards de dollars afin de transformer l’Eurasie en un marché unifié. Alors qu’un réseau de rails et d’oléoducs en acier commençait à sillonner
le continent, la Chine a entouré l’île mondiale tricontinentale d’une chaîne de 40
ports commerciaux – du Sri Lanka dans l’océan Indien, autour de la côte africaine, à l’Europe, du Pirée, en Grèce, à Hambourg, en Allemagne. En lançant ce qui est rapidement devenu le
plus grand projet de développement de l’histoire, dix fois plus important que le plan Marshall, Xi consolide la domination géopolitique de Pékin sur l’Eurasie, tout en répondant aux craintes de
Brzezinski concernant la montée en puissance d’une “entité
unique affirmée” en Asie centrale.
Contrairement aux États-Unis, la Chine n’a pas consacré beaucoup d’efforts à l’établissement de bases militaires. Alors que Washington en entretient
encore quelques
750 dans 80 pays, Pékin ne possède qu’une base militaire à Djibouti, sur la côte est de l’Afrique, un poste
d’interception des signaux sur les îles Coco du Myanmar, dans le golfe du Bengale, une installation
compacte dans l’est du Tadjikistan et une demi-douzaine de petits avant-postes dans la mer de Chine méridionale.
En outre, alors que Pékin se concentrait sur la construction d’infrastructures eurasiennes, Washington menait deux guerres désastreuses en Afghanistan et en Irak
dans une tentative stratégiquement inepte de dominer le Moyen-Orient et ses réserves de pétrole (au moment même où le monde commençait à abandonner le pétrole au profit des énergies
renouvelables). En revanche, Pékin s’est concentré sur l’accumulation lente et furtive d’investissements et d’influence dans toute l’Eurasie, de la mer de Chine méridionale à la mer du Nord. En
modifiant la géopolitique sous-jacente du continent par le biais de cette intégration commerciale, Pékin acquiert un niveau de contrôle jamais atteint au cours des mille dernières années, tout en
libérant de puissantes forces de changement politique.
Des bouleversements tectoniques qui ébranlent la puissance américaine
Après une décennie d’expansion économique ininterrompue de Pékin en Eurasie, les bouleversements tectoniques du substrat géopolitique de ce continent ont commencé à
se manifester par une série d’éruptions diplomatiques, chacune effaçant un autre aspect de l’influence américaine. Quatre des éruptions les plus récentes peuvent sembler, à première vue, sans
rapport entre elles, mais elles sont toutes motivées par la force implacable du changement géopolitique.
Tout d’abord, l’effondrement soudain et inattendu de la position américaine en Afghanistan a contraint Washington à mettre fin à 20 ans d’occupation en août 2021
par un retrait humiliant. Dans le cadre d’un jeu de pression géopolitique lent et furtif, Pékin a signé des accords de développement massifs avec toutes les nations environnantes d’Asie centrale,
laissant les troupes américaines isolées dans cette région. Pour assurer le soutien aérien indispensable à l’infanterie, les chasseurs à réaction américains étaient souvent contraints de
voler à 2 000 miles de leur base la plus proche dans le golfe Persique – une situation insoutenable à long terme et dangereuse pour les troupes sur le terrain. Alors que l’armée afghane formée
par les États-Unis s’effondrait et que les guérilleros talibans pénétraient dans Kaboul à bord de Humvees capturés, la retraite chaotique des États-Unis en signe de défaite devenait
inévitable.
Six mois plus tard, en février 2022, le président Vladimir Poutine massait une armada de véhicules blindés chargés de 200 000 soldats à la frontière de l’Ukraine. À
en croire Poutine, cette “opération militaire
spéciale” visait à saper
l’influence de l’OTAN et à affaiblir l’alliance
occidentale – l’une des conditions posées par Brzezinski pour l’éviction des États-Unis de l’Eurasie.
Mais Poutine s’est d’abord rendu à Pékin pour courtiser le soutien du président Xi, une tâche apparemment ardue compte tenu des décennies de commerce lucratif entre
la Chine et les États-Unis, d’une valeur
hallucinante de 500 milliards de dollars en 2021. Pourtant, Poutine a obtenu une déclaration
commune selon laquelle les relations entre les deux pays étaient “supérieures aux alliances politiques et militaires de l’époque de la
guerre froide” et une dénonciation de “la poursuite de
l’expansion de l’OTAN“.
En l’occurrence, Poutine a obtenu ce résultat à un prix périlleux. Au lieu d’attaquer l’Ukraine dans les glaces de février, alors que ses chars auraient pu
manœuvrer hors route en direction de Kiev, la capitale ukrainienne, il a dû attendre la fin des Jeux olympiques d’hiver de Pékin. Les troupes russes ont donc envahi le pays en mars, dans la boue,
laissant ses véhicules blindés coincés dans un embouteillage de
40 miles sur une seule autoroute, où les Ukrainiens ont facilement détruit plus
de 1 000 chars. Face à l’isolement diplomatique et aux embargos commerciaux européens, alors que l’invasion défaite dégénérait en une série de massacres
vengeurs, Moscou a transféré une grande partie de ses exportations vers la Chine. Les échanges bilatéraux ont ainsi rapidement augmenté de
30 % pour atteindre un niveau record, tout en réduisant la Russie à une pièce de plus sur l’échiquier géopolitique de Pékin.
Puis, le mois dernier, Washington s’est retrouvé diplomatiquement marginalisé par une résolution tout à fait inattendue du sectarisme qui a longtemps défini la
politique du Moyen-Orient. Après avoir signé
un accord d’infrastructure de 400 milliards de dollars avec l’Iran et fait de l’Arabie saoudite son principal
fournisseur de pétrole, Pékin était bien placé pour négocier un rapprochement
diplomatique majeur entre ces rivaux régionaux acharnés, l’Iran chiite et l’Arabie saoudite sunnite. En l’espace de quelques semaines, les ministres des affaires étrangères des deux pays
ont scellé l’accord par un
voyage profondément symbolique à Pékin – un rappel doux-amer de l’époque, encore récente, où les diplomates arabes faisaient la cour à Washington.
Enfin, l’administration Biden a été stupéfaite ce
mois-ci lorsque le dirigeant prééminent de l’Europe, le Français Emmanuel Macron, s’est rendu
à Pékin pour une série de discussions intimes en tête-à-tête avec le président chinois Xi. À l’issue de ce voyage extraordinaire, qui a permis aux entreprises françaises de remporter des
milliards de dollars de contrats lucratifs, Macron annonçait “un partenariat stratégique global avec la Chine” et a promis
qu’il ne “s’inspirerait pas de l’agenda des
États-Unis” concernant Taïwan. Un porte-parole de l’Élysée a rapidement publié une clarification pro forma indiquant que “les États-Unis sont notre allié, avec des valeurs partagées“.
Malgré cela, la déclaration de Macron à Pékin reflète à la fois sa
propre vision à long terme de l’Union européenne en tant qu’acteur stratégique indépendant et les liens économiques de plus en plus étroits de ce bloc avec la Chine
L’avenir de la puissance géopolitique
Si l’on projette ces tendances politiques dans une décennie, le sort de Taïwan semble, au mieux, incertain. Au “Chock and awe” des bombardements aériens, mode par défaut du
discours diplomatique de Washington en ce siècle, Pékin préfère une pression géopolitique furtive mais constante. En construisant ses bases insulaires en mer de Chine méridionale, par exemple,
elle a avancé progressivement – d’abord en draguant, puis en construisant des structures, ensuite des pistes d’atterrissage, et enfin en plaçant des missiles
antiaériens – évitant ainsi toute confrontation sur sa capture fonctionnelle d’une mer entière.
N’oublions pas que Pékin a construit sa formidable puissance économique, politique et militaire en un peu plus d’une décennie. Si sa puissance continue de croître
dans le substrat géopolitique de l’Eurasie, ne serait-ce qu’à une fraction de ce rythme effréné, pendant une autre décennie, elle pourrait être en mesure d’exercer sur Taïwan une pression
géopolitique habile, comme celle qui a poussé les États-Unis à quitter l’Afghanistan. Qu’il s’agisse d’un embargo
douanier, de patrouilles navales incessantes ou d’une autre forme de pression, Taïwan pourrait tomber tranquillement dans l’escarcelle de Pékin.
Si une telle manœuvre géopolitique devait prévaloir, la frontière stratégique des États-Unis le long du littoral du Pacifique serait brisée, ce qui pourrait
repousser la marine américaine vers la “deuxième
chaîne d’îles“, celle allant du Japon à Guam – le dernier des critères de Brzezinski pour le véritable déclin de la puissance mondiale des États-Unis. Dans ce cas, les dirigeants de
Washington pourraient à nouveau se retrouver assis sur la proverbiale ligne de touche diplomatique et économique, se demandant comment tout cela a bien pu arrivé.
Alfred
McCoy est historien et éducateur. Il est professeur d’histoire à l’université du Wisconsin-Madison et auteur de « To Govern the Globe : World Orders and Catastrophic
Change ».
Traduit par Wayan, relu par Hervé, pour le Saker Francophone.
« Notre sécurité est entre nos mains et la défaite de l’ennemi est entre les siennes »
« Notre sécurité
est entre nos mains et la défaite de l’ennemi est entre les siennes. »(Sun Tzu,
mort en 496 avant notre ère)
Xi et Poutine montent plusieurs « chevaux ». L’un a peut-être besoin d’un coup d’éperon, l’autre d’un coup de frein.
Si l’évolution structurelle vers un monde multipolaire est désormais bien comprise en termes géopolitiques, ses autres dimensions sont peu remarquées. Les
médias se concentrent tellement sur la situation militaire en Ukraine qu’il est facile d’oublier que le président Poutine mène également une guerre financière – une guerre contre la
théorie économique libérale – et une guerre diplomatique pour obtenir le soutien des pays non occidentaux et de ses principaux alliés stratégiques, la Chine et l’Inde.
En outre, Poutine doit gérer la situation psychologique à l’intérieur de la Russie. Son objectif est de restaurer le patriotisme et une culture nationale
russe reconnectée à ses racines dans le christianisme orthodoxe. Pour y parvenir, il doit la laisser évoluer dans un contexte civil. Laisser l’aspect militaire prendre le dessus
reviendrait à biaiser la conscience russe d’une manière très particulière.
Le président Poutine a évoqué à plusieurs reprises la nécessité pour la « Russie civile » de disposer de moyens pour évoluer à sa manière – en se
réappropriant son héritage culturel passé sous une nouvelle forme – et pour que ce processus ne soit pas entièrement subordonné aux besoins et à l’ethos militaires.
Le projet est donc, en fait, totalement multiforme – même si la lutte pour restaurer le respect de la souveraineté et de l’autonomie dans les affaires
intérieures représente indubitablement la « pierre angulaire » du projet.
Cependant, une partie importante de la réappropriation de la souveraineté nécessite le changement de la structure économique de la Russie, qui doit échapper
à l’emprise du modèle néo-libéral « anglo », pour aller vers une plus grande autosuffisance nationale. Par conséquent, la simple remise en question des fondements philosophiques du
système politique et économique « anglo » – qui sous-tend l’ordre des règles – est aussi importante, à sa manière, que le champ de bataille ukrainien.
Comme tout système, l’Ordre mondial repose sur des principes philosophiques que l’on croit universels, mais qui, en vérité, sont spécifiques à un moment
particulier de l’histoire européenne.
Aujourd’hui, l’Occident n’est plus ce qu’il était. C’est un espace de combat idéologique fracturé. Le reste du monde n’est pas « ce qu’il était ». Et les
tiraillements idéologiques occidentaux d’aujourd’hui ne sont plus considérés comme une préoccupation majeure pour le monde.
Toutefois, il s’agit ici d’un projet conçu pour apporter un changement à ce qui n’a pas changé. Il s’agit autant d’une guerre pour la conscience mondiale
que d’une guerre d’usure sur le front (bien qu’il s’agisse là aussi d’un élément essentiel pour modifier l’état d’esprit mondial). Si un ordre multipolaire doit être construit sur la base
d’une souveraineté autosuffisante, d’autres devraient également quitter le système économique néolibéral (s’ils le peuvent). D’où la nécessité d’une initiative diplomatique majeure de la
part de la Russie et de la Chine afin de créer une profondeur stratégique pour une nouvelle économie.
Ensuite, il y a les tactiques derrière la stratégie : Comment aider les États à recouvrer leur souveraineté, sans se contenter de « tracer la voie » d’une
nouvelle économie ? Comment briser l’emprise hégémonique du « avec nous, ou contre nous » ? Comment faciliter les complémentarités mutuelles qui peuvent faire évoluer un groupe d’États
vers un cycle vertueux de souveraineté auto-génératrice – même si ce cycle est renforcé par des corridors de transport et assisté par la construction d’une « auto-sécurité » autonome. La
Chine, par exemple, est en train de construire un vaste réseau africain de trains à grande vitesse pour le commerce interafricain.
Le projet sino-russe ne peut donc que remettre en question les prémisses financières et économiques sur lesquelles repose l’ordre des règles – et contribuer
à l’élaboration d’une alternative.
James Fallows, ancien rédacteur de discours à la Maison-Blanche, a noté que
le système économique anglo-américain, comme tout système, repose sur certains principes et croyances :
« Mais plutôt que
d’agir comme s’il s’agissait des meilleurs principes, ou de ceux que leurs sociétés préfèrent, les Britanniques et les Américains agissent souvent comme s’il s’agissait des seuls
principes possibles : Et que personne, sauf erreur, ne pouvait en choisir d’autres. L’économie politique devient une question essentiellement religieuse, sujette à l’inconvénient habituel
de toute religion – l’incapacité à comprendre pourquoi les gens en dehors de la foi peuvent agir comme ils le font. »
« Pour être plus précis
: La vision du monde anglo-américaine d’aujourd’hui repose sur les épaules de trois hommes. Le premier est Isaac Newton, le père de la science moderne. L’autre est Jean-Jacques Rousseau,
le père de la théorie politique libérale. (Si nous voulons rester purement anglo-américains, John Locke peut le remplacer). L’autre est Adam Smith, le père de l’économie du laissez-faire.
C’est de ces titans fondateurs que proviennent les principes selon lesquels la société avancée, selon la vision anglo-américaine, est censée fonctionner… Et elle est censée reconnaître
que l’avenir le plus prospère pour le plus grand nombre de personnes provient du libre fonctionnement du marché. »
Pour en revenir à ce qui n’a pas changé, la secrétaire d’État Yellen a récemment prononcé un discours sur
les relations entre les États-Unis et la Chine, laissant entendre que la Chine avait largement prospéré grâce à l’ordre de marché anglo-saxon « libre », mais qu’elle s’orientait à présent
vers une position étatique, qui « est conflictuelle
avec les États-Unis et leurs alliés ». Les États-Unis veulent coopérer avec la Chine, mais entièrement et exclusivement selon leurs propres conditions, a-t-elle déclaré.
Les États-Unis recherchent un « engagement
constructif », mais qui doit être subordonné à la garantie par les États-Unis de leurs propres intérêts et valeurs en matière de sécurité. « Nous ferons
clairement part à la RPC de nos préoccupations quant à son comportement… Et nous protégerons les droits de l’homme ». Deuxièmement, « nous continuerons à
répondre aux pratiques économiques déloyales de la Chine. Et nous continuerons à faire des investissements cruciaux chez nous, tout en nous engageant avec le monde à faire progresser
notre vision d’un ordre économique mondial ouvert, équitable et fondé sur des règles ». Elle conclut en disant que la Chine doit « jouer selon les
règles internationales d’aujourd’hui. »
Comme on pouvait s’y attendre, la Chine ne veut rien entendre et fait remarquer que les États-Unis cherchent à tirer des avantages économiques de la Chine,
tout en exigeant d’avoir les coudées franches pour poursuivre des intérêts exclusivement américains.
En d’autres termes, le discours de Mme Yellen montre une incapacité totale à reconnaître que la « révolution » sino-russe ne se limite pas à la sphère
politique, mais qu’elle s’étend également à la sphère économique. Il montre à quel point « l’autre guerre » est importante pour Poutine et Xi – la guerre pour sortir de l’emprise du
paradigme néolibéral financiarisé.
Xi l’avait clairement indiqué en 2013, lorsqu’il avait demandé :
« Pourquoi l’Union
soviétique s’est-elle désintégrée ? Pourquoi le parti communiste de l’Union soviétique s’est-il effondré ? Répudier complètement l’expérience historique de l’Union soviétique, répudier
l’histoire du PCUS, répudier Lénine, répudier Staline – c’était semer le chaos dans l’idéologie soviétique et s’engager dans le nihilisme historique. »
En clair, Xi laissait entendre que, compte tenu des deux pôles de l’antinomie idéologique : celui de la construction anglo-américaine, d’une part, et la
critique eschatologique léniniste du système économique occidental, d’autre part, les « couches dirigeantes » soviétiques avaient cessé de croire à ce dernier et avaient par conséquent
glissé dans un état de nihilisme (avec le pivot vers l’idéologie du marché libéral occidental de l’ère Gorbatchev-Eltsine).
Le point de vue de Xi : La Chine n’a jamais fait ce détour désastreux.
Ce changement de paradigme géostratégique est totalement absent du discours de Mme Yellen : Poutine a ramené la Russie sur le devant de la scène et l’a
alignée sur la Chine et d’autres États asiatiques sur le plan économique.
Ces derniers affirment en effet depuis un certain temps que la philosophie politique « anglo-saxonne » n’est pas nécessairement la philosophie du
monde. Selon
Lee Kuan Yew, de Singapour, et d’autres, les sociétés fonctionneraient mieux si elles accordaient moins d’attention à l’individu et davantage au bien-être du groupe.
Le président Xi ne mâche pas ses mots : « Le droit des peuples
à choisir de manière indépendante leur voie de développement doit être respecté… Seul celui qui porte les chaussures sait si elles lui vont ou non. »
Marx et Lénine n’ont pas été les seuls à remettre en cause la version anglo-libérale. En 1800, Johann Fichte publiait L’État commercial fermé. En 1827,
Friedrich List publie ses théories qui s’opposent à « l’économie cosmopolite » d’Adam Smith et de JB Say. En 1889, le comte Sergius Witte, Premier ministre de la Russie impériale, publie
un article qui cite Friedrich
List et qui justifie la nécessité d’une industrie nationale forte, protégée de la concurrence étrangère par des barrières
douanières.
Ainsi, à la place de Rousseau et de Locke, les théoriciens allemands avaient offert Hegel. À la place d’Adam Smith, ils proposent Friedrich List.
L’approche anglo-américaine part du principe que la mesure ultime d’une société est son niveau de consommation. Or, selon List, à long terme, le bien-être
d’une société et sa richesse globale ne sont pas déterminés par ce que la société peut acheter, mais par ce qu’elle peut produire (c’est-à-dire la valeur découlant d’une économie réelle
et autosuffisante). L’école allemande, profondément sceptique à l’égard de la « sérendipité » du marché d’Adam Smith, a fait valoir que l’accent mis sur la consommation finirait par aller
à l’encontre du but recherché. Elle détournerait le système de la création de richesses et rendrait finalement impossible de consommer autant ou d’employer autant de personnes.
List était prémonitoire. Il a vu la faille, aujourd’hui si clairement exposée dans le modèle anglo-saxon : une atténuation de l’économie réelle, aujourd’hui
aggravée par une financiarisation massive. Un processus qui a conduit à la construction d’une pyramide inversée de « produits » financiers dérivés qui aspirent l’oxygène de la fabrication
de la production réelle. L’autosuffisance s’érode et une base de création de richesses réelles de plus en plus réduite soutient un nombre toujours plus restreint d’emplois correctement
rémunérés.
En d’autres termes, Poutine et Xi Jinping se rejoignent : Là où Poutine et Xi Jinping se rejoignent … c’est dans leur appréciation commune de l’étonnant
sprint de la Chine vers le rang de superpuissance économique. Selon Poutine, la Chine « a réussi de la meilleure façon possible, à mon avis, à utiliser les leviers de l’administration
centrale (pour) le développement d’une économie de marché … L’Union soviétique n’a rien fait de tel, et les résultats d’une politique économique inefficace se sont répercutés sur la
sphère politique. »
Washington et Bruxelles n’ont manifestement pas compris. Et le discours de Yellen est la première « pièce à conviction » de cet échec analytique :
L’Occident avait compris l’implosion soviétique et le chaos financier des années Eltsine d’une manière exactement opposée à l’analyse de Xi, et à l’accord de Poutine avec le verdict
sévère de Xi.
En clair, l’évaluation de Xi et de Poutine est que le désastre russe est le résultat du tournant vers le libéralisme occidental, alors que Yellen considère
clairement que « l’erreur » de la Chine – pour laquelle elle la réprimande – est de s’être éloignée du système mondial « libéral. »
Ce décalage analytique explique en partie la conviction absolue de l’Occident que la Russie est un État si faible et si fragile sur le plan financier (en
raison de son erreur primordiale d’avoir rejeté le système « anglo »), que tout revirement sur le front ukrainien aujourd’hui pourrait entraîner un effondrement financier panique (comme
en 1998) et une anarchie politique à Moscou, semblable à celle de l’ère Eltsine.
Paradoxalement, les observateurs non occidentaux voient aujourd’hui l’inverse de ce que Yellen « voit » : Elle voit la fragilité financière de l’Occident
contre la stabilité économique de la Russie.
Enfin, l’autre dimension « moins remarquée » de la « révolution » sino-russe est la dimension métaphysique – la réappropriation de la culture politique
nationaliste qui est quelque chose de plus que la « souveraineté ». Le philosophe politique Alasdair MacIntyre, dans After Virtue, affirme que c’est le récit culturel qui fournit une
meilleure explication de l’unité d’une vie humaine :
« Les récits de vie
individuels des membres d’une communauté s’entremêlent et s’entrelacent. Et l’enchevêtrement de nos histoires surgit pour former la trame et le tissage de la vie communautaire. Cette
dernière ne peut jamais être une conscience unique générée abstraitement et imposée par un « commandement central ». »
Ce qu’il faut retenir ici, c’est que seule la « tradition culturelle » et ses contes moraux fournissent un contexte à des termes tels que « bien », «
justice » et « telos. »
« En l’absence de
traditions, le débat moral n’a plus lieu d’être et devient un théâtre d’illusions dans lequel la simple indignation et la simple protestation occupent le devant de la scène »
[c’est-à-dire comme dans l’Occident d’aujourd’hui].
Il n’est pas surprenant que ceux qui ne vivent pas en Occident – et qui ne se sont jamais sentis intérieurement partie prenante de cette modernité
occidentale contemporaine, mais qui se sentent plutôt appartenir à un monde culturel différent, dont le fondement ontologique est très différent – considèrent ce dernier comme la source
d’énergie à partir de laquelle ils peuvent dynamiser une nouvelle vie communautaire.
Ils se tournent vers les vieux mythes et les histoires morales précisément pour injecter de l’énergie dans la culture politique – une tendance qui s’étend
de la Chine à la Russie, à l’Inde et au-delà. Il semble que Poutine s’efforce de faire en sorte que la culture russe soit virile, mais non militarisée.
Xi et Poutine montent plusieurs « chevaux » : L’un a peut-être besoin d’un coup d’éperon, l’autre d’un peu de retenue. Le fait est qu’ils devraient arriver
plus ou moins ensemble.
La politique de l’administration Biden
consistant à affronter simultanément la Russie et la Chine est vouée à l’échec, a déclaré Pepe Escobar, analyste géopolitique et journaliste chevronné, à l’émission New Rules de Radio
Sputnik.
« C’est tellement
absurde, évidemment ces néocons, ils n’ont même pas lu [Zbigniew] Brzezinski », a déclaré Escobar, faisant référence à l’ex-conseiller à la Sécurité nationale des États-Unis et
à un stratège influent.
« Ok, disons que
c’était un néoconservateur lié aux démocrates, mais il en parlait déjà dans les années 90 lorsqu’il a écrit « Le grand échiquier », publié en 1997. Il disait déjà : « Nous
devons empêcher l’émergence d’un concurrent en Eurasie par tous les moyens nécessaires ». Qu’en est-il aujourd’hui ? Nous avons l’émergence d’un partenariat stratégique de
concurrents homologues en Eurasie et la réponse des néocons est : « D’accord, partons en guerre contre les deux en même temps ». Même un enfant sait que c’est complètement
absurde. »
Comment le cauchemar de Brzezinski est
devenu réalité
Sous l’administration Biden, les relations de Washington avec Moscou et Pékin ont atteint un nouveau seuil. Après avoir rejeté les projets de propositions
de sécurité de la Russie concernant l’élargissement de l’OTAN et la neutralité de l’Ukraine, les États-Unis ont augmenté leur aide militaire au régime de Kiev après le début de
l’opération militaire spéciale de Moscou visant à démilitariser et à dénazifier l’Ukraine. L’administration Biden a non seulement imposé des sanctions à la Russie et fait échouer les
accords de paix préliminaires d’Istanbul de mars 2022 entre Moscou et Kiev, mais elle a aussi ouvertement appelé à saigner
la Russie à blanc et à lui imposer une défaite stratégique.
Parallèlement, Washington a eu recours à une série de provocations à l’encontre de la Chine au sujet de Taïwan, l’île située à la jonction des mers de Chine
orientale et méridionale, que Pékin considère comme une partie inaliénable de la République populaire. Les présidents de la Chambre des représentants, Nancy Pelosi et Kevin McCarthy, ont
rencontré la
dirigeante taïwanaise Tsai Ing-wen dans ce qui a été perçu par Pékin comme un défi clair au principe d’une seule Chine, tandis que le président Joe Biden a publié des
« gaffes » répétées selon lesquelles les États-Unis sont prêts à « protéger » militairement l’île contre la République populaire. Récemment, le Pentagone
a accéléré
la fourniture d’armes à Taipei, qui se prépare aux élections présidentielles de janvier 2024.
Malgré ces provocations, l’armée des États-Unis n’est pas prête pour une confrontation à part entière avec la Chine, selon Escobar.
« Ils ne veulent pas
mener de vraies guerres », a déclaré le journaliste. « Et maintenant, ils
sont encore plus effrayés parce qu’ils savent, par exemple, que s’ils tentent quelque chose en mer de Chine méridionale, les Chinois ont les fameux porte-avions tueurs tout le long de la
côte. Ainsi, si trois ou quatre complexes américains naviguent là-bas, ils peuvent être coulés en 30 minutes. Le Pentagone le sait, ils ont été déjoués. »
De même, Washington n’a pas réussi à vaincre Moscou, que ce soit sur le plan militaire ou économique, malgré un ensemble de mesures sans précédent prises
par les États-Unis, leurs alliés de l’OTAN et leurs partenaires contre la Russie.
« La Russie a survécu à
tout ce que l’Occident a lancé contre elle après le début de l’opération militaire spéciale, en particulier la guerre économique, la guerre financière », a déclaré Escobar.
« La
Russie a survécu et résisté. Aujourd’hui, elle renoue même avec la croissance avec une inflation de 3%, alors que certains pays d’Europe connaissent une inflation de 10 à 20-30% et sont à
la dérive. »
De plus, les provocations et la rhétorique belliqueuse de l’administration Biden à l’égard de la Russie et de la Chine ont contribué à rapprocher les deux
grandes puissances. En mars, le président chinois Xi Jinping a effectué une visite
de trois jours à Moscou à l’invitation de son homologue russe, Vladimir Poutine. Les observateurs ont attiré l’attention sur le fait que la Russie était le premier État étranger
visité par Xi après sa réélection historique le 10 mars.
Des observateurs chinois ont déclaré à Sputnik que
la Russie et la Chine « sont entrées dans une
nouvelle phase de coopération
globale et de partenariat stratégique ». C’est ainsi que l’équipe Biden a transformé en réalité le scénario cauchemardesque de Brzezinski d’une « grande
coalition » entre Moscou et Pékin.
Qu’est-ce qui explique la résistance
de la Russie ?
Selon Escobar, Moscou a passé la majeure partie de la dernière décennie à se préparer à la guerre hybride et financière de l’Occident. Les décideurs
politiques russes ont commencé à planifier le jeu en vue d’une éventuelle épreuve de force peu après qu’un coup d’État soutenu par les États-Unis à Kiev a usurpé le pouvoir en
Ukraine.
« Si l’opération
militaire spéciale avait été lancé en 2014, la Russie n’aurait pas été prête économiquement, financièrement et même militairement. Aujourd’hui, elle l’est. Je suis sûr qu’Elvira
Nabiullina, à la banque centrale russe, savait exactement ce qu’elle faisait. Cela a probablement été discuté pendant au moins deux ans au plus haut niveau du Conseil de
sécurité », a-t-il déclaré.
Le scepticisme d’Escobar quant à l’efficacité des sanctions occidentales a été confirmé lorsque le journaliste chevronné est arrivé à Moscou en février
2023. Il a déclaré à Sputnik qu’il
avait été stupéfait de voir à quel point la vie était normale dans la capitale russe malgré une pression extérieure sans précédent.
« Le premier jour où je
suis arrivé à l’aéroport de Vnoukovo, j’ai laissé mes bagages dans mon studio et j’ai fait une promenade de sept heures dans la ville, non pas pour avoir une expérience intellectuelle,
mais pour avoir une impression générale », s’est souvenu le journaliste. « Comment se sent-on à
Moscou aujourd’hui ? Je n’ai pas vu une économie fragile et anéantie. Je n’ai pas vu un pays soumis à des sanctions comme je me souviens avoir vu l’Iran soumis à des sanctions, et c’était
très, très dur. Je n’ai pas ressenti cela ici. J’ai vu l’une des plus belles villes du monde, dotée d’une infrastructure absolument incomparable. Partout, elle est extrêmement propre.
C’est très important pour nous tous qui vivons à l’Ouest. »
« Comparé à New York,
comparé à Paris, comparé à Londres. Les gens sont très bien habillés, il y a de très bons restaurants, les supermarchés sont remplis de tout. Les grands magasins comme GUM ou TSUM
proposent tout ce que l’on peut trouver dans n’importe quelle grande capitale du monde. Les gens étaient détendus et n’avaient pas l’impression d’être en guerre. Ma première impression a
donc été saisissante », poursuit-il.
La fin de la domination technologique
occidentale
L’administration Biden a insisté à plusieurs reprises sur le fait que les États-Unis et leurs alliés européens resteraient les centres de l’innovation
technologique mondiale dans un avenir indéterminé. Escobar, qui a passé beaucoup de temps au Moyen-Orient et en Asie, considère ces affirmations comme de l’esbroufe.
« En fait, un grand
nombre de chercheurs et d’experts en technologie de la Silicon Valley viennent de Chine et d’Inde. Et [regardez] le niveau d’excellence de l’armée russe en termes de systèmes de défense
antimissile et d’armes hypersoniques », a déclaré Escobar. « Lorsque vous parlez à
un très bon analyste militaire comme mon ami Andrei Martyanov, par exemple, qui vit aux États-Unis et écrit en anglais, mais qui connaît le système militaire soviétique et russe sur le
bout des doigts, il dit : « Écoutez, l’écart est d’au moins deux générations, si ce n’est plus, et [les États-Unis] ne seront pas en mesure de le faire ». »
« Et les dirigeants
politiques [des États-Unis] ne comprennent pas les mathématiques simples, ni la physique d’ailleurs. Et le système américain, en termes de complexe militaro-industriel, est
essentiellement axé
sur le profit, et non sur la fabrication d’armes capables de mener des guerres, ce qui est exactement ce que font les Russes. La Russie dispose d’une expertise technique depuis
l’époque soviétique. Les bases du système de missiles hypersoniques ont été jetées dès l’ère Brejnev », a déclaré Escobar.
L’échec collectif de l’Occident à contraindre Moscou, Pékin et la plupart des puissances du Sud mondial à se soumettre indique clairement que le monde a
changé de manière irréversible. Le monde traverse une période historique qui implique un bouleversement de l’ensemble de l’ordre existant. Escobar partage l’avis du président chinois Xi
Jinping, qui a récemment déclaré que nous semblions assister à des changements que nous n’avions pas vus depuis 100 ans.
« Lorsque nous
regardons ce qui se passe aujourd’hui, cet ordre ancien est complètement bouleversé », a déclaré Escobar. « La Chine est la
nation commerciale la plus importante de la planète. En termes de parité de pouvoir d’achat (PPA), elle est déjà la première économie du monde. La Russie, après avoir été dévastée dans
les années 1990, est devenue la première superpuissance militaire du monde. »
Caroline Galactéros est géopolitologue, spécialiste affaires diplomatiques et stratégiques, présidente PoleGeopragma,
Docteur en Sciences politiques et enseigne à l’IHEDN.
Elle revient sur la disparition catastrophique de la France dans le concert international des grandes puissances.
Washington ne semble pas pouvoir
atteindre ses objectifs en Ukraine, ayant été au préalable convaincu que sa mise sera gagnante rapidement. Plus que cela, les alliances de la multipolarité et les autres événements en
cours à l’échelle planétaire détruisent les projets washingtoniens de maintien de son diktat mondial.
Le pari des États-Unis sur l’Ukraine commence à se retourner contre eux car n’ayant pas pu atteindre les objectifs souhaités – écrit le
journaliste serbo-américain Nebojsa Malic pour le quotidien chinois anglophone Global Times.
Selon l’auteur, lorsque la Russie lance l’opération militaire spéciale en février 2022 – l’ambiance à Washington est presque festive. En effet et pour les États-Unis,
alors que Moscou avait refusé durant huit ans à tomber dans le piège tendu par la révolution de couleur soutenue par les USA à Kiev – le Kremlin avait selon les convictions étasuniennes
fini par mordre à l’hameçon.
L’establishment US ayant été convaincu que l’économie russe serait détruite par les sanctions occidentales et que la monnaie nationale du pays – le rouble –
se transformerait en décombres. Seul problème pour les instigateurs : Rien de tout cela n’est arrivé, rappelle l’auteur de l’article. Moscou ayant bien mieux résisté aux
sanctions unilatérales occidentales que l’espace bruxellois – allié des USA, dont les économies se sont taries sans les importations d’énergie russe. Sur le plan militaire – le conflit
n’a pas épuisé le potentiel armé de la Russie, tandis qu’au contraire les stocks d’armes et de munitions en Occident comme en Ukraine se réduisent drastiquement.
Et pendant ce temps, les dirigeants russe et chinois n’ont fait que confirmer leur engagement commun en faveur du monde multipolaire. Et bien même que les
responsables washingtoniens continuent d’insister sur le fait que le conflit se déroule de manière positive, que l’Ukraine serait prétendument en train de gagner, que les sanctions contre
la Russie seraient en train de fonctionner et que la production militaro-industrielle US augmentera comme par magie d’un jour à l’autre – de plus en plus d’Américains, commencent à
remarquer bien que lentement que ce n’est pas le cas.
Du côté justement de l’élite politique étasunienne – Robert Francis Kennedy Junior, annonçant sa participation à la course présidentielle la semaine
dernière – avait fait valoir qu’il n’est pas dans l’intérêt national américain de rapprocher la Russie de la Chine, car cela représente un véritable cataclysme. Tout en notant que les
Chinois viennent de négocier un accord de paix entre l’Iran et l’Arabie saoudite, que la stratégie US au Moyen-Orient s’est complètement effondrée et que l’économie étasunienne allait
également suivre une pente négative si quelque chose n’est pas fait rapidement pour stopper tous ces processus néfastes pour les USA.
Un argument similaire avait été avancé dans le magazine American
Thinker plus tôt ce mois-ci, où les auteurs de l’article Patricia Adams et Lawrence Solomon qualifient les
sanctions imposées par l’Occident à la Russie d’erreur de calcul la plus monumentale de l’histoire moderne.
Nebojsa Malic rappelle également qu’en 1972 – Henry Kissinger avait cherché à adoucir l’aiguillon de la défaite US au Vietnam en établissant des relations
avec la Chine et en exploitant la scission de l’époque entre Pékin et Moscou. Et que durant les 50 années qui s’en ont suivi – la politique washingtonienne avait été justement d’empêcher
tout ce qui pouvait ressembler à une alliance entre la Chine et la Russie.
Pourtant et à mesure que 2022 avançait – Washington a fait tout son possible pour contrarier Pékin, dont les représentants politiques n’avaient cessé de
déclarer que l’île de Taïwan était une autre Ukraine, ayant besoin d’armes occidentales contre une prétendue invasion chinoise.
Pour l’auteur de l’article de Global
Times l’une des explications possibles aux actions washingtoniennes est que l’establishment étasunien en matière de politique étrangère se compose désormais principalement des
disciples de Zbigniew Brzezinski, et non pas de Kissinger. En 1997, Brzezinski avait écrit justement un manuel pour l’hégémonie mondiale des États-Unis intitulé « Le Grand
Echiquier » (The Grand Chessboard), se concentrant sur le contrôle de l’Ukraine comme moyen d’empêcher la résurgence de la Russie.
Nebojsa Malic conclut son article par un rappel de la sagesse ancienne. Plus particulièrement celle rapportée par l’historien grec antique Hérodote lorsque
le roi Crésus de Lydie avait demandé à l’Oracle de Delphes des conseils pour partir en guerre. Il a été dit au roi qu’il détruirait un grand empire. Le roi Crésus déclara alors la guerre
à Cyrus le Grand de Perse – et perdit la guerre. La prophétie s’est bien réalisée, tant bien que mal : L’empire détruit par Crésus ayant été le sien.
Ce qu’il serait certainement juste de rajouter – c’est que les prévisions de Washington et de ses suiveurs européistes non seulement ne se sont pas
réalisées, ayant considéré durant de longues années que l’économie était prétendument le maillon faible de la Russie – mais plus que cela tournent de plus en plus au
ridicule. Ayant souhaité isoler la Russie du commerce international – les ennemis occidentaux de Moscou lui une fois de plus rendu, malgré eux, un grand service. Celui d’avoir
accélérer la diversification massive des relations économiques de l’État russe avec le monde non-occidental, représentant l’écrasante majorité de l’humanité.
Plus que cela encore, le ridicule est d’autant plus palpable que les Occidentaux, et notamment les régimes européistes, se retrouvent obligés à répondre à
leurs besoins énergétiques en achetant les produits pétroliers et d’autres en provenance de Russie via justement des nations non-occidentales. Sapant ainsi leurs propres efforts en
matière de sanctions, auxquelles pour rappel l’écrasante majorité des pays du monde n’a pas adhéré.
Et là aussi ce n’est pas tout. Comme Observateur
Continental l’avait récemment rappelé – la montée en puissance des BRICS à l’échelle mondiale est elle aussi en partie le résultat des mauvais calculs occidentaux. Et ce non
seulement dans le cadre de l’attractivité montée en flèche pour les BRICS de la part d’autres nations non-occidentales, mais également des résultats obtenus récemment par l’alliance
pro-multipolaire. Faudrait-il rappeler que selon les prévisions des principaux économistes occidentaux – le PIB combiné des cinq pays BRICS devait dépasser celui du G7 pas avant 2030.
Pourtant cela est devenu réalité à l’issue de l’année 2022.
De manière générale, l’arrogance extrême de l’Occident et des quelques acteurs acquis à sa cause – n’a fait de-facto qu’accélérer des processus qui de toute
manière allaient voir le jour. Mais certainement et seulement des années plus tard. Et non pas sous nos yeux aujourd’hui. Peut-être que pour cela, il serait juste de « remercier » en
quelque sorte les nostalgiques de l’unipolarité, ayant été aveuglés par la conviction à pouvoir maintenir leur domination planétaire et se retrouvant désormais obligés à observer les
événements actuels sans réellement savoir quoi entreprendre.
La Russie et la Chine disposent d’armements bien supérieurs à ceux des Occidentaux. La première a gagné la guerre en Syrie et s’apprête à vaincre en Ukraine.
Malgré tous ses efforts, l’Otan, qui a déjà échoué au Moyen-Orient par jihadistes interposés, ne parvient pas à renverser la réalité sur le champ de bataille.
La manière de penser des anciennes puissances coloniales les poussent à imaginer que la Russie et la Chine vont utiliser leur supériorité militaire pour imposer
leur mode de vie au reste du monde. Or, ce n’est pas du tout leur intention et ce n’est pas ce qu’elles font.
Moscou et Beijing ne cessent de réclamer l’application du Droit international. Rien de plus. Les Russes aspirent à être tranquilles chez eux,
tandis que les Chinois espèrent pouvoir commercer partout.
Les évènements en Ukraine nous ont fait oublier les demandes maintes fois réitérées depuis 2007 de la Russie : Elle exige des garanties de sécurité qui lui
sont propres, notamment l’absence d’arsenaux appartenant à des pays tiers stockés chez ses voisins. La Russie n’a pas les moyens de défendre ses frontières, les plus grandes du monde. Elle ne
peut donc assurer sa sécurité si des armées ennemies se massent sur plusieurs fronts à ses frontières, sauf à pratiquer la « stratégie de la terre brulée » du maréchal Fédor
Rostopchine. C’est le sens de toutes les négociations pour la réunification de l’Allemagne. L’URSS y était opposée, sauf à ce que la Nouvelle Allemagne s’engage à ne pas entreposer d’armes de
l’Otan à l’Est. C’est le sens de toutes les négociations avec les anciens États du Pacte de Varsovie. Et ce fut encore le sens des négociations avec tous les États de l’ex-URSS. Jamais Moscou
ne s’est opposé à ce qu’un État choisisse ses alliés et, éventuellement, adhère à l’Otan. Toujours, il s’y est opposé si l’adhésion à l’Otan impliquait l’installation de stocks
d’armement de l’Otan sur son territoire.
Moscou ne s’est montré satisfait qu’en 1999, lorsque 30 États membres de l’OSCE ont signé la Déclaration
d’Istanbul, dite « Charte de la Sécurité en Europe », qui pose deux principes majeurs : - le droit de chaque État de choisir les alliés de son choix et - le devoir de chaque État de ne pas menacer la sécurité des autres en assurant la sienne.
C’est la violation de ces principes, et elle seule, qui a conduit au conflit ukrainien. C’était le sens du discours du président Vladimir
Poutine à la Conférence sur la sécurité de Munich, en 2007 : Il y a dénoncé le non-respect des engagements de l’OSCE et l’établissement d’une gouvernance « monopolaire » du
monde.
Les Occidentaux, qui considéraient la Russie comme un pays en faillite, ont certes convenu qu’elle avait raison, mais se sont moqués de son impuissance. Ils ont
eu tort : La Russie s’est relevée et les a dépassés. Aujourd’hui, elle utilise sa force pour nous faire respecter les principes que nous avons signés, pas pour nous
imposer sa manière de penser.
Depuis l’effondrement de l’Union soviétique, l’Occident a négligé les engagements auquel il avait souscrit durant la Guerre froide, afin de construire un
« Nouvel Ordre Mondial », selon la formule de Margaret Thatcher et de George Bush Sr. ; un Nouvel Ordre Mondial « fondé sur des règles » que les Occidentaux ont
eux-mêmes définies. Nous avons donc cumulé les violations de notre signature et, partant de là, du Droit international.
Il existe une incompatibilité fondamentale entre le Droit international, issu de la Conférence de La Haye de 1899, et le Droit anglo-saxon : Le Droit
international est une convention positive. Il est élaboré à l’unanimité. C’est-à-dire qu’il est accepté par chacun de ceux qui l’appliquent. Au contraire, le Droit anglo-saxon est fondé sur
les usages. Il est donc toujours en retard sur l’évolution du monde et privilégie ceux qui l’ont dominé.
À partir de 1993, les Occidentaux ont commencé à remplacer, un à un, tous les Traités internationaux pour les réécrire en droit anglo-saxon. Madeleine Albright,
qui représentait alors les États-Unis du président Bill Clinton au Conseil de sécurité de l’Onu, était la fille du professeur Josef Korbel. Ce diplomate tchèque, devenu professeur à
l’université de Denver, enseignait que le meilleur moyen pour les États-Unis de dominer le monde n’était pas de le conquérir militairement, mais de lui faire adopter son propre système
juridique, ainsi que la Couronne britannique l’avait fait dans son empire. Après avoir été ambassadrice à l’Onu, Madeleine Albright devint secrétaire d’État. Lorsque le président George W.
Bush succéda à Bill Clinton, c’est la fille adoptive de Josef Korbel, Condoleezza Rice, qui prit sa place après l’intermède Colin Powell. Dans la pratique, durant deux décennies l’Occident a
patiemment détruit le Droit international et imposé ses règles, au point que désormais, il s’arroge seul le titre emphatique de « Communauté internationale ».
Le 21 mars 2023, à Moscou, les présidents russe et chinois, Vladimir Poutine et Xi Jinping, sont convenus d’une stratégie commune pour faire triompher le Droit
international. Il s’agit dans leur esprit, ni plus, ni moins, que de démanteler tout ce que Madeleine Albright et Condoleezza Rice ont réalisé.
La Russie, qui présidait le Conseil de sécurité des Nations unies durant le mois d’avril, a décidé d’organiser un débat public sur le thème :
« Maintien de la paix et de la sécurité internationales : un multilatéralisme efficace reposant sur la défense des principes consacrés dans la Charte des Nations
Unies ».
La séance, présidée par le ministre russe des Affaires étrangères, Sergueï Lavrov, ne visait pas à déballer le linge sale accumulé depuis la disparition de
l’Union soviétique, mais à commencer à mobiliser le plus d’États possible. Dans la note de cadrage (S/2023/244), diffusée par la Russie avant le débat, Moscou explicitait comment l’ordre
unipolaire occidental se substituait au Droit international. Il alertait en outre sur le rôle d’acteurs non-gouvernementaux, les fameuses « ONG », dans ce dispositif. Il soulignait
aussi que faire des Droits de l’homme un critère de bonne gouvernance et non pas un objectif à atteindre, les transforme en arme politique et nuit gravement à leur amélioration. D’une manière
générale, les Tribunaux internationaux sont utilisés pour dire le Bien et non pas le Droit. Ils ne servent presque plus à résoudre des différends, mais surtout à créer des hiérarchies ;
à diviser et non plus à unir. La Note se terminait par une série de questions dont :
« Que pourrait-on faire pour rétablir la culture du dialogue et du consensus au sein de
l’Organisation [des Nations unies], y compris au sein du Conseil de sécurité ?
Quel est le meilleur moyen de démontrer que la situation actuelle, marquée par une approche sélective des normes et principes du Droit international, y
compris de la Charte, est inacceptable et ne peut plus durer ? ».
L’intervention du secrétaire général de l’Onu, le Portugais António Guterres, n’a pas permis d’avancer. Il s’est borné à présenter le programme à venir des
Nations unies. Les très nombreux participants au débat se sont alors divisés en trois groupes.
La Russie a fait l’éloge de la Charte des Nations unies et déploré son évolution au cours des trente dernières années. Elle a plaidé pour l’égalité entre tous
les États souverains et dénoncé le pouvoir exorbitant des Occidentaux et de leur organisation unipolaire. Elle a rappelé que l’opération militaire spéciale en Ukraine était la conséquence
d’un coup d’État, en 2014 à Kiev, et que donc le problème n’était pas l’Ukraine, mais la manière dont nous conduisons les relations internationales. Au passage, la Russie a mis en garde le
secrétaire général de l’Onu et lui a rappelé son devoir d’impartialité. Elle a souligné que si les documents des prochains sommets de l’Organisation ne respectaient pas ce principe, ils
diviseraient un peu plus le monde au lieu de l’unir. Le Groupe des Amis pour la défense de la Charte des Nations Unies et le Groupe des 77 ont repris à leur compte la démarche russe.
Un second groupe, composé par les Occidentaux, a dévié sans cesse le débat vers la question ukrainienne, refusant de prendre en compte le coup d’État du
Maïdan, soulignant la violence de l’« invasion » russe et rappelant son prix humain.
Un troisième groupe a décoché des flèches plus acérées. Le Pakistan a dénoncé la notion de « multilatéralisme en réseau », contraire à un ordre
international constitué d’États souverains et égaux. Il a aussi rejeté toute perspective d’un monde « unipolaire, bipolaire ou même multipolaire s’il doit être dominé par quelques
États ultra-puissants ». L’Éthiopie et l’Égypte ont dénoncé le rôle dévolu par les grandes puissances à des protagonistes non-étatiques.
Alors que la Russie et la Chine avaient rappelé avant le débat à diverses délégations les traités internationaux que le Nouvel Ordre Mondial viole de manière
éhontée, il n’a pas été question de cas particuliers dans ce débat, à l’exception de l’Ukraine abordée par les Occidentaux.
On doit cependant anticiper les multiples réclamations des non-Occidentaux, c’est-à-dire des gouvernements représentant 87 % de la population
mondiale.
Ainsi :
- La Finlande s’est engagée par écrit en 1947 à rester neutre. Son adhésion à l’Otan est donc une violation de sa propre
signature.
- Les États baltes se sont engagés par écrit, lors de leur création en 1990, à conserver les monuments honorant les sacrifices de l’Armée rouge. La
destruction de ces monuments est donc une violation de leur propre signature.
- Les Nations unies ont adopté la résolution 2758 du 25 octobre 1971 reconnaissant que Beijing, et non pas Taïwan, est le seul représentant légitime de
la Chine. À la suite de quoi, le gouvernement de Tchang Kaï-chek a été expulsé du Conseil de sécurité et remplacé par celui de Mao Zedong. Par conséquent, par exemple, les récentes manœuvres
navales chinoises dans le détroit de Taïwan ne constituent pas une agression contre un État souverain, mais un libre déploiement de ses forces dans ses propres eaux
territoriales.
- par le Traité sur la non-prolifération des armes nucléaires de 1968, les États signataires se sont engagés à ne pas transférer d’armes
nucléaires dans un pays tiers. Or, dans le cadre de l’Otan, les États-Unis ont transféré des bombes nucléaires tactiques (et non pas stratégiques) sur certaines de leurs bases à l’étranger.
En outre, ils ont formé des militaires étrangers à leur maniement. Ceci constitue une violation de leur signature par les États-Unis aussi bien que par l’Allemagne, la Belgique, l’Italie, les
Pays-Bas et la Turquie. etc, etc.
En définitive, ce que nous, « Occident », avons à craindre de la Russie et de la Chine, c’est qu’ils nous obligent à être nous-mêmes et à
respecter notre parole.
En février 1917, l’ambassadeur britannique à Saint-Pétersbourg, Sir George Buchanan, a orchestré un coup d’État, mis en œuvre par des aristocrates, des
politiciens et des généraux russes traîtres et assoiffés de pouvoir, pour renverser le tsar Nicolas II. La révolte de palais qui s’ensuivit fut « réussie », le tsar fut
illégalement usurpé et l’élite britannique pernicieuse empêcha la victoire imminente de la Russie dans la Première Guerre mondiale inspirée par l’Occident. Il était donc certain que la
guerre se poursuivrait pendant encore dix-huit mois et ferait encore trois millions de morts, et que les États-Unis interviendraient avec leurs troupes infectées par la grippe
« espagnole », qui tueraient des millions d’autres personnes. Cependant, les traîtres qui avaient renversé le tsar en pleine guerre étaient si totalement incompétents qu’au lieu
de remplacer le dirigeant russe par un monarque constitutionnel ou un président occidental complaisant, qui remettrait les ressources de son immense pays à l’Occident, les bolcheviks se
sont emparés de l’empire russe en l’espace de sept mois. Les machinations de l’Occident ont incroyablement mal tourné.
Les bolcheviks ont dûment mis fin à la guerre contre l’Allemagne, ce qui a conduit le monde occidental à envahir la Russie et des millions de personnes à
mourir dans des conflits internes. Une génération plus tard, 27 millions de personnes supplémentaires sont mortes lorsque l’Occident a encouragé son cerveau antibolchevique, Hitler, à
envahir et à génocider le successeur de l’Empire russe, l’URSS. Merci, Buchanan et la cabale de la Table ronde anglo-américaine1.
Ce n’est qu’en 1992, après l’effondrement de l’URSS, que l’Occident a enfin pu commencer à dépouiller l’ancien Empire russe et l’ancien Empire soviétique, comme il l’avait prévu de longue
date. Toutefois, cette brève période n’a pas duré, car en 2000, Vladimir Poutine est devenu président de la Fédération de Russie. C’était la première fois qu’un patriote était à la tête
de la Russie depuis le tsar Nicolas II. Tout allait changer.
En 2022, la Russie montre qu’elle a tiré les leçons de la Première Guerre mondiale et de la chute de l’URSS. En raison des sanctions occidentales illégales
imposées après l’opération militaire spéciale visant à libérer l’Ukraine du nazisme en 2022, il n’y aurait pas de révolution de février, pas d’effondrement par des traîtres, manigancé par
l’ambassade des États-Unis à Moscou et ses « diplomates » de la CIA (le successeur des espions britanniques de la Première Guerre mondiale). La condamnation, il y a quelques
jours, du célèbre traître et espion de la CIA, Vladimir Kara-Murza, à 25 ans de prison, n’a pas été une surprise. La seule surprise est peut-être qu’il s’en soit tiré à si bon compte. La
haute trahison en temps de guerre est généralement passible de la peine de mort. Le président Poutine a le vent en poupe, avec un taux d’approbation de 80%. Il n’y a pas d’opposition, il
n’y aura pas de renversement du gouvernement néo-tsariste russe. Le président a préparé très soigneusement la guerre contre les États-Unis et leurs vassaux de l’OTAN/UE sur le champ de
bataille de l’Ukraine. Les leçons de la trahison occidentale ont été tirées.
Leçons non retenues
Cependant, l’Occident n’a pas tiré les leçons de l’invasion de la Russie par Napoléon en 1812 ou par Hitler en 1941. Le renversement du gouvernement
ukrainien démocratiquement élu en 2014, à l’occasion du centenaire de la Première Guerre mondiale, et l’installation d’un régime nazi à Kiev l’ont prouvé. Depuis quatorze mois, les forces
soutenues par la Russie combattent les troupes nazies sur les mêmes champs de bataille ukrainiens que ceux où leurs ancêtres ont combattu les nazis entre 1941 et 1944. À
Bakhmout-Stalingrad, sept mois de combats rue par rue et maison par maison seront enfin bientôt terminés, car 90% de la ville a déjà été libérée. Les pertes nazies colossales sont
estimées à 30 000 morts et 120 000 blessés. Une autre armée ukrainienne a disparu. Les troupes de l’armée russe n’ont même pas été engagées. Les combats entre alliés ont été menés par les
milices ukrainiennes du Donbass, les troupes sous contrat du groupe Wagner et les combattants tchétchènes.
Nous pouvons ici ignorer les fuites de Jack « get a girl-friend » Teixeira. Elles ne sont qu’un mélange des mensonges les plus absurdes du
ministère ukrainien de la Propagande (probablement imaginé par les sociétés de relations publiques des États-Unis qui le dirigent) et de l’espionnage de la CIA sur les Ukrainiens et les
« alliés » de l’OTAN. Pendant ce temps, plus de 500 000 soldats de l’armée russe attendent autour des frontières ukrainiennes que le reste du Donbass et les provinces de Kherson
et de Zaporijia soient entièrement libérés. Il s’agit d’une armée d’occupation qui attend de dénazifier l’Ukraine sur le point d’être démilitarisée. La future Ukraine, sans la Crimée et
les quatre provinces qui ont déjà décidé à une écrasante majorité de rejoindre la Fédération de Russie, et probablement sans Mykolaïv et Odessa et peut-être sans les deux provinces de
Kharkov et Dniepropetrovsk, sera beaucoup plus petite que l’Ukraine soviétique (voir carte).
En effet, la Russie pourrait décider de restituer trois provinces galiciennes démilitarisées, Volyn, Lviv et Ivano-Frankivsk, à la Pologne, la Transcarpatie
(Zakarpat’e) à la Hongrie (la plupart des habitants ont déjà acheté leur passeport hongrois) et le Tchernivtsi de Bucovine à la Roumanie, en échange de la Transnistrie. La Moldavie
roumaine devrait alors décider si elle souhaite rester indépendante ou devenir une partie autonome de la Roumanie. Dans ce cas, avec seulement onze provinces, la Nouvelle Ukraine forte de
dix millions d’habitants sera moins de la moitié de l’Ukraine d’avant 2014, un parallèle à la Biélorussie au nord, un bastion contre l’Occident toujours agressif à la frontière russe.
Elle pourrait alors être rebaptisée République de Kiev, ou simplement Malorossiya, comme elle l’était avant 1917, après que les dictateurs soviétiques non russes, Lénine, Staline et
Khrouchtchev, l’eurent tant agrandie en volant des territoires ailleurs, en particulier à la Russie.
D’autres leçons non
apprises
Cependant, l’Ukraine n’est pas le vrai problème. Le vrai problème, ce sont les 12,5% de la population mondiale qui vivent sous l’oppression séculaire de
l’élite occidentale et l’oppression séculaire de cette élite à l’égard des 87,5% de la population qui vivent dans le reste du monde. La vraie question est la suivante : Allons-nous voir
la fin du gangstérisme américain ou non ? Les BRICS, groupe multipolaire en pleine expansion, répondent : « Oui, nous serons libres ».
Avec la quasi-alliance imposée par l’Occident entre la Russie et la Chine, il semblerait en effet que ce soit le cas. La Russie envoie maintenant des
missiles, des avions et des navires pour défendre la Chine contre une éventuelle attaque américaine – après tout, aucun avion ou navire américain n’a été envoyé en Ukraine, ils doivent
être gardés en réserve pour la guerre prévue par les États-Unis contre la Chine en 2024/5. En outre, la manipulation par les Chinois du président français Macron, toujours vindicatif,
montre également que tous les vassaux en Europe ne vont pas soutenir la guerre prévue par les États-Unis contre les ballons du « péril jaune », comme les médias racistes et
contrôlés par l’État américain le promeuvent actuellement. C’est une répétition du manque de soutien européen à l’invasion et au génocide de l’Irak par les États-Unis il y a vingt
ans.
Le récent retour de Macron de Chine a montré que les Chinois l’avaient flatté en lui faisant croire que l’Europe (sous la présidence de Macron, bien sûr)
devait montrer une « troisième voie », en négociant la paix entre les États-Unis et la Chine. C’est le vieux rêve français de retrouver la première place qu’elle occupait sur la
scène mondiale avant la suicidaire Révolution française de 1789. Lorsque l’élite française est frustrée dans cette ambition, elle souffre de la pétulance gauloise à la De Gaulle.
Narcissique prétentieux, Macron, le banquier des Rothschild et l’homme le plus détesté de France, plébiscité par seulement 18% de l’électorat français – son épouse retraitée
ultra-botoxique est la femme la plus détestée – n’a pas été difficile à flatter pour les Chinois.
Les illusions
européennes
Les Chinois savent que Macron, surnommé « le Pharaon » en France et dont le nom signifie « grand » en grec, est finalement le plus grand
des pygmées européens actuels. Nordstream Scholz ? Une blague de potache. Le banquier Sunak ? Un fils d’immigrés qui aime l’argent. Et l’élite économique sait aussi que l’Europe sans la
Chine, avec une Chine attaquée par une marine des États-Unis en passe d’être coulée, ne durera tout au plus que quelques semaines. C’est pourquoi Macron est revenu en Europe en déclarant
que la Chine peut avoir Taïwan si elle le souhaite. Pour la première fois de sa vie, il a fait preuve de bon sens. Mais même cela n’est pas pertinent. Le Taïwan chinois retournera de
toute façon à la Chine, quoi qu’en pense un banquier français impopulaire. Ce n’est qu’une question de quelques années, tout au plus. Il est vrai que les États-Unis ne veulent pas que
Taïwan retourne à la Chine, après tout l’élite taïwanaise est un gros acheteur d’armes américaines inutiles, mais qui se soucie des États-Unis ? Saigon, Kaboul, Kiev…
Macron a été contraint d’entraîner dans sa fuite de Paris poubelle vers la Chine la vassale des États-Unis, la présidente de la Commission européenne,
Ursula von der Leyen. Les Chinois ont ignoré cette non-entité et elle est rapidement revenue à bord d’un avion de ligne ordinaire, la queue entre les jambes. Répétant le point de vue très
français selon lequel l’Europe devrait être une troisième puissance, un contrepoids à Washington et à Pékin, Macron l’a ignorée. Après tout, c’est lui le véritable président de l’Europe,
pas elle. Du moins, dans son imagination. Il considère que l’Europe doit développer « notre propre
autonomie stratégique ou nous deviendrons des vassaux, alors que nous pourrions devenir le troisième pôle si nous avons quelques années pour le développer ». Il n’avait pas
remarqué que l’Europe était devenue vassale depuis trois générations. Tel est l’aveuglement du narcissisme.
En termes polis, l’élite française a une imagination très vive ou, en termes moins polis, elle souffre de la plus fantastique folie des grandeurs. En 2019,
Macron a mis en garde contre la « mort cérébrale » de l’OTAN. Cependant, depuis lors, Macron n’a fait qu’encourager le patient en état de mort cérébrale à mener sa guerre par
procuration contre la Russie. En entendant les opinions de Macron, un sénateur républicain, Marco Rubio, a déclaré : « Si Macron parle au
nom de toute l’Europe, et que leur position est maintenant qu’ils ne vont pas prendre parti entre les États-Unis et la Chine au sujet de Taïwan, peut-être que nous ne devrions pas non
plus prendre parti ». Le délire de Rubio : les États-Unis financent une guerre européenne. Bien sûr, même s’il ne le sait pas encore, il ne s’agit pas d’une guerre européenne.
Tout comme l’Afghanistan et l’Irak, il s’agit d’une autre guerre des États-Unis et en Europe encore.
Plus d’illusions pour la Turquie et la
Russie
Entre-temps, lors d’une réunion avec des jeunes à Istanbul le 19 avril, le ministre turc de l’Intérieur, Suleyman Soylu, a déclaré que « les États-Unis
continuent à perdre leur réputation », que « le monde entier
déteste les États-Unis » et que « l’Europe est un pion
des États-Unis en Afrique et tous les pays africains détestent les États qui les exploitent et ils reviennent à leurs langues locales »2.
« L’Europe n’existe
pas… Il y a les États-Unis. L’Europe est un train qui suit les États-Unis… Les dirigeants européens sont constamment discrédités et la population vieillit… Les Européens ont des problèmes
de production économique et en auront encore ». Rien de nouveau ici, nous disons la même chose depuis toujours. Cependant, jusqu’à récemment, ultra-fidèles aux États-Unis, aucun
homme politique turc n’aurait tenu de tels propos en public. Mais voilà, les États-Unis ont bien tenté d’assassiner le président Erdogan en 2016 (sauvé par le président Poutine) et l’an
dernier, Soylu a bien demandé à l’ambassadeur américain « d’enlever ses sales
pattes de la Turquie ».3
En ce qui concerne la Fédération de Russie, 300 ans se sont écoulés depuis 1721, date à laquelle la Russie est devenue un empire russe de type occidental,
repris en 1922 lorsqu’elle est devenue un empire soviétique de type occidental. La Fédération de Russie est aujourd’hui confrontée à la réalité : la Russie slave orientale, la Biélorussie
et cet autre fragment de la Russie slave orientale, l’Ukraine, sont en guerre simplement parce qu’ils se sont laissés diviser par la politique mondiale du monde occidental, qui consiste à
« diviser pour régner ». Cependant, la Russie impériale et l’Union soviétique impériale sont bel et bien révolues. C’est pourquoi la Russie, avec la Biélorussie, qui est
également revenue à la raison après avoir été tentée par l’Occident ces dernières années, a pu revenir à son destin historique et à sa mission de retenir le mal mondial des États-Unis (2
Thess 2, 6). Puis elle s’effondrera à son tour, tout comme l’Union soviétique.
Au cours des quatorze derniers mois, « l’État de l’Union » de la Fédération de Russie et de la Biélorussie s’est débarrassé de la colonisation et
de la vassalité des États-Unis. Tout ce que l’Occident a mis sur le dos de la Slavonie orientale, de la Russie et de la Biélorussie avec sa cinquième colonne de libéralisme à la Navalny
et Kara-Murza, de l’Ukraine nationaliste avec le nazisme, et partout avec les néo-aristocrates empoisonnés et parasites, connus sous le nom d’oligarques, est en train d’être rejeté. Mais
plus important encore, la Fédération de Russie montre la voie et appelle le reste du monde, la Chine, l’Inde et en fait toute l’Asie, l’Afrique et l’Amérique latine, et d’ailleurs toute
personne en Europe ou ailleurs dans le monde occidental qui a des oreilles pour entendre et des cerveaux non zombifiés pour penser, à se libérer aussi. On peut en effet dire, comme Marx,
que « vous n’avez rien d’autre à perdre que votre vie » : « Vous n’avez rien à perdre que vos chaînes ». Ou encore, comme le Christ : « La vérité vous
libérera ».
Le président russe Vladimir Poutine s’est rendu lundi dans les « nouveaux territoires » du pays, les régions de Lougansk et
de Kherson/Zaporozhye, afin d’évaluer la situation militaire.
Le compte à rebours a
commencé pour la « contre-attaque »
ukrainienne. L’arrivée de systèmes de missiles Patriot en Ukraine témoigne de l’ampleur de la mobilisation pour imposer de lourdes pertes à la Russie. Le secrétaire général de l’OTAN,
Jens Stoltenberg, a effectué aujourd’hui une visite surprise à Kiev, la première depuis le début de la guerre.
Les documents divulgués
montre que le Pentagone est sceptique quant au succès de la contre-offensive ukrainienne, mais Moscou procède à ses propres évaluations. En premier lieu, les néoconservateurs ne vont pas
débrancher le régime Zelensky, car cela reviendrait à ouvrir la boîte de Pandore alors que le président Biden est sur le point d’annoncer sa candidature à un second mandat présidentiel et qu’il
ne peut accepter que l’Ukraine soit en train de perdre la guerre.
En réalité, l’Ukraine subit une hémorragie. Il est dans la nature des guerres d’usure qu’à un moment donné, le côté le plus faible cède et que la fin arrive très
vite. C’est ainsi qu’en Syrie, après avoir remporté la bataille d’Alep, qui a duré cinq ans, en décembre 2016, les forces gouvernementales ont balayé le pays dans une série de victoires
militaires qui ont mis fin au conflit.
La guerre d’usure en Ukraine peut sembler « dans l’impasse« , mais le point décisif sera de savoir quel
camp inflige le plus grand nombre de pertes. Il ne fait aucun doute qu’en dépit de l’aide militaire, économique, financière et de renseignement massive fournie par l’Occident, les forces russes
ont écrasé la partie ukrainienne tout au long de la ligne de contact.
L’ambassadeur russe au Royaume-Uni a récemment déclaré que le ratio des pertes dans la guerre d’usure était d’environ sept soldats ukrainiens pour un soldat russe.
Pour mettre les choses en perspective, les médias occidentaux estiment qu’environ 35 000 soldats ukrainiens participeront à la prochaine contre-offensive le long de la ligne de front de 950 km,
alors que Poutine a déclaré que les forces de réserve russes sur la ligne de front s’élèvent à 160 000 soldats !
Le système de défense aérienne ukrainien est dans un état critique. Les Russes disposent d’une artillerie prédominante et ont fortement fortifié la ligne de front
au cours des 5 à 6 derniers mois en y ajoutant de multiples couches de défense telles que des mines, des remblais et des bornes pour entraver l’avancée des chars, etc.
La ligne de fortification russe
Il s’agit d’un pari désespéré pour l’Ukraine, qui a perdu une grande partie de ses soldats les plus expérimentés (environ 120 000 victimes), pour affronter les
Russes qui ont la supériorité aérienne, la supériorité balistique, la supériorité de la défense aérienne, et la supériorité d’hommes entraînés, par-dessus tout.
Les régions que Poutine a choisi de visiter – Kherson / Zaporozhya et Lugansk – sont celles où la contre-offensive ukrainienne est la plus attendue. Poutine a
entendu les commandants lui parler de la situation militaire et, bien entendu, cela constituera très certainement une base pour ses décisions concernant les contre-stratégies russes, tant
défensives qu’offensives.
Malgré les fuites du Pentagone et le désarroi et la confusion qui s’ensuivent à Washington et dans les capitales européennes (et à Kiev), la contre-attaque
ukrainienne se poursuivra afin de regagner au moins une partie du territoire perdu. Il s’agit d’un coup de poker désespéré.
Cependant, la pensée délirante prévaut toujours à Washington. C’est ce qui ressort d’un récent article publié dans Foreign
Affairs et cosigné par deux vétérans de l’establishment américain – l’ancien fonctionnaire du département d’État Richard Haass et Charles Kupchan, chercheur principal au Council on
Foreign Relations – intitulé The West Needs a New
Strategy in Ukraine : A Plan for Getting From the Battlefield to the Negotiating Table (L’Occident a besoin d’une nouvelle stratégie en Ukraine : un plan pour passer du champ de
bataille à la table des négociations).
L’article s’en tient largement aux mythes engendrés par les néoconservateurs, à savoir que les opérations militaires spéciales de la Russie ont échoué et que la
guerre s’est « révélée bien meilleure pour l’Ukraine
que ce que la plupart des gens avaient prédit« , mais il contient parfois des éclairs de lucidité. Il s’appuie sur le refrain actuellement en vogue à Washington selon lequel
« l’issue la plus probable du conflit n’est pas une
victoire totale de l’Ukraine, mais une impasse sanglante« .
Haas et Kupchan ont écrit que « d’ici la fin de l’offensive prévue par l’Ukraine, Kiev pourrait
également se rallier à l’idée d’un règlement négocié, après avoir donné le meilleur d’elle-même sur le champ de bataille et avoir été confrontée à des contraintes croissantes en termes
d’effectifs et d’aide extérieure« .
Les auteurs notent en passant que les dirigeants russes ont des options et des calculs, car les sanctions occidentales n’ont pas réussi à paralyser l’économie
russe, le soutien populaire à la guerre reste élevé (plus de 70 %) et Moscou sent que le temps joue en sa faveur, car la capacité de résistance de l’Ukraine et de ses partisans occidentaux et
leur détermination vont diminuer et la Russie devrait être en mesure d’étendre ses gains territoriaux de manière substantielle.
Fondamentalement, Haas et Kupchan viennent d’une autre planète. Ils ne peuvent pas comprendre que la Russie n’acceptera jamais un scénario dans lequel le conflit se
termine par un cessez-le-feu, mais où l’OTAN continue à renforcer les capacités militaires de l’Ukraine et à intégrer progressivement Kiev dans l’alliance.
Pourquoi la Russie voudrait-elle jouer à un nouveau jeu de chaises musicales pendant que l’Occident officialise l’adhésion de l’Ukraine à l’OTAN, c’est-à-dire
accepter de revivre le grotesque interrègne entre les accords de Minsk de 2015 et les opérations militaires spéciales de la Russie ?
La visite de Poutine dans les nouveaux territoires à ce moment crucial, alors que la guerre d’usure est à un point de basculement, envoie un signal fort : la Russie
a elle aussi un plan offensif et ce n’est pas à Biden de tirer la sonnette d’alarme et de mettre fin à la guerre par procuration – par pure fatigue ou en raison de distractions pressantes en
Asie-Pacifique, de fissures dans l’unité occidentale ou de toute autre chose.
De même, il est improbable que la Russie puisse un jour se réconcilier avec le régime Zelensky, que Moscou considère comme une marionnette de l’administration
Biden. Mais comment Biden pourrait-il se débarrasser de Zelensky ou le perdre de vue alors que de nombreux squelettes s’agitent dans le placard familial ?
Plus important encore, l’opinion publique russe attend de Poutine qu’il honore la promesse qu’il a faite en ordonnant les opérations militaires spéciales. Si ce
n’est pas le cas, des dizaines de milliers de Russes auront perdu la vie en vain.
La personnalité politique de Poutine ne permet pas d’ignorer la vague de fond de l’opinion russe, ni de négliger les blessures de la psyché nationale, alors que défilent les images de l’expulsion forcée de centaines de moines de Pechersk Lavra, un complexe de monastères troglodytes
orthodoxes du XIe siècle situé au cœur de Kiev, qualifiés de cinquièmes colonnes russes. Il s’agit d’une manœuvre politique calculée par Zelensky avec l’encouragement tacite de l’Occident.
(ici et ici)
Ce que les néoconservateurs américains n’ont pas encore compris, c’est qu’ils n’ont pas réussi à soumettre la Russie malgré toutes les humiliations infligées à son
honneur national, à sa fière histoire et à sa culture d’une richesse enviable. Pourquoi la Russie se normaliserait-elle avec des États qui se sont appropriés sa richesse souveraine et ont imposé
des sanctions aussi draconiennes pour saigner et affaiblir son économie ?
La secrétaire américaine au Trésor, Janet Yellen, a admis sur CNN que les sanctions pourraient à terme menacer
l’hégémonie du dollar américain. Mais ses remarques ne vont pas assez loin.
Entre-temps, le partenariat stratégique entre la Russie et la Chine s’est renforcé, le signal de cette semaine étant la volonté de Moscou de se coordonner avec
Pékin pour relever les défis militaires en Extrême-Orient. (Voir mon article sur la Chine et la Russie en Asie-Pacifique)
La Russie est loin d’être isolée et jouit d’une profondeur stratégique au sein de la communauté internationale. En revanche, au cours de l’année écoulée, le déclin
systémique de l’Occident et l’affaiblissement de l’influence mondiale des États-Unis sont devenus un processus historique inexorable.
M.K.
Bhadrakumar
Traduit par Wayan, relu par Hervé, pour le Saker Francophone.
Le nombre de ballons d’essai pour une intervention polonaise en Ukraine augmente
Par Conor Gallagher – Le 16 avril 2023 – Source Naked Capitalism
Depuis près d’un an,
l’administration Poutine est accusée d’utiliser une « logique tordue » pour diffuser le « faux récit » disant que la
Pologne pourrait rejoindre le combat en Ukraine. Rappelons que le vice-président du Conseil de sécurité de la Fédération de Russie, Dmitri Medvedev, a publié la carte suivante l’année dernière
:
Nous disposons désormais d’un nombre croissant de signes indiquant que
quelque chose de ce genre est en préparation. L’ambassadeur polonais en France a déclaré en mars que la Pologne serait contrainte d’entrer en guerre si l’Ukraine échouait. Voici ce qu’il a dit :
Par conséquent, soit l’Ukraine défend son indépendance aujourd’hui, soit nous devrons entrer dans ce conflit. Parce que nos principales valeurs, qui étaient la
base de notre civilisation et de notre culture, seront menacées. Par conséquent, nous n’aurons pas d’autre choix que d’entrer dans le conflit.
L’ambassade de Pologne en France a ensuite retiré cette déclaration, mais d’autres signes indiquent que Varsovie joue un rôle de plus en plus important. Lors de son
récent voyage en Pologne, le président ukrainien Vladimir Zelensky a fait un commentaire lourd de sens : « Vous avez été à nos côtés et nous vous en sommes
reconnaissants« , et il a ajouté qu’il n’y avait « pas de frontières politiques, économiques et – surtout –
historiques » entre les deux pays.
Le Premier ministre polonais Mateusz Morawiecki vient d’aller aux États-Unis où il a critiqué la France et l’Allemagne et rendu visite à la vice-présidente Kamala
Harris à la Maison Blanche. Il a déclaré que la Pologne était le « leader de la nouvelle Europe » après « l’échec de la vieille Europe » .
Plus d’informations :
«La vieille Europe croyait en un accord avec la Russie et la
vieille Europe a échoué« , a déclaré le premier ministre polonais. « Mais il y a
une nouvelle Europe, une Europe qui se souvient de ce qu’était le communisme russe, et la Pologne est le leader de cette nouvelle Europe. La Pologne veut devenir un pilier de la sécurité
européenne et nous sommes sur la bonne voie. »
« La Pologne veut construire l’armée la plus forte
d’Europe, c’est pourquoi nous voulons coopérer avec l’industrie de défense la plus avancée au monde, à savoir l’industrie américaine » , a-t-il poursuivi.
En effet, Morawiecki a également rencontré des représentants de l’industrie de la défense américaine pour discuter du financement des milliards de dollars que représente l’achat prévu par Varsovie d’avions
de chasse F-35, de chars Abrams, de systèmes d’artillerie HIMARS et d’unités de lancement de missiles Patriot. En outre, Morawiecki a annoncé que la Pologne entendait devenir le « centre de service » européen pour les chars Abrams
fabriqués aux États-Unis.
L’idée selon laquelle Varsovie sera le nouveau centre de pouvoir européen de l’OTAN parce qu’elle adopte une sorte de position courageuse que les Allemands, les
Français et une grande partie de l’UE refusent de faire a pris de l’ampleur au cours des dernières semaines. Prenons l’exemple suivant :
Le 26 mars, Dalibor Rohac, chercheur à l’American Enterprise Institute, a publié dans Foreign Policy un article d’opinion intitulé « Il est temps de rétablir l’Union
polono-lituanienne« .
S’appuyant sur un exemple vieux de 700 ans, lorsque le souverain de Lituanie, Jogaila, a épousé la princesse de Pologne, Jadwiga, pour créer une union politique
entre la Pologne et la Lituanie qui comprenait également de grandes parties du Belarus et de l’Ukraine d’aujourd’hui, Rohac préconise ce qui suit :
Avance rapide jusqu’à aujourd’hui et l’avenir proche. Les deux pays sont confrontés à la menace russe. Aujourd’hui, la Pologne est un membre en règle de l’UE et
de l’OTAN, tandis que l’Ukraine est désireuse d’adhérer à ces deux organisations, un peu comme le Grand-Duché d’antan, désireux de faire partie du courant dominant de l’Europe christianisée.
Même si la guerre de l’Ukraine contre la Russie se termine par une victoire ukrainienne décisive, chassant les forces russes vaincues du pays, Kiev est confronté à une lutte qui pourrait
durer des décennies pour rejoindre l’UE, sans parler de l’obtention de garanties de sécurité crédibles de la part des États-Unis. Les pays mal gouvernés et instables des Balkans occidentaux,
sujets à l’ingérence de la Russie et de la Chine, constituent un avertissement quant à l’issue d’un « statut de candidat » prolongé et
de l’indécision européenne. Une nation ukrainienne militarisée, aigrie par l’inaction de l’UE et peut-être lésée par la conclusion insatisfaisante de sa guerre contre la Russie, pourrait
facilement devenir un handicap pour l’Occident.
Imaginons plutôt qu’à la fin de la guerre, la Pologne et l’Ukraine forment un État fédéral ou confédéral commun, fusionnant leurs politiques étrangères et de
défense et faisant entrer l’Ukraine dans l’UE et l’OTAN presque instantanément. L’Union polono-ukrainienne deviendrait le deuxième plus grand pays de l’UE et sans doute sa plus grande
puissance militaire, fournissant un contrepoids plus qu’adéquat au tandem franco-allemand – quelque chose qui manque cruellement à l’UE après le Brexit.
Timothy Less, chercheur principal du projet du Centre for Geopolitics sur les études de désintégration à Cambridge, estime que Varsovie tente de créer un groupe
OTAN dissident avec les « Neuf de
Bucarest« , qui se composent de la Pologne, de la Bulgarie, de la République tchèque, de l’Estonie, de la Hongrie, de la Lettonie, de la Lituanie, de la Roumanie et de la Slovaquie.
D’après Unherd :
Timothy Less, spécialiste des Balkans, parle d’un « nouveau Pacte de
Varsovie » qui, au lieu de défendre les intérêts de la Russie, cherche à protéger l’Europe centrale et orientale des Russes. Pour Less, cette stratégie fait écho au
Commonwealth polono-lituanien né à la fin du Moyen-Âge, ainsi qu’à l’Intermarium, un projet fantaisiste du dirigeant polonais Józef Piłsudski visant à former un super-État de la
Baltique à la mer Noire après la Première Guerre mondiale. Derrière chacune de ces alliances se cachait la crainte d’être malmené par ses voisins au fil des siècles – la Prusse, le
Reich allemand, l’Autriche-Hongrie et, bien sûr, la Russie.
Selon Less, l’alliance polonaise en Europe de l’Est « marginaliserait la France et l’Allemagne,
menacerait la position prédominante de l’UE en Europe et galvaniserait son déclin apparemment au ralenti« . C’est une vision qui plaira aux eurosceptiques du continent : Une
nouvelle ère dans laquelle les États-Unis déplacent progressivement leurs ressources militaires de l’Allemagne vers la Pologne, un centre de pouvoir et d’influence de plus en plus
important.
En février dernier, Joe Biden a rencontré à Varsovie des représentants des Neufs de Bucarest afin de les rallier à la cause de la guerre. Il existe toutefois des
divisions évidentes au sein du groupe, des pays comme la Hongrie et la Bulgarie remettant en cause la guerre, tandis que la Pologne et les États baltes comptent parmi ses plus
fervents partisans.
Un autre article de Foreign
Policy datant de février s’intitule « Comment la Pologne et l’Ukraine pourraient saper les rêves impériaux
de Poutine« . Il est rédigé par Pawel Markiewicz, directeur exécutif du bureau de Washington de l’Institut polonais des affaires internationales, et Maciej Olchawa, chercheur à la Fondation Kosciuszko de l’Université Loyola de Chicago. Il est rempli de pensée magique et aboutit à la même idée que la Pologne joue un rôle clé
dans la chute de Poutine :
La Pologne sait que si on lui donne les outils et le savoir-faire, l’Ukraine passera rapidement du statut de consommateur de la sécurité occidentale à celui
de fournisseur essentiel de cette sécurité pour la communauté euro-atlantique. Ces anti-impérialistes aux vues similaires menacent non seulement de mettre fin une fois
pour toutes à la volonté revancharde du président russe Vladimir Poutine, mais accélèrent également le déplacement du centre de gravité politique et militaire de l’Europe vers l’est, ce qui redéfinira l’Union européenne et l’OTAN pour les décennies à venir. L’Occident doit se préparer
aux éventualités qui suivront la chute de l’empire de Poutine, dont l’une est une Europe d’après-guerre soutenue par une alliance stratégique polono-ukrainienne.
L’ancien directeur de Stratfor, George Friedman, estimant que l’OTAN était obsolète, a ressuscité cette idée d’un « Intermarium » dès 2010. Très influent dans les cercles
politiques de Washington, Friedman a écrit ce qui suit dans son « Geopolitical Journey, Part 2 : Borderlands » (Voyage
géopolitique, partie 2 : zones frontalières)
Une Pologne soutenue par les États-Unis et gardant la plaine nord-européenne, avec la Slovaquie, la Hongrie et la Roumanie gardant les approches des Carpates,
empêcherait ce que les États-Unis devraient craindre le plus : une alliance entre la Russie et l’Allemagne plus l’Europe de l’Ouest.
L’idée selon laquelle Varsovie sera le nouveau centre de pouvoir européen de l’OTAN parce qu’elle adopte une sorte de position courageuse que les Allemands, les
Français et une grande partie de l’UE refusent de faire, prend de l’ampleur.
Aujourd’hui, après que Varsovie a poussé l’Allemagne à accepter d’envoyer des chars Leopard 2 après des semaines de pression, les responsables polonais
exhortent les États-Unis et leurs alliés européens à fournir conjointement à l’Ukraine des chasseurs à réaction F-16, a déclaré Andrzej Zybertowicz, conseiller au Bureau de la sécurité
nationale polonaise.
La Pologne est « un défenseur important du flanc oriental de
l’OTAN« , a déclaré M. Zybertowicz, ajoutant que la position avancée de la Pologne signifie qu’elle doit agir avec plus d’audace que d’autres alliés européens, tels que
l’Allemagne.
« La Pologne fait cavalier seul après des
décennies passées à suivre les courants au sein de l’UE parce qu’elle comprend maintenant que suivre les autres en Europe est dangereux non seulement pour la prospérité de la Pologne, mais
aussi pour son existence même« , a-t-il déclaré.
…
« Nos lignes rouges sont de nature pratique,
[déterminées par] la capacité opérationnelle de nos forces armées« , a déclaré Jacek Siewiera, le chef du bureau de la sécurité nationale du pays. « Mais si la Pologne recevait l’aide de ses
alliés, sous la forme d’un processus de compensation, nous pourrions encore faire plus« , a-t-il ajouté.
Le leadership polonais contribue à combler un vide géopolitique créé par le déclin de l’influence des forces traditionnellement dominantes de la politique
étrangère de l’Europe. La Grande-Bretagne a voté pour quitter l’Union européenne en 2016, réduisant considérablement la capacité du Royaume-Uni à façonner la réponse de l’Europe à la menace
russe. Pendant ce temps, tout au long de son règne, Poutine a démontré sa capacité à coopter les hommes politiques et les hommes d’affaires français et allemands avec des accords commerciaux,
des oléoducs et d’autres incitations. Ce n’est pas une coïncidence si le dictateur russe a choisi l’Allemagne et la France en 2014 pour participer aux pourparlers du format Normandie visant à
mettre fin à la guerre déclenchée par la Russie dans l’est de l’Ukraine. Cette approche a abouti à l’échec des accords de Minsk et a préparé le terrain pour l’invasion totale de l’Ukraine en
2022.
Dans son émission du 5 avril, Alexander Mercouris a évoqué la possibilité d’une implication de la Pologne et a détaillé les obstacles auxquels les faucons polonais sont confrontés,
à savoir
Les militaires polonais sont opposés à toute confrontation avec la Russie, car ils ont vu leur armement détruit par la Russie sur le champ de
bataille ukrainien.
De nombreux militaires polonais ont déjà été tués en Ukraine et beaucoup d’autres, craignant une confrontation avec la Russie, ont
déserté.
Le manque de soutien de l’opinion publique. L’accueil par la Pologne d’un si grand nombre de réfugiés ukrainiens et l’importation de blé
ukrainien ont nui au marché de l’agriculture polonaise, ce qui a mécontenté les agriculteurs polonais. (Varsovie a depuis suspendu les importations de céréales ukrainiennes).
Le parti au pouvoir en Pologne, Droit et Justice, devra bientôt affronter les prochaines élections, ce qui compromettrait ses chances en
s’engageant davantage en Ukraine.
Mais les décisions rationnelles se font rares ces jours-ci.
Ce que je pense avant tout, c’est que l’empire cherche désespérément à gagner du temps. Il s’est rendu compte qu’il n’est littéralement pas en mesure de
s’engager dans un quelconque conflit de haute intensité contre la Russie – ou contre qui que ce soit d’autre d’ailleurs.
En théorie, la Pologne aurait beaucoup à gagner du déplacement du centre de gravité de l’Europe vers l’est, ce qui explique probablement ses visions de grandeur. C’est la France et l’Allemagne qui
auraient le plus à perdre. Le président français Emmanuel Macron a semblé prendre ses précautions lors de son passage à Pékin, en déclarant que l’UE ne devait pas devenir le « suiveur de l’Amérique« . Il est un peu tard pour
cela. En attendant, il y a un nouveau ballon d’essai dans l’air :
Whoa ! Je n’avais pas vu ce rebondissement ! Les Polonais sont d’accord avec les Russes pour dire que l’Ukraine doit être dé-nazifiée.
La Pologne envoie-t-elle un signal à la Russie afin de parvenir à un accord territorial sur l’Ukraine occidentale ?
La visite officielle du conseiller d’État et ministre de la défense chinois, le général Li Shangfu, en Russie, du 16 au 19 avril, a mis en évidence le besoin des deux pays
d’approfondir leur confiance militaire et leur étroite coordination dans le contexte de l’aggravation des tensions géopolitiques et de l’impératif de maintenir l’équilibre stratégique
mondial.
Cette visite s’inscrit
dans le prolongement des décisions essentielles prises lors du tête-à-tête intensif entre le président russe Vladimir Poutine et le président chinois Xi Jinping, qui s’est tenu à Moscou les 20 et
21 mars. Rompant avec le protocole, la visite de quatre jours du général Li a commencé par une « réunion de travail » avec Poutine, selon les termes du
porte-parole du Kremlin, Dmitri Peskov. (ici et ici)
Li n’est pas un étranger à Moscou, ayant déjà été responsable du département de développement de l’équipement de la Commission militaire centrale, qui a été
sanctionnée par les États-Unis en 2018 pour avoir acheté des armes russes, notamment des avions de combat Su-35 et des systèmes de missiles sol-air S-400.
Song Zhongping, éminent expert militaire et commentateur de télévision chinois, a expliqué que le voyage de Li montre la qualité des liens militaires bilatéraux avec la Russie, et conduira à « davantage d’échanges mutuellement bénéfiques dans de nombreux
domaines, y compris les technologies de défense et les exercices militaires. »
Mercredi dernier, le ministère américain du commerce a annoncé l’imposition de contrôles à l’exportation à une douzaine d’entreprises chinoises pour avoir
« soutenu les industries militaires et de défense de
la Russie« . Le Global
Times a répliqué de manière provocante que « la Chine est une grande puissance indépendante, tout comme la Russie.
Il est de notre droit de décider avec qui nous allons mener une coopération économique et commerciale normale. Nous ne pouvons pas accepter que les États-Unis nous montrent du doigt, ni même
qu’ils exercent une coercition économique« .
Lors de sa rencontre avec Li, en plein dimanche de Pâques, Poutine a déclaré que la coopération militaire jouait un rôle important dans les relations entre la Russie et la Chine. Les analystes chinois ont déclaré que la visite de Li est
également un signal envoyé conjointement par la Chine et la Russie que leur coopération militaire ne sera pas impactée par la pression américaine.
En octobre 2019, Poutine avait révélé que la Russie aidait la Chine à créer un système d’alerte antimissile précoce qui renforcerait considérablement la capacité défensive de la Chine. Les observateurs
chinois ont noté que la Russie était plus expérimentée dans le développement et l’exploitation d’un tel système, qui est capable d’identifier et d’envoyer des avertissements immédiatement après
le lancement de missiles balistiques intercontinentaux.
Une telle coopération témoigne d’un niveau de confiance élevé et nécessite une intégration des systèmes russes et chinois. L’intégration des systèmes sera
mutuellement bénéfique : les stations situées au nord et à l’ouest de la Russie pourraient fournir à la Chine des données d’alerte et, en retour, la Chine pourrait fournir à la Russie des données
collectées par ses stations situées à l’est et au sud. En d’autres termes, les deux pays pourraient créer leur propre réseau mondial de défense antimissile.
Ces systèmes font partie des domaines les plus sophistiqués et les plus sensibles de la technologie de défense. Les États-Unis et la Russie sont les seuls pays à
avoir été capables de développer, de construire et d’entretenir de tels systèmes. Il est certain qu’une coordination et une coopération étroites entre la Russie et la Chine, deux puissances
dotées de l’arme nucléaire, contribueront profondément à la paix mondiale dans les circonstances actuelles en contenant et en dissuadant l’hégémonie américaine.
Ce n’est pas une coïncidence si Moscou a ordonné un contrôle soudain des forces de sa flotte du Pacifique du 14 au 18 avril, qui coïncidait avec la visite de Li. L’inspection a eu lieu dans le contexte de
l’aggravation de la situation autour de Taïwan.
En effet, au début du mois d’avril, on a appris que le porte-avions américain USS Nimitz s’approchait de Taïwan ; le 11 avril, les États-Unis ont entamé un exercice
militaire de 17 jours aux Philippines impliquant plus de 12 000 soldats ; le 17 avril, on a appris l’envoi de 200 conseillers militaires américains à Taïwan.
Les exercices stratégiques américains Global Thunder 23 à la base aérienne de Minot dans le Dakota du Nord (qui est le commandement des frappes globales de l’armée
de l’air américaine) ont commencé la semaine dernière par un entraînement au chargement de missiles de croisière à ogive nucléaire sur des bombardiers. Les images montrent des bombardiers
stratégiques B-52H Stratofortress équipés par le personnel technique de la base de missiles de croisière AGM-86B capables d’emporter des ogives nucléaires sous les ailes.
Là encore, les exercices de l’aviation et de la flotte américaines ont été de plus en plus remarqués à proximité immédiate des frontières russes ou dans des régions
où la Russie a des intérêts géopolitiques. Le 5 avril, des B-52 Stratofortress ont survolé la péninsule coréenne, prétendument « en réponse aux menaces nucléaires et de missiles de la Corée du
Nord« . Au même moment, la Corée du Sud, les États-Unis et le Japon menaient des exercices navals trilatéraux dans les eaux de la mer du Japon avec la participation du porte-avions USS
Nimitz.
Le secrétaire du Conseil de sécurité russe, Nikolai Patrushev, a récemment attiré l’attention sur la capacité croissante du Japon à mener des opérations offensives,
ce qui, selon lui, constitue « une violation flagrante
de l’un des résultats les plus importants de la Seconde Guerre mondiale« . Le Japon prévoit d’acheter aux États-Unis environ 500 missiles de croisière Tomahawk, qui peuvent menacer
directement la majeure partie du territoire de l’Extrême-Orient russe. Mitsubishi Heavy Industries travaille à la mise au point de missiles antinavires terrestres de type 12 « afin de protéger les îles éloignées du Japon« .
Le Japon développe également des armes hypersoniques conçues pour mener des opérations de combat « sur des îles éloignées« , ce que les Russes considèrent
comme des options pour la prise éventuelle des Kouriles du Sud par le Japon. En 2023, le Japon disposera d’un budget militaire supérieur à 51 milliards de dollars (à égalité avec celui de la
Russie), qui devrait passer à 73 milliards de dollars.
En fait, lors de la dernière inspection surprise, les navires et les sous-marins de la flotte russe du Pacifique ont quitté leurs bases pour la mer du Japon, la mer
d’Okhotsk et la mer de Béring. Le ministre de la défense, Sergei Shoigu, a déclaré que « dans la pratique, il est nécessaire de trouver des moyens d’empêcher
le déploiement de forces ennemies dans la zone opérationnelle importante de l’océan Pacifique – la partie sud de la mer d’Okhotsk – et de repousser leur débarquement sur les îles Kouriles du Sud
et l’île de Sakhaline« .
Le silence se fait entendre…
Passant en revue les alignements régionaux, Yuri Lyamin, expert militaire russe et Senior Fellow au Centre d’analyse des stratégies et des technologies, un groupe
de réflexion de premier plan du complexe militaro-industriel, a déclaré au journal Izvestia :
« Étant donné que nous n’avons pas réglé la question territoriale, le Japon revendique nos Kouriles du Sud. À cet égard, des contrôles sont très
nécessaires. Il est nécessaire d’accroître le niveau de préparation de nos forces en Extrême-Orient…Dans le contexte actuel, nous devons renforcer la coopération avec la Chine en matière de
défense. En fait, un axe est en train de se former contre la Russie, la Corée du Nord et la Chine : les États-Unis, le Japon, la Corée du Sud, Taïwan, puis l’Australie. La Grande-Bretagne
tente également d’y participer activement… Il faut tenir compte de tout cela et établir une coopération avec la Chine et la Corée du Nord, qui sont, pourrait-on dire, nos alliés
naturels ».
Lors d’une réunion au Kremlin avec Shoigu le 17 avril, alors que Li était à Moscou, Poutine a fait remarquer que les priorités actuelles des forces armées russes étaient « principalement axées sur la voie ukrainienne… (mais) le théâtre
d’opérations du Pacifique reste pertinent » et qu’il fallait garder à l’esprit que « les forces de la flotte (du Pacifique) dans ses différentes
composantes peuvent certainement être utilisées dans des conflits dans n’importe quelle direction« .
Le lendemain, Shoigu a déclaré au général Li : « Dans l’esprit de l’amitié indéfectible entre les nations, les peuples
et les forces armées de la Chine et de la Russie, je me réjouis de la coopération la plus étroite et la plus fructueuse avec vous…« . Le compte-rendu du ministère russe de la
défense indique que :
« Sergei Shoigu a souligné que la Russie et la Chine pouvaient stabiliser la situation mondiale et réduire les risques de conflit en coordonnant leurs
actions sur la scène internationale. Il est important que nos pays partagent le même point de vue sur la transformation en cours du paysage géopolitique mondial… La réunion que nous avons
aujourd’hui contribuera, à mon avis, à renforcer davantage le partenariat stratégique Russie-Chine dans le domaine de la défense et permettra une discussion ouverte sur les questions de
sécurité régionale et mondiale ».
Pékin et Moscou estiment que les États-Unis, qui n’ont pas réussi à « annuler » la Russie, se tournent vers le théâtre de
l’Asie-Pacifique. La visite de Li montre que la réalité de la coopération russo-chinoise en matière de défense est complexe. La coopération militaro-technique entre la Russie et la Chine a
toujours été assez secrète, et le niveau de secret a augmenté à mesure que les deux pays s’engagent dans une confrontation plus directe avec les États-Unis.
La signification politique de la déclaration de Poutine de 2019 sur le développement conjoint d’un système d’alerte précoce pour les missiles balistiques va bien
au-delà de sa signification technique et militaire. Elle a montré au monde que la Russie et la Chine étaient sur le point de conclure une alliance militaire formelle, qui pourrait être déclenchée
si les pressions américaines allaient trop loin.
En octobre 2020, Poutine avait suggéré la possibilité d’une alliance militaire avec la Chine. La réaction du ministère chinois des affaires étrangères a été
positive, même si Pékin s’est abstenu d’utiliser le mot « alliance« .
Une alliance militaire opérationnelle et efficace peut être formée rapidement si le besoin s’en fait sentir, mais les stratégies respectives des deux pays en
matière de politique étrangère rendent une telle initiative peu probable. Toutefois, le danger réel et imminent d’un conflit militaire avec les États-Unis peut déclencher un changement de
paradigme.
M.K.
Bhadrakumar
Traduit par Wayan, relu par Hervé, pour le Saker Francophone.
Entrevue avec Piotr Tolstoï à Moscou
De passage à Moscou, Anne-Laure Bonnel s’entretient avec Piotr Tolstoï, le vice-président de la Douma, rappelant d’entrée de jeu que Libre
Média valorise le dialogue.
Au programme : L’Ukraine, le nouvel ordre international et la liberté d’expression.
Washington peut se satisfaire de présenter les changements survenus
au Moyen-Orient comme le fait que les Saoudiens ont équilibré leur sécurité en jouant les États-Unis contre la Chine. Toutefois, la vérité brutale est que cette transformation s’est produite
parce que les États-Unis et leur doctrine toxique « avec nous ou contre nous » ont été totalement exclus.
Par Alastair Crooke – Le 1e avril
2023 – Source Al Mayadeen
Pour de nombreux membres de la
classe dirigeante américaine, l’entente Chine-Russie conclue à Moscou au début de ce mois n’aurait jamais dû se produire – elle n’aurait d’ailleurs jamais pu se produire, car les réseaux de
Washington étaient obsédés par toutes les raisons qui font de la Chine et de la Russie des adversaires. Le choc a donc été profond et le scepticisme règne encore dans l’air printanier de
Washington.
Néanmoins, on y est. C’est fait. Indépendamment des documents historiques signés à Moscou, tout doute persistant quant à la nature transformatrice de l’accord
sino-russe aurait dû être dissipé par une analyse rapide de la récente succession d’événements : Ce mois-ci, la Chine a conclu un accord pour une nouvelle architecture de sécurité régionale en réunissant l’Arabie saoudite et l’Iran. Toujours en mars, le président Assad – longtemps paria de l’Occident – a pu être vu en visite
d’État à Moscou, avec tous les honneurs.
Peu après, le président Assad a effectué une visite très médiatisée aux Émirats arabes unis avec son épouse Asma. Au même moment, l’Irak et l’Iran ont signé un
accord de coopération en matière de sécurité destiné à mettre un terme à l’insurrection kurde, inspirée par les États-Unis, qui frappe l’Iran.
En clair, l’Arabie saoudite a déposé son arme salafiste wahhabite et l’Iran a donné des garanties qui ont dissipé les inquiétudes saoudiennes concernant son
programme nucléaire, pour la sécurité de l’infrastructure énergétique saoudienne. Les deux pays ont accepté de mettre fin à leurs guerres de propagande respectives et de cesser ensemble la guerre
au Yémen.
Ce qui, d’un seul coup, fait perdre tout intérêt au JCPOA. En effet, si le Conseil de coopération du Golfe est rassuré par l’« accord » conclu avec la Chine, quel est le
besoin d’un JCPOA (l’Iran reste signataire du traité de non-prolifération) ? Bien entendu, les États du CCG n’ont jamais pensé que les armes nucléaires étaient réellement viables dans le contexte
surpeuplé et entremêlé de la région, pas plus qu’ils n’ont cru que l’Iran était sur le point de garer des chars d’assaut « sur leur pelouse » .
Ce que les États du Golfe craignaient, c’était le fanatisme révolutionnaire chiite qui menaçait les monarchies, tout comme l’Iran se voyait pris dans les mâchoires
d’un encerclement pernicieux par des extrémistes djihadistes sunnites. Ces armes ont maintenant été mises de côté.
Le président Raïssi a été invité à Riyad par le roi Salman après l’Aïd. Aurait-on pu imaginer une telle chose il y a deux ans ?
Et n’oublions pas que la médiation, bien que menée par la Chine, est garantie implicitement par la Chine ET la Russie. Ce n’est pas rien. Cependant, les Américains
risquent de ne pas voir la partie la plus importante de cet accord : L’évolution des rôles régionaux de l’Arabie saoudite et de l’Iran. Quelques mois de diplomatie bien intégrée ont non seulement montré que les deux parties étaient des « acteurs habiles » , mais aussi qu’elles étaient
créatives et qu’elles savaient comment faire « le
gros du travail » de la vraie diplomatie. Comme l’a reconnu un éminent commentateur néo-conservateur américain, « aussi frustrant que cela puisse être, il y a une méthode dans
la folie des partenaires américains » .
Le rapprochement entre la Chine et la Russie a entraîné de grands changements : Des avions de chasse russes survolent régulièrement la base militaire américaine
d’al-Tanf, aux frontières de la Jordanie et de la Syrie, qui abrite une petite ville de forces « insurgées » entraînées par les
Américains.
Cette situation, ainsi que les fréquentes attaques à la roquette des milices contre les bases américaines dans le nord-est de la Syrie, indiquent que l’Amérique est
confrontée à une« fin de partie » en ce qui concerne son déploiement en Syrie.
« Il fut un temps où
toutes les routes passaient par Washington » , note Trita Parsi,
Mais au fil des ans, alors que la politique étrangère américaine s’est militarisée et que le maintien du prétendu ordre fondé sur des règles
signifiait de plus en plus que les États-Unis se plaçaient au-dessus de toutes les règles, l’Amérique semble avoir renoncé aux vertus d’un rétablissement honnête de la paix : nous avons
délibérément choisi une autre voie. L’Amérique s’enorgueillit de ne pas être un médiateur impartial.
Nous abhorrons la neutralité. Nous nous efforçons de prendre parti afin d’être « du bon côté de l’histoire » , car nous considérons la gestion de
l’État comme une bataille cosmique entre le bien et le mal, plutôt que comme la gestion pragmatique d’un conflit où la paix se fait inévitablement au détriment d’une certaine justice…
Mais tout comme l’Amérique a changé, le monde a également changé. Ailleurs, la « logique des films Marvel » apparaît pour ce qu’elle est : Des contes
de fées où la simplicité du combat du bien contre le mal ne laisse aucune place au compromis ou à la coexistence. Peu de gens ont le luxe de prétendre vivre dans de tels mondes
imaginaires.
Aujourd’hui, la région a collectivement décidé de « passer à autre chose » . Elle voit que le monde
est à l’aube d’une nouvelle ère. Washington peut être satisfait en présentant ces changements comme s’il s’agissait d’une forme de « triangulation » à la Henry Kissinger (comme le
suggère David Ignatius) : « Les Saoudiens
équilibrent désormais leur sécurité en jouant les États-Unis contre la Chine » .
La vérité brutale, cependant, est que cette transformation s’est produite parce que les États-Unis et leur doctrine toxique « avec nous ou contre nous » ont été totalement
exclus,et parce qu’« Israël » est trop occupé par
l’introspection.
L’Entente devrait entraîner des changements plus importants qu’une nouvelle architecture de sécurité régionale. Fareed Zakaria, de CNN, a lancé un avertissement :
Voici ce que j’en pense… Le résultat le plus intéressant du sommet Xi-Poutine, qui a été à peine rapporté, a été la déclaration de Poutine : « Nous sommes
favorables à l’utilisation du yuan chinois pour les règlements entre la Russie et les pays d’Asie, d’Afrique et d’Amérique latine. »
Ainsi, la deuxième économie mondiale (sic !) et son plus grand exportateur d’énergie tentent activement d’affaiblir la domination du dollar en tant que point
d’ancrage du système financier mondial. Y parviendront-ils ? … Le dollar est le dernier super pouvoir américain encore en vie. Il donne à Washington une puissance économique et politique
inégalée… La guerre en Ukraine, combinée à l’approche de plus en plus conflictuelle de Washington à l’égard de la Chine, a créé une tempête parfaite dans laquelle la Russie et la Chine
accélèrent leurs efforts pour se diversifier et s’éloigner du dollar…
La militarisation du dollar par Washington a conduit de nombreux pays importants à chercher des moyens [d’éviter les sanctions américaines]. La monnaie
américaine pourrait-elle être affaiblie par « mille coupures » ? C’est un scénario probable. Pour la première fois de mémoire d’homme, nous sommes confrontés à une crise financière
internationale dans laquelle le dollar s’affaiblit au lieu de se renforcer. Signe d’une prise de conscience à venir ?
« Les
Américains devraient s’inquiéter » , c’est ainsi que Zakaria termine son émission.
Alastair
Crooke
Traduit par Zineb, relu par Wayan, pour le Saker Francophone
« L’UE veut utiliser
l’argent des sanctions contre la Russie pour financer la reconstruction de l’Ukraine. Mais il faut d’abord trouver l’argent, et la situation juridique n’est pas claire, comme le montrent
des documents non publiés. Mais Bruxelles a trouvé une astuce ».
Mais, mais… maintenant ils concluent que l’UE ne peut pas toucher à ces fonds et qu’ils doivent être rendus à la Russie une fois les hostilités terminées,
en admettant qu’ils les trouvent. Comme le chantait Carole King, il est trop tard. L’Occident combiné a volé cet argent à la Russie et maintenant toute tentative de jouer
« judiciairement » est risible – il est trop tard. L’UE a montré ce qu’elle était et il n’y a rien à dire : L’UE paiera pour la restauration du pays 404, y compris pour les
territoires qui ont été rattachés à la Russie, et cela ne se fera pas en « investissant » les fonds de la Russie dans les plans foireux de l’UE et en utilisant les intérêts de
ces fonds pour payer la restauration de 404. L’UE, tout comme les États-Unis, est incapable de conclure un accord, un point c’est tout. La Russie a tiré les conclusions qui
s’imposaient.
Dans le même ordre d’idées, le grand patron de la CIA, Burns, a remarqué :
« Le rôle dominant des
États-Unis dans le monde ne peut plus être garanti, car le pays connaît une période de changement « qui n’arrive que deux fois par siècle », a déclaré Bill Burns, directeur de
la CIA. S’exprimant à l’Institut Baker en début de semaine, Burns a déclaré que même si Washington « a toujours une meilleure carte à jouer que n’importe lequel de ses rivaux »,
il n’est « plus le seul grand enfant du bloc géopolitique et notre position en haut de la table n’est pas garantie ». Le chef de la CIA a souligné les liens croissants entre la
Chine et la Russie, qui, selon lui, constitueront un « formidable défi » pour son agence dans les années à venir. Selon Burns, Pékin « ne se contente pas d’avoir un siège à
la table ; il veut prendre le contrôle de la table », tandis que la Russie cherche à « bouleverser la table ». »
Bonne chance pour essayer d’« espionner » la Russie ou la Chine. Mais j’ai des nouvelles pour la CIA et son Livre des Faits mondial : la plupart des
données économiques sur la Russie qui y figurent sont essentiellement des conneries écrites par les adeptes des « méthodes » de Wall Street, tout comme, d’ailleurs, les données
sur l’économie américaine qui est beaucoup plus petite qu’elle n’est décrite. Ils devraient oublier d’utiliser le dollar américain comme mesure de tout ce qui a trait à l’économie réelle,
car ce n’est rien d’autre qu’un tour de passe-passe pseudo-économique utilisé par les États-Unis pour diriger les institutions financières. Et oui, la table a été complètement renversée
et c’est un fait accompli. Mais même le FMI ne peut
plus cacher les faits, même s’il trafique ses propres données :
« Le Fonds monétaire
international (FMI) a revu à la hausse son estimation de la croissance économique russe en 2023, a indiqué le Fonds dans son rapport sur les perspectives de développement économique
mondial publié le 12 avril. Le FMI s’attend à ce que le PIB national russe augmente de 0,7% en 2023, contre une précédente prévision de croissance de 0,3% pour cette année. Il s’attend
également à ce que la croissance soit de 1,3% l’année prochaine, soit moins que la prévision précédente de 2,1%, les sanctions continuant à faire sentir leurs effets. L’inflation en
Russie a été de 13,8% en moyenne l’année dernière, selon le FMI. L’inflation devrait tomber en dessous du taux cible de 4% de la Banque centrale russe (BCR) dans les mois à venir, en
raison de faibles effets de base, mais elle augmentera à nouveau au cours du second semestre de cette année pour atteindre environ 8%, selon la BCR. Le Fonds prévoit que l’inflation
tombera à 7% en 2023 et à 4,6% en 2024. »
Savez-vous ce qui alimente cette croissance ? Non, pas l’économie des services – celle-ci s’est quelque peu contractée parce qu’il n’y a pas assez de salons
de spa et d’entreprises de « coaching de réussite ». La véritable croissance se situe dans l’économie réelle (indice : elle est de l’ordre de 4 à 5% au moins), qui va des
transports à la construction navale, en passant par l’aérospatiale et l’extraction. Vous savez, les biens tangibles qui permettent à l’humanité de vivre et de prospérer. En attendant,
voici les résultats de « l’activité » du FMI en Argentine (parmi de nombreux autres pays) :
Ce n’est pas pour rien que l’Argentine veut rejoindre les BRICS. C’est bien mieux que d’être l’esclave financier du FMI. La Russie en a fait l’expérience dans les
années 1990 – l’un des thèmes favoris des banquiers occidentaux est l’austérité, parce qu’un connard de New York, Miami ou Los Angeles n’a pas les moyens de s’offrir la dernière Lamborghini ou
une maison de vacances à Martha’s Vineyard.
P.S. L’Allemagne a approuvé le transfert à l’Ukraine des MiG-29 qu’elle avait donnés à la Pologne en 2002.
Le monde est en train de changer. Sur la scène internationale, les États-Unis et leurs alliés ne sont pas parvenus à isoler la Russie, ni même à « la ruiner
», pour reprendre les termes d’une Annalena
Baerbock. Un nouvel ordre mondial se forme. Il n’est plus caractérisé par la domination américaine et occidentale, mais par des Etats et des peuples qui s’émancipent de plus en plus
en Asie, en Afrique et en Amérique latine [comme l’illustre, une fois de plus, l’interview avec le Ministre des affaires étrangères indien, p. 1 et 2 de cette édition]. Dans ce nouvel
ordre mondial, l’Occident ne détermine plus les règles des relations internationales (par le biais de sa construction arbitraire sous le terme « International Rules Based Order »). Par
contre, ce nouvel ordre vise l’é galité entre les États et les peuples – conformément à la Charte des Nations unies. Dans le cadre de ce nouvel ordre mondial (une fois de plus dans
l’esprit de la Charte des Nations unies), la paix et les efforts pour la consolider sont des maximes d’action très sérieuses pour les acteurs essentiels. Dans cet effort, il importe que
les relations internationales soient caractérisées par une plus grande égalité, mais aussi par une prise en compte des intérêts économiques parmi la totalité des parties. Dans ces
événement majeurs, plusieurs signes indiquent que certains dirigeants américains commencent à réévaluer les limites de leur pouvoir de manière plus réaliste.
Vers un nouvel ordre
mondial
Les preuves en sont apparues au cours des dernières semaines et des derniers mois déjà. Elles sont liées au fait que la majorité de la communauté
internationale ne s’est pas ralliée aux sanctions occidentales contre la Russie, jusqu’aux déclarations récentes prononcées par différents représentants gouvernementaux de ne pas vouloir
soutenir le mandat d’arrêt, de toute évidence motivé politiquement, que la Cour pénale internationale (CPI) a prononcé contre le président russe. D’autres signaux allant dans la même
direction sont les succès diplomatiques de la Chine dans le cadre des bons offices au Proche-Orient, l’aspiration de nombreux États de différents continents à faire partie de la
communauté de coopération non occidentale BRICS, la coopération de plus en plus approfondie entre la Russie et la Chine ainsi que les récentes déclarations du secrétaire d’Éat
américain Blinken sur
les négociations de paix entre la Russie et l’Ukraine dans les termes qui s’é cartent visiblement des exigences maximales de l’Occident jusqu’à présent.
Dans ces changements mouvementés – où
en sommes-nous, nous autres occidentaux ?
Face à cela, nous voilà donc devant l’aspect lamentable qu’offrent l’Occident avec sa puissance dominante, les États-Unis. Quiconque observe sans préjugé
les directions historiques que l’Occident a poursuivi ces dernières décennies et son état actuel n’est pas étonné, il est vrai, mais trouve de bonnes raisons de s’inquiéter profondément,
vivant lui-même dans cet Occident dans lequel il espère pouvoir se sentir chez soi.
La majeure partie du monde continuera à suivre la voie empruntée, c’est sûr ; aujourd’hui manifestement plus qu’il y a un an. Mais que deviendrons-nous,
habitant les États occidentaux et appartenant à ses populations ? Où reste-t-il de l’espoir pour nous autres occidentaux ? Disposons nous aussi d’un modèle réel de développement, comme
c’est indubitablement le cas pour « le reste du monde » ? Poser la question est décidément plus facile que d’y répondre. Les quelques observations ci-dessus ne sont que des esquisses.
Mais si face à ce déclin apparent, nous autres Occidentaux, citoyens de nos États, revendiquons leur statut démocratique à chaque occasion, si nous n’acceptons pas de nous résigner et de
l’observer le tout avec fatalisme, cette question se discute. Il faut donc se battre pour trouver de bonnes réponses. Dans ce but, je voudrais apporter trois réflexions.
Retour à la vertu de
l’honnêteté
Ma première réflexion est celle-ci : Il faut que nous retrouvions la vertu de probité. Cela concerne avant tout les élites au pouvoir dans leur ensemble
ainsi que nos médias. Il faut mettre fin à la désinformation et à la manipulation devenues endémiques ces dernières années. Un exemple actuel : En repérant des échos officiels à la visite
d’État du président chinois Xi
Jinping en Russie, je me suis également intéressé aux voix provenant d’autres continents. Il s’avère que de nombreux médias habilités dans des pays non occidentaux s’efforcent
d’être beaucoup plus objectifs que nos journalistes. Au lieu de formuler des commentaires en ayant l’attitude de grands experts maîtres de la situation (scénario devenu rituel de
« nos » correspondants questionnés sur l’actualité), les journalistes non occidentaux exposent la manière dont la visite d’État est perçue sur place. Ainsi, le 23
mars, The Star,
quotidien à grand tirage diffusé dans toute l’Afrique du Sud, s’est borné à publier la prise de position du ministre chinois des Affaires étrangères sur la visite d’État parue d’abord en
Chine. Où trouve-t-on des informations aussi authentiques dans nos médias ?
La malhonnêteté du slogan néocolonial vieux de plus d’un siècle, proclamant la devise truquée « les démocraties versus les autocraties » est reconnue
partout dans le monde comme faussée, sauf chez nous en Occident où elle est encore trop peu présente. Déjà à l’époque, le mythe selon lequel le président américain Wilson serait
entré dans la Première Guerre mondiale en 1917 pour « rendre le monde prête à la démocratie » [make the world save for democracy] ne correspondait pas à la vérité. Aux États-Unis, les
contemporains parlaient avec de bons arguments des « merchants of death » [les marchands de la mort], sous la forme de l’industrie de l’armement américaine éprise d’un intérêt
prépondérant à ce que les États-Unis entrent en guerre. D’autres intérêts matériels solides, notamment ceux des banques américaines qui accordaient des crédits de guerre à la
Grande-Bretagne, à la France et à la Russie sont venus s’y ajouter.
L’Europe doit retrouver ses
valeurs authentiques
L’honnêteté dans le traitement critique des recettes à succès est également requise pour surmonter la crise de l’Occident issue des rangs des élites au
pouvoir, que l’on connait aussi sous les noms « Industrie 4.0 », « Green New Deal » ou « Great Reset ». Si on prend en considération la vision de l’homme, du monde qui les sous-tend ainsi
que les questions liées au pouvoir et à l’argent, on constate qu’il s’agit en grande partie du « vieux vin dans de nouvelles outres ».
Ma deuxième réflexion est liée aux contributions de Kishore
Mahbubani. Il y a 15 ans, ce scientifique et diplomate originaire de Singapour a publié le livre « Le retour de l’Asie.
La fin de la domination occidentale ». Avec de nombreuses preuves à l’appui, il défendait la thèse selon laquelle l’essor de l’Asie était dû au fait que les pays émergents du
continent avaient adopté les anciennes recettes du succès de l’Occident – économies basées sur le marché libre, promotion des sciences naturelles et de la technique, récompense en
fonction des performances réelles, pragmatisme, culture de la paix, État de droit et éducation – tout cela, pour leur propre épanouissement. Avec la seule nuance qu’entre-temps, les États
occidentaux, parrains de leurs ex-colonies, ont tourné le dos à leurs propres recettes de succès d’antan.
J’aimerais élargir cette idée de Kishore Mahbubani : les États et les peuples occidentaux viennent de détruire leur propre système de valeurs. Les
précieuses traditions de la pensée et de la substance culturelle européennes – qui ont d’ailleurs fortement inspirés les premiers idéaux des États-Unis – se sont toujours opposées à
l’hostilité de la politique de puissance et de la cupidité de l’Europe continentale et anglo-saxonne. Mais jamais, au cours des siècles précédents, la rupture des valeurs n’a été aussi
radicale qu’au cours des dernières décennies – rupture renforcée après la prétendue « victoire » américaine de la Première guerre froide. Si l’Europe veut se rétablir, elle doit
retrouver ses valeurs authentiques et les vivre par ses actes.
N’abandonnons pas notre cause aux
élites au pouvoir !
Ma troisième réflexion : il ne faut pas abandonner le retour aux valeurs européennes à nos élites. Tous les individus, tous les citoyens des États
occidentaux qui sont de bonne volonté et conscients de l’importance de la question des valeurs sont appelés à participer à un changement spirituel et émotionnel que nous pouvons puiser
aux fins fonds de nos racines. Je pense que ce changement « radical » (radical voulant dire qui va aux racines !) est nécessaire : non par le biais de barricades idéologiques ni par
de la violence, mais grâce à un pas sûr, avec de la circonspection et de l’é motion. L’indestructible nature sociale de l’homme nous ouvrira les portes pour y accéder, puisque le genre
humain est de nature un genre social composé d’individus sociables.
Nombreux sont ceux qui pronostiquent une Guerre Mondiale. Effectivement quelques groupes s’y préparent. Mais les États sont raisonnables et, dans les faits,
envisagent plutôt une séparation à l’amiable, une division du monde en deux mondes différents, l’un unipolaire et l’autre multipolaire. Peut-être assistons-nous en réalité à un troisième
scénario : l’« Empire américain » ne se débat pas dans le piège de Thucydide, il s’effondre comme son ex-rival soviétique est mort.
Les « straussiens » états-uniens, les « nationalistes intégraux » ukrainiens, les « sionistes révisionnistes » israéliens et
les « militaristes » japonais appellent de leurs vœux une guerre généralisée. Ils sont bien seuls et ce ne sont pas des mouvements de masse. Aucun État ne s’engage pour le
moment sur cette voie.
L’Allemagne avec 100 milliards d’euros et la Pologne avec beaucoup moins d’argent se réarment massivement. Mais aucun des deux ne semble impatient de se
mesurer à la Russie.
L’Australie et le Japon investissent aussi dans l’armement, mais aucun d’eux n’a d’armée autonome.
Les États-Unis ne parviennent plus à renouveler les effectifs de leurs armées et ne sont plus capables de créer d’armes nouvelles. Ils se contentent de
reproduire à la chaîne celles des années 80. Ils entretiennent cependant l’arme nucléaire.
La Russie a déjà modernisé ses armées et s’organise pour renouveler les munitions qu’elle utilise en Ukraine et produire en série ses nouvelles armes que
nul ne peut concurrencer. La Chine, quant à elle, se réarme pour contrôler l’Extrême-Orient et, à terme, pour protéger ses routes commerciales. L’Inde se pense en puissance
maritime.
On ne voit donc pas qui, à la fois, souhaiterait et pourrait déclencher une Guerre Mondiale.
Contrairement à leurs discours, les dirigeants français ne se préparent pas du tout à une guerre de haute intensité1.
La loi de programmation militaire, établie pour dix ans, prévoit de construire un porte-avion nucléaire, mais réduit l’armée de Terre. Il s’agit de se donner des moyens de projection,
mais pas de défendre le territoire. Paris continue à raisonner en puissance coloniale alors que le monde devient multipolaire. C’est un classique : les généraux se préparent à la
guerre précédente et ignorent la réalité de demain.
L’Union européenne met en œuvre sa « Boussole stratégique ». La Commission coordonne les investissements militaire de ses États-membres. Dans la
pratique, ils jouent tous le jeu, mais poursuivent des buts différents. La Commission, quant à elle, tente de prendre le contrôle des décisions de financement des armées qui jusqu’ici
dépendent de leurs parlements nationaux. Cela permettrait d’édifier un Empire, mais pas de déclarer une guerre généralisée.
À l’évidence chacun joue un jeu, mais hormis la Russie et la Chine, aucun ne se prépare à une guerre de haute intensité. On assiste plutôt à une
redistribution des cartes. Washington envoie, ce mois-ci en Europe, Liz Rosenberg et Brian Nelson, deux spécialistes des mesures coercitives unilatérales2,
avec pour mission de contraindre les Alliés à obéir. Selon la formule bien connue de l’ancien président George Bush Jr. lors de la guerre « contre le terrorisme » :
« Qui n’est pas avec nous est contre nous ! ».
Liz Rosenberg est efficace et sans scrupules. C’est elle qui a mis l’économie syrienne à genoux, condamnant des millions de personnes à la misère parce
qu’ils ont osé résister et vaincre les supplétifs de l’Empire.
Le discours de western hollywoodien à la George Bush Jr., celui des bons et des méchants, a échoué avec la Türkiyé, qui a déjà vécu la tentative de coup
d’État de 2016 et le tremblement de terre de 2023. Ankara sait qu’il n’a rien de bon à attendre de Washington et se tourne déjà vers l’Organisation de coopération de Shanghai. Pourtant le
même discours devrait réussir avec les Européens qui restent fascinés par la puissance des États-Unis. Bien sûr cette puissance est en déclin, mais les Européens aussi. Nul n’a donc tiré
de leçon du sabotage des gazoducs russo-germano-franco-néerlandais, North Stream.
Non seulement les victimes ont accusé le coup sans rien dire, mais elles s’apprêtent à recevoir d’autres punitions pour des crimes qu’elles n’ont pas commis.
Le monde devrait donc se diviser en deux blocs, d’un côté l’hyperpuissance états-unienne et ses vassaux, de l’autre le monde multipolaire. En nombre
d’États, cela devrait faire moitié-moitié, mais en terme de population, seulement 13% pour le bloc occidental contre 87% pour le monde multipolaire.
Les institutions internationales ne peuvent déjà plus fonctionner. Elles devraient soit tomber en léthargie, soit être dissoutes. Les premiers exemples qui
viennent à l’esprit sont la sortie effective de la Russie du Conseil de l’Europe et les sièges vides des Européens de l’Ouest au Conseil de l’Arctique durant l’année de présidence russe.
D’autres institutions n’ont plus trop de raison d’être comme l’Organisation pour la Sécurité et la Coopération en Europe (OSCE) qui était censée organiser le dialogue Est-Ouest. Seul
l’attachement de la Russie et de la Chine aux Nations unies devrait les préserver à court terme, les États-Unis songeant déjà à transformer l’Organisation en une structure réservée
exclusivement aux Nations alliées.
Le bloc occidental devrait aussi se réorganiser. Jusqu’ici, le continent européen était dominé économiquement par l’Allemagne. Afin d’être certains que
l’Allemagne ne se rapprochera jamais de la Russie, les États-Unis souhaitent que Berlin se contentent de l’Ouest du continent et laisse le centre aux mains de Varsovie. L’Allemagne et la
Pologne s’arment donc pour s’imposer dans leurs zones d’influence respectives, mais lorsque l’astre états-unien pâlira, ils se battront l’un contre l’autre.
Lors de sa chute, l’Empire soviétique a abandonné ses alliés et vassaux. Ayant constaté son incapacité à régler les problèmes, l’URSS a d’abord cessé de
soutenir économiquement Cuba, puis a laissé tomber ses vassaux du Pacte de Varsovie, et enfin s’est effondré sur elle-même. Le même processus débute aujourd’hui.
La première guerre US du Golfe, les attentats du 11-Septembre et leur kyrielle de guerres au Moyen-Orient élargi, l’élargissement de l’OTAN et le conflit
ukrainien n’auront offert que trois décennies de survie à l’Empire américain. Il était adossé à son ex-rival soviétique. Il a perdu sa raison d’être avec sa dissolution. Il est temps
qu’il disparaisse aussi.
Elon Musk est stupéfait après les révélations de François Hollande sur l’Ukraine et demande si la vidéo est réelle
Source : 4 4 2 - Le 07/04/2023.
La vidéo qui fait le buzz sur les réseaux sociaux en ce moment montre l’ancien président français François Hollande piégé dans un canular par des Russes se faisant
passer pour l’ancien président ukrainien Petro Porochenko.
François Hollande avoue sans détour que les accords de Minsk étaient une ruse de l’OTAN pour militariser l’Ukraine, que les nations occidentales ont renversé le gouvernement ukrainien
démocratiquement élu en 2014 et qu’il y a une participation à part entière de l’UE et de la France au conflit en Ukraine.
Des propos d’une extrême gravité venant d’un ancien président de la République ne pouvaient pas passer inaperçus. L’une des vidéos partagées sur Twitter
par kanekoa.substack.com a atteint les 2 millions de vues en moins de 11
heures.
L’interview-canular de François Hollande est tellement explosif que le patron de SpaceX et Twitter, Elon Musk, n’en revient pas et demande sous la vidéo “Is this
real?” (en français “C’est réel ?”). Le compte kanekoa.substack.com répond au
milliardaire en lui renvoyant un lien vers Sud Radio.
Voici la vidéo en question :
Suite à ce coup de maître des Russes et aux aveux explosifs de l’ancien président français François Hollande, il sera difficile pour les médias grand public du
monde entier d’ignorer ce scandale incroyable.
Le temps du monde bipolaire dominé par l’hégémonie américaine est-il révolu ?
Depuis plus d’un an et l’entrée des troupes russes en Ukraine, la géopolitique internationale a été largement bouleversée. Le narratif occidental peine à
faire taire les transformations criantes sur l’échiquier mondial. La Russie prend acte de la rupture avec l’Occident et se tourne en toute logique vers le prolongement de son continent :
La Chine.
Xi Jinping est devenu en quelques mois le centre des attentions. Sa position lui permet de dialoguer avec toutes les parties au point d’apparaître comme une
force diplomatique dans le conflit ukrainien.
Emmanuel Macron, s’est rendu à Pékin cette semaine, fort de ses obsessions déconnectées du réel. Un voyage que le
président français a choisi de faire en compagnie de la présidente de la Commission européenne, Ursula von der Leyen… Un choix idéal pour amoindrir
la voix française au profit de Bruxelles.
Sans grande surprise, la visite n’aura rien apporté de concret sur le terrain géopolitique et Xi Jinping a même laissé entendre son étonnement devant la
volontaire atonie française.
Dans le même temps, les sanctions économiques contre la Russie ont poussé Moscou à se détourner du dollar, à l’instar d’autres puissances émergentes qui
sont de plus en plus nombreuses à vouloir s’émanciper de la monnaie de l’Oncle Sam.
Les BRICS s’organisent de plus en plus et se rapprochent.
Le monde se réinvente et les chefs d’orchestre américains n’ont plus toutes les cartes en main.
Caroline Galactéros, docteur en science politique, géopolitologue et présidente du think-thank Geopragma, revient en détails sur les
récents bouleversements internationaux et l’émergence d’un monde multipolaire sous l’impulsion russe et chinoise face au déclin de l’hégémonie américaine.
RadioInfocité présente en exclusivité le retour de la pensée de Gaulle au Québec, avec la présence de Pierre de Gaulle pour la première fois en Amérique du
Nord depuis 1967.
Dans cette entrevue Monsieur Pierre de Gaulle, petit-fils du général de Gaulle aborde notamment les questions suivantes.
• Le général de Gaulle
disait : Les pays n’ont pas d’amis, ils n’ont que des intérêts. En quel sens, la position de la France dans la guerre en Ukraine va à l’encontre des intérêts de la France ? De l’Allemagne
et des autres pays de l’Europe ?
• Il y a un mantra dans
la plupart des médias occidentaux selon lequel « l’invasion » de l’Ukraine par la Russie n’a pas été provoquée. Or l’OTAN y était pour beaucoup. Quelle est la responsabilité de l’OTAN
dans la guerre ?
• Dans ses mémoires, le
général de Gaulle se plaint constamment de l’esprit dominateur des dirigeants américains et britanniques à l’égard de l’Europe et la manière dont ils voyaient l’avenir de l’Europe.
Comment voyait-il la relation entre les États-Unis et l’Europe ?
• Peut-on dire que ses
pires craintes se concrétisent aujourd’hui avec cette guerre commencée dès février 2014 et le Coup d’État de Maïdan ?
• Vous êtes allé à la
commémoration du 80ème anniversaire de la victoire de Stalingrad en février dernier alors que tous les pays occidentaux l’ont boycotté.
• Quelle est
l’importance de Stalingrad dans l’histoire moderne de l’Europe et du Monde ? Et comment le Général de Gaulle voyait cette bataille ?
• Selon vous et votre
grand-père, l’amitié entre la France et la Russie a une grande histoire et est indispensable à l’équilibre de l’Europe. Pourquoi en est-il ainsi ?
• Il termine avec un
message pour le peuple du Québec en rappelant « Vive le Québec libre » du Général de Gaulle à Montréal le 14 juillet 1967.
* Monsieur Pierre de Gaulle a bien voulu nous accorder une interview sur la guerre en Ukraine, la première accordée à un média québécois ou canadien.
Nous avons pu réaliser cette entrevue grâce à l’aimable collaboration entre CKVL et Radio-Info-Cité.
Washington s’en sort bien en
présentant les changements survenus au Moyen-Orient comme le fait que les Saoudiens ont équilibré leur sécurité en jouant les États-Unis contre la Chine. Toutefois, la vérité brutale est
que cette transformation s’est produite parce que les États-Unis et leur doctrine toxique du « avec nous ; ou contre nous » ont été totalement exclus.
Pour de nombreux membres de la classe dirigeante des États-Unis, l’entente Chine-Russie conclue à Moscou au début du mois n’aurait jamais dû se produire –
en fait, elle n’aurait jamais pu se produire, car le Beltway de Washington était focalisé sur toutes les raisons qui font de la Chine et de la Russie des adversaires. Le choc a donc été
profond et le scepticisme règne encore dans l’air printanier de Washington.
Néanmoins, les faits sont là. Indépendamment des documents historiques signés à Moscou, tout doute persistant quant à la nature transformatrice de l’accord
sino-russe aurait dû être dissipé par une analyse rapide de la récente succession d’événements : Ce mois-ci, la Chine a conclu un accord pour une nouvelle architecture
de sécurité régionale en réunissant l’Arabie saoudite et l’Iran. Toujours en mars, le président Assad – longtemps paria de l’Occident – a pu être vu en visite d’État à Moscou,
avec tous les honneurs.
Peu après, le président Assad a effectué une visite très médiatisée aux Émirats arabes unis avec son épouse Asma. Au même moment, l’Irak et l’Iran ont signé
un accord de coopération en matière de sécurité destiné à mettre fin à l’insurrection kurde, inspirée par les États-Unis, qui frappe l’Iran.
En clair, l’Arabie saoudite a déposé son arme salafiste wahhabite et l’Iran a donné des garanties qui ont dissipé les inquiétudes saoudiennes concernant son
programme nucléaire, pour la sécurité de l’infrastructure énergétique saoudienne. Les deux pays ont accepté de mettre fin à leurs guerres de propagande respectives et de mettre fin
ensemble à la guerre au Yémen.
En effet, si le Conseil de coopération du Golfe (CCG) est rassuré par « l’accord » conclu avec la Chine, quel est le besoin d’un JCPOA (l’Iran
reste signataire du traité de non-prolifération) ? Bien entendu, les États du CCG n’ont jamais pensé que les armes nucléaires étaient réellement viables dans le cadre encombré et
entremêlé de la région, pas plus qu’ils n’ont cru que l’Iran était sur le point de garer des chars « sur leur pelouse ».
Ce que les États du Golfe craignaient, c’était le fanatisme révolutionnaire chiite qui menaçait les monarchies, tout comme l’Iran se voyait pris dans les
mâchoires d’un encerclement pernicieux par des extrémistes djihadistes sunnites. Ces armes ont maintenant été mises de côté.
Le président Raïssi a été invité à Riyad par le roi Salman après l’Aïd. Aurait-on pu imaginer une telle chose il y a deux ans ?
Et n’oubliez pas que la médiation, bien que menée par la Chine, est garantie implicitement à la fois par la Chine et par la Russie. Ce n’est pas rien.
Cependant, les Américains risquent de passer à côté de la partie la plus importante de cet accord : L’évolution des rôles régionaux de l’Arabie
saoudite et de l’Iran. Quelques mois de diplomatie bien intégrée ont non seulement montré que les deux parties étaient des « acteurs habiles », mais aussi
qu’elles étaient créatives et qu’elles savaient comment faire « le gros du travail » de la vraie diplomatie. Comme l’a reconnu un
éminent commentateur néo-conservateur des États-Unis, « aussi frustrant que
cela puisse être, il y a une méthode dans la folie des partenaires des États-Unis ».
Le rapprochement entre la Chine et la Russie a entraîné de grands changements : Des avions de chasse russes survolent régulièrement la base militaire
américaine d’al-Tanf, aux frontières de la Jordanie et de la Syrie, qui accueille une petite ville de forces « insurgées » entraînées par les Américains.
Cette situation, ainsi que les fréquentes attaques à la roquette des milices contre les bases américaines dans le nord-est de la Syrie, indiquent que les
États-Unis sont confrontés à un « Temps
écoulé » en ce qui concerne leur déploiement en Syrie.
« Il fut un temps où
toutes les routes passaient par Washington », note Trita
Parsi.
« Mais au fil des ans,
alors que la politique étrangère des États-Unis s’est militarisée et que le maintien du soi-disant ordre fondé sur des règles signifiait de plus en plus que les États-Unis se plaçaient
au-dessus de toutes les règles, les États-Unis semblent avoir renoncé aux vertus d’un rétablissement honnête de la paix : Nous avons délibérément choisi une autre voie. Les États-Unis se
targuent de ne pas être un médiateur impartial ».
« Nous abhorrons la
neutralité. Nous nous efforçons de prendre parti afin d’être « du bon côté de l’histoire », car nous considérons la gestion de l’État comme une bataille cosmique entre le bien
et le mal, plutôt que comme la gestion pragmatique d’un conflit où la paix se fait inévitablement au détriment d’une certaine justice… »
« Mais tout comme les
États-Unis ont changé, le monde a également changé. Ailleurs, la « logique des films Marvel » apparaît pour ce qu’elle est : Des contes de fées où la simplicité du bien contre
le mal ne laisse aucune place au compromis ou à la coexistence. Peu de gens ont le luxe de prétendre vivre dans de tels mondes imaginaires ».
Aujourd’hui, la région a collectivement décidé de « passer à autre chose ». Elle voit que le monde est à l’aube d’une nouvelle ère. Washington
s’en sort bien en présentant les changements comme s’il s’agissait d’une forme de « triangulation » à la Henry Kissinger (comme le suggère David Ignatius) : « Les Saoudiens
équilibrent désormais leur sécurité en jouant les États-Unis contre la Chine ».
La vérité brutale, cependant, est que cette transformation s’est produite parce que les États-Unis et leur doctrine toxique « avec nous ; ou contre
nous » ont été totalement exclus, et parce qu’Israël est trop occupé par son introspection.
L’Entente devrait entraîner des changements plus importants qu’une nouvelle architecture de sécurité régionale : Fareed Zakaria, de CNN, a lancé un
avertissement :
« Le résultat le plus
intéressant du sommet Xi-Poutine, qui a été à peine rapporté, a été la déclaration de Poutine : « nous sommes favorables à l’utilisation du yuan chinois pour les règlements
entre la Russie et les pays d’Asie, d’Afrique et d’Amérique latine ». »
« Ainsi, la deuxième
économie du monde (sic !) et son plus grand exportateur d’énergie tentent activement d’affaiblir la domination du dollar en tant que point d’ancrage du système financier mondial. Y
parviendront-ils ? … Le dollar est le dernier superpouvoir des États-Unis. La guerre en Ukraine, combinée à l’approche de plus en plus conflictuelle de Washington à l’égard de la Chine, a
créé une tempête parfaite dans laquelle la Russie et la Chine accélèrent leurs efforts pour se diversifier et s’éloigner du dollar… »
« La militarisation du
dollar par Washington a conduit de nombreux pays importants à chercher des moyens [d’éviter les sanctions des États-Unis]. La monnaie des États-Unis pourrait-elle souffrir d’une faiblesse
due à ‘mille coupures’ ? C’est un scénario probable. Pour la première fois de mémoire d’homme, nous sommes confrontés à une crise financière internationale dans laquelle le dollar
s’affaiblit au lieu de se renforcer. Signe d’une prise de conscience à venir ? »
« Les Américains
devraient s’inquiéter », conclut Zakaria.
...proposé par le Gal. D. Delawarde - Le 31/03/2023.
Bonjour à tous,
Aujourd'hui, au Canada, le colonel US Douglas Macgregor et l'analyste français Eric
Dénecé, fondateur et directeur du CF2R répondent successivement à cinq questions sur l'Ukraine dans une rencontre inédite sur un même plateau.
Deux poids lourds de la géopolitique sur un même plateau, ça vaut le détour. Les réponses qui s'enchaînent sont très complémentaires.et s'accordent sur le fond.
Un exemple parmi beaucoup d'autres?
"La cause de la Russie est profondément juste" dit et explique Macgregor.
"L'action de la Russie est légitime" dit et explique Eric Dénecé
Il existe deux versions de cette émission. L'une à destination des francophones (Traduction simultanée en français de Mac Gregor)
l'autre à destination du monde anglo-saxon (traduction en anglais des propos de Dénecé). Voici la version pour les francophones.
Auteur publié depuis 35
ans sur des questions d’Église et de culture, j’ai écrit un premier article pour le Saker qui a été publié le 29 mars 2022. Il semble étrange aujourd’hui qu’il ait fallu tant de temps pour que je
me propose d’écrire ici, car Andrei et moi avons le même parcours spirituel. L’OMS en Ukraine a marqué un tournant. Cet article, du 24 février 2023, est le dernier du blog d’Andrei. Comme il se
doit pour les esprits orwelliens, c’est le 84e article de ces 330 jours, soit un tous les quatre jours. Merci, Andrei. Quant aux futurs écrits sur des thèmes géopolitiques et culturels, je
m’adresserai à Pepe Escobar.
Vieille Russie et vieille Europe
Je suis un vieux Russe qui vit dans la vieille Europe. J’ai vécu dans plusieurs pays européens, pas seulement en Russie. Mais tout comme je n’ai jamais reconnu la
nouvelle Russie, je ne reconnais pas non plus la nouvelle Europe. Tout comme je n’ai jamais reconnu l’Union soviétique et son post-soviétisme, ni l’Union européenne et son post-européanisme.
Cette dernière est née quelques jours seulement après les funérailles de l’ancienne Union, lorsque les démons qui avaient hanté l’URSS pendant exactement 75 ans, de décembre 1916 à décembre 1991,
ont traversé l’Ouest et ont trouvé un autre cadavre corrompu et pourri à infester et à consommer. Je crois que nous sommes maintenant à une séparation millénaire dans l’histoire du monde avec
l’échec clair et abject du monde occidental. Bien que ceux qui ont une foi nominale soient déchirés par les politiques nationalistes, compromis par le carriérisme axé sur l’argent, étranglés par
le centralisme bureaucratique et réduits par le ritualisme superstitieux, nous suivons une autre voie. Car le Roi vient et nous devons être prêts à le rencontrer.
J’ai été élevé par le tsar Nicolas II, l’homme qui est bien plus décrié que Vladimir Poutine, et par Alexandre Pouchkine et Ivan Tourgueniev, assassinés, mais aussi
par William Shakespeare, Johann von Goethe, Alphonse Daudet et Knut Hamsun. J’ai écouté Piotr Tchaïkovski et Sergueï Rakhmaninov, mais aussi Johann Strauss, Edvard Grieg, Charles Trenet, Amalia
Rodrigues et Albert Ketelby. J’ai vécu à Saint-Pétersbourg, mais aussi à Oslo, Paris, Thessalonique, Lisbonne et Vienne, en passant par Belgrade, Genève, Berlin, Prague, Madrid, Rome, Londres,
Helsinki, Budapest, Bucarest et quelques endroits très obscurs mais bien plus significatifs entre les deux, car leur signification est mystique.
Il y a une forêt de bouleaux et des chemins d’été poussiéreux juste à la sortie d’Ekaterinbourg dans l’Oural, une maison de paysan en rondins à la sortie de Grand
Novgorod, un village à la frontière slovaque avec l’Ukraine où l’on n’a jamais parlé ni slovaque ni ukrainien, la plage de sable la plus blanche des Hébrides extérieures gaéliques près d’une
cellule de moine en ruine, une forêt de pins parfumée sur la côte baltique ambrée de la Lettonie, une ruelle sombre de Porto où j’ai eu un enterrement, les bois de Thassos dans la mer Égée bleu
azur, une cour secrète remplie de lilas dans le nord-est de Paris, vestige de l’époque de Zola, un chemin au bord du lac Balaton en Hongrie et un chemin au bord du lac Naroch en Biélorussie, et
une petite chapelle en bois dans les Carpates roumaines qui appartient à des bergers-ermites. Ils ont tous joué un rôle. Tous ces lieux, et bien d’autres, forment une histoire continue. Mais
c’est la petite épopée d’une famille dont les branches sont éparpillées dans la Vieille Russie et la Vieille Europe et qui doit encore être racontée. L’histoire de cette résurrection est pour un
autre temps et un autre lieu.
La Russie aujourd’hui
Il y a quatre ans, un ancien ambassadeur britannique dans un certain pays européen m’a demandé pourquoi les excellentes relations entre l’Occident et la Russie des
années 1990 (lorsqu’il était « attaché » à l’ambassade britannique à Moscou)
s’étaient si malheureusement dissoutes. Je lui ai répondu simplement : « Parce que l’Occident arrogant a craché au visage de la
Russie ». Il ne s’attendait pas à cette réponse et la seule réponse du vieil espion fut un silence stupéfait. Je maintiens sa véracité.
En 1714, le tsar Pierre Ier a ouvert une fenêtre sur l’Europe. La Russie ne l’a jamais fermée. Mais en 2014, l’Occident l’a fait. La mauvaise nouvelle est que la
Russie a été malade pendant 300 ans d’une obsession pour le soleil couchant du monde occidental, l’Abendland, le pays du soir, comme le disent à juste titre les
Allemands. La bonne nouvelle est que la Russie est en train de se remettre de cette obsession, parce qu’en 2014, elle s’est tournée vers l’est avec son autre tête, vers le soleil levant. En 2014,
la Russie s’est tournée vers l’est parce que l’Occident arrogant lui avait craché au visage. Et, sans surprise, elle a trouvé le lever du jour à l’est bien plus agréable que la tombée de la nuit.
La Russie s’est très rapidement liée d’amitié avec la Chine, l’Inde, le Brésil, l’Afrique du Sud et l’Iran – pour n’en citer que quelques-uns. En fait, la Russie s’est très rapidement liée
d’amitié avec les sept huitièmes du monde, là où se trouvaient ses véritables amis depuis toujours.
Comme l’a déclaré le président Poutine dans son discours du 21 février, la Russie est « une civilisation ancienne, indépendante et tout à fait
distincte ». Par conséquent, ce n’est pas parce que l’Europe arrogante lui a craché au visage que la Russie doit maintenant faire face à une crise d’identité. Elle a refondé son
identité en étant ce qu’elle est, l’Eurasie du Nord. Elle n’a plus à faire semblant d’être seulement la moitié occidentale d’elle-même, elle a récupéré l’aigle bicéphale qui fait face à l’Est et
à l’Ouest. Mais cela signifie que le reste de l’Europe doit faire face à une crise d’identité. Et c’est grave. Pour elle. Parce que, ayant renoncé à sa civilisation, elle a perdu son identité. Et
parce que sans la Russie, l’Europe ne peut pas survivre. Pour quelle autre raison les États-Unis ont-ils essayé de détruire et de substituer la Civilisation ukrainienne ? Pour couper la petite
Kiev de son enfant russe, devenu beaucoup plus grand que Kiev, tout comme ils ont essayé de couper la petite Europe de la Russie, devenue beaucoup plus grande qu’elle. Pour quelle autre raison
les États-Unis ont-ils fait sauter Nordstream ? C’était pour couper la petite péninsule nord-ouest de l’Eurasie de l’autre moitié de l’Europe et donc de toute l’Eurasie, afin d’en faire un
invalide entièrement dépendant des États-Unis.
L’Ukraine et l’Europe
Comme nous l’avons dit une multitude de fois, la Russie n’a jamais eu que trois objectifs dans ce conflit : la démilitarisation et la dénazification du territoire
actuellement appelé Ukraine et la libération du territoire actuellement appelé Donbass. Démilitarisation. Dénazification. Libération. Trois mots. Ce ne sont pas les dizaines de milliers de mots
de la directive européenne sur la hauteur réglementaire des sièges de chariots élévateurs à fourche. (J’ai connu l’auteur). Ce qui s’est passé après un an, c’est qu’à cause de la bêtise de
l’Occident, le territoire à démilitariser et à dénazifier, l’Ukraine, a dû être étendu, et le territoire à libérer, le Donbass, a dû être étendu. En raison de l’agression croissante de l’Occident
et de son approvisionnement en « armes à longue
portée », la Russie a dû aller plus loin « pour repousser la menace de nos frontières ». (Je
cite le même discours du président Poutine). En d’autres termes, la démilitarisation et la dénazification de l’Ukraine sont devenues la démilitarisation et la dénazification de toute l’Europe,
car l’Europe a été ukrainisée. C’était son propre choix. Et la libération du Donbass est devenue la libération de toute l’Ukraine, car l’Ukraine a été Donbassisée. C’était son propre
choix.
En effet, en raison de sa stupidité suicidaire, toute la partie de l’Europe située à l’ouest des frontières de la Fédération de Russie et du Belarus est devenue un
territoire frontalier. L’Europe est maintenant le vassal frontalier européen des États-Unis, contrôlé par des gouverneurs fantoches, nommés par la Cour de Washington. Aujourd’hui, il y a un
bouffon de la cour Zelensky dans chaque capitale européenne. Leur seule qualification est la capacité à jongler. S’ils ne le peuvent pas, ils sont éliminés. La preuve en est que, lorsque les
troupes russes auront libéré l’ensemble du territoire de l’actuelle Ukraine, l’OTAN et son organisation sœur, l’UE, tout aussi ordonnée par les États-Unis, s’effondreront. La Russie n’aura pas
besoin de démilitariser, dénazifier et libérer l’Europe. La démilitarisation sera mise en œuvre par l’effondrement de l’OTAN. La dénazification sera mise en œuvre par l’effondrement de l’UE et du
reste de l’Europe frontalière au-delà des frontières russes. Quant à la libération, elle sera mise en œuvre par les rébellions des peuples d’Europe contre les vassaux narcissiques de leur
suzerain nazi américain. Il y aura alors une Europe libre. Et alors la Russie se fera gentiment taper sur l’épaule par les pays d’Europe qui, un par un, demanderont humblement à ne pas être
oubliés. La Serbie opprimée ne l’a pas été. Pas plus que la courageuse, quoique diplomatique, Hongrie. Cependant, les autres pays, en particulier ceux situés plus à l’ouest, devront faire
beaucoup plus pour attirer l’attention. La Russie est occupée ailleurs à des choses bien plus importantes que l’Europe Woke, c’est-à-dire spirituellement et donc moralement endormie,
et donc sans intérêt.
Entre 1914 et 2014, l’Europe a tenté de se suicider à trois reprises. La Première Guerre mondiale, dont la Russie a été éjectée par un changement de régime organisé
depuis Londres et New York et camouflé en « Révolution », a été gagnée par les États-Unis, tant
sur le plan militaire que politique. La Seconde Guerre mondiale, au cours de laquelle la Russie n’a pu atteindre que ses objectifs de la Première Guerre mondiale, à savoir libérer Vienne et
Berlin, a été gagnée par les États-Unis, non pas militairement, mais politiquement. Cependant, cette guerre actuelle, qui est la troisième guerre mondiale et qui sera appelée ainsi par les
historiens du futur, sera gagnée par la Russie, à la fois militairement et politiquement. Ce sera la victoire dont la Russie a été privée en 1917 par la conspiration anglo-sioniste. Par
conséquent, la troisième guerre mondiale, perdue à la fois militairement et politiquement par les États-Unis, signifiera que les États-Unis perdront leur empire. Sa fierté passée sera humiliée et
son impunité passée sera punie.
Postface
Dans toutes mes pérégrinations en Russie et en Europe, j’ai toujours pensé que la Russie devait revenir à ses racines et à son identité pour se retrouver.
Depuis 2014, de façon tout à fait miraculeuse, c’est ce qui se passe. Cependant, j’ai toujours pensé que l’Europe aussi devait revenir à ses racines et à son identité pour se retrouver. Cela peut
se faire à travers l’exemple du retour de la Russie, mais ce sera très radical et cela fera très mal. Tout comme cela a fait mal et fait mal à la Russie. L’humilité, comme l’Église, fait toujours
mal. Néanmoins, tout peut encore s’arranger, les injustices peuvent encore être réparées. La soif de justice et de restitution peut encore triompher des conspirations du passé. C’est toujours la
même histoire à sept volets : Repentir, retour, rédemption, renaissance, restauration, restitution et résurrection. Ils forment une seule et même histoire continue. Mais c’est la grande épopée de
toutes les familles dont les branches sont éparpillées à travers la Russie et l’Europe et qui doit encore être racontée. L’histoire de cette résurrection est pour un autre temps et un autre
lieu.
Batiushka
Recteur orthodoxe russe d’une très grande paroisse en
Europe, il a servi dans de nombreux pays d’Europe occidentale et j’ai vécu en Russie et en Ukraine. Il a également travaillé comme conférencier en histoire et en politique russes et
européennes.
Traduit par Hervé, relu par Wayan, pour le Saker Francophone
“Nous sommes inféodés aux Américains !”
Source : Livre noir - Par Alain Juillet - Le 30/03/2023.
La guerre de la communication. Les médias, les chancelleries et les services de renseignement ont une influence primordiale dans l’issue de la guerre en Ukraine. Les Etats-Unis sont-ils les
gagnants de cette guerre ? Comment expliquer l’incrédulité des services de renseignement français ? Pourquoi depuis 20 ans, nos espions se sont-ils concentrés uniquement sur la lutte
anti-islamiste ? Livre Noir a le plaisir d’inviter Alain Juillet, l’ancien Haut-Représentant à l’Intelligence économique auprès du Premier ministre et l’ancien directeur du renseignement à la
DGSE.
« Aujourd’hui il
y a des changements comme on n’en a pas vu depuis un siècle, et nous menons ces changements ensemble. – Je suis d’accord – À bientôt cher ami ».1
Ce sont les mots de Xi Jinping à Vladimir Poutine à l’issue de leur rencontre à Moscou débutée le 21 mars dernier. Visite exceptionnellement longue de trois
jours, délégation chinoise pléthorique, défilé militaire sur le tarmac à l’arrivée du leader chinois dont c’est le premier déplacement depuis sa réélection, cravate de la même couleur
pour les deux hommes, proximité et chaleur affichées lors des séances photo ou des communications2,
tout était organisé pour envoyer un message clair : La Chine et la Russie sont engagés dans une coopération durable, fiable et profonde. Il n’en a d’ailleurs jamais été autrement et
la légende d’une détérioration de leurs relations martelée depuis un an par les médias occidentaux est publiquement et clairement démolie.
Le conflit en Ukraine n’a pas constitué le sujet majeur des échanges3 et
c’est également un message important délivré au monde entier, celui du principe de non-ingérence : La Chine ne compte pas intervenir auprès de la Russie
pour la contraindre à telle ou telle politique.Et on ne trouvera pas un pays dans l’histoire contemporaine dont les dirigeants auront été mis
en place ou renversés par la Chine, pas plus qu’elle n’a décidé de la politique à mettre en œuvre de force dans tel ou tel pays à l’aide de sanctions, de représailles ou de chantages
divers.
Ce sont justement là les pratiques que l’occident, États-Unis en tête, a systématisées, et qui poussent à considérer ce pays comme le principal danger pour
la paix dans le monde. Les exemples de ces méthodes de voyous sont nombreux, aujourd’hui par exemple quand certains pays de l’Union européenne se voient contraints à un vote sous la
menace4,
ou encore lors du sabotage des North
Stream quand l’Allemagne est contrainte au silence en regardant les États-Unis détruire son économie à coups d’explosifs sous-marins.
Qui pourrait accepter cela sans avoir les mains liées ?
Barak Obama avait même explicitement reconnu cette pratique américaine habituelle sans que cela fasse scandale, tellement il s’agit là d’un fait
acquis : « nous devons parfois
tordre le bras à ceux qui ne font pas ce que l’on a besoin qu’ils fassent ».5
La Chine n’agira évidemment pas contre la Russie dans ce conflit, pas plus qu’elle ne la jugera, ni ne la condamnera et encore moins lui appliquera des
« sanctions » quelles qu’elles soient, et d’où qu’elles viennent.
Au contraire, le gouvernement chinois déclare explicitement continuer à développer durablement et en profondeur son partenariat avec la Fédération,
notamment avec l’annonce de la finalisation du spectaculaire Power of Siberia
26 (gazoduc
de près de 7000 km) et d’un nouveau contrat énergétique aux dimensions pharaoniques. Les échanges s’étendent même à de nouveaux domaines de besoins précisément suscités par les sanctions
occidentales, comme la fourniture de semi-conducteurs, même si celle-ci s’effectue de façon « officiellement
dissimulée »7.
C’est une élégante manière de dire au monde que la Chine ne contourne pas les sanctions occidentales : Elle les ignore. Nuance dont la finesse toute asiatique échappe
généralement aux dirigeants occidentaux comme le montre l’annonce faite par Emmanuel Macron d’aller à Pékin pour, dit-il benoitement, «engager la Chine à
nos côtés pour faire pression sur la Russie »8.
Voilà bien la preuve que le président français ne comprend rien à la position chinoise9.
Sauf s’il n’agit que pour des motifs de communication interne.
Fait ahurissant, c’est précisément lorsque le plan de paix chinois10 est
évoqué que John Kirby lâche depuis Washington que «les États-Unis sont
fermement opposés à tout cessez-le-feu en Ukraine»11.
Et c’est encore ce moment que la vice-ministre des affaires étrangères anglaise choisit pour annoncer son intention de livrer à l’Ukraine des obus à l’uranium enrichi, ce qui donnera
d’ailleurs lieu à une remarquable séquence de propagande. En effet, les médias occidentaux n’ont d’abord pas relaté l’annonce britannique constituant la volonté manifeste d’escalade, qui
plus est dans le sens nucléaire dont on soupçonne sans cesse la Russie. Vladimir Poutine a ensuite réagi en disant que si les Anglais franchissaient ce pas, alors la Russie devrait
répliquer par des moyens appropriés. Et c’est cette annonce qui a été reprise cette fois bruyamment par les médias, accusant la Russie de chercher
l’escalade.12
À l’issue de ces rencontres, Vladimir Poutine annonçait que la Russie utiliserait le yuan dans ses échanges commerciaux avec l’Asie, l’Afrique et l’Amérique
du Sud, ce qui constitue un signal fort dans le sens d’un monde multipolaire où aucune monnaie ne pourra plus exercer d’hégémonie. Et la récente annonce de l’Arabie saoudite se
disant prête à vendre son pétrole dans la monnaie chinoise13 montre
qu’il n’y aura pas de retour en arrière. La Chine s’est débarrassée en un an de près de 30% de ses bons du trésor américains14,
c’est un pas de plus vers la dédollarisation du monde, étape indispensable à l’établissement d’un monde multipolaire stable. L’Arabie saoudite consomme la rupture avec
son ex-allié indéfectible américain en annonçant la reprise de ses relations diplomatiques avec la Syrie15,
quelques semaines après avoir rétabli celles avec l’Iran (sous l’égide de la Chine !), reprenant ainsi les échanges avec les deux pires ennemis de l’oncle Sam.
Laminée et moquée à l’extérieur, l’administration Biden n’a pas de répit à l’intérieur où la situation n’est pas plus encourageante avec une inflation
record, une pauvreté qui explose, une dette abyssale, des faillites bancaires en chaine et des catastrophes naturelles à répétition.
Enfin, les auditions de l’enquête sénatoriale destinée à se débarrasser du réseau social chinois TikTok16 s’avèrent
un désastre qui pourrait bien avoir des conséquences significatives quant à la défiance de la population vis-à-vis de ses dirigeants. Le pitoyable interrogatoire du jeune et brillant
patron auquel se sont livrés les sénateurs a permis aux citoyens de découvrir avec stupéfaction le niveau lamentable, voire inquiétant, de leurs sénateurs. La plupart s’expriment très
mal, et quand l’un d’entre eux expose sans le comprendre qu’il ne sait pas ce qu’est le wifi, un autre révèle involontairement son ignorance des algorithmes en s’étonnant publiquement que
le réseau ne lui propose que des scènes de striptease d’homosexuels ou de danses de drag queen. Tous se rejoignent finalement sur des questions comme Savez-vous que le
gouvernement chinois réprime cruellement les Ouïghours ? ou bien Avouez que vous avez
des liens très étroits avec le Parti communiste chinois ou même Je suis sûr qu’il n’y
a rien concernant le massacre de Tian An Men sur TikTok, etc.
Des millions d’Américains suivent les quatre heures d’audition, sidérés par l’incompétence et l’agressivité de leurs supposés représentants
dont il apparait qu’ils sont missionnés pour interdire TikTok sous n’importe quel prétexte. Les utilisateurs de la plateforme postent le jour même des dizaines de millions de vidéos
exprimant autant de colère que de honte de leurs dirigeants pendant que des influenceurs de plusieurs millions d’abonnés demandent à leurs fans de contacter leurs sénateurs pour les
avertir qu’ils voteront contre eux si jamais l’interdiction de TikTok est finalement décidée. Au-delà de l’étalage de la bêtise des sénateurs qui n’était certes pas prévue mais qui
laissera des traces (en quelques heures, certains sont devenus célèbres à ce titre et ne s’en remettront sans doute pas), la question qui se pose est celle de la corruption des
congressistes. En effet, tout sonne faux dans la mise en scène du congrès prétendant défendre leurs citoyens, et il est patent que Meta (Facebook, Instagram et Whatsapp) est en
danger proportionnel au succès fulgurant de TikTok. Pour se débarrasser de son concurrent, il est hautement probable que Mark Zukerberg joue sur une frontière étroite entre lobbying et
corruption en utilisant une pitoyable xénophobie, à tel point que le ministère des affaires étrangères chinois a dû réagir.17
Ainsi, la suppression de TikTok sur le territoire américain ne se passe pas du tout comme prévu. À l’inverse des congressistes, le patron du réseau (qui a
dû rappeler à plusieurs reprises qu’il était Singapourien et pas Chinois) est jeune, élégant, brillant, clair, il s’exprime parfaitement et il est devenu un véritable héros chez les 150
millions d’abonnés pour avoir affronté des dinosaures agressifs, stupides et ignorants. Précisons pour finir que le succès du réseau est lié à sa grande liberté d’expression,
contrairement à Facebook ou YouTube où la censure est devenue systématique et brutale. Des millions d’américains publient des remerciements au jeune patron singapourien pour défendre le
1er amendement de la constitution américaine. Ainsi, même lors d’une opération programmée comme une simple formalité et destinée à exacerber une sinophobie latente, l’échec du pouvoir est
total : La réponse du peuple est un rejet de ses représentants18,
et une sympathie certaine pour un étranger venu d’Asie.
Sur tous les fronts, le gouvernement américain fait face aux désastres qu’il a lui-même provoqués et semble ne plus rien contrôler. À l’image de leur
président, ce vieillard à la démarche incertaine, au sens de l’orientation hasardeux et à l’expression pénible, les dirigeants américains avancent dans un bourbier général dont on ne voit
plus très bien comment ils pourraient sortir.
Pour le bien de l’humanité, il nous reste à espérer que l’enfoncement ait une accélération suffisante pour ne pas leur
laisser le temps d’une fuite en avant consistant à engager un nouveau conflit sur un nouveau front, et avec de nouvelles armes.
On s’abstiendra ici de commenter le choix du président français de se faire accompagner par la présidente de la commission européenne mais on peut espérer que ce ne soit pas
avec le projet de gagner en crédibilité.
L’ennemi public numéro 1 ? Pour les idiots atlantistes, ce ne sont pas les femmes mais, inévitablement, la Chine. Alors que faire pour la contrer ? Vous lui
donnez la Russie, le plus grand pays, riche en matières premières indispensables au développement de la Chine et à des prix super réduits. Génial ! Un truc de Yankee, sans doute. Mais il
ne suffit pas d’être aussi stupide. Il faut en faire plus pour conserver la première place dans le classement de la stupidité. C’est pourquoi vous donnez aussi à la Chine l’Asie centrale.
Puis le monde arabe. Et l’Afrique. Et l’Amérique latine.
Mais, consolation, la République tchèque a tourné le dos à Moscou et à la Chine. Ah bon, c’est bien, c’est parfait. C’est comme quand les clercs de la
désinformation italienne jubilaient parce que les sanctions contre la Russie avaient été votées par Saint-Marin et non par Pékin : c’est évidemment du 1 contre 1.
Mais voilà que les analystes, fans du pétomane de Washington, assurent que l’alliance entre Moscou et Pékin ne peut pas durer. Car les Russes n’acceptent
pas d’être colonisés. On ne voit pas pourquoi ils accepteraient d’être réduits au rang de serviteurs et de majordomes de Biden. Il est certain que la Russie s’affaiblit et a de moins en
moins d’influence sur les anciens pays soviétiques d’Asie centrale, à commencer par le Kazakhstan et l’Ouzbékistan. Ils tentent de jouer un jeu autonome entre l’Ouest et l’Est, mais se
retrouveront dépendants de Pékin et de son expansion dans la région.
Car la confrontation imposée par les atlantistes a divisé le monde. Et s’il est vrai que Pékin ne soutient pas militairement la guerre russe en Ukraine pour
ne pas rompre totalement ses relations commerciales avec l’Union européenne, il est vrai aussi que les intérêts chinois ne se limitent pas à la vente de quatre T-shirts supplémentaires et
d’une sauce tomate de qualité douteuse.
Le chemin de fer de la route de la soie, associé à la création d’un réseau de liaisons navales, avait des objectifs bien plus ambitieux. Si, pour obéir au
maître américain, les Européens devront réduire leurs échanges avec Pékin, il est clair que la Chine aura moins d’intérêt à entretenir de bonnes relations avec une Europe asservie. Et
elle sera contrainte de changer de cible, en resserrant toujours plus ses liens avec la Russie.
Dépassant, par la force des choses, toute rivalité avec Moscou. Pékin et Le Caire viennent d’annoncer de nouveaux investissements chinois en Égypte pour un
montant de 5 milliards de dollars. Mais cela ne refroidira pas les relations entre l’Égypte et la Russie.
D’un côté, donc, les espoirs absurdes de ceux qui veulent fermer les portes du commerce avec Pékin mais exigent de Xi Jinping qu’il oblige Poutine à se
retirer du Donbass, et peut-être même de la Crimée, afin d’envenimer définitivement les relations russo-chinoises. Et de l’autre, les majordomes européens qui ne savent pas comment se
rendre indépendants de Washington mais qui, au fond d’eux-mêmes, réalisent qu’une telle situation de dépendance conduira à un désastre complet pour le Vieux Continent. Mais ils vont quand
même vers la ruine de leurs propres peuples, pour le plus grand plaisir de rimbamBiden.
Nous voici donc face à une nouvelle
campagne de dénigrement du président Poutine (de manière assez ridicule), accusé d’être un « kidnappeur d’enfants ». Cette tactique n’est pas nouvelle. Elle est tirée du vieux
livre de jeu anglo-américain, d’abord affiné pour servir contre Slobodan Milosevic.
On semble toujours revenir à la même question : L’Europe a-t-elle bien réfléchi ? Là encore, la réponse probable est « non ». Il est plus probable
que la « frappe » contre le président Poutine ait été perçue plutôt comme une « optique » intelligente – l’image du mandat d’arrêt de la Cour pénale internationale
délivré à l’encontre de Poutine, avec un fonctionnaire allemand déclarant catégoriquement que l’Allemagne appliquera le mandat si Poutine se rend dans ce pays.
Ce « stratagème » pourrait s’avérer aussi contre-productif que la tentative d’effondrement de l’économie russe par le biais d’une guerre
financière. Il s’agit là d’un autre stratagème qui n’a pas fonctionné ! C’est donc maintenant au tour de la « guerre juridique » contre le président russe, au lieu de la guerre
financière.
Bien sûr, le mandat n’aboutira jamais, mais le raisonnement qui le sous-tend est assez clair : Les États-Unis ont déjà rejeté avec dédain la médiation du
président Xi entre l’Iran et l’Arabie saoudite, et ont catégoriquement rejeté l’appel antérieur de Xi en faveur d’un cessez-le-feu en Ukraine. La possibilité que Xi propose
unilatéralement un « accord » sur l’Ukraine alors qu’il se trouve à Moscou (en l’absence des États-Unis) terrifie une Maison Blanche fragile – cela ferait passer Biden pour
« faible ».
Il n’est pas certain que Xi ait une telle intention (pour le moment, de s’engager pleinement sur l’Ukraine), mais des déclarations et des accords
d’importance mondiale devraient émerger du sommet entre le président Xi et Poutine cette semaine. Et même s’il n’intervient pas sur l’Ukraine, le langage venant de Pékin – et directement
de Xi – est devenu acerbe envers les États-Unis, et leur utilisation abusive de l’Ukraine comme outil pour affaiblir la Russie. Une fois de plus, Biden est présenté comme
« faible », un « perdant » dans le grand jeu de la triangulation entre les États-Unis, la Russie et la Chine.
Si Xi ne se concentre même pas sur la guerre en Ukraine, l’image de la Chine et de la Russie s’unissant pour s’opposer à « l’ordre fondé sur des
règles » de Biden suffit à faire grincer des dents à Washington – au moment sensible où Washington espère un dernier coup de dés ukrainien, avec une sorte d’« offensive de
printemps » avant qu’il ne devienne trop évident que Kiev a épuisé ses effectifs et ses munitions – et que l’équipe Biden est obligée de « passer à autre chose ».
Nous en sommes donc là : un nouveau jet de « boue » sur le président Poutine (de manière assez ridicule) en tant que « kidnappeur
d’enfants » présumé. Cette tactique n’est pas nouvelle. Elle est tirée du vieux livre de jeu anglo-américain, d’abord affiné pour servir contre Slobodan Milosevic :
« La Russie s’est
engagée à poursuivre ses efforts de médiation entre l’OTAN et le président yougoslave Slobodan Milosevic, mais l’inculpation de ce dernier à la veille de la visite du [médiateur]
Tchernomyrdine a été dénoncée par la Russie – le journal Izvestia a noté qu’« il est impossible de s’entendre avec un criminel militaire recherché » et a affirmé que l’inculpation
annulerait la diplomatie de Tchernomyrdine. » (Washington Post,
28 mai 1999)
Soyons clairs : le plan de jeu pour la Yougoslavie consistait précisément à faire savoir que Milosevic était « le problème » et qu’une fois qu’il
serait parti, un arrangement serait facilement réalisable. Ce n’était pas vrai, bien sûr. La parole n’a pas été tenue. Le fait est que Milosevic est allé à La Haye et que la Yougoslavie a
été démembrée.
Naturellement, la Russie n’est pas la Yougoslavie. La Russie était particulièrement faible en 1999. Elle ne l’est plus aujourd’hui. Ni la Russie, ni la
Chine, ni les États-Unis (ni l’Ukraine) ne sont membres du Statut de Rome qui a créé la CPI (bien que l’Ukraine s’y intéresse). (Par ailleurs, à ce jour, les 44
personnes inculpées par la Cour sont toutes africaines ; la CPI s’est montrée réticente à enquêter sur les États occidentaux).
Personne en Russie ne prend donc cet acte d’accusation au sérieux, y voyant plutôt un signe avant-coureur du désespoir occidental.
Mais la Grande-Bretagne, elle, le prend manifestement au sérieux. C’est elle qui mène la danse, avec les États-Unis qui, une fois de plus, dirigent en
coulisse. Depuis quelques mois, des rumeurs font état de tentatives, l’année dernière, de la part des puissances occidentales, de mettre en place un tribunal spécial des Nations unies
pour juger les « crimes de guerre russes », mais ces efforts n’ont pas abouti, qu’il s’agisse d’un tribunal autonome ou, comme l’ont suggéré des responsables occidentaux, d’un
renvoi par l’Assemblée générale à la Cour de La Haye. Il n’y a eu ni soutien, ni consensus sur l’existence d’une base juridique pour une telle action.
Alors, s’il est juridiquement contestable, comment ce mandat d’arrêt a-t-il pu être délivré, compte tenu des doutes généraux exprimés par l’Assemblée
générale sur la validité de la délivrance par la CPI d’un mandat à l’encontre d’un chef d’État qui n’est pas membre du statut de Rome ou qui accepte sa compétence ?
Nous ne pouvons pas le dire avec certitude, mais l’homme qui a rédigé l’ordre d’arrestation est Karim Khan, un éminent avocat britannique, qui avait été
désigné par le Royaume-Uni pour le poste de procureur général. Il est le frère d’Imran Ahmad Khan, un politicien conservateur britannique qui a été reconnu
coupable d’actes sexuels sur des enfants l’année dernière.
Voici donc le point crucial « contre-productif » : Après la saisie des avoirs russes par l’Occident l’année dernière, et les menaces de saisir
tout l’or russe qu’ils trouveraient, de nombreux États non occidentaux ont revu le calcul des risques liés à la conservation de leurs réserves sous la garde de l’Occident. Il s’en est
suivi une fuite de l’or et des devises des juridictions occidentales.
La création d’une CPI sous un prétexte aussi peu convaincant – en l’absence de toute référence apparente à la Cour de la part d’une autorité compétente –
doit exposer de nombreux hommes politiques de haut rang en visite en Europe à un nouveau risque : celui d’une « guerre juridique » utilisée comme un bâton géopolitique contre
des gouvernements qui se sont opposés d’une manière ou d’une autre aux intérêts de l’Occident. Là encore, les États deviendront à juste titre plus prudents quant à toute interaction avec
les juridictions occidentales. La guerre juridique est à la mode – regardez ce qui se passe aux États-Unis
avec Trump et ses partisans. Avertissement !
Dans le cas du président Poutine, il ne s’agit pas de « pressions » ou d’intérêts occidentaux, mais d’un changement de régime pur et simple. Le
mandat est une menace directe contre un chef d’État. Sa principale conséquence est de saboter le climat de dialogue entre Moscou et Kiev. Zelensky n’a pas été avisé de mettre la
criminalité de guerre dès le départ sur la « table » politique.
La loi des conséquences involontaires : La classe dirigeante occidentale s’accroche à la conviction que Poutine peut être évincé (à la Milosevic). Les
médias britanniques semblent croire que les oligarques russes (pro-occidentaux) vont renverser Poutine, embarrassés par son inculpation pour « enlèvement d’enfants ». C’est
absurde ! Cette initiative n’a fait que renforcer le prestige de Poutine à l’extérieur de l’Occident, mais l’estimation du sens politique de l’Europe et sa compréhension de la Russie s’en
trouvent fortement diminuées.
On a coutume de dire que l’OTAN est prête à se battre « jusqu’au dernier ukrainien », mais les événements actuels tendent à faire évoluer le
conflit vers une guerre « jusqu’au dernier européen ». Le fait que les divers pays d’Europe soient en quasi-concurrence pour fournir les armes les plus meurtrières possibles à
l’Ukraine montre en effet que le conflit pour l’instant local va d’évidence se transformer en conflit régional sur l’ensemble de l’Europe, et très probablement mondial puisque les
États-Unis ne resteront bien entendu pas à l’abri.
Les escalades ont été nombreuses, régulières, et constantes. De la livraison de matériel défensif, on est vite passé au matériel offensif léger, puis
offensif lourd (chars et avions), et l’Angleterre annonce tranquillement maintenant livrer des munitions à uranium appauvri qui sont en fait des « munitions nucléaires ».
Qui parmi les hommes sains d’esprit peut imaginer que la Russie reste sans réagir ? Jusqu’à aujourd’hui sa réaction a été modérée, trop modérée pour
beaucoup. Malgré cela, les Ukrainiens subissent de très lourdes pertes qui ne sont compensables que par l’envoi de retraités et de très jeunes gens au front. Les mercenaires étrangers
également, très nombreux, sont lourdement frappés et il devient difficile à l’Ukraine de former de nouvelles unités pour remplacer celles détruites. Par ailleurs c’est un secret de
polichinelle que de nombreux militaires européens sortent officiellement de leurs armées pour s’engager dans les forces ukrainiennes. Ils sont donc comptabilisés comme « militaires
ukrainiens » mais sont en fait des militaires de l’OTAN.
Le fait est donc bien que la Russie n’est pas en guerre contre l’Ukraine, mais contre l’OTAN et c’est la raison essentielle pourquoi toutes nos armes ne
sont pas encore entrées en jeu. Beaucoup s’étonnent que les chars « Armata » par exemple ne soient pas encore intervenus. Patience, ça va venir. De même les missiles
hypersoniques sont actuellement utilisés avec parcimonie, réservés qu’ils sont pour frapper les pays de l’OTAN quand le moment sera venu.
La décision de la Cour pénale internationale d’ordonner l’arrestation du président Poutine n’a bien entendu pas été prise sans l’assentiment des pays
occidentaux, voire sous leur instruction directe. Ceci n’a aucune incidence sur les opérations militaires mais est très lourd de signification et de symbolisme : L’Europe s’attaque
directement à Vladimir Poutine, et donc à la Russie. Il ne s’agit donc plus maintenant de défendre l’Ukraine mais de détruire la Russie et, si ceci était parfaitement clair depuis le
début pour seulement les plus initiés, c’est maintenant clair pour tout le monde.
La Russie adapte donc ses actions en conséquence et on peut facilement devenir dans quelle direction : Vers l’Europe.
Vers l’Europe car les armes utilisées par l’Ukraine transitent toutes par l’Europe. On peut donc s’attendre à des frappes sur les lieux de stockage et sur
les lieux de production. Où qu’ils soient en Europe. Il est par exemple plus facile de détruire l’usine de Bourges en France qui fabrique les canons Caesar que de chercher ces canons
disséminés en Ukraine. Il est tout aussi facile de frapper massivement une base de stockage en Roumanie ou en Pologne plutôt que de chercher ensuite les chars sur le terrain en Ukraine et
les détruire un par un.
Ces frappes qui, si l’Angleterre envoie effectivement des « munitions nucléaires » à l’Ukraine, pourront être nucléaires de faible intensité
déclencheront bien entendu la fureur des gouvernements européens, sans exception. On constate aujourd’hui que même ceux qui, avant d’être élus, promettaient une position modérée, sont les
plus acharnés contre la Russie. La scène d’hystérie de la Première ministre italienne Meloni par exemple tourne en boucle sur internet… Il y aura donc une déclaration de guerre de l’OTAN
contre la Russie, et l’on verra alors le véritable état pitoyable des armées européennes que nous détruirons méthodiquement.
Une fois que le dernier militaire européen aura été mis hors d’état de nuire, les États-Unis auront du mal à poursuivre leurs attaques contre la Russie, à
moins de lancer des frappes nucléaires massives. Ceci est difficile à envisager puisqu’ils savent qu’ils seront détruits en retour. De plus, on constate depuis quelques mois de mystérieux
incendies et destructions de très nombreuses structures industrielles et énergétiques aux États-Unis. Croire que ceci est une série de coïncidences est une plaisanterie, et il est facile
de comprendre l’intérêt de ces destructions…
L’ancien président Dmitry Medvedeev le répète régulièrement, nous nous rapprochons à grands pas d’un conflit ouvert contre l’OTAN mais il semble que ses
déclarations soient ignorées voire méprisées par les dirigeants occidentaux. Ceci est une nouvelle erreur parmi les très nombreuses qu’ils ont commis depuis 2014, mais ce sera leur
dernière.
La seule et unique chance d’éviter la destruction de l’Europe serait que leurs peuples renversent les gouvernements en place. Mais à part la défense de
leurs petits intérêts corporatistes, ils ne sont capables de rien. Les Français se révoltent aujourd’hui contre la modification de l’âge de la retraite. Mais quelle importance une fois
que l’Europe et donc la France seront détruites ?
Après l’intégration – ou plutôt, selon les Occidentaux, l’annexion – de la Crimée par la Fédération de Russie en 2014, le mot d’ordre de la politique
étrangère occidentale était « on ne revient pas au business as usual ». Depuis le 24 février, la formule s’est transformée en « No Business at all » et l’Occident menace de sanctions tout
état ou toute personne qui entretiendrait malgré tout des relations avec la Russie. Les événements de ces derniers mois laissent toutefois planer le doute sur la capacité de l’Occident à
imposer au monde son point de vue. En effet, l’Europe occidentale est en perte de vitesse et va devoir apprendre à vivre avec son déplaisant voisin de l’Est.
En politique étrangère, les instruments de lutte diplomatiques et économiques de l’Occident se sont avérés insuffisants contre la Russie. En outre, un grand
nombre d’états contestent le leadership revendiqué par le président américain Joe
Biden lors de la campagne électorale. Une résistance se fait jour après trois décennies passées à décréter qu’un pays qui déplaît est un état-voyou et mérite des sanctions. La
revendication d’un monde multipolaire constitue une réponse à la domination exercée par l’Occident depuis la chute de l’Union soviétique.
L’Occident en mal
d’arguments
L’indignation de l’Occident face à l’intervention russe en Ukraine peut s’expliquer en partie par le fait que les Russes ont utilisé, dans le cas de la
Crimée et du Donbass, les mêmes arguments que ceux invoqués par l’Occident pour justifier ses diverses interventions au cours des trois dernières décennies : cette argumentation repose
notamment sur le droit à la sécession revendiqué au nom des populations russophones du sud et de l’est de l’Ukraine par opposition à celui exprimé par les Albanais du Kosovo dans
l’ex-Yougoslavie1.
À cela s’ajoute la notion de responsabilité de protection (Responsibility to
Protect) ou d’intervention humanitaire, qui avait également été avancée dans le contexte du Kosovo, mais aussi de l’intervention occidentale en Libye2.
La faiblesse de l’argumentation occidentale est accentuée par le fait que dans le cas de la Serbie en 1999 et de l’Irak en 2003, les justifications avancées
pour l’intervention militaire se sont ultérieurement révélées sans fondement. L’existence du « Plan fer à cheval » demeure controversée et la thèse des armes de destruction massive
irakiennes s’est avérée être un mensonge3.
Dans le domaine de la sécurité, l’Occident s’est également vu tendre un miroir réfléchissant. Depuis février de cette année, la Russie argue de la nécessité d’une attaque préemptive
contre l’Ukraine, au motif de parer à d’imminentes frappes ukrainiennes dirigées contre les républiques populaires sécessionnistes de Donetsk et de Lougansk. C’est en 2002 que le terme
d’attaque préemptive a été utilisé pour la première fois par le président américain de l’époque, George W.
Bush, devant le Congrès. Moscou a toujours justifié son opposition à l’élargissement de l’OTAN vers l’Est en invoquant l’indivisibilité de la sécurité, stipulée dans le document
final d’Helsinki4. Bien
entendu, l’Occident réfute toute argumentation de la Russie : ces événements n’ont rien à voir les uns avec les autres. Cette affirmation peut satisfaire une partie des Occidentaux. Il
existe cependant des tenants d’une conception égalitaire du droit international, plus enclins à adopter le point de vue russe. Il s’agit notamment de pays qui ont déjà été victimes
d’interventions occidentales ou qui se sentent menacés. Il n’est pas question ici de commenter ou même d’évaluer les arguments des parties en présence. Décider aujourd’hui de qui croit
quoi relève plus souvent de convictions idéologiques que de l’analyse objective des faits.
Pour la dixième fois déjà, le gouvernement russe a organisé à la mi-août à Moscou sa traditionnelle conférence sur la sécurité, bien évidemment assombrie
par la guerre en Ukraine. À cet égard, le tableau des origines des intervenants à cette conférence est éloquent5 :
la majorité des pays d’Asie et d’Amérique latine y ont participé, ainsi que la moitié des pays africains. La participation de certains pays d’Europe occidentale est à cet égard
intéressante, bien que du côté américain, on ait certainement tout fait, comme les années précédentes, pour l’empêcher. L’affluence de participants venus du monde entier est d’autant plus
significative qu’elle survient alors que la Russie est activement engagée dans la guerre. La Russie est et reste un acteur important de la politique mondiale et même les pays qui ne
cautionnent pas totalement les agissements de la Russie en Ukraine souhaitent rester en contact avec Moscou. L’Occident et plus particulièrement l’Europe perdent par contre de leur
influence. La Russie peut donc se demander pourquoi elle devrait se soumettre à la volonté d’une Europe dont l’importance est en baisse.
Économie et
géoéconomie
En 2015, lors d’un séminaire au George C. Marshall
Center, l’attaché allemand à la Défense alors en poste en Russie, le brigadier-général Schwalb, montrant l’image d’une peau d’ours sur un mur, fit remarquer que l’Occident
pouvait clouer la Russie au mur sans délai rien qu’en recourant aux moyens économiques6. Sept
ans plus tard, son pronostic ne s’est toujours pas réalisé. C’est sans doute grâce à cette même certitude de la supériorité économique absolue de l’Occident que l’on a pu prédire,
jusqu’en février dernier, que la Russie n’attaquerait pas l’Ukraine. En ce qui concerne l’efficacité de la géoéconomie, il faut dire que ces dernières années, l’Occident s’est
considérablement surestimé.
Compte tenu de l’énorme impact économique et du risque politique d’une guerre, la géoéconomie devrait, selon les théories d’Edward N. Luttwak, remplacer la
guerre conventionnelle7. La
mise en œuvre d’une stratégie géoéconomique prometteuse s’appuie obligatoirement sur une économie forte et performante. Jusqu’à présent, l’économie russe semble avoir eu l’envergure et la
cohérence permettant de résister à la géoéconomie occidentale. Dès lors qu’un des protagonistes souhaite élargir sa base économique, cela peut aller jusqu’à impliquer dans un conflit des
États jusque-là non concernés – et notamment la Suisse, l’un des grands acteurs de l’économie mondiale. En mars dernier, la joie des commentateurs occidentaux consécutive à la
dépréciation de la devise russe a été de courte durée8. Manifestement,
la banque centrale russe est alors intervenue avec une grande efficacité et a rapidement stabilisé le rouble. Même la soi-disant bombe atomique économique, c’est-à-dire l’exclusion de la
Russie du système SWIFT, n’a pas entraîné l’effondrement du système économique et financier russe.
Dans le cas de la Russie, les sanctions économiques et politiques n’ont pas eu l’effet escompté. Si d’autres conflits éclatent à l’avenir avec des pays qui
bénéficient du soutien de la Russie, de la Chine ou d’autres outsiders de la politique mondiale, l’Occident devra avoir recours à des moyens militaires plus rapidement que par le passé.
Le déclin de l’Occident passera par la violence.
La crise des années 90 en
Russie
On entend souvent dire que Vladimir
Poutine veut restaurer l’Union soviétique. Un retour au communisme n’est certainement pas envisageable pour de nombreux secteurs de la société russe. Le Parti communiste russe
peine à réunir une majorité et son électorat vieillit. Mais un retour à un capitalisme sauvage, tel qu’on l’a vu en pratique du temps du libéralisme pratiqué sous le gouvernement de Boris
Eltsine n’est clairement plus d’actualité. Le souvenir de la crise du rouble est encore trop présent dans les mémoires, lorsque la dramatique chute du rouble a privé de nombreuses
personnes des économies de toute une vie de travail. Cela a été le cas non seulement pour bien des gens en Russie, mais aussi en Ukraine et dans d’autres républiques de l’ex-Union
soviétique. Les figures de proue de l’expérience libérale, connues sous le nom de «jeunes réformateurs», sont aujourd’hui très impopulaires en Russie. Il s’agit notamment
de Egor
Gaïdar, de Boris
Nemtsov, de Sergueï
Kiriyenko, de Anatoli
Tchoubaïs et de bien d’autres9.
Ceux qui veulent ignorer ce qui s’est passé en Russie dans les années 90 ne pourront pas comprendre la Russie d’aujourd’hui. La génération qui garde en
mémoire les désastreuses années 90 s’opposera par tous les moyens à ce que la Russie redevienne ce qu’elle était alors : un pays qui bradait ses matières premières à des prix dérisoires,
tout comme les unités de production correspondantes, mais qui n’avait par ailleurs rien à dire sur la scène politique internationale. C’est pourquoi le général Ben Hodges, l’ancien
commandant en chef des forces américaines en Europe, s’est montré particulièrement maladroit lorsqu’il a déclaré, à l’occasion d’une manifestation de l’OSCE à Vienne, qu’il souhaitait
revoir une coopération avec la Russie semblable à celle des années 9010 Ce
genre de coopération est voué au rejet.
Aujourd’hui, nombreux sont ceux qui, dans l’ancienne Union soviétique, souffrent de voir les Russes se battre contre les Ukrainiens, les Azerbaïdjanais
contre les Arméniens, les Tadjiks contre les Kirghizes, etc. C’est précisément dans l’optique de résoudre les conflits dans cette région que la Communauté des États indépendants a été
créée en 1991, mais elle fait malheureusement aujourd’hui figure de parent pauvre, de destination de fin de carrière pour les diplomates vétérans. Mais l’Europe s’est engagée dans une
confrontation avec un pays bien décidé à ne pas se soumettre une nouvelle fois. Il faut donc trouver un nouveau modus vivendi.
Une Europe divisée sur la communauté
des valeurs
La communauté de valeurs que l’Europe considère comme étant la sienne est divisée et l’UE aura du mal à rester unie. C’est précisément dans les questions
relatives à l’intégration du genre que se creuse le fossé entre l’Est et l’Ouest : Certains Etats d’Europe de l’Est ne sont pas disposés à suivre cette tendance sans hésitation11. Les
rapports idéologiques de la guerre froide se trouvent alors inversés : Alors qu’à l’époque, le communisme à la soviétique était hors de question pour les pays d’Europe de l’Ouest,
l’opinion publique de plusieurs pays occidentaux penche désormais plutôt en faveur de l’idéologie du prétendu adversaire russe. En effet, dans plusieurs pays d’Europe de l’Est, les «
nouvelles valeurs » ne font pas plus l’unanimité ici qu’en Russie. En promouvant agressivement leur idéologie LGBTI+, les fanatiques woke d’Europe de l’Ouest et du Nord pourraient forcer
les gouvernements d’Europe de l’Est à se prononcer clairement et à diviser leur propre communauté de valeurs.
L’Europe a jeté l’éponge devant une société bien décidée à préserver son Way of Life. À cela s’ajoute le fait qu’en Russie, on considère que les Européens
sont incapables de défendre leurs valeurs. D’un autre côté, la Russie n’est plus un goulag, comme à l’époque de la répression de Staline. Les citoyens russes peuvent entrer et sortir
librement du pays. Chaque année, on compte en Russie un solde positif de plus d’un million d’immigrants par rapport aux émigrants quittant le pays12. Cela
crée d’une part un véritable exutoire social et montre d’autre part que la vie en Russie n’est pas aussi épouvantable qu’on veut parfois nous le faire croire.
Le handicap géostratégique de la
Russie
L’importance globale de l’agriculture russe a clairement été mise en évidence dans le cadre du conflit ukrainien. En Russie, le triangle Saint-Pétersbourg –
Irkoutsk – Rostov-sur-le-Don est propice à l’agriculture. Cela coïncide également avec la répartition de la population en Russie : Plus de 80% de la population russe vit dans la partie
européenne du pays, à savoir dans le quadrilatère Saint-Pétersbourg – Ekaterinbourg – Tcheliabinsk – Rostov-sur-le-Don13.
La majeure partie de la population de la Sibérie vit dans le sud de cette région.
Et c’est précisément dans les plaines d’Europe de l’Est que se trouve le passage ouvert vers le territoire russe. La plupart des autres régions frontalières
ne sont pas adaptées au déploiement de puissantes unités de forces conventionnelles. Le territoire russe n’est en fait accessible que dans les pays baltes et la plaine d’Europe de l’Est.
Un second passage d’accès se situe en Extrême-Orient: à l’est de la ligne Heihe-Tengchong en Chine, il y aurait des possibilités d’attaque contre le territoire russe. Mais qui aiderait la
Russie à défendre sa région d’Extrême-Orient si elle entrait en confrontation avec la Chine ? La Russie a bien conscience de son désavantage géostratégique. Le sentiment latent de
vulnérabilité qu’entretient l’élite politique russe provient de ce désavantage.
La réorganisation de l’Europe de
l’Est
Avec l’effondrement de l’Union soviétique et l’indépendance de ses républiques, des millions de personnes se sont soudainement retrouvées après 1991 dans un
pays dont elles ne maîtrisaient pas la langue officielle et ont reçu des passeports d’un état pour lequel elles éprouvaient une estime très modérée. Ce problème n’a toujours pas été
résolu. Le Kazakhstan et la Biélorussie sont tout de même parvenus à reconnaître deux langues officielles. La Russie et le Kazakhstan sont les seuls pays de l’ancienne Union soviétique à
se considérer comme un empire multiethnique. Tous les autres mènent une politique de nationalisme plus ou moins marquée. Le conflit qui sévit en Ukraine pourrait facilement se reproduire
ailleurs.
En fait, même dans le cas de l’Ukraine, l’introduction du russe comme deuxième langue officielle ne constituerait pas une exigence inacceptable. La
Belgique, la Finlande, l’Irlande, le Luxembourg et la Suisse utilisent également plusieurs langues officielles, sans que l’unité de l’État en soit pour autant menacée. Mais la majorité
des pays membres de l’UE sont unilingues et nombre d’entre eux ont eu par le passé des difficultés à gérer leurs minorités nationales14. Jusqu’à
présent, l’UE a fait bien peu pour protéger les droits de la minorité russe dans les républiques baltes15. L’autodétermination
linguistique des régions russophones de l’est de l’Ukraine, telle qu’elle était formulée dans le paquet de mesures adopté lors des accords de Minsk, n’a donc jamais, en plus de huit ans,
été mise en œuvre.
L’autre élément qui a fait échouer l’application des accords de Minsk est l’article sur la fédéralisation du pays. Cette notion a été interprétée par les
politiciens et les oligarques ukrainiens comme un passe-droit pour la création de petits royaumes. L’oligarque Rinat
Akhmetov s’est probablement félicité que le Donbass soit devenu ce genre de royaume, et Ihor
Kolomojskyj avait sans doute lui aussi des intentions similaires pour sa ville natale de Dnipro/Dniepropetrovsk. En compagnie de son gouverneur désigné Gennadyi
Korban à Dnipro, tout comme Evgeniy
Muraev et Vadim
Rabinovich à Kharkov, ils sont de potentiels candidats au trône. Ce sont éventuellement là des personnalités qui, à moyen terme, feront sortir les oblasts de Dnipro et de
Kharkov de la voie sécessionniste.
Dans l’ensemble, l’Ukraine sortira de la guerre actuelle affaiblie sur le plan financier, économique, démographique et infrastructurel. C’était sans doute
là l’un des objectifs de la guerre dans son ensemble ainsi que l’arrière-plan de la déclaration du président russe Poutine selon laquelle il s’agissait de garantir la sécurité militaire
de la Russie sur une période de deux à trois générations.
Trafic d’armes et
stabilité
En ce qui concerne la corruption et le trafic d’armes, les rapports selon lesquels 60 à 70% des armes livrées par l’Occident disparaissent dans le bourbier
de la corruption ukrainienne sont vraisemblablement dignes de foi. En septembre 2014, Arsen Avakov, alors ministre de l’Intérieur, a littéralement fait « sauter » une délégation de l’OSCE
à Kiev16. A
l’époque, l’OSCE s’était inquiétée de la fourniture d’armements, échappant à tout contrôle et provenant de toutes sortes de dépôts, aux formations de volontaires nouvellement créées en
Ukraine ; elle avait donc proposé au gouvernement ukrainien la mise en place d’un logiciel permettant leur enregistrement. Bien que cette méthode ait déjà fait ses preuves dans d’autres
pays, le ministère de l’Intérieur ukrainien se montra peu intéressé. On peut spéculer sur les raisons de cette attitude. À l’époque, les bataillons de volontaires encore en formation «
achetaient » leur équipement. Les multiples éléments d’uniforme occidentaux qu’on pouvait voir dans l’est de l’Ukraine ces années-là n’en étaient qu’une infime partie.
Cette absence de contrôle des armements n’était peut-être alors pas involontaire. Or, on a assisté ces derniers mois à un afflux sans précédent d’armes et
de munitions en Ukraine, et il est à craindre qu’il n’y ait guère plus de contrôle sur leur destination. Toutefois, il ne s’agit plus aujourd’hui uniquement d’armes de poing, mais d’armes
lourdes conçues pour contrer les chars et les avions. L’Europe pourrait très bientôt être le théâtre d’attentats perpétrés avec des armes de guerre occidentales. Les extrémistes
politiques et le crime organisé peuvent les utiliser à leurs propres fins dans un avenir proche et déstabiliser toute la moitié orientale de l’Europe. Les pays d’Europe de l’Est devront
payer le prix de cette politique irréfléchie.
Conclusion
Aujourd’hui, l’Occident n’est plus en mesure de rallier d’autres pays à ses vues, ni même de les forcer à les adopter. Le bloc ne peut actuellement
maintenir sa cohésion qu’en jouant sur la peur qu’inspire la Russie. Par ailleurs, un certain consensus prévaut en Russie pour éviter toute nouvelle subordination à l’Occident, qui ne
jouit de toute façon pas d’un grand prestige. Aucun revirement de la politique russe ne se profile à l’horizon. Il n’est pas encore certain que l’UE puisse financer la reconstruction de
l’Ukraine, le développement de l’Europe de l’Est et une vague de réarmement. Ce qui est douteux au vu de l’actuel contexte économique.
Au cours des années, voire des décennies à venir, la géopolitique occidentale va contraindre la Russie à chercher à déstabiliser ses voisins d’Europe de
l’Est afin d’éviter qu’ils ne constituent une base solide pour une attaque dirigée contre elle. L’Europe de l’Est, en proie à une corruption rampante, offre un terrain favorable à ce type
de projet et, disposant d’un armement conséquent, également les moyens. La Russie est suffisamment intégrée dans la communauté internationale pour pouvoir se permettre de mener une
politique agressive à l’égard de l’Europe et les sanctions ne pourront guère l’en dissuader. Parallèlement, la politique étrangère occidentale devient plus agressive, voire presque
militariste.
L’Ukraine ainsi que les tenants d’une ligne dure en Occident freineront toute tentative d’établir un modus vivendi avec la Russie. L’Occident ne sera pas en
mesure d’imposer les modalités de ce dialogue.
Global times, le tabloïd officiel de la Chine a publié cette opinion signée par Marco Fernandes, cela veut non seulement dire que la Chine s’y intéresse
mais que les Chinois la trouvent pertinente par rapport à leur propre analyse. Traduisons : non seulement les Chinois pensent que la victoire de l’OTAN et des USA ne serait pas bonne pour
la paix et l’équilibre de la planète, mais ils considèrent que les Russes vont gagner parce que déjà s’est mis en place une organisation économique et politique qui contourne l’hégémonie
des États-Unis et de l’occident. Il est clair mais nous y reviendrons demain que les choix économiques sont conçus y compris pour faire face non seulement à l’agressivité des États-Unis
mais à leur effondrement.
Danielle
Bleitrach
***
par Marco Fernandes
- Le 15/03/2023.
Les deux principaux outils des États-Unis et de leurs alliés pour écraser les pays qui osent défier leur hégémonie sont leurs forces armées et leurs
sanctions économiques. Depuis la fin de la guerre froide en 1991, les États-Unis ont mené 251 interventions militaires (contre 218 opérations au cours des 200 années précédentes). Mais
avec l’OTAN, les États-Unis se sont habitués à envahir et à dévaster des pays avec peu de capacité de défense militaire, comme l’Irak, l’Afghanistan, la Libye et la Syrie. Cependant, ils
n’ont pas été en mesure de contrôler ces pays. Quelque chose de similaire se produit dans le cas des sanctions : plus de 20 pays sont actuellement sous sanctions de la Maison Blanche, et
certains des pays les plus fragiles ont vu leur économie anéantie, comme le Venezuela, Cuba, l’Irak et le Zimbabwe. Bien que l’objectif du « changement de régime » ait rarement été
atteint, le résultat est toujours tragique pour le peuple. Aucune de ces tactiques n’a fonctionné contre la Russie.
Les forces armées russes sont puissantes et bien entraînées, et sa capacité industrielle est immense. Le pari occidental de fournir des armes à l’Ukraine –
bien que très rentable pour l’industrie de guerre américaine – commence déjà à se heurter au manque de capacité industrielle des pays de l’OTAN. Au cours des quatre premiers mois du
conflit, la Russie a utilisé plus de missiles que les États-Unis ne sont capables de produire en un an.
Selon une étude du Center for Strategic International Studies, le stock de missiles américains est déjà faible. L’appel récent du chancelier allemand Olaf
Scholz aux pays d’Amérique latine pour qu’ils envoient des munitions à l’Ukraine – unanimement refusé par les présidents de la région – montre des signes des difficultés croissantes de
l’OTAN.
Selon l’Ukraine Support Tracker, environ 143,6 milliards de dollars (au 15 janvier 2023) ont déjà été affectés à l’Ukraine, dont 44,3 milliards de dollars
pour des armes déjà envoyées ou financées par les États-Unis. Depuis la guerre du Vietnam, le complexe militaro-industriel américain n’a pas gagné autant d’argent, mais le mois dernier,
la Maison Blanche elle-même a averti que ses ressources pour soutenir l’Ukraine ne sont pas infinies.
Jamais auparavant dans l’histoire un pays n’a subi autant de sanctions que la Russie, qui en est la cible par des milliers. Même avec plus de 300 milliards
de dollars de ses réserves internationales gelées – peut-être le plus grand vol « légalisé » de l’histoire – en plus de subir de sévères restrictions commerciales et
financières, l’économie russe a été moins touchée que ce à quoi l’Occident s’attendait. Son PIB n’a reculé que de 2,2% en 2022, une sorte d’exploit pour un pays dans ces
conditions.
Cible de sanctions depuis 2008, la Russie préparait déjà des anticorps économiques pour se défendre contre de nouvelles attaques. Mais surtout, on ne peut
pas facilement dévaster un pays qui possède une énorme quantité de ressources naturelles stratégiques, produit beaucoup de nourriture et d’engrais, et possède une industrie aussi
puissante.
En outre, le petit nombre de pays qui appliquent aujourd’hui des sanctions contre la Russie (alliés des États-Unis) ne représente que 25% du PIB mondial.
Les 75% restants veulent ou doivent commercer avec les Russes.
La Chine, par exemple, a augmenté son commerce avec la Russie de 34,3% depuis 2022 (à 190 milliards de dollars), tandis que l’Inde est devenue le plus grand
acheteur de pétrole russe et a presque quintuplé son commerce avec le pays eurasien au cours de la dernière année. Les trois pays sont partenaires des BRICS et de l’Organisation de
coopération de Shanghai, les piliers d’un mouvement croissant de pays du Sud à la recherche d’une plus grande voix dans la détermination de leur avenir et de celui de la planète.
L’European Council of Foreign Relations vient de publier un sondage sur l’opinion publique dans les pays de l’axe États-Unis-Europe, plus la Chine, l’Inde,
la Russie et la Turquie (membre de l’OTAN). Même après un an d’une campagne médiatique occidentale constante pour diaboliser la Russie, la plupart des habitants de ces quatre pays du sud,
soit environ trois milliards de personnes, veulent que la guerre se termine le plus tôt possible, même si cela signifie accepter le contrôle russe du territoire qui appartenait auparavant
à l’Ukraine.
En outre, 80% des Indiens, 79% des Chinois et 69% des Turcs pensent que la Russie est un « allié » ou un « partenaire nécessaire », la
plupart des Indiens considérant les Russes comme des « alliés », tandis que la plupart des Turcs les considèrent comme des « partenaires nécessaires ».
La plupart des pays africains n’ont pas oublié le rôle de l’Union soviétique dans leurs luttes anticoloniales contre les puissances européennes et
entretiennent d’excellentes relations économiques et politiques avec Moscou à ce jour. L’année dernière, le président ukrainien Volodymyr Zelensky a tenté de convoquer une réunion avec
l’Union africaine, mais seuls quatre pays se sont présentés.
À ce stade, l’offensive des États-Unis et de leurs alliés contre la Russie a accru la prise de conscience parmi les pays du Sud qu’il est nécessaire de
renforcer les initiatives régionales et mondiales qui ne sont « pas alignées » avec l’hégémonie occidentale.
Sans surprise, de plus en plus de pays ont créé des mécanismes alternatifs à l’utilisation du dollar américain – si souvent utilisé par Washington comme une
« arme de destruction massive ». La Chine a déjà conclu des accords pour l’utilisation des monnaies locales avec environ 25 pays, et les pays des BRICS étudient la mise en œuvre d’un
mécanisme qui leur permettrait de contourner le dollar. Plus de 20 pays ont déjà exprimé leur intérêt à rejoindre l’OCS ou les BRICS au cours des derniers mois.
Dans un récent élan de sincérité, le président français Emmanuel Macron a déclaré qu’il était choqué par la perte de crédibilité de l’Occident dans les pays
du Sud. Mais il y a quelques jours, il a lui-même choqué le monde en critiquant avec arrogance le président de la République démocratique du Congo devant les caméras de télévision.
L’attitude du président français révèle un profond paternalisme, de Washington à Bruxelles, façonné par des siècles de colonialisme et d’impérialisme. Certaines choses ne changent jamais,
mais le monde a définitivement besoin et commence à façonner un nouvel ordre.
Un an après le début de la guerre, où en est-on du rapport de forces sur le terrain ?
Peut-on espérer la fin rapide des combats ?
Comment expliquer la politique étrangère européenne ?
Volodymyr Zelinsky est-il souverainiste ?
Pierre-Yves Rougeyron a répondu à nos questions.
Il est le fondateur du club Aristote, directeur de la revue Perspectives libres, chroniqueur pour la revue « Front Populaire » l’auteur du livre « Enquête sur la loi du 3 janvier 1973 ».
Ils ne l’ont pas fait. Ils avaient d’autres buts !
L’Occident est maintenant confronté à la tâche de désamorcer la mine antipersonnel sur la conviction de son propre électorat d’une « victoire » ukrainienne
et de l’humiliation russe.
« Je n’ai plus
d’habilitation et je n’ai pas eu accès aux évaluations classifiées des renseignements. Cependant, j’ai entendu dire que les renseignements finis fournis aux décideurs politiques des
États-Unis continuent de déclarer que la Russie est dans les cordes – et que son économie s’effondre. En outre, les analystes insistent sur le fait que les Ukrainiens battent les
Russes ».
Johnson répond que – faute de sources humaines valides – « les agences
occidentales dépendent presque entièrement aujourd’hui des « rapports de liaison » » (c’est-à-dire des services de renseignement étrangers « amis »), sans faire de « diligence
raisonnable » en recoupant les écarts avec d’autres rapports.
En pratique, cela signifie en grande partie que les reportages occidentaux ne font que reproduire la ligne de relations publiques de Kiev. Mais il se pose
un énorme problème lorsque l’on associe la production de Kiev (comme le dit Johnson) aux rapports britanniques – pour la « corroboration ».
La réalité est que les rapports britanniques eux-mêmes sont également basés
sur ce que dit l’Ukraine. C’est ce qu’on appelle une fausse garantie,
c’est-à-dire lorsque ce qui est utilisé pour la corroboration et la validation provient en fait de la même source unique. Il devient – délibérément – un multiplicateur de
propagande.
En clair, cependant, tous ces points sont des « harengs
rouges ». Franchement, le soi-disant « renseignement » occidental n’est plus la tentative sincère de comprendre une réalité complexe, mais plutôt, il est devenu l’outil pour
falsifier une réalité nuancée afin de tenter de manipuler la psyché russe vers un défaitisme collectif (en ce qui concerne pas seulement à l’Ukraine, mais à l’idée que la Russie doit
rester un tout souverain).
Et – dans la mesure où des « mensonges » sont fabriqués pour habituer le public russe à une défaite inévitable – le revers de la médaille est clairement
destiné à former le public occidental à la « Pensée de groupe » selon laquelle la victoire est
inévitable. Et que la Russie est un « empire maléfique non réformé » qui menace toute l’Europe.
Ce n’est pas un hasard. C’est très utile. C’est la psychologie comportementale au travail. La désorientation « tournant la tête » créée tout au long de la
pandémie de Covid ; la pluie constante d’analyses de modèles « axées sur les données », l’étiquetage de tout ce qui critique la « messagerie uniforme » comme de la désinformation
antisociale – a permis aux gouvernements occidentaux de persuader leurs citoyens que le « confinement » était la seule réponse rationnelle au virus. Ce n’était pas vrai (comme nous le
savons maintenant), mais l’essai « pilote » de psychologie comportementale du coup de pouce a mieux fonctionné – mieux même que ses propres architectes ne l’avaient imaginé.
Le professeur de psychologie clinique, Mattias Desmet, a expliqué que la désorientation de masse ne se forme pas dans le vide. Elle naît, tout au long de l’histoire, d’une psychose collective qui a suivi un
scénario prévisible :
Tout comme pour l’enfermement, les gouvernements ont utilisé la psychologie comportementale pour instiller la peur et l’isolement afin de rassembler de
grands groupes de personnes en troupeaux, où le ricanement toxique à l’égard de toute contradiction supplante toute pensée critique ou analyse. Il est plus confortable d’être à
l’intérieur du troupeau qu’à l’extérieur.
La caractéristique dominante est la loyauté envers le groupe, même lorsque la politique fonctionne mal et que ses conséquences perturbent la conscience des
membres. La loyauté envers le groupe devient la forme la plus élevée de moralité. Cette loyauté exige de chaque membre qu’il évite de soulever des questions controversées, de remettre en
question les arguments faibles ou de mettre un terme aux vœux pieux.
La « Pensée de groupe » permet à une réalité imaginée par l’individu de se détacher, de s’éloigner de plus en plus de tout lien avec la réalité, puis de
sombrer dans l’illusion, en s’appuyant toujours sur des pairs qui partagent les mêmes idées pour la valider et la radicaliser.
C’est donc « l’adieu » à l’intelligence traditionnelle ! Et bienvenue à l’intelligence occidentale 101 : la géopolitique ne tourne plus autour de la
compréhension de la réalité. Il s’agit de l’installation d’un pseudo-réalisme idéologique – qui est l’installation universelle d’une « Pensée de groupe » singulière, telle que tout le
monde vit passivement avec elle, jusqu’à ce qu’il soit bien trop tard pour changer de cap.
À première vue, cela peut sembler astucieux, voire « cool ».
Mais ce n’est pas le cas. C’est dangereux. En travaillant délibérément sur des peurs et des traumatismes profondément ancrés (par exemple la Grande Guerre Patriotique pour les Russes
(WW2)), elle réveille dans l’inconscient collectif un type de détresse existentielle multigénérationnelle – celle de l’anéantissement total – qui est un danger auquel les Etats-Unis n’ont
jamais été confrontée et à l’égard duquel les Etasuniens ne font preuve d’aucune compréhension empathique.
Peut-être qu’en ressuscitant de longues mémoires collectives de la peste dans les pays européens (comme l’Italie), les gouvernements occidentaux ont
découvert qu’ils étaient capables de mobiliser leurs citoyens autour d’une politique de coercition qui, autrement, allait totalement à l’encontre de leurs propres intérêts. Mais les
nations ont leurs propres mythes et leurs propres mœurs civilisationnelles.
Si tel était l’objectif (acclimater les Russes à la défaite et à la balkanisation finale), la propagande occidentale a non seulement échoué, mais elle a
réalisé l’inverse. Les Russes se sont rapprochés les uns des autres pour faire face à une menace occidentale existentielle – et sont prêts à « aller jusqu’au mur », si nécessaire, pour la
vaincre. (Qu’on en juge par ces implications).
D’autre part, la promotion erronée d’une image de succès inévitable pour l’Occident a inévitablement suscité des attentes d’un résultat politique qui non
seulement n’est pas réalisable, mais qui s’éloigne de plus en plus à l’horizon, car ces affirmations fantastiques de revers russes persuadent les dirigeants européens que la Russie peut
accepter un résultat conforme à la fausse réalité qu’ils ont construite.
Un autre « but contre son
camp » : L’Occident doit maintenant désamorcer la mine antipersonnel que représente la conviction de son propre électorat d’une « victoire » de l’Ukraine, ainsi que de l’humiliation et de la
décomposition de la Russie. Il s’ensuivra une colère et une méfiance accrues à l’égard des élites occidentales. Le risque existentiel survient lorsque les gens ne croient rien de ce que
disent les élites.
En clair, ce recours à d’habiles « théories du coup de pouce » n’a réussi qu’à rendre toxique la perspective d’un discours politique. Ni les États-Unis ni
la Russie ne peuvent désormais passer directement au discours politique pur :
Tout d’abord, les parties doivent inévitablement parvenir à une assimilation psychologique tacite de deux réalités totalement déconnectées, désormais
transformées en êtres palpables et vitaux grâce à ces techniques d’« intelligence » psychologique. Aucune des parties n’acceptera la validité ou la justesse morale de l’autre réalité,
mais son contenu émotionnel doit être reconnu psychiquement – ainsi que les traumatismes qui le sous-tendent – si l’on veut débloquer la politique.
En bref, ces opérations psychologiques occidentales exagérées risquent de prolonger la guerre jusqu’à ce que les faits sur le terrain finissent par
rapprocher les attentes divergentes de ce qui pourrait être le « nouveau possible ». En fin de compte, lorsque les réalités perçues ne peuvent être « appariées » et nuancées, la guerre
rend l’une ou l’autre plus émolliente.
La dégénérescence du renseignement occidental n’a pas commencé avec la récente « excitation » collective face aux possibilités de la « psychologie du coup
de pouce ». Les premiers pas dans cette direction ont commencé par un changement d’éthique remontant à l’ère Clinton/Thatcher, au cours de laquelle les services de renseignement ont été «
néolibéralisés ».
Le rôle d’« avocat du diable » – qui consiste à apporter de « mauvaises nouvelles » (c’est-à-dire un réalisme à toute épreuve) aux dirigeants politiques
concernés – n’était plus valorisé ; au lieu de cela, on a assisté à un changement radical vers la pratique de l’« école de commerce », les services étant chargés d’« ajouter de la valeur
» aux politiques gouvernementales existantes et (même) de créer un système de « marché » dans le domaine de l’intelligence !
Les responsables politiques ont exigé de « bonnes nouvelles ». Et pour que « ça colle », le financement a été lié à la « valeur ajoutée » – les
administrateurs compétents en matière de gestion de la bureaucratie ayant été promus à des postes de direction. Cela a marqué la fin de l’intelligence classique, qui a toujours été un art
plutôt qu’une science.
En bref, c’était le début de la fixation du renseignement autour des politiques (pour ajouter de la valeur), plutôt que la fonction traditionnelle
d’élaboration des politiques sur la base d’une analyse solide.
Aux États-Unis, la politisation du renseignement a atteint son apogée avec la création par Dick Cheney d’une unité de renseignement Equipe « B » qui lui
était personnellement rattachée. Cette unité était destinée à fournir l’anti-intelligence nécessaire
pour lutter contre les résultats des services de renseignement. Bien entendu, l’initiative de l’Equipe « B » a ébranlé la confiance des analystes et a court-circuité le travail des cadres
traditionnels – exactement comme Cheney l’avait prévu. (Il avait une guerre (la guerre en Irak) à justifier).
Mais il y a eu séparément d’autres changements structurels. Tout d’abord, en 2000, le narcissisme de la guerre avait commencé à éclipser la pensée
stratégique, créant sa propre pensée de groupe. L’Occident ne pouvait tout simplement pas se défaire du sentiment d’être le centre de l’Univers (même si ce n’était plus dans un sens
racial, mais par le biais de son éveil à la « politique de la victime », qui exigeait des réparations sans fin – et ces valeurs éveillées semblaient, de manière fortuite, conférer à
l’Occident une « primauté morale » renouvelée au niveau mondial).
Parallèlement, les néo-conservateurs américains se sont appuyés sur ce nouvel universalisme éveillé pour consolider le concept de « l’importance primordiale
de l’Empire ». Le corollaire tacite à cela, bien sûr, est que les valeurs originelles de la République étasunienne ou de l’Europe ne peuvent pas être reconçues et mises en avant dans le
présent, tant que la pensée de groupe « libérale » de l’Empire les configure comme une menace pour la sécurité de l’Occident. Cette énigme et cette lutte sont au cœur de la politique US
d’aujourd’hui.
Pourtant, la question demeure
: comment les Renseignements fournis aux décideurs des États-Unis peuvent-ils insister sur le fait que la Russie est en train d’imploser économiquement et que l’Ukraine est
en train de gagner, alors qu’il est facile d’observer les faits sur le terrain ?
Pas de problème : les
groupes de réflexion de Washington sont largement financés par le monde militaro-industriel, la prépondérance de ces fonds allant aux néocons – et à leur insistance sur le fait que la
Russie est une petite « station-service » qui se fait passer pour un État, et non pour une puissance à prendre bien au sérieux.
Les néoconservateurs s’en prennent à tous ceux qui suivent leur « ligne », et les groupes de réflexion emploient une armée d’« analystes » pour produire des
rapports « académiques » suggérant que l’industrie russe – pour autant qu’elle existe – est en train d’imploser. Depuis mars dernier, les experts militaires et économiques occidentaux
prédisent régulièrement que la Russie est à court de missiles, de drones, de chars et d’obus d’artillerie – et qu’elle dépense sa main-d’œuvre en lançant des vagues humaines de troupes
non entraînées sur les lignes de siège ukrainiennes.
La logique est simple, mais encore une fois défectueuse. Si l’OTAN combinée peine à fournir des obus d’artillerie, la Russie, dont l’économie a la taille
d’un petit État de l’UE, doit (logiquement) être encore plus mal lotie. Et si nous (les États-Unis) menaçons suffisamment la Chine pour qu’elle n’approvisionne pas la Russie, cette
dernière finira par manquer de munitions – et l’Ukraine, soutenue par l’OTAN, « gagnera ».
La logique veut donc qu’une guerre prolongée (jusqu’à l’épuisement des fonds) aboutisse à une Russie privée de munitions, et que l’Ukraine soutenue par
l’OTAN « gagne ».
Ce cadre est totalement erroné en raison de différences conceptuelles : L’histoire de la Russie est celle d’une guerre totale menée dans le cadre d’un long
engagement sans compromis contre une force rivale écrasante. Mais cette idée repose sur la conviction que de telles guerres sont menées sur plusieurs années et que leur issue est
conditionnée par la capacité à augmenter la production militaire.
Sur le plan conceptuel, les États-Unis ont abandonné dans les années 1980 leur paradigme militaro-industriel d’après-guerre pour délocaliser la fabrication
en Asie et pour mettre en place des lignes d’approvisionnement « juste à temps ». En fait, les États-Unis (et l’Occident) ont pris la direction opposée de la « capacité de pointe », alors
que la Russie ne l’a pas fait : Elle a maintenu en vie la notion de soutien qui avait contribué à sauver la Russie pendant la Grande Guerre Patriotique.
Les services de renseignement occidentaux se sont donc une nouvelle fois trompés ; ils ont mal interprété la réalité ? Non, ils ne se sont pas « trompés ».
Leur objectif était différent.
Les quelques personnes qui ont vu juste ont été impitoyablement caricaturées en laquais pour les faire paraître absurdes. Et Intelligence 101 a été reconçu
comme le négationnisme délibéré de toute pensée hors celle de l’Equipe, tandis
que la majorité des citoyens occidentaux vivaient passivement dans l’étreinte de la pensée de
groupe – jusqu’à ce qu’il soit trop tard pour qu’ils se réveillent et changent la voie dangereuse sur laquelle leurs sociétés étaient embarquées.
Les rapports ukrainiens non vérifiés (rapports de liaison) transmis aux dirigeants occidentaux ne sont donc pas un « problème », mais une « caractéristique
» du nouveau paradigme « Intelligence 101 » destiné à confondre et à abrutir l’électorat.
Vijay Prashad, dont nous avons publié plusieurs fois les analyses, est un historien, éditeur et journaliste indien. Globetrotter regroupe un
certain nombre de chercheurs du sud et des pays émergents, leurs positions sont en général celles de pays non alignés refusant d’être impliqués dans les appels à sanctions et livraison
d’armes en ce moment à propos de l’Ukraine, si l’on excepte un journaliste australien qui mène campagne en faveur de la position des USA, la quasi totalité des intervenants, qu’ils aient
dénoncé ou expliqué l’intervention russe refusent de soutenir la croisade des États-Unis et souhaitent que cela permettent au reste du monde de se dégager de l’hégémonie des USA, qu’il y
ait d’autres liens établis et la position chinoise gagne du terrain, mais notez que pour cet Indien c’est la Russie qui est plébiscitée. Ainsi en est-il de ce compte-rendu du G20 qui est
totalement différent de ce qui nous a été rapporté par nos médias officiels. La tendance devrait s’accroître puisqu’il a été proposé d’introduire les pays africains dans cette
instance.
Danielle Bleitrach
***
par Vijay Prashad
Lors de la réunion du G20 à Bangalore, en Inde, les États-Unis sont arrivés avec un mandat simple. La secrétaire américaine au Trésor, Janet Yellen, a
déclaré lors de leur sommet de février 2023 que les pays du G20 devraient condamner la Russie pour son invasion de l’Ukraine et se joindre aux sanctions américaines contre la Russie.
Cependant, il est devenu clair que l’Inde, qui préside le G20, n’est pas disposée à respecter l’agenda américain. Les responsables indiens ont déclaré que le G20 n’était pas une réunion
politique, mais une réunion pour discuter de questions économiques. Ils se sont opposés à l’utilisation du mot « guerre » pour décrire l’invasion, préférant la décrire comme « crise » et
« défi ». La France et l’Allemagne ont rejeté ce projet s’il ne condamne pas la Russie.
Comme en Indonésie lors du sommet de l’année dernière, les dirigeants du G20 ignorent une fois de plus les pressions occidentales pour isoler la Russie, les
grands pays en développement (Brésil, Inde, Indonésie, Mexique et Afrique du Sud) ne voulant pas abandonner leur point de vue pratique selon lequel l’isolement de la Russie met en danger
le monde.
Les deux prochains sommets du G20 se tiendront au Brésil (2024) et en Afrique du Sud (2025), signalant à l’Occident que la plate-forme du G20 ne sera pas
facilement subordonnée à la vision occidentale des affaires mondiales.
La plupart des dirigeants des pays du G20 se sont rendus à Bangalore directement depuis l’Allemagne, où ils avaient assisté à la Conférence de Munich sur la
sécurité.
Le premier jour de la conférence de Munich, le président français Emmanuel Macron s’est dit « surpris par la quantité de crédibilité que nous perdons dans
les pays du Sud ». Le « nous » de la déclaration de Macron est celui des États occidentaux, menés par les États-Unis.
Quelles sont les preuves de cette perte de crédibilité ? Peu d’États du Sud ont été disposés à participer à l’isolement de la Russie, votant même sur les
résolutions occidentales à l’Assemblée générale des Nations unies.
Tous les États qui ont refusé de rejoindre l’Occident ne sont pas « anti-occidentaux » au sens politique. Beaucoup d’entre eux, y compris le gouvernement
indien, sont motivés par des considérations pratiques, telles que les prix réduits de l’énergie russe et les actifs vendus à des prix inférieurs par les entreprises occidentales qui
quittent le secteur énergétique lucratif de la Russie.
Qu’ils en aient assez de la pression occidentale ou qu’ils voient une opportunité économique dans les relations avec la Russie, les pays d’Afrique, d’Asie
et d’Amérique latine ont de plus en plus évité les pressions de Washington pour rompre les liens avec la Russie. C’est ce rejet et cette torsion qui ont conduit Macron à déclarer
fermement qu’il était « choqué » par la perte de crédibilité de l’Occident.
Lors d’une table ronde tenue le 18 février à la Conférence de Munich sur la sécurité, trois dirigeants africains et asiatiques ont expliqué les raisons de
leur mécontentement face à la guerre en Ukraine et à la campagne de pression exercée sur eux pour rompre les liens avec la Russie.
Le ministre brésilien des Affaires étrangères, Mauro Vieira, qui a condamné le même jour l’invasion de l’Ukraine par la Russie dans un tweet, a invité les
différentes parties au conflit à construire la possibilité d’une solution. « Nous ne pouvons pas
simplement parler de guerre ».
Des milliards de dollars d’armes ont été envoyés par les États occidentaux à l’Ukraine pour prolonger une guerre qui doit prendre fin avant qu’elle ne
devienne incontrôlable. L’Occident est au point mort dans les négociations depuis que la possibilité d’un accord intérimaire entre la Russie et l’Ukraine a émergé en mars 2022.
Les discussions sur la guerre sans fin des politiciens occidentaux et l’armement de l’Ukraine ont conduit au retrait de la Russie du nouveau traité START le
21 février 2023, qui, avec le retrait unilatéral des États-Unis du Traité sur les missiles antimissiles balistiques en 2002 et du Traité sur les forces nucléaires intermédiaires en 2019,
Le régime de maîtrise des armes nucléaires prend fin.
Le commentaire de Vieira sur la nécessité de « construire la
possibilité d’une solution » est partagé par tous les pays en développement, qui ne voient pas la guerre sans fin comme un avantage pour la planète. Comme l’a déclaré la
vice-présidente colombienne Francia Márquez lors du même panel : « Nous ne voulons pas
continuer à discuter de qui sera le gagnant ou le perdant d’une guerre. Nous sommes tous perdants et, en fin de compte, c’est l’humanité qui perd tout ».
La déclaration la plus incisive à Munich a été faite par le Premier ministre namibien Saara Kuugongelwa-Amadhila. « Nous promouvons une
résolution pacifique du conflit » en Ukraine, a-t-il déclaré, « afin que tout le
monde et toutes les ressources du monde puissent se concentrer sur l’amélioration des conditions des personnes dans le monde, au lieu de dépenser pour acquérir des armes, tuer des gens et
créer réellement de l’hostilité ».
Lorsqu’on lui a demandé pourquoi la Namibie s’était abstenue de voter aux Nations unies sur la guerre, Kuugongelwa-Amadhila a répondu : « Notre approche
consiste à résoudre le problème, pas à attribuer des blâmes ».
L’argent utilisé pour acheter des armes, a-t-il déclaré, « pourrait être mieux
utilisé pour promouvoir le développement en Ukraine, en Afrique, en Asie, ailleurs, en Europe même, où de nombreuses personnes vivent dans des conditions de misère ».
Le plan chinois pour la paix en Ukraine, fondé sur les principes de la conférence de Bandung de 1955, reprend les points soulevés par ces dirigeants du Sud
mondial.
Les dirigeants européens sont restés indifférents aux arguments de personnes comme Kuugongelwa-Amadhila.
Le haut représentant de l’Union européenne pour les affaires étrangères et la politique de sécurité, Josep Borrell, s’était déjà tiré une balle dans le pied
avec ses vilaines déclarations en octobre 2022 : « L’Europe est un
jardin. Le reste du monde est une jungle. Et la jungle pourrait envahir le jardin… Les Européens doivent être beaucoup plus engagés envers le reste du monde. Sinon, le reste du monde nous
envahira ».
Lors de la Conférence de Munich sur la sécurité en février 2023, Borrell – qui est originaire d’Espagne – a déclaré qu’il partageait « ce sentiment » de
Macron, selon lequel l’Occident doit « préserver ou même
reconstruire une coopération de confiance avec de nombreux pays dits du Sud ».
Les pays du Sud, a déclaré Borrell, « nous accusent d’avoir
deux poids, deux mesures » lorsqu’il s’agit de combattre l’impérialisme, une position que « nous devons
dissiper ».
Une série de rapports publiés par les grandes sociétés financières occidentales réitèrent l’anxiété de personnes comme Borrell.
BlackRock note que nous entrons dans « un monde fragmenté
avec des blocs concurrents », tandis que le Credit Suisse souligne les « fissures profondes et
persistantes » qui se sont ouvertes dans l’ordre mondial. L’évaluation de ces « fissures » par le Credit Suisse les décrit avec précision : l’Occident (pays développés
occidentaux et alliés) s’est éloigné de l’Est global (Chine, Russie et alliés) en termes d’intérêts stratégiques fondamentaux, tandis que le Sud global (Brésil, Russie, Inde et Chine et
la plupart des pays en développement) se réorganise pour poursuivre ses propres intérêts.
Cette réorganisation se manifeste désormais par le refus des pays du Sud de s’incliner devant Washington.
La seule leçon de l’histoire, c’est qu’on n’apprend rien de l’histoire, sauf pendant une courte durée appelée vie humaine.
Une fois cette vie humaine passée, la génération suivante a des échos, et celle d’après, est totalement ignare. L’intervention US en Ukraine est de celle-là. Les différentes magouilles anglo-saxonnes dans la politique européenne sont des guerres picrocholines, aux
buts grandioses, et aux effets contreversés.
On rêve de reconstituer l’empire universel, et on échoue devant un mur entourant un champ, loin de toute conquête.
Donc, les Américains et les Godons, ont monté une guerre contre la Russie, du mieux qu’ils pouvaient, reformant une armée ukrainienne, certes, à l’économie,
mais en la dotant du mieux qu’ils savaient le faire. Comme en 1939 où l’on se leurrait complétement sur les
potentiels des armées. Et on méconnaissait gravement les réalités politiques du continent, chose qu’on peut voir aussi aujourd’hui.
Le problème avec des armées du temps de paix, c’est qu’elles ne savent pas faire la guerre, et les cadres expérimentés qui les dirigent sont entrainés
à la guerre précédente, qui ne sera pas celle-là.
Les plans sont obsolètes dès le premier coup de feu tiré.
En Ukraine, le jeu occidental était clair. L’armée ukrainienne, tenant des zones fortifiées devaient tenir quelques semaines, le temps que les sanctions de
l’ouest collectif abattent l’économie russe, entrainant une révolution, comme celle de 1917, mais pour le rétablissement du pillage de la Russie par les grandes
compagnies. On ne se faisait donc, pas beaucoup d’illusions sur la capacité de l’armée ukrainienne, mais tenir des zones intensément fortifiées n’est pas compliqué.
Mais le plan n’a pas fonctionné. L’économie russe, dans les faits, a mieux tenu que celles de l’ouest collectif. Il faut dire que sa base, minière et
industrielle, est dans les faits, irremplaçable pour l’économie mondiale. L’économie de l’occident, c’est du pipeau.
L’armée russe, était comme toute les armées en début de conflit, à roder.
La finalité de la guerre pour les Russes n’a pas été facile à déchiffrer, si tant est qu’au départ, elle était pensée ainsi. Un broyeur pour le matériel
militaire de l’OTAN, et un hachoir à viande pour les hommes. Avec une pensée de détruire un matériel devenu irremplaçable à la suite du strip tease industriel de l’ouest. Un matériel, de
plus, rare, aux pièces détachées inexistantes. Combien de Leclerc et de Léopard réellement utilisables ? Pour le Leclerc, la totalité doit se chiffrer à 12, faute de pièces, qu’on faisait
fabriquer, loin, très loin, et comme on s’en servait pas ou peu, dans les expéditions coloniales, pourquoi entretenir ces jouets coûteux autres qu’à l’économie. La vitrine. Pour le
Léopard, c’est la même chose : 50 utilisables, à tout casser sur le continent…
Pour les Amx 10, moins chers, mieux entretenus, plus souvent utilisés pour le tabassage de négros, niakoués et zarbis, il y avait plus d’entretien et de
disponibilités, ils ont été donc envoyés en Ukraine. Mais une dizaine, employées comme pièce d’artillerie mobile, ça ne pèse guère, et la fourniture parallèle de chars obsolètes aux
républiques novorusses, en mars 2022, c’était 800.
De fait, les 300 chars promis, seront, au plus, 50… Tel Mussolini voulant faire son réduit, partait sur une base réduite, de 3000 hommes. Un religieux lui
annonça que ses 3000 seraient 300. En réalité, ils furent 12.
Résumons. Les sanctions économiques ne fonctionnent pas, et détruisent l’économie de l’ouest collectif, au profit de l’Inde et de la Chine, le matériel
fourni est détruit à grande allure et il n’y a aucun moyen de le remplacer, faute d’industrie. L’aide financière attribuée maintient l’Ukraine à flot.
Mais il est clair que l’ouest collectif se lasse de cette guerre. Elle coûte cher, se voit porter la responsabilité d’une
inflation débridée, en accélération, et surtout, la propagande ne peut que retarder la prise de conscience qu’elle se passe mal pour le camp autoproclamé du bien, que c’est une
boucherie inutile, et que dans le centre impérial, Washington, le soutien politique faiblit. Malgré tout, les députés et sénateurs se font significativement remonter les bretelles par
leurs électeurs pour ne pas en tenir compte.
Bref, l’arrière en occident tient de moins en moins bien. Leur caractère martial fait rire. Les 7000 hommes de l’opération Orion seraient détruits en
moins de trois jours.
Si la Rand corporation pense fortement à la guerre, c’est que l’ouest collectif n’est plus équipé pour faire face à un conflit de haute intensité. Armées
ridiculement petites pour des budgets militaires insensés, corruption généralisée, « Pentagone à la Française », déformation des armées et de la pensée militaire dans des combats
coloniaux qu’on s’est quand même démerdés pour perdre…
Deux conceptions s’affrontent : Pour l’ouest la paix doit revenir très vite, parce qu’il commence à sentir fortement les douleurs de la guerre. Pour la
Russie, qui a resserré les rangs dans une très grande guerre patriotique, le seuil de souffrance est encore nettement supportable.
Et surtout, on ne peut plus cacher l’échec
militaire occidental. Pour qu’il y ait emploi massif de l’armée russe, au delà de son contingent mesuré en Ukraine, il faudrait que se dessine une urgence et entraine un changement de
stratégie. Pour le moment, il n’y a rien d’urgent.
La plupart des gens se rendent compte
que les États-Unis et leur système de guerre capitaliste appauvrissant doivent être vaincus si le monde veut un jour vivre en paix.
La guerre en Ukraine entre maintenant dans sa deuxième année, après avoir atteint son premier anniversaire cette semaine. Le 24 février de l’année dernière,
les forces russes sont entrées en territoire ukrainien. Le conflit a connu de nombreux rebondissements au cours des 12 derniers mois. Mais il semble y avoir une évolution inéluctable et
primordiale. Les contours de l’hostilité ont émergé pour identifier la principale menace mondiale – les États-Unis et leur obsession de l’hégémonie impérialiste à somme nulle.
À proprement parler, la guerre en Ukraine entre dans sa dixième année car les origines du conflit remontent au coup d’État à Kiev en février 2014 parrainé
par la CIA américaine et d’autres agents de l’OTAN. Le régime néonazi qui a été installé alors et qui est toujours au pouvoir (dirigé par un président juif néanmoins) a été militarisé et
soutenu secrètement par les États-Unis et ses partenaires de l’OTAN pour agresser le peuple russophone de l’ancien sud-est de l’Ukraine. Le grand objectif du régime était d’attirer la
Fédération de Russie dans une confrontation existentielle qui est maintenant en cours.
Les gouvernements occidentaux et leurs médias de propagande affirment que le président russe Vladimir Poutine a lancé une agression non provoquée contre
l’Ukraine. Le système de propagande occidental – dont les noms incluent des noms connus comme le New York Times,
le Washington Post,
le Guardian,
le Financial Times,
la BBC, CNN, DW, France
24, etc. – blanchit complètement les huit années qui ont précédé le déclenchement de la guerre.
Poutine a réitéré cette affirmation cette semaine lors d’un discours annuel de type « état de l’Union » en déclarant que « l’Occident a commencé
la guerre ». Comme on pouvait s’y attendre, le dirigeant russe a été vilipendé par l’Occident pour ces propos. Mais les faits historiques sont du côté de Poutine.
Le professeur John Mearsheimer, universitaire américain, est l’une des nombreuses voix éminentes qui confirment que la guerre en Ukraine a été présagée par
l’OTAN et l’expansion implacable de l’OTAN vers la Russie pendant de nombreuses années. L’Ukraine n’était que la pointe de la lance pointée vers la Russie.
D’autres sources sur le terrain dans la région du Donbass – anciennement de l’Ukraine – confirment également que le régime de Kiev soutenu par l’OTAN
intensifiait son agression en février de l’année dernière, avant l’intervention militaire de la Russie. Cela expliquerait pourquoi le président américain Joe Biden prédisait avec
assurance, au début de l’année dernière, que les forces russes allaient « envahir » l’Ukraine. Les patrons américains du régime de Kiev savaient que la Russie serait obligée
d’intervenir pour prévenir une attaque meurtrière contre la population russophone à l’intérieur de la frontière ukrainienne de l’époque.
Depuis, la région du Donbass a fait sécession de l’Ukraine lors de référendums organisés l’année dernière et a rejoint la Fédération de Russie en suivant
les traces de la péninsule de Crimée. Les médias/propagande occidentaux parlent de « l’annexion » du Donbass et de la Crimée par la Russie, ignorant les référendums vérifiés par
les observateurs internationaux. Mais ces mêmes médias occidentaux refusent ensuite de rapporter comment les États-Unis, dans un acte de terrorisme international, ont fait sauter les
pipelines Nord Stream il y a cinq mois. Donc, n’en dites pas plus sur leur crédulité crasse.
Malheureusement, les hostilités en Ukraine ont été exacerbées et inutilement prolongées en raison de l’afflux massif d’armes américaines et de l’OTAN dans
ce pays. Au moins 100 milliards de dollars d’armements ont été injectés dans le régime dont les fantassins s’inspirent des fascistes ukrainiens qui ont collaboré avec le Troisième Reich
nazi pendant la Seconde Guerre mondiale. Et ce, alors que les populations occidentales souffrent de niveaux records de pauvreté et d’austérité imposés par des dirigeants élitistes sans
cœur.
Cette semaine encore, l’administration Biden a promis une aide militaire supplémentaire de 2 milliards de dollars au régime de Kiev, prévoyant notamment le
réapprovisionnement en roquettes à longue portée HIMARS. Cette artillerie sophistiquée fournie par les États-Unis est utilisée pour cibler et tuer des civils dans les régions de Donetsk
et de Lougansk, qui font désormais partie de la Fédération de Russie. Des informations fiables montrent que les unités d’artillerie HIMARS sont utilisées par des mercenaires de l’OTAN, et
non par des troupes ukrainiennes.
La grave implication est que les États-Unis et l’OTAN sont en guerre contre la Russie. Il ne s’agit plus d’une guerre par procuration de soutien indirect.
La visite du président Biden à Kiev cette semaine et les propos ridicules sur la « défense de la démocratie mondiale » contre « l’agression russe » démontrent
clairement que Washington commande le conflit et sa dangereuse mascarade pour tromper le monde.
Les objectifs déclarés de la Russie de « dénazifier » et de « démilitariser » le régime de Kiev sont loin d’être atteints – encore.
L’offensive susmentionnée du régime soutenu par l’OTAN contre la région du Donbass en février de l’année dernière a été contrecarrée par l’intervention de la Russie et d’innombrables vies
ont sans doute été épargnées. Néanmoins, la vérité est que les habitants des régions nouvellement constituées de la Russie continuent de vivre dans des conditions mortelles imposées par
l’axe de l’OTAN. Cette semaine encore, plusieurs civils à Petrovsky, près de la ville de Donetsk, dont des ambulanciers, ont été tués par des bombardements soutenus par l’OTAN.
La guerre en Ukraine s’est transformée en une guerre existentielle que la Russie ne peut se permettre de perdre. De même, l’investissement de capital
politique et financier par Washington et ses alliés impérialistes est tel qu’ils sont également confrontés à un défi existentiel dans lequel ils ne peuvent reculer sans perdre un prestige
fatal.
Il n’y a pratiquement aucun effort diplomatique ou politique pour trouver une solution pacifique. La Chine a dévoilé cette semaine un plan de paix en 12
points pour résoudre le conflit en Ukraine, mais ce plan a été rapidement rejeté ou sapé par les États-Unis et les dirigeants européens. Le problème ultime est que Washington et ses
sbires impérialistes cherchent un résultat hégémonique à somme nulle, un résultat où la Russie est vaincue, ce qui, à son tour, ouvrira la voie à de plus grandes ambitions d’affronter la
Chine. Les impérialistes américains sont déjà en bonne voie pour renforcer l’encerclement militaire de la Chine.
La guerre en Ukraine est en réalité une manifestation de forces historiques sous-jacentes. La prétendue fin de la guerre froide en 1991, après
l’effondrement de l’Union soviétique, a conduit aux décennies suivantes d’anarchie militaire américaine débridée et de guerres d’impunité. On peut même remonter plus loin dans le temps et
affirmer que les États-Unis et leur gang de puissances impérialistes sont les héritiers de la tâche du Troisième Reich, qui consistait à conquérir l’immense territoire russe. Les
puissances capitalistes occidentales ont soutenu l’ascension du Troisième Reich et n’ont que brièvement changé de camp pour vaincre l’Allemagne nazie en 1945 parce qu’Hitler avait perdu
la tête, pour que les puissances occidentales reprennent rapidement leur objectif historique de vaincre la Russie sous le couvert de la guerre froide. La vérité est que la guerre froide
n’a jamais pris fin. Parce que l’ordre belliciste capitaliste dirigé par les Américains n’a jamais pris fin. (Et il n’y aura jamais de paix sous cet ordre).
L’envoyé de la Russie aux Nations unies, Vassily Nebenzia, dans une allocution prononcée cette semaine devant le Conseil de sécurité, a cité des chiffres
montrant que les États-Unis se sont engagés dans des interventions militaires étrangères illégales à plus de 250 reprises depuis la fin ostensible de la guerre froide, il y a quelque
trois décennies.
Pour sa part, la Chine a dénoncé cette semaine les États-Unis comme le principal instigateur des conflits mondiaux, affirmant que 80% des guerres et
hostilités étrangères étaient imputables à des actions secrètes et ouvertes des États-Unis.
Aucune nation n’a supervisé autant de coups d’État, d’opérations de changement de régime, de massacres et d’assassinats que les États-Unis. Le régime en
place a même assassiné l’un de ses propres présidents – John F. Kennedy en 1963 – parce qu’il faisait obstacle aux objectifs impérialistes.
Dans le monde de contes de fées des gouvernements et des médias occidentaux (une minorité mondiale trompée, il faut le noter), la guerre en Ukraine est
présentée de manière risible comme étant la « défense de la démocratie et de la liberté ». La réalité est que l’Ukraine est devenue un racket de guerre où l’industrie de la
guerre et les banques occidentales bavent devant les profits réalisés par une cabale corrompue à Kiev, soutenue par des paramilitaires néonazis et des mercenaires de l’OTAN qui tuent des
civils russes. Une vidéo macabre a été diffusée cette semaine, montrant des meurtriers en uniforme soutenus par l’OTAN en train de pendre un homme et sa femme enceinte dans la région de
Lougansk, une atrocité confirmée par le procureur général de la région.
On estime que jusqu’à 200 000 soldats ukrainiens ont été tués au cours de l’année écoulée, tandis que les Nations unies estiment qu’environ 7200 civils sont
morts. La Russie prétend essayer de minimiser les pertes civiles.
Les États-Unis et leurs complices de l’OTAN mènent une guerre impérialiste « jusqu’au dernier Ukrainien » et lèguent un autre État en faillite,
comme ils l’ont fait ailleurs, notamment en Afghanistan, en Irak, en Libye, en Somalie, en Syrie et au Yémen. Cette fois, cependant, l’empire américain mène une guerre contre la puissance
nucléaire, la Russie, qui ne reculera pas. Deux forces existentielles s’affrontent progressivement. Et la plupart des gens réalisent que les États-Unis et leur système de guerre
capitaliste appauvrissant doivent être vaincus si le monde veut un jour vivre en paix.
La situation devient psychotique. Lorsque vous
écoutez les dirigeants de l’UE, qui répètent tous comme des perroquets les mêmes « bonnes nouvelles » , ils n’en dégagent pas
moins une inquiétude fondamentale qui est sans doute le reflet du stress psychique lié au fait de répéter d’un côté « L’Ukraine est en train de gagner : La défaite de la Russie est
proche » , alors que, d’autre part, ils savent que c’est exactement le contraire qui est vrai. L’Europe ne peut en aucun cas vaincre une grande armée russe sur la masse
continentale de l’Eurasie.
Même le colosse de Washington limite l’utilisation de la puissance militaire américaine aux conflits que les Américains peuvent se permettre de perdre – des guerres
perdues face à des adversaires faibles que personne ne pourrait contester au cas où le résultat ne serait pas une perte, mais en quelque sorte une « victoire » .
Pourtant, la guerre contre la Russie (qu’elle soit financière ou militaire) est sensiblement différente de la lutte contre de petits mouvements insurgés mal équipés
et dispersés, ou de l’effondrement de l’économie d’États fragiles, comme le Liban.
La fanfaronnade initiale des États-Unis a implosé. La Russie ne s’est pas effondrée en raison de l’assaut financier de Washington, ni n’a connu de changement de
régime chaotique comme l’avaient prédit les responsables occidentaux. Washington a sous-estimé la cohésion sociétale de la Russie, son potentiel militaire latent et sa relative immunité aux
sanctions économiques occidentales.
La question qui préoccupe l’Occident est de savoir ce que les Russes vont faire ensuite : Continuer à affaiblir l’armée ukrainienne, tout en déstockant les
stocks d’armes de l’OTAN ? Ou déployer les forces offensives russes qui se rassemblent autour de toute l’Ukraine ?
En bref, l’ambiguïté même entre la menace d’une offensive et sa mise en œuvre fait partie de la stratégie russe visant à
maintenir l’Occident dans une situation de déséquilibre et de doute. Ce sont les tactiques de guerre psychologique pour lesquelles le général Gerasimov est renommé. Cette offensive aura-t-elle lieu, d’où viendra-t-elle et où ira-t-elle ? Nous ne le savons pas.
Le programme de la Russie ne sera pas déterminé par le calendrier politique occidental, mais par le moment où une offensive deviendrait propice aux intérêts russes
et seulement si c’était le cas. En outre, Moscou a l’œil sur deux fronts : la guerre financière (qui peut plaider en faveur d’un déploiement militaire plus lent pour permettre aux niveaux de
douleur économique d’augmenter) et la situation militaire (qui peut, ou non, favoriser une élimination lente et progressive de la capacité ukrainienne à se battre). L’ancien conseiller principal
du secrétaire américain à la Défense, le colonel Douglas Macgregor, prévoit un déploiement de forces important, et ce dans un avenir proche. Il pourrait avoir raison.
Cette dernière considération doit être replacée dans un contexte plus large : la Russie est avant tout engagée dans la lutte contre l’hégémonie américaine et dans
l’éviction de l’OTAN du « Heartland » de l’Asie. Les Russes savent depuis
un certain temps que le « système ordre
mondial » n’est pas durable (les structures de l’après-Seconde Guerre mondiale sont déjà clairement obsolètes). Et tant la Russie que la Chine savent qu’il n’y a pas de moyen
gracieux ni de raccourci permettant de défaire un système aussi vaste.
Ces derniers savent que l’Occident n’est pas digne de confiance et qu’il est destiné à tomber. Depuis quelques années, la Russie et la Chine restructurent leurs
économies et renforcent leurs armées, se préparant ainsi à l’effondrement inévitable de l’empire américain (tout en croisant les doigts pour que cette « chute » n’entraîne pas l’Apocalypse).
En pratique, la Russie et la Chine se sont efforcées de modérer cet effondrement, dans la mesure du possible. Personne ne profiterait d’une implosion incontrôlée
des États-Unis. Cependant, les États-Unis vont trop loin avec leur projet ukrainien, et la Russie va utiliser ce conflit pour faciliter la fin de l’empire américain – il n’y a vraiment pas
d’autre option.
Comme le souligne Kelley Beaucar Vlahos dans American Conservative, les factions américaines préparent
l’« enterrement » de la Russie depuis
de nombreuses années. En effet, l’un des faits les plus préjudiciables qui ressort de l’exposé de Matt Taibbi sur les « Twitter Files » est le suivant
: « L’agressivité dont ont fait preuve les
législateurs du Congrès et les responsables des agences fédérales dans la diffusion d’un récit cynique qui a mis le géant des médias sociaux au pas tout en créant le croque-mitaine russe qui
hante aujourd’hui la politique étrangère et la posture des États-Unis dans la guerre en Ukraine ».
Cette histoire concoctée de la Russie essayant de détruire la démocratie américaine a amené le public à adhérer à une nouvelle guerre contre elle.
Ce combat existentiel ne peut pas s’arrêter maintenant : on pourrait dire que les Européens et les Américains sont dans une bulle où tout est question d’optique et
d’apparence, où tout est affaire de relations publiques immédiates et de théâtre – et que nous devons tous jouer ce jeu. Il se peut aussi qu’ils projettent le même zeitgeist sur les Russes et les
Chinois, croyant qu’ils doivent penser de la même manière : pas de valeurs, pas de croyance en quoi que ce soit, sauf en ce qui passe le mieux dans les médias grand public.
Vu sous cet angle, il s’agit véritablement d’un choc culturel, qui reflète l’incapacité de l’Occident à faire preuve d’empathie. L’Occident peut sincèrement penser
que l’attention de Poutine se concentre avant tout sur les sondages – tout comme c’est le cas pour Macron,
Scholz et Biden – et que, lorsque les hostilités prendront fin, les affaires reprendront leur cours normal. Ils peuvent sincèrement ne pas comprendre que ce n’est pas ainsi que le reste du monde pense.
Dans cet état d’esprit, avec « la guerre comme business » … « Les chars, c’est bien, maintenant, donnez-nous des F-16
! » , à peine les États-Unis, l’Allemagne et d’autres puissances de l’OTAN avaient-ils annoncé la livraison à l’Ukraine d’un grand nombre de chars d’assaut, que Kiev a
immédiatement exigé la livraison d’avions de combat F-16. En effet, le responsable ukrainien de la défense, Yuriy Sak, a commenté avec effronterie la relative facilité du « prochain grand obstacle » que représente
l’acquisition d’avions de combat F-16 :
Ils ne voulaient pas nous donner d’artillerie lourde, puis ils l’ont fait. Ils ne voulaient pas nous donner des [missiles] HIMARS, puis ils l’ont fait. Ils ne
voulaient pas nous donner de chars, maintenant ils nous en donnent. En dehors des armes nucléaires, il n’y a plus rien que nous n’obtiendrons pas.
Il s’agit là d’un excellent exemple du syndrome de la « guerre comme business » tandis que la politique
consiste à amasser de l’argent. Cela signifie que ce sera le tour des F-16 et que la Pologne sera impliquée – les F-16 ne peuvent pas être basés sur une base aérienne en Ukraine. Et l’extension
de l’espace de combat à la Pologne conduirait inévitablement à davantage de « business de la guerre » : chars, véhicules
blindés de transport de troupes et F-16. Le complexe militaire se frottera les mains de joie.
Comme on pouvait s’y attendre, la frustration des fanatiques de la guerre face à l’incapacité collective de l’Occident à endiguer la marée de la défaite ukrainienne
ne cesse de croître, et a été encore aggravée par le rapport de la Rand Corporation (financée par le Pentagone) de la semaine
dernière, qui constitue une réfutation légale de la justification de la guerre en Ukraine. Il souligne que, même si ce sont les Ukrainiens qui se battent, leurs villes rasées et leur économie
décimée ne sont pas compatibles avec les intérêts
ukrainiens.
Le rapport avertit que les États-Unis devraient éviter « un conflit prolongé » , déclarant que la
victoire de l’Ukraine est « improbable » et « peu vraisemblable » et met en garde de
manière significative contre l’extension du conflit à la Pologne. L’éventualité que les États-Unis risquent de glisser par inadvertance vers une guerre nucléaire à cause de
plusieurs « problèmes » est
également soulignée.
Sur ce dernier point, le rapport de la Rand est prémonitoire : cette semaine, le chef de la
délégation russe à l’OSCE a publiquement averti que si des projectiles occidentaux perforants à l’uranium appauvri ou au béryllium étaient déployés en Ukraine – comme l’ont fait les États-Unis en
Irak et en Yougoslavie avec des conséquences dévastatrices – la Russie considérerait un tel déploiement comme l’utilisation de bombes nucléaires sales contre la Russie, ce qui ne manquerait pas
de provoquer des conséquences.
S’il y avait encore des doutes sur les « lignes rouges » russes et leur emplacement, il
n’y en a plus maintenant. Pour être clair, « conséquences » signifie une éventuelle réponse
nucléaire russe. L’Occident a été prévenu.
Si la frustration liée à l’échec du projet militaire ukrainien en est la « cause » , le désespoir en est la
conséquence.
« Comme vous, je suis,
et je pense que l’administration également, très satisfaite de savoir que Nord Stream 2 est maintenant, comme vous aimez le dire, un morceau de métal au fond de la mer » , a
déclaré Victoria Nuland la semaine dernière. Cette déclaration montre l’impuissance, plus que toute autre chose (traduction : Nuland dit « OK les gars, nous ne sommes pas impuissants
puisque – clin d’œil, clin d’œil – nous avons quand même réussi à détruire le gazoduc pour l’UE »).
Toute la campagne de relations publiques en faveur de l’envoi de chars supplémentaires ressemble davantage à une tentative de remonter le moral des Ukrainiens et de
leurs partisans en Europe (étant donné que les chars ne changeront pas le cours de la guerre) – un « geste symbolique » , rien de plus significatif.
Il en va de même pour les propositions politiques présentées par le secrétaire d’État, Blinken, et Victoria Nuland la semaine dernière. Elles semblent avoir été rédigées en sachant qu’elles
seraient rejetées à Moscou – et elles l’ont été.
Pourtant, pour rendre justice au duo Blinken-Nuland, si les néoconservateurs sont désespérants dans l’exécution de leurs projets de guerre qui se terminent presque
invariablement de manière désastreuse, ils excellent dans la manipulation des États afin qu’ils deviennent leurs complices au détriment de leurs propres intérêts nationaux.
Là où les néoconservateurs ont eu les coudées franches, c’est sur la destruction de
l’Europe, politiquement, économiquement et militairement. Les États-Unis eux-mêmes (et le reste du monde) doivent être absolument stupéfaits du degré de soumission de l’Europe et du contrôle
absolu du leadership de l’UE que ces néoconservateurs ont exercé.
Les membres de l’OTAN n’ont jamais été fortement unis derrière la croisade de Washington pour affaiblir fatalement la Russie. La population de l’UE (en particulier
les Français et les Allemands) n’a pas le goût des housses mortuaires. Mais les néo-conservateurs ont correctement repéré le talon d’Achille européen : il s’agit de la Pologne, de la Lituanie,
des autres républiques baltes et de la République tchèque. Les néo-cons américains se sont alliés à cette faction russophobe radicale qui veut démembrer et pacifier la Russie et s’emparer des
leviers de la politique étrangère de l’UE au détriment de la France et de l’Allemagne. Ces dernières sont restées silencieuses et impuissantes à Bucarest en 2008, lorsque la « porte » de l’OTAN a été ouverte à la Géorgie et
à l’Ukraine. Pourquoi n’ont-ils pas alors exprimé les réserves qu’ils disent avoir eues à l’époque ?
La faiblesse des dirigeants a soulevé le couvercle de la boîte de Pandore européenne, permettant à toutes les vieilles animosités européennes fantômes, aux
jalousies et aux ambitions nues de s’échapper comme de sombres vapeurs. Y a-t-il quelqu’un qui puisse refermer cette boîte maintenant ?
Alastair
Crooke
Traduit par Zineb, relu par Wayan, pour le Saker Francophone
Le plan de « décolonisation » de la Russie est voué à l’échec
Quel est le point commun entre les Tatars, les Bachkirs, les Bouriates et les Tchétchènes ? Tout le monde vit dans la Fédération de Russie et chacun a sa propre autonomie. Mais il
s’avère qu’il existe certaines tentations de déstabilisation : En effet, les idéologues occidentaux et notre opposition fugitive croient, pour une raison quelconque, que ces quatre groupes
ethniques organiseront un « soulèvement anticolonial », à la suite duquel la Russie éclatera en trois douzaines de petits États. La théorie de la « décolonisation » est promue
particulièrement activement en Pologne et dans les États baltes.
Moscou doit-il réagir ?
Cet article publié en russe par k-politika.ru n’engage pas la ligne
éditoriale du Courrier.
L’Institut expert de recherche sociale (EISI) a publié mercredi un rapport sur le thème « Qui
prépare l’effondrement de la Russie ? ». Ce document est consacré aux appels à la « décolonisation » de notre pays, une idée de plus en plus entendue en
Occident. Les auteurs du rapport ont analysé les objectifs des initiateurs de la campagne sur la « nécessité
de l’effondrement » de la Fédération de Russie en 34 petits États à la fois, dont la Laponie exotique, le Pays des Vepsiens, la République de Tver et la Black Earth Region, et même la
Fédération du Pacifique. Les experts ont également étudié les clichés de propagande et les arguments utilisés pour promouvoir ces idées « exotiques ».
Dick Cheney en 1991 voulait déjà l’effondrement de la Russie…
Les auteurs du rapport rappellent que, de façon générale, le « colonialisme russe » a toujours fait l’objet d’un intérêt marginal dans les sciences historiques et
humanitaires occidentales, dont les études étaient orientées sur des sujets complètement différents. Mais le 24 février de l’année dernière, tout a changé. Cependant, constatent les experts
de l’EISI, même aujourd’hui dans la plupart des pays de la vieille Europe, les appels à la destruction de la Russie ne trouvent pas de soutien officiel. Néanmoins, en Europe centrale, dans les
anciens pays socialistes, de telles idées font l’objet de déclarations d’hommes d’État de premier plan.
L’idée même de la dissolution de la Fédération de Russie, en lien avec le « danger a priori » qu’elle représenterait pour le monde, s’est exprimée
outre-mer, simultanément à l’abolition de l’URSS, indiquent les auteurs du rapport. Elle a été annoncée par le secrétaire américain à la Défense et futur vice-président, Dick
Cheney. Alors que l’Union soviétique s’effondrait à la fin de 1991, Cheney « voulait
voir non seulement l’effondrement de l’Union soviétique et de l’Empire russe, mais de la Russie elle-même, afin qu’elle ne représente plus jamais une menace pour le reste du
monde ».
Dans sa forme finale, la théorie a été produite par les « think tanks » des États-Unis et de l’Union européenne, orientés vers la partie libérale de
gauche de l’establishment (les politiciens conservateurs de droite abhorrent généralement l’idée de séparatisme).
De plus, le « droit moral » de gérer la désintégration de notre pays appartient à Washington. L’image de « l’Empire des Russes » est
utilisée par les créateurs de la théorie pour justifier la « culpabilité fondamentale » du peuple spécifiquement russe devant « toute l’humanité ». L’oligarque fugitif,
Mikhail Khodorkovsky, et l’historienne émigrée, Tamara Eidelman qui donne des conférences sur la « culpabilité historique » de la Russie, sont mentionnés comme partisans de la
théorie.
Une idée reprise aujourd’hui par la Pologne et les États Baltes
Nos anciens compatriotes sont généralement activement impliqués dans la promotion du concept de « décolonisation », et principalement ceux qui se sont
installés en Pologne et dans les États Baltes. C’est dans ces pays que les cercles dirigeants ont accueilli un nombre record de ceux qui demandaient ouvertement la scission de la
Russie. Parmi eux figurent l’ancien président estonien Toomas Hendrik Ilves ou l’ancien président polonais Lech Walesa, qui ont appelé à soutenir le « soulèvement de 60 peuples »
en Russie. Le rapport mentionne également l’ancienne chef du ministère polonais des Affaires étrangères, Anna Fotyga. Cette personnalité participe personnellement aux forums des « peuples de
la Russie libre », au sein duquel des émigrants, qui se disent « représentants de 34 régions » participent régulièrement à une plate-forme où sont discutés des plans de « soulèvements de
libération nationale ».
Quatre pays cible, objets d’attaques informationnelles
Les républiques de la région de la Volga, du Caucase du Nord, ainsi que la lointaine Bouriatie, devraient devenir la cible principale des « attaques »
informationnelles des partisans de la théorie. Les nations, à la tête de ces populations de la Fédération, doivent être « libérées » en priorité. L’attention se porte en particulier sur
quatre peuples : les Tatars, les Bachkirs, les Bouriates et les Tchétchènes. Tous sont constamment unis malgré les caractéristiques culturelles et l’histoire. Or, les experts EISI sont
perplexes et constatent que « C’est
leur « souffrance » qui est mentionnée dans presque tous les discours qui convergent. Cela donne lieu à un plus grand nombre de projets pour « éveiller la conscience
nationale » par rapport aux autres peuples de Russie ».
Gleb Kuznetsov – chef du conseil d’experts de l’EISI – s’en étonne : « Il
convient de rappeler que le «discours colonial » à propos de la Russie existe depuis de nombreuses années. Et pour une raison quelconque, ces quatre peuples ont toujours été perçus comme les
forces motrices du futur effondrement du « terrible empire du mal ». Le fait que nous ayons des vice-premiers ministres fédéraux et des ministres qui viennent de Kazan est complètement
ignoré. Au lieu de cela, ils répètent inlassablement : les Tatars sont « victimes du colonialisme russe », ce qui est tout à fait absurde ».
L’erreur d’analyse « d’anthropologues de salon » américains
La principale erreur des créateurs de la théorie est qu’ils transfèrent mécaniquement la terrible expérience des empires coloniaux d’Europe occidentale à l’Empire
russe, oubliant que la grande majorité des peuples l’ont rejoint volontairement, conservant ainsi leur identité.
Les « anthropologues de salon » des universités américaines promeuvent de telles idées en raison de leur manque de compréhension du processus
historique. « Ils
sont convaincus que le Tatarstan est à Moscou ce que la Guinée-Bissau est à Lisbonne ou le Ghana est à Londres », se plaint Kuznetsov. « Leur
logique est la suivante : si la Grande-Bretagne s’est débarrassée depuis longtemps de sa colonie du Ghana, alors pourquoi la Russie ne veut-elle pas se débarrasser du Tatarstan ? Ils ne sont
pas si analphabètes d’un point de vue historique, mais ils ne veulent tout simplement rien savoir à ce sujet. Ils ont des schémas dans la tête, dans le cadre desquels ils interprètent la
réalité ».
Une manipulation des récits coloniaux
Les anciens membres du PCUS, qui sont devenus les dirigeants des États baltes, connaissent très bien l’histoire de la Russie. Toutefois, il est important pour eux
de se débarrasser de leur voisin oriental, ajoute Kouznetsov : « Ce
sont ce que j’appelle les « maximalistes baltes ». Leur credo est le suivant : la Russie ne cessera de représenter une menace pour eux que s’il n’y a pas de Russie sous quelque
forme que ce soit. C’est-à-dire qu’à ce stade, des personnes d’origines et de visions du monde complètement différentes convergent, et ensemble, elles manipulent les récits
coloniaux ».
Les opposants au discours occidental, à leur tour, sont divisés entre ceux qui ne veulent pas l’effondrement de la Russie, et ceux qui le veulent, mais le
considèrent comme un fantasme. Les dirigeants politiques allemands et français, ainsi qu’une partie importante de l’émigration russe elle-même, refusent de la soutenir, car ils sont bien
conscients du danger de l’effondrement d’une puissance nucléaire. Comme le rappelle Kuznetsov, il est toujours plus facile de trouver un compromis avec un État qu’avec des dizaines de plus
petits. De plus, les auteurs de cette théorie considèrent pour une raison quelconque qu’il s’agit d’un axiome selon lequel « les 34 petits pays » se comporteront certainement
pacifiquement. Il semble que, contrairement aux États baltes, les politiciens de la vieille Europe se souviennent de l’expérience de l’effondrement de l’URSS et comprennent que si la Russie,
à Dieu ne plaise, éclate, des guerres interethniques, semblables à celles qui ont eu lieu au Karabakh et en Transnistrie pourrait se développer partout sur son territoire.
La manifestation d’un complexe d’une partie des élites polonaises et baltes
Stanislav Tkachenko – professeur à la Faculté des relations internationales de l’Université d’État de Saint-Pétersbourg et expert au Club Valdai – explique
que « Dans
les pays baltes et en Pologne, de nombreux politiciens rêvent de l’effondrement de notre pays. Il leur semble que plus la Russie est faible, plus elle est « rentable » pour ses voisins
occidentaux, car vous pouvez obtenir des ressources et de la main-d’œuvre. Mais pour moi, c’est une chose triste d’essayer d’évaluer de tels rêves, ou plutôt, de tels complexes
psychologiques. D’ailleurs, de tels complexes ne sont même pas caractéristiques de toute l’élite des États baltes et de la Pologne, mais seulement d’une partie de cette élite
« compradore »[1]. Le
Moscou officiel fait ce qu’il faut en ignorant de telles absurdités ».
Tkachenko ajoute que « Maintenant,
il est à la mode en Occident de critiquer la Russie. C’est pourquoi nous avons commencé à considérer de telles conversations, mais en fait, elles ont été entendues depuis longtemps. De tels
« grognements » retentissent autour de toute grande puissance : par exemple, dans les pays voisins de la Chine ou de l’Allemagne. Si nous revenons 60 ans en arrière et
écoutons ce que les Belges disaient des Allemands, alors l’idée était à peu près la même. Cela se résume à la formule : nous devons briser cet état en morceaux jusqu’à ce que nous le
décomposions enfin ».
Une tentative vouée à l’échec par méconnaissance des réalités
L’expert de Valdai n’est pas d’accord avec les prédictions selon lesquelles un « sentiment de culpabilité » surviendra dans notre
pays : « Je
suis certain qu’il n’y aura pas de complexe de culpabilité par rapport aux voisins. Pourquoi ? Parce que nous avons développé tous ces États, y compris les États baltes. Ils sont
devenus une partie de la Russie en tant que périphérie arriérée de l’Europe. Soit les Suédois y régnaient, soit c’étaient les Allemands de la Prusse orientale. Et tout s’est terminé par le
fait qu’ils se sont retirés de l’URSS en tant que républiques les plus développées ».
Le politologue attire l’attention sur la section du rapport EISI qui parle des plans des partisans de la «décolonisation » pour utiliser à leurs propres fins les
réunions de la Conférence de Munich, laquelle commence vendredi. Pour ces partisans, les invités à cette conférence qui représentent les « pays du Sud » seront certainement
convaincus que la Russie est un « empire colonial ». Et par conséquent, les pays d’Afrique, anciennes colonies, ne devraient pas sympathiser avec la Russie. Mais Tkachenko pense que les
organisateurs de cette campagne de « décolonisation » seront déçus. « C’est
la tâche de la diplomatie russe de neutraliser de telles attaques.
Pourquoi ? Depuis les années 1950, notre mission dans les pays en voie de développement a toujours été positive. Nous sommes allés dans les pays du Sud d’alors avec le mot d’ordre d’une
triple transformation : modernisation, collectivisation, révolution culturelle. Il n’y avait rien de semblable proposé par les pays d’Europe occidentale. L’Occident n’était occupé qu’à
pomper des ressources et à les monétiser, et les « pays en développement », par conséquent, ne pouvaient tout simplement pas se développer ».
C’est l’erreur de calcul la plus fondamentale
de cette époque, une erreur qui pourrait amorcer l’effondrement de la primauté du dollar et, par conséquent, de la conformité mondiale aux exigences politiques des États-Unis. Mais le plus grave, c’est
qu’elle pousse les États-Unis à promouvoir une dangereuse escalade ukrainienne contre la Russie directement (avec la Crimée).
Washington n’ose pas, et
ne peut pas céder la primauté du dollar, ce qui
constituerait le symbole ultime du « déclin
américain » . Le gouvernement américain est donc l’otage de son hégémonie financière d’une manière qui est rarement comprise.
L’équipe Biden ne peut pas retirer son récit fantaisiste parlant de l’humiliation imminente de la Russie ; elle a parié la Chambre sur ce récit. Pourtant, c’est
devenu une question existentielle pour les États-Unis, précisément en raison de cette erreur de calcul initiale flagrante qui a ensuite été transformée en un récit absurde d’une Russie
chancelante, qui pourrait s’effondrer à tout moment.
Quelle est donc cette « Grande surprise » , l’événement presque
totalement imprévu de la géopolitique récente qui a tant ébranlé les attentes des États-Unis et qui conduit le monde au bord du précipice ?
C’est, en un mot, la résilience. La résilience dont a fait preuve l’économie
russe après que l’Occident a engagé tout le poids de ses ressources financières pour l’écraser. L’Occident s’est acharné sur la Russie de toutes les manières possibles et imaginables, par le
biais d’une guerre financière, culturelle et psychologique, suivie d’une véritable guerre militaire.
Pourtant, la Russie a survécu, et elle a survécu relativement bien. Elle s’en sort bien, peut-être même mieux que ce à quoi s’attendaient de nombreux connaisseurs
de la Russie. Les services de renseignement « anglo-saxons » avaient cependant assuré aux
dirigeants européens qu’ils n’avaient pas à s’inquiéter : c’est du tout cuit, Poutine ne peut pas survivre. Un effondrement financier et politique rapide, promettaient-ils, était certain sous le
tsunami des sanctions occidentales.
Leur analyse est un échec des services de renseignement, au même titre que l’inexistence des armes de destruction massive irakiennes. Alors que les événements n’ont
pas apporté de confirmation, au lieu de procéder à un réexamen critique, ils ont doublé la mise. Mais deux échecs de ce type sont tout simplement trop lourds à
supporter.
Alors pourquoi cette « prévision ratée » constitue-t-elle un tel
bouleversement mondial pour notre époque ? Parce que l’Occident craint que son erreur de calcul n’entraîne l’effondrement de son hégémonie sur le dollar. Mais la crainte va bien au-delà (aussi
mauvais que cela puisse être du point de vue des États-Unis).
Robert Kagan a expliqué comment la marche en avant vers l’extérieur et la « mission mondiale » des États-Unis constituent
l’élément vital de la politique intérieure américaine – plus que tout nationalisme équivoque, suggère le professeur Paul. Depuis la fondation du pays, les États-Unis ont été un empire républicain expansionniste ; sans ce mouvement
vers l’avant, les liens civiques de l’unité nationalesont remis en question. Si les Américains ne sont pas unis pour une grandeur républicaine expansive, pour quel but, demande le professeur Paul, toutes ces races, croyances et
cultures disparates sont-elles liées entre elles en Amérique ? (La culture woke ne s’est pas avérée être une solution, car elle divise
plutôt qu’elle ne constitue un pôle autour duquel l’unité peut être construite).
Ce qu’il faut retenir, c’est que la résilience russe a, d’un seul coup, fait voler en éclats les convictions de l’Occident sur sa capacité à « gérer le monde » . Après plusieurs débâcles
occidentales centrées sur le changement de régime militaire par la technique du « choc et de l’effroi » , même les
néo-conservateurs endurcis avaient admis, en 2006, qu’un système financier militarisé était le seul moyen de « sécuriser l’Empire » .
Mais cette conviction a maintenant été bouleversée et les États du monde entier l’ont remarqué.
Le choc de cette erreur de calcul est d’autant plus grand que l’Occident avait dédaigneusement considéré la Russie comme une économie arriérée, avec un PIB
équivalent à celui de l’Espagne. Dans une interview accordée au Figaro la semaine dernière, le professeur Emmanuel
Todd notait que la Russie et la Biélorussie, prises ensemble, ne représentent que 3,3% du PIB mondial. L’historien français s’est donc demandé « comment il est possible que ces États aient pu faire
preuve d’une telle résilience face à l’assaut de la finance » .
Tout d’abord, comme l’a souligné le professeur Todd, le « PIB » en tant que mesure de la résilience
économique est totalement « fictif » . Contrairement à son nom, le PIB ne
mesure que les dépenses globales. Et qu’une grande partie de ce qui est enregistré comme « production » , comme la facturation
exagérée des traitements médicaux aux États-Unis et (dit-il avec humour) des services tels que les analyses hautement rémunérées de centaines d’économistes et d’analystes bancaires,
n’est pas de la production en soi, mais de
la « vapeur d’eau » .
La résilience de la Russie, atteste Todd, est due au fait qu’elle possède une véritable économie de production. « La guerre est le test ultime d’une économie
politique » , note-t-il. « Elle
est le grand révélateur. »
Et qu’est-ce qui a été révélé ? La guerre a révélé un autre résultat tout à fait inattendu et choquant qui fait frémir les commentateurs occidentaux : La Russie n’est pas à court de missiles. « Une économie de la taille de l’Espagne, »
se demandent les médias occidentaux, « comment une économie aussi minuscule peut-elle soutenir
une guerre d’usure prolongée de l’OTAN sans manquer de munitions ? »
Mais, comme le souligne Todd, la Russie a pu maintenir son approvisionnement en armes parce qu’elle dispose d’une véritable économie de production qui a la capacité de
maintenir une guerre, ce qui n’est plus le cas de l’Occident. L’Occident, fixé sur sa mesure trompeuse du PIB – et son biais de normalité – est choqué que la Russie ait la capacité de dépasser
les stocks d’armes de l’OTAN. La Russie a été décrite par les analystes occidentaux comme un « tigre de papier » , une étiquette qui semble
maintenant plus susceptible de s’appliquer à l’OTAN.
L’importance de la « grande surprise » de la résilience russe
résultant de son économie réelle de production en regard de la faiblesse évidente du modèle occidental hyper-financiarisé qui se démène pour trouver des sources de munitions a été comprise par le reste du monde.
C’est une vieille histoire. À l’approche de la Première Guerre mondiale, l’Establishment britannique craignait de perdre la guerre à venir contre l’Allemagne : Les
banques britanniques avaient tendance à prêter à court terme, selon une approche « pump and dump« , alors que les banques allemandes investissaient directement dans des projets industriels à long terme de l’économie réelle et étaient donc
considérées comme capables de mieux soutenir l’approvisionnement en matériel de guerre.
Même à cette époque, l’élite anglo-saxonne était consciente de la fragilité inhérente à un système fortement financiarisé, qu’elle a compensée en expropriant
simplement les ressources d’un immense empire pour financer la préparation de la Grande Guerre à venir.
La toile de fond est donc que les États-Unis ont hérité de l’approche financière anglo-saxonne, qu’ils ont ensuite renforcée lorsque les États-Unis ont été
contraints de se retirer de l’étalon-or en raison de l’explosion de leurs déficits budgétaires. Les États-Unis avaient besoin d’attirer l’« épargne » mondiale aux États-Unis pour financer
leurs déficits dus à la guerre du Vietnam.
Dès le début du XIXe siècle, le reste de l’Europe s’est méfié du « modèle anglais » d’Adam Smith. Friedrich List se plaignait du fait que les anglo-saxons partaient du principe que la mesure ultime d’une société était toujours son niveau de consommation (les dépenses –
et donc la mesure du PIB). À long terme, selon List, le bien-être d’une société et sa richesse globale sont déterminés non pas par ce que la société peut acheter, mais par ce qu’elle peut
fabriquer (c’est-à-dire la valeur provenant de l’économie réelle et autosuffisante).
L’école allemande soutenait que l’accent mis sur la consommation finirait par aller à l’encontre du but recherché. Elle détournerait le système de la création de
richesses et rendrait finalement impossible de consommer autant ou d’employer autant de personnes. Avec le recul, on peut dire que List avait raison dans son analyse.
« La guerre est le test
ultime et le Grand révélateur » (selon Todd). Les racines d’une vision économique alternative ont persisté en Allemagne et en Russie (avec Sergei Witte), malgré la prépondérance récente du modèle anglo-saxon hyper-financiarisé.
Aujourd’hui, avec le « Grand Révélateur » , l’accent mis sur
l’économie réelle est considéré comme un élément clé qui sous-tend le Nouvel ordre mondial et le différencie nettement de la sphère occidentale, tant en termes de systèmes économiques que de
philosophie.
Le nouvel ordre se distingue de l’ancien, non seulement en termes de système économique et de philosophie, mais aussi par une reconfiguration des neurones par
lesquels transitent le commerce et la culture. Les anciennes routes commerciales sont contournées et laissées à l’abandon pour être remplacées par des voies navigables, des pipelines et des
corridors qui évitent tous les points d’étranglement par lesquels l’Occident peut physiquement contrôler le commerce.
Le passage du nord-est de l’Arctique, par exemple, a ouvert un commerce inter-asiatique. Les gisements de pétrole et de gaz inexploités de l’Arctique finiront par combler les
lacunes en matière d’approvisionnement résultant d’une idéologie qui vise à mettre fin aux investissements des majors pétrolières et gazières occidentales dans les combustibles fossiles. Le
corridor nord-sud (désormais ouvert) relie Saint-Pétersbourg à Bombay. Un autre tronçon relie les voies navigables du nord de la Russie à la mer Noire, à la mer Caspienne et, de là, au sud. Un
autre corridor encore devrait acheminer le gaz de la Caspienne depuis le réseau de gazoducs de la Caspienne vers le sud jusqu’à un « hub » gazier du golfe Persique.
Voyez les choses de cette manière : C’est comme si les connecteurs neuronaux de la matrice économique réelle étaient, pour ainsi dire, soulevés de l’ouest et
déposés dans un nouvel endroit à l’est. Si Suez était la voie navigable de l’ère européenne et que le canal de Panama représentait celle du siècle américain, alors la voie navigable de l’Arctique
nord-est, les corridors nord-sud et le nœud ferroviaire africain seront ceux de l’ère eurasienne.
En substance, le Nouvel ordre se prépare à soutenir un long conflit économique avec l’Occident.
Ici, nous revenons au « mauvais calcul flagrant » . Cet Ordre
Nouveau en évolution est une menace existentielle pour l’hégémonie du dollar – les États-Unis ont créé leur hégémonie en exigeant que le prix du pétrole (et d’autres matières premières) soit fixé
en dollars, et en facilitant une financiarisation frénétique des marchés d’actifs aux États-Unis. C’est cette demande de dollars qui, à elle seule, a permis aux États-Unis de financer leur
déficit public (et leur budget de défense) sans contrepartie.
À cet égard, ce paradigme du dollar hautement financiarisé possède des qualités qui rappellent une chaîne de Ponzi sophistiquée : il attire de « nouveaux investisseurs » , séduits par un effet
de levier de crédit à coût zéro et la promesse de rendements « assurés » (actifs pompés vers le haut par les
liquidités de la Fed). Mais l’attrait des « rendements assurés » est tacitement garanti par
le gonflement de « bulles » d’actifs les unes après les autres,
dans une succession régulière de bulles gonflées à coût zéro avant d’être finalement « vidées » . Le processus est
ensuite « rincé et
répété »ad seriatim.
Voici l’essentiel : Comme un vrai Ponzi, ce système repose sur l’entrée constante et toujours plus importante d’argent « neuf » dans le système, pour compenser
les « sorties » (le financement
des dépenses du gouvernement américain). En d’autres termes, l’hégémonie américaine dépend désormais de l’expansion constante du dollar à l’étranger.
Et, comme pour tout vrai Ponzi, dès que les entrées d’argent diminuent ou que les remboursements augmentent, le système s’effondre.
C’est pour empêcher le monde de quitter le système du dollar pour un nouvel ordre commercial mondial que l’on a ordonné la promulgation du signal, via l’attaque
contre la Russie, pour avertir que quitter le système entraînerait des sanctions du Trésor américain contre vous, et vous écraserait.
Mais ensuite sont arrivés DEUX chocs qui ont changé la donne, successivement :
L’inflation et les taux d’intérêt ont grimpé en flèche, dévaluant la valeur des monnaies fiduciaires telles que le dollar et sapant la promesse de « rendements assurés » ; et deuxièmement,
la Russie NE S’EST PAS EFFONDRÉE sous l’effet de l’Armageddon financier.
Le « dollar
Ponzi » s’effondre ; les marchés américains chutent ; le dollar perd de sa valeur (par rapport aux matières premières).
Ce système pourrait être anéanti par la résilience de la Russie et par la transformation d’une grande partie de la planète en un modèle économique distinct, ne
dépendant plus du dollar pour ses besoins commerciaux. (C’est-à-dire que les nouvelles entrées d’argent dans la pyramide de Ponzi en dollars deviennent négatives, alors que les sorties d’argent
explosent, les États-Unis devant financer des déficits toujours plus importants (désormais au niveau national)).
Washington a clairement commis une erreur d’une gravité stratosphérique en pensant que les sanctions et l’effondrement supposé de la Russie
constitueraient une issue facile, tellement évidente qu’elle ne nécessiterait aucune réflexion rigoureuse.
L’équipe Biden a donc mis les États-Unis dans une situation délicate en Ukraine. Mais à ce stade – de manière réaliste – que peut faire la Maison Blanche ? Elle ne
peut pas abandonner le récit de l’« humiliation à
venir » et de la défaite de la Russie. Elle ne peut pas laisser tomber le récit parce qu’il est devenu une composante existentielle pour sauver ce qu’elle peut du « Ponzi » . Admettre que la Russie
a « gagné » reviendrait à dire que
le « Ponzi » devra « fermer le fonds » à d’autres retraits
(tout comme Nixon l’a fait en 1971, lorsqu’il a fermé les retraits de la fenêtre de l’or).
Le commentateur Yves Smith a déclaré de manière provocante : « Que se passera-t-il si la Russie
gagne de manière décisive et que la presse occidentale a pour consigne de ne pas le remarquer ? » On peut supposer que, dans une telle situation, la confrontation économique
entre l’Occident et les États du Nouvel ordre mondial devra se transformer en une guerre plus large et plus longue.
Alastair
Crooke
Traduit par Zineb, relu par Wayan, pour le Saker Francophone
Ukraine – « L’Europe doit accepter le monde multipolaire sinon elle va mourir »
Avec Caroline Galacteros, géopolitologue, docteur en sciences politiques, ancienne directrice de séminaire à l’École de guerre (Paris), elle dirige le think
tank GEOPRAGMA – Pôle français de géopolitique réaliste (Paris). Elle est également l’auteur du blog Bouger les lignes.
La guerre de l’Occident contre la Russie est-elle uniquement une question de stupidité ?
Source : The Saker francophone - par Alastair Crooke - Le 22/01/2023.
Non seulement il n’y a pas de menace russe indépendante de la
politique américaine, mais c’est aussi l’expansion de l’OTAN pour « répondre à la menace russe » qui crée la menace même que l’expansion était censée combattre.
Par Alastair Crooke – Le 22 janvier 2023 – Source Al Mayadeen
La guerre par procuration des États-Unis contre
la Russie est stupide. Dans une critique du livre de Benjamin Abelow, How the West Brought War to Ukraine, Peter Ramsay, professeur de
droit à la LSE, explique comment ce dernier évite le récit simpliste « Poutine a envahi l’Ukraine » – qui
attribue la responsabilité première de la guerre à des causes moins immédiates : « la stupidité et l’aveuglement du gouvernement
américain » et « la déférence et
la lâcheté » des dirigeants européens envers cette « stupidité » gouvernementale
américaine.
Bien qu’Abelow décrive très clairement l’arrogance et l’hypocrisie et les illusions de la politique occidentale, il ne tente pas d’expliquer comment ou pourquoi
la politique américaine est devenue si stupide ou les dirigeants européens si lâches. Il semble abasourdi par cette situation, décrivant le niveau d’irrationalité impliqué comme
« presque inconcevable » .
Néanmoins, nous devons le concevoir, car cela s’est produit et apporte un changement révolutionnaire au Moyen-Orient qui est en train de se reconfigurer en tant que
partie intégrante du bloc BRICS+ ; une transition qui, en soi, laisse présager un énorme changement du cadre géo-économique.
Au fond, la « stupidité monumentale » fondamentale – pour
laquelle Abelow cite l’universitaire britannique Richard Sakwa – n’est pas quelque chose de caché, mais plutôt une de ces « vérités » qui sont « là, au grand jour » . Il s’agit du fait que
l’existence de l’OTAN est validée par la gestion des « menaces » perçues qui, dans un processus de
pensée circulaire, ont été précisément provoquées par l’élargissement de l’OTAN, un élargissement
effectué ostensiblement pour gérer
ces « menaces » .
En bref, il s’agit d’un argument circulaire en boucle fermée. Non seulement il n’y a pas de menace russe indépendante de la politique américaine, mais c’est aussi
l’élargissement de l’OTAN pour « répondre à la
menace russe » qui crée la
menace même que l’élargissement était censé combattre.
De même, c’est ce type de raisonnement circulaire qui fait de « Poutine un Hitler » , une épithète
auto-réalisatrice créée parce que
l’expansion de l’OTAN est avant tout « raisonnable » (une « valeur » et un droit national) et que, par
conséquent, quiconque la conteste doit être « fasciste » .
Abelow demande simplement : « Quelle personne saine d’esprit pourrait croire que mettre un
arsenal occidental à la frontière de la Russie ne produirait pas une réponse puissante ? »
À la base, Abelow déplore que la folie qui le dérange fortement est que les décideurs américains reconnaissent la circularité de leur argument (il donne des
exemples), mais ne veulent pas admettre un seul instant tout argument contre lui. Ils savent « une chose » , mais en disent « une autre » , dit-il.
Mais l’accusation de folie, estime Ramsay, « bien que séduisante sur le plan rhétorique, tend à occulter un
aspect essentiel du narcissisme qui anime la politique occidentale : l’aspect selon lequel le sens de la vertu qui se respecte est influencé par la mentalité dominante de notre époque – des idées
qui influencent non seulement les « experts » , mais aussi les dirigeants politiques et des populations entières » .
Ce narcissisme et cet amour-propre suffisant sont effectivement un facteur clé, mais nous devons comprendre pleinement leur rôle en nous tournant vers Leo Strauss,
dont la pensée a tant façonné une génération de conservateurs américains (les straussiens).
Strauss a donné des cours à l’université de Chicago à deux niveaux distincts : dans l’un d’entre eux, il dispensait son enseignement ouvertement à tous les
étudiants ; mais pour les quelques élus – en marge des autres – il dispensait un « enseignement ésotérique » différent (sur
la République de Platon, par exemple). Un
groupe d’étudiants recevait le discours standard sur la République en tant que mythe occidental fondamental. Les
quelques privilégiés (dont beaucoup allaient devenir des néo-conservateurs de premier plan), en revanche, ont reçu l’enseignement de Strauss sur le sens profond de la République, à savoir la manipulation machiavélique et
pathologique1.
Strauss a enseigné que la « vérité » de Platon devait être déterrée par une
classe d’élus possédant une certaine « nature » et des dons que la plupart des
hommes n’ont pas : la capacité de saisir le sens occulte des mots. Ces hommes, écrit Platon, constitueraient la classe des guerriers, plus élevés en rang et en honneur que la classe des producteurs et des échangeurs. Strauss a écrit dans la même veine que l’enseignement de Machiavel avait également un caractère « double » .
Mais l’idée centrale pour les initiés élus était simple : le pouvoir est quelque chose que l’on utilise ou que l’on perd.
Et dans ce contexte, la « situation difficile » des néo-cons est
simplement que le sens profond est perdu au milieu du vacarme écrasant du discours libéral.
Le principal penseur néo-con, Robert Kagan, par exemple, s’est fait l’écho du discours de Jimmy Carter sur le malaise de 1979 en considérant que le libéralisme américain
égocentrique empêche les Américains de s’interroger sur les racines de leur propre malaise. Carter l’avait identifié « comme une crise qui frappe le cœur, l’âme et l’esprit même de
notre volonté nationale. Nous pouvons voir cette crise dans le doute croissant sur le sens de nos propres vies et dans la perte d’une unité de but pour notre nation. »
L’argument des néo-cons en faveur d’une guerre contre la Russie est donc, en soi, peut-être stupide, mais pas nécessairement aussi irrationnel qu’on le croit. Comme
l’a souligné Kagan, la marche en avant est l’élément vital du système politique américain. Sans elle, l’objectif des liens civiques d’unité est inévitablement remis en question. Une Amérique qui n’est pas un glorieux empire républicain en mouvement n’est pas une Amérique, « point final » .
Cette compréhension intérieure du « malaise » américain ne peut toutefois pas être
exprimée publiquement face à une parole libérale étouffant le discours public, suggère-t-il.
Pat Buchanan (commentateur politique de premier plan et trois fois candidat à la présidence) a fait la même remarque : « Combien
de temps faudra-t-il avant que le peuple américain… commence à perdre confiance dans le système démocratique lui-même ? Il est clair que l’une des raisons de notre division actuelle et de notre
malaise national est que nous avons perdu la grande cause qui animait les générations précédentes : la guerre froide. »
Le ‘Nouvel ordre mondial’ de George H.W. Bush n’a enthousiasmé que les élites. La croisade pour la démocratie de George W. Bush n’a pas survécu aux guerres
perpétuelles afghane et irakienne qu’il a lancées en son nom. L' »ordre fondé sur des règles » du secrétaire d’État Antony Blinken connaîtra le même sort.
En clair, l’apparente « stupidité » inhérente au récit de l’OTAN peut
être comprise comme la tension entre les néoconservateurs qui ont une lecture politique d’initiés et la volonté d’utiliser l’argument de l’OTAN pour détruire la Russie.
Cet absurde raisonnement circulaire des néo-cons et de l’OTAN en faveur d’une guerre contre la Russie, bien sûr, sert clairement à mobiliser les
circonscriptions « libérales » américaines et de l’UE où la
paresse narcissique destructrice et le manque de volonté de faire preuve de discernement sur soi-même oblitèrent la pensée critique, selon le point de vue straussien (c’est-à-dire qu’elles
empêchent de comprendre que l’impératif de puissance de Poutine semble échouer).
Mais les straussiens – avec leur lecture d’initiés de la politique – perçoivent que l’Amérique ne peut
survivre ni à une victoire russe ni à une montée en puissance technique et économique de la Chine, car si les États-Unis n’utilisent pas (leur pouvoir), ils perdront (leur primauté
mondiale).
Washington a clairement commis une erreur peut-être existentielle en pensant que des sanctions entraînant un effondrement financier de la Russie représenteraient un
succès « sans appel » . L’équipe
Biden s’est ainsi mise dans une situation délicate en Ukraine et ne mérite aucune sympathie. Mais à ce stade, de manière réaliste, quel choix la Maison Blanche a-t-elle ? Les néo-conservateurs
soutiendront que le fait de reculer constitue un risque existentiel pour les États-Unis. Pourtant, c’est peut-être un risque qui peut s’avérer inévitable en fin de compte.
Encore une fois, et pour être clair, il ne s’agit pas tant de maintenir l’hégémonie militaire américaine que de maintenir l’hégémonie financière des États-Unis dont
tout le reste dépend, y compris leur capacité à financer les budgets de défense de 850 milliards de dollars américains.
Et « nous en
arrivons à la véritable colle de l’Amérique » . Darel Paul, professeur de sciences politiques au Williams College, écrit : « Depuis la
fondation du pays dans les feux de la guerre, les États-Unis ont été un empire républicain expansionniste incorporant sans cesse de nouvelles terres, de nouveaux peuples, de nouveaux biens, de
nouvelles ressources, de nouvelles idées… L’expansion militaire, commerciale et culturelle continuelle depuis Jamestown et Plymouth a cultivé l’agitation, la vigueur, l’optimisme, la confiance en
soi et l’amour de la gloire pour lesquels les Américains sont connus depuis longtemps. » D’un point de vue non militaire, cette « colle » devient donc existentielle.
Ah… mais l’élite a également construit le système financier de l’Amérique sur le même principe de mouvement vers l’avant – pas seulement des forces militaires, mais
de l’énergie vitale du dollar (‘incorporant toujours de
nouvelles terres, de nouveaux peuples, de nouveaux biens, de nouvelles ressources’…, etc…). Si, toutefois, l’expansion financière de l’Amérique (et ses 30 milliards de dollars détenus à
l’extérieur) devient secondaire par rapport à la nécessité commerciale, nous pourrions assister à la rupture des chaînes qui lient une pyramide inversée de dette financiarisée à un minuscule
pivot de garanties solides… et la pyramide s’effondrera.
Alastair
Crooke
Traduit par Zineb, relu par Wayan, pour le Saker Francophone
En cette fin d'année 2022, Vladimir Poutine a procédé à une accélération de quelques coups sur l'échiquier eurasiatique: en particulier, l'annonce de l'extension du
parapluie nucléaire russe à la Biélorussie représente une défaite stratégique majeure pour l'OTAN. Dix mois de conflit ont ressoudé Biélorussie et Russie, alors que le
cauchemar que vit la population ukrainienne, du fait du refus de négocier de son gouvernement, ne cesse de s'accroître, rendant de plus en plus improbable que
l'Ukraine puisse être, après le conflit un pilier de la stratégie de l'OTAN face à la Russie.
Le texte complet de la conférence de presse de Vladimir Poutine le 22 décembre 2022
Pour être honnête, j’aimerais commencer par un résumé. Il est clair que ce n’était pas l’année la plus facile, ni la plus ordinaire, mais quels sont ses principaux
résultats pour vous ?
Qu’avons-nous réalisé, peut-être, qu’avons-nous échoué à réaliser, et comment voyez-vous notre avenir, où allons-nous et où devrions-nous arriver ?
Merci.
Vladimir Poutine : Il n’y a pas de situations idéales. Les situations idéales n’existent que dans les plans, sur le papier, et vous voulez toujours quelque
chose de plus. Mais en général, je pense que la Russie a traversé l’année de manière assez confiante. Nous ne craignons pas que la situation actuelle nous empêche de
mettre en œuvre nos projets pour l’avenir, y compris pour 2023.
Permettez-moi de répéter une fois de plus que nous pensons – je tiens à le souligner – que tout ce qui se passe, et tout ce qui est lié à l’opération militaire
spéciale, est une mesure absolument forcée et nécessaire. Nous devrions être reconnaissants envers nos militaires, nos troupes, nos officiers, nos soldats pour ce
qu’ils font pour la Russie, en défendant ses intérêts, sa souveraineté et, surtout, en protégeant notre peuple. Ils agissent avec dignité et réalisent ce dont le pays
a besoin.
Quant à l’économie, comme vous le savez, malgré les effondrements, la dévastation et la catastrophe que l’on nous prédit dans la sphère économique, rien de tel ne se
produit. En outre, les performances de la Russie sont bien meilleures que celles de nombreux pays du G20, et ce avec confiance. Cela vaut pour les principaux
indicateurs macroéconomiques et le PIB. Oui, il y a eu une petite baisse. Je l’ai dit très récemment : 2,9 %, selon nos experts et les experts internationaux.
Maintenant, ils donnent un autre chiffre, encore plus petit : 2,5.
Le taux de chômage est un indicateur clé dans le monde entier. En Russie, il est inférieur à celui de la période pré-pandémique : je vous rappelle qu’il était alors de
4,7 pour cent, et qu’il est maintenant de 3,8-3,9 pour cent. Autrement dit, le marché du travail est stable.
Les finances publiques sont stables, il n’y a pas de détails alarmants ici non plus. Ce résultat ne nous est pas tombé dessus par hasard. Il est le résultat du travail
du gouvernement, des équipes régionales, des entreprises et du sentiment de la société, qui fait preuve d’unité et de volonté de travailler ensemble pour atteindre des
objectifs communs.
Par conséquent, d’une manière générale, nous sommes confiants, et je ne doute pas que tous les objectifs que nous nous sommes fixés seront atteints.
Konstantin Panyushkin : Bon après-midi.
(Konstantin Panyushkin, Channel One).
Dans le sillage du Conseil d’État, si vous le voulez bien. Comment évalueriez-vous personnellement les résultats de la mise en œuvre de la politique de la jeunesse
cette année, compte tenu de la manière digne dont la jeunesse russe s’est comportée depuis le 24 février ?
Vladimir Poutine : Vous savez, nous parlons toujours de cela – enfin, pas nous, mais regardez notre littérature classique : il est toujours question de
pères et d’enfants, il est toujours question des jeunes à n’importe quelle période du développement du pays – et, d’ailleurs, je pense que la même chose se produit
dans le monde entier – les jeunes sont constamment accusés d’être superficiels, indignes de quelque chose, que tout était mieux avant.
Au contraire, je crois que les jeunes sont toujours meilleurs. Rappelez-vous les épreuves les plus difficiles de tous les temps de notre histoire. Tout le monde disait
: « Non, c’était avant, maintenant ils ne peuvent pas le faire ». Mais qu’est-ce qu’ils ne peuvent pas faire ? Les jeunes peuvent tout faire. Il y a
différents types dans toutes les tranches d’âge. Mais en général, nos jeunes font preuve, avant tout, d’une volonté de progrès, ils font preuve d’un haut niveau
d’éducation, de formation, de compréhension des processus en cours dans le monde, dans la société, et d’une compréhension de la direction à prendre, de ce qui a une
vraie valeur, de ce sur quoi il faut compter.
Je parle de notre histoire, de l’amour de la patrie, de la mère patrie. Ceci est particulièrement prononcé en période d’épreuve.
Rappelez-vous nos événements difficiles dans le Caucase du Nord. Les gens ne pensaient pas grand-chose de notre jeunesse. Mais rappelez-vous les parachutistes de Pskov
– c’est un exemple de ce que les jeunes peuvent faire, de l’héroïsme dont ils peuvent faire preuve. Et maintenant, regardez comment les jeunes se battent et comment
nos jeunes réagissent à ce qui se passe dans la zone de l’opération militaire spéciale, comment ils soutiennent nos combattants.
Je suis allée au Manezh aujourd’hui, et j’étais au bord des larmes quand j’ai vu comment des jeunes, adolescents et un peu plus âgés, collectaient des objets,
écrivaient des lettres. Il y avait aussi beaucoup de volontaires qui étaient jeunes eux aussi.
Oui, les gens sont différents. Il y a des gens qui sont montés dans leur voiture et qui sont partis en silence, oui. Mais dans l’ensemble, je veux répéter que les
jeunes de Russie – et je peux le dire avec confiance – font preuve d’amour pour leur terre, d’un désir de se battre pour elle et d’aller de l’avant individuellement et
en tant que pays.
Andrei Kolesnikov : Bonjour.
(Journal Kommersant).
Monsieur le Président, vous n’avez pas prononcé votre discours devant l’Assemblée fédérale cette année et, apparemment, il n’y en aura pas. Comme beaucoup d’autres,
j’ai écrit à ce sujet, notant que la question de l’allocution a été soulevée dans plusieurs formats récemment, par exemple, lors de la réunion du Conseil pour le
développement stratégique et les projets nationaux. Il semble qu’elle ait également été évoquée hier lors de la réunion élargie du Conseil du ministère de la
Défense.
Pourriez-vous expliquer pourquoi c’est le cas cette année ? Et que réserve l’avenir à votre discours ?
Vladimir Poutine : Je pense qu’il n’y a pas eu d’adresse en 2017 non plus. Je fais référence à l’année civile. Mais il devrait y en avoir une.
Quel est le problème ? Le problème est que ce sont des événements qui évoluent rapidement, la situation se développe très rapidement. Par conséquent, il était très
difficile – probablement pas très, mais plutôt difficile de cerner les résultats à un moment précis et les plans spécifiques pour l’avenir proche. Nous le ferons au
début de l’année prochaine, sans aucun doute.
Mais l’essentiel de ce discours réside dans ce que je viens de dire. Il a été reflété dans mes déclarations d’une manière ou d’une autre. Il était impossible de ne pas
en parler. Alors, franchement, il a été assez difficile pour moi et pour le Bureau exécutif de faire rentrer cela dans un discours formel sans trop de répétitions, et
c’est tout. En d’autres termes, j’ai déjà parlé d’éléments clés d’une manière ou d’une autre, il n’y avait donc pas beaucoup d’envie de tout rassembler à nouveau et de
répéter ce que j’avais déjà dit.
Pour quelque chose de substantiel, nous avons besoin de temps et d’une analyse supplémentaire de ce qui se passe, de ce dont nous parlons et de la planification pour
le futur proche.
C’est ce que nous ferons. Je ne mentionnerai pas de dates exactes, mais nous le ferons certainement dans l’année à venir.
Monsieur le Président, j’aimerais vous interroger sur l’accord relatif à la fourniture d’une batterie de missiles Patriot à l’Ukraine, conclu lors de la visite de M.
Zelensky aux États-Unis. Est-il possible de parler d’une implication totale des Etats-Unis dans le conflit en Ukraine ? Quelles seront les conséquences de cette
décision ? Par exemple, la Russie peut-elle rapprocher ses systèmes des frontières des pays de l’OTAN ou les déployer à proximité directe des États-Unis ?
Je vous remercie.
Vladimir Poutine : Vous avez demandé s’il était possible de parler d’une plus grande implication des Etats-Unis dans le conflit en Ukraine. Je pense que
nous devons envisager le problème de manière plus large. Qu’est-ce que je veux dire en particulier et pourquoi ?
Parce que les États-Unis font cela depuis longtemps – ils sont depuis longtemps impliqués dans les processus qui se déroulent dans l’espace soviétique et
post-soviétique. À l’époque soviétique, des instituts entiers travaillaient en Ukraine, et ils avaient pleinement conscience du contexte de la question. Ils ont des
spécialistes expérimentés, profonds, qui connaissent cela de manière professionnelle. Je le répète, le terrain a été préparé à l’époque soviétique ; les personnes ont
été sélectionnées, les significations ont été définies et ainsi de suite. Je ne veux pas entrer dans les détails à ce stade – ce n’est pas le bon format pour entrer
dans l’histoire de la question. Cela dit, l’origine de tout cela reste claire.
L’unité du monde russe est une question très subtile. Diviser pour régner – ce slogan a été utilisé dans l’Antiquité et est encore activement utilisé dans la politique
réelle. C’est pourquoi notre adversaire potentiel, nos opposants, ont toujours rêvé de cela et se sont toujours engagés dans cette voie. Ils ont essayé de nous diviser
pour ensuite diriger les parties séparées.
Qu’est-ce qui est nouveau ici ? L’idée du séparatisme ukrainien est née d’elle-même il y a longtemps, lorsque nous étions encore un seul pays. Vous savez, j’ai
toujours dit que si quelqu’un décide qu’un groupe ethnique distinct s’est formé et veut vivre indépendamment, pour l’amour de Dieu, il est impossible d’aller contre la
volonté du peuple.
Mais s’il en est ainsi, ce principe doit être universel et il est impossible d’aller à l’encontre de la volonté des gens qui se sentent dans une réalité différente,
qui se considèrent comme faisant partie du peuple russe et du monde russe, qui croient faire partie de cette culture, de cette langue, de cette histoire et de ces
traditions. Personne ne peut les combattre, non plus.
Mais une guerre s’est déchaînée sur eux en 2014. Je veux dire une guerre. Voici de quoi il s’agissait. Qu’est-ce que c’était quand les centres de villes d’un million
d’habitants ont été frappés par les airs ? Qu’est-ce que c’était quand des troupes avec des blindés étaient déployées contre eux ? C’était une guerre, des opérations
de combat. Nous avons enduré tout cela, enduré et enduré, dans l’espoir d’un quelconque accord de paix. Maintenant, il s’avère que nous avons été tout simplement
trompés. Donc, un pays comme les États-Unis est impliqué dans cette affaire depuis longtemps. Très longtemps.
En ce sens, on peut dire qu’en nous conduisant aux événements actuels, ils ont atteint le but recherché. Pour notre part, nous n’avions pas non plus d’autre choix que
les actions que nous avons entreprises fin février dernier. Oui, c’est la logique qui a présidé aux développements, mais notre objectif premier est de protéger des
personnes qui – permettez-moi de le répéter – ont le sentiment de faire partie de notre nation, de notre culture.
Que croyions-nous à une époque ? Nous pensions que l’URSS avait cessé d’exister. Mais, comme je l’ai dit hier lors de la réunion du conseil du ministère de la défense,
nous pensions que nos racines historiques communes, notre bagage culturel et spirituel seraient plus forts que ce qui nous sépare, et de telles forces ont toujours
existé. Nous supposions que ce qui nous unissait était plus fort. Mais non, ce n’était pas le cas, en raison de l’aide de forces extérieures et du fait que des
personnes aux vues nationalistes extrêmes ont pris le pouvoir essentiellement après l’effondrement de l’Union.
Et cette division n’a cessé de s’aggraver avec l’aide de ces forces et malgré tous nos efforts. Comme je l’ai déjà dit, nous avons d’abord été séparés, puis opposés
les uns aux autres. Dans ce sens, ils ont obtenu des résultats, bien sûr, et dans ce sens, cela a été une sorte de fiasco pour nous. Nous n’avions plus rien d’autre.
Peut-être avons-nous été délibérément amenés à cela, à ce bord du gouffre. Mais nous n’avions nulle part où nous retirer, c’est là le problème.
Ils ont toujours été pleinement impliqués, ils ont fait de leur mieux. Je ne m’en souviens plus maintenant, mais vous pouvez vous documenter dans les livres
d’histoire. L’un des députés de la Douma d’État tsariste a dit : si vous voulez perdre l’Ukraine, ajoutez-y la Galicie. Et c’est ce qui est arrivé à la fin ; il s’est
avéré être un visionnaire. Pourquoi ? Parce que les gens de cette partie se comportent de manière très agressive et suppriment en fait la majorité silencieuse dans le
reste de ce territoire.
Mais encore une fois, nous pensions que les fondements de notre unité seraient plus forts que les tendances qui nous déchirent. Mais il s’est avéré que ce n’était pas
le cas. Ils ont commencé à supprimer la culture russe et la langue russe, ont essayé de briser notre unité spirituelle de manière totalement barbare. Et ils ont
prétendu que personne ne le remarquait. Pourquoi ? Parce que, comme je l’ai dit, leur stratégie était de diviser pour mieux régner.
L’unification du peuple russe n’est pas souhaitable. Personne ne la souhaite. D’un autre côté, notre désunion les rendrait heureux ; ils continueraient volontiers à
nous déchirer. Mais notre unification et notre consolidation sont des choses que personne ne souhaite – sauf nous, et nous le ferons et nous réussirons.
Quant aux aspects militaro-techniques, le fait est que, comme je l’ai dit hier, la frégate Admiral Gorshkov entrera en service de combat début janvier, équipée de
nouveaux systèmes d’armes.
Ce n’est pas que nous prévoyons des provocations, mais c’est néanmoins un facteur de renforcement de nos forces stratégiques. Il s’agit de systèmes à moyenne portée,
mais ils ont des caractéristiques de vitesse telles qu’ils peuvent nous donner certains avantages dans ce sens.
Quant au Patriot, c’est un système assez ancien. Je dirais qu’il ne fonctionne pas comme notre S-300. Néanmoins, ceux qui s’opposent à nous supposent que ces systèmes
sont des armes défensives. Très bien. Nous allons garder cela à l’esprit, et il y a toujours un antidote. Donc ceux qui font cela, le font en vain : cela ne fait que
prolonger le conflit, et c’est tout.
Konstantin Kokoveshnikov : Bonjour.
(Konstantin Kokoveshnikov, chaîne de télévision Zvezda).
Si vous le permettez, j’ai encore une question sur l’opération militaire spéciale. Comme d’habitude, vous avez très peu parlé du déroulement de l’opération, préférant
ne pas en évoquer les détails. Cependant, voyez-vous des signes d’enlisement du conflit ?
Merci.
Vladimir Poutine : Vous savez, j’en ai déjà parlé. La situation a en fait commencé à se développer – c’était moins perceptible ici, alors que l’Occident
préférait ne rien dire ou remarquer – bien en 2014, après le coup d’État fomenté par les États-Unis, lorsque des biscuits ont été distribués sur Maïdan. J’ai parlé de
cela à de nombreuses reprises.
Mais notre objectif n’est pas de fouetter le conflit militaire, mais de mettre fin à cette guerre. C’est ce que nous voulons, et c’est ce que nous allons essayer de
faire.
Quant au fait que j’en parle peu ou avec parcimonie, c’est logique. D’une part, je suis peut-être parcimonieux, mais le ministère de la Défense organise des briefings
quotidiens pour informer le public et le pays de ce qui se passe, où cela se passe, de quelle manière, etc.
En bref, nous ferons de notre mieux pour mettre fin à cette situation, et le plus tôt sera le mieux, bien sûr. Quant à savoir ce qui se passe et comment cela se passe,
j’ai noté à de nombreuses reprises que l’intensification du conflit entraînera des pertes injustifiées. Beaucoup de petites choses font des petites choses.
Alexei Petrov : (Alexei Petrov, chaîne de télévision Rossiya).
Monsieur le Président, ma question porte essentiellement sur ce thème.
Les milieux politiques occidentaux ont récemment déclaré, y compris au sein de l’OTAN, que les ressources occidentales qui sont fournies à l’Ukraine à titre
d’assistance ne sont pas illimitées ; en fait, elles s’épuisent. Dans le même temps, certains experts occidentaux estiment que les ressources de la Russie sont
épuisées, jusqu’aux derniers missiles, munitions, etc.
Nous avons déjà entendu cela, mais, néanmoins, quelle est la situation de notre industrie de la défense ? Peut-elle reconstituer les ressources dont nous avons besoin,
d’une part, et produire suffisamment pour poursuivre l’opération militaire spéciale, d’autre part ?
Merci.
Vladimir Poutine : Tout d’abord, je ne pense pas que les ressources des pays occidentaux et des membres de l’OTAN aient été mises à rude épreuve. Le fait
que l’Ukraine soit approvisionnée en armes des anciens pays du Pacte de Varsovie, dont la majorité est de fabrication soviétique, est une autre question. Cette
ressource s’épuise en effet ; nous avons détruit et brûlé la quasi-totalité de ces armes. Il ne reste que quelques dizaines de véhicules blindés et une centaine
d’autres systèmes d’armes. Nous en avons détruit beaucoup. Le stock de ces systèmes est presque épuisé.
Mais cela ne signifie pas que les pays occidentaux et l’OTAN n’ont pas d’autres armes. Ils en ont. Cependant, il n’est pas facile de se convertir à de nouveaux
systèmes d’armes, y compris aux normes de l’OTAN. Cela nécessite du temps de préparation, la formation du personnel, des stocks de pièces de rechange, l’entretien et
la réparation. C’est un problème important et compliqué. C’est mon premier point.
Deuxièmement, il y a aussi la question des capacités de l’industrie de la défense occidentale. Le secteur américain de la défense est important et peut être mis à
contribution, mais cela ne sera pas facile là non plus, car cela implique des allocations supplémentaires, et l’allocation de fonds fait partie du processus
budgétaire. Ce n’est pas une question simple.
On dit que les systèmes Patriot pourraient être envoyés en Ukraine. Qu’ils le fassent ; nous éliminerons aussi les Patriot. Et ils devront envoyer quelque chose pour
les remplacer ou créer de nouveaux systèmes. C’est un processus long et compliqué. Ce n’est pas si simple. Nous prenons cela en compte et comptons tout ce qui est
envoyé là-bas, combien de systèmes il y a dans les dépôts, combien d’autres ils peuvent fabriquer et à quelle vitesse, et s’ils peuvent former le personnel
nécessaire.
Venons-en maintenant à nos capacités et à nos ressources. Nous les dépensons, bien sûr. Je ne donnerai pas de chiffres ici, par exemple, combien d’obus nous utilisons
par jour. Les chiffres sont élevés. Mais la différence entre nous et ceux qui nous combattent, c’est que l’industrie de défense ukrainienne se dirige rapidement vers
un chiffre nul, voire négatif. Toutes ses capacités de fabrication seront bientôt détruites, alors que notre cadre est en train de se développer. Comme je l’ai
souligné hier lors de la réunion du conseil du ministère de la défense, nous ne le ferons pas au détriment des autres secteurs économiques. Nous devons de toute façon
subvenir aux besoins de l’armée, d’une manière ou d’une autre, comme l’a dit le ministre hier.
Contrairement à l’Ukraine, nous avons développé notre industrie, y compris le secteur de la défense, au cours des dernières décennies. Nous avons développé notre
science et notre technologie militaires. Il nous manque certains éléments, comme les munitions volantes, les drones et autres, mais nous y travaillons. Nous savons
quelles entreprises peuvent les produire, combien et dans quel délai. Nous avons les fonds nécessaires pour financer les centres de recherche et de technologie et les
capacités de fabrication. Nous avons tout cela.
Oui, il y a un problème avec la mise en place de la vitesse et des volumes de production. Mais nous pouvons le faire, et nous le ferons certainement.
Monsieur le Président, dans cette situation, y a-t-il une réelle chance de trouver une solution diplomatique à la situation en Ukraine ? Est-ce que c’est possible
?
Vladimir Poutine : Chaque conflit, chaque conflit armé se termine par une sorte de négociation sur la voie diplomatique, d’une manière ou d’une autre, et
nous n’avons jamais refusé de négocier. Ce sont les dirigeants ukrainiens qui se sont interdits de négocier. Cette attitude est quelque peu inhabituelle, voire
bizarre, dirais-je. Néanmoins, tôt ou tard, toute partie en conflit s’assoit et négocie. Plus vite ceux qui s’opposent à nous s’en rendront compte, mieux ce sera. Nous
n’avons jamais renoncé à cela.
Valery Sanfirov : (Valery Sanfirov, Vesti FM).
Monsieur le Président, vous avez rencontré fréquemment les militaires ces derniers temps.
Vladimir Poutine : Cela vous surprend-il ?
Valery Sanfirov : Non.
Vladimir Poutine : Tous les jours, pour que vous compreniez bien, tous les jours.
Valery Sanfirov : Une question sur les héros.
Vous êtes passé devant la rue Kutuzovsky Prospekt en vous rendant à cette réunion du Conseil d’État ; les rues de ce quartier portent le nom du général Dorokhov, de
Rayevsky, de Barclay de Tolly et de Vasilisa Kozhina. Même la réunion du Conseil d’État s’est déroulée dans une salle comportant quelque 11 000 plaques portant les
noms de héros décorés de Saint-Georges, si je ne me trompe pas.
L’opération militaire spéciale produit-elle des héros et des commandants nationaux ? De nouveaux noms apparaissent-ils ?
Vladimir Poutine : Oui, bien sûr. Malheureusement, tout conflit armé est associé à des pertes, des tragédies, des blessures, etc. Et en règle générale,
vous savez, ceux qui meurent en défendant les intérêts de leur Patrie, de leur peuple, ceux qui sont blessés – ce sont les plus forts. Ils sont en première ligne. Et
bien sûr, ce sont des héros. Je l’ai dit à maintes reprises. C’est ma conviction profonde.
Pensez-y : vous et moi sommes ici, dans cette salle du palais du Kremlin ; nous sommes au chaud, avec le soleil artificiel qui brille au-dessus de nous ; les lumières
sont allumées, l’intérieur est magnifique – et les soldats sont dehors, dans la neige. Vous voyez ?
Nous parlons des semelles de leurs bottes et ainsi de suite, de leurs armes – mais ils peuvent se faire tirer dessus à tout moment. Bien sûr, ce sont tous des héros.
Ils font des efforts considérables, risquent leur santé et leur vie. Bien sûr, ce sont des héros. Certains d’entre eux commettent des actes particuliers, des actes que
l’on qualifie d’héroïsme, d’héroïsme personnel. Pas seulement du travail acharné, mais de l’héroïsme personnel.
Nous y pensons, bien sûr, et nous trouverons certainement un moyen de les présenter comme des modèles pour toute notre société, comme un exemple à suivre pour la jeune
génération. Ces personnes renforcent l’esprit intérieur de la nation. C’est très important. Nous les avons certainement. Ils sont nombreux. Vous en connaissez
probablement certains ; d’autres, nous ne les connaissons pas encore, nous n’avons pas encore leurs noms, mais nous allons les énumérer à coup sûr.
Maria Glebova : (Maria Glebova, RIA Novosti).
Si vous le permettez, j’aimerais revenir sur l’économie.
Vous avez dit précédemment que l’économie ne s’est pas effondrée. Mais maintenant nous entendons dire que le coup dur viendra l’année prochaine. Pouvez-vous nous dire
s’il sera possible de maintenir l’économie russe à flot ?
Par ailleurs, à la fin de chaque année, vous rencontrez les chefs d’entreprise russes. Mais pas cette année. Pourquoi cela ? Voyez-vous leur rôle dans la croissance de
l’investissement privé maintenant ?
J’aimerais également évoquer les questions sociales. Tous les engagements sociaux qui ont été pris continueront-ils à être respectés ?
Merci.
Vladimir Poutine : En ce qui concerne l’économie, j’ai déjà abordé ce sujet, mais j’ai quelque chose à ajouter.
Premièrement, l’effondrement économique prédit ne s’est pas produit. Certes, nous avons enregistré une baisse, et je vais répéter les chiffres. Il y a eu des promesses
– ou des prédictions ou des espoirs peut-être – que l’économie de la Russie allait se contracter. Certains ont dit que son PIB allait chuter de 20 % ou plus, de 20 à
25 %. Il est vrai qu’il y a une baisse du PIB, mais pas de 20-25 % ; elle est en fait de 2,5 %. C’est la première chose.
Deuxièmement. L’inflation, comme je l’ai dit, sera d’un peu plus de 12 % cette année – c’est aussi l’un des indicateurs les plus importants. Je pense que c’est
beaucoup mieux que dans de nombreux autres pays, y compris les pays du G20. L’inflation n’est pas bonne, bien sûr, mais le fait qu’elle soit plus faible que dans
d’autres pays est une bonne chose.
L’année prochaine – nous l’avons également mentionné – nous nous efforcerons d’atteindre l’objectif de 4 à 5 %, sur la base des performances de l’économie au premier
trimestre – du moins, nous l’espérons. Et c’est une très bonne tendance, contrairement à certains autres pays du G20, où l’inflation est en hausse.
Le chômage est à un niveau historiquement bas de 3,8 %. Nous avons un déficit budgétaire, c’est vrai, mais il n’est que de 2 % cette année, l’année prochaine aussi,
puis il est prévu à 1 %, et moins de 1 % en 2025 : nous prévoyons environ 0,8 %. Je tiens à souligner que d’autres pays – tant les grandes économies en développement
que les économies de marché dites développées – enregistrent un déficit beaucoup plus important. Aux États-Unis, je pense qu’il est de 5,7 %, et en Chine, il est
supérieur à 7 %. Toutes les grandes économies affichent des déficits supérieurs à 5 %. Ce n’est pas notre cas.
C’est une bonne base pour avancer avec confiance vers 2023.
Notre priorité pour 2023 sera le développement des infrastructures. Je ne pense pas devoir énumérer tous les projets, nous en avons beaucoup : le projet de domaine
opérationnel oriental, le corridor nord-sud et d’autres projets d’infrastructure à travers le pays (tout récemment, Marat Khusnullin a fait un rapport sur la
construction de routes), etc. Aéroports, ports, beaucoup d’autres projets.
Ensuite, nous devons également traiter les questions financières. Qu’est-ce que je veux dire ? Le système financier du pays est stable, les banques sont fiables et
fonctionnent sans perturbations, ce qui est dû au gouvernement et aux employés des banques qui travaillent très dur et connaissent très bien leur travail. Ce sont des
personnes hautement qualifiées qui gèrent beaucoup de choses, sinon tout. Nous devons maintenir la stabilité macroéconomique. Nous n’autoriserons pas de dépenses
incontrôlables mais, comme je l’ai dit, nous nous dirigerons vers la réalisation des principaux indicateurs macroéconomiques qui peuvent soutenir la stabilité
économique en général.
J’ai parlé des infrastructures. L’aspect important suivant est le maintien de la stabilité du système financier, du système bancaire et du budget. Il est important de
faire une chose très importante, qui est de remplacer les investissements sur lesquels les participants à l’activité économique comptaient auparavant, y compris
certaines institutions occidentales, des fondations, etc. par des sources internes au pays. Il faut les remplacer par des fonds nationaux. Bien sûr, nous pouvons le
faire en utilisant divers instruments. Je ne veux pas entrer dans les détails. Si vous posez une question sur l’économie, vos lecteurs savent très probablement de quoi
il s’agit. Ils existent et doivent être développés. Ce n’est pas simple, mais c’est possible.
Bien sûr, nous devons résoudre le problème principal, qui est l’augmentation des salaires réels. C’est absolument évident. Compte tenu de l’inflation et des recettes
budgétaires, nous sommes en mesure de faire un pas dans cette direction. Nous avons toute une série de mesures économiques à prendre. Je ne doute pas qu’elles soient
toutes réalisables. Les résultats de l’année prochaine montreront comment nous pouvons réaliser ces plans et nous rapprocher de la résolution de ces tâches.
Maria Glebova : Qu’en est-il des grandes entreprises ?
Vladimir Poutine : Les grandes entreprises.
Vous voyez, j’aime toujours rencontrer mes collègues, même si le COVID est à nouveau en hausse, tout comme la grippe porcine. C’est le seul problème. Je veux dire que
je pourrais les rencontrer comme je le fais avec vous, mais ils doivent se réunir en un seul endroit. Ils peuvent présenter certains risques les uns pour les autres en
termes de situation épidémiologique. C’est le seul problème. En tout cas, nous sommes en contact permanent et nous continuerons à développer ce dialogue.
Ils traversent des moments difficiles. Vous voyez, il y a des gens différents. Nous le savons bien, le pays le sait. Tout d’abord, ils ont tous été soumis à des
sanctions. Occidentaux, pro-occidentaux ou pas, ils ont été soumis aux sanctions sans distinction. Pour quoi faire ? Pour obliger les entreprises à affronter le
gouvernement. Mais les gens qui vivent dans ce pays doivent servir les intérêts du pays. Et le pays a intérêt à ce qu’ils travaillent efficacement et paient des
impôts. Ils n’ont pas besoin d’avoir un bateau saisi à l’étranger ou un château sur la mer Méditerranée ou à Londres.
Vous voyez, le fait est que si une personne vit ici et associe sa vie, la vie de ses enfants et de sa famille à ce pays, c’est une chose. Mais si une personne
n’associe pas sa vie à ce pays et se contente de prendre de l’argent d’ici pour se construire une vie à l’étranger, cela signifie qu’elle n’accorde pas d’importance au
pays dans lequel elle vit et gagne de l’argent, mais plutôt à ses bonnes relations dans le lieu où se trouvent ses biens et ses comptes bancaires. Ce genre de
personnes représente un danger pour nous.
Mais nous ne portons pas de jugement, tant qu’ils travaillent efficacement. Nous maintenons et nous continuerons à maintenir nos contacts.
Je tiens à noter que peut-être pas à 100 %, pas tous, mais la plupart des représentants des entreprises, y compris les grandes entreprises, sont des patriotes de notre
pays, des patriotes de la Russie. Chaque personne a ses propres circonstances individuelles, mais tous s’efforcent non seulement de vivre et de travailler en Russie,
mais aussi de travailler dans l’intérêt de notre pays, de maintenir leur personnel, leurs entreprises, de développer l’économie, etc.
Nakhid Babayev : Bonjour, Monsieur le Président.
Mon nom est Nakhid Babayev, NTV.
Je voudrais parler davantage de l’économie. La Russie subit-elle des pertes après l’adoption du plafonnement du prix du pétrole russe ? Le secteur pétrolier a-t-il
demandé de l’aide à l’État, des concessions ?
D’où la question suivante. On parle beaucoup des mesures d’intervention, et un décret est en cours d’élaboration. Les mesures qu’il prévoit seront-elles en mesure de
protéger nos intérêts ?
Vladimir Poutine : Vous savez, je pense que je vais signer le décret lundi ou mardi prochain. Il s’agit de mesures préventives, car il n’y a pas de
dommages évidents pour la Russie, l’économie russe ou le secteur russe du carburant et de l’énergie. Nous vendons du pétrole à peu près aux mêmes prix que ce
plafond.
Oui, l’objectif de nos adversaires géopolitiques est de réduire les recettes du budget russe, mais nous ne perdons rien à cause de ce plafond. Le secteur russe des
carburants et de l’énergie, le budget et l’économie ne subissent pas de pertes, car nous vendons déjà du pétrole à ce prix.
Mais ce qui est important, c’est qu’ils essaient d’apporter de nouveaux outils, non caractéristiques de l’économie de marché, à l’économie mondiale. Le client,
l’acheteur essaie d’introduire une nouvelle régulation, non marchande, qui sera utilisée en théorie et en pratique dans le monde entier.
Imaginez ceci : vous voulez aller chez un concessionnaire pour acheter une voiture, disons une Mercedes ou une Chevrolet. Vous y allez et vous dites : « Je
l’achèterai pour cinq roubles, pas plus ». D’accord. Vous achetez une, deux, trois voitures, et ensuite l’usine Mercedes fermera, parce que la production de
voitures Mercedes ou Chevrolet ne sera plus rentable. C’est la même chose dans le secteur de l’énergie, complètement la même chose.
Ce secteur manque déjà d’investissements. Il y a des problèmes liés au fait que l’argent n’est pas investi dans de nouveaux projets tels que les pipelines, la
production et le développement en raison des préoccupations environnementales et de la transition vers des sources d’énergie renouvelables. Les banques ne prêtent pas
d’argent et les compagnies d’assurance refusent d’émettre des polices. Les grandes entreprises mondiales ont cessé d’investir dans le volume dont le secteur
énergétique mondial a besoin.
Et maintenant, elles tentent de fixer administrativement un plafond de prix. C’est la voie vers la destruction du secteur énergétique mondial. Le moment pourrait venir
où le secteur sous-investi cessera de fournir le volume nécessaire de produits et où les prix s’envoleront et nuiront à ceux qui tentent d’introduire ces
instruments.
Par conséquent, les producteurs d’énergie, les producteurs de pétrole dans ce cas, le prennent personnellement, en se référant à eux-mêmes, pas à la Russie, mais à
eux-mêmes, car tout le monde pense qu’il s’agit de la première tentative de dicter des règles administratives de régulation des prix aux producteurs, et d’autres
suivront.
Alexei Lazurenko : (Alexei Lazurenko, Izvestia).
Je voudrais poursuivre sur le même sujet.
Des décisions similaires visant à plafonner les prix du gaz ont été adoptées il y a quelques jours. Que ferons-nous dans ce contexte ? Quelle est l’importance de cette
menace pour nous et quel sera l’avenir des gazoducs Nord Stream ?
Vladimir Poutine : Cette initiative suit le même schéma, pour autant que je puisse dire. Une fois de plus, nous assistons à une tentative d’utiliser le
levier administratif pour réguler les prix. Rien de bon ne peut en sortir pour les marchés du gaz ou du pétrole.
Dans l’ensemble, il arrive que nos collègues et partenaires me surprennent vraiment par leur manque de professionnalisme. Il fut un temps où c’était la Commission
européenne qui nous obligeait à passer à la tarification de marché et à fixer le prix du gaz naturel sur la bourse des matières premières. Nous avons à notre tour, et
j’ai personnellement essayé de persuader Bruxelles de ne pas le faire, en disant que ce n’est pas comme ça que le marché du gaz fonctionne et que cela aurait de graves
conséquences, entraînant une flambée des prix. C’est exactement ce qui se passe actuellement. Aujourd’hui, ils ne savent pas comment se sortir de cette situation et
tentent de réglementer également le prix du gaz.
Toutefois, il y a une légère différence par rapport à la façon dont ils essaient de réguler les prix du pétrole. Cette fois, la Commission européenne se concentre sur
la régulation des bourses de marchandises. Elle lie les prix du gaz au GNL, en disant que les prix du gaz doivent être en corrélation avec les prix du GNL, etc. Il
s’agit tout de même d’une tentative d’utiliser des méthodes administratives pour réguler les prix.
Vous savez, ils ne nous écoutent pas, ils ne veulent pas traiter avec nous, ils ne nous aiment pas et veulent nous contrer. Bien, mais qu’en est-il de s’écouter
eux-mêmes ? Je fais référence à ceux qui tentent de réguler les prix du gaz en Europe. Ils s’inspirent toujours des Américains, s’inclinent et s’humilient chaque fois
qu’on leur ordonne de faire quelque chose. Cette fois, il n’y a pas eu d’ordres, mais ils auraient pu écouter ce que disent les experts américains. Prenez Friedman, un
éminent économiste et lauréat du prix Nobel. Il a dit que si vous voulez créer une pénurie de tomates, il suffit de plafonner le prix des tomates. Vous obtiendrez
instantanément une pénurie de tomates. Ils font la même chose avec le pétrole et le gaz – exactement la même chose. Pour une raison quelconque, personne n’écoute.
Nous avons suivi de près ces développements, nous les avons observés. Si le système qu’ils proposent penche vers la réglementation administrative et va à l’encontre
des contrats de Gazprom avec ses homologues, ou s’il y a une quelconque interférence dans ces contrats, nous nous réservons le droit d’examiner si nous avons
l’obligation d’exécuter ces contrats alors que l’autre partie les enfreint.
Quant au Nord Streams…. Que puis-je dire ? Il s’agit d’une attaque terroriste, c’est évident, et tout le monde l’a reconnu. Ce qui est encore plus surprenant, c’est
qu’il s’agit d’un acte de terrorisme international, ou devrais-je dire d’État. Pourquoi ? Parce que des individus ne peuvent pas mener seuls des attaques terroristes
de ce type. Des États ont manifestement participé à leur perpétration.
Comme on dit dans ces cas-là : cherchez qui en profitera. Qui profitera du fait que le gaz russe ne soit fourni à l’Europe qu’à travers l’Ukraine, qui profitera du
fait que l’Ukraine reçoive l’argent ? L’agresseur est la Russie, mais elle reçoit de l’argent de notre part pour le transit, et nous la payons, bien qu’elle nous
qualifie d’agresseurs, et bien qu’elle soit également agressive en ce qui concerne le Donbass. Nous nous opposons à l’agression, et non l’inverse. Ils prennent de
l’argent et c’est bien. L’argent, c’est l’argent.
Qui profite du fait que le gaz russe est fourni à l’Europe uniquement via l’Ukraine ? C’est celui qui l’a fait exploser. Personne n’enquête. Nous avons eu l’occasion
une seule fois d’inspecter les sites des explosions. Tout cela était dans les médias, il n’y a rien à répéter, car je suis sûr que vous le savez déjà. Mais il n’y a
pas de véritable enquête, personne n’enquête. C’est étonnant mais vrai.
Quant au pétrole et au gaz, savez-vous ce qui m’est venu à l’esprit en ce moment même pendant notre conversation ? J’en ai déjà parlé une fois, mais je pense qu’il
sera difficile de ne pas être d’accord avec ce que je vais dire.
Écoutez, ils essaient de plafonner le prix des ressources énergétiques, du pétrole et du gaz. Qui les produit ? La Russie, les pays arabes, l’Amérique latine, l’Asie,
l’Indonésie, le Qatar, l’Arabie saoudite, les Émirats arabes unis produisent aussi du pétrole. Les États-Unis produisent du pétrole et du gaz, mais ils consomment tout
: il leur reste peu pour le marché extérieur. C’est-à-dire qu’il est produit dans ces pays, mais consommé en Europe et aux États-Unis.
Je crois que ce qu’ils essaient de faire maintenant est un vestige du colonialisme. Ils ont l’habitude de voler les autres pays. En effet, dans une large mesure,
l’essor des économies des pays européens est fondé sur la traite des esclaves et le pillage de l’Afrique, de l’Asie et de l’Amérique latine. Dans une large mesure, la
prospérité des États-Unis est née de la traite des esclaves et de l’utilisation du travail des esclaves, puis, bien sûr, de la première et de la deuxième guerre
mondiale, ce qui est évident. Mais ils ont l’habitude de voler les autres. Et une tentative de régulation non marchande dans le domaine de l’économie est le même vol
colonial, ou, en tout cas, une tentative de vol colonial.
Mais le monde a changé et il est peu probable qu’ils puissent le faire aujourd’hui.
Alexander Yunashev : M. le Président, bonjour.
(Alexander Yunashev, Vie).
Je voudrais vous demander comment les événements de ces derniers mois ont changé votre vie et votre routine quotidienne ? Trouvez-vous le temps de faire de l’exercice
?
La semaine prochaine, c’est le Nouvel An, je voudrais donc vous souhaiter de bonnes vacances et vous demander comment vous allez les passer ?
Je vous remercie.
Vladimir Poutine : Merci.
Il n’y a rien qui sorte de l’ordinaire. Je vais célébrer cette nouvelle année avec ma famille, avec les personnes qui me sont chères, et je vais regarder le discours
du Président, l’allocution.
Quant au sport, je continue à faire de l’exercice. Je crois que c’est juste une façon de rester en forme, et je dois rester en forme pour travailler. C’est comme une
pilule qui vous permet de vous sentir bien et de bien travailler. J’aimerais que tout le monde ait cette attitude vis-à-vis du sport : c’est une bonne chose. On dit
que cela aide aussi à rester en forme mentalement : un esprit sain dans un corps sain.
M.K. Bhadrakumar décrypte les derniers mouvements géostratégiques de Vladimir Poutine
Sur son blog, le 24 décembre dernier, le diplomate indien montre comment le président russe a accéléré le mouvement de ses pièces sur l’échiquier eurasiatique en
cette fin d’année 2022:
« Le moment décisif de la conférence de presse du président américain Joe Biden à la Maison Blanche mercredi dernier, lors de la visite du président Zelensky, a
été son aveu virtuel qu’il est limité dans la guerre par procuration en Ukraine, car les alliés européens ne veulent pas d’une guerre avec la Russie.
Pour citer Biden, « Maintenant, vous dites, ‘Pourquoi ne donnons-nous pas à l’Ukraine tout ce qu’il y a à donner ? Eh bien, pour deux raisons. Premièrement, il y
a toute une Alliance qui est essentielle pour rester avec l’Ukraine. Et l’idée de donner à l’Ukraine des éléments fondamentalement différents de ceux qui existent déjà
aurait pour effet de briser l’OTAN, l’Union européenne et le reste du monde… J’ai passé plusieurs centaines d’heures en tête-à-tête avec nos alliés européens et les
chefs d’État de ces pays, et j’ai expliqué pourquoi il était dans leur intérêt, à une écrasante majorité, de continuer à soutenir l’Ukraine… Ils le comprennent
parfaitement, mais ils ne cherchent pas à entrer en guerre avec la Russie. Ils ne cherchent pas une troisième guerre mondiale ».
Biden s’est alors rendu compte que « j’en ai probablement déjà trop dit » et a brusquement mis fin à la conférence de presse. Il a probablement oublié qu’il
s’attardait sur la fragilité de l’unité occidentale.
Le fait est que les commentateurs occidentaux oublient largement que l’agenda de la Russie ne porte pas sur la conquête territoriale – même si l’Ukraine est vitale
pour les intérêts russes – mais sur l’expansion de l’OTAN. Et cela n’a pas changé.
De temps à autre, le président Poutine revient sur le thème fondamental selon lequel les États-Unis ont toujours cherché à affaiblir et à démembrer la Russie. Pas plus
tard que mercredi dernier, Poutine a invoqué la guerre de Tchétchénie dans les années 1990 – « l’utilisation de terroristes internationaux dans le Caucase, pour
en finir avec la Russie et diviser la Fédération de Russie… Ils [les États-Unis] ont prétendu condamner Al-Qaïda et d’autres criminels, mais ils ont considéré que les
utiliser sur le territoire de la Russie était acceptable et leur ont fourni toutes sortes d’aides, notamment matérielles, informationnelles, politiques et tout autre
soutien, notamment militaire, pour les encourager à poursuivre la lutte contre la Russie. »
Poutine a une mémoire phénoménale et aurait fait allusion au choix judicieux de William Burns par Biden comme chef de la CIA. Burns était la personne de référence de
l’ambassade de Moscou pour la Tchétchénie dans les années 1990 ! Poutine a maintenant ordonné une campagne nationale pour déraciner les vastes tentacules que les
services secrets américains ont plantées sur le sol russe à des fins de subversion interne. Carnegie, autrefois dirigée par Burns, a depuis fermé son bureau de Moscou,
et le personnel russe a fui vers l’Ouest !
Le leitmotiv de la réunion élargie du conseil du ministère de la défense à Moscou mercredi, à laquelle Poutine a pris la parole, était la réalité profonde que la
confrontation de la Russie avec les États-Unis ne va pas se terminer par une guerre en Ukraine. Poutine a exhorté les hauts gradés russes à « analyser
soigneusement » les leçons des conflits ukrainien et syrien.
Plus important encore, Poutine a déclaré : « Nous continuerons à maintenir et à améliorer la préparation au combat de la triade nucléaire. C’est la principale
garantie que notre souveraineté et notre intégrité territoriale, la parité stratégique et l’équilibre général des forces dans le monde sont préservés. Cette année, le
niveau d’armement moderne des forces nucléaires stratégiques a déjà dépassé 91 %. Nous continuons à réarmer les régiments de nos forces de missiles stratégiques avec
des systèmes de missiles modernes équipés d’ogives hypersoniques Avangard. »
De même, le ministre de la défense, Sergueï Choïgou, a proposé, lors de la réunion de mercredi, un renforcement des capacités militaires « afin de consolider la
sécurité de la Russie » :
La création d’un groupe de forces correspondant dans le nord-ouest de la Russie pour contrer l’entrée de la Finlande et de la Suède dans l’OTAN ;
Création de deux nouvelles divisions d’infanterie motorisée dans les régions de Kherson et de Zaporozhya, ainsi que d’un corps d’armée en Carélie, face à la frontière
finlandaise ;
Transformation de sept brigades d’infanterie motorisée en divisions d’infanterie motorisée dans les districts militaires de l’Ouest, du Centre et de l’Est, ainsi que
dans la flotte du Nord ;
Ajout de deux divisions d’assaut aérien supplémentaires dans les forces aéroportées ;
Mise à disposition d’une division d’aviation composite et d’une brigade d’aviation d’armée avec 80-100 hélicoptères de combat au sein de chaque armée combinée (de
chars) ;
Création de 3 commandements de division aérienne supplémentaires, de huit régiments d’aviation de bombardement, d’un régiment d’aviation de chasse et de six brigades
d’aviation de l’armée de terre ;
Création de 5 divisions d’artillerie de district, ainsi que de brigades d’artillerie super lourdes pour constituer des réserves d’artillerie le long de l’axe dit
stratégique ;
Création de 5 brigades d’infanterie de marine pour les troupes côtières de la marine, sur la base des brigades d’infanterie de marine existantes ;
Augmentation de la taille des forces armées à 1,5 million de personnes, dont 695 000 sous contrat.
Poutine a résumé : « Nous ne répéterons pas les erreurs du passé… Nous n’allons pas militariser notre pays ou militariser l’économie… et nous ne ferons pas des
choses dont nous n’avons pas vraiment besoin, au détriment de notre peuple et de l’économie, de la sphère sociale. Nous améliorerons les forces armées russes et
l’ensemble de la composante militaire. Nous le ferons de manière calme, régulière et cohérente, sans précipitation. »
Si les néoconservateurs aux commandes du Beltway voulaient une course aux armements, ils l’ont maintenant. Le paradoxe, cependant, est que cette course sera différente
de la course aux armements bipolaire de l’époque de la guerre froide.
Si l’intention des États-Unis était d’affaiblir la Russie avant d’affronter la Chine, les choses ne se passent pas ainsi. Au contraire, les États-Unis s’enferment dans
une confrontation avec la Russie et les liens entre les deux grandes puissances sont à un point de rupture. La Russie attend des États-Unis qu’ils freinent l’expansion
de l’OTAN, comme ils l’avaient promis aux dirigeants soviétiques en 1989.
Les néoconservateurs s’attendaient à une situation « gagnant-gagnant » en Ukraine : Une défaite russe et une fin honteuse de la présidence de Poutine ; une
Russie affaiblie, comme dans les années 1990, qui tâtonne pour prendre un nouveau départ ; la consolidation de l’unité occidentale sous l’égide d’une Amérique
triomphante ; un coup de pouce massif dans la lutte à venir avec la Chine pour la suprématie dans l’ordre mondial ; et un nouveau siècle américain sous l’égide d’un
« ordre mondial fondé sur des règles ».
Mais au lieu de cela, il s’agit d’un classique Zugzwang in the endgame – pour emprunter à la littérature d’échecs allemande – où les États-Unis sont dans l’obligation
de faire un geste sur l’Ukraine, mais quel que soit le geste qu’ils font, il ne fera qu’aggraver leur position géopolitique.
Biden a compris que la Russie ne peut être vaincue en Ukraine et que le peuple russe n’est pas d’humeur à se révolter. La popularité de Poutine monte en flèche, car
les objectifs russes en Ukraine se réalisent progressivement. Ainsi, M. Biden a peut-être le vague sentiment que la Russie ne voit pas exactement les choses en Ukraine
comme un binaire de victoire et de défaite, mais qu’elle se prépare pour le long terme à régler le problème de l’OTAN une fois pour toutes.
La transformation du Belarus en un État « à capacité nucléaire » est porteuse d’un message profond de Moscou à Bruxelles et à Washington. Biden ne peut pas
le manquer. (Voir mon blog NATO nuclear compass rendered unavailing, Indian Punchline, 21 décembre 2022.
Logiquement, l’option ouverte aux États-Unis à ce stade serait de se désengager. Mais cela reviendrait à admettre une défaite abjecte et sonnerait le glas de l’OTAN,
et le leadership transatlantique de Washington s’effondrerait. Et, pire encore, les grandes puissances d’Europe occidentale – l’Allemagne, la France et l’Italie –
pourraient commencer à chercher un modus vivendi avec la Russie. Mais surtout, comment l’OTAN pourrait-elle survivre sans « ennemi » ?
Il est clair que ni les États-Unis ni leurs alliés ne sont en mesure de mener une guerre continentale. Mais même s’ils le sont, qu’en est-il du scénario émergeant en
Asie-Pacifique, où le partenariat « sans limites » entre la Chine et la Russie a ajouté une couche intrigante à la géopolitique ?
Les néoconservateurs du Beltway ont mordu plus que ce qu’ils pouvaient mâcher. Leur dernière carte sera de pousser à une intervention militaire américaine directe dans
la guerre en Ukraine sous la bannière d’une « coalition de volontaires ».
Le soutien total de l'UE à l'Ukraine est supérieur à celui des USA
Bien entendu, les Etats-Unis sont le premier contributeur individuel:
Ces données sont collectées par l’IFW, institut économique basé à Kiel, qui met à jour quotidiennement unUkraine Support Tracker. La carte rapportant le
soutien, humanitaire ou militaire, apporté à l’Ukraine et rapporté au PIB, est instructive:
Les Pays Baltes et la Pologne sont les plus impliqués dans le conflit. Mais il est utile de faire la distinction entre l’aide humanitaire, l’aide militaire et le
soutien financier:
On sera sans doute étonné de voir l’implication militaire de l’Allemagne aux côtés de l’Ukraine., supérieure à celle de la Pologne, en termes financiers.
La Bataille d'Ukraine - point saillants
La carte ci-dessus rend compte du caractère acharné de la bataille au sol. Il s’agit des modifications du front russe entre le 30 novembre et le 27 décembre 2022 à
Bakhmout: avancée au sud et au centre; léger retrait au nord. L’armée ukrainienne ne cesse d’acheminer des renforts dans une bataille de position qui fait écho à celle
de Marioupol au printemps.
Les tirs ukrainiens sur Donetsk continuent même s'ils sont moins fréquents
23-27 décembre Lente progression russe: l'armée ukrainienne semble dans une mentalité "tenir Stalingrad"
.
Pertes ukrainiennes gigantesques dans la bataille de Bakhmout sur fond de catastrophe démographique ukrainienne
Dans un THREAD, Jacques Frère ajoute: « Evaluation incorrecte des capacités réelles de combat
des unités tusses : sous-estimation des forces des républiques de
Lougansk et de Donetsk, excès de confiance des unités
ukrainiennes après les retraits
russes d’Izyum
et de Kherson, etc. Erreurs tactiques d’engagement d’unités ukrainiennes entraînées selon les normes OTAN sur le modèle des conflits afghan et irakien Unités
ukrainiennes prises en embuscade à plusieurs reprises faute de reconnaissance préalable du terrain. Unités ukrainiennes se dissimulant dans des bâtiments qui avaient
auparavant été ciblés par des batteries lourdes russes. Pénurie de véhicules blindés et livraisons de blindés inadaptés au terrain (MaxxPro, VAB, Bushmaster, Kirpi…).
La plupart des tentatives de contre-attaques ukrainiennes ont été menées sans la couverture de chars et de blindés d’infanterie, voire même sans appui
d’artillerie« .
« Le taux de natalité de l’Ukraine devrait chuter à des niveaux catastrophiques en 2023 et entraîner une baisse de la population du pays à 35 millions d’habitants
dans les années à venir. Il s’agit d’une crise démographique à laquelle l’Ukraine aura beaucoup de mal à échapper, même si la guerre prenait fin demain.
« L’année prochaine, on assistera à une chute catastrophique du taux de natalité, et la population ukrainienne risque de tomber à 35 millions d’habitants d’ici à
2030 », a déclaré le professeur Ella Libanova, académicienne-secrétaire de l’Académie nationale des sciences d’Ukraine et directrice de M.V. Ptukha (Institut de
démographie et d’études sociales).
Elle a ajouté que le principal facteur est la guerre, car elle contribue à un taux de mortalité élevé, au stress, à la surcharge, à une mauvaise alimentation et au
manque de soins médicaux, autant de facteurs qui ont un effet sur les taux de reproduction et de natalité.
L’experte a noté qu’une femme ukrainienne devrait donner naissance à 2,13 – 2,15 enfants au cours de sa vie pour maintenir la population actuelle de l’Ukraine, qui
compte environ 43,1 millions d’habitants. Selon elle, en 2021, le taux de natalité moyen en Ukraine était de 1,1, et en 2022, il sera « encore plus
faible ».
Libanova a déclaré qu’une grande partie des personnes qui ont quitté l’Ukraine sont « des jeunes femmes en âge actif de procréer et de travailler, ce qui signifie
qu’elles ne travaillent pas en Ukraine aujourd’hui et ne donnent pas naissance à des enfants ici. »
« Il est clair que l’effet purement quantitatif est négatif. Mais étant donné le déclin catastrophique de l’économie dû à la guerre, il est fort probable que ces
femmes n’auraient pas trouvé de travail en Ukraine, et que leur présence aurait augmenté la pression sur le marché du travail », a expliqué le professeur.
Selon M.V. Ptukha, la population de l’Ukraine a diminué chaque année depuis 1994. La population actuelle est estimée à 43,1 millions d’habitants, mais il est rappelé
que lors du recensement panukrainien de 2001, près de 48 millions de personnes vivaient en Ukraine.
Selon le Haut Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés (HCR), au 9 août, plus de 10,5 millions de personnes ont fui l’Ukraine pour se rendre dans les pays
voisins. Depuis lors, plus de 4,4 millions de personnes sont rentrées chez elles.
Bien que de nombreuses personnes soient rentrées chez elles, Libanova souligne que les femmes ukrainiennes encore à l’étranger seront moins incitées à rentrer
« car chaque nouveau mois de leur séjour […] renforce leur adaptation – leur connaissance de la langue s’améliore, leurs enfants vont à l’école et à l’université
et les mères travaillent ».
Dans le même temps, selon Oleg Soskin, ancien conseiller du président ukrainien, Kiev devient une ville fantôme en raison de l’afflux massif de personnes qui
partent.
« Les loyers à Kiev sont en baisse et il n’y a plus de demande. Cela signifie que les migrants à Kiev commencent à partir, et ils sont 400 000. Kiev devient
lentement une ville fantôme grâce à Klitschko et à tous les gens comme Zelensky, Yermak et Shmyhal », a-t-il déclaré sur sa chaîne YouTube.
Soskin a exhorté les Ukrainiens à quitter les villes et les villages où la production a cessé de fonctionner et où il n’y a ni eau, ni électricité, ni système de
chauffage.
« Le secteur manufacturier s’effondre, l’économie s’effondre, les banques sont presque incapables de tenir le coup. Donc, dévaluation, inflation. Ne vous attardez
pas dans les villes fantômes », a-t-il conseillé.
Après l’attaque terroriste du régime de Kiev sur le pont de Crimée, la Russie a commencé à lancer des attaques de missiles contre les infrastructures ukrainiennes. Les
cibles des frappes de représailles étaient les installations énergétiques, l’industrie de la défense, le commandement militaire et les communications. Les effets de
ces frappes se traduisent par des coupures d’électricité et d’autres désagréments pour les citoyens.
M. Soskin a également souligné que les Ukrainiens sont retirés des rues des villes et forcés de rejoindre les lignes de front, ce qui montre que Zelensky devient un
« dictateur non déguisé aux yeux du peuple. »
« Zelensky dit ce qu’est la démocratie, ce qu’est la liberté, et que nous n’avons pas de dictature, mais en fait nous sommes une dictature », a-t-il déclaré,
avant de révéler qu’il reçoit des vidéos d’Ukrainiens qui sont forcés de quitter les rues de Dniepr, Tchernivtsi, Krivoy Rog et d’autres villes afin qu’ils puissent se
battre sur les lignes de front.
Alors que Kiev devient une « ville fantôme », que les gens sont forcés de quitter les rues pour se battre sur les lignes de front et que les femmes
ukrainiennes en Europe ont peu de chances de retourner dans leur pays, l’Ukraine est confrontée à une importante crise démographique qui ne fera que s’aggraver avec
l’aggravation de sa crise économique.
Selon le Washington Post, lors d’une réunion à huis clos à la Banque nationale d’Ukraine en décembre, les responsables de la banque centrale ont prévenu que si les
attaques de la Russie s’intensifiaient, « les gens pourraient fuir l’Ukraine en masse, emportant leur argent avec eux et faisant s’effondrer la monnaie nationale
lorsqu’ils cherchent à échanger leur hryvnia ukrainienne contre des euros ou des dollars ».
« Le gouvernement ukrainien pourrait se retrouver sans réserves internationales pour payer les importations critiques et incapable de faire face aux obligations
de sa dette extérieure – un scénario catastrophe connu sous le nom de crise de la balance des paiements », ajoute le rapport.
Avec une situation économique aussi catastrophique, il est inévitable que les couples ukrainiens aient moins d’enfants, et beaucoup plus tard, même si les facteurs
liés à la guerre sont soudainement exclus. Il s’agit d’une crise que l’Ukraine ne peut éviter maintenant, même si la guerre prend fin demain« .
On notera que, selon
infobrics, les victimes civiles de l’offensive russe ne représentent que 6 à 7% des pertes totales de l’Ukraine depuis le 24 février.
La "stratégie Koutouzov", ça marche à chaque fois
Les Occidentaux se moquent de l’armée russe. Cette dernière, pourtant, réussit systématiquement à surprendre tout en utilisant la bonne vieille ruse du général
Koutouzov: une retraite apparente qui fait s’avancer l’adversaire imprudemment et le rend vulnérable. Deux exemples, ces derniers jours:
28-30 décembre: une nouvelle vague de missiles et de drones GERAN2 tirée par l'armée russe sur les infrastructures ukrainiennes
Le scénario se répète, de manière monotone: suite
à une frappe de drones ukrainiens sur la base militaire aérienne russe d’Engels, l’armée russe a déclenché des représailles massives contre les
infrastructures électriques, les voies de chemin de fer et les centres de commandement de ‘larmée ukrainienne.
Le 30 décembre à midi, les forces russes ont poursuivi leurs frappes dans toute l’Ukraine. Des explosions ont déjà été signalées à Nikolaev et dans la région de
Nikolaev, dans la région d’Artemovsk (Bakhmut) et de Konstantinovka. L’alerte aérienne a été déclenchée dans la plupart des régions d’Ukraine, dans l’est et dans le
centre du pays.
Notons enfin qu’en cette fin 2022, l’avancée russe à Bakhmout semble s’accélérer:
Dans votre salon, ce week-end, Alain
Juillet. Dirigeant d'entreprises et ancien haut fonctionnaire, il a été directeur du renseignement au sein de la Direction générale de
la sécurité extérieure (DGSE), haut responsable chargé de l'intelligence économique auprès de trois Premiers ministres (Jean-Pierre Raffarin, Dominique de Villepin et François Fillon). Il a, en
outre, servi cinq ans comme officier au sein des commandos parachutistes dans le Service action du Service de documentation extérieure et de contre-espionnage (SDECE), ancien nom de la
DGSE. Alain
Juillet évoque la guerre
en Ukraine, le rôle de la France mais aussi la reconstruction qui, selon lui, va nous échapper aux profit des Américains. Il nous livre
le point de vue de l'homme de renseignement qu'il a longtemps été, c'est-à-dire sous l'angle du réalisme : «
Je raisonne sur les faits, pas sur les idées », nous dit-il. Ainsi, pour Alain Juillet, il est évident que les Américains et les
Russes finiront par trouver une solution pour arrêter le conflit. L'Europe et Zelensky n'auront alors plus qu'à subir la décision qui aura été prise par les deux super grands... Réalisme, aussi,
lorsque Alain
Juillet affirme que le couple franco-allemand est mort, tout simplement parce que les intérêts de la France et de
l'Allemagne divergent.
Source : Politique Magazine - par le Gal. Jean-Marie Faugère - Le 27/01/2023.
L’engagement de la France, puissance nucléaire, dans le conflit ukrainien pose plusieurs braves questions : comment accepter que notre pays soit entraîné dans une probable guerre
sans qu’à aucun moment la chose ait été réellement examinée, discutée et débattue ? Et pour quels objectifs ? Et avec quelle puissance militaire
croyons-nous pouvoir mener ce combat ?
Après onze mois de combats souvent furieux depuis l’agression russe, le conflit – qui reste une vraie guerre – semble s’enliser alors qu’aucune tentative de
négociation n’apparaît dans l’horizon diplomatique. Le président Poutine s’obstine et ce qu’il est convenu d’appeler le camp occidental – conduit par les États-Unis – continue de souffler sur
les braises. Les arrière-pensées sont sans doute différentes selon les pays, du moins pour ceux – aussi rares soient-ils – qui ont une véritable pensée stratégique qui ne soit pas le suivi
irréfléchi d’une politique américaine dont l’objet reste sans nul doute d’abattre le président russe et de faire éclater la Fédération de
Russie – mais pour quel bénéfice ?
Dans un tel contexte, incompréhensible pour les esprits nourris de réflexion stratégique et d’intérêts bien compris, la France dont il est dit que son aide à
l’Ukraine reste modeste, donne le sentiment de suivre sans aucune originalité ni indépendance d’esprit le discours américain alors même que celui-ci reste vague sur les intentions de son
président. Les discours guerriers des exécutifs européens et de leurs chancelleries font craindre le pire par leur inconséquence au regard de leurs capacités militaires lilliputiennes. Leur
faiblesse opérationnelle, face à la nature et à la dimension militaire de ce conflit, même à 27 États membres réunis, accentue le caractère déraisonnable de leur posture si celle-ci devait
déboucher sur un conflit généralisé sur le sol européen, tant il est hasardeux de tenir des discours sans avoir la capacité militaire de les assumer.
La menace de l’emploi de l’arme nucléaire
Concernant la France, sa position de puissance nucléaire rend encore plus dangereuse son attitude belliqueuse qu’elle nourrit par un saupoudrage de matériels de
guerre vers l’Ukraine, dont il faut avoir le courage et la lucidité de dire qu’il ne changera pas le cours de la guerre, alors qu’a contrario il désosse nos maigres
régiments en même temps qu’il épuise nos modestes stocks de munitions.
Le quart de l’artillerie française à déjà disparu (18 canons de 155 mm Caesar sur 77, et un LRU (*) – quel effort ! – sur les 13 que possède notre unique
unité de lance-roquettes). Précisons, pour la bonne compréhension du lecteur, que le camp russe compte pour sa part plus de 2 000 pièces d’artillerie… Et ce ne sont pas les quelques engins
blindés de reconnaissance AMX10RC, conçus davantage pour courir les théâtres africains que les plaines verglacées ou boueuses du légendaire hiver russe, ou même quelques chars lourds Leclerc
qui feront pencher la balance en faveur de l’Ukraine.
Il semblerait que nos dirigeants méconnaissent les leçons des tentatives napoléonienne ou hitlérienne ou qu’elles n’aient pas été retenues et encore moins
comprises… Car j’ose espérer que le commandement aura su avertir de l’incongruité opérationnelle, pour ne pas dire de la vanité, de la cure d’austérité imposée à nos unités à leur détriment
pour un but politique dont on peut craindre qu’il fasse davantage sourire «l’adversaire » que de l’amener à résipiscence.
Mais, plus sérieusement, le discours et les actes français, provenant d’une puissance nucléaire face à une autre puissance de même nature, engagent toujours
plus notre pays dans ce conflit, nous qualifiant volens nolens de co-belligérants, attitude dont il faudra bien un jour accepter les conséquences plausibles.
Et celles-ci ne pourront être assumées que par la menace de l’emploi de l’arme nucléaire, compte tenu de la vacuité de nos forces conventionnelles ; ce qui
n’est pas le cas des États-Unis qui bénéficient de la parité voire de la supériorité sur ce point, eux qui nous ont entrainés dans cette folle aventure que nous n’avons pas réfléchie
suffisamment, et, aussi, eux qui n’ont pas le désagrément d’être sur le même continent que leur adversaire.
De surcroît, notre pays se trouve maintenant enlisé dans un conflit dont il n’a pas été demandé à la représentation
nationale ce qu’elle en pensait et encore moins à son peuple dit souverain.
Ce dernier voit par cet engrenage fâcheux se dilapider son faible acquis militaire payé laborieusement par ses impôts alors que personne ne lui a commenté
l’objectif politique de cette participation et ses conséquences – notamment bien visibles aujourd’hui sur les plans économique, énergétique et financier, fruits de sanctions qui ne pèsent que
sur l’Europe et ne bénéficient, curieusement, qu’à notre « grand allié qui nous veut du bien ».
Mais encore, il serait sans doute inconvenant de demander quels buts militaires poursuit la France par son intervention déguisée et quelle est la
situation finale recherchée dans ce conflit.
Est-il vraiment normal que le président de la République lance le pays dans un conflit, désarme nos régiments au profit
d’une nation en guerre avec lequel nous n’avons aucun accord de défense et que cette politique agisse contre un pays avec lequel nous ne sommes pas en guerre, sans un accord du
Parlement ?
Tout ceci est-il bien conforme à notre Constitution ? Que font nos parlementaires de tous bords, notamment ceux qui se disent opposés à la politique actuelle de
l’exécutif ?
Une divergence d’intérêts entre les deux côtés de l’Atlantique
Car mettre à bas Vladimir Poutine – au profit de qui d’ailleurs ? Dimitri Medvedev, par exemple ? Un régime démocratique que la Russie n’a jamais
connu de sa longue histoire mais alors avec quel responsable ? – et démembrer la Fédération russe, est-ce vraiment l’intérêt des peuples européens sur les plans stratégique, politique,
économique ?
Il est visible que c’est celui des États-Unis ce qui n’est pas sans être inquiétant, surtout quand on
analyse la « déclaration conjointe d’intention » de M. Sébastien Lecornu, notre ministre des Armées, et de M. Lloyd Austin, Secrétaire à la Défense des États-Unis d’Amérique, signée le
30 novembre 2022.
Cette déclaration, sous couvert de coopération et de réciprocité dans la fourniture de renseignements, de soutien à l’OTAN notamment dans son appui à l’Ukraine,
d’intérêts partagés en Indo-Pacifique (la Chine ?), ne reste qu’un acte d’allégeance aux vues américaines. Son paragraphe 16 se révèle particulièrement savoureux lorsqu’il
traite de « nos échanges visant à sécuriser nos bases industrielles de défense, y compris par la promotion de l’accès réciproque aux marchés de défense »…
Au-delà de la grandiloquence théâtrale de ce document qui n’engage à rien apparemment, la formulation reste d’une parfaite hypocrisie alors que nous avons tous
en mémoire, entre autres sujets, les déboires d’Airbus pourtant sorti victorieux de l’appel d’offres sur le programme d’avions ravitailleurs, face à la décision de l’exécutif américain
d’imposer Boeing à l’US Air Force et, plus récemment, l’épisode des sous-marins australiens où la réciprocité est clairement apparue à sens unique.
N’est-il pas temps pour un sursaut européen, emmené par la France, pourquoi pas, afin de mettre un terme au conflit russo-ukrainien et aux souffrances des
soldats et des populations civiles impliquées par force dans ce drame ?
La solution est de restaurer en Europe et en France une indépendance d’analyse stratégique, une claire vision de nos intérêts qui ne sont plus nécessairement
communs avec ceux des États-Unis et, in fine, une remontée en puissance des capacités militaires de nos armées.
Le conflit en cours est en effet la triste démonstration de la divergence grandissante d’intérêts entre les deux côtés de l’Atlantique. Dans cet ordre d’idées,
le président Macron a dernièrement indiqué, lors des vœux aux Armées, un effort substantiel qui sera concrétisé par la prochaine Loi de programmation militaire 2024-2030, annoncée comme une
loi de transformation pour les armées. Dotée de 413 milliards d’euros, elle devrait permettre, si elle est rigoureusement exécutée, de rattraper des retards d’équipements,
d’innover sur certains sujets comme la cyberdéfense, le spatial, le renseignement ou la défense sol-air et les drones. Bien sûr, les armées auront aussi à faire face à l’accroissement des
coûts de production.
Il faudra être vigilant car cet effort, réel, ne sera pas suffisant sur les prochaines années pour opérer une véritable remontée en puissance, mais le signal
donné est prometteur. Il est temps de réagir avant de nous laisser entraîner dans une nouvelle confrontation armée avec… la Chine, par exemple ?
* LRU : lance-roquette unitaire sur châssis chenillé, pour des tirs à plus de 100 km.
Illustration : Le Danemark va livrer à l’Ukraine les 19 canons Caesar qu’il avait achetés à la France. un modèle amélioré par rapport à
ceux de l’armée française – qui percevra ses nouveaux canons en 2024.
Rappelons que la guerre qui se déroule en Ukraine n’est que la partie émergée d’un iceberg beaucoup plus profond : le changement de paradigme
géopolitique qui oppose « l’Occident collectif » au reste du monde. C’est en cela que les responsables américains ont admis récemment qu’il s’agissait pour eux d’une question
existentielle.
Des questions existentielles
Les observateurs non lobotomisés ont compris dès le début de l’opération militaire spéciale qu’il s’agissait d’une question de survie pour la Russie.
L’intégration de fait de l’armée ukrainienne à l’OTAN depuis au moins 2014, favorisée par la duperie des accords de Minsk, et la préparation d’une offensive otano-ukrainienne dans le
Donbass posaient une menace directe pour le territoire russe. Le déclenchement des hostilités par la Russie était donc bien une manœuvre de défense face à l’offensive larvée de l’OTAN qui
allait se traduire par une offensive bien réelle.
Les Américains et leurs larbins européistes pensaient au départ que les sanctions économiques allaient couler l’économie russe et que l’armée ukrainienne,
armée et dirigée par l’OTAN, allait repousser l’armée russe. Mais voilà ! La Russie est autonome sur le plan alimentaire, sur le plan énergétique et pratiquement autonome sur le plan
industriel, grâce en particulier à la Chine qui lui fournit certains composants électroniques dont elle a besoin. Quant à la défense, le complexe militaro-industriel russe produit des
matériels à moindre coût, en grand nombre et efficaces tandis que celui de l’Occident collectif produit des matériels très chers, en nombre restreint et moyennement efficaces. De
surcroît, sur les directives de l’État, l’industrie russe a pu passer rapidement à une production H-24, avec un travail en 3-8, tandis que les industries privées américaines en sont
incapables, pour la simple raison que leur fonctionnement est conditionné par le profit plutôt que par les intérêts supérieurs de leur nation.
Rappelons à cet égard que la défense est à la nation ce que les défenses immunitaires sont au corps humain. Privatiser l’industrie de défense revient à s’en
remettre à des vaccins pour préserver sa santé. Avoir une industrie de défense nationale revient à renforcer ses propres défenses immunitaires par une bonne hygiène de vie. Toute analogie
avec des événements récents est évidemment purement fortuite.
Du côté américain (avec ses larbins…), le centre de gravité du système est le dollar. Le rôle de l’armée américaine est d’imposer le dollar comme monnaie
d’échange mondiale, ce qui a permis jusqu’à présent aux États-Unis de rançonner la planète entière (ou presque) avec leur monnaie de singe. « Si vous n’êtes pas
avec nous, vous êtes contre nous. » avait dit Debeliou Bush en son temps ; on ne peut être plus clair. L’Irak, l’Afghanistan, la Libye, la Syrie… Une défaite militaire de
l’Occident collectif en Ukraine signifierait donc, à terme, pour les États-Unis, la fin de l’hégémonie du dollar, cœur de leur système de domination et par voie de conséquence
l’effondrement de leur système. Il s’agit donc bien d’une question existentielle pour les États-Unis, au regard du monde qu’ils prétendaient dominer.
Des signaux faibles qui deviennent de plus en plus forts indiquent un mouvement de fond dans le monde.
Un mouvement de fond
Pour le moment, les pays « non alignés » ; pour faire court, l’Afrique, l’Amérique latine, l’Asie du sud-est et le Moyen-Orient, se
cantonnent à une posture de neutralité « gentille » (on ne sait jamais avec ces Américains). Condamner l’invasion russe ? Non, pas vraiment ! Envoyer des armes à
l’Ukraine ? Non merci ! Ce sont là des signaux faibles, « gentils ».
En parallèle des choses se produisent qui auraient été inimaginables il y a dix ans : les échanges en monnaies hors dollar se multiplient dans des
accords commerciaux tels que ceux entre la Chine et l’Arabie Saoudite, les armées occidentales se font virer de leurs anciennes colonies (voir la France au Mali, en RCA ou au Burkina Faso
par exemple) au profit de la Russie ou de la Chine. Tout cela relève d’un mouvement de fond qui rejette le colonialisme et le néocolonialisme occidental. Si cela se fait aujourd’hui,
c’est que c’est possible, tout simplement. Cela signifie que la réalité géopolitique est telle qu’elle permet de remettre en cause des symboles ancrés dans l’histoire depuis longtemps. Et
ça, c’est énorme. Il s’agit d’un basculement des consciences.
L’offensive décisive
Certains indicateurs laissent entrevoir une offensive russe stratégique en Ukraine à faible échéance. C’est la panique à Washington, à tel point qu’ils ont
pu proposer à la Russie une sortie de crise ridicule dans une une posture du faible au fort, se croyant encore les plus forts.
La défaite militaire de l’OTAN se profile donc, et avec elle, la fin de l’hégémonie américaine sur le monde.
Je ne présage pas de la forme qu’aura cette offensive mais j’imagine une opération qui emploiera l’aviation en tant qu’outil stratégique (jusqu’à présent
les Russes ont employé l’aviation dans un rôle tactique) coordonnée avec une manœuvre de guerre électronique adaptée. La nomination du général Sourovikine à la tête de la manœuvre
aérienne laisse présager ce genre d’emploi. Il y aura probablement aussi des manœuvres de déception, tant l’armée ukrainienne est faible et désorganisée, afin d’agir là où elle ne
l’attend pas, nonobstant les moyens de reconnaissance stratégiques de l’OTAN. En gros, amasser des forces à un endroit pour concentrer les armées otano-ukro-nazies et foncer dans un trou
avec des moyens plus légers soutenus par l’aviation et l’artillerie. Tout cela ne sont que conjectures tactiques, mais la supériorité russe sur le terrain lui offre un tel éventail de
possibilités que tout est imaginable. En tous cas, je pense que nous allons être surpris par la forme que prendra cette offensive décisive.
Les interactions
Quand tous les regards seront focalisés sur l’offensive russe en Ukraine, il faudra regarder ailleurs. À quelle vitesse les signaux faibles vont-ils se
transformer en réalité géopolitique ? Quelles seront les interactions entre la réalité de la situation militaire en Ukraine (partie émergée de l’iceberg) et les basculements vers le
monde nouveau (partie immergée de l’iceberg) ?
Il faudra regarder dans au moins deux directions, mais il y en a sûrement d’autres : les demandes d’adhésion aux BRICS et la nature des échanges
monétaires envers les pays « non alignée » et le monde nouveau qui se construit.
Les BRIC étaient au départ un acronyme anglais (les anglais-américains adorent les acronymes) d’un journaliste économiste anglais qui avait regroupé les
pays en forte croissance économique. Cet acronyme est devenu une réalité géopolitique en juin 2009, à Ekaterinbourg, quand la Russie a organisé le premier rassemblement de ces pays. Cela
dit, il y a d’autres instituons hors champ occidental telles que l’OCS ou l’ASEAN, mais elles sont régionales, tandis que les BRICS, d’un format plus souple et plus ouvert à l’extérieur,
ouvrent la possibilité d’un rassemblement plus large. C’est peut-être là l’embryon d’une future organisation internationale qui remplacera l’ONU à terme.
Plus important, il faudra surveiller les échanges économiques et monétaires entre les pays hors Occident collectif. Dans quelles monnaies ? À quel
rythme et avec quelle intensité ? C’est là que se joue le changement de paradigme géopolitique. C’est véritablement cela qu’il faudra surveiller quand l’offensive militaire russe se
déclenchera.
Et la France dans tout cela ? Quand la France redeviendra la France éternelle, fidèle à sa grande et longue histoire, celle du général de Gaulle, dépouillée
des traîtres qui l’ont administrée depuis des décennies, elle prendra naturellement la place qui lui revient, celle que les peuples du monde entier lui offre : une voix ! La voix de la
liberté, la voix du respect des peuples à disposer d’eux-mêmes, la voix de la fraternité.
Alors que l’Occident parle déjà avec force de l’offensive à venir de l’armée russe – et que certains de nos blogueurs, écrivant sur des sujets militaires, indiquent même sa date précise, soit la
mi-février – je voulais parler de ce qui attend notre monde après l’actuel conflit en fonction de ses résultats. De plus, pour la clarté de l’expérience, comme point de départ, je propose de
prendre un scénario « victorieux ». Non pas pour nous (ce à quoi je crois fermement), mais pour nos adversaires géopolitiques, c’est-à-dire pour l’Occident, et ce d’autant plus
qu’apparemment, il est peu probable de qualifier ce scénario de réellement « victorieux ».
Cet article initialement publié sur antifashist.com n’engage pas la ligne éditoriale du Courrier.
Comme l’historien et publiciste Jean-Baptiste Noé l’a noté à juste titre dans une interview au journal le Figaro, l’Europe ne peut nier que les livraisons prévues
de chars et autres équipements lourds à l’Ukraine font des Européens des participants directs au conflit. Par conséquent, eux, ainsi que les Ukrainiens et les Anglo-Saxons, ont leur propre
intérêt dans cette guerre, et ils espèrent que tout se terminera de façon positive pour eux.
Jean-Baptiste Noé constate qu’« un
certain nombre de pays européens ont décidé de fournir leurs chars à l’Ukraine. Mais comme ce sont des armes offensives lourdes, alors on peut dire que ces pays participent déjà au
conflit ». Il souligne que, dans le cas de la France, par exemple, le gouvernement n’a même pas consulté le peuple sur cette décision. Cependant, la France hésite encore à parler de
transfert de ses chars Leclerc en Ukraine. Et le problème ne réside pas seulement dans un possible mécontentement du peuple français, mais dans les chars eux-mêmes. Comme l’explique
l’expert, ils sont déjà vieux, coûteux à entretenir et pour certains, il n’y a pas du tout de pièces de rechange…
De plus en plus de doutes en Europe sur la participation au conflit
En fait, Jean-Baptiste Noé exprime clairement l’opinion que les politiciens occidentaux n’ont pas pleinement calculé toutes les conséquences de leurs décisions. Et
il est très probable qu’elles reviendront les hanter dans un proche avenir.
Les doutes de l’intellectuel français sont partagés par ses collègues allemands. Du moins ceux d’entre eux qui, avec l’écrivain Julie Tse, ont écrit une
« lettre ouverte » au chancelier Olaf Scholz en exigeant que l’on arrête de fournir des armes à l’Ukraine, que l’on déclare un « cesser le feu », et que des négociations de
paix soient immédiatement engagées, même si elles semblent désavantageuses pour l’Occident et Kyiv. « Maintenant,
il est de plus en plus urgent de mettre fin à la guerre par des négociations afin d’éviter une nouvelle escalade … Dans un conflit qui est mené avec tant d’acharnement et de brutalité, on ne peut
pas s’attendre à ce que les parties s’assoient volontairement à la table des négociations et renoncent à toutes leurs ambitions. Ils ont besoin d’un coup de pouce sérieux dans cette
direction, et nous n’avons même pas essayé de le faire avec un dévouement total. Vous devez vous demander quelles sont les alternatives ? Est-il vraiment possible de vaincre
militairement la Russie de manière que l’Ukraine retourne finalement à ses anciennes frontières ? Cela se résumera toujours à quelque chose qui sera un « fruit amère » pour Kyiv. En fin
de compte, ce sera la meilleure solution, non seulement pour l’Europe et le monde entier, mais probablement pour l’Ukraine elle-même. Parce que la guerre d’usure, qui dure des mois, voire
des années, continue de détruire le pays, causant de plus en plus de souffrances à la population civile. Cela n’est peut-être pas non plus dans l’intérêt de l’Ukraine à long
terme. Ainsi, à ce stade, il ne s’agit pas de créer un ordre mondial juste, mais surtout de prévenir des dégâts mortels. Il y a de très, très nombreuses personnes en Allemagne, parfois
plus de la moitié, qui croient également que cette guerre doit être arrêtée le plus tôt possible », indique la lettre.
En la lisant, il est impossible de se débarrasser de l’idée que, parlant des dommages causés à l’Ukraine, Julie Tse et les personnes partageant les mêmes idées ne
désignent pas du tout l’ancienne république soviétique, mais l’Europe et, plus largement encore, l’ensemble de l’Occident.
L’Europe est en train de se détruire elle-même
Par conséquent, cette lettre ouverte à Scholz renferme bien plus de signification profonde qu’une simple tentative d’empêcher l’Allemagne d’être entraînée dans une
guerre insensée et inutile pour les Allemands. Il s’agit d’une proposition de réflexion sur le type de paix que nous obtiendrons à la suite de la guerre en cours, quelle que soit son
issue.
Sous nos yeux, l’Europe est en train de se détruire, ou plutôt elle se détruit elle-même, et même une victoire mythique sur les Russes n’y changera rien. Les
États-Unis ont presque réalisé une rupture complète des liens économiques entre l’UE – représentée par les principales puissances de l’Union européenne – et la Russie. Mais qui en a profité
? Évidemment pas les Européens, dont le bien-être a été créé pendant des décennies en bénéficiant de ressources russes bon marché.
« Un nouveau rideau de fer »
La russophobie, qui, désormais s’amplifie en Occident à un rythme accéléré, ne débouchera sur rien de positif. Après le triomphe de la « démocratie sur
l’autoritarisme », elle deviendra au contraire la base de la construction d’un nouveau « rideau de fer ». Mais quelles sont les garanties que ce mur deviendra une clôture
fiable entre le « jardin européen » et la « jungle sauvage », et que ce jardin, entouré de fils de fer barbelé ne se transformera pas progressivement en camp de concentration
libéral de gauche ? Et la situation ne se répétera-t-elle pas à la fin, lorsque les gens s’efforceront, de gré ou de force, de franchir ce nouveau « mur de Berlin », en courant
désormais non pas d’Est en Ouest, mais en sens inverse ?
Jusqu’à présent, l’Europe reconstitue les rangs de ceux qui « choisissent la liberté » aux dépens des réfugiés ukrainiens. Selon les statistiques européennes
du premier trimestre 2023, leur nombre atteindra déjà les 9 millions. Et même si nous imaginons que certains d’entre eux rentreront chez eux et que les autres s’intégreront avec succès dans
la société occidentale, ce sera en fait le dernier résultat de la « jungle ». La situation démographique, qui se détériore rapidement en Occident, ne s’améliorera pas de façon
significative.
A quoi la civilisation occidentale se voue-t-elle en bloquant volontairement les portes qui la relient au reste du monde ? L’Occident ne sera-t-il pas laissé
face à ses problèmes actuels, qui le détruiront peu à peu de l’intérieur ? Peu y réfléchissent aujourd’hui. Or, la logique de la guerre ne peut avoir d’autres conséquences que
l’aliénation. Mais cette fois, ce sera l’Europe « civilisée », et non les « barbares de l’Est », qui sera clairement perdante. C’est inévitable. Cependant, il y a encore une chance
d’arrêter ce processus. Les autorités allemandes en profiteront-elles ? Il faut attendre et observer.
La guerre de 2023 : Mise en scène du théâtre opérationnel.
L’axe Chine-Russie
allume les feux d’une insurrection structurelle contre l’Occident dans une grande partie du reste du monde. Ses feux visent à « faire bouillir lentement la grenouille » .
Dans une récente interview accordée
au Financial Times, un général des Marines
américain de haut rang, James Bierman, a expliqué, dans un moment de franchise, comment les États-Unis « préparent le théâtre » d’une éventuelle guerre
avec la Chine, tout en admettant avec désinvolture, en aparté, que les planificateurs de la défense américaine étaient occupés, il y a des années, à l’intérieur de l’Ukraine, à « préparer sérieusement » la guerre contre la
Russie – jusqu’au « prépositionnement du
matériel » , en identifiant les sites à partir desquels les États-Unis pourraient opérer un soutien et soutenir les opérations. En d’autres termes, ils étaient là, préparant
l’espace de combat depuis des années.
Ce n’est pas vraiment une surprise, car de telles réponses militaires découlent directement de la décision stratégique fondamentale des États-Unis d’appliquer
la « doctrine
Wolfowitz« de 1992, selon laquelle les États-Unis doivent planifier et agir de manière préventive, afin de mettre hors d’état de nuire toute grande puissance potentielle, bien
avant qu’elle n’atteigne le point où elle peut rivaliser avec les États-Unis ou porter atteinte à leur hégémonie.
Aujourd’hui, l’OTAN a évolué vers une guerre contre la Russie dans un espace de combat qui, en 2023, pourrait ou non se limiter à l’Ukraine. En d’autres termes, le
passage à la « guerre » (qu’il
soit progressif ou non) marque une transition fondamentale d’où il est impossible de revenir ab initio – les « économies de guerre » sont, par essence,
structurellement différentes de la « normale » à laquelle l’Occident s’est
habitué au cours des dernières décennies. Une société en guerre, même si elle n’est que partiellement mobilisée, pense et agit structurellement différemment d’une société en temps de paix.
La guerre n’est pas non plus une affaire de bienséance. L’empathie pour autrui est sa première victime et c’est une condition nécessaire au maintien de l’esprit de
combat.
Pourtant, la fiction soigneusement entretenue en Europe et aux États-Unis se poursuit : rien n’a vraiment changé ou ne changera. Nous vivons une « secousse » temporaire. Et c’est tout.
Zoltan Pozsar, l’influent « oracle » de la finance au Credit Suisse, a déjà souligné dans son dernier
essai « Guerre et paix » (réservé
aux abonnés) que la guerre est bien engagée, en énumérant simplement
les événements de 2022 :
Le blocus financier de la Russie par le G7 (l’Occident définit l’espace de combat)
Le blocus énergétique de l’UE par la Russie (la Russie commence à définir son théâtre)
Blocus technologique des États-Unis contre la Chine (l’Amérique prépositionne des sites pour soutenir les opérations)
Le blocus naval de Taïwan par la Chine (la Chine montre qu’elle est prête)
Le « blocus » américain du secteur des
véhicules électriques de l’UE avec la loi sur la réduction de l’inflation. (Les planificateurs de la défense américaine se préparent aux futures « lignes d’approvisionnement »)
Le « mouvement
de pincement » de la Chine autour de l’ensemble de l’OPEP+ avec la tendance croissante à facturer les ventes de pétrole et de gaz en renminbi. (L’« espace de bataille des produits de
base » Russie-Chine).
Cette liste équivaut à un « bouleversement » géopolitique majeur qui se
produit, en moyenne, tous les deux mois [sic … sans doute « siècles », NdT], éloignant de manière décisive le monde de la prétendue « normalité » (à laquelle tant de membres de la
classe des consommateurs aspirent ardemment) et le dirigeant vers un état intermédiaire de guerre.
La liste de Pozsar montre que les plaques tectoniques de la géopolitique sont sérieusement « en mouvement » – des mouvements qui
s’accélèrent et s’entremêlent de plus en plus, mais qui sont encore loin d’être stabilisés. La « guerre » sera probablement un facteur de
perturbation majeur (au minimum), jusqu’à ce qu’un certain équilibre soit établi. Et cela peut prendre quelques années.
En fin de compte, « la guerre » a un impact, quoi que lent, sur la
mentalité conventionnelle du public. Il semble que ce soit la crainte de l’impact sur un état d’esprit non préparé qui soit à l’origine de la décision de prolonger les souffrances de l’Ukraine,
et donc de déclencher la guerre de 2023 : un aveu d’échec en Ukraine est perçu comme risquant d’effrayer les marchés occidentaux volatils (avec des taux d’intérêt plus élevés pendant plus
longtemps). Et le fait de parler franchement représente une option difficile à prendre pour le monde occidental, habitué aux « décisions faciles » et au « business as usual » .
Pozsar, en tant que gourou de la finance, se concentre naturellement sur la finance dans son essai. Mais on peut imaginer que la référence à l’ouvrage de
Kindleberger, Manias,
Panics and Crashes, n’est pas fantaisiste, mais qu’elle est incluse comme une allusion au « choc » possible pour la psyché
conventionnelle.
Quoi qu’il en soit, Pozsar nous laisse quatre conclusions économiques clés (avec de brefs commentaires) :
La guerre est le principal
facteur d’inflation de l’histoire et de la faillite des États. (Commentaire : l’inflation due à la guerre et le resserrement quantitatif adopté pour lutter contre l’inflation sont des politiques qui
s’opposent radicalement l’une à l’autre. Le rôle des banques centrales se limite à soutenir les besoins de la guerre, au détriment d’autres variables, en temps de guerre.)
La guerre implique une capacité industrielle efficace et extensible à produire des armes (rapidement), ce qui, en soi, nécessite des lignes d’approvisionnement
sûres pour alimenter cette capacité. (Une qualité que l’Occident ne possède plus, et qu’il sera coûteux de recréer) ;
Les produits de base qui servent souvent de garantie aux prêts se raréfient et cette raréfaction se traduit par une « inflation » des produits de base ;
Et enfin, la guerre coupe de nouveaux canaux financiers, par exemple « le projet m-CBDC
Bridge » (voir ici).
Ce point doit être souligné à nouveau : la guerre crée une dynamique financière différente et façonne une psyché différente. Plus
important encore, la « guerre » n’est pas un phénomène stable. Elle
peut commencer par des frappes mesquines sur l’infrastructure d’un rival, puis, à chaque fois qu’une mission se développe, glisser vers une guerre totale. Dans sa guerre contre la Russie, l’OTAN
ne se contente pas d’élargir sa mission, elle
fait du surplace, craignant une humiliation de
l’Ukraine dans le sillage de la débâcle de l’Afghanistan.
L’UE espère arrêter ce glissement bien avant une guerre totale. Il s’agit néanmoins d’une pente très glissante. Le but de la guerre est d’infliger de la douleur et
de mener une guerre d’attrition contre son ennemi. Dans cette mesure, elle est ouverte à la mutation. Les sanctions formelles et les plafonds sur l’énergie se transforment rapidement en sabotage
de pipelines ou en saisie de pétroliers.
Cependant, la Russie et la Chine ne sont certainement pas naïves et ont été occupées à mettre en place leur propre théâtre, en prévision d’un éventuel affrontement
plus large avec l’OTAN.
La Chine et la Russie peuvent désormais prétendre avoir établi une relation stratégique, non seulement avec l’OPEP+, mais aussi avec l’Iran et les principaux
producteurs de gaz.
La Russie, l’Iran et le Venezuela représentent environ 40 % des réserves pétrolières prouvées dans le monde, et chacun d’entre eux vend actuellement du pétrole à la
Chine pour des renminbis avec une forte décote. Les pays du CCG représentent
40 % supplémentaires des réserves pétrolières prouvées et sont courtisés par la Chine pour qu’ils acceptent des renminbis pour leur pétrole, en échange d‘investissements transformateurs.
Il s’agit d’un nouvel espace de combat important qui se prépare et qui permettra de mettre fin à l’hégémonie du dollar en faisant lentement bouillir la
grenouille.
La partie contestataire a donné le coup d’envoi en sanctionnant la moitié de l’OPEP, qui détient 40 % des
réserves mondiales de pétrole. Cette tentative a échoué : l’économie russe a survécu et, sans surprise, l’Europe a perdu ces États à cause des sanctions, les « cédant » à la Chine.
Entre-temps, la Chine courtise l’autre moitié de l’OPEP avec une offre difficile
à refuser : « Au cours des « trois
à cinq prochaines années » , la Chine ne paiera pas seulement plus de pétrole en renminbi mais, plus important encore, « paiera » avec de nouveaux investissements dans les
industries pétrochimiques d’aval en Iran, en Arabie saoudite et, plus largement, dans le CCG. En d’autres termes, il s’agira de mettre en place l’économie de la génération
suivante » pour ces exportateurs de combustibles fossiles dont la date de péremption énergétique approche.
Le point clé ici est qu’à l’avenir, une plus grande partie de la « valeur ajoutée » (au cours de la production)
sera capturée localement, au détriment des industries
occidentales. Pozsar appelle cela de manière effrontée : « Notre marchandise, votre problème… Notre marchandise, notre
émancipation » . Autrement dit, l’axe Chine-Russie allume les feux d’une insurrection structurelle contre l’Occident dans une grande partie du reste du monde.
Ses feux visent à « faire bouillir lentement la grenouille » , non
seulement celle de l’hégémonie du dollar, mais aussi celle d’une économie occidentale désormais non compétitive.
L’émancipation ? Oui ! Voici l’essentiel : la Chine reçoit de l’énergie russe, iranienne et vénézuélienne avec un grand rabais de 30 %, tandis que l’Europe obtient toujours de
l’énergie pour son industrie, mais avec une grande
majoration. En bref, une plus grande partie, voire la totalité, de la valeur ajoutée des produits sera captée par les pays « amis » à l’énergie bon marché, au détriment des
pays « ennemis » non
compétitifs.
« La Chine, l’ennemi
juré, a paradoxalement été un gros exportateur de GNL russe à marge élevée vers l’Europe, et l’Inde un gros exportateur de pétrole russe à marge élevée et de produits raffinés tels que le diesel
vers l’Europe. Nous devrions nous attendre à ce que cela se produise davantage [à l’avenir] pour un plus grand nombre de produits, facturés non seulement en euros et en dollars, mais aussi en
renminbis, en dirhams et en roupies » , suggère Poszar.
Cela ne semble peut-être pas si évident, mais il s’agit d’une guerre financière. Si l’UE se contente d’emprunter la « voie de la facilité » pour sortir de sa
situation de non-compétitivité (par le biais de subventions permettant des importations à forte marge), alors, comme l’a fait remarquer Napoléon en observant un ennemi faire une
erreur, « Observez le en silence
! » .
Pour l’Europe, cela signifie beaucoup moins de production intérieure – et plus d’inflation – car les alternatives qui font grimper les prix sont importées de l’Est.
L’Occident, qui prend la « décision
facile » (puisque sa stratégie en matière de renouvelables n’a pas été bien réfléchie), constatera probablement que cet arrangement se fait au détriment de la croissance de
l’Occident, ce qui préfigure un Occident plus
faible dans un avenir proche.
L’UE sera particulièrement touchée. Elle a choisi de devenir dépendante du GNL américain, juste au moment où la production des gisements de schiste américains
atteint son apogée, la production restante étant probablement destinée au marché intérieur américain.
Ainsi, alors que le général Bierman expliquait comment les États-Unis ont préparé l’espace de bataille en Ukraine, la Russie, la Chine et les planificateurs des
BRICS étaient occupés à préparer leur propre « théâtre » .
Bien sûr, il n’était pas nécessaire que les choses se passent ainsi : la chute de l’Europe vers la calamité reflète la psychologie de l’élite dirigeante
occidentale. Il n’y a pas de raisonnement stratégique, ni de « décisions difficiles » prises à l’Ouest. Tout
cela n’est que du Merkelisme narcissique (des décisions difficiles reportées, puis « maquillées » par des subventions). Le
Merkelisme est ainsi nommé d’après le règne d’Angela Merkel durant lequel les réformes fondamentales étaient invariablement reportées.
Il n’est pas nécessaire de réfléchir, ni de prendre des décisions difficiles, lorsque les dirigeants ont la conviction inébranlable que l’Occident EST le centre de
l’univers. Il suffit de remettre à plus tard, en attendant que l’inexorable se déploie.
L’histoire récente des guerres éternelles menées par les États-Unis est une preuve supplémentaire de cette lacune occidentale : ces guerres zombies s’éternisent
pendant des années sans justification plausible, pour être ensuite abandonnées sans ménagement. La dynamique stratégique était cependant plus facilement supprimée et oubliée lors de guerres
d’insurrection – par opposition à la lutte contre deux États concurrents pairs et bien armés.
Le même dysfonctionnement s’est manifesté dans de nombreuses crises occidentales à évolution lente : néanmoins, nous persistons… parce que la protection de la
psychologie fragile de nos dirigeants – et d’un secteur influent de l’opinion publique – passe avant tout. L’incapacité à admettre la défaite pousse nos élites à préférer le sacrifice de leur
propre peuple, plutôt que de voir leurs illusions exposées.
La réalité doit donc être abjurée. Ainsi, nous vivons un entre-deux nébuleux – tant de choses se passent, mais il y a si peu de mouvement. Ce n’est que lorsque le
déclenchement de la crise ne pourra plus être ignoré, même par les censeurs des médias et des technologies, qu’un effort réel pourra être fait pour s’attaquer aux causes profondes.
Cette énigme place toutefois un énorme fardeau sur les épaules de Moscou et de Pékin, qui doivent gérer l’escalade de la guerre de manière prudente, face à un
Occident qui ne tolère pas la défaite.
Alastair
Crooke
Traduit par Zineb, relu par Wayan, pour le Saker Francophone
Conflit en Ukraine : Les deux voies possibles de l’Europe
Plusieurs politiques éminents du passé
récent ont fait en quelques semaines plusieurs déclarations du même type : Le règlement du conflit dans le Donbass qui incluait les accords de Minsk et le
format Normandie était une fiction.
L’objectif principal consistait à empêcher une défaite fulgurante de l’Ukraine et à lui laisser du temps pour créer une puissante armée. Et cet objectif a
été atteint. Quant à la réintégration de l’Ukraine aux conditions convenues à Minsk fin 2014-début 2015, tout le monde comprenait qu’il ne s’agissait de rien de plus que d’une
couverture.
L’ancien président ukrainien Petro Porochenko était le premier à en parler, puis cela a été répété par d’autres acteurs du processus: l’ancienne chancelière
allemande Angela Merkel et l’ancien président français François Hollande. Boris Johnson était le dernier à s’exprimer à ce sujet, il
s’adressait au quartet de Normandie.
Ce n’est pas un scoop que les différentes négociations diplomatiques sont une tentative d’utiliser l’entente dans ses propres intérêts et tirer des
avantages. Et leur résultat reste valable jusqu’à un changement significatif dans le rapport des forces et des capacités. C’est alors que chaque partie s’efforce à revoir le résultat à
son avantage, et ce, par différents moyens.
Mais c’est une autre chose qui sort de l’ordinaire. Difficile de se rappeler d’un cas où l’hypocrisie (ou plutôt le
mensonge) a été franchement reconnue directement par les acteurs d’évènements aussi récents et qui sont en cours. D’habitude, quand une telle chose fait surface, c’est
bien plus tard à partir d’archives déclassifiées ou des souvenirs de témoins dans leurs dernières années. Et on comprend pourquoi. Il n’y a
pratiquement pas de possibilité pour de nouveaux efforts de négociations en dévoilant une telle approche pratiquement en temps réel.
Alors que signifie cette série de révélations ?
Les raisons sont diverses mais interconnectées.
Premièrement, tous les politiques énumérés font de l’autojustification. Dans l’atmosphère actuelle qui règne en Occident, l’accomplissement du travail de
routine (ce qui inclut pour un chef d’État ou de gouvernement la participation à des négociations, notamment pour établir la paix) avec la Russie est jugé inadmissible. Même
rétroactivement. C’est pourquoi Angela Merkel aussi respectée doit inventer des explications qui ne sont pas typiques pour elle. L’ancienne chancelière est assez directe et tient à sa
réputation. Mais la situation est telle qu’il faut se repentir pour ses anciennes opinions non conflictuelles concernant la Russie, comme l’a fait en reconnaissant ses erreurs
Frank-Walter Steinmeier, ou alors inventer un « double fond ».
Il est clair que les négociateurs européens, habitués à appeler à cesser les hostilités, étaient initialement disposés contre la Russie et au profit de
l’Ukraine. La situation sur les fronts était alors très défavorable pour Kiev, et l’objectif principal consistait à stopper le conflit armé en le gelant sur les lignes établies à
l’époque. C’était l’objectif visé. Le fait que Porochenko n’avait pas l’intention d’accomplir quoi que ce soit semble parfaitement véridique. Alors que pour Merkel et Hollande cette
question était plutôt « ici et maintenant ». Du moins, au moment de la signature des accords.
En connaissant certains participants à ces négociations du côté européen, il est à supposer qu’il ne s’agit pas de faire traîner les choses. À partir d’un
moment donné le processus de Minsk a été sciemment déplacé du niveau politique au juridico-diplomatique, en chargeant des exécutants à débattre éternellement au sujet des interprétations
concrètes de tels ou tels termes. Et vu l’activité active en parallèle pour renforcer militairement l’Ukraine, en réalité la diplomatie s’est transformée en couverture pour celle-ci. Rien
de plus.
Mais il y a plus important. Pourquoi les politiques européens estiment possible de faire de telles déclarations détruisant ainsi les fondements de tout processus de confiance à terme ? Tout conflit même le plus violent se termine par des négociations, à
moins bien sûr que son objectif ne soit la destruction totale de l’ennemi.
Il existe deux réponses possibles. Soit les représentants européens partent de ce dernier point et ne comptent plus sur aucun processus diplomatique
avec la Russie qui prévoirait des accords. Cela s’appelle une capitulation totale et inconditionnelle. Soit ces mêmes personnes ne pensent plus à rien
d’autre qu’à un effet politique immédiat. Laquelle des versions est pire ?
Derrière les
plaisanteries, il se cache souvent quelque chose de vrai. Voici ce qu’écrivait Cavanna dans son livre « Les Russkoffs » 1:
« On avait laissé Hitler se goinfrer l’Autriche, la Hollande, la Belgique, la France parce que la vraie raison pour laquelle on tolérait ces caprices était la
grande croisade vers l’Est ; il était censé au bout de tout ça, écraser les Bolchéviks et y laisser tellement de plumes qu’il n’y aurait alors qu’à se baisser pour ramasser les morceaux, et
liquider à son tour le nazisme, à moins que, réflexion faite, on ne se le soit gardé dans un coin, ça peut resservir. Et voilà que ce grand con s’y prend comme un manche et se fait casser la
gueule par les Moujiks. (…). Hitler n’a pas pu casser les reins à Staline, c’est vrai, grosse déception pour le capitalisme mondial ».
L’ancienne chancelière de l’Allemagne s’est laissée aller à des confidences, reconnaissant qu’elle avait signé les accords de Minsk, tout en sachant qu’il
s’agissait seulement de gagner du temps pour le gouvernement de l’Ukraine. Les accords de Minsk avaient pour objet de mettre un terme à la guerre civile en Ukraine. Considérer qu’ils n’avaient
pas de valeur tout en les signant devait permettre à l’Otan de faire un travail d’organisation militaire dans le pays et préparer la guerre contre la Russie, car il était évident que la Russie ne
laisserait pas massacrer les Russophones du Donbass sans réagir. Le non respect des accords de Minsk était en fait, en s’appuyant sur un problème interne ukrainien, créé de toutes pièces,
la préparation à la guerre contre la Russie.
La France était aussi garante des accords de Minsk. Mais les intentions des autorités françaises à cette date étaient peut-être sans intérêt vu la fable du couple
franco-allemand dans l’UE, fable destinée à nous faire oublier que les Allemands dirigent l’UE et que la France obéit, suit et paye sa part de soumission. Les autorités (françaises) qui ont pris
le relais, auraient dû aussi garantir les accords, mais paraissent plutôt préoccupées par les intérêts d’outre atlantique.
Il est difficile de comprendre les calculs des dirigeants de ces deux pays : une guerre entre l’UE et la Russie était en préparation, l’UE s’occupant des aspects
économiques, l’Ukraine et l’Otan des aspects militaires. Dans ce contexte, les dirigeants des deux plus grands pays de l’UE agissaient comme s’ils supposaient qu’une guerre avec la Russie
n’aurait aucune conséquence sur leurs pays respectifs, puisqu’on ne discerne pas de mesures préparatoires significatives durant 8 ans2. Dans le tissu malsain des liens cachés entre l’UE et les intérêts d’outre-atlantique, la conviction a pu s’imposer que des «sanctions économiques» – le terme est modeste- devaient
tout régler. Quoi qu’il en soit, « l’UE de la paix
» préparait la guerre.
Les entités qui auraient dorénavant le projet de signer des documents internationaux avec ces deux pays sont prévenues : Les futurs documents n’auront
peut-être aucune valeur. Mais continuons à observer le coté Allemand. L’UE doit beaucoup dans sa conception et son fonctionnement à des personnes qui avaient des responsabilités dans
l’Allemagne nazie3, et à des familles influentes qui ont de telles racines. Il ne s’agit pas d’accuser les descendants des errements ou des crimes des grands-parents
mais on peut envisager l’hypothèse que la nostalgie de prendre une revanche sur la débâcle de 1945, hante toujours ce pays.
Une fois le conflit ouvert, les médias supposés du camp adverse ont été interdits. Cette situation paraît banale car elle n’a suscité que peu de réaction. La
censure, à cette échelle, des informations gênantes, est pourtant, dans notre pays, la répétition d’une situation remontant à la guerre de 39-454. Par ailleurs, l’Ukraine baigne dans une ambiance surannée, composée entre autres de l’interdiction des partis politiques et de la presse
d’opposition, de la désignation d’une partie de la population comme des « sous-êtres humains », de la tentative de destruction
d’une « culture interdite », de
tentatives de destruction des villes et des populations que l’armée ne peut contrôler, sans compter l’utilisation des symboles hérités du 3ème Reich. Or l’UE soutient l’Ukraine.
Ainsi, l’UE entraîne toute l’Europe dans un conflit majeur, militaire et économique, improvisé5. L’UE devient ouvertement le lieu de la mise en place d’un système politique nettement inquiétant, couleur vert-de-gris. Car il faut examiner la
forme politique qui contrôle notre pays, dans lequel la censure s’amplifie, l’économie et le reste à l’avenant, s’effondrent ; un petit nombre de personnes peut entraîner notre pays, à tisser des
liens avec un régime suspect, et à le soutenir dans la guerre. Et les « représentants du peuple » ne réagissent pas. Ce qui
apparaît de plus en plus clairement ressemble, dans une tentative de revanche6, aux méthodes « qui peuvent resservir », évoquées par Cavanna. De plus, quand
on considère le succès éclatant et la persistance des «sanctions économiques» infligées à l’adversaire, on peine à imaginer qu’il s’agit pour l’UE de gagner le concours de la couche
administrative la plus stupide.
C’est donc que le projet se déroule comme prévu.
René
Lamertume
Notes
Aux éditions
Belfond,1979.
Durée écoulée
entre le coup d’état en Ukraine en 2014 et le déclenchement de l’opération spéciale par la Russie en 2022.
Voir les travaux
de François Asselineau
Elle inclue la
création d’un système d’informations très orientées.
Ce qui explique
peut-être l’embarras de l’Allemagne à s’insurger contre les auteurs d’un attentat majeur contre son autonomie énergétique.
Une guerre entre
les peuples russe et ukrainien est déjà un succès pour ceux qui sèment le chaos.
Pour les hommes politiques oxydentaux. Ils passeraient de manière évidente pour ce qu’ils sont : des menteurs doublés de gros cons.
Que ce soit pour les « réformes » des retraites, comme pour la guerre déclenchée contre la Russie.
Comme je l’ai dit, l’armée ukrainienne avait été mise aux normes OTAN, c’est à dire d’une médiocrité extrême. Son rôle était de tenir une ligne très
fortifiée, pendant que les sanctions contre la Russie feraient s’écrouler le régime. L’enfance de l’art, et une affaire de quelques semaines.
Pas besoin de pousser trop loin l’équipement. De plus, Washington faisant les gros yeux, tous les pays du sud s’aligneraient, sans doute pas très contents,
mais forcés. Là aussi, on a oublié que la vraie monnaie, ce sont les matières premières, et sans les matières premières russes, le monde économique se tape un cancer généralisé avec
métastases.
Ni la Chine, ni l’Inde, ni les autres comparses n’ont voulu écrouler leur économie pour les beaux yeux de l’empire. Trop dangereux. Parce que même si on a
peur de Washington, on a encore plus peur de la rue, des émeutes de la faim, qui peuvent dégénérer très vite…
L’Oxydent a l’habitude de perdre les guerres à long terme, c’est même devenu un toc, mais dans un premier temps, une phase victorieuse et courte avait lieu.
Après, la situation pourrissait. Détruire une armée n’est pas forcément le plus compliqué, gagner la population, et éliminer le résidu de résistance, en général, 10%, drôlement plus
ardu.
L’impréparation militaire de l’Oxydent est donc totale, ses complexes militaro industriels sont noyés dans la corruption, la bureaucratie, le copinage,
l’amateurisme.
Aucun militaire français n’a vu la vraie guerre, tout au plus des escarmouches. Le dernier vrai conflit étant l’Indochine, même l’Algérie n’était pas
vraiment une guerre. Il n’y avait pas de vraies opérations militaires, il n’y a eu aucune bataille, seulement une opération vraiment très musclée de police. Les pertes des militaires
français ont été inférieures à celles des morts sur la route sur la même période. 25
000 contre environ 78 000. Pour les blessés, les 65 000 blessés français du conflit, c’était la moitié ou le tiers des blessés sur la route…
Un général dans l’armée française pour 40 hommes… Cela en dit long sur l’inefficacité, le carriérisme, le gamelinage.
L’impréparation militaire se lit dans la fin des usines d’armement. Contrairement aux Russes, les mieux burnés dans ce domaine, les Oxydentaux sont à l’os.
Ils produisent peu, très cher. Et n’ont aucun moyen de récréer et de rouvrir ces capacités, du moins à court terme. À long terme, c’est même douteux.
Ils ont, pour une vision à court terme, entassé des richesses imaginaires, en bits sur des comptes en banque, sacrifiés toute la base réelle de la
puissance. La puissance productive. Eux ont gardé l’imprimante à billets.
15 000 obus par mois pour l’armée US, avec l’espoir d’arriver dans quelques années à 90 000, avec la circonstance aggravante que certains composés ne sont
plus fabriqués qu’en Chine, et mystérieusement absents depuis 9 mois. La mondialisation, c’est génial qu’on vous dit !
Les crétins galonés de l’armée française ne pensaient pas nécessaire de garder en fabrication sur notre sol, la totalité de l’arsenal. Il y avait déjà des
problèmes pour les munitions des armes individuelles… Il faut dire qu’ils pensaient plus à leur avancement, qu’à être compétents et à réfléchir…
On a déjà vu le phénomène avec le caporal de bohème, Hitler, qui en remontrait à ceux pour qui c’était leur métier. D’ailleurs, contrairement à ce que bien
d’entre eux ont claironné, ce sont bien eux qui sont responsables de bien des bêtises. Il n’était pas décidé à marcher sur Moscou fin 1941, et très réservé pour Koursk.
On peut ressortir un adage datant de Louis XV : « Ils n’entendaient
rien à l’art militaire, bien qu’y ayant été employés toute leur vie ». Je crois que cela vient d’un vrai guerrier de l’époque, le maréchal de Saxe.
Donc, pour revenir plus précisément à l’Ukraine, les différences de pertes s’expliquent par un niveau d’équipements et de technologies très différents. Les
Russes ont nettement progressé pendant les 30 dernières années, les Oxydentaux et les Ukrainiens se sont endormis. Et les tares internes ont aggravé le problème. Pourquoi avoir des armées
trop fortes, tout serait fini en 6 mois maximum… Après, le ronron quotidien reprendrait le dessus, jusqu’à ce que le pays occupé, devenu une variante locale du Vietnam soit évacué…
Hitler disait que la guerre se conclut, restes contre restes. Et les restes oxydentaux et ukrainiens, il n’y en avait pas beaucoup ou du moins, beaucoup
moins qu’en face. Et il y en a de moins en moins. Le vieux problème de la baignoire qui se remplit et se vide en même temps. Seulement, là, la baignoire n’a qu’un mince filet d’eau et une
fuite importante.
Moon
of Alabama a sans doute une estimation correcte, 160 000 morts et disparus côté ukrainien, peut être plus, parce qu’objectivement, les mercenaires, nombreux, on s’en fout
de pas les compter, surtout s’ils sont pas humains, c’est à dire, bronzés, noirs ou bridés. Pour le côté russe, 25 000, ce qui est beaucoup. De plus certains continuent à les prendre pour
des sous hommes, et qu’on les envoie se faire tuer dans des charges à la baïonnette et un fusil pour deux. Multiplions par deux ce nombre, et on aura le chiffre des blessés plus
utilisables.
Visiblement, les Américains auraient proposé un plan de paix, abandonnant pas mal de territoire et la neutralisation. Sans doute sera t’il refusé, personne
n’ayant plus confiance, les Américains ne respectent jamais les traités. Mais cet abandon avait pour but de garder l’Ukraine comme colonie économique, chargée de rembourser les envois de
matériels…
Sans doute, les unités
ukrainiennes devant la puissance de feu russe, très supérieure, fondent comme neige au soleil. Le nombre de brigades au front baisse inexorablement. Sans doute, certaines étant
trop saignées pour ne pas être retirées ou dissoutes. De plus, avoir de gros effectifs sur le front comme l’armée ukrainienne (comparativement aux russes), entraine des pertes excessives.
Depuis 1914 les effectifs ont fondu en premières lignes, essentiellement pour ne pas avoir trop de pertes et parce que la puissance de feu augmentait notablement.
Il y a aussi, chez le suprémacisme de certains, le refus d’envisager que, militairement, « notre » camp puisse avoir des pertes très supérieures
devant les « sous hommes russes ».
Xavier Moreau dit que l’attaque, avec des forces très inférieures, c’était du jamais vu.
Si.
La première bataille de Smolensk (10 juillet 1941- 10 septembre 1941), fut une contre offensive russe, menée avec des forces très inférieures, mais
technologiquement très supérieures. 100 KV1 et 2, 600 T34, Katiouchas, Illiouchine II sturmovik. La résistance de la forteresse de Brest jusqu’au 30 juin, nuisit au bon encerclement
de la poche de Bialystock-Minsk (l’infanterie ne put suivre la progression des panzer-divisions sous le feu de la forteresse), 300 000 hommes purent s’en échapper et rejoindre les forces
de contre attaque.
Rappelons aussi le combat, à
Raeiniai en Lituanie d’UN char KV qui arrêtât une journée entière la 6e panzer-division, démolissant, une douzaine de camions, autant de chars, 4 pièces antichars et une pièce de
88…
Un officier allemand raconte qu’un soldat disait qu’on lui avait dit qu’il affronterait des sous hommes, mais qu’il n’avait rencontré que de
redoutables spécialistes…
Il faudrait abandonner le racisme politiquement correct qui est pratiqué à l’égard des Russes.
Le nombre de chars fournis aux Ukrainiens videra les arsenaux (de toute façons, ils étaient obsolètes, un char de 40 ans n’est bon qu’à servir de cibles),
sans rien changer.
La suite ? Le
front ukrainien se dilate, s’amincit,
il finira bien par
craquer. Plus l’ouest enverra d’armes, plus elles seront détruites. Les Russes peuvent remplacer leurs pertes. Pas les arsenaux oxydentaux.
C’est un paradigme que les dirigeants, pris à leurs propres mensonges, n’ont pas compris. Ils sont dans un piège à con, et s’y vautrent.
La voie de la sagesse, c’est de négocier tout de suite. Quel qu’en soit le prix, ça coutera plus cher après.
On peut se poser aussi des questions. Comment le ministère de la défense, français, se démerde, avec 2/3 du budget russe, pour avoir 1/100 de son armée
?
Ce qui rend le dernier rapport de la RAND Corporation sur l’Ukraine si important, ce n’est pas la qualité de l’analyse, mais le fait que le groupe de
réflexion sur la sécurité nationale le plus prestigieux du pays a adopté une position opposée à celle de la classe politique de Washington et de ses alliés mondialistes sur la guerre.
C’est une très grosse affaire. Gardez à l’esprit que les guerres ne prennent pas fin parce que le public s’y oppose. C’est un mythe. Les guerres prennent fin lorsqu’un clivage critique
émerge entre les élites, ce qui conduit finalement à un changement de politique. Le nouveau rapport de la RAND Corporation, « Éviter
une longue guerre : La politique américaine et la trajectoire du conflit Russie-Ukraine », représente justement cette rupture. Il indique que des élites puissantes ont rompu
avec l’opinion majoritaire parce qu’elles pensent que la politique actuelle nuit aux États-Unis. Nous pensons que ce changement de perspective va prendre de l’ampleur jusqu’à ce qu’il
déclenche une demande plus affirmée de négociations. En d’autres termes, le rapport RAND est le premier pas vers la fin de la guerre.
Considérez, pour une minute, cet extrait du préambule du rapport :
« Les coûts et les
risques d’une longue guerre en Ukraine sont importants et dépassent les avantages possibles d’une telle trajectoire pour les États-Unis ».
Cette citation résume effectivement l’ensemble du document. Pensez-y : Au cours des 11 derniers mois, on nous a répété que les États-Unis soutiendraient
l’Ukraine « aussi longtemps qu’il le faudra ». La citation ci-dessus nous assure que cela ne va pas se produire. Les États-Unis ne vont pas saper leurs propres intérêts pour
poursuivre le rêve irréalisable d’expulser la Russie d’Ukraine. (Même les faucons ne croient plus que cela soit possible.) Les membres rationnels de l’establishment de la politique
étrangère vont évaluer les perspectives de réussite de l’Ukraine et les mettre en balance avec la probabilité croissante que le conflit échappe à tout contrôle. Bien entendu, cela ne
servirait les intérêts de personne et pourrait déclencher un affrontement direct entre la Russie et les États-Unis. Les décideurs américains devront également décider si les dommages
collatéraux croissants en valent la peine. En d’autres termes, la rupture des lignes d’approvisionnement, la hausse de l’inflation, l’augmentation des pénuries d’énergie et de nourriture
et la diminution des stocks d’armes sont-elles un juste retour des choses pour « affaiblir la Russie » ? Beaucoup diraient : « Non ».
À certains égards, le rapport RAND n’est que le premier d’une longue série de dominos qui tombent. Au fur et à mesure que les pertes de l’Ukraine sur le
champ de bataille s’accumulent – et qu’il devient plus évident que la Russie contrôlera tout le territoire à l’est du Dniepr – les failles de la stratégie de Washington deviendront plus
apparentes et seront plus vivement critiquées. Les gens s’interrogeront sur la sagesse de sanctions économiques qui nuisent à nos alliés les plus proches tout en aidant la Russie. Ils
demanderont pourquoi les États-Unis suivent une politique qui a précipité un fort mouvement de désaffection pour le dollar et la dette américaine. Et ils se demanderont pourquoi les
États-Unis ont délibérément saboté un accord de paix en mars alors que la probabilité d’une victoire ukrainienne est proche de zéro. Le rapport Rand semble anticiper toutes ces questions
ainsi que le « changement d’humeur » qu’elles vont générer. C’est pourquoi les auteurs poussent à la négociation et à une fin rapide du conflit. Voici un extrait d’un article
paru sur RT :
« La RAND Corporation,
un groupe de réflexion d’élite très influent en matière de sécurité nationale, financé directement par le Pentagone, a publié un rapport historique affirmant que la prolongation de la
guerre par procuration nuit activement aux États-Unis et à ses alliés et avertissant Washington qu’il doit éviter « un conflit prolongé » en Ukraine. (…)
(Le rapport) commence
par affirmer que les combats représentent « le conflit interétatique le plus important depuis des décennies, et que son évolution aura des conséquences majeures » pour
Washington, notamment le fait que les « intérêts » américains soient activement lésés. Le rapport indique très clairement que si les Ukrainiens ont mené les combats, et que
leurs villes ont été « rasées » et leur « économie décimée », ces « intérêts » ne sont « pas synonymes » de ceux de Kiev »1.
Si le rapport ne déclare pas explicitement que « les intérêts américains (sont) lésés », il en déduit certainement que c’est le cas. Il n’est pas
surprenant que le rapport ne mentionne aucun des dommages collatéraux de la guerre de Washington contre la Russie, mais les auteurs devaient certainement y penser avant tout. Après tout,
ce ne sont pas les 100 milliards de dollars ou la fourniture d’armes mortelles qui coûtent si cher aux États-Unis. C’est l’émergence accélérée de coalitions internationales et
d’institutions alternatives qui a mis l’empire américain sur la voie rapide de la ruine. Nous supposons que les analystes de RAND voient les mêmes choses que tout autre être sensible, que
la conflagration malencontreuse de Washington avec Moscou est un « pont trop loin » et que le retour de flamme va être immense et atroce. D’où l’urgence d’en finir rapidement
avec la guerre. Voici un extrait du rapport qui a été affiché en caractères gras au milieu du texte :
« Puisque éviter une
longue guerre est la priorité absolue après avoir minimisé les risques d’escalade, les États-Unis devraient prendre des mesures qui rendent plus probable une fin du conflit à moyen
terme ».
Il est intéressant de noter que si le rapport détaille les principaux risques d’escalade (les principaux risques sont une guerre plus large avec l’OTAN, un
débordement du conflit dans d’autres pays de l’UE et une guerre nucléaire), il n’explique pas pourquoi exactement une « longue guerre » serait si dommageable pour les
États-Unis. Nous pensons que cette omission est intentionnelle et que les auteurs ne veulent pas admettre que le retour de flamme des sanctions et la formation de coalitions étrangères
anti-américaines sapent clairement les plans américains visant à maintenir leur emprise sur le pouvoir mondial. Parmi les élites, de tels propos sont interdits. Voici comment Chris Hedges
résume la situation dans un article de Consortium
News :
« Le plan visant à
remodeler l’Europe et l’équilibre mondial du pouvoir en dégradant la Russie s’avère ressembler au plan raté visant à remodeler le Moyen-Orient. Il alimente une crise alimentaire mondiale
et dévaste l’Europe avec une inflation à deux chiffres. Il met en évidence l’impuissance, une fois de plus, des États-Unis et la faillite de leurs oligarques dirigeants. Pour faire
contrepoids aux États-Unis, des nations comme la Chine, la Russie, l’Inde, le Brésil et l’Iran se détachent de la tyrannie du dollar en tant que monnaie de réserve mondiale, ce qui
déclenchera une catastrophe économique et sociale aux États-Unis. Washington donne à l’Ukraine des systèmes d’armes toujours plus sophistiqués et des milliards et des milliards d’aide
dans une tentative futile de sauver l’Ukraine mais, plus important encore, de se sauver elle-même »2.
Hedges résume parfaitement la situation. L’intervention stupide de Washington ouvre la voie à la plus grande catastrophe stratégique de l’histoire des
États-Unis. Et pourtant, même aujourd’hui, la grande majorité des élites corporatives et bancaires soutiennent résolument la politique existante tout en ignorant les signes évidents
d’échec. Un exemple concret : Le Forum économique mondial a publié une déclaration générale de soutien à l’Ukraine sur son site Web. La voici :
« L’essence de notre
organisation est sa croyance dans le respect, le dialogue et les efforts de collaboration et de coopération. Nous condamnons donc profondément l’agression de la Russie contre l’Ukraine,
les attaques et les atrocités.
Nous sommes
entièrement solidaires du peuple ukrainien et de tous ceux qui souffrent innocemment de cette guerre totalement inacceptable. Nous ferons tout ce qui est possible pour aider et soutenir
activement les efforts humanitaires et diplomatiques.
Nous espérons
seulement que – à plus long terme – la raison l’emportera et que l’espace nécessaire à la construction de ponts et à la réconciliation émergera à nouveau »3.
Cela ne devrait surprendre personne. Naturellement, les mondialistes vont se ranger du côté de leur équipe de démolition expansionniste (l’OTAN) plutôt que
du côté du plus grand défenseur mondial des valeurs traditionnelles, des frontières et de la souveraineté nationale. Cela va sans dire. Malgré cela, le rapport Rand suggère que le soutien
à la guerre ne fait plus l’unanimité parmi les élites. Et, puisque ce sont les élites qui définissent en fin de compte la politique, il y a maintenant une probabilité croissante que cette
politique change. Nous considérons cet « éclatement du consensus des élites » comme le développement le plus positif de ces 11 derniers mois. La seule façon pour les États-Unis
de modifier leur approche en Ukraine est qu’un nombre croissant d’élites reviennent à la raison et nous tirent du pétrin. Nous espérons que cela se produira, mais nous n’en sommes pas
sûrs.
La section la moins convaincante de tout le rapport se trouve sous le titre de : « Engagements des
États-Unis et des Alliés en faveur de la sécurité de l’Ukraine ».
Le problème est facile à comprendre. Les auteurs veulent s’entendre sur un plan pour assurer la sécurité de l’Ukraine afin d’encourager les négociations
avec la Russie. Malheureusement, la Russie ne permettra pas à l’Ukraine de faire partie d’une alliance de sécurité soutenue par l’Occident. En fait, c’est la raison pour laquelle la
Russie a lancé son invasion en premier lieu, pour empêcher l’adhésion de l’Ukraine à une alliance militaire hostile (l’OTAN) liée aux États-Unis. Il s’agit d’un sujet délicat qui
constituera sans aucun doute un obstacle dans toute négociation future. Mais c’est une question sur laquelle il ne peut y avoir de « marge de manœuvre ». L’Ukraine – ou ce qu’il
en reste – devra être neutre en permanence et tous les extrémistes d’extrême droite devront être écartés du gouvernement, de l’armée et des services de sécurité. Moscou ne choisira pas
les dirigeants de l’Ukraine, mais elle s’assurera que ces dirigeants ne sont ni nazis ni liés à une quelconque organisation nationaliste d’extrême droite.
Comme nous l’avons dit précédemment, nous pensons que le rapport RAND indique que les élites sont désormais divisées sur la question de l’Ukraine. Nous
pensons qu’il s’agit d’une évolution positive qui pourrait conduire à des négociations et à la fin de la guerre. Cependant, nous ne devons pas ignorer le fait que même l’analyse la plus
impartiale peut pencher favorablement dans la direction du groupe qui fournit le financement. Et cela pourrait être vrai ici aussi. N’oubliez pas que la RAND Corporation est un groupe de
réflexion non partisan qui, selon le lieutenant-colonel retraité de l’US Air Force Karen Kwiatkowski : « travaille pour
l’establishment de la défense, et si l’argent venait à manquer, le thinktank n’existerait pas sous sa forme actuelle. Il sert entièrement les intérêts du gouvernement américain, et en est
dépendant ». (Lew
Rockwell)
On peut en déduire que le rapport RAND pourrait représenter les vues du Pentagone et de l’establishment militaire américain, qui estiment que les États-Unis
se dirigent à toute allure vers une conflagration directe avec la Russie. En d’autres termes, le rapport pourrait constituer les premières attaques idéologiques contre les
néoconservateurs qui dirigent le département d’État et la Maison Blanche. Nous pensons que cette division entre le département de la guerre et le département d’État deviendra plus visible
dans les jours à venir. Nous ne pouvons qu’espérer que la faction la plus judicieuse du Pentagone l’emportera.
Un drapeau américain à 51 étoiles a déjà été créé, au cas où il y aurait un 51e État.
Avant-propos
La blague de la décennie
par le cinglé Stoltenberg : « L’OTAN est
unie ». (C’est fou ce que quelques millions de dollars déposés sur leurs comptes bancaires peuvent faire au sens de la vérité de certaines personnes. Demandez au président de
l’Ukraine, si vous ne me croyez pas). Apparemment, Stoltenberg n’a pas entendu parler de la Grèce et de la Turquie (dont le président a subit une tentative d’assassinat par les États-Unis et
l’OTAN). Ou de la Roumanie et de la Hongrie. Ou encore de l’Allemagne et de la Pologne. De nombreux non-norvégiens, par exemple tous les Allemands et les Polonais, savent que l’Allemagne et la
Pologne ne sont pas en bons termes. Le gouvernement polonais actuel veut récupérer encore plus d’argent de l’Allemagne en guise de réparations de guerre – oui, pour cette guerre qui s’est
terminée il y a 78 ans.
Pendant ce temps, les Allemands continuent d’utiliser l’expression « polnische Wirtschaft »,
littéralement « économie polonaise »,
qui signifie le chaos total. Et puis il y a des Allemands qui voudraient récupérer la Silésie, ces villes comme Breslau et après tout, pourquoi pas Danzig ? Quant à l’obsession provinciale
polonaise de retrouver sa « grandeur »,
un empire polonais de la mer Baltique à la mer Noire, en s’emparant de l’Ukraine occidentale et en procédant peut-être à un nettoyage ethnique (rappelez-vous Akcija Visla en 1947 ; les parents de
certains de mes meilleurs amis l’ont vécu), les Allemands secouent la tête de désespoir. Cependant, il existe également une autre « faille dans le luth » international, ou une
fissure dans le violon créant une discorde. Elle pourrait être fatale.
Londres et Washington
Le nationalisme est toujours intrinsèquement narcissique parce qu’il s’agit d’une supériorité imaginaire de soi. Il fut un temps où il s’agissait d’une supériorité
raciale imaginaire, également connue sous le nom de racisme. Ainsi, le romancier britannique Delderfield a écrit une série de romans sur les Victoriens 1 intitulée « God is an Englishman ». « Envoyez-leur des canonnières et des
missionnaires » (dans cet ordre), proclamaient les Victoriens avec leur mission « civilisatrice » condescendante. Leur poète
impérialiste Kipling parlait de la mitrailleuse Maxim et de la Bible. C’est la même chose. Les « Wogs commencent à Calais », proclamaient les splendides isolationnistes, jusque dans les années 1950. Je me souviens d’une conversation, il y a quelques années,
avec un Indien qui me disait que très, très peu d’Indiens avaient accepté le protestantisme en Inde parce que, disait-il, les « missionnaires » anglais protestants avaient dit
aux Indiens que s’ils voulaient devenir protestants (ou « chrétiens », comme les Victoriens les appelaient à
tort), ils devaient d’abord accepter de porter un pantalon. En d’autres termes, il ne s’agissait jamais de foi ou de spiritualité, mais de devenir des Anglais de seconde zone.
Un siècle plus tard, la même mentalité s’est imposée aux États-Unis, où elle a été baptisée « suprémacisme blanc » et où les personnes qui
l’acceptaient étaient appelées WASP (White Anglo-Saxon Protestants). Cependant, tout cela est désormais tabou. Il n’existe pas de supériorité raciale chez les Américains modernes, mais seulement
une supériorité morale. Il s’agit en fait d’une absurdité encore plus insultante et condescendante, qui signifie l’acceptation de « nos » valeurs, c’est-à-dire « la liberté et la démocratie ». Ainsi, le Londres
victorien a imposé l’Anglais puritain comme modèle de salut (« lavez-vous plus souvent et votre peau deviendra aussi blanche
que la nôtre »), tandis que le Washington « libéral » dit « portez des jeans et des baskets, mangez au MacDonalds, buvez
du coca-cola et regardez Disney, et vous aussi serez sauvé, même si vous n’avez pas la bonne couleur de peau ». Comme d’habitude, comme d’habitude.
Grandeur et décadence
Parmi les Victoriens, il y avait des hommes politiques avec des personnalités : Palmerston, Disraeli et Gladstone, le seul à être adoré par les Bulgares. Bien sûr,
les deux premiers étaient d’odieux impérialistes – mais ils avaient des personnalités. Parmi eux, nous pouvons également inclure Churchill, qui gazait le Kurdistan, et Thatcher, qui aimait
Pinochet. Ils étaient victoriens dans leur mentalité. Racistes jusqu’à la moelle. Mais ils avaient des personnalités. Il semble maintenant qu’ils étaient les derniers de la lignée.
Après Thatcher, il y a eu une série de non-entitées, Blair, qui croyait en ses propres illusions, puis en 2022, les trois génies : Johnson, dont le nom est
désormais synonyme de bouffon ; Truss, qui a donné au monde un nouveau mot, un « Trussisme », par exemple « Le Pérou est la capitale de
l’Afrique » ou « L’inflation est
surmontée en imprimant plus d’argent » ; et puis il y a le banquier indien, Sunny Sunak, pas tout à fait milliardaire, mais bien parti :
N’en dites pas plus
Ces génies britanniques devraient se rappeler que les néocons qui dirigent l’OTAN et ensuite pensent que s’ils prolongent leur guerre en Ukraine et espèrent la
faire durer pendant une dizaine d’années, cela détruira la Russie. Manifestement, ils ne vivent pas dans le monde réel, mais dans un monde virtuel. Plus cela durera, plus les dégâts seront
importants pour l’Occident. C’est ce qu’ils vont créer : Une guerre civile aux USA. La faillite au Royaume-Uni. Un effondrement en Allemagne. Une révolte en France et en Europe du Sud. Le chaos
en Europe de l’Est. La fin de l’OTAN. Le problème est que, comme le colonel Douglas MacGregor cite toujours son ami espagnol de l’OTAN : « Les États-Unis ne sont pas un autre pays, c’est une autre
planète ». Pour m’être rendu quatre fois dans différentes régions des États-Unis, en visite depuis le Vieux Continent, je peux confirmer les propos de l’officier espagnol.
Continents et îles
Le fait est que ceux qui vivent sur les continents sont toujours pragmatiques. Ils sont obligés de l’être. Ils doivent vivre aux côtés de personnes qui ont des
religions différentes et donc des cultures différentes, parlent des langues différentes et mangent des aliments différents. Pas de « taille unique » à l’américaine ici. Cependant,
le Royaume-Uni est une île. Lorsque vous vivez sur une île, vous pouvez vous enfuir de Dunkerque et rentrer chez vous pour prendre une tasse de thé au Brexitland, comme l’appellent les Allemands.
La Grande-Bretagne peut être aux États-Unis ce que la Nouvelle-Zélande est à l’Australie, c’est-à-dire un peu une blague, comme disent les Texans, « cette petite île au large de l’Europe ».
Alors, avant de faire votre choix, rappelez-vous que les États-Unis sont aussi une île. Ou plus précisément l’Amérique du Nord (les États-Unis et le Nord glacé,
également appelé Canada, est une île. (Le Mexique n’est ni l’Amérique du Sud, ni l’Amérique centrale, mais il appartient toujours à l’Amérique latine, pas à l’Amérique du Nord ; rappelez-vous le
mur promis par Trump). Et comme l’Amérique du Nord est à des milliers de kilomètres de tout continent, elle n’est pas comme la Grande-Bretagne, à trente kilomètres d’un continent, mais une île
très insulaire.
Et n’oubliez pas que si vous voulez être pris en charge par Washington et devenir le 51e État, les Américains sont vraiment de mauvais perdants. Les mauvais
perdants sont ceux qui, s’ils ne peuvent pas avoir ce qu’ils veulent, jettent leurs jouets hors du landau et détruisent tout. Ils préfèrent choisir l’autodestruction, car ils ne peuvent pas
détruire les autres. Arriver en deuxième position n’est pas une option pour les mauvais perdants. Et quand leurs jouets sont nucléaires, faites attention. Les Britanniques, dites ce que vous
voulez, ne sont pas comme ça. (Probablement parce qu’ils sont passés en deuxième position pendant tout un siècle maintenant, et qu’ils ont donc beaucoup d’expérience).
Les mauvais perdants
Je peux penser à une demi-douzaine d’exemples, mais le plus « actuel », comme disent les Français, est
Meghan Markle. Nous y voilà, l’actrice américaine qui voulait devenir princesse, pour pouvoir être « la reine d’Angleterre ». On ne l’a pas laissée
faire, car elle est arrivée trop tard et a pris le mauvais bébé, le « Spare » (Harry) et non l’Héritier (William).
Quoi qu’il en soit, William semble avoir une certaine colonne vertébrale, tandis que Harry, dépravé, drogué et meurtrier en Afghanistan, apparaît comme l’homme classique et faible, prêt à tout, y
compris à dénigrer sa propre famille, pour coucher avec une actrice américaine. (Rappelez-vous son arrière-grand-oncle, Édouard VIII, qui saluait Hitler.) Encore un cas comme Hugh Grant et sa
femme américaine au fort caractère. Quant à Meghan Markle, elle a tout simplement jeté ses jouets hors de son landau, parce qu’elle n’a pas pu obtenir ce qu’elle voulait, en se servant de Harry
comme d’un mannequin ventriloque. Le classique mauvais perdant américain. C’est un peu comme ces homosexuels qui sont dans le déni : « Je te déteste et je suis jaloux de toi parce que tu es normal
et donc je vais te détruire ». Et c’est ce que font les inconscients, dont Victoria Nuland est un excellent exemple.
Cette querelle de famille entre Harry et l’entreprise familiale n’a rien à voir avec les grandes questions politiques, mais elle est symptomatique de
la « relation
spéciale » (c’est-à-dire le fait que Londres lèche les bottes de Washington chaque fois que cette dernière a marché sur un étron). Le fait est que la maison allemande des Windsor
est sur le point de disparaître, Harry, duc de Californie, ou pas. Le fait est qu’il n’y a pas de guerre entre l’Ukraine et la Russie. La guerre est entre Washington et Moscou, et un certain
nombre de Britanniques commencent à s’en rendre compte. Les Ukrainiens, comme la plupart des Européens de l’Ouest, y compris les Britanniques, ne sont que des pions naïfs dans le Grand Jeu
américain, dans leur lutte pour maintenir leur domination mondiale. Et par conséquent, la Grande-Bretagne va avoir un choix à faire très bientôt. Pas entre la gérontocratie moribonde et obsolète
des petits-enfants de nazis, connue sous le nom d’UE, ou le Brexit nationaliste anglais insulaire, mais entre intégrer l’Eurasie ou devenir le 51e État. Choisissez judicieusement. Vous pourriez
obtenir un meilleur accord avec ceux qui sont à 30 km que de ceux qui sont à 5 000.
Johnson, qui est né à New York et Sunak qui a étudié à Stanford, faites attention aux mauvais perdants. Ils peuvent vous attirer de gros ennuis, surtout s’ils
décident de jeter leurs jouets nucléaires hors de leur landau sur vous. Comme l’a écrit le poète victorien Lord Tennyson en 1859 :
C’est la petite fissure dans le luth, qui, de temps à autre, rendra la musique muette.
Batiushka
Recteur orthodoxe russe
d’une très grande paroisse en Europe, il a servi dans de nombreux pays d’Europe occidentale et j’ai vécu en Russie et en Ukraine. Il a également travaillé comme conférencier en histoire et en
politique russes et européennes.
Traduit par Hervé, relu par Wayan, pour le Saker Francophone
Par souci d’exactitude historique, précisons que toute la période du XIXe siècle est appelée à tort « victorienne ». Elle aurait dû être
appelée « alexandrine », car le
véritable prénom de la reine Victoria était Alexandrina, en l’honneur de son parrain, le tsar Alexandre Ier.
Des Panzers contre les Russes : Inéluctable extension du conflit à l’Ouest
Tous les spécialistes sérieux développent des arguments tout à fait faciles à comprendre pour dire que les quelques poignées de chars que nous allons
envoyer en Ukraine ne changeront rien au plan militaire ; pas plus que l’envoi d’avions, de missiles ou quoi que ce soit d’autre.
La tragique symbolique des panzers
engagés par l’Allemagne contre les Russes
En revanche, la symbolique des panzers engagés entre les mains des bandéristes contre la Russie va changer tout le contexte de cette guerre, tout son sens,
toute sa dimension historique. Il en résultera malheureusement une inéluctable extension du conflit vers l’Ouest. Bien entendu, il y a tout lieu de penser que pour rendre les choses
encore plus irréversibles, l’histrion déjanté de Kiev s’empressera de confier ces chars allemands aux bataillons ukronazis, Azov, Kraken et autres.
Une anecdote pour bien comprendre
l’âme russe et le sentiment patriotique profond qu’a laissé la Grande Guerre Patriotique
Irina, une jeune femme originaire de l’Oural profond m’a expliqué un jour que dans son enfance, dans les années 90, les dames de la cantine qui avaient
connu la Grande Guerre Patriotique les obligeaient à ramasser les miettes de pain sur les tables pour ne pas gaspiller. Parce qu’un jour, ça allait
recommencer. Voilà, c’est anecdotique mais ça dit tout de l’état d’esprit profond des Russes par rapport au passé et à leur Histoire.
Un peuple qui sait
souffrir
Lors de l’effondrement de l’empire soviétique, les années Eltsine ont été un véritable cauchemar pour l’immense majorité du peuple russe. Rien ne lui a été
épargné : perte d’estime de lui-même, alcoolisme, pénuries, chômage ravageur, femmes seules et enfants sans père obligés de survivre dans les pires conditions, misère noire… Pourtant,
malgré le désespoir, mais avec l’immense secours de la religion et en allant chercher au plus profond de lui-même, ce peuple a tenu bon. Si tout autour de lui s’effondrait, lui est resté
debout pour renaître ensuite. Et de quelle manière ! Alors oui, ces gens savent souffrir. Oui, la religion est ce qui leur reste en dernier ressort et sur quoi ils savent pouvoir
s’appuyer ; tout comme sur leur âme profonde.
Poutine l’homme qui a redonné sa
dignité au peuple russe
Plus que jamais Vladimir poutine incarne à lui seul ce qu’il y a de plus profond dans l’âme russe. Pour l’immense majorité du peuple russe, il est celui qui
a su relever leur pays humilié par l’effondrement de l’empire, humilié par les années Eltsine, humilié par l’Europe et l’Amérique. Et ça, les Russes ne peuvent pas l’oublier. Si tant est
qu’ils aient quelque chose à pardonner à Vladimir Poutine, c’est déjà oublié, car ce n’est rien en comparaison du redressement moral et du retour à la dignité qu’il a su leur apporter.
Aucun Russe n’en doute, Vladimir Poutine s’est imposé comme le seul chef capable de sauver le pays contre la tentative de destruction menée par l’Occident global.
Un jour ça
recommencera
Tous les Russes, même ceux qui ne l’ont pas connue, ont été élevés dans le souvenir des souffrances de la Grande Guerre Patriotique et dans le culte des
héros. Voilà le sentiment patriotique profond qu’ils partagent tous et qui nous est totalement étranger : la mémoire des souffrances et un profond sentiment de reconnaissance pour
les millions de morts et surtout, surtout, l’idée qu’un jour ça
recommencerait.
Une différence de potentiel moral qui
fera la différence
Totalement incompréhensibles pour nos peuples qui ont été conditionnés dans l’idée de tirer les dividendes de la paix. Anthropologiquement, c’est le jour et
la nuit. Militairement, ça fera toute la différence. On le comprend bien, ce n’est
évidemment pas Macron ni aucun des dirigeants occidentaux contemporains qui peuvent mesurer ce que cette différence de potentiel pèse dans la dynamique d’une
confrontation.
L’unité des peuples de
Russie
Souvent on s’interroge sur les raisons de l’unité de la mosaïque des peuples qui composent la Russie. C’est très simple, avec les juifs et les tziganes, ils
partagent tous le souvenir d’avoir été traités de sous-hommes et d’avoir fait le sacrifice commun de millions de morts pour repousser les Allemands qui voulaient les faire
disparaître.
Ça y est, ça recommence, les Allemands
veulent à nouveau nous éliminer
Voilà le message que l’envoi des panzers va communiquer de manière transversale au peuple russe dans sa diversité. Car le rapport entre l’Allemagne et la
Russie est bien particulier. Il n’a aucun équivalent avec aucun autre peuple au monde. Avec celle des juifs et celle des tziganes, les Allemands sont les seuls dans l’Histoire à avoir
théorisé et mis en œuvre la destruction des peuples slaves et de l’Orient russe et leur mise en esclavage. En chaque Russe demeure de manière irréfragable le sentiment d’avoir été traité
« d’Untermensch » par
les Allemands, d’avoir été promis à l’éradication ou à l’esclavage. En chaque Russe existe le sentiment qu’ils ont su triompher du mal absolu et qu’il va falloir refaire les mêmes
sacrifices que ceux qu’on fait les héros avant lui. Chaque Russe sait qu’il va devoir un jour faire face et se sacrifier s’il le faut. Avec l’envoi des panzers en Ukraine, ils comprennent
que le moment est venu, qu’il n’y aura plus de report d’échéance. Chaque Russe y est prêt. Sa mère et sa femme y sont prêtes.
Un moment historique où tout converge
et où leur destinée se joue
Alors oui, les Russes savent que pour eux le tragique revient dans leur Histoire et que tout va se rejouer maintenant. Chaque Russe sait qu’il faudra encore
faire des sacrifices pour ne pas disparaître. Il y a là une différence anthropologique fondamentale entre eux et nos peuples suicidaires. La volonté de vivre d’un côté, le nihilisme et
l’autodestruction de l’autre. Là encore, ça fera toute la différence.
Résonance historique en Russie des
mots Allemagne, panzers, bandéristes, nazis, Ukraine
Ils l’ont dit, si les Russes sont entrés en Ukraine, c’était aussi pour la dénazifier. Or aujourd’hui, la célébration du nazi Bandera par ce pays et
l’affichage à tous les niveaux de symboles et d’insignes nazis par les Ukrainiens leur donne raison. Donner des panzers aux nazis ukrainiens, c’est rejouer l’Histoire. Pour les Russes, le
message est très clair. Il résonne comme un coup de tocsin dans leur mémoire collective et dans leur cœur, au plus profond de leur âme. Ça y est, ça
recommence.
Baerbock, « nous menons une
guerre contre la Russie »
Plus de doute possible. C’est bien la ministre fédérale allemande des Affaires étrangères qui a confirmé devant l’Assemblée parlementaire du Conseil de
l’Europe que l’UE et l’Allemagne menaient une guerre contre la Russie. Et ce sont bien des panzers allemands qui vont être livrés aux bandéristes ukrainiens. Appelez-les Léopard si vous
voulez, pour les Russes ça ne change rien au symbole.
Dans ces conditions, on peut confirmer ce que nous savons tous ici et qu’on a maintes fois répété. La Russie ne peut pas perdre cette guerre. D’autant moins
maintenant ; que le retour tragique de l’Allemagne et de ses démons dans l’Histoire le lui interdisent. Nihilisme mortifère, haine de soi auto-destructrice ? À ce niveau, on se demande ce
qui anime les Allemands pour tenter un tel retour après la branlée qu’ils ont prise au match aller. Qu’est-ce qu’ils veulent ? Revoir les Russes à Berlin ? Si tel est le cas, il semble
bien qu’ils leur aient envoyé un billet de retour.
Le plus probable à ce stade si on en reste aux
armes conventionnelles
On exclut ici l’hypothèse nucléaire. Les Occidentaux vont faire durer cette guerre sur le sol ukrainien le plus longtemps qu’ils pourront. Après les chars, ce
seront les avions, les missiles et les personnels pour les servir qui seront envoyés dans la fournaise ukrainienne. Alors, oui, ça va durer. Mais tout indique que l’appareil industriel occidental
ne sera pas en capacité de suivre le train d’enfer que va imposer cette guerre. Tout simplement parce que le matériel occidental est un produit marketing ultra-sophistiqué et donc coûteux,
fragile et non durable. Il est conçu pour être renouvelé à toute allure en fonction de l’obsolescence planifiée et d’une course insensée aux évolutions technologiques ; ceci afin dégager du
chiffre d’affaires et un maximum de bénéfices pour les actionnaires de l’industrie privée. Pas pour faire de manière parcimonieuse une guerre réellement longue et dure dont plus personne en
Occident ne sait ce que ça veut dire.
Anecdote : pour la conquête
de l’espace, les ingénieurs de la Nasa ont dû concevoir un stylo bille spécial pour écrire en apesanteur. Les Russes, eux, se sont contentés de crayons à papier. Ce n’est évidemment pas du tout
la même approche. Et c’est ce qui fait que les Russes vont gagner cette guerre. Parce qu’eux ne la font pas pour les dividendes des actionnaires ou par progressisme compulsif, mais pour leur
survie et par idéal patriotique. C’est toute la différence.
À l’inverse, l’industrie russe conçoit du matériel fonctionnel et relativement simple, facile à produire en grande quantité et à moindre coût, facile à entretenir
et facile à servir pour les opérateurs. Au niveau du matériel, les stocks existants et les capacités de production de l’industrie russe finiront de faire la différence. Autrement dit, on
s’épuisera avant eux. Ils auront le dernier mot au plan industriel.
D’autre part, le matériel occidental demande un niveau de formation des opérateurs, intenable dans une guerre longue forcément consommatrice d’hommes. Les
Occidentaux n’auront pas la capacité de former les hommes pour servir leur matériel sophistiqué au fur et à mesure des pertes. Par ailleurs, il n’est plus temps pour les concepteurs occidentaux
de changer de paradigme pour la conception de leur armement. Ils devront faire avec ce qu’ils ont et ce n’est pas à leur avantage.
Qui du côté ukrainien et occidental pour faire
cette guerre ?
Côté US, depuis 45 ces gens ne savent plus faire une guerre pied à terre et ils les ont toutes perdues. Quant à celle de 45, ils n’ont brillé que parce que les
Russes étaient en train de consumer la Wehrmacht sur le front de l’Est. Sans quoi ils n’auraient jamais pu débarquer. Alors stop le mythe de la toute-puissance militaire US. De surcroît, entre
les obèses, les drogués, ceux qu’il faut réformer, les délinquants, les asociaux, et ceux qui ne remplissent pas les conditions suffisantes au niveau cognitif, l’armée US n’arrive plus à recruter
suffisamment. Ce seraient 70% des jeunes Américains qui ne rempliraient pas les conditions requises pour entrer dans l’armée.
En plus, il faut savoir que la situation politique aux États-Unis est catastrophique, que de nombreux États sont au bord de la sécession et que ce pays est au bord
de la guerre civile. Dans ces conditions, il n’y aura pas de consensus dans la population pour aller faire cette guerre. Et ce ne seront pas les rednecks blancs des
États républicains qui iront suivre les démocrates hystériques dans cette aventure. Ceux qui s’engagent dans cette aventure en comptant sur les USA pour faire le job se fourrent le doigt dans
l’œil jusqu’à l’omoplate. Le peuple US et l’économie US d’aujourd’hui ne sont plus ceux de décembre 41. La puissance US n’est plus dans le hard power. Elle n’est
plus que financière et dans le soft power ; ce qui
ne sert à rien quand seule la poudre parle.
Qui pour y aller pied à terre côté européen
?
Clairement l’Ukraine est pratiquement à bout de ressources humaines. Alors qui d’autre dans la durée puisque c’est le parti que semble vouloir imposer l’OTAN
? Des Polonais ? Sans doute, ils y sont déjà et ce sont de bons candidats pour la suite. Savent-ils seulement à quoi ils sont candidats ?
Et ensuite ? Des Baltes, c’est zéro. Des Finlandais, c’est zéro. Des Roumains, des Bulgares ? Sans blague, qui peut y compter ?
D’autres pays de l’ancien bloc de l’Est ? Des Hongrois ? C’est non d’avance. Des Tchèques ? Peut-être quelques-uns, mais ça n’ira pas
chercher bien loin.
D’autres alliés de l’OTAN ? Des Espagnols, des Italiens ? Sans blague ? Des Belges ? Oui, eux sont assez paradoxaux pour vouloir y
aller, mais c’est zéro. Des pays du Nord ? Zéro ou à peu près. Des Britanniques ? Qui peut y compter aujourd’hui ? Ce peuple est détruit, il n’a plus d’armée et pas
de possibilité d’en lever une.
Des Allemands ? Peut-être quelques-uns au début, mais ce pays n’est pas non plus en état de lever une armée de masse pour une guerre de haute intensité.
Problèmes de consensus. Même question qu’aux États-Unis, qui va vouloir et qui va être en état d’y aller chez eux ? Et que pèse la Wehrmacht ? Réellement, pas grand-chose.
Des Français ? Je ne veux contrarier personne, mais notre armée est échantillonnaire. On a un peu de tout mais assez de rien. Et ce ne sont pas nos quelques
commandos, ou la Légion (certes brillants), habitués à des coups de mains dans des guerres coloniales ou à la marge d’autres conflits de basse intensité qui pèseront quoi que ce soit dans cette
affaire. Quant à nos armes, n’en parlons pas, on est déjà à poil. Cela, sans parler de notre état-major.
Le compte est vite fait : zéro + zéro = la
tête à Toto
Ou à peu près, en tout cas largement insuffisant quand on parle d’une confrontation de millions d’hommes de part et d’autre.
Une différence de potentiel et une dynamique
largement en faveur de la Russie
D’un côté, une Russie acculée à se battre pour sa survie, ultra-patriotique, douée d’un réel idéal appuyé sur la religion et sur l’Histoire, en état de lever un
sérieuse armée de masse, et dotée d’un complexe industriel capable de fournir des armes en quantité et dans la durée. De l’autre, une coalition hétéroclite, sans idéal, sans motivation, déjà mal
armée à ce stade, hors d’état de lever des armées de masse, pas du tout prête à la vraie haute intensité et dotée d’un appareil industriel certes ultra-sophistiqué mais justement trop pour être
efficace à ce niveau de jeu.
Cette différence de potentiel donne nettement
l’avantage à la Russie qui va nous épuiser dans un conflit que nous allons vouloir faire durer mais que nous ne pouvons ni soutenir ni gagner.
Les Russes obligés de recréer un glacis en
Europe de l’Est
Compte tenu de sa symbolique et du passé, l’entrée en guerre de l’Allemagne marque de manière incontestable la volonté de l’Occident global de détruire la Russie.
Tel est malheureusement le sens du message qui vient d’être envoyé aux Russes. Dans ces conditions, ils n’auront plus d’autre choix que de pousser à l’Ouest quand ils en auront fini avec
l’Ukraine. Certes, ce sera encore long. Mais quand la question aura été réglée en Ukraine et que l’Occident se trouvera complètement désarmé et hors d’état de résister, les Russes pourront
pousser loin à l’Ouest pour recréer un glacis devant eux et se protéger dans la durée.
Ce n’est pas ce qu’ils voulaient faire, mais
c’est ce qu’ils vont devoir faire
Ne serait-ce que pour que toutes les petites Irina puissent encore vivre en paix pendant 70 ans.
Les dés sont jetés
À ce stade, les Baltes, les Polonais et sans doute les Allemands ont déjà pris leur ticket. Les Russes ne vont pas les laisser recommencer de sitôt. C’est bien
malheureux, mais ils vont devoir les écraser.
Quant à nous…
On ne pèse plus rien depuis longtemps, on s’est déjà foutus à poil de nous-mêmes. Nous sommes déjà tellement insignifiants qu’on ne pourra que subir et espérer
qu’ils ne jugeront pas utile d’arriver jusqu’à Paris. Espérons qu’ils se contenteront de nous châtier en nous privant d’accès à leurs ressources et en nous boxant dans un coin de la diplomatie
mondiale, là ou est désormais notre vraie place.
La huitième réunion des alliés occidentaux de l’Ukraine à la base aérienne de Ramstein s’est concrétisée par un résultat empreint de cynisme. C’est ce qu’a déclaré la journaliste ukrainienne
Yanina Sokolovskaya.
Cet article est initialement paru sur le site rueconomics.ru. Il
n’engage pas la ligne éditoriale du Courrier des Stratèges.
Le 20 janvier, les ministres de la défense de l’OTAN ont discuté de l’assistance militaire à l’Ukraine au format Ramstein. Selon Sokolovskaya, les résultats de
la réunion étaient connus à l’avance, car de nouvelles armes avaient déjà été envoyées par l’Alliance vers l’Europe de l’Est, et le régime de Kyiv avait préparé le terrain juridique pour de
futurs changements. La journaliste estime en effet que « « la
décision avait déjà été prise. Sinon les véhicules blindés pour l’Ukraine ne seraient pas arrivés sur le territoire de la Pologne, et cela n’aurait pas été annoncé. De même, l’Ukraine ne
modifierait pas sa législation et n’autoriserait pas officiellement le personnel militaire étranger à combattre dans les Forces armées ukrainiennes. A partir de ce moment, ce ne sont plus
des mercenaires et non des assistants au statut étrange qui interviennent, mais des unités de combat ».
L’objectif principal poursuivi par l’Occident lors des réunions de Ramstein n’est pas de fournir de vastes capacités militaires aux forces armées ukrainiennes,
estime Sokolovskaya. Selon elle, la tâche principale des États-Unis et de l’OTAN est d’exercer une sorte de chantage sur Moscou afin de pousser la Russie à négocier.
Kyiv reçoit juste assez d’armes pour que les capacités de l’armée ukrainienne soient à peu près à part égale avec celles des troupes russes. «
Rappelez-vous ce qu’ils ont déclaré avant Rammstein. Leurs politologues et personnalités militaires ont indiqué : « Nous donnons à l’Ukraine juste assez d’armes pour avoir une parité de 100
% avec la Russie ». Soit un équilibre parfait. Je pense que c’est une position de négociation puissante. En d’autres termes, le message est : si vous ne commencez
pas à négocier, nous allons bouleverser l’équilibre des forces, puis nous nous attendrons vraiment que l’Ukraine lance des actions offensives », a déclaré Sokolovskaya.
Le journaliste voit des signes de la recherche d’un équilibre par l’OTAN non seulement dans les déclarations occidentales, mais aussi dans les déclarations
ukrainiennes. Par exemple, le commandant en chef des forces armées d’Ukraine, Valery Zaluzhny, dans une interview de décembre avec The Economist, a appelé la tâche principale des troupes
ukrainiennes à occuper les positions actuelles......
8 ans de constructions
fortifiées, de tunnels, de bunkers et d’interminables dépôts d’armement, deux mois de repositionnement des réserves et de pertes humaines militaires, la structure commence enfin à s’effondrer.
Les pertes humaines se chiffrent en dizaines de milliers de jeunes, de moins jeunes, de nationaux et d’étrangers, et après tout cela l’inévitable se produit. Le comédien qui est président, dans
ses vidéos quotidiennes depuis un bunker ou un manoir, a toujours résisté à faire ce que l’adversaire fait lorsqu’il considère que l’effort est trop grand par rapport au gain : se retirer vers
une ligne de défense plus solide, en économisant hommes et matériel.
Le récit officiel, partagé sans cesse, sur « les plus importantes victoires depuis la deuxième grande
guerre » pour le public domestique, ne sera pas méprisant, pour la décision de se battre jusqu’au dernier homme. Après tout, toute décision de qualifier de perdue cette importante
ligne de fortification défensive implique un renversement total du récit propagé par la presse officielle de l’Atlantique Nord. Il faut d’abord préparer le public qui suit sans relâche ces
récits. Leur dire la vérité n’est pas une option, car cela reviendrait à dire effectivement le contraire de ce qui a été dit concernant l’issue inévitable du conflit.
Dans une autre guerre utilisée comme un cycle d’accumulation capitaliste, un fait qui peut être clairement énoncé dans l’inversion de la tendance du marché mondial
des armes jusqu’en 2014, qui plaçait les deux concurrents indirects (États-Unis et Fédération de Russie) en concurrence directe et avec des chiffres très proches, cette situation s’est, pour
ainsi dire, inversée, les États-Unis étant aujourd’hui le leader incontesté des ventes d’armes dans le monde, avec environ 2/3 de plus en valeur des ventes que son plus grand concurrent direct
(Fédération de Russie).
Cela ne signifie pas qu’ils vendent plus en quantité….. Ils vendent surtout plus cher. Les données dont nous disposons mettent en lumière l’utilisation de la guerre
et du complexe militaro-industriel comme un instrument du cycle d’accumulation capitaliste ou, au contraire, comme un instrument dont l’objectif fondamental est la défense nationale.
Le « Global Fire
Power 2023 », qui établit le « Fire
Power Index », place les États-Unis en tête avec 0,0712, la Fédération de Russie avec 0,0714 et la RPC avec 0,0722. En d’autres termes, les deux premiers semblent à égalité et le
troisième est très proche. La quatrième place, l’Inde, est beaucoup plus éloignée, avec 0,1025. Qu’est-ce que cela nous apprend sur le rôle de chaque armée ?
La première question qui vient à l’esprit est la suivante : comment se fait-il qu’un pays qui dépense 800 milliards de dollars de son budget militaire (et nous
n’incluons pas ici l’« argent
noir » des services secrets, ni toute la recherche payée par des programmes fédéraux qui va également à des fins militaires), ait pratiquement la même puissance de feu qu’un pays
qui dépense 65 milliards de dollars, et à peine plus qu’un autre qui dépense 290 milliards de dollars ?
La réponse réside dans plusieurs aspects : 1) le complexe militaro-industriel nord-américain est privé, il vise donc la recherche du profit, l’enrichissement d’une
élite et la concentration des richesses, l’État étant un instrument de cette accumulation ; 2) les deux autres ont un complexe militaro-industriel essentiellement public – pas exclusivement –
principalement dans les domaines les plus sensibles, et qui n’a pas vocation à faire plus que remplir son rôle public, c’est-à-dire garantir une défense nationale efficace capable de défendre la
souveraineté du pays.
Cette différence est primordiale, car si la première fabrique des armes pour les vendre, c’est-à-dire et comme le disent de nombreux spécialistes, en font
des « jouets » de luxe, très
sophistiqués et complexes, et donc très coûteux, tant dans l’acte d’achat, l’entretien, la formation et les exigences techniques du personnel, et lorsqu’ils sont au combat, généralement très
enclins aux pannes. Au contraire, les deux autres concurrents tentent de fabriquer, au moindre coût possible, des produits efficaces, performants et durables. Le fait qu’il s’agisse pour la
plupart d’entreprises publiques permet à l’État d’acheter au prix de revient, et même lorsqu’il s’agit d’entreprises privées, le prix qu’elles demandent est conditionné par un marché dominé par
le secteur public des affaires, dont la dynamique d’accumulation est contrôlée par l’État, pour défendre ce qu’il considère comme l’intérêt national. Ce système, les États-Unis
l’appellent « manque de liberté
économique ». Pour les 1% les plus riches, bien sûr !
A ces deux facteurs, nous pouvons également ajouter d’autres variables qui ne manqueront pas d’avoir une grande importance : les économies des 2ème et 3ème places
sont toutes moins financiarisées et, en ce sens, moins spéculatives, surtout dans les secteurs stratégiques, ce qui se traduit par des prix plus bas et un poids plus faible du secteur rentier sur
l’industrie ; les deux pays ont un potentiel industriel installé très important, ce qui permet une production nationale quasi exclusive, avec des chaînes de production presque entièrement en
monnaie nationale et donc très peu vulnérables aux attaques spéculatives ou aux perturbations d’autres types (dans le cas de la Fédération de Russie, elle a en plus l’avantage d’avoir accès à
toutes les matières premières sur son territoire) ; enfin, les deux pays ont des comptes de capital fermés (du moins en partie, puisque la Fédération de Russie les a fermé avec les sanctions et
que la RPC ne les ouvre que dans certains domaines et avec de nombreuses limites), ce qui permet la mise en place de chaînes de production à haute valeur ajoutée, mais à faible coût comparatif,
lorsque leur produit est évalué nominalement, en $. Les avantages que nous voyons ici dans le domaine de la défense sont également visibles dans d’autres domaines tels que la recherche et le
développement spatial, les chemins de fer et les banques. C’est le seul moyen de résister à des sanctions massives (comme dans le cas de la Fédération de Russie), et le seul moyen d’utiliser le
potentiel accumulé pour un développement plus rapide du pays (comme dans le cas de la RPC).
Que les défenseurs du néolibéralisme et de l’« ouverture » des marchés se manifestent
maintenant et fassent valoir que les pays défendent mieux leur souveraineté de cette manière, et non par le biais des mesures protectionnistes susmentionnées. Sans ces mesures, les deux économies
en question seraient déjà absolument dévastées, soit par les sanctions, soit par les attaques spéculatives, et leurs peuples seraient dans la pauvreté la plus absolue, dont ils ont eu tant de mal
à se sortir. Ce n’est pas un hasard si les deux principales demandes américaines pour des changements dans la RPC sont liées à la privatisation de son énorme (environ 30% de la propriété du pays)
secteur des entreprises publiques (principalement les banques) et à l’ouverture complète des comptes de capitaux. Ce n’est pas non plus un hasard si les États-Unis ont accusé la Fédération de
Russie de renforcer sa monnaie par des contrôles de capitaux. C’est pourquoi la Maison Blanche affirme qu’un « changement de régime » est nécessaire. Ce n’est
pas dans l’intérêt de « leur » démocratie, cela rend plus difficile
l’entrée des chevaux de Troie.
Mais si c’est l’un des facteurs les plus importants de la contestation, l’un des autres, l’énergie, a déjà porté ses fruits, du moins à court terme. Selon
Bloomberg, les États-Unis deviendront le premier producteur de gaz au monde d’ici 2022 [sic, NdT], le tout au détriment de la transition de l’achat
européen, de la Fédération de Russie vers les USA. Si, pour les USA, cette « opportunité » (comme l’a dit Blinken) était
fantastique, pour l’Europe, elle montre sa fragilité globale, en termes politiques, économiques et culturels. Pour avoir une idée du coût du « découplage » avec la Russie et
du « couplage » avec les
États-Unis, en termes de dépendance énergétique, il suffit de regarder les données de la balance commerciale pour novembre 2022, période pendant laquelle ces pays étaient engagés dans le
remplissage de leurs réserves de gaz naturel et d’autres combustibles.
Les données fournies par Golden Sachs indiquent que pour la France, novembre dernier a été le mois de novembre le plus négatif de ces 20 dernières années, en termes
de déficit commercial (- 15 %). La Suède, comme la France, a également connu le pire mois de novembre depuis 20 ans, l’un des 5 sur 20 à avoir un déficit, et celui de cette année a été beaucoup
plus élevé que celui de l’année dernière, qui était déjà négatif et reflétait la « grande » décision d’Ursula de commencer à
acheter du gaz « sur place » au
lieu de conclure des contrats à long terme (le « découplage » était déjà en préparation), comme
il serait souhaitable. L’Allemagne, tout en restant sur un terrain positif, a néanmoins connu son pire mois de novembre en 18 ans. En termes de production industrielle chimique et pharmaceutique
(qui nécessite du gaz), elle est en chute libre, tombant à des niveaux bien plus bas qu’en 2010, en pleine crise des subprimes. Le prix exorbitant du gaz américain rend la production non viable,
et d’autre part, le manque de gaz, dû à la fermeture et à la destruction du Nord Stream par ses « alliés », oblige à choisir entre la production
industrielle d’une part, et le maintien des réserves stratégiques de gaz d’autre part, si nécessaires au chauffage en plein hiver. L’Allemagne a opté pour la fermeture et la délocalisation
d’entreprises. Certaines vers la RPC, d’autres vers les USA, qui ont même un secteur pharmaceutique compétitif (rien n’arrive par hasard).
Le Japon est également dans une situation compliquée, avec également le pire mois de novembre de ces 20 dernières années. Cela ne sera pas sans rapport avec la
décision d’acheter à nouveau du pétrole à la Russie, notamment en reprenant le projet Sahkalin et sans respecter le plafond de prix qu’elle avait
auparavant « contribué » au sein
du G7 à fixer. Cette décision ne fera certainement pas le bonheur de ses maîtres atlantistes.
La conclusion de l’un des économistes de Golden Sachs qui a publié ces données est que « les champions mondiaux de l’exportation ne le sont
plus ». Voilà ce qui résulte de l’abandon de la souveraineté nationale et du fait de laisser les « alliés » prendre les décisions qui reviennent à
chacun d’entre eux.
La soumission totale des pays du G7 et de l’UE aux diktats de l’OTAN, une organisation créée pour les préparer, qui se confond aujourd’hui avec l’Union européenne
elle-même ; l’application aveugle de toutes les sanctions et directives économiques et financières ; l’absence de mécanismes de protection des marchés intérieurs respectifs… Tout cela a
l’effet auquel nous assistons, qui avait été prévu par tant de personnes réduites au silence pendant tout ce temps. Comme ils doivent détester avoir raison.
Et alors que tout le monde maintient une telle ouverture, l’« allié » atlantique adopte des mesures
protectionnistes visant précisément à capter le meilleur de ce que l’industrie de ses « amis » a encore à offrir.
Après cela et l’annonce – pour faire diversion aux récentes défaites militaires – du sommet de l’Union européenne, il ne reste plus qu’à voir notre premier
ministre, notre président et autres atlantistes de gauche et d’extrême droite sortir pour défendre l’entrée rapide de l’Ukraine, de la Géorgie et de la Moldavie, dans l’Union européenne… Tout
cela par solidarité, bien sûr ! Je veux voir quand ces gens, qui ont tant d’entreprises qui vivent des fonds structurels européens, cesseront de les recevoir… Je suis sûr qu’ils trouveront une
faute là où il n’y en a pas. Après tout, c’est leur pratique !
Ils veulent du changement ? Ils doivent faire l’inverse de ce qu’ils font !
Hugo
Dionísio
Traduit par Hervé pour le Saker Francophone
Qu’avons-nous à gagner dans un soutien militaire offensif de l’Ukraine ?
Combien de fois faudra-t-il dire que la guerre qui oppose l’Ukraine à la Russie ne nous concerne pas, nous les Français ? Nous n’avons aucune frontière commune, aucun litige de quelque sorte
qu’il soit.
De plus, aucun traité ne nous lie et l’Ukraine n’appartient ni à l’Union Européenne, ni à l’OTAN. Alors, nous dire que nous devons soutenir l’Ukraine au nom
de la Liberté et de la Démocratie, c’est un peu court.
Vers un monde régionalisé
Les mouvements « tectoniques » montrent que le monde monopolaire projeté par les États-Unis va s’estomper au profit d’un monde « multipolaire »
dont les pôles seront probablement les continents. Ces continents chercheront, et c’est normal, à préserver et défendre leurs intérêts. Dans ce monde géopolitique nouveau, l’Europe devra, en tant
que continent, trouver sa place et défendre également les intérêts des peuples européens.
Trois continents au moins cherchent à retrouver une certaine indépendance, notamment par rapport au système financier du dollar qui, et c’est important, les a
maintenus dans une dépendance marquée des États-Unis, voire même dans certains cas, dans un état proche de la vassalité.
Ces continents sont l’Asie, l’Afrique et l’Amérique du Sud.
Qu’en est-il de l’Europe et en particulier de la France ?
On aurait pu croire que l’un des objectifs de la « construction européenne » était justement d’atteindre une sorte de « masse critique » qui lui
permettrait de pouvoir s’affranchir de toute ingérence extérieure et s’imposer comme « puissance d’équilibre ». Cette vision, que de Gaulle a essayé de promouvoir n’a, hélas, pu
prospérer et dans de nombreux domaines, la tutelle américaine a présidé à notre destinée.
Aujourd’hui, cette tutelle, exercée au travers de l’OTAN, nous précipite dans le conflit qui oppose l’Ukraine et la Russie. A y regarder sous l’angle de l’Histoire,
ce conflit tient plus de la « guerre civile » que d’autre chose. De ce point de vue, les États-Unis ne veulent pas s’engager directement dans ce qui deviendrait un affrontement entre
eux et la Russie. D’un autre côté, l’Ukraine seule face à cette dernière n’a pratiquement aucune chance d’être victorieuse.
Le rééquilibrage doit donc se faire, du point de vue américain, grâce aux pays de l’Europe de l’Ouest. Peu importe la querelle sémantique sur l’état de
cobelligérance ou pas, nous constatons que cet engagement est croissant dans le temps et risque de nous conduire à un affrontement avec la Russie. Quoiqu’en disent certains commentateurs,
la Russie n’a jamais représenté et ne représente pas une menace pour la France.
Pourtant, nous avons mis le doigt dans un engrenage qui peut s’avérer fatal pour notre économie en appliquant les sanctions dont nous sommes, de toute évidence, les
premières victimes. Globalement analysé, c’est l’Europe, et en particulier l’Europe de l’Ouest, qui va payer le plus lourd tribut.
Sur le plan énergétique, se priver du gaz et du pétrole russe pour lui substituer du pétrole et du gaz provenant de l’exploitation des schistes, exploitation que
nous avons choisi de nous interdire, et payer beaucoup plus cher, revient à « se tirer une balle dans le pied »
Sur le plan du commerce international, nombre d’entreprises françaises, qui s’étaient implantées en Russie, ont dû fermer leurs établissements dans ce pays, alors
qu’elles s’avéraient très rentables et participaient à rétablir la balance d’un commerce extérieur devenue « comateuse »
Et tout ceci pour quel bénéfice ?
On peut se demander si le jeu des États-Unis, et en particulier de l’état-profond américain qui dirige depuis des décennies sa politique étrangère, n’est pas
justement de nous pousser à ce choc frontal avec la Russie ? La Russie et l’Europe s’affaibliraient mutuellement, ce dont ils seraient largement
bénéficiaires. Leur hantise a toujours été, depuis Bismarck, d’empêcher tout rapprochement entre l’Europe de l’Ouest (et particulièrement l’Allemagne) et la Russie et cette
stratégie a toujours été une pièce maîtresse de leur politique européenne. Ainsi, vu depuis Washington, le rôle de l’OTAN est de « contenir l’extérieur et d’occuper l’intérieur » de
l’Europe.
Le pire risque d’être devant nous.
La réorganisation mondiale risque de ramener à l’isolationnisme la nation-continent que sont les Etats-Unis. En 1963, de Gaulle avait convaincu Adenauer du peu de
crédit qu’on pouvait apporter à la parole américaine en cas de risque de conflit nucléaire en Europe. Ce point était un pivot du traité de l’Élysée signé en janvier 1963, dans lequel la France
proposait à l’Allemagne de lui étendre son « bouclier nucléaire » et que cette garantie était beaucoup plus solide que celle, très hypothétique selon de Gaulle, apportée par
l’OTAN.
Malheureusement, les Allemands se sont « aplatis » (dixit de Gaulle) devant les États-Unis et ont préféré l’OTAN pour assurer leur défense.
Est-on plus sûrs aujourd’hui qu’en cas de conflit entre l’Europe et une autre puissance nucléaire, les Etats-Unis seraient
prêts à engager leur propre survie ?
Sommes-nous également sûrs que si, comme il est prévisible, les États-Unis défendent avant tout leurs propres intérêts, cela ne se retourne pas contre nous ?
Leur intérêt commande-t-il de laisser se redresser une Europe très affaiblie par leur propre politique ?
La conclusion s’impose d’elle-même : Nous pouvons bien sûr aider l’Ukraine sur un plan humanitaire, mais nous avons tout à perdre en la soutenant sur
le plan militaire, y compris un éloignement irréversible de la Russie vers l’Asie, ce qui pourrait faire de l’Eurasie le continent potentiellement le plus puissant de la planète, rompant ainsi
définitivement un éventuel équilibre « Westphalien »
Les États-Unis organisent tout ce
qu’il faut pour jeter les peuples européens dans la Troisième Guerre mondiale. Le conflit en Ukraine est soutenu par l’OTAN, les États-Unis et Bruxelles. L’envoi de munitions et de
nouvelles armes ne font que montrer au monde la volonté inexorable de faire en sorte que le conflit sur le sol ukrainien devienne une véritable guerre mondiale et les Européens sont les
premiers touchés.
Une escalade incessante très risquée pour l’Ukraine et le monde. «Macron, Zelensky et
l’OTAN nous jettent vers la 3ème guerre mondiale ! », a tweeté l’ancien
député européen, Florian Philippot, réclamant :
«La France doit agir
pour la Paix, et non [à] la guerre des faucons américains».
L’homme politique français souligne que
« sous pression des
faucons américains, les pays de l’UE sont en train de partir dans un délire total sur la livraison d’armes de plus en plus lourdes à Zelensky… Les faucons américains veulent la guerre
mondiale, en Europe !»
Elon Musk, répondant à un article sur la volonté des États-Unis de prendre la Crimée, a tweeté :
« Je suis super
pro-Ukraine, mais une escalade incessante est très risquée pour l’Ukraine et le monde».
Le Pentagone recommande ouvertement
que Kiev s’empare de la Crimée. L’Ukraine a reçu le
30ème programme d’aide militaire le plus important (2,5 milliards de dollars). Washington fait pression sur les alliés de l’OTAN, exigeant d’eux la livraison d’armes lourdes, incluant des
systèmes de missiles à plus large rayon d’action.
Le nouveau paquet d’armes fourni par les Américains à Kiev comprend des munitions supplémentaires pour les systèmes de missiles sol-air (NASAMS) et huit
systèmes de défense aérienne Avenger « pour aider l’Ukraine
à contrer une série de menaces à courte et moyenne portée », a déclaré le
Pentagone. Kiev, selon le communiqué du Pentagone, recevra également :
59 véhicules de combat Bradley
90 véhicules de combat blindés Stryker
53 véhicules blindés de transport de troupes MRAP
350 Humvee
des missiles anti-radiations à grande vitesse (HARM)
20 000 obus d’artillerie de 155 mm
environ 600 obus d’artillerie de 155 mm à guidage de précision (Excalibur)
95 000 obus d’artillerie de 105 mm
environ 11 800 obus de mortier de 120 mm
des munitions HIMARS supplémentaires
12 véhicules de soutien aux munitions
6 véhicules de commandement et d’état-major
22 véhicules équipés de systèmes de missiles TOW
environ 2000 missiles antichars
plus de 3 000 000 cartouches de munitions pour armes légères
de l’équipement pour la destruction d’obstacles
des mines antipersonnel Claymore
des appareils de vision nocturne
des pièces de rechange et autres équipements de terrain.
Le directeur américain de la CIA, William Burns, qui s’est rendu à Kiev en secret, il y a plus d’une semaine pour informer le président Volodymyr
Zelensky, a parlé de
« l’urgence du
moment » sur le champ de bataille. Quelque chose de grave arrive. Le New York
Timesécrit que
les États-Unis aideront l’Ukraine à planifier une « contre-offensive pour
restituer les territoires occupés ». La cible de la contre-offensive est probablement la Crimée.
La nouvelle assistance militaire permettra à l’Ukraine de lancer une offensive à grande échelle, a affirmé également
le secrétaire général de l’OTAN, Jens Stoltenberg : «Des centaines de
nouveaux véhicules de combat d’infanterie, de véhicules blindés et de chars de combat sont désormais fournis à l’Ukraine, ce sera d’une grande importance pour le pays… Ce soutien va non
seulement permettre aux Ukrainiens de se défendre contre de nouvelles offensives russes, mais aussi leur permettre de lancer leurs propres offensives pour reprendre le
territoire ».
Les analystes de The GrayZone,
juste un mois après le début du conflit, ont écrit dans
l’article intitulé « Dieux de la guerre :
Comment les États-Unis ont armé l’Ukraine contre la Russie» : « Depuis le coup d’État
organisé par les États-Unis en Ukraine en 2013-14, les troupes américaines ont formés les Ukrainiens, y compris les unités néo-nazies, pour mener des opérations de combat dans les zones
urbaines et les zones civiles. Transformer l’Ukraine en outil de guerre fait partie des efforts de Washington pour ce que le Pentagone appelle « une domination totale ». Les États-Unis
prolongent le conflit en Ukraine afin de maximiser leurs profits en développant leur propre production militaire, selon des observateurs qui rapportent que les États-Unis continuent avec
une obstination maniaque à adhérer à la tactique de la guerre d’usure ».
Selon le Financial
Times, depuis le début des hostilités en Ukraine, en seulement 8 mois, les producteurs de pétrole américains ont reçu plus
de 200 milliards de dollars. Les revenus combinés des 40 plus grandes sociétés de carburant et d’énergie aux États-Unis, au Canada et en Europe au cours des neuf mois de 2022 ont dépassé
2,64 billions de dollars, en hausse de 1 billion de dollars, ou 61%, par rapport à la même période en 2021. L’argent des Européens navigue en toute confiance à travers l’océan,
alors que les citoyens de l’Europe subissent l’inflation et la crise énergétique.
Les Américains deviennent, également, les gardiens du marché mondial du GNL. Ils espèrent éjecter complètement la Russie du marché du gaz. De ce seul
marché, les États-Unis recevront, en outre, jusqu’à 200 milliards de dollars par an (cela couvre plusieurs fois leurs « cadeaux » à l’Ukraine).
Observateur
Continental a signalé que le GNL américain s’éloigne de
l’Europe car la baisse des prix du gaz entraîne une redistribution des contrats vers l’Asie. Dans le même temps, l’économie européenne est directement touchée en raison de la hausse du
coût de toutes les marchandises. En parallèle, les États-Unis renforcent considérablement leur position sur les marchés mondiaux des céréales et des armes, poussant la Russie hors de ces
secteurs tout en voulant la faire sortir, en même temps, de l’Ukraine.
Ayant renoncé à soutenir la guerre en Afghanistan, le complexe militaro-industriel américain a trouvé un substitut avec cette demande en Ukraine. Les
États-Unis ont forcé l’OTAN qui se trouvait, selon les termes du président français, Emmanuel Macron, en état de « mort cérébrale » à s’unir. Les Européens sont obligés d’augmenter les dépenses d’armement à au moins 2% du PIB (auparavant, l’Allemagne dépensait presque la moitié). Il est prévu
d’augmenter le nombre d’États membres de l’OTAN au détriment de la Suède et de la Finlande. Enfin, en utilisant le conflit armé en Ukraine comme un outil diplomatique, les États-Unis
aliènent davantage les anciennes républiques soviétiques de Moscou.
Regardez autour de vous : les plaques tectoniques de la géopolitique
et de la géofinance sont en train de se déplacer, s’éloignant radicalement d’un Occident de plus en plus chancelant.
L’inflexion a commencé. Elle a été annoncée par
le Financial Times (FT) et The Economist – les deux médias qui transmettent si
fidèlement tout « récit de
remplacement » aux sherpas mondialistes (ceux qui portent les bagages en haut de la montagne, au nom des nababs en selle).
The Economist commence par des entretiens avec Zelensky, le général Zaluzhny et le commandant militaire ukrainien sur le terrain, le général Syrsky. Tous trois sont interviewés – interviewés
dans The Economist, pas moins. Une telle chose ne
se produit pas par hasard. Il s’agit d’un message destiné à transmettre le nouveau récit de la classe dirigeante au « golden billion » (qui le lira et
l’absorbera).
En surface, il est possible de lire l’article de The Economist comme un plaidoyer pour plus d’argent et
beaucoup plus d’armes. Mais le message sous-jacent est clair : « Quiconque sous-estime la Russie court à sa
perte » . La mobilisation des forces russes a été un succès ; il n’y a aucun problème de moral pour les Russes ; et la Russie prépare une énorme offensive d’hiver qui commencera
bientôt. La Russie dispose d’énormes forces de réserve (jusqu’à 1,2 million d’hommes), tandis que l’Ukraine ne compte désormais plus que 200 000 hommes formés militairement pour le conflit. En
d’autres termes, la situation est claire. L’Ukraine ne peut pas gagner.
Elle dispose d’une énorme liste d’achats d’armes recherchées. Mais cette liste n’est qu’un vœu pieux ; l’Occident ne les a tout simplement pas en stock. Point
final.
La « Grande lecture » du FT, en revanche, est un défoulement de la colère occidentale
contre les technocrates siloviki« réformistes » russes qui, au lieu
de rompre avec Poutine au sujet de l’OMS,
ont honteusement permis à l’économie russe
de survivre aux sanctions occidentales. Le message prononcé – les dents serrées – est que l’économie russe a survécu avec succès aux sanctions occidentales.
Le colonel Douglas Macgregor, stratège militaire américain de premier plan, développe ici le message : même la fourniture de sept ou huit systèmes de missiles Patriot n’est « pas une escalade » . Elle aura au mieux
un « impact marginal » sur le
champ de bataille en Ukraine ; ce n’est que de la poudre aux yeux. Scott Ritter, en discussion avec le juge Neapolitano, pense que les interviews de The Economist révèlent que l’Occident écarte Zelensky
– alors que Zaluzhny administre sa forte dose de réalité (qui sera choquante pour de nombreux fidèles sherpas). L’interview de The Economist mettait donc clairement l’accent sur le
général Zaluzhny, Zelensky n’étant pas mis en avant ; ce qui, selon Ritter, indique que Washington souhaite « changer de cheval » . Un autre « message » ?
Pour être clair, le général Zaluzhny a déclaré un jour qu’il se considérait comme un disciple du général russe Gerasimov, le chef d’état-major général. Zaluzhny
serait familier avec les écrits de ce dernier. En bref, Zaluzhny est connu à Moscou comme un soldat professionnel (bien qu’il soit acquis à la cause nationaliste ukrainienne).
Alors, l’Occident prépare-t-il son récit pour se couper de ce conflit ingagnable, l’Ukraine, et passer à autre chose ?
Est-ce faisable ? L’Occident n’est-il pas trop profondément investi narrativement dans le scénario selon lequel il faut « saigner la Russie » et selon lequel Poutine ne
doit pas être autorisé à gagner pour que cela se produise ? Non, cela peut se produire. Regardez ce qui s’est passé en Afghanistan : un énorme et rentable gâchis a été liquidé en quelques jours.
Et un peu plus d’un an plus tard, lors de son anniversaire, la débâcle de Kaboul est à peine mentionnée dans la presse occidentale.
Les titres des médias sont passés sans transition de l’Afghanistan à l’Ukraine, avec à peine un regard en arrière. Et déjà, une cible
facile est en train d’être préparée pour faire diversion et pour attirer l’attention des médias occidentaux, alors que le thème de l’Ukraine est discrètement mis de côté, et que
l’« agression » de la Serbie contre le
Kosovo devient la nouvelle « agression » .
La Serbie peut apparaître à la classe dirigeante occidentale comme une aubaine que l’OTAN pourrait utiliser pour redorer son image ternie
(post-Afghanistan et Ukraine). En d’autres termes, la Serbie est menacée quotidiennement par les responsables européens et américains : se joindre à l’Europe pour sanctionner la Russie ;
reconnaître officiellement l’indépendance du Kosovo ; abandonner les Serbes qui vivent au Kosovo depuis des siècles ; rejoindre l’UE et l’OTAN en tant que membre d’un bloc anti-russe ;
et « non » , tous ces accords
juridiques passés n’ont aucune importance et seront ignorés.
L’essentiel ? La nette majorité des Serbes est favorable à la Russie. Il est douteux qu’un gouvernement à Belgrade puisse survivre en se conformant
à de tels ultimatums ; pourtant la Serbie est dans une situation vulnérable. C’est une île entourée d’États de l’OTAN et de l’UE. Le gouvernement de Belgrade propose d’envoyer 1000 policiers
serbes au Kosovo pour protéger les droits de la population serbe locale, mais l’OTAN pourrait vouloir s’en servir comme prétexte pour montrer sa puissance militaire.
La principale question est la suivante : l’Ukraine parviendra-t-elle à « atterrir en douceur » ? Le « collectif Biden » préférerait sans doute cela.
Un « atterrissage en
douceur » semble toutefois improbable. Le Grand Duc d’York n’a pas fait monter 10 000 hommes au sommet de la colline seulement pour les en faire redescendre ensuite (comme le dit
la vieille chanson). Et Poutine n’a pas mobilisé 380 000 hommes (y compris des volontaires) pour ensuite les démobiliser. La rupture avec l’UE et les États-Unis est profonde. La déclaration du
chancelier Scholz selon laquelle, lorsque la Russie se sera retirée de l’Ukraine, l’Allemagne daignera peut-être reprendre son gaz et son pétrole, est un pur délire. Dire qu’il n’y a pas de
confiance est un euphémisme. Cela dit, Moscou voudra gérer les choses de manière à ne pas déclencher un conflit direct entre l’OTAN et la Russie.
Mais … l’Occident, qui a été si profondément dans le déni de l’incroyable transformation économique et militaire qui s’est produite en Russie depuis 1998, et dans
le déni si véhément des capacités de l’armée russe, peut-il simplement glisser sans effort vers un autre récit ? Oui, facilement. Les néoconservateurs ne regardent jamais en arrière, ils ne
s’excusent jamais. Ils passent au projet suivant…
Des efforts considérables ont été déployés pour développer le récit de la « Russie comme tigre de papier » , même si cela a
amené les services de renseignement à dire des choses manifestement absurdes et fausses sur les performances de la Russie en Ukraine. Le professeur Mike Vlahos et le colonel Macgregor, dans
leur débat en trois
parties sur l’Ukraine et le rôle de l’armée américaine dans ce conflit, reviennent sans cesse sur le thème de l’ampleur sans précédent du « déni et de la tromperie » qui a caractérisé ce
conflit. Pourquoi les services de renseignement professionnels de l’Occident ont-ils menti et de façon si puérile ?
Les deux stratèges s’étonnent que certains de leurs collègues professionnels semblent avoir cru au « récit du déni » (c’est-à-dire que la Russie
d’aujourd’hui n’est pas différente de l’Union soviétique et qu’il suffirait de souffler un grand coup pour que la maison russe s’écroule à nouveau), malgré l’accumulation de preuves
contradictoires dont disposaient ces collègues.
Il y a clairement un côté extatique dans ce dernier récit : la Seconde Guerre
mondiale et l’implosion soviétique (dans le récit occidental) ont déclenché une victoire culturelle tectonique complète. Cela représentait une réaffirmation sans faille de la culture et de la
puissance financière américaines, et donnait du crédit à la « fin de l’histoire » , de sorte que le
modèle américain allait inévitablement subsumer le monde.
Alors, est-ce bien cela ? L’effondrement d’une Russie ressuscitée a-t-il été simplement vu sous cet angle ? Une victoire facile, entraînant dans son sillage un
nouveau triomphe extatique ? Cela allait-il tellement de soi pour ces « vrais croyants » qu’ils n’ont même pas pris la
peine de faire preuve de diligence raisonnable ?
Pourquoi ce « récit du déni » est-il devenu si convaincant
pour tant d’Européens et d’Américains ? Pourquoi tant de gens ont-ils cru les mensonges évidents des relations publiques ukrainiennes ? Vlahos et Macgregor ont trouvé que cela était à la fois
déroutant et une faille inquiétante dans la prise de décision occidentale rationnelle. Et qui a largement contribué au dysfonctionnement croissant de l’armée américaine.
Les deux intervenants se sont fortement concentrés sur l’aspect relations publiques (à un moment donné, l’Ukraine avait pas moins de 150 institutions de relations
publiques travaillant pour son compte). Mais nous sommes aujourd’hui dans une situation différente.
Les relations publiques et le ministère de la Vérité d’Orwell sont dépassés. Has been. De l’histoire ancienne.
« L’unité mentale des
foules »
« Je ne suis pas un conseiller
médiatique, dit Nevo Cohen, le conseiller auquel le nouveau ministre israélien de la sécurité nationale, Ben-Gvir, attribue la victoire de l’extrême droite aux récentes élections
israéliennes ; « Je suis un
conseiller stratégique… Autrefois, il était possible de gagner des campagnes en tant que responsable des relations publiques. Aujourd’hui, ce n’est plus suffisant… Les médias sont un
outil important dans la boîte à outils du directeur de campagne, mais je m’occupe de la conscience de
masse, et c’est un arsenal d’outils complètement différent. Vous pouvez facilement remarquer une campagne électorale menée par quelqu’un issu du monde de la publicité ». (C’est
nous qui soulignons.)
Vlahos et Macgregor ont analysé le divorce inexplicable entre deux réalités de guerre qui ne se touchaient tout simplement pas. Cependant, le professeur de
psychologie clinique à l’université de Gand, Mattias Desmet, a abordé la question de la disparité d’un point de vue psychologique.
Un beau matin de novembre 2017, le professeur Desmet, hébergé dans le gîte d’un ami dans les Ardennes, est saisi d’une intuition soudaine : « […] j’ai été saisi par la conscience palpable et aiguë d’un
nouveau totalitarisme qui a semé sa graine et fait se raidir le tissu de la société » . Ses observations, après trois années de recherche, l’ont amené à écrire son livre « Psychologie du
totalitarisme » .
Nombreux sont ceux qui ont écrit sur le sujet du totalitarisme, de Hannah Arendt à Gustave Le Bon (entre autres), mais l’approche de Desmet différait en ce sens
qu’il voulait expliquer le contexte psychologique du déni massif de réalités évidentes (par des scientifiques et des experts, autant que par n’importe qui).
Il a identifié certains « mécanismes psychologiques primitifs » qui
devaient être présents pour qu’un récit partagé se transforme en une « formation de masse » insidieuse
qui détruit la conscience éthique d’un individu et le prive de sa capacité à penser de manière critique.
La condition première est qu’il y ait un segment de la population qui n’a pas de liens communautaires ou de sens dans sa vie, et qui est en outre affligé
par « l’anxiété et le mécontentement flottant
librement » , qui tend vers l’agressivité (c’est-à-dire par un sentiment généralisé que « le système » et l’économie sont « truqués » injustement, contre
eux).
Les mouvements de masse attirent, par essence, les gens parce qu’ils semblent offrir de l’espoir à des êtres désespérés et dysfonctionnels.
Dans cet état mental, un récit peut être « dissous » , suggérant une cause
particulière à l’anxiété flottante et un moyen d’y faire face (par exemple : « La Russie menace notre avantage mondial, notre identité et nos
valeurs, et si elle est détruite, l’ancien système et les valeurs se redresseront d’eux-mêmes »).
Le récit explicatif donne un sentiment immédiat de connexion et d’engagement dans un « projet héroïque » ; le sens est ainsi restauré,
même si ce sens est absurde et sans rapport avec la réalité. Le sentiment de connectivité s’apparente à ce qui se passe dans La psychologie des foules. Dans l’âme des foules, croyait
Gustave Le Bon, « la personnalité consciente
disparaît » (True Believer, 2013) ; l’individualité s’efface et est
absorbée par « l’unité mentale des
foules » – ressemblant finalement à une « réunion d’imbéciles » capables
des « actes les plus
sanguinaires » .
Mais ce qui est peut-être le plus inquiétant, c’est qu’Eric Hoffer a
découvert un autre type d’individu qui est attiré par les mouvements de masse et dont, en fait, la participation est souvent nécessaire pour que ces mouvements
prospèrent. « Ce qu’Eric Hoffer a découvert, et
qui a souvent été négligé par de nombreux sociologues et certainement par le grand public, c’est que les mouvements de masse attirent ce que nous appelons aujourd’hui la personnalitépsychopathe – en fait, des prédateurs : des individus qui se complaisent à causer de grands dommages, qui sont peut-être même sadiques, et qui ne sont pourtant pas dérangés le moins du monde par ce qu’ils
font » .
Les mouvements de masse qui considèrent la guerre comme une partie de leur solution attirent les psychopathes, et en ont même besoin. Paradoxalement, la propension
à souhaiter la destruction (disons, de tous les Russes) suscite davantage de respect de la part des autres vrais croyants et est liée à un autre élément paradoxal : ce qui lie les mouvements de
formation de masse, c’est la nécessité de faire des sacrifices (c’est-à-dire, dans le mouvement pour le changement climatique, le sacrifice de l’industrialisation, des voyages, des modes de vie,
des combustibles fossiles et du bien-être économique).
« Le programme de la
peur, désormais un élément accepté de l’arsenal de la politique démocratique »
Gustave Le Bon a noté comment de telles formations de masse étaient exploitées par les autorités, utilisant la peur pour imposer la conformité. Et cette semaine,
Janet Daley, écrivant dans le Telegraph,
avertit :
La leçon essentielle qui a été absorbée de manière indélébile par les gens au pouvoir, et ceux qui les conseillent, est que la peur fonctionne. Il s’avère qu’il
n’y a presque rien qu’une population ne soit prête à sacrifier si elle est systématiquement et implacablement effrayée.
Le phénomène Covid a fourni un entraînement inestimable aux techniques de contrôle de l’esprit public : la formule a été affinée – avec l’aide d’une publicité
sophistiquée et de conseils pour former l’opinion – en un mélange étonnamment réussi d’anxiété de masse (votre vie est en danger) et de coercition morale (vous mettez la vie des autres en
danger).
Mais ce n’est pas seulement la répétition sans fin de ce message qui a permis d’obtenir une conformité quasi universelle et tout à fait inattendue. C’est la
suppression totale de la dissidence, même lorsqu’elle provient de sources expertes, et l’interdiction d’argumenter, même lorsqu’elle est accompagnée de contre-arguments, qui a vraiment fait
l’affaire.
Si les lois du pays ne vous permettent pas d’éradiquer toutes ces opinions déviantes, vous pouvez simplement orchestrer une avalanche d’opprobre et de discrédit
sur ceux qui les expriment afin de saper leur réputation professionnelle. Mais c’est là une bataille du passé. Le Covid, en tant qu’événement historique, est terminé. Parlons maintenant de la
manière dont le programme de la peur, qui fait désormais partie intégrante de l’arsenal de la politique démocratique, est susceptible de fonctionner dans le présent et à l’avenir. Il se
trouve qu’il existe ce qui ressemble à un modèle remarquablement similaire d’anxiété et de chantage moral appliqué à la question du changement climatique. Remarque : ces observations n’ont
aucun rapport avec l’existence ou non d’une véritable « crise climatique » . Ce que je veux examiner [plutôt], c’est la manière dont les politiques formulées pour y faire face sont
conçues…
Nous pouvons reconnaître clairement ces outils précisément déployés par l’Occident dans le cas de l’Ukraine également.
Ces « outils de
conscience de masse » donneront-ils au « golden billion » leur victoire
psychopathique sur l’humanité ?
Regardez autour de vous : les plaques tectoniques de la géopolitique et de la géofinance sont en train de se déplacer, s’éloignant radicalement d’un Occident de
plus en plus chancelant. Il s’agit de forces structurelles (les forces mécaniques de la dynamique physique) sur lesquelles les outils de la conscience de masse n’ont finalement qu’une influence
limitée. Moscou comprend bien ces changements qui sont en cours et sait comment les amplifier.
Alastair
Crooke
Traduit par Zineb, relu par Wayan, pour le Saker Francophone
« Pour souhaiter une
bonne année à nos lecteurs, notre équipe n’apporte pas que des nouvelles réjouissantes, l’événement qui marque selon nous ce début d’année 2023 c’est la concrétisation du processus
d’effacement irréversible de l’Union européenne sur la scène globale du monde d’après, à l’image de l’empire ottoman qui a chuté il y a précisément un siècle ».
C’est tiré du GEAB. En fait, la mauvaise nouvelle n’en est qu’une que pour les dominants.
De fait, la rapacité de la bourgeoisie, macronienne en France, d’un autre nom ailleurs, se fait aux dépens de leur propre biotope économique. Visiblement,
ils ne comprennent rien à l’économie physique, celle qui fait de la Russie « l’unique superpuissance » militaire, et dont la guerre avec l’oxydant-oxydé, se finira ainsi.
Je fais le pari que la Russie finira par annexer la totalité de l’Ukraine, mais d’une Ukraine totalement dépeuplée, qui lui servira, à l’ancienne, de
glacis, qui pourrait être agricole, minier et énergétique, mais rien d’autre. Peut être touristique, comme il en était question à Marioupol, mais l’Ukraine a prouvé qu’elle pouvait être
envahie moult fois. Bref, ne laisser que ce qui ne pourrait pas nuire ou qu’on ne peut déplacer.
L’empire global américain, a tenté le conflit de trop, pas au bon moment, pas avec le bon moyen. Il fallait, il y a 30 ans, endormir la Russie, ne pas l’agresser, faire ce qui a été
fait à tous les pays européens avec la complicité de leurs élites. Sans excès, doucement, le patient serait mort sans s’en apercevoir…
L’outrance dans le comportement de la classe dirigeante, au profit du 0.1% fera le reste.
L’empire américain/avatar européen, sont sur la même longueur d’onde et le même diapason. Ils s’effondrent économiquement en manipulant la finance, et en
consommant, mais de moins en moins, en produisant.
Ils s’effondrent aussi en faisant des guerres sans fin, qui, de moins en moins, remplissent les coffres et coûtent de plus en plus cher.
On vient d’apprendre que les armes françaises sont trop chères et trop peu nombreuses. Là aussi, on a oublié notre propre histoire. Comme à chaque fois, la
guerre, c’est écraser l’ennemi à moindre coût. Quand on se met à dépenser sans compter, cela tourne mal. Et « l’Europe-la-paix », passe son temps à faire la guerre, les pays de
l’Union, ayant toujours suivies de manière inégale, mais toujours, les USA dans leurs interventions. Une centaine depuis 1991.
À l’heure où les entrepreneurs s’effondrent sous le poids des notes électriques, on apprend que la France est en état de surproduction mais sans souplesse en cas de
redémarrage…
Les causes du déclin ;
L’exploitation sans vergogne de la classe moyenne par l’élite, qui explique pourquoi la correction financière n’ira pas jusqu’à son terme.
Le déclin de l’empire américain, qui a commencé aux alentours de 1999.
L’abandon des règles, des principes et des idées qui ont rendu les États-Unis aussi prospères.
Une peur fanatique du réchauffement climatique et la conviction que le climat terrestre peut et doit être contrôlé.
Le pouvoir politique incontesté de ce que Eisenhower appelait le « complexe militaro-industriel ».
On voit donc que les grandes peurs de 2017 et de 2022 pour le fascismeuh, ne sont que des manipulations des populations, pour qu’elles endurent encore leurs
maltraitances. Génial le nazisme actuel…
Le déclin de l’empire US n’a pas commencé en 1999, mais en 1971, voire 1945. 1945, c’est le pacte du Quincy avec l’Arabie Séoudite, 1971, c’est la fin de
l’étalon or, et la descente aux enfers du commerce extérieur, 1999 n’étant que l’étape qui montre à tous ceux qui ne sont pas des imbéciles patentés que l’empire est sur le déclin de
manière irrémédiable.
Après, ses ennemis russes et chinois, ont su attendre.
Ce qui avait rendu les USA, l’Europe et le Japon prospère, c’est l’énergie abondante et bon marché. Le Japon avait su s’accommoder, vu sa situation
géographique, à une énergie plus chère.
Le richofemenclimatic n’est qu’une religion, destinée à terroriser les serfs et les idiots.
L’hypertrophie militaire, on la voit actuellement à l’œuvre en Ukraine. Europe et USA n’ont les moyens que d’affronter des armées pygmées, et ils tombent
dans le piège du broyeur. Les armes oxydentales-oxydées s’enfournent en Ukraine, mais on n’a plus de capacités de productions, du moins, avant de longues années… Et, de toute façon, 72
canons Caesar, ça doit faire rire les Russes qui doivent en avoir 10 000… En plus, avec un nombre pareil, les contre batteries, c’est plutôt aisé d’en faire. Comme les 50 000 pièces nord
coréennes sur la frontière sud. Parfaitement anciennes pour la plupart, elles réduiraient en cendres en quelques minutes, une bonne partie de la Corée du sud.
En ce qui concerne leurs capacités, le Caesar tire exactement à la même cadence que le 75, modèle 1897, 6 coups minute, à la différence qu’en 1914, ils
arrivaient à faire du 28 coups minute. Tout n’est que question de physique. En 1914, on pouvait admettre de perdre quelques pièces qui explosaient à force de trop tirer, Avec 72, c’est
trop peu…
Pour le président biélorusse Alexandre Loukachenko, l’année écoulée n’a pas été facile. Minsk est habituée à être soumise à diverses restrictions, mais elle
n’a jamais été soumise à des restrictions aussi graves. Comment cela a-t-il affecté les relations entre Minsk et Moscou ?
Cet article est initialement paru sur le site politobzor.net. Il
n’engage pas la ligne éditoriale du Courrier des Stratèges.
« Si
la Russie s’effondre, nous serons les prochains, et même pas les prochains, nous y chuterons ensemble », a déclaré Alexandre Loukachenko début mars. Ce qui signifie que si Moscou perd
dans la confrontation avec l’Occident, Minsk tombera ensuite. Cette déclaration s’applique également à l’économie biélorusse. Les sanctions occidentales contre la Russie ont été dupliquées à
la Biélorussie. En conséquence, le pays, déjà soumis à toutes sortes de restrictions, s’est complètement tourné vers Moscou. Cette orientation est devenue incontestée.
Le renforcement des relations entre la Biélorussie et la Russie en 2022
Au cours de l’année écoulée, l’intégration entre les deux États a sensiblement augmenté. Minsk a commencé à expédier, dans les ports russes, de la potasse
bloquée du fait des sanctions. Les cargaisons étaient principalement destinées à la Chine. Le premier vice-Premier ministre Nikolai Snopkov a noté que l’infrastructure portuaire russe
répond pleinement aux besoins des exportations biélorusses. Le Kremlin s’est également porté volontaire pour compenser les pertes liées au départ du marché européen. Le vice-ministre
biélorusse de l’Industrie, Dmitry Kharitonchik, a déclaré que les livraisons sur le marché russe avaient augmenté d’un record de 66 % l’année dernière. Le pays a pu, pour la première fois,
atteindre une balance commerciale positive avec la Russie.
L’un des événements importants dans les relations entre les deux pays a eu lieu en décembre : les parties se sont mises d’accord sur les principaux paramètres
des prix des ressources énergétiques russes. Minsk demande depuis longtemps que le coût fixé pour les Biélorusses soit identique à celui déterminé pour les consommateurs russes. Mais jusqu’à
présent, cela n’avait pas été possible. Si les détails de l’accord ne sont pas divulgués, il n’en reste pas moins que Loukachenko a déclaré qu’il était « satisfait ».
Une coopération active a également eu lieu dans le domaine de la substitution des importations. Depuis le printemps, les gouverneurs russes se succèdent à
Minsk. Le chef de Saint-Pétersbourg, Alexander Beglov, a discuté des « liens
économiques et humanitaires » avec Loukachenko. Le gouverneur de la région de Tcheliabinsk a accepté de mettre en œuvre un projet commun de construction d’un grand complexe
d’élevage. Et le gouverneur de Koursk a reçu les développements biélorusses dans la production de divers types d’équipements, de l’automobile à l’agriculture.
Loukachenko entre deux chaises : ni entrer en guerre contre l’Ukraine, ni rompre avec Moscou
Alexandre Loukachenko a déclaré que « Le
renforcement des liens biélorusses-russes est devenu une réponse naturelle à l’évolution de la situation dans le monde, dans laquelle nous sommes constamment testés et testés pour notre
force. Je crois que, malgré quelques aspérités, nous trouvons toujours des réponses efficaces à divers défis et menaces ». Et il a averti : « Il
n’est pas question que la Russie ou la Biélorussie renoncent à leur souveraineté, car ce n’est tout simplement pas nécessaire ». Lors d’une rencontre avec Poutine, le dirigeant
biélorusse a prononcé cette phrase qui est devenue instantanément un slogan : « Maintenant,
je vais vous montrer d’où se préparait l’attaque contre la Biélorussie ». De ce fait, la Biélorussie s’est impliquée dans le conflit militaire avec l’Ukraine. Loukachenko a
même assuré que sans la frappe préventive de la Russie, Kyiv aurait attaqué Minsk. Déjà en mai dernier, le président biélorusse avait avoué : « Pour
être honnête, je ne pensais pas que ce conflit s’éterniserait ». Après cela, la rhétorique de Loukachenko a virevolté comme une girouette dans un ouragan. « Ne
pensez pas que je prévois une sorte d’attaque ici : nous bombarderons l’Ukraine depuis le territoire de la Biélorussie et ainsi de suite. Je n’en ai aucun désir.Au
nom de quoi ? Il faut qu’on se calme », dit-il en août. Et en décembre, il déclare que la Biélorussie soutiendra plus activement son allié russe dans le NWO contre l’Ukraine,
notant qu’aujourd’hui le pays a « mis
en service de combat » des S-400 et des Iskanders transférés par le Kremlin.......
Shadows are falling /
Les ombres tombent
And I’ve been here all day / Et j’ai été ici toute la journée
It’s too hot to sleep / Il fait trop chaud pour dormir
And time is running away / Et le temps défile
Feel like my soul / J’ai l’impression que mon âme
has turned into steel / s’est transformée en acier
I’ve still got the scars / J’ai encore les cicatrices
That the sun didn’t heal / Que le soleil n’a pas guéri
There’s not even room enough / Il n’y a même pas assez de place
To be anywhere / Pour être n’importe où
Lord it’s not dark yet / Seigneur, il ne fait pas encore nuit
but it’s getting there / mais ça s’en vient
Les grands médias de l’Occident collectif, à l’unisson, vont faire tourner sans discontinuer, pendant une semaine, toutes les « nouvelles » bonnes
à imprimer pour vanter les nouvelles déclinaisons de la Grande
Réinitialisation, rebaptisée Le Grand Récit, mais en réalité présentée comme une offre bénigne du « capitalisme
participatif ». Telles sont les principales planches de la plateforme louche d’une ONG louche enregistrée à Cologny, une banlieue cossue de Genève.
La liste des participants à Davos a fait l’objet d’une fuite.
Proverbialement, il s’agit d’une fête de l’exceptionnalisme anglo-américain, avec la présence de hauts responsables du renseignement tels que la directrice du renseignement national
américain, Avril « Madame Torture » Haines, le chef du MI6 Richard Moore et le directeur du FBI Christopher Wray.
On pourrait écrire des encyclopédies remixées de Diderot et d’Alembert sur la pathologie de Davos – où une liste impressionnante de multimilliardaires, de
chefs d’État et de chouchous du monde des affaires (appartenant à BlackRock, Vanguard, State Street et autres) « s’engagent » à vendre des paquets de dystopie démente aux masses
sans méfiance.
Mais allons droit au but et concentrons-nous sur quelques panels de la semaine prochaine, que l’on pourrait facilement confondre avec des sessions
« Droit
vers l’Enfer ».
La liste du mardi 17 janvier est particulièrement intéressante. Elle comprend un panel intitulé « Dé-mondialisation ou re-mondialisation ? » avec
les intervenants Ian Bremmer, Adam Tooze, Niall Ferguson, Péter Szijjártó et Ngaire Woods. Trois atlantistes/exceptionnalistes se distinguent, notamment l’ultra-toxique Ferguson.
Après « En défense de l’Europe », avec un groupe de nullités, dont le Polonais Andrjez Duda, les participants seront accueillis par une Saison
Spéciale en Enfer (désolé, Rimbaud), avec la dominatrice de la CE Ursula von der Leyen, connue par la grande majorité des Allemands sous le nom d’Ursula von der Leichen (« Ursula des
cadavres »), en équipe avec le cerveau du WEF, l’émulateur du Troisième Reich Klaus « Nosferatu » Schwab.
Les rumeurs disent que Lucifer, dans sa demeure souterraine privilégiée, est vert de jalousie.
Il y a aussi « Ukraine : Quelle est la suite ? » avec un autre groupe de nullités, et « Guerre en Europe : Année 2 » avec la Moldave
Maia Sandu et la fêtarde finlandaise Sanna Marin.
Dans la section des criminels de guerre, la place d’honneur revient à « Une conversation avec Henry Kissinger : Perspectives historiques sur la
guerre », où le Dr K. vendra toutes ses permutations « Diviser pour régner ». Le soufre supplémentaire sera fourni par l’étrangleur de Thucydide, Graham Allison.
Dans son discours spécial, le chancelier « saucisse de foie » Olaf Scholz sera côte à côte avec Nosferatu, en espérant qu’il ne sera pas –
littéralement – grillé.
Puis, le mercredi 18 janvier, viendra l’apothéose : « Restaurer la sécurité et la paix » avec les orateurs Fareed Zakaria – l’homme brun préféré
de l’establishment américain ; Jens Stoltenberg de l’OTAN « La guerre, c’est la paix » ; Andrzej Duda – à nouveau ; et la belliciste canadienne Chrystia Freeland – dont on dit
qu’elle deviendra la prochaine secrétaire générale de l’OTAN.
Et ce n’est pas tout : le comédien à la cocaïne qui se fait passer pour un chef de guerre pourrait participer par zoom depuis Kiev.
L’idée que ce panel est habilité à émettre des jugements sur la « paix » ne mérite rien de moins que son propre prix Nobel de la paix.
Comment monétiser le monde
entier
Les cyniques de tous bords peuvent être excusés de regretter que M. Zircon – actuellement en patrouille océanique dans l’Atlantique, l’océan Indien et, bien
sûr, la Méditerranée « Mare Nostrum » – ne présente pas sa carte de visite à Davos.
L’analyste Peter Koenig a développé une thèse
convaincante selon laquelle le WEF, l’OMS et l’OTAN pourraient diriger une sorte de culte de la mort sophistiqué. La Grande Réinitialisation se mêle allègrement à l’agenda de
l’OTAN en tant qu’agent provocateur, financeur et fabricant d’armes de la guerre par procuration entre l’Empire et la Russie dans le trou noir de l’Ukraine. NAKO – un acronyme pour North
Atlantic Killing Organization – serait plus approprié dans ce cas.
Comme le résume Koenig, « l’OTAN pénètre dans
tout territoire où la machine à mensonges des médias « conventionnels » et l’ingénierie sociale échouent ou n’atteignent pas assez vite leurs objectifs d’ordonnancement des
populations ».
En parallèle, très peu de gens savent que le 13 juin 2019 à New York, un accord secret a été conclu entre l’ONU, le WEF, un ensemble d’ONG armées par des
oligarques – avec l’OMS en première ligne – et enfin et surtout, les plus grandes entreprises du monde, qui sont toutes détenues par un labyrinthe interconnecté avec Vanguard et BlackRock
au centre.
Le résultat concret de cet accord est l’Agenda 2030 des Nations unies.
Pratiquement tous les gouvernements de la zone de l’OTAN et de « l’hémisphère occidental » (définition de l’establishment américain) ont été
détournés par l’Agenda 2030 – qui se traduit essentiellement par la thésaurisation, la privatisation et la financiarisation de tous les actifs de la planète, sous prétexte de les
« protéger ».
Traduction : la marchandisation et la monétisation de l’ensemble du monde naturel (voir, par exemple, ici, ici et ici.)
Les suppôts de Davos, comme l’insupportable Niall Ferguson, ne sont que des vassaux bien récompensés : des intellectuels occidentaux du moule de Harvard,
Yale et Princeton qui n’oseraient jamais mordre la main qui les nourrit.
Ferguson vient d’écrire une colonne sur Bloomberg intitulée
« Tout
n’est pas calme sur le front oriental » – essentiellement pour colporter le risque d’une troisième guerre mondiale, au nom de ses maîtres, en accusant bien sûr « la Chine d’être
l’arsenal de l’autocratie ».
Parmi les inepties en série, celle-ci se distingue. Ferguson écrit : « Il y a deux problèmes
évidents avec la stratégie américaine (…) Le premier est que si les systèmes d’armes algorithmiques sont l’équivalent des armes nucléaires tactiques, Poutine pourrait finalement être
conduit à utiliser les secondes, puisqu’il manque clairement des premières ».
L’ignorance est ici un euphémisme. Ferguson n’a manifestement aucune idée de ce que signifient les « armes algorithmiques » ; s’il fait référence
à la guerre électronique, les États-Unis ont peut-être été en mesure de maintenir leur supériorité pendant un certain temps en Ukraine, mais c’est terminé.
Eh bien, c’est typique de Ferguson – qui a écrit toute une hagiographie des Rothschild, tout comme sa chronique, en s’abreuvant aux archives des Rothschild
qui semblent avoir été aseptisées, car il ne sait presque rien de significatif sur leur histoire.
Ferguson a « déduit » que la Russie est faible et que la Chine est forte. C’est absurde. Les deux sont fortes – et la Russie est plus avancée
technologiquement que la Chine dans le développement de ses missiles offensifs et défensifs avancés, et peut battre les États-Unis dans une guerre nucléaire car l’espace aérien russe est
scellé par des défenses en couches telles que le S-400 jusqu’aux S-500 déjà testés et aux S-600 conçus.
En ce qui concerne les puces à semi-conducteurs, l’avantage de Taïwan dans la fabrication de puces réside dans la production de masse des puces les plus
avancées ; mais la Chine et la Russie peuvent fabriquer les puces nécessaires à un usage militaire, sans toutefois s’engager dans une production commerciale de masse. Les États-Unis ont
ici un avantage important sur le plan commercial avec Taïwan, mais ce n’est pas un avantage militaire.
Ferguson dévoile son jeu lorsqu’il évoque la nécessité de « dissuader une
combinaison naissante de type Axe composée de la Russie, de l’Iran et de la Chine de risquer un conflit simultané sur trois théâtres : l’Europe de l’Est, le Moyen-Orient et
l’Extrême-Orient ».
Nous avons là une diabolisation atlantiste caractéristique des trois principaux vecteurs d’intégration de l’Eurasie, mélangée à un cocktail toxique
d’ignorance et d’arrogance : c’est l’OTAN qui attise les « conflits » en Europe de l’Est ; et c’est l’Empire qui est expulsé de « l’Extrême-Orient » (oh, c’est
tellement colonial) et bientôt du Moyen-Orient (en fait l’Asie occidentale).
Une histoire de TOGOA
Personne ayant un QI supérieur à la température ambiante ne s’attendra à ce que Davos, la semaine prochaine, discute sérieusement de tout aspect de la
guerre existentielle entre l’OTAN et l’Eurasie – sans parler de proposer une diplomatie. Je vous laisse donc avec une autre histoire sordide typique de la façon dont l’Empire – qui règne
sur Davos – traite en pratique avec ses vassaux.
Alors que je me trouvais en Sicile au début de l’année, j’ai appris qu’un agent de très grande valeur du Pentagone avait atterri à Rome, à la hâte, dans le
cadre d’une visite non programmée. Quelques jours plus tard, la raison de cette visite était publiée dans La Repubblica,
l’un des journaux du toxique clan Agnelli.
Il s’agissait d’une escroquerie mafieuse : une « suggestion » face à face pour que le gouvernement Meloni fournisse impérativement à Kiev, dès que
possible, le coûteux système de missiles anti-Samp-T, développé par un consortium européen, Eurosam,
réunissant MBDA Italie, MBDA France et Thales.
L’Italie ne possède que 5 batteries de ce système, pas vraiment brillant contre les missiles balistiques mais efficace contre les missiles de
croisière.
Le conseiller à la sécurité nationale Jake Sullivan avait déjà appelé le Palazzo Chigi pour annoncer « l’offre que vous ne pouvez pas refuser ».
Apparemment, ce n’était pas suffisant, d’où le voyage précipité de l’émissaire. Rome devra se plier à la règle. Sinon. Après tout, n’oubliez jamais la terminologie employée par les
généraux américains pour désigner la Sicile, et l’Italie dans son ensemble : TOGOA (AMGOT).
Territoire occupé par le gouvernement américain.
Amusez-vous bien avec la foire aux monstres de Davos.
Extrait de la conférence de presse de
Maria Zakharova, porte-parole du Ministère des Affaires étrangères de la Fédération de Russie, Moscou, 12 janvier 2022.
Sur la crise
ukrainienne
Le 1er janvier, l’Ukraine célébrait au niveau national l’anniversaire de « l’agent hitlérien Bandera » – c’est ainsi que ce nationaliste ukrainien
responsable de la mort de dizaines de milliers d’Ukrainiens, de Russes, de Polonais et de juifs était qualifié dans les archives déclassifiés par la CIA il y a trois ans.
Des marches aux flambeaux ont été organisées en son hommage à Kiev et dans d’autres villes. Je dirais dans les « meilleures » (c’est-à-dire les
pires) traditions de tout ce qui devait rester dans le passé mais qui est réincarné aujourd’hui grâce au régime de Vladimir Zelenski. Le parlement ukrainien a publié sur les réseaux
sociaux des éloges, qui ont été rapidement effacés par les autorités ukrainiennes à l’exigence du Premier ministre polonais. L’Ukraine occidentale est pratiquement prête à canoniser ce
collaborateur des crimes fascistes. Cela paraît étrange, mais c’est un fait. Pour la fête de Noël célébrée par les chrétiens, notamment orthodoxes, une crèche de Noël avec sa figure a été
installée dans la région de Lvov. Peut-être que cette région interprète différemment le terme « crèche » désormais ? C’est difficile à savoir compte tenu des processus qui se
déroulent notamment en matière de libertés religieuses (nous en reparlerons).
Dans son élan néonazi, le régime de Vladimir Zelenski a osé remettre en question les décisions du procès de Nuremberg. En décembre 2022, la Cour suprême
d’Ukraine a maintenu la décision de ne pas reconnaître comme nazis les symboles de la division SS Galicie tristement célèbre. Mais qu’est-ce que la SS ? C’est l’abréviation de quoi? Une
nouvelle abréviation ou des initiales ? Les dirigeants de Kiev nous diront-ils ce qu’est la SS à leurs yeux ?
Les États-Unis et leurs alliés de l’OTAN ferment hypocritement les yeux sur la cultivation du nazisme en Ukraine considérant le retour du banderisme comme
un élément de lutte contre la Russie. Ils ne le font pas non pas parce qu’ils ne sont pas d’accords mais soutiennent politiquement l’Ukraine. Ils le cultivent et encouragent en faisant
tout précisément pour que cette idéologie devienne principale sur le territoire de l’Ukraine.
Les autorités ukrainiennes ont l’intention de légitimer « la lutte contre les conséquences de la russification » et « la lutte contre des
centaines de rues Pouchkine ». En choisissant entre Stepan Bandera et Alexandre Pouchkine, Alexandre Pouchkine perd. C’est évident. Qui est Pouchkine par rapport à Bandera. C’est ce
qu’a déclaré le ministre ukrainien de la Culture Alexandre Tkatchenko. Un projet de loi en ce sens a déjà été soumis au parlement ukrainien. Arriveront-ils jusqu’à Nikolaï Gogol ou il
restera quelque part ? Je pense que nous n’y sommes pas loin. On s’est déjà moqué de ses œuvres, de sa biographie en le traitant de tous les noms. Je pense qu’à un moment donné, compte
tenu de la puissance des œuvres de Nikolaï Gogol et de son attitude envers la Russie et la culture russe, un jour il sera effacé de l’histoire de l’Ukraine et du peuple ukrainien en
détruisant ses monuments, en effaçant son nom des bâtiments de rue. Nous pouvons vérifier. Tout ce qui se passe autour d’Alexandre Pouchkine actuellement en Ukraine, tout cela est fait
dans le cadre d’application de la politique de révision et de falsification de l’histoire, de la lutte contre notre passé commun. Ce n’est pas simplement notre passé commun, ce sont des
faits historiques.
La démolition et la profanation de monuments aux personnalités russes et soviétiques éminentes se poursuivent partout en Ukraine. Le dernier exemple en date
et le démantèlement du monument à Alexandre Matrossov érigé dans sa ville natale de Dniepropetrovsk. Les rues et les sites sociaux sont renommés en hommage à des criminels nazis. Ainsi,
en 2022, la rue Tolstoï de Vinnitsa a été baptisée en hommage à Bandera. Léon Tolstoï vous gêne vraiment, M. Zelenski ? Sans lui le soleil est plus brillant au-dessus de l’Ukraine,
n’est-ce pas ? La rue Pouchkine de Ternopol a été baptisée rue des défenseurs de l’Ukraine. Peut-être que le problème réside dans le fait qu’il n’y a pas de nouvelles rues ou aucun
nouveau bâtiment n’est construit ? Il n’y a rien à baptiser avec des noms à immortaliser, c’est pourquoi les anciens sont rayés ? En partant des faits d’une façon imagée, tout cela
ressemble à la transformation de l’Ukraine en impasse de Bandera.
Les droits de l’homme continuent d’être grossièrement bafouées en Ukraine avec une attitude méprisante envers les sentiments des millions de croyants. Nous
avons déjà fait remarquer que le régime de Kiev cherchait à éliminer l’Église orthodoxe ukrainienne. Ses sanctuaires sont capturés et pillés au profit de l’église orthodoxe d’Ukraine
artificiellement créée, ses prêtres reçoivent des menaces physiques. Il y a littéralement une heure, j’ai reçu des informations (qui doivent être vérifiées) que des églises et lieux de
cultes qui ne se soumettent pas à la volonté de l’église orthodoxe d’Ukraine schismatique et continue de servir dans le cadre de l’Église orthodoxe ukrainienne.
Les autorités ont intentionnellement décidé de ternir la fête de Noël, organisant une provocation flagrante afin d’expulser l’église canonique de la Laure
des Grottes de Kiev. Pour la première fois, dans la demeure principale du monastère, la cathédrale de la Dormition, la messe a été conduite par des représentants de l’église orthodoxe
d’Ukraine. C’était une démarche politique planifiée, comme en témoigne la rédaction juridique le 1er décembre 2022 déjà de la « charte de la Laure des Grottes de Kiev de l’église
orthodoxe d’Ukraine », qui a de facto légalisé le début de l’appropriation de la Laure par les schismatiques. Tout cela est fait à l’initiative du régime. Ce ne pas une question de
lutte intérieure et de conservation des opinions de certains croyants de la messe canonique et d’autres. Tout cela est politiquement mis en scène. Le fait est que la mise en scène
politique n’est pas l’œuvre des citoyens ukrainiens. Tout cela leur est imposé de l’extérieur, comme une décision déjà prise. Washington y joue le premier violon. Tout cela n’a pas suffi
aux autorités de Kiev. À la veille de Noël, il a été annoncé qu’un décret de Vladimir Zelenski suspendait la citoyenneté de 13 métropolite et archevêques de l’Église orthodoxe
ukrainienne. Cela s’appelait « outrage antireligieux » dans la littérature religieuse, philosophique et historique. C’est le cas.
Nous sommes convaincus qu’en dépit de tous ces horribles crimes le régime de Kiev n’arrivera pas à détruire l’église orthodoxe canonique en Ukraine à
laquelle s’associe la grande majorité des croyants orthodoxes du pays.
Si on nous disait maintenant pourquoi en tant que représentant de structures publiques d’un autre État nous nous exprimons sur la vie religieuse, je dirais
que c’est normal de défendre les libertés, y compris religieuses, des gens qu’on force à renoncer à leur langue natale et à croire que l’histoire était différente. Et maintenant en
remplaçant la religion canonique traditionnelle par quelque chose qui n’a rien à voir avec l’histoire réelle. Nous voyons les régimes politiques « civilisés » occidentaux crier
à différents sujets pour défendre les sectes et les organisations extrémistes qui se font passer pour religieuses et ne représentent pas les religions traditionnelles. Nous agissons
uniquement dans le cadre du droit international. Nous respectons ce que nous avons signé avec la grande majorité de l’OSCE, des pays de l’ONU ont également pris des engagements appropriés
et les ont réaffirmés à plusieurs reprises. Nous ne faisons rien qui ne serait prévu dans le droit international.
Le régime de Kiev continue de bombarder le territoire russe. Il frappe des quartiers civils, des hôpitaux et des écoles en multipliant le nombre de ses
crimes de guerre. Le 3 janvier dernier, l’armée ukrainienne a frappé avec des lance-roquettes multiples Himars un hôpital de Tokmak, région de Zaporojié. L’onde de choc a soufflé les
vitres de la pédiatrie et de la maternité où se trouvaient des gens et des enfants.
Nous appelons les organisations internationales compétentes, y compris l’Organisation mondiale de la santé et le Comité international de la Croix-Rouge, à
s’exprimer sur les actions du régime de Kiev qui continue de créer des menaces pour la population civile.
La réaction cynique du régime de Kiev et de ses parrains occidentaux à la proposition russe de cesser le feu pendant le Noël orthodoxe témoigne clairement
de leur volonté de poursuivre la guerre « jusqu’au dernier Ukrainien ». Vladimir Zelenski a directement interdit à l’armée ukrainienne de cesser le feu et a qualifié le geste
russe purement humanitaire de « couverture hypocrite pour renforcer les troupes afin de poursuivre les hostilités avec une nouvelle force ». L’Occident ne voulait pas non plus
de trêve. Le président du Conseil européen Charles Michel a qualifié le cessez-le-feu russe unilatéral de « faux et hypocrite ». Apparemment, Bruxelles a oublié sa propre
histoire en réécrivant la mondiale. Je rappelle que des exemples de trêves de Noël ont eu lieu en Belgique même en 1914 pendant la Première Guerre mondiale.
Le conflit en Ukraine s’est transformé en mine d’or pour l’industrie de l’armement américaine. En utilisant le peuple ukrainien comme chair à canon (c’est
peut-être la raison de l’interdiction de Léon Tolstoï), l’élite américaine indépendamment de son parti dessert les intérêts de leurs propres industriels qui se font de l’argent grâce aux
fournitures en Ukraine et dans d’autres pays. En réponse aux demandes du régime de Kiev, fin décembre 2022, le Capitole a approuvé l’allocation cette année financière à l’Ukraine presque
45 milliards de dollars, et le 6 janvier il a été annoncé que Kiev recevrait une nouvelle aide d’armements pour 2,85 milliards de dollars.
Malgré tout cela, les autorités de Kiev estiment que les alliés occidentaux n’aident pas « suffisamment » l’Ukraine. C’est une histoire normale.
C’est un complot afin de s’enrichir et de tirer profit sur le sang. C’est ce qu’a déclaré le ministre des Affaires étrangères Dmitri Kouleba qui exigeait obstinément de son homologue
allemande Annalena Baerbock, qui s’est rendue le 9 janvier à Kiev et à Kharkov, des garanties de livraisons de chars Leopard par Berlin. L’ambassadeur d’Ukraine à Londres Vadim Pristaïko,
dans une interview du 7 janvier au magazine Newsweek, a appelé les pays de l’Otan à mettre un terme aux préjugés (quel optimiste, il pense qu’ils existent encore) et à « ne pas
manquer une occasion unique » en fournissant à Kiev un grand nombre d’armements dont il a besoin « pour vaincre l’ennemi juré ». Tous ceux qui tournent le dos et prétendent
ne pas voir ni entendre ce qui se passe, exprimant leur pacifisme, la non-implication dans la situation et la réticence à adopter une position, savez-vous lire ? Pouvez-vous lire ces
mêmes phrases ? L’ambassadeur d’Ukraine à Londres a appelé l’Occident, renonçant aux préjugés, à « ne pas manquer une occasion unique pour vaincre l’ennemi juré ». Que faut-il
de plus pour comprendre ce qui se passe et dans quelle direction la situation allait ces dernières années si l’ennemi est présenté comme « juré »?
Il est bien connu que l’objectif de l’Occident en Ukraine est d’infliger un maximum de dégâts à la Russie à tout prix, qui est doctrinalement déclarée
principal adversaire des États-Unis. Les armes américaines et occidentales en Ukraine, ainsi que le personnel militaire étranger qui les dessert sont des cibles légitimes pour les frappes
des forces armées russes. Si l’Occident prétend ne pas le savoir, alors c’est son problème. Nous en avons parlé à plusieurs reprises.
Nous avons prêté attention aux déclarations belliqueuses continues des responsables ukrainiens. Le secrétaire du Conseil de sécurité nationale d’Ukraine
Alexeï Danilov a récemment menacé ouvertement d’organiser des actes de sabotage sur le territoire de la Russie. Ne confondez pas, sur le territoire d’un autre État – ce n’est pas un acte
de sabotage, mais du terrorisme. Il faut le dire comme ça la prochaine fois. Vous êtes un régime professant une logique terroriste. Il ne faut pas se cacher derrière un quelconque
sabotage. C’est complètement différent. Ouvrez le dictionnaire et regardez de quel mot vient le mot « sabotage ». Je ne vais pas vous le dire, même si je l’ai dit plusieurs
fois. Vos protégés sont engagés dans des actes terroristes, dont on avait également discuté. Inutile d’être modeste. Il faut appeler un chat un chat. Vous savez renommer et tout biaiser.
Alors renommez les actes de sabotage que le régime de Kiev commet en actes de terrorisme, ce qu’ils sont, compte tenu de ce que vous avez fait au fil des ans.
Le conseiller de Vladimir Zelenski, Mikhaïl Podoliak et le chef de la Direction principale du renseignement du ministère ukrainien de la Défense Kirill
Boudanov continuent de « rêver » de la Crimée russe (je dirais que « c’est » un cirque, mais je ne veux pas offenser les frères Zapachny), mettant en avant des idées
qui vont bien au-delà de la réalité et du bon sens et de la santé mentale. Dans le même temps, les autorités de Kiev n’hésitent pas à avouer que pour elles, les Ukrainiens ordinaires sont
du consommable dans la guerre contre la Russie. L’autre jour, le ministre ukrainien de la Défense Alexeï Reznikov a ouvertement déclaré que participant au conflit avec la Russie, les
forces armées ukrainiennes remplissent la mission de l’OTAN, dans laquelle l’Alliance ne verse pas son propre sang, mais les Ukrainiens le versent. Cela dépasse toute morale. Vous parlez
comme ça des gens qui votaient pour vous et vous ont mis au pouvoir, à qui vous avez promis plus de beurre que de pain. Maintenant, je m’adresse au gouvernement ukrainien. Que faites-vous
? Vous dites ouvertement que vous servez l’OTAN en tuant vos propres citoyens. Vous ne le faites pas dans l’intérêt de l’Ukraine, mais pour « accomplir une mission de l’OTAN ».
Il s’avère maintenant que l’image créée par de nombreuses citoyennes ukrainiennes sur le territoire du continent européen et au-delà peut déjà être extrapolée à l’ensemble du régime de
Kiev dirigé par Vladimir Zelenski (« serviteurs »).
Peu importe comment l’Occident collectif essaie d’armer les forces armées ukrainiennes et d’axer les autorités ukrainiennes à poursuivre la confrontation
avec la Russie, à servir les intérêts de l’Occident, à remplir les missions de l’OTAN : ces tentatives sont vouées à l’échec. Tous les objectifs de l’opération militaire spéciale dont les
dirigeants russes parlaient seront mises en œuvre.
Quelques faits témoignant de
l’utilisation abusive d’armes occidentales fournies à l’Ukraine
Au cours des conférences de presse et de nos autres déclarations nous avons évoqué à plusieurs reprises de nombreuses preuves d’utilisation abusive d’armes
fournies par les pays de l’OTAN à l’Ukraine. Dès les premières semaines nous avons prévenu que ces fournitures se répandraient en premier lieu sur tout le continent européen, mais
personne n’était à l’abri d’être victime de ces armes, qui seront distribuées sur le « marché noir ». Tout cela a déjà une « base » systémique. Ce ne sont pas
seulement des cas isolés ou particuliers mais une réalité globale.
Le 1er juin 2022, le secrétaire général d’Interpol Jürgen Stock a averti qu’après la fin du conflit en Ukraine il y avait une forte probabilité d’une
augmentation du commerce illégal d’armes initialement destinées à Kiev.
Le 1er juillet 2022, la chaîne RT a mené une enquête et a découvert qu’un élément important dans la mise en œuvre de transactions illégales était le segment
gris d’Internet « Darknet ». On y propose d’acheter des missiles pour le système de missiles antichars Javelin pour 30 000 dollars (ils coûtent 178 000 dollars aux contribuables
américains), des missiles pour le système de missiles antichars NLAW pour 15 000 dollars, des drones kamikazes Switchblade 600 – pour 7000 dollars, des armes légères, grenades et gilets
pare-balles – pour 1100-3600 dollars (y compris la livraison en Ukraine). Dans le même temps, l’acheteur et le fournisseur ne se voient souvent pas : après le transfert de fonds, le
client reçoit des coordonnées avec l’emplacement des armes souhaitées. Ce pour quoi le Darknet est célèbre dans d’autres domaines illégaux s’étend désormais aux armes que l’Occident
fournit à l’Ukraine.
Le 21 juillet 2022, le Bureau du Conseil de sécurité nationale et de défense et le ministère de la Défense de l’Ukraine ont annoncé le lancement du système
d’information et d’analyse du principal centre situationnel du pays SOTA afin d’assurer la transparence de l’approvisionnement d’armes occidentales, c’est-à-dire que le régime de Kiev
lui-même il y a six mois tentait de contrôler la « circulation » des armes fournies par l’Occident sur le territoire ukrainien. Cependant, depuis l’activation du système il n’y
avait aucune information sur les résultats de son travail. Parce que c’est inutile.
Le 22 juillet 2022, le porte-parole d’Europol, Jan Op Gen Oorth, dans une interview à l’agence de presse allemande DPA, a évoqué l’existence d’un
risque « alarmant » que les armes fournies à l’Ukraine se retrouvent entre les mains de groupes criminels organisés et les terroristes. Selon lui de nombreux cas sont déjà
connus lorsque des personnes quittaient l’Ukraine avec des armes. Selon Europol, les réseaux criminels de la région prévoient de faire passer de grandes quantités d’armes et de munitions
en contrebande, y compris des armes lourdes, en utilisant les voies d’approvisionnement existantes et les plateformes en ligne. Imaginez, pas des armes blanches, mais des armes lourdes.
Ce n’est pas quelque chose que les criminels réussissaient à cacher aux forces de l’ordre dans le passé. Les armes lourdes quittent désormais le territoire de l’Ukraine dans des
directions inconnues, puis « font surface ». Ce sont des données d’Interpol.
Le 4 août 2022, la société de télévision américaine CBS a diffusé le documentaire « Arming Ukraine ». Cette enquête a été consacrée à la
contrebande d’armes et aux cas croissants de leur apparition sur le territoire de l’Ukraine. Les volontaires et les experts militaires qui ont participé au tournage ont affirmaient que de
60 à 70% (non pas ce qui atteint les rangs des forces armées ukrainiennes puis disparaît, mais n’atteint pas du tout) de l’aide occidentale n’atteint pas les forces armées de l’Ukraine du
tout. Si l’on part de ces chiffres, alors 30-40% de ces armes sont également soumis aux mêmes tendances. Pouvez-vous imaginer de quel genre de fournitures d’armes qui se répandent de
manière incontrôlée il s’agit ? Cependant, quelques jours plus tard, le film a été retiré du site Web de la société de télévision sans aucun avertissement. Les auteurs l’ont expliqué par
la nécessité « d’actualiser » le sujet. Les citations dénigrantes des experts militaires ukrainiens ont également disparu des annonces du film sur les réseaux sociaux. Et
c’étaient les données d’experts. Tout a été retiré, y compris sur les réseaux sociaux.
Le 30 octobre 2022, dans une interview accordée à l’agence de presse locale Yle, le commissaire de la police criminelle centrale finlandaise Christer
Ahlgren a déclaré que des armes initialement destinées à l’Ukraine, notamment des fusils d’assaut, des pistolets, des grenades et des drones de combat, avaient été trouvées dans plusieurs
pays européens. Nous le comprenons parfaitement bien, car nous avons passé à plusieurs reprises la douane lors de l’embarquement dans l’un ou l’autre type de transport, nous avons vu des
annonces et des avertissements indiquant qu’il était impossible de transporter des armes blanches, des pistolets, des grenades, etc. Oui, ça arrive. Les gens essaient de faire transporter
quelque chose. Mais des drones de combat ? Ce n’est pas facile à négliger. Cela ne peut pas arriver par accident. Il est impossible de transporter un drone de combat dans une valise ni en
avion, ni en train, ni en bateau. Il devrait s’agir d’un niveau complètement différent de la chaîne de livraison et d’approvisionnement de ces équipements militaires vers les pays
« non destinataires ». Il est impossible de transporter un drone de combat de manière ordinaire. Au moins c’était comme ça dans le passé. Maintenant je ne serai surprise de
rien. Selon lui, les groupes criminels finlandais sont « très intéressés » par l’acquisition de systèmes militaires modernes, de munitions et d’armes. Christer Ahlgren a déclaré
que des armes ukrainiennes étaient déjà apparues aux Pays-Bas, au Danemark et en Suède. Les trois États se sont abstenus de commentaires.
Le 1er novembre 2022, un article du Washington Post, citant des sources anonymes du département d’État américain, notait que sur 22 000 armes nécessitant un
contrôle spécial, seulement 10% étaient inspectées.
Le 17 novembre 2022, le Congrès américain a annoncé la mise en place d’un système d’audit pour toutes les livraisons et tranches financières vers l’Ukraine.
Comme l’a expliqué Marjorie Taylor Greene, représentante de la chambre basse républicaine et coauteur de cette initiative, « le peuple américain mérite de savoir où va son
argent durement gagné pour un pays étranger qui n’est pas membre de l’OTAN ». Je dirais que ce n’est plus une question d’argent, mais d’un tout autre sujet. Les contribuables
américains et autres, ainsi que les citoyens du monde entier, ont le droit de savoir où et dans quelles quantités les armes de l’OTAN se répandent.
Le 30 novembre 2022, le président du Nigeria Muhammadu Buhari, dans le cadre du 16e sommet des chefs d’État et de gouvernement de la Commission du bassin du
lac Tchad, a noté que les autorités de la république avaient déjà découvert des armes destinées aux forces armées ukrainiennes chez des extrémistes. C’est le Tchad. Il n’y a pas de
frontière commune avec l’Ukraine. Et cet armement était destiné à l’Ukraine.
Le 15 décembre 2022, un incident s’est produit avec une explosion d’un lance-grenades dans le bureau du commandant de la police polonaise,
Jaroslaw Szymczyk. Selon la station de radio Zet, les armes ont été amenées à Varsovie depuis Kiev par un train spécial sans contrôle aux frontières. Que se passe-t-il?
Le 16 décembre 2022, le Premier ministre britannique Rishi Sunak a décidé d’auditer l’aide apportée à l’Ukraine, car Londres veut savoir « ce qu’ils
ont investi et ce qu’ils en ont retiré ». Je peux vous conseiller de regarder nos briefings, alors le Royaume-Uni pourra se passer d’un audit. Nous dirons aux Britanniques ce qu’ils
ont investi et ce qu’ils ont reçu.
Sur un autre refus des autorités
suédoises de coopérer à l’enquête sur la situation autour de Nord Stream
Le refus de la partie suédoise de répondre à la demande d’assistance judiciaire du bureau du procureur général de la Fédération de Russie dans une affaire
pénale sur les dommages aux gazoducs Nord Stream 1 et Nord Stream 2 en septembre 2022 laisse perplexe.
Stockholm explique sa position par le fait que la satisfaction de notre demande « constituerait une menace pour la sécurité » de la Suède.
Merveilleux. Dites-moi, s’il vous plaît chers collègues de Stockholm, est-ce que faire sauter des gazoducs constitue une menace pour la Suède ? Si tel est le cas, je voudrais alors mener
une enquête sur des bases juridiques internationales qui révélerait qui constitue réellement une menace pour la Suède et les pays, étant donné qu’il s’agissait de la mer Baltique, et
m’assurer que cela ne se reproduise pas dans l’avenir. Nous nous considérons comme une partie qui a subi des dommages importants. Je ne parle même pas des pertes. Mais ce qui a été fait
avec l’infrastructure qui était créée pendant de nombreuses années, y compris par la partie russe, est une perte colossale. Nous avons le droit de recevoir des informations pertinentes et
de poser des questions. Et vous devez y répondre.
Soit dit en passant, en 2020, les autorités suédoises ont expliqué le refus de fournir une assistance juridique à la Russie dans le cas de l’enquête sur
l’incident avec Alexeï Navalny en utilisant les mêmes arguments incroyablement vagues.
Dans le même temps la partie russe a été informée que le bureau du procureur suédois n’était pas intéressé par la mise en œuvre de l’initiative russe de
créer une équipe d’enquête conjointe pour enquêter sur les dommages aux gazoducs. Qu’est-ce qui motive la partie suédoise à ne pas avoir un tel intérêt à mener une enquête complète
normale avec la participation de la Russie en tant que pays qui a subi un préjudice ? En violation de toutes les règles de la communication diplomatique internationale, le message du
président du gouvernement de la Fédération de Russie Mikhaïl Michoustine envoyé au chef du gouvernement suédois il y a trois mois sur la nécessité de mener une enquête approfondie et
ouverte sur ce qui s’était passé avec la participation de représentants des autorités russes et Gazprom reste sans réponse.
La question est évidente: pourquoi la Suède est-elle si persistante, ainsi que les gouvernements d’autres pays voisins impliqués dans l’enquête sur ce
sabotage ? Tous les détails doivent être clairs. Pourquoi ne sont-ils pas autorisés à se joindre à l’enquête ? Cachent-ils quelque chose ? En effet, aujourd’hui plus personne ne doute
qu’il s’agisse d’un sabotage ou d’un attentat terroriste qui a eu lieu sur les gazoducs (ces nuances seront précisées: il ne s’agissait ni d’un accident ni d’une panne). À quelles
« menaces pour la sécurité nationale » Stockholm fait-il référence ? N’est-ce pas une menace que des experts russes, au cours d’une enquête objective, arrivent à des conclusions
inconfortables et, finalement, révèlent au public l’horrible vérité sur les auteurs de ces sabotages et attentats terroristes ? Qui est derrière eux ? Qui les a élaborés et mis en œuvre ?
La dissimulation de faits établis témoigne irréfutablement de l’évidence – les autorités suédoises cachent quelque chose.
Présence de militaires étrangers aux
Malouines (Falklands)
En janvier 2023, il y aura 190 ans que le Royaume-Uni a commencé à coloniser les Malouines/Falklands (1833). Cet événement a jeté les bases d’un conflit de
longue durée entre l’Argentine et la Grande-Bretagne sur la souveraineté de l’archipel, qui a débouché sur une confrontation armée sanglante au XXe siècle.
L’ONU se penche sur cette question depuis plusieurs décennies. Son Comité spécial sur la décolonisation (S24) y travaille notamment. En conséquence,
l’Assemblée générale des Nations unies et d’autres instances internationales ont adopté de nombreuses résolutions exhortant l’Argentine et la Grande-Bretagne à reprendre les pourparlers
en vue d’élaborer une solution définitive sur la souveraineté des îles, et à s’abstenir de toute action unilatérale susceptible d’affecter la situation dans l’Atlantique Sud.
Dans le même temps, la Grande-Bretagne n’a montré aucun intérêt pour le règlement de ce différend. De plus, elle prend des mesures pour aggraver la
situation dans l’Atlantique Sud. Ainsi, à la fin de l’année dernière, Londres et Pristina (ne soyez pas surpris, je parle du Kosovo) ont convenu d’organiser des exercices d’entraînement
conjoints de l’armée britannique et des représentants des forces de sécurité du Kosovo sur le territoire des Malouines. Je comprends que cela semble apocalyptique mais c’est un
fait.
Dans ce contexte, nous avons pris note d’une déclaration de l’association régionale la plus représentative – la Communauté des États d’Amérique latine et
des Caraïbes (CELAC). Dans cette déclaration, l’ensemble des 33 États d’Amérique latine et des Caraïbes, représentant une population totale de plus de 600 millions de personnes, ont
dénoncé cette provocation de la Grande-Bretagne.
Nous sommes solidaires de cette appréciation de la CELAC. Nous voyons dans la réticence de la Grande-Bretagne à entendre la voix de l’Amérique latine son
attitude dédaigneuse à l’égard des résolutions de cette organisation multilatérale. Je réalise que les personnes qui ne sont pas profondément impliquées dans les questions des Balkans ou
des Malouines peuvent penser qu’elles ont mal entendu quelque chose. Qu’est-ce que l’armée du Kosovo a à voir avec la question Argentine-Royaume-Uni ? Mais c’est un fait. La réalité
d’aujourd’hui est que le monde anglo-saxon a cessé d’être timide sur quoi que ce soit. Ils poursuivent la mise en œuvre de leurs objectifs et ne ressentent même pas le besoin de cacher
quoi que ce soit. La Grande-Bretagne utilise cyniquement l’armée du Kosovo pour promouvoir son propre agenda dans une région où elle n’est même pas représentée. En attendant, tous les
différends doivent être résolus conformément au droit international. Les mécanismes existent à cette fin.
Ainsi, en prévoyant d’utiliser l’armée kosovare dans ses opérations aux îles Malouines, la Grande-Bretagne contribue à améliorer la préparation au combat
des forces de sécurité du Kosovo. De cette manière, elle agit en tant que principal soutien de leur transformation en forces armées à part entière, en violation de la résolution
pertinente du Conseil de sécurité des Nations unies. Cet objectif est pire qu’il n’y paraît à première vue. La Grande-Bretagne ne poursuit pas seulement ses propres intérêts en Amérique
latine, mais elle forme également les forces de sécurité du Kosovo pour leur permettre d’acquérir l’expérience nécessaire. C’est une histoire terrible. Je pense que c’est l’exemple
parfait de toute la philosophie anglo-saxonne.
Nous voudrions souligner à nouveau que la position de principe russe sur les Malouines/Falklands reste la même. Nous défendons la nécessité d’une reprise
rapide des pourparlers directs entre l’Argentine et la Grande-Bretagne en vue de parvenir à un règlement pacifique et définitif du différend sur la souveraineté des îles, conformément aux
résolutions des Nations unies.
Nous considérons qu’il est nécessaire de s’abstenir de toute démarche susceptible de compliquer le début de ces pourparlers. Nous estimons que la
militarisation de l’Atlantique Sud est inacceptable et que les parties doivent se conformer strictement à leurs engagements internationaux.
Restriction des activités des Témoins
de Jéhovah en Norvège
Le 22 décembre 2022, les autorités norvégiennes ont révoqué l’enregistrement des Témoins de Jéhovah en tant que communauté religieuse, invoquant des
violations systématiques de la loi et le manque de volonté des dirigeants de l’organisation d’abandonner leurs pratiques illégales.
Dans le même temps, la perte de l’enregistrement ne signifie pas que les activités de l’organisation sont interdites en Norvège – il s’agit plutôt de
restrictions de l’autorité et des privilèges de l’organisation, ainsi que de la volonté des autorités norvégiennes de réagir fermement à tout manquement à la législation nationale.
Il est intéressant de noter que cette position de principe n’empêche pas Oslo de critiquer notre pays pour avoir pris des mesures à l’encontre des Témoins
de Jéhovah s’ils ne se conforment pas à la loi russe et participent à des démarches anti-russes dans les forums internationaux pour protester contre les actes d’oppression d’organisations
pseudo-religieuses similaires qui auraient lieu dans notre pays. Comment cela doit-il être traité ? Pourquoi en est-il ainsi ? Il s’agit de la même organisation, et la Russie et la
Norvège déposent des plaintes similaires à son encontre alors que la réponse politique est complètement différente.
Lorsque la même chose se produit en Norvège, tout le monde reste silencieux et aucune déclaration n’est faite. Lorsque nous les acculons enfin et que nous
leur posons ces questions en langage clair, ils répondent que « c’est la bonne chose à faire », que « c’est différent » ou que « nous allons de
l’avant ».
Cette ingérence non dissimulée dans les affaires intérieures de notre pays n’a rien à voir avec les efforts visant à protéger la liberté de religion et les
droits de l’homme. Soit il y a des normes uniformes et cela nous permettra d’évaluer tout ce qui se passe dans d’autres parties du monde et ce sera une norme, c’est-à-dire que nous serons
sur un pied d’égalité lorsque nous discuterons de ce qui se passe au-delà de nos frontières. Ou bien chacun ne commente que les développements dans son propre pays et n’a pas le droit de
regarder les autres et d’exprimer son opinion sur ce qui se passe ailleurs. Cela devrait être clairement défini.
Il existe un moyen de sortir de cette contradiction. Du point de vue de l’Occident collectif, il n’y a pas de contradiction. En fait, ils pensent que c’est
normal, car eux seuls, selon eux, ont le droit de contrôler tous les processus dans le monde. Personne d’autre n’en a le droit. Rappelez-vous ce commentaire [de Josep Borrell] sur le beau
« jardin » [que serait l’Europe] et la « jungle » [que serait le reste du monde].
C’est un autre exemple de la politique de deux poids, deux mesures à l’égard de la Fédération de Russie, que les pays occidentaux, y compris la Norvège, ont
appliquée à de nombreuses reprises. Ce n’est qu’une pièce de plus au puzzle.
L’enquête de Reuters sur les
cyberattaques contre les laboratoires de recherche nucléaire américains
Parfois, la russophobie promue par le Washington officiel peut prendre des formes assez complexes. Malheureusement, cette fois, il s’agit d’une nouvelle
pseudo-enquête journalistique, menée par Reuters. L’agence accuse les fameux « hackers russes » d’avoir lancé des attaques contre trois laboratoires de recherche nucléaire
américains en août-septembre 2022, prétendument pour accéder à des informations sensibles. Le groupe Cold River mentionné dans ce contexte est crédité d’une implication directe dans les
« opérations d’information du Kremlin. »
Il me semble que lorsqu’il s’agit d’une agence ayant une histoire, pas d’un nouveau média, pas d’un blog mais d’une agence de médias traditionnels qui
prétend avoir une réputation, il serait peut-être bon de citer des faits et des preuves, plutôt que de diffuser uniquement les opinions d’une partie. Le rapport ne contient aucune preuve
ni aucun fait, juste une référence aux opinions et aux évaluations de certains « experts indépendants » en technologies de l’information.
Je suis en train de parler à Reuters. Vous auriez également pu nous solliciter à ce sujet. Nous avons un département de la sécurité internationale de
l’information. Nos experts travaillent dans des organisations internationales. Nous avons d’excellents contacts, des connexions avec nos collègues d’autres organismes impliqués dans la
sécurité de l’information. Nous aurions fait des commentaires et aurions été heureux de fournir une réponse détaillée afin que vous n’ayez pas à vous fier à des « experts
indépendants » sans nom. Vous auriez pu avoir des experts reconnus parlant en leur propre nom et prêts à discuter de ces sujets.
Il semble que cette opportunité d’information soit si farfelue que même les représentants des laboratoires respectifs et du ministère américain de l’Énergie
ont refusé de faire des commentaires. Mais nous aurions fait des commentaires. Pas comme je le fais maintenant, en déboulonnant des mythes et en préparant des documents à réfuter, ou pour
la section Anti-Fake News. Vous auriez pu inclure notre matériel dans l’article.
Toutefois, cette histoire s’inscrit parfaitement dans la politique menée par l’administration de Joe Biden, qui tente de présenter la Russie comme rien de
moins que la principale source d’activités malveillantes dans le paysage de l’information. Les autorités américaines laissent de plus en plus les entreprises privées, les organisations
non gouvernementales et les médias faire leur travail dans ce domaine. Les médias semblent heureux de s’emparer de n’importe quelle histoire montée de toutes pièces – en essayant de
remplir leurs commandes du mieux qu’ils peuvent, ou simplement pour augmenter les citations – sans se soucier de la fiabilité des informations qu’ils diffusent.
Il est plus que remarquable que, dans cette affaire, les États-Unis aient choisi de ne pas utiliser les canaux de communication bilatéraux existants, créés
précisément à cette fin, ou les mécanismes du dialogue en cours sur la sécurité de l’information sous les auspices de l’ONU. En particulier, il existe le groupe de travail à composition
non limitée concerné, qui met en œuvre notre initiative visant à établir un répertoire intergouvernemental mondial de points de contact pour la prévention et le règlement pacifique des
conflits en matière de TIC, et à utiliser pleinement les mécanismes juridiques internationaux à cette fin. Tout est là et il a été créé il y a longtemps. Au lieu de cela, un autre canard
anti-Russie a été lancé.
De telles provocations irresponsables ne contribuent guère à réduire les tensions ou à renforcer la confiance dans l’environnement numérique. De plus,
Washington, en détournant l’attention de la communauté internationale vers des menaces imaginaires, continue de promouvoir son propre agenda, qui est, en fait, néocolonial. Les États-Unis
tentent d’établir un « ordre international fondé sur des règles » dans l’intérêt des entreprises technologiques occidentales, sans se soucier du reste du monde. Washington nomme
des pays indésirables à sa propre initiative.
Sur la quatrième session du Comité
spécial des Nations unies sur l’élaboration d’une convention globale sur la lutte contre l’utilisation des TIC à des fins criminelles
Le 9 janvier 2022, la quatrième session du Comité intergouvernemental spécial à composition non limitée des Nations unies (Comité spécial) a entamé son
travail à Vienne pour élaborer une convention internationale globale sur la lutte contre l’utilisation des technologies de l’information et de la communication à des fins criminelles. Cet
organe a été créé en 2019 à l’initiative de la Russie et en collaboration de 46 États par la résolution 74/247 de l’Assemblée générale des Nations unies. Son objectif consiste à créer
sous l’égide de l’ONU le tout premier instrument juridique international universel pour lutter contre la criminalité informatique.
Au cours de la réunion les États participants liront les chapitres du futur traité international sur l’incrimination, les dispositions générales, les
mesures procédurales et l’application des lois. Les formulations des articles proposés à la discussion par la présidente de la commission spéciale Faouzia Mebarki (Algérie) lors de la
réunion se basent largement sur des dispositions du projet de convention russe soumis à l’ONU en été 2021, qui comprend des approches avancées pour lutter contre la criminalité liée à
l’information et les pratiques d’application de la loi pour établir une coopération entre les organismes chargés de l’application de la loi des États membres de l’ONU. Le projet final du
document devrait être soumis par le Comité spécial à l’Assemblée générale des Nations unies lors de sa 78ème session en 2024.
La délégation interministérielle russe est représentée par des experts du ministère des Affaires étrangères, du bureau du procureur général, de la
commission d’enquête, du ministère de l’Intérieur, du ministère de la Justice et du ministère du Développement numérique. Dans le même temps nous notons le manquement des autorités de la
République d’Autriche à remplir leurs obligations de recevoir les subdivisions de l’ONU et d’assurer les négociations internationales sur ladite convention sur sa plateforme, qui s’était
traduit par le refus de délivrer un visa à l’un des membres de la délégation russe.
Nous comptons sur la participation constructive de tous les États membres de l’ONU au processus de négociation en vue de convenir dans les meilleurs délais
d’une future convention et de son entrée en vigueur dans l’intérêt du renforcement des fondements juridiques internationaux de la coopération dans la lutte contre la criminalité
informatique.
Réponses aux questions des médias
:
Question : Répondant à
une question sur la façon dont le secrétariat de l’ONU évalue la décision de l’Allemagne, des États-Unis et de la France de livrer des véhicules de combat d’infanterie à Kiev, le
porte-parole du secrétaire général des Nations unies, Stéphane Dujarric, a déclaré que l’objectif des Nations unies est de voir le conflit en Ukraine prendre fin le plus rapidement
possible. Comment pouvez-vous commenter cette déclaration et la position des Nations unies ?
Maria Zakharova : Il y a
deux points que je voudrais souligner à cet égard. Premièrement, qu’entendez-vous par « la position des Nations unies » ? Les points de vue exprimés par le secrétariat de l’ONU
et les États membres de l’ONU ne sont pas les mêmes. Permettez-moi de vous rappeler qu’en vertu de l’article 97 de la Charte des Nations unies, le secrétaire général est le « plus
haut fonctionnaire de l’Organisation. » Cela signifie que les fonctions du secrétariat sous sa direction sont limitées aux affaires administratives, ce qui n’implique pas
l’expression d’opinions politiques indépendantes.
Deuxièmement, cela peut sembler paradoxal, mais il y a deux poids deux mesures dans les propos du porte-parole du secrétaire général des Nations unies,
Stéphane Dujarric, concernant la nécessité d’une résolution rapide du conflit. En effet, lorsqu’ils parlent de l’Ukraine, des développements dans et autour de ce pays, les subordonnés
d’Antonio Guterres disent toujours que la paix dans ce pays doit être obtenue dans le respect de la Charte des Nations unies et du droit international. C’est ce que Stéphane Dujarric a
dit dans sa réponse. Pour le secrétariat, cela inclut clairement les résolutions de l’Assemblée générale de l’ONU, y compris les plus ambiguës et celles adoptées sans le moindre
consensus. Pour vous donner un exemple, il s’agit de la résolution 68/262 de l’Assemblée générale des Nations unies « Intégrité territoriale de l’Ukraine », qui ne reconnaît pas
la Crimée comme faisant partie de la Russie. Lors du vote de cette résolution le 27 mars 2014, près de la moitié des États membres de l’ONU lui ont refusé leur soutien. Il en va de même
pour les résolutions adoptées par la 11ème session extraordinaire d’urgence de l’Assemblée générale des Nations unies, où la Russie était invariablement qualifiée d’agresseur. Pas une
seule d’entre elles n’a été adoptée par consensus.
En gardant tout cela à l’esprit, il est clair que le secrétariat de l’ONU n’a pas le courage de condamner les livraisons d’armes occidentales à Kiev, tout
en lançant des accusations absurdes et non vérifiées contre la Russie. D’ailleurs, ils le font régulièrement et à tous les niveaux.
Nous nous souvenons que pendant les sept années où la résolution 2202 du Conseil de sécurité des Nations unies approuvant le paquet de mesures pour la mise
en œuvre des accords de Minsk était en vigueur et fournissait un cadre international pour la promotion d’un règlement intra-ukrainien, il n’y a pas eu un seul cas où des représentants du
secrétariat des Nations unies ont fait remarquer à Kiev qu’il sabotait les efforts pour mettre en œuvre ce document.
J’ai une meilleure façon de formuler cette question : Je ne me souviens pas d’un seul cas où cette question a été le sujet principal, sans parler de son
intégration dans le courant dominant. Pendant toutes ces années, depuis que le Conseil de sécurité de l’ONU a approuvé les accords de Minsk en 2015, il n’y a pas eu un seul cas où le
secrétariat a fait référence au document ouvertement et en public pour critiquer le régime de Kiev pour ne pas avoir respecté ce document. Cependant, contrairement à la résolution de
l’Assemblée générale, il est contraignant pour tous les États membres de l’ONU. Il est impossible de contourner ce fait lorsqu’il s’agit de résolutions du Conseil de sécurité des Nations
unies. Toute personne, qu’elle soit investie d’une autorité ou non, a le droit de dire que ce document est contraignant pour tous et qu’il doit être respecté. Tout en assumant le rôle
d’appel à l’exécution de divers instruments juridiques internationaux, les représentants du secrétariat de l’ONU ont, pour une raison ou une autre, ignoré la décision du Conseil de
sécurité, principal organe de sécurité de l’ONU.
Malheureusement, en choisissant de suivre les résolutions de l’Assemblée générale, adoptées sans consensus, alors que le Conseil de sécurité de l’ONU, dont
la responsabilité première est de maintenir la paix et la sécurité internationales, adopte ses résolutions à l’unanimité, le secrétariat coupe court à ses aspirations d’être un honnête
intermédiaire impartial dans la crise ukrainienne.
Ses fonctions impliquent des responsabilités qui doivent être honorées.
Question : Les tensions
au Kosovo ne faiblissent pas. Belgrade a demandé au commandement de la mission de l’OTAN stationnée au Kosovo d’autoriser le retour dans la région d’un maximum de 1000 agents de la force
publique serbes. Quelle est la position de Moscou sur cette question ?
Maria Zakharova : Les
nouvelles en provenance du Kosovo sont inquiétantes. L’atmosphère de haine envers les Serbes s’intensifie. Les attaques des radicaux albanais contre de jeunes Serbes, dont un enfant de 11
ans, qui ont eu lieu la veille et l’avant-veille de Noël, sont choquantes par leur caractère blasphématoire. Ces crimes sont une conséquence directe de l’intolérance ethnique qui est
alimentée de manière maniaque par le « premier ministre » local Albin Kurti, quoi qu’il en dise actuellement.
Nous avons pris note des déclarations des Kosovars selon lesquelles les auteurs seront punis, mais personne ne se fait d’illusions car trop d’incidents
anti-serbes survenus ces dernières années n’ont pas fait l’objet d’une enquête.
Belgrade a envoyé une demande à la force internationale de maintien de la paix au Kosovo pour déployer jusqu’à 1000 militaires et policiers serbes au Kosovo
dans le but de protéger les Serbes du Kosovo. Comme vous le savez peut-être, ce n’est pas quelque chose que Belgrade a imaginé à l’improviste ou que les autorités serbes ont trouvé du
jour au lendemain. C’est inscrit dans la résolution 1244 du Conseil de sécurité des Nations unies. Selon les informations, le commandement de l’OTAN a décliné la demande le 6 janvier
2023. Cette réponse était-elle prévisible ? Oui, elle l’était. En gardant cela à l’esprit, les dirigeants serbes détermineront les prochaines mesures à prendre pour parvenir à une
désescalade et rétablir l’ordre au Kosovo.
Nous restons fermement fondés sur la primauté du droit international et sur la résolution fondamentale 1244 du Conseil de sécurité des Nations unies, qui
contient des lignes directrices efficaces pour surmonter les difficultés qui pourraient survenir sur la voie d’un règlement au Kosovo.
Stéphane Dujarric et Antonio Guterres sont-ils maintenant prêts à demander à l’OTAN ou à la Force de paix au Kosovo d’appliquer la résolution 1244 et plus
particulièrement ce paragraphe ? Ils ne feront pas d’erreur, car ce document est contraignant pour tous. Il peut être mis sous les feux de la rampe. Pourquoi pas ? C’est un sujet brûlant.
On n’en discute pas seulement. On a l’impression que quelque chose est sur le point de se produire. À chaque fois, la communauté internationale et Belgrade, animés d’un esprit
constructif, parviennent à maîtriser la situation. Mais ce à quoi nous assistons, c’est à une provocation après une provocation. Pourquoi le secrétariat des Nations unies, qui est si
profondément impliqué dans les questions relatives à l’Ukraine, ne cite-t-il pas et ne lit-il pas la résolution 1244 lors de ses briefings et n’appelle-t-il pas les forces en présence à
l’appliquer ? Pourquoi le secrétariat des Nations unies ne veut-il pas appuyer la demande de Belgrade, formulée dans cette résolution, de retour des forces militaires et policières serbes
dans la province, alors que c’est ce que prévoit la résolution ?
Je le répète, personne ne commettra d’erreur s’il prend une résolution du Conseil de sécurité des Nations unies et lit ses dispositions en préservant
l’intégrité de ce document et des appels à sa mise en œuvre. C’est une bonne raison de montrer au Secrétariat votre position impartiale.
Le fait que les principaux pays occidentaux aient rejeté cette approche équitable est assez révélateur. L’ambassadeur américain à Belgrade a récemment remis
publiquement en question la pertinence de la résolution 1244, qui aurait été adoptée dans des circonstances géopolitiques différentes et serait donc aujourd’hui dépassée. Quelqu’un a-t-il
déjà essayé de la réviser ? Pas à ma connaissance. Les réalités ont-elles changé ? Si Belgrade estime que quelque chose ne va pas dans cette résolution, y a-t-il eu des tentatives pour la
modifier ? Non, il n’y en a pas eu.
La remarque de l’ambassadeur américain reflète clairement la volonté de Washington de rayer de ce document de l’ONU les dispositions contestables, y compris
le droit de la Serbie de renvoyer ses forces de sécurité au Kosovo. Cette fabrication résonne clairement avec les aveux révélateurs de l’ancienne chancelière allemande Angela Merkel et de
l’ex-président français François Hollande, qui ont mis à nu ce que les politiciens occidentaux pensaient réellement des fondements juridiques internationaux du règlement en Ukraine, y
compris la résolution 2202 du Conseil de sécurité des Nations unies à l’appui du paquet de mesures pour la mise en œuvre des accords de Minsk. Voilà ce que le collectif occidental pense
réellement du droit international. Lorsqu’il sert leurs intérêts, ils le citent et l’appliquent. Dans le cas contraire, ils l’oublient et insistent pour revoir la situation en dehors du
cadre juridique international. S’ils ne le considèrent pas comme quelque chose d’important, ils ne s’y conformeront pas et le réviseront à la place.
Nous sommes convaincus que de nombreux facteurs de risque à l’origine de la violence récurrente au Kosovo-Metohija peuvent être neutralisés grâce à la
création de la Communauté des municipalités serbes du Kosovo, qui est vitale pour la sécurité et le bien-être de la population serbe. Cependant, contrairement aux obligations découlant de
l’accord de Bruxelles de 2013, Pristina continue de saboter la formation de cette entité. Il ne fait aucun doute que sans la création de la Communauté des municipalités serbes du Kosovo,
la vie dans la province continuera d’être entachée d’éclats de tension causés par la vulnérabilité de la communauté serbe face aux politiques xénophobes répressives menées par les
« autorités » provinciales.
Question : Il a été
rapporté que les autorités de Pristina prévoient de restaurer la maison de Xhafer Deva, une figure albanaise du Kosovo qui a collaboré avec les nazis pendant la Seconde Guerre mondiale.
Que pouvez-vous dire de cette initiative ?
Maria Zakharova : Nous
avons commenté cette question plus d’une fois (les 12, 26 et 30 décembre 2022). Nous sommes préoccupés par la pratique continue du Kosovo de réhabiliter et de glorifier le nazisme. Vous
l’avez noté correctement. Je ne peux qu’ajouter quelques détails.
Le budget territorial 2023 prévoit 300 000 euros pour restaurer la maison du complice nazi Xhafer Deva à Mitrovica, au Kosovo. Il était un odieux ministre
des affaires intérieures dans le gouvernement fantoche albanais pendant l’occupation allemande de 1943-1944. Il n’était pas un leader ou un champion de la démocratie, mais un
collaborationniste de haut rang. Il était personnellement responsable des exécutions massives de membres du mouvement anti-fasciste et de civils, de la déportation de Juifs vers les camps
de la mort et du renforcement de la division SS albanaise Scanderbeg. Si l’on vous répète qu’il était un champion des libertés, ne le croyez pas.
En février 2022, l’Union européenne et le programme de développement des Nations unies ont prudemment réduit leur participation à ce projet après que des
publications à ce sujet ont provoqué un tollé international. Les travaux de restauration ont été suspendus. Cependant, Pristina ne veut pas s’arrêter (car Washington est toujours derrière
elle) et a l’intention de terminer ce projet. En présentant les criminels nazis comme les chefs quasi historiques du mouvement national albanais, les Kosovars continuent de former leur
identité autour de bouchers et de crapules comme Xhafer Deva, qui est connu comme l’Hitler du Kosovo. Cela ne vous rappelle-t-il pas quelque chose ? Nous avons répété les mêmes choses
aujourd’hui à propos de Stepan Bandera et de la banderisation en Ukraine.
Malheureusement, de telles actions sont manifestement encouragées par les États-Unis et les principaux pays de l’UE. En décembre de l’année dernière, ils
ont voté à l’unanimité pour la première fois contre la résolution russe annuelle sur la lutte contre la glorification du nazisme à l’Assemblée générale des Nations unies. Avant cela,
seuls les États-Unis et l’Ukraine avaient systématiquement voté contre. Malheureusement, les pays de l’UE les ont maintenant rejoints. Avec leur silence ostentatoire sur la politique de
Pristina consistant à réviser l’histoire de la Seconde Guerre mondiale, Washington et ses marionnettes européennes encouragent la poursuite de la croissance des attitudes radicales de
droite au Kosovo et aggravent les menaces pour la sécurité des habitants non albanais. Tout ce que nous voyons actuellement en Ukraine se pratique là aussi.
Question : Comment
considérez-vous la décision de la France de commencer à envoyer des véhicules lourdement armés en Ukraine ? Quels sont les objectifs de Paris dans cette démarche et quelles sont les
conséquences probables de ses actions ?
Maria Zakharova : Nous
ne sommes pas surpris par les escapades de Paris. Nous considérons les démarches de la France comme irréfléchies et irresponsables par rapport à la crise ukrainienne. La décision
d’envoyer davantage d’équipements militaires en Ukraine est une action de plus qui provoque une nouvelle escalade et davantage de victimes, y compris des victimes civiles, dans ces
nouvelles régions russes qui sont déjà sous le feu des armes françaises, notamment les systèmes d’artillerie automoteurs Caesar. Comme vous le savez peut-être, des preuves matérielles
laissées par l’utilisation d’armes françaises contre des cibles civiles dans le Donbass ont été envoyées l’autre jour à l’ambassadeur de France en Russie, M. Pierre Levy.
Dans ce contexte, les remarques douteuses de la ministre française de l’Europe et des Affaires étrangères, Catherine Colonna, selon lesquelles la fourniture
d’un véhicule de combat lourdement armé, l’AMX-10 RC, ne fait soi-disant pas de la France une partie au conflit, sont remarquables. Ils ne devraient pas être si modestes. Cet équipement
fait d’elle une partie au conflit ! Avec leur décision provocatrice de faire don de chars à roues de fabrication française au régime de Kiev, les Français ouvrent encore plus largement la
boîte de Pandore et approfondissent leur implication dans le conflit. Les livrez-vous juste pour le plaisir ? Ou pour être exposés dans un musée ? Ou dans le cadre d’un engagement de
non-utilisation ? Bien sûr que non ! Vous ne devez pas désinformer votre propre population.
La politique de Paris consistant à remplir inconsidérément l’Ukraine d’armes a révélé le cynisme et la duplicité de ses déclarations concernant son désir
d’éviter une escalade du conflit, la nécessité de maintenir un dialogue avec la Russie et son attitude sérieuse à l’égard des exigences de Moscou en matière de garanties de sécurité. Il
s’agit soit d’une dichotomie, d’une situation où différentes agences contrôlées dans une certaine mesure par les dirigeants français prennent des mesures contradictoires, soit d’un
ramassis de mensonges cyniques et de fraudes.
En fait, Paris continue de suivre la spirale de la confrontation et d’appeler à une victoire sur la Russie. De cette manière, elle réduit à néant les
chances d’une « médiation impartiale », que la France a proposée à plusieurs reprises.
Selon nous, Paris doit reconnaître sa responsabilité directe dans l’échec des accords de Minsk et dans les efforts déployés pendant des années pour
entretenir l’illusion du régime de Kiev qu’une solution militaire au conflit était possible. Cela s’est d’abord fait aux niveaux verbal et politique, et maintenant sous forme
d’incitations matérielles sous la forme de fournitures d’armes.
Les élites milliardaires utilisent
leur pouvoir sur les médias, la classe politique et l’opinion publique pour contraindre Joe Biden à envoyer des troupes américaines en Ukraine pour empêcher une victoire russe. Les
conservateurs idiots pensent que les médias font pour une fois leur travail en rapportant avec précision les prétendues transgressions de Biden. Mais, en réalité, les médias montrent
simplement qu’ils peuvent changer de camp à tout moment afin de poursuivre l’agenda élitiste.
Personne ne devrait être surpris que le « problème des documents classifiés » de Joe Biden soit apparu au moment même où une ville clé d’Ukraine
(Soledar) a été libérée par les troupes russes. Tous les rapports récents en provenance des lignes de front indiquent que l’armée russe ne cesse de s’emparer de nouveaux territoires dans
l’est du pays tout en infligeant de lourdes pertes aux forces ukrainiennes surclassées. En bref, l’armée ukrainienne est battue à plates coutures, ce qui oblige les planificateurs de
guerre américains à repenser leur approche. Ce que les États-Unis doivent faire pour l’emporter dans leur guerre par procuration avec la Russie, c’est s’assurer le concours d’une
coalition de nations (États-Unis, Pologne, Roumanie et Royaume-Uni) qui sont prêtes à engager des troupes de combat dans le conflit, étant entendu que l’OTAN ne participera pas
directement à une guerre terrestre avec la Russie. Biden avait auparavant rejeté l’idée d’envoyer des troupes en Ukraine, reconnaissant que cela reviendrait à lancer une troisième guerre
mondiale. Mais à mesure que le scandale des « documents classifiés » prend de l’ampleur, le président malléable va probablement s’aligner et faire tout ce que l’establishment
belliciste de la politique étrangère exige de lui. En bref, l’affaire des documents est utilisée par des agents de pouvoir en coulisse qui font chanter le président pour poursuivre leurs
propres intérêts étroits. Ils tiennent Brandon par les c*******.
La plupart des lecteurs se souviendront que l’ordinateur portable de Hunter Biden contient une abondance d’informations liées à la vaste opération de trafic
d’influence de la famille Biden. Toutes ces informations ont été délibérément supprimées dans les médias grand public afin d’ouvrir la voie à la victoire de Biden à l’élection
présidentielle de 2020. Alors pourquoi – on se le demande – ce nouveau scandale a-t-il fait la une des journaux alors que l’histoire du portable a été complètement enterrée ? Et pourquoi
les néoconservateurs les plus belliqueux du Sénat, comme Lindsey Graham, réclament-ils un « avocat spécial » alors qu’ils n’ont fait aucun effort pour révéler les détails
sordides de l’ordinateur portable ? Ceci est tiré d’un article de Zero
Hedge :
« Le sénateur Lindsey
Graham (R-S.C.), l’un des principaux membres de la commission judiciaire du Sénat, a demandé mercredi au procureur général Merrick Garland de nommer un avocat spécial pour enquêter sur la
manipulation de documents classifiés par le président Biden lorsqu’il était vice-président. (…)
« Je pense que
si vous croyez qu’un avocat spécial est nécessaire pour rassurer le public sur la manipulation de documents classifiés par Donald Trump, vous devriez appliquer un avocat spécial à la
mauvaise manipulation de documents classifiés par le président Biden lorsqu’il était vice-président », a déclaré Graham lors d’une interview avec Martha MacCallum sur Fox News.
(…)
« Garland, si
vous écoutez, si vous avez pensé qu’il était nécessaire de nommer un conseiller spécial concernant le président Trump, alors vous devez faire exactement la même chose concernant le
président Biden quand il s’agit de traiter des informations classifiées », a déclaré Graham »1.
Alors, maintenant Lindsey Graham est un champion de la vérité et de la transparence ?
Ne me faites pas rire.
Je vous assure que si Biden annonçait demain le déploiement de troupes de combat américaines en Ukraine, Graham retirerait immédiatement sa demande d’un
avocat spécial. Il s’agit de l’Ukraine, pas de documents classifiés ou d’un comportement présidentiel potentiellement illégal. Et, quoi que vous pensiez de Biden, il ne veut pas être le
président qui déclenche la troisième guerre mondiale. Malheureusement, les élites qui contrôlent les médias, les politiciens et la plupart des richesses de la nation sont déterminées à
élargir le conflit, ce qui explique pourquoi le discours des médias a radicalement changé la semaine dernière. Jetez un coup d’œil à ce court extrait d’un article de CNN qui,
jusqu’à présent, n’avait cessé de promouvoir le mème « l’Ukraine gagne » au cours des 11 derniers mois.
« La situation est
critique. Difficile. Nous nous accrochons jusqu’au dernier », a déclaré le soldat.
Le soldat fait partie
de la 46e brigade aéromobile, qui mène le combat de l’Ukraine pour tenir Soledar face à un assaut massif des troupes russes et des mercenaires de Wagner. (…) Le soldat a déclaré qu’il
pensait que les chefs militaires ukrainiens finiraient par abandonner la lutte pour Soledar et s’est demandé pourquoi ils ne l’avaient pas encore fait.
« Tout le monde
comprend que la ville sera abandonnée. Tout le monde le comprend », a-t-il déclaré. « Je veux juste comprendre quel est l’intérêt [de se battre maison par maison]. Pourquoi
mourir, si nous allons de toute façon la quitter aujourd’hui ou demain ? »… « Personne ne vous dira combien il y a de morts et de blessés. Parce que personne ne le sait avec
certitude. Pas une seule personne », a-t-il dit. « Ni au quartier général, ni ailleurs. Les positions sont prises et reprises en permanence. Ce qui était notre maison
aujourd’hui, devient celle de Wagner le jour suivant ».
« À Soledar,
personne ne compte les morts », a-t-il ajouté. » « La situation est critique. Difficile. Nous nous accrochons jusqu’au dernier », a déclaré le
soldat »2.
Pouvez-vous voir la différence dans la couverture médiatique ? Plus d’histoires sur les Ukrainiens « courageux » battant les Orques russes
macabres. Non. Au lieu de cela, c’est la froide et amère vérité : l’Ukraine perd et perd durement. Mais comment expliquer ce soudain « changement narratif » ? Et pourquoi le
Washington Post a-t-il offert une tribune à deux va-t-en-guerre de l’administration de George W. Bush pour qu’ils plaident avec passion en faveur d’un soutien militaire d’urgence afin de
repousser l’offensive hivernale de la Russie ? Voici l’ancienne secrétaire d’État Condoleezza Rice et l’ancien secrétaire à la Défense Robert Gates lançant un appel désespéré et ultime à
une aide immédiate pour empêcher l’effondrement des forces ukrainiennes dans le Donbass :
« Bien que la réponse
de l’Ukraine à l’invasion ait été héroïque et que son armée se soit comportée brillamment, l’économie du pays est en ruine, des millions de personnes ont fui, ses infrastructures sont
détruites et une grande partie de ses richesses minérales, de sa capacité industrielle et de ses terres agricoles considérables sont sous contrôle russe.
La capacité militaire
et l’économie de l’Ukraine dépendent désormais presque entièrement des lignes de vie de l’Occident – principalement des États-Unis. (…) Dans les circonstances actuelles, tout
cessez-le-feu négocié laisserait les forces russes en position de force pour reprendre leur invasion dès qu’elles seront prêtes. C’est inacceptable.
La seule façon
d’éviter un tel scénario est que les États-Unis et leurs alliés fournissent d’urgence à l’Ukraine une augmentation spectaculaire des fournitures et des capacités militaires – suffisantes
pour dissuader une nouvelle offensive russe et permettre à l’Ukraine de repousser les forces russes à l’est et au sud. (…)
Les membres de l’OTAN
doivent également fournir aux Ukrainiens des missiles à plus longue portée, des drones perfectionnés, d’importants stocks de munitions (notamment des obus d’artillerie), davantage de
moyens de reconnaissance et de surveillance, ainsi que d’autres équipements. Ces capacités sont nécessaires dans quelques semaines, et non dans quelques mois. (…) Le moyen d’éviter une
confrontation avec la Russie à l’avenir est d’aider l’Ukraine à repousser l’envahisseur dès maintenant »3.
Normalement, les membres les plus âgés de l’establishment politique font preuve de plus de retenue dans leurs déclarations, mais pas ici. C’est du désespoir
pur et simple. Rice et Gates déclarent sans ambages que l’Ukraine est dans une situation désespérée, que son économie et ses infrastructures sont en ruines, que des millions de personnes
ont fui le pays et que la plupart des richesses naturelles de la nation sont sous contrôle russe. C’est un désastre, et c’est un désastre auquel Gates et Rice veulent remédier en
injectant davantage d’armes dans un État défaillant qui n’a aucune chance de gagner la guerre. Cela a-t-il un sens ?
En ce moment même, les lignes de front ukrainiennes s’effritent, tout comme s’effrite l’illusion que les guerres sont déterminées par la compétence des
services de propagande. Ce qui reste, c’est la perspective imminente que les Russes sont essentiellement sur le point de l’emporter dans la conflagration la plus sanglante et la plus
conséquente de cette guerre, Bakhmout, le centre de transport oriental qui sera probablement le point tournant de la campagne générale. Lorsque Bakhmout tombera, les Ukrainiens seront
contraints de se replier sur leurs troisième et quatrième lignes de défense, ce qui rapprochera de plus en plus la guerre du Dniepr, puis de Kiev. Le drapeau à damier est progressivement
en vue. Mais ne me croyez pas sur parole. Voici un extrait d’une interview du général Valery Zaluzhny, qui est le commandant en chef des forces armées ukrainiennes :
« La mobilisation russe
a fonctionné », déclare le général Zaluzhny. (…) « Il ne faut pas négliger l’ennemi. Ils ne sont pas faibles… et ils ont un très grand potentiel en termes d’effectifs ».
(…) La mobilisation a également permis à la Russie de faire tourner ses forces sur le front et hors du front plus fréquemment, dit-il, ce qui leur permet de se reposer et de récupérer.
« À cet égard, ils ont un avantage ».
« Par
conséquent, tout dépend vraiment de la quantité de fournitures, et cela détermine le succès de la bataille dans de nombreux cas ». Le général Zaluzhny, qui est en train de lever un
nouveau corps d’armée, déroule une liste de souhaits. « Je sais que je peux battre cet ennemi », dit-il. « Mais j’ai besoin de ressources. J’ai besoin de 300 chars, 600-700
IFV [véhicules de combat d’infanterie], 500 Howitzers ». L’arsenal progressif qu’il recherche est plus important que le total des forces blindées de la plupart des armées
européennes. (…)
En privé, cependant,
les responsables ukrainiens et occidentaux admettent qu’il pourrait y avoir d’autres issues. « Nous pouvons et devons prendre beaucoup plus de territoires », insiste le général
Zaluzhny. Mais il reconnaît indirectement que les avancées russes pourraient s’avérer plus importantes que prévu, et les avancées ukrainiennes plus faibles. (…)
« Il me semble
que nous sommes sur le fil du rasoir », prévient le général Zaluzhny… « Je n’ai aucun doute sur le fait qu’ils vont à nouveau s’en prendre à Kiev (…) Les enfants commencent à
geler », dit-il. « Dans quel état d’esprit seront les combattants ? Sans eau, lumière et chaleur, peut-on parler de préparer des réserves pour continuer à se battre
? »4.
Cela ressemble-t-il à un général confiant dans ses chances de succès ou à un chef militaire fatalement résigné à la défaite ?
Ce que dit Zaluzhny, c’est qu’il a besoin d’une armée entièrement nouvelle pour pouvoir concurrencer les Russes. (« J’ai besoin de
ressources. J’ai besoin de 300 chars, 600-700 IFV, 500 Howitzers ») Et, même si ses demandes sont satisfaites, le peuple ukrainien sera laissé « gelé » dans
l’obscurité, « sans eau, sans
lumière et sans chaleur ». C’est pourquoi, selon le Haut-commissariat des Nations unies pour les réfugiés (HCR), 8 millions d’Ukrainiens ont déjà fui en Europe et 3 millions en
Russie. (Tass)
La guerre de Washington contre la Russie a transformé le pays en un désert inhabitable entièrement soutenu par la charité étrangère en échange d’un
engagement résolu envers l’agenda mondialiste. En vérité, « I Stand with Ukraine » signifie « Je soutiens l’anéantissement sommaire d’une civilisation florissante pour que
Washington puisse réaliser ses ambitions pernicieuses ». C’est ce que cela signifie vraiment.
Nous ne critiquons pas Zaluzhny qui ne fait que son travail. Nous critiquons les faucons de guerre et les néoconservateurs américains qui ont provoqué cette
guerre mais n’ont jamais anticipé la catastrophe qu’ils créaient. Ils ne se sont jamais attendus à ce qu’un jour, l’officier le plus haut gradé d’Ukraine exige une armée entièrement
nouvelle pour battre les Russes. Ils n’ont jamais pensé que les sanctions économiques les plus complètes jamais imposées à un pays se retourneraient contre nous et ne feraient que nuire à
nos alliés les plus proches en Europe. Ils ne se sont jamais attendus à ce que ces mêmes sanctions servent à enrichir la Russie et à renforcer ses liens avec des pays qui sont des rivaux
stratégiques des États-Unis. Ils ne se sont jamais attendus à ce que la Chine et l’Inde fassent un pied de nez aux sanctions américaines et profitent pleinement du gaz et du pétrole bon
marché de la Russie pour développer leurs économies, laissant l’Europe languir dans un marasme permanent provoqué par leur attachement irrationnel aux États-Unis. Ils ne s’attendaient à
rien de tout cela, ce qui nous amène à conclure que la manœuvre ukrainienne est probablement la débâcle de politique étrangère la plus mal planifiée de tous les temps, qui a conduit au
plus grand désastre stratégique de l’histoire américaine.
Pour les personnes qui ont suivi de près les événements en Ukraine, la plupart de ce que je dis semblera évident. Pour ceux qui croient les reportages des
médias, eh bien, nous pensons qu’ils vont être très surpris par les événements à venir. L’issue des guerres terrestres interarmes n’est pas décidée par les auteurs de fiction du New York
Times. La guerre en Ukraine va se terminer en faveur du camp le plus puissant, c’est certain. Jetez un coup d’œil à ce bref résumé rédigé par le lieutenant-colonel américain Alex
Vershinin, ancien combattant, qui a travaillé en tant qu’officier chargé de la modélisation et des simulations au sein de l’OTAN et du développement et de l’expérimentation de concepts de
l’armée américaine :
« Les guerres d’usure
se gagnent en gérant soigneusement ses propres ressources tout en détruisant celles de l’ennemi. La Russie est entrée dans la guerre avec une vaste supériorité matérielle et une base
industrielle plus importante pour soutenir et remplacer les pertes. Elle a soigneusement préservé ses ressources, se retirant chaque fois que la situation tactique se retournait contre
elle. L’Ukraine a commencé la guerre avec un plus petit réservoir de ressources et a compté sur la coalition occidentale pour soutenir son effort de guerre. Cette dépendance a poussé
l’Ukraine à lancer une série d’offensives tactiquement réussies, qui ont consommé des ressources stratégiques que l’Ukraine aura du mal à remplacer en totalité, à mon avis. La vraie
question n’est pas de savoir si l’Ukraine peut regagner tout son territoire, mais si elle peut infliger des pertes suffisantes aux réservistes russes mobilisés pour saper l’unité
intérieure de la Russie, la forçant à s’asseoir à la table des négociations aux conditions ukrainiennes, ou si la stratégie d’attrition des Russes fonctionnera pour annexer une partie
encore plus grande de l’Ukraine »5.
La question de savoir si la Russie a commis des erreurs au début de son opération militaire contribue à notre compréhension de ce qui se passe maintenant.
Pensez-y. Poutine a appelé 300 000 réservistes supplémentaires en septembre. C’est un aveu qu’il a mal calculé le nombre de troupes de combat dont il avait besoin pour remplir la mission.
Mais maintenant il a corrigé cette erreur. Sinon, pourquoi aurait-il appelé 300 000 réservistes et mis la guerre en attente jusqu’à ce qu’ils aient rejoint leurs unités et soient prêts
pour des opérations offensives ?
Ce que nous essayons de faire comprendre est simple : Poutine a maintenant rassemblé l’armée dont il a besoin pour finir le travail par la force militaire.
En termes simples, il est prêt à agir. En fait, son armée a déjà fait des progrès significatifs dans l’est du pays, où une ville clé a été libérée mardi (Soledar). Nous nous attendons à
ce que ces victoires régionales se poursuivent tout au long de l’hiver et au printemps. Nous ne pensons pas que la fourniture de chars, de véhicules blindés, de javelots, de Patriots ou
d’autres systèmes d’armes fera une différence significative dans l’issue de la guerre. La seule façon pour Washington d’éviter une défaite humiliante en Ukraine est de prendre la tête
d’une coalition de pays qui sont prêts à engager des troupes de combat et une puissance aérienne pour combattre l’armée russe. En d’autres termes, nous approchons rapidement du
« moment de vérité » que beaucoup avaient prévu dès le début : un affrontement direct entre les États-Unis et la Russie.
C’est la guerre que veulent les néocons fanatiques et c’est pourquoi ils utilisent les « documents classifiés » pour obtenir le soutien de Biden.
C’est du chantage.
« La troisième guerre mondiale a commencé » est
sa nouvelle thèse. Todd est assez célèbre pour avoir prédit correctement la dévolution de l’Union soviétique bien avant qu’elle ne se produise. Il était assez seul à la prévoir
l’époque.
J’ai déjà publié un article sur des prédictions antérieures de Todd, concernant les États-Unis et l’Europe, qui semblent toujours exactes. Je l’ai également cité dans un article sur le déclin social en tant que problème de sécurité nationale.
Malheureusement, l’article du Figaro est payant. Mais Arnaud Bertrand nous a fait la faveur de traduire l’essentiel. Voici son texte légèrement modifié :
Emmanuel Todd, l’un des plus grands
intellectuels français actuels, affirme que la « troisième guerre mondiale a commencé.«
Petit traduisant les points les plus importants de cette interview passionnante.
Selon lui, « il est évident que
le conflit, qui a commencé comme une guerre territoriale limitée et qui est en train de se transformer en une confrontation économique globale entre l’ensemble de l’Occident d’une part et la
Russie et la Chine d’autre part, est devenu une guerre mondiale.«
Il
estime que « Poutine a commis très tôt une grosse erreur, à savoir qu’à la veille de la guerre, [tout le monde voyait l’Ukraine] non pas comme une démocratie naissante, mais comme
une société en décomposition et un « État failli » en devenir. […] Je pense que le calcul du Kremlin était que cette société en décomposition s’effondrerait au premier choc. Mais ce
que nous avons découvert, au contraire, c’est qu’une société en décomposition, si elle est alimentée par des ressources financières et militaires extérieures, peut trouver dans la guerre un
nouveau type d’équilibre, et même un horizon, un espoir.«
Il
dit partager l’analyse de Mearsheimer sur le conflit : « Mearsheimer nous dit que l’Ukraine, dont l’armée a été prise en charge par les soldats de l’OTAN (américains, britanniques
et polonais) depuis au moins 2014, était donc membre de facto de l’OTAN, et que les Russes avaient annoncé qu’ils ne toléreraient jamais l’Ukraine dans l’OTAN. De leur point de vue, les
Russes sont donc dans une guerre défensive et préventive. Mearsheimer ajoute que nous n’aurions aucune raison de nous réjouir des difficultés éventuelles des Russes, car comme il s’agit pour
eux d’une question existentielle, plus ce sera difficile, plus ils frapperont fort. Cette analyse semble se vérifier. »
Il a cependant
quelques critiques à l’égard de Mearsheimer :
« Mearsheimer, en bon Américain,
surestime son pays. Il considère que, si pour les Russes la guerre en Ukraine est existentielle, pour les Américains elle n’est au fond qu’un ‘jeu’ de pouvoir parmi d’autres. Après le
Vietnam, l’Irak et l’Afghanistan, qu’est-ce qu’une débâcle de plus ? L’axiome de base de la géopolitique américaine est le suivant : « Nous pouvons faire ce que nous voulons car nous
sommes à l’abri, loin, entre deux océans, rien ne nous arrivera jamais ». Rien ne serait existentiel pour l’Amérique.
Une analyse insuffisante qui conduit aujourd’hui Biden à avancer sans réfléchir. L’Amérique est fragile. La résistance de l’économie russe pousse le système
impérial américain vers le précipice. Personne n’avait prévu que l’économie russe résisterait à la « puissance économique » de l’OTAN. Je crois que les Russes eux-mêmes ne l’avaient
pas prévu.
Si l’économie russe résistait indéfiniment aux sanctions et parvenait à épuiser l’économie européenne, tout en restant elle-même, soutenue par la Chine, les
contrôles monétaires et financiers américains sur le monde s’effondreraient, et avec eux la possibilité pour les Etats-Unis de financer sans effort leur énorme déficit commercial. Cette
guerre est donc devenue existentielle pour les Etats-Unis. Pas plus que la Russie, ils ne peuvent se retirer du conflit, ils ne peuvent lâcher prise. C’est pourquoi nous sommes maintenant
dans une guerre sans fin, dans une confrontation dont l’issue doit être l’effondrement de l’un ou l’autre. »
Il croit
fermement que les États-Unis sont en déclin, mais y voit une mauvaise nouvelle pour l’autonomie des États vassaux :
« Je viens de lire un livre de S.
Jaishankar, ministre indien des Affaires étrangères (The India Way), publié juste avant la guerre, qui voit la faiblesse américaine, qui sait que la confrontation entre la Chine et les
États-Unis n’aura pas de vainqueur mais donnera de l’espace à un pays comme l’Inde, et à beaucoup d’autres. J’ajoute : mais pas aux Européens. Partout, nous voyons l’affaiblissement des
États-Unis, mais pas en Europe et au Japon, car l’un des effets de la rétraction du système impérial est que les États-Unis renforcent leur emprise sur leurs protectorats initiaux. Au fur et
à mesure que le système américain se rétracte, il pèse de plus en plus lourd sur les élites des protectorats (et j’inclus ici toute l’Europe). Les premiers à perdre toute autonomie nationale
seront (ou sont déjà) les Anglais et les Australiens. L’Internet a produit une interaction humaine avec les États-Unis, dans l’anglosphère, d’une telle intensité que ses élites
universitaires, médiatiques et artistiques sont, pour ainsi dire, annexées. Sur le continent européen, nous sommes quelque peu protégés par nos langues nationales, mais la chute de notre
autonomie est considérable, et rapide. Souvenons-nous de la guerre en Irak, lorsque Chirac, Schröder et Poutine avaient osé tenir des conférences de presse communes contre la
guerre.«
Il
souligne l’importance des compétences et de l’éducation : « Les États-Unis sont désormais deux fois plus peuplés que la Russie (2,2 fois plus dans les classes d’âge des
étudiants). Mais aux États-Unis, seuls 7 % des étudiants suivent des cours d’ingénierie, alors qu’en Russie, ils sont 25 %. Cela signifie qu’avec 2,2 fois moins d’étudiants, la Russie forme
30% de plus d’ingénieurs. Les États-Unis comblent le vide avec des étudiants étrangers, mais il s’agit principalement d’Indiens et plus encore de Chinois. C’est un problème sécuritaire et, de
toute façon, leur nombre diminue déjà. C’est un des dilemmes de l’économie américaine : elle ne peut faire face à la concurrence de la Chine qu’en important de la main-d’œuvre chinoise
qualifiée.«
Sur les aspects idéologiques et culturels de
la guerre : « Lorsque nous voyons la Douma russe adopter une législation encore plus répressive sur la ‘propagande LGBT’, nous nous sentons supérieurs. Je peux le ressentir en
tant qu’Occidental ordinaire. Mais d’un point de vue géopolitique, si nous pensons en termes de puissance, c’est une erreur. Sur 75 % de la planète, l’organisation de la parenté est
patrilinéaire et on peut y sentir une forte compréhension des attitudes russes. Pour le collectif non-occidental, la Russie affirme un conservatisme moral rassurant. »
Il
poursuit : « L’URSS avait une certaine forme de soft power [mais] le communisme a fondamentalement horrifié l’ensemble du monde musulman par son athéisme et n’a rien inspiré de
particulier en Inde, en dehors du Bengale occidental et du Kerala. Mais aujourd’hui, la Russie qui s’est repositionnée comme l’archétype de la grande puissance, non seulement
anticolonialiste, mais aussi patrilinéaire et conservatrice des mœurs traditionnelles, peut séduire beaucoup plus. [Par exemple, il est évident que la Russie de Poutine, devenue moralement
conservatrice, est devenue sympathique aux Saoudiens qui, j’en suis sûr, ont un peu de mal avec les débats américains sur l’accès des femmes transgenres aux toilettes.
Les médias occidentaux sont tragiquement drôles, ils ne cessent de répéter : « La Russie est isolée, la Russie est isolée ». Mais lorsque nous
examinons les votes à l’ONU, nous constatons que 75 % du monde ne suit pas l’Occident, ce qui semble alors très peu.
Une lecture anthropologique de ce [clivage entre l’Occident et le reste] nous permet de constater que les pays occidentaux ont souvent une structure familiale
nucléaire avec des systèmes de parenté bilatéraux, c’est-à-dire où la parenté masculine et féminine est équivalente dans la définition du statut social de l’enfant. [Dans le reste du monde],
avec l’essentiel de la masse afro-euro-asiatique, nous trouvons des organisations familiales communautaires et patrilinéaires. Nous voyons alors que ce conflit, décrit par nos médias comme un
conflit de valeurs politiques, est à un niveau plus profond un conflit de valeurs anthropologiques. C’est cet aspect inconscient du clivage et cette profondeur psychique qui rendent la
confrontation dangereuse. »
Voilà. A-t-il
raison sur tout ? Je ne sais pas, mais Emmanuel Todd est certainement toujours un penseur très singulier et intéressant, avec une analyse largement différente des points de vue déprimants et
prévisibles qui dominent habituellement les médias français.
La pensée de Todd rime bien avec celle de Radhika Desai et Michael Hudson, telle que reproduite dans Naked Capitalism.
Yves ici. Un week-end d’écoute passionnant ! Radhika Desai et Michael Hudson lancent un talk-show bihebdomadaire, Geopolitical Economy Hour. Le premier segment
donne une vue d’ensemble, en commençant par l’effondrement de la domination américaine et la façon dont il a été accéléré, ironiquement, par des efforts autodestructeurs pour préserver le
système. Il semble trivial à ce stade d’observer que la défense américaine de son hégémonie a contribué à forger une alliance forte entre la Russie et la Chine. Mais ce partenariat ne
finira-t-il pas par dominer d’autres pays et par entraver le développement d’un ordre véritablement multipolaire ?
De bonnes pistes de réflexion…
Moon of
Alabama
Traduit par Wayan, relu par Hervé, pour le Saker Francophone.
L’axe Chine-Russie allume les feux
d’une insurrection structurelle contre l’Occident dans une grande partie du reste du monde. Ses feux visent à « faire bouillir lentement la grenouille ».
Dans une récente interview accordée
au Financial Times,
un général des Marines américain de haut rang, James Bierman, a expliqué, dans un moment de candeur, comment les États-Unis « préparent le théâtre » en vue d’une éventuelle
guerre contre la Chine, tout en admettant avec désinvolture, en aparté, que les planificateurs de la défense américaine étaient occupés, il y a des années, à l’intérieur de l’Ukraine, à
« préparer sérieusement » la guerre contre la Russie – jusqu’au « prépositionnement des fournitures », en identifiant les sites à partir desquels les États-Unis
pourraient opérer un soutien et soutenir les opérations. En d’autres termes, ils étaient là, préparant l’espace de combat depuis des années.
Ce n’est pas vraiment une surprise, car de telles réponses militaires découlent directement de la décision stratégique fondamentale des États-Unis
d’appliquer la « doctrine Wolfowitz » de 1992,
selon laquelle les États-Unis doivent planifier et agir de manière préventive, afin de mettre hors d’état de nuire toute grande puissance potentielle, bien avant qu’elle n’atteigne le
point où elle peut rivaliser avec les États-Unis ou porter atteinte à leur hégémonie.
Aujourd’hui, l’OTAN a évolué vers une guerre avec la Russie dans un espace de combat qui, en 2023, pourrait ou non se limiter à l’Ukraine. En d’autres
termes, le passage à la « guerre » (qu’il soit progressif ou non) marque une transition fondamentale à laquelle il est impossible de revenir ab initio – les « économies de
guerre » sont, par essence, structurellement différentes de la « normale » à laquelle l’Occident s’est habitué au cours des dernières décennies. Une société de guerre –
même si elle n’est que partiellement mobilisée – pense et agit structurellement différemment de la société de temps de paix.
La guerre n’est pas non plus une affaire de bienséance. L’empathie pour autrui est sa première victime – cette dernière étant une condition nécessaire au
maintien de l’esprit de combat.
Pourtant, la fiction soigneusement entretenue en Europe et aux États-Unis se poursuit, selon laquelle rien n’a vraiment changé ou ne changera : nous vivons
une « secousse » temporaire. Et c’est tout.
Zoltan Pozsar, l’influent « oracle » de la finance au Credit Suisse, a déjà souligné dans son dernier essai « Guerre
et paix » (abonnement uniquement) que la guerre est bien engagée – en énumérant simplement
les événements de 2022 :
Le blocus financier de la Russie par le G7 (l’Occident définit l’espace de combat)
Le blocus énergétique de l’UE par la Russie (la Russie commence à définir son théâtre).
Le blocus technologique des États-Unis contre la Chine (les États-Unis prépositionnent des sites pour soutenir les opérations).
Le blocus naval de Taïwan par la Chine (la Chine montre qu’elle est prête).
Le « blocus » américain du secteur des véhicules électriques de l’UE avec la loi sur la réduction de l’inflation. (Les planificateurs de la
défense américaine se préparent aux futures « lignes d’approvisionnement »).
Le « mouvement de pincement » de la Chine autour de l’ensemble de l’OPEP+ avec la tendance croissante à facturer les ventes de pétrole et de
gaz en renminbi. (« L’espace de bataille des produits de base » Russie-Chine).
Cette liste équivaut à un « bouleversement » géopolitique majeur qui se produit, en moyenne, tous les deux mois – éloignant de manière décisive le
monde de la soi-disant « normale » (à laquelle tant de membres de la classe des consommateurs aspirent ardemment) vers un état intermédiaire de guerre.
La liste de Pozsar montre que les plaques tectoniques de la géopolitique sont sérieusement « en mouvement » – des mouvements qui s’accélèrent et
s’entremêlent de plus en plus, mais qui sont encore loin d’être stabilisés. La « guerre » sera probablement un facteur de perturbation majeur (au minimum), jusqu’à ce qu’un
certain équilibre soit établi. Et cela peut prendre quelques années.
En fin de compte, « La guerre » a un impact sur la mentalité conventionnelle du public, bien que lentement. Il semble que ce soit la crainte de
l’impact sur un état d’esprit non préparé qui soit à l’origine de la décision de prolonger les souffrances de l’Ukraine, et donc de déclencher la guerre de 2023 : Un aveu d’échec en
Ukraine est perçu comme risquant d’effrayer les marchés occidentaux volatils (c’est-à-dire des taux d’intérêt plus élevés pendant plus longtemps). Et le fait de parler franchement
représente une option difficile à prendre pour le monde occidental, habitué aux « décisions faciles » et aux « coups de pied dans le tas ».
Pozsar, en tant que gourou de la finance, se concentre naturellement sur la finance dans son essai. Mais on peut imaginer que la référence à l’ouvrage de
Kindleberger, « Manies,
Paniques et Crashs », n’est donc pas fantaisiste, mais qu’elle est incluse comme une allusion au « choc » possible sur la psyché conventionnelle.
Quoi qu’il en soit, Pozsar nous laisse quatre conclusions économiques clés (avec de brefs commentaires) :
La guerre est le principal
facteur d’inflation de l’histoire, et de la faillite des États. (Commentaire : l’inflation due à la guerre et le resserrement quantitatif (QT) adopté pour lutter contre
l’inflation sont des politiques qui s’opposent radicalement l’une à l’autre. Le rôle des banques centrales se limite à soutenir les besoins de la guerre – au détriment d’autres variables
– en temps de guerre.
• La guerre implique une
capacité industrielle efficace et extensible pour produire des armes (rapidement), ce qui, en soi, nécessite des lignes d’approvisionnement sûres pour alimenter cette capacité. (Une
qualité que l’Occident ne possède plus, et qu’il est coûteux de recréer) ;
• Les produits de base
qui servent souvent de garantie aux prêts se raréfient – et cette raréfaction se traduit par une « inflation » des produits de base ;
• Et enfin, la guerre
coupe de nouveaux canaux financiers, par exemple « le projet m-CBDC Bridge » (voir ici).
Ce point doit être souligné à nouveau : La guerre crée une dynamique financière différente et façonne une psyché différente. Plus important encore, la
« guerre » n’est pas un phénomène stable. Elle peut commencer par des frappes mesquines sur l’infrastructure d’un rival, puis, à chaque fois qu’une mission se développe, glisser
vers une guerre totale. Dans sa guerre contre la Russie, l’OTAN ne se contente pas d’élargir sa mission, elle fait du surplace, craignant une humiliation de l’Ukraine dans le sillage de
la débâcle de l’Afghanistan.
L’UE espère arrêter ce glissement bien avant une guerre totale. Il s’agit néanmoins d’une pente très glissante. Le but de la guerre est d’infliger de la
douleur et de soumettre son ennemi. Dans cette mesure, elle est ouverte à la mutation. Les sanctions formelles et les plafonds sur l’énergie se transforment rapidement en sabotage de
pipelines ou en saisie de pétroliers.
Cependant, la Russie et la Chine ne sont certainement pas naïves et ont été occupées à préparer leur propre théâtre, en prévision d’un éventuel affrontement
plus large avec l’OTAN.
La Chine et la Russie peuvent désormais prétendre avoir établi une relation stratégique, non seulement avec l’OPEP+, mais aussi avec l’Iran et les
principaux producteurs de gaz.
La Russie, l’Iran et le Venezuela représentent environ 40% des réserves pétrolières prouvées dans le monde, et chacun d’entre eux vend actuellement du
pétrole à la Chine pour des renminbis avec une forte décote. Les pays du CCG représentent 40% supplémentaires des réserves pétrolières prouvées et sont courtisés par la Chine pour qu’elle
accepte des renminbis pour leur pétrole, en échange d’investissements transformateurs.
Il s’agit d’un nouvel espace de combat important qui se prépare – mettre fin à l’hégémonie du dollar en faisant lentement bouillir la grenouille.
La partie contestataire a donné le coup d’envoi en sanctionnant la moitié de l’OPEP, qui détient 40% des réserves mondiales de pétrole. Cette tentative a
échoué : L’économie russe a survécu et, sans surprise, les sanctions ont « fait perdre » ces États à l’Europe, les « cédant » à la Chine.
Entre-temps, la Chine courtise l’autre moitié de l’OPEP avec une offre difficile
à refuser : « Au cours des
« trois à cinq prochaines années », la Chine ne paiera pas seulement plus de pétrole en renminbi – mais, plus important encore, « paiera » avec de nouveaux
investissements dans les industries pétrochimiques en aval en Iran, en Arabie saoudite et, plus largement, dans le CCG. En d’autres termes, il s’agira de développer l’économie de la
génération suivante » pour ces exportateurs de combustibles fossiles dont la date de péremption énergétique approche.
Le point clé ici est qu’à l’avenir, une plus grande partie de la « valeur ajoutée » (au cours de la production) sera captée localement, au
détriment des industries occidentales. Pozsar appelle cela de manière effrontée : « Notre marchandise,
votre problème… Notre marchandise, notre émancipation ». Ou, en d’autres termes, l’axe Chine-Russie allume les feux d’une insurrection structurelle contre l’Occident dans une
grande partie du reste du monde.
Ses feux visent à « faire bouillir lentement la grenouille » – non seulement celle de l’hégémonie du dollar, mais aussi celle d’une économie
occidentale désormais non compétitive.
L’émancipation ? Oui ! Voici l’essentiel : La Chine reçoit de l’énergie russe, iranienne et vénézuélienne avec un rabais de 30%, tandis que l’Europe obtient
toujours de l’énergie pour son industrie, mais avec une forte majoration. En bref, une plus grande partie, voire la totalité, de la valeur ajoutée des produits sera captée par les pays
« amis » à l’énergie bon marché, au détriment des pays « ennemis » non compétitifs.
« La Chine – l’ennemi
juré – a paradoxalement été un gros exportateur de GNL russe à marge élevée vers l’Europe, et l’Inde un gros exportateur de pétrole russe à marge élevée et de produits raffinés tels que
le diesel – vers l’Europe. Nous devrions nous attendre à ce que cela se produise davantage [à l’avenir] pour un plus grand nombre de produits, facturés non seulement en euros et en
dollars, mais aussi en renminbis, en dirhams et en roupies », suggère Poszar.
Cela ne semble peut-être pas si évident, mais il s’agit d’une guerre financière. Si l’UE se contente d’emprunter la « voie de la facilité » pour
sortir de sa situation de non-compétitivité (par le biais de subventions permettant des importations à forte marge), alors, comme l’a fait remarquer Napoléon en observant un ennemi faire
une erreur : Observer le silence !
Pour l’Europe, cela signifie beaucoup moins de production intérieure – et plus d’inflation – car les alternatives qui font grimper les prix sont importées
de l’Est. L’Occident, qui prend la « décision facile » (puisque sa stratégie en matière de renouvelables n’a pas été bien réfléchie), constatera probablement que cet arrangement
se fait au détriment de la croissance de l’Occident, ce qui préfigure un Occident plus faible dans un avenir proche.
L’UE sera particulièrement touchée. Elle a choisi de devenir dépendante du GNL américain, juste au moment où la production des gisements de schiste
américains a atteint son apogée, et où cette production est probablement destinée au marché intérieur américain.
Ainsi, alors que le général Bierman a expliqué comment les États-Unis ont préparé l’espace de bataille en Ukraine, la Russie, la Chine et les planificateurs
des BRICS ont été occupés à préparer leur propre « théâtre ».
Bien sûr, il n’est pas nécessaire que les choses se passent comme elles le font : La chute de l’Europe vers la calamité reflète la psychologie de l’élite
dirigeante occidentale. Il n’y a pas de raisonnement stratégique, ni de « décisions difficiles » prises en Occident. Tout cela n’est que du Merkelisme narcissique (des décisions
difficiles reportées, puis « maquillées » par des subventions). Le Merkelisme est ainsi appelé d’après le règne d’Angela Merkel à l’UE, où les réformes fondamentales étaient
invariablement reportées.
Il n’est pas nécessaire de réfléchir, ni de prendre des décisions difficiles, lorsque les dirigeants ont la conviction inébranlable que l’Occident est le
centre de l’univers. Il suffit de remettre à plus tard, en attendant que l’inexorable se déploie.
L’histoire récente des guerres éternelles menées par les États-Unis est une preuve supplémentaire de cette lacune occidentale : Ces guerres zombies
s’éternisent pendant des années sans justification plausible, pour être ensuite abandonnées sans ménagement. La dynamique stratégique a cependant été plus facilement supprimée et oubliée
lors de guerres d’insurrection – par opposition à la lutte contre deux États concurrents bien armés et pairs.
Le même dysfonctionnement s’est manifesté dans de nombreuses crises occidentales à évolution lente : Néanmoins, nous persistons… parce que la protection de
la psychologie fragile de nos dirigeants – et d’un secteur influent de l’opinion publique – passe avant tout. L’incapacité d’admettre de perdre pousse nos élites à préférer le sacrifice
de leur propre peuple, plutôt que de voir leurs illusions exposées.
La réalité doit donc être abjurée. Ainsi, nous vivons un entre-deux nébuleux – tant de choses se passent, mais si peu de mouvement. Ce n’est que lorsque le
déclenchement de la crise ne pourra plus être ignoré – même par les censeurs des médias et des technologies – qu’un effort réel pourra être fait pour s’attaquer aux causes
profondes.
Cette énigme place toutefois un énorme fardeau sur les épaules de Moscou et de Pékin, qui doivent gérer l’escalade de la guerre de manière prudente, face à
un Occident pour qui perdre est intolérable.
Alors que le nouvel ordre mondial prend forme face au Grand Jeu géopolitique et à la « tempête parfaite » de l’économie mondiale, les
conservateurs de l’Ouest se demandent également ce qui va se passer. Jonathan Culbreath s’est aventuré dans les théories russes et chinoises d’un ordre mondial multipolaire
dans The European
Conservative.
Il passe en revue l’histoire récente et reconnaît qu’après la Seconde Guerre mondiale, les États-Unis, avides de victoire, ont commencé à remodeler le monde
à leur propre image. Le triomphe de la démocratie libérale sur les puissances de l’Axe a marqué une nouvelle phase de l’histoire. Après la chute de l’Union soviétique, l’idéologie et la
forme politique américaines, ainsi que le système économique qu’elle avait hérité de son prédécesseur britannique, ont cherché à se mondialiser. C’était une ère monopolaire d’hégémonie
américaine.
Le développement économique dans le monde entier s’est fait selon les termes définis par les institutions créées par le nouvel hégémon. Même les grands pays
comme la Russie et la Chine ont dû se plier aux règles de l’Occident. Pour beaucoup, ce capitalisme mondial était considéré comme du « colonialisme américain », admet
Culbreath.
Depuis lors, la Chine s’est imposée comme la deuxième superpuissance et la plus grande économie du monde. Contrairement aux attentes occidentales, la
commercialisation et l’ouverture de la Chine au monde n’ont pas conduit à une libéralisation idéologique de la Chine, mais ont permis à Pékin de devenir le principal challenger de
l’hégémonie occidentale.
Bien que la reprise économique de la Russie depuis l’effondrement de l’Union soviétique n’ait pas été aussi impressionnante pour Culbreath que celle de la
Chine, la Russie est devenue une source d’énergie essentielle pour une grande partie de l’Occident et du reste du monde. Comme les événements récents l’ont clairement démontré, la Russie
dispose également d’un levier géopolitique. Comme la Chine, elle est donc un concurrent majeur de la puissance anglo-américaine.
Après l’effondrement de l’Union soviétique, la Russie a été plongée dans le chaos sous la présidence de Boris Eltsine. La transition d’une économie
socialiste planifiée vers une économie de marché capitaliste et une démocratie libérale a conduit à l’inflation et à l’austérité, causées par l’application accélérée de la thérapie de
choc économique néolibérale occidentale dans la grande puissance de l’Est.
Depuis lors, pendant les années de l’administration du président Vladimir Poutine, la Russie a réintégré le marché mondial de manière impressionnante,
principalement grâce à la grande quantité de ses importantes ressources naturelles. Cela a conduit à une forte reprise économique. Le mépris affiché par l’Occident a également donné
naissance à de nouvelles tendances idéologiques en Russie.
Culbreath estime que l’objectif de la Russie est de redevenir – sans l’aide de l’Occident – « une grande civilisation indépendante, ancrée dans une
nouvelle conscience de l’unicité politique, économique et culturelle de la Russie ».
Bien que la Russie et la Chine soient très proches dans leur opposition à l’autocratie occidentale, les superpuissances ont considéré différemment le monde
multipolaire émergent. Les différentes circonstances ont également influencé les idéologies qui ont émergé sur le sol russe et chinois.
Culbreath cite Aleksandr Douguine et Jiang Shigong comme exemples dont les théories peuvent être utilisées pour comprendre les différentes formations
idéologiques de la Russie et de la Chine contemporaines.
L’idéologie eurasienne d’Aleksandr Douguine
Le politologue Aleksandr Douguine a formulé une nouvelle idéologie russe dans le cadre de la « multipolarité ». Son courant de pensée, qui
s’inscrit dans le cadre général de la « quatrième théorie politique », cherche à envisager l’avenir mondial d’un point de vue russe – ou plus largement eurasien – dans un monde
post-occidental centré et post-unipolaire.
Après le système anglo-américain, le globe dans la vision de Douguine est divisé en plusieurs « grands espaces », chacun avec ses propres systèmes
politiques, économiques et culturels uniques. Ici, Douguine suit explicitement la théorie du Großraum, le
grand espace, de l’Allemand Carl Schmitt, qui sous-tend également les théories « réalistes » des relations internationales avancées par John Mearsheimer et d’autres
chercheurs.
Pour sa théorie d’un monde multipolaire, Douguine se considère redevable au politologue américain Samuel P. Huntington, qui a écrit son ouvrage
controversé Le choc des
civilisations et la refonte de l’ordre mondial, en protestation contre la thèse triomphaliste de Francis Fukuyama sur la « fin de l’histoire ».
Douguine est d’accord avec l’argument de Huntington selon lequel la fin de la guerre froide n’a pas signifié la victoire du modèle démocratique libéral de
gouvernement et de ses formes économiques et culturelles associées sur le reste du monde. Au contraire, l’effondrement du système bipolaire américano-soviétique n’a fait qu’ouvrir la voie
à l’émergence d’un monde multipolaire, dans lequel des civilisations indépendantes deviendraient de nouveaux acteurs de l’histoire mondiale et des sources potentielles de nouveaux
conflits.
Le monde de la mondo-civilisation est
en train d’émerger dans l’ère post-monopole, comme une conséquence inévitable du rejet de l’hégémonie américaine et de la désintégration du monde mono-polaire en un ensemble d’États
civilisés recherchant la souveraineté dans leurs propres cadres politiques, économiques et culturels.
Dans la pensée idéaliste de Douguine, la multipolarité russe cherche non seulement à relever sa propre tête géopolitique, mais aussi à libérer les
civilisations naissantes du monde en Afrique, en Inde, en Chine, en Amérique du Sud et ailleurs de l’assaut du globalisme américain et à donner aux civilisations séparées leur propre
souveraineté.
D’autre part, les détracteurs de Douguine pensent toujours qu’il prône le leadership russe dans le nouvel ordre. Ses anciens écrits ont peut-être une
influence sur la façon dont l’eurasianisme de Douguine est considéré par certains comme une version réactionnaire du néoconservatisme américain.
Jiang Shigong et le mondialisme chinois
La commercialisation de la Chine dans les années 1980, une période de modernisation et d’ouverture, a suivi une trajectoire très différente de celle de la
Russie, affirme Culbreath. L’économie de la Russie a été soumise à une « thérapie de choc » ultra-libérale dont elle ne s’est toujours pas totalement remise, mais le communisme
de marché de la Chine a permis une forte accélération de la croissance de sa productivité économique, faisant de la Chine l’un des pays les plus riches du monde en quelques
décennies.
Alors que les comptes rendus occidentaux typiques lors de la réforme et de l’ouverture de la Chine sous Deng Xiaoping la décrivent comme en écart par
rapport à la vision maoïste antérieure du socialisme chinois, il existe un autre point de vue qui considère cette période de l’histoire chinoise comme un retour à l’approche scientifique
marxiste-léniniste préconisée par Mao Zedong lui-même.
Selon cette interprétation, le capitalisme lui-même remplit un objectif spécifique dans la progression historique vers le socialisme et le communisme. En
effet, les écrits de Vladimir Lénine sont pleins de répétitions de cette formulation de base: le socialisme lui-même dépend du capitalisme pour le développement des moyens de production,
conformément aux lois du développement capitaliste telles qu’exposées par Karl Marx.
La politique de réforme de la Chine était en contradiction avec la « thérapie de choc » qui a paralysé la Russie. Au lieu de libéraliser tous les
prix en une seule fois, la direction communiste a décidé de libéraliser les prix progressivement dans le cadre de son propre système. Cette approche plus prudente de la commercialisation
a permis à l’appareil central de contrôler les réformes et même d’encourager la création de nouveaux marchés et zones de production – avec pour effet notable que la prospérité de la Chine
a commencé à croître.
Les capitaux ont également commencé à affluer en Chine depuis l’Occident, contribuant à son essor au cours des trois décennies suivantes, rappelle
l’Américain Culbreath. La Chine est devenue une destination privilégiée pour l’externalisation/délocalisation occidentale, la transformant en une « usine du monde »
super-industrielle. La Chine est devenue non seulement un membre pleinement intégré de la communauté mondiale, mais aussi le principal producteur mondial de biens de consommation bon
marché et de produits « plus lourds » comme l’acier. En un sens, le monde entier est devenu dépendant de la Chine.
Le processus de transformation de la Chine a donné lieu à une compréhension idéologique particulière de son rôle dans l’histoire mondiale. Le président Xi
Jinping incarne cette idéologie dans sa philosophie de gouvernement. L’explication et la défense la plus autorisée de la pensée de Xi, selon Culbreath, vient de Jiang Shigong, un éminent
spécialiste du droit constitutionnel à l’Université de Pékin.
Certains des écrits de Jiang ont été publiés en anglais sur le site Readingthe
China Dream, ainsi que des essais et des discours d’autres éminents spécialistes du développement moderne de la Chine. Jiang Shigong explique les idées de Xi Jinping – ou, plus
largement, l’idéologie du socialisme chinois – et la décrit en termes marxistes comme une « superstructure idéologique naturelle qui complète la base matérielle du socialisme
chinois ».
Jiang conteste l’interprétation courante qui tente de voir une contradiction entre les époques de Mao Zedong et de Deng Xiaoping. Il décrit plutôt le
développement historique de Mao à Deng et Xi Jinping comme une évolution continue et cohérente en trois étapes: sous Mao, la Chine « s’est levée »; sous Deng, elle « s’est
enrichie »; et sous Xi, la République populaire, qui s’étend dans l’espace, « devient forte ».
Tout comme le Russe Alexandre Douguine dans sa théorie de la multipolarité, Jiang présente l’idéologie du socialisme chinois comme une alternative radicale
à la théorisation de Fukuyama sur la fin de l’histoire dominée par les Américains. Jiang partage la vision de Douguine et d’autres théoriciens de la multipolarité de la fin de la
domination du monde et du capitalisme occidentaux.
Cependant, l’approche de Jiang à l’égard de la mondialisation diffère de celle de Douguine parce que le mondialisme est vraiment central dans son récit du
développement de la Chine. Jiang estime que la position unique de la Chine dans le système international lui confère une responsabilité particulière envers l’ensemble de l’humanité, qui
ne se limite pas aux frontières de la Chine.
Devenue la deuxième plus grande économie du monde, la Chine est désormais au centre de la scène mondiale et, selon Jiang, elle ne peut ignorer ses
responsabilités envers le reste du monde en se concentrant uniquement sur son propre destin. La Chine doit « équilibrer ses relations avec le monde et lier la construction du
socialisme au développement du monde entier à la manière chinoise, et participer activement à la gouvernance mondiale ».
Jiang Shigong voit la progression de l’histoire du monde à partir d’unités politiques plus petites vers des conglomérats plus grands, ou empires, pour
aboutir à la dernière phase de l' »empire mondial », actuellement dirigé par les États-Unis.
Dans ce récit, la direction irréversible de l’histoire va vers un « ordre universel des choses ». Le ton de Jiang est presque fataliste: chaque
pays, y compris la Chine, aura inévitablement un rôle à jouer dans la construction de cet empire mondial.
Ainsi, l’interprétation de Jiang d’un monde multipolaire n’est pas un retour à l’ère des empires civilisationnels régionaux, mais une lutte pour le
leadership économique et politique après la réalisation d’un empire mondial.
Il s’agit d’une variation du schéma marxiste classique de la lutte des classes, la Chine elle-même jouant le rôle implicite du prolétariat luttant contre la
bourgeoisie, que l’Amérique personnifie à son tour. La prise de pouvoir des capitalistes de l’Ouest est en réalité l’établissement d’une « dictature du prolétariat »
mondiale.
Jiang n’hésite pas à suggérer que les propres aspirations de la Chine vont précisément dans ce sens, d’autant plus qu’il semble que « nous vivons dans
une ère de chaos, de conflits et de changements massifs, avec l’empire mondial 1.0 [c’est-à-dire l’empire mondial américain] en déclin et en effondrement ».
Les écrits de Jiang peuvent être interprétés comme signifiant qu’il estime qu’il incombe à la Chine de jouer un rôle de premier plan dans « l’empire
mondial 2.0 » pour faciliter le développement de toutes les nations, au-delà du modèle de développement capitaliste unilatéral qui a dominé le système occidental-centrique.
La multipolarité continue de jouer un rôle à ce stade, la Chine encourageant tous les pays en développement à ouvrir leurs propres voies vers la
modernisation. Comme l’a affirmé Xi Jinping, la Chine offre « une nouvelle alternative aux autres pays et nations qui veulent accélérer leur développement tout en maintenant leur
indépendance ».
Jiang réitère et développe cette idée en affirmant que l’objectif de la Chine n’est pas de forcer les autres pays à suivre un modèle unique de développement
économique, comme l’a fait l’Occident, mais précisément de faciliter leur développement le long de leurs propres voies régionales, déterminées par leurs propres contraintes politiques et
culturelles locales.
Son souci du développement des économies régionales reflète également la « confiance communiste » caractéristique de la Chine dans le potentiel de
développement de l’humanité dans son ensemble, et ses aspirations sont donc clairement universelles et cosmopolites, et non simplement nationalistes.
Le mondialisme, ou l’universalité, reste la clé de la conception que la Chine a d’elle-même et de son destin historique, qui est conforme non seulement à
son idéologie communiste actuelle, mais aussi au concept cosmologique confucéen classique de tianxia (天下), ou « tout sous le ciel ».
Les conclusions de Culbreath
Aleksandr Douguine envisage un ordre mondial défini par plusieurs civilisations indépendantes. Cette vision est incompatible avec un ordre mondial universel
(à moins que Douguine ne veuille vraiment que Russkimir,
le « monde russe », finisse par diriger la planète d’une manière ou d’une autre).
Selon Jiang Shigong, l’ordre correspondant est dirigé par « un souverain universel mais bienveillant, dont le but est de permettre aux différents
peuples placés sous sa providence de poursuivre leur prospérité selon leurs propres voies de développement distinctes ».
Alors que la vision de Douguine d’un monde multipolaire avec une entité politique gouvernant chaque civilisation tente, d’une manière presque hégélienne, de
fusionner les différentes caractéristiques des États pré-modernes, la vision de Jiang du prochain ordre mondial parvient même à fusionner le mondialisme avec un communisme confucéen qui
l’englobe.
La Russie et la Chine ont leur propre rôle important à jouer dans la définition des paramètres idéologiques ou théoriques au sein desquels tous les pays
doivent considérer la question de leur avenir dans les tendances plus larges de l’histoire mondiale. Cette réflexion dépasse les frontières des idéologies politiques
traditionnelles.
La question de savoir à quoi ressemblera le monde de l’après « fin de l’histoire » est une question qui concerne tout le monde. C’est pourquoi les
théories politico-philosophiques de la multipolarité formulées dans les pays opposés à l’autocratie américaine, comme la Russie et la Chine, doivent, selon Culbreath, être prises au
sérieux.
Le travail difficile commence
maintenant. Bienvenue dans le nouveau Grand Jeu sous crack.
L’année 2023 commence avec l’OTAN collective en mode Absolument Flippant, alors que le ministre russe de la Défense, Choïgu, annonce que la frégate de la
marine russe Admiral Gorshkov est maintenant en
tournée – avec un ensemble de cartes de visite hypersoniques de M. Zircon.
Ce voyage d’affaires englobera l’Atlantique et l’océan Indien, et bien sûr la Méditerranée, l’ancienne Mare Nostrum de l’Empire romain. La tournée de M.
Zircon n’a absolument rien à voir avec la guerre en Ukraine : c’est un signe de ce qui va se passer lorsqu’il s’agira de faire frire des poissons bien plus gros qu’une bande de
psychopathes de Kiev.
La fin de l’année 2022 a scellé la friture du gros poisson des négociations sur l’Ukraine. Il a maintenant été servi sur une plaque chauffante – et
entièrement digéré. Moscou a clairement fait comprendre qu’il n’y avait aucune raison de faire confiance à la superpuissance en déclin « incapable de conclure un
accord ».
Ainsi, même les chauffeurs de taxi de Dacca parient désormais sur la date du début de la fameuse « offensive d’hiver » et sur son ampleur. La voie
à suivre pour le général Armageddon est claire : démilitarisation et désélectrification à outrance, avec broyage de masses d’Ukrainiens à moindre coût pour les forces armées russes dans
le Donbass jusqu’à ce que les psychopathes de Kiev demandent grâce. Ou pas.
Un autre gros poisson frit sur une plaque chauffante à la fin de 2022 était l’accord de Minsk de 2014. La cuisinière n’était autre que l’ancienne
chancelière Merkel (« une tentative de gagner du temps pour l’Ukraine »). Sous-entendu, le pistolet pas vraiment fumant : la stratégie du combo straussien/néocons et
néolibéral-conservateurs en charge de la politique étrangère américaine, depuis le début, était de déclencher une guerre éternelle, par procuration, contre la Russie.
Merkel a peut-être fait quelque chose en disant aux Russes, en pleine figure, qu’elle a menti comme le crypto-soprano Mike Pompeo, puis elle a menti encore
et encore, pendant des années. Ce n’est pas embarrassant pour Moscou, mais pour Berlin : une nouvelle démonstration graphique de la vassalité totale envers l’Empire.
La réponse de l’incarnation contemporaine de Mercure, Maria Zakharova, du ministère russe des Affaires étrangères, était tout aussi intrigante : La
confession de Merkel pourrait être utilisée comme une raison spécifique – et une preuve – pour un tribunal jugeant les politiciens occidentaux responsables de la provocation de la guerre
par procuration Russie-Ukraine.
Personne ne le confirmera évidemment sur le procès-verbal. Mais tout ceci pourrait s’inscrire dans le cadre d’un accord secret et évolutif entre la Russie
et l’Allemagne, qui conduirait à la restauration d’au moins une partie de la souveraineté de l’Allemagne.
Il est temps de faire frire le poisson
de l’OTAN
Pendant ce temps, le vice-président du Conseil de sécurité russe, Dmitri Medvedev, visiblement ravi de son incarnation totalement débranchée, s’est étendu
sur la saga du poisson frit de la négociation. « Dernier avertissement à toutes les nations », comme il l’a formulé : « Désormais, nous nous
passerons d’eux jusqu’à ce qu’une nouvelle génération de politiciens sensés arrive au pouvoir… Il n’y a personne en Occident avec qui nous pourrions traiter pour n’importe quelle
raison ».
Medvedev, de manière significative, a récité plus ou moins le même script, en personne, à Xi Jinping à Pékin, quelques jours avant la mère de tous les
appels Zoom – entre Xi et Poutine – qui a fonctionné comme une sorte de clôture informelle de 2022, avec le partenariat stratégique Russie-Chine parfaitement synchronisé.
Sur le front de la guerre, le nouveau groove – offensif – du général Armageddon ne manquera pas d’aboutir dans les prochains mois à un fait indiscutable sur
le terrain : une partition entre un trou noir dysfonctionnel ou une Ukraine croupion à l’ouest, et la Novorossiya à l’est.
Même le FMI hésite désormais à injecter des fonds supplémentaires dans le trou noir. Le budget 2023 de Kiev présente un déficit – irréaliste – de 36
milliards de dollars. La moitié du budget est liée à l’armée. Le déficit réel en 2022 s’élevait à environ 5 milliards de dollars par mois – et il va inévitablement exploser.
Tymofiy Mylovanov, professeur à l’école d’économie de Kiev, a trouvé une astuce : le FMI s’inquiète de la « viabilité de la dette » de l’Ukraine.
Il a ajouté : « Si même le FMI est
inquiet, imaginez ce que pensent les investisseurs privés ». Il n’y aura pas « d’investissement » dans l’Ukraine croupion. Les vautours multinationaux s’empareront des
terres pour rien et des minuscules actifs productifs qui pourraient subsister.
Le plus gros poisson à frire en 2023 est sans doute le mythe de l’OTAN. Tout analyste militaire sérieux, y compris quelques Américains, sait que l’armée et
le complexe militaro-industriel russes représentent un système supérieur à celui qui existait à la fin de l’URSS, et bien supérieur à celui des États-Unis et du reste de l’OTAN
aujourd’hui.
Le coup de grâce de type Mackinder à une éventuelle alliance entre l’Allemagne (UE), la Russie et la Chine – qui est en réalité à l’origine de la guerre par
procuration des États-Unis en Ukraine – ne se déroule pas selon le rêve humide straussien.
Saddam Hussein, ancien vassal impérial, a été renversé parce qu’il voulait contourner le pétrodollar. Maintenant, nous avons la montée inévitable du
pétroyuan – « d’ici trois à cinq ans », comme l’a annoncé Xi Jinping à Riyad : on ne peut pas l’empêcher avec le « Choc et Effroi » sur Pékin.
En 2008, la Russie s’est lancée dans une reconstruction massive de ses forces de missiles et dans un plan de 14 ans visant à moderniser les forces armées
terrestres. Le fait que M. Zircon présente sa carte de visite hypersonique à travers le Mare Nostrum n’est qu’une petite partie de la grande image.
Le mythe de la puissance
américaine
La CIA a abandonné l’Afghanistan dans une retraite humiliante – abandonnant même la filière de l’héroïne – pour s’installer en Ukraine et continuer à jouer
les mêmes vieux disques rayés. La CIA est derrière le sabotage en cours de l’infrastructure russe – en tandem avec le MI6 et d’autres. Tôt ou tard, il y aura un retour de bâton.
Peu de gens – dont les agents de la CIA – savent peut-être que la ville de New York, par exemple, peut être détruite d’un seul coup : en faisant sauter le
pont George Washington. La ville ne peut pas être approvisionnée en nourriture et en la plupart de ses besoins sans le pont. Le réseau électrique de la ville de New York peut être détruit
en faisant sauter les commandes centrales ; le remettre en place peut prendre un an.
Même traversée par des couches infinies de brouillard de guerre, la situation actuelle en Ukraine reste une escarmouche. La vraie guerre n’a même pas encore
commencé. Elle pourrait – bientôt.
En dehors de l’Ukraine et de la Pologne, il n’existe aucune force de l’OTAN digne de ce nom. L’Allemagne dispose d’un approvisionnement risible de deux
jours en munitions. La Turquie n’enverra pas un seul soldat pour combattre les Russes en Ukraine.
Sur les 80 000 soldats américains stationnés en Europe, seuls 10% sont armés. Récemment, 20 000 ont été ajoutés, ce qui n’est pas très grave. Si les
Américains activaient leurs troupes en Europe – chose plutôt ridicule en soi – ils n’auraient aucun endroit où débarquer des fournitures ou des renforts. Tous les aéroports et ports
maritimes seraient détruits par les missiles hypersoniques russes en quelques minutes – en Europe continentale comme au Royaume-Uni.
En outre, tous les centres de carburant tels que Rotterdam pour le pétrole et le gaz naturel seraient détruits, ainsi que toutes les installations
militaires, y compris les principales bases américaines en Europe : Grafenwoehr, Hohenfels, Ramstein, Baumholder, Vilseck, Spangdahlem et Wiesbaden en Allemagne (pour l’armée de terre et
l’armée de l’air) ; la base aérienne d’Aviano en Italie ; la base aérienne de Lajes dans les Açores au Portugal ; la station navale de Rota en Espagne ; la base aérienne d’Incirlik en
Turquie ; et les stations de la Royal Air Force de Lakenheath et de Mildenhall au Royaume-Uni.
Tous les avions de chasse et les bombardiers seraient détruits – après leur atterrissage ou pendant leur atterrissage : il n’y aurait aucun endroit où
atterrir, sauf sur l’autoroute, où ils seraient des cibles faciles.
Les missiles Patriot ne servent à rien – comme l’ensemble du Sud mondial a pu le constater en Arabie saoudite lorsqu’ils ont tenté de neutraliser les
missiles des Houthis en provenance du Yémen. Le Dôme de fer d’Israël ne peut même pas neutraliser tous les missiles primitifs provenant de Gaza.
La puissance militaire américaine est le mythe suprême de la variété du poisson à frire. Essentiellement, ils se cachent derrière des proxies – comme les
forces armées ukrainiennes. Les forces américaines ne valent rien, sauf dans les combats de dindes, comme en Irak en 1991 et 2003, contre un adversaire handicapé au milieu du désert, sans
couverture aérienne. Et n’oubliez jamais comment l’OTAN a été complètement humiliée par les Taliban.
Le point de rupture
final
2022 marque la fin d’une époque : le point de rupture final de « l’ordre international fondé sur des règles » établi après la chute de
l’URSS.
L’Empire est entré dans la phase de désespoir, lançant tout et n’importe quoi – guerre par procuration contre l’Ukraine, AUKUS, hystérie taïwanaise – pour
démanteler le système qu’il a créé en 1991.
Le retour en arrière de la mondialisation est mis en œuvre par l’Empire lui-même. Cela va du vol du marché de l’énergie de l’UE à la Russie pour que les
infortunés vassaux achètent l’énergie ultra chère des États-Unis à la destruction de toute la chaîne d’approvisionnement des semi-conducteurs, en la reconstruisant de force autour
d’eux-même pour « isoler » la Chine.
La guerre entre l’OTAN et la Russie en Ukraine n’est qu’un rouage du nouveau Grand Jeu. Pour le Sud mondial, ce qui compte vraiment, c’est la façon dont
l’Eurasie – et au-delà – coordonne son processus d’intégration, de la BRI à l’expansion des BRICS+, de l’OCS à l’INSTC, de l’OPEC+ au Partenariat pour la Grande Eurasie.
Nous sommes revenus à ce à quoi le monde ressemblait en 1914, ou avant 1939, seulement dans un sens limité. Il y a une pléthore de nations qui luttent pour
étendre leur influence, mais toutes misent sur la multipolarité, ou la « modernisation pacifique », comme l’a dit Xi Jinping, et non sur les guerres éternelles : la Chine, la
Russie, l’Inde, l’Iran, l’Indonésie et d’autres.
Alors bye bye 1991-2022. Le travail difficile commence maintenant. Bienvenue dans le nouveau Grand Jeu sous crack.
Au onzième mois de guerre, les signes se multiplient d’une intensification de l’effort de guerre russe. Intensification des bombardements. Début de manoeuvres stratégiques sur le terrain pour qui
sait lire une carte militaire. L’Ukraine est encore capable de ripostes spectaculaires mais le rapport de forces apparaît progressivement asymétrique. Il en va de même sur le terrain
diplomatique, où la Russie marque des points au Proche-Orient et en Asie centrale.
Intensification asymétrique des bombardements
Le 1er janvier, pendant la nuit du réveillon, un tir ukrainien à partir d’un
HIMARS a touché une caserne russe et tué plusieurs dizaines de soldats. C’est la riposte ukrainienne, spectaculaire mais rare, à une intensification des bombardements russes. J’emprunte
au fil twitter de Jacques Frère quelques échantillons, qui rendent compte de la montée en puissance russe depuis notre dernier bulletin.
Une lente prise en main du champ de bataille par la Russie?
Sur la ligne de front, on repère de petites avancées russes, dans la région
de Zaporojie, à proximité d’Artiemovsk et dans la région de Liman, où l’armée russe reprend progressivement le terrain perdu en septembre. Beaucoup d’analystes parlent d’une sorte de blocage des
opérations militaires (voir M.K. Bhadrakumar ci-dessous). On lira cependant avec intérêt le point de vue de Valentin Vasilescu, qui
pense que la bataille au sol est désormais asymétrique:
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Guerre d’Ukraine – Jour 310 - Vladimir Poutine donne quelques clés pour déchiffrer la stratégie russe
En cette fin d'année 2022, Vladimir Poutine a procédé à une accélération de quelques coups sur l'échiquier eurasiatique: en particulier, l'annonce de
l'extension du parapluie nucléaire russe à la Biélorussie représente une défaite stratégique majeure pour l'OTAN. Dix mois de conflit ont ressoudé Biélorussie
et Russie, alors que le cauchemar que vit la population ukrainienne, du fait du refus de négocier de son gouvernement, ne cesse de s'accroître, rendant de plus
en plus improbable que l'Ukraine puisse être, après le conflit un pilier de la stratégie de l'OTAN face à la Russie.
Le texte complet de la conférence de presse de Vladimir Poutine le 22 décembre 2022
Pour être honnête, j’aimerais commencer par un résumé. Il est clair que ce n’était pas l’année la plus facile, ni la plus ordinaire, mais quels sont ses
principaux résultats pour vous ?
Qu’avons-nous réalisé, peut-être, qu’avons-nous échoué à réaliser, et comment voyez-vous notre avenir, où allons-nous et où devrions-nous arriver ?
Merci.
Vladimir Poutine : Il n’y a pas de situations idéales. Les situations idéales n’existent que dans les plans, sur le papier, et vous voulez toujours
quelque chose de plus. Mais en général, je pense que la Russie a traversé l’année de manière assez confiante. Nous ne craignons pas que la situation actuelle
nous empêche de mettre en œuvre nos projets pour l’avenir, y compris pour 2023.
Permettez-moi de répéter une fois de plus que nous pensons – je tiens à le souligner – que tout ce qui se passe, et tout ce qui est lié à l’opération militaire
spéciale, est une mesure absolument forcée et nécessaire. Nous devrions être reconnaissants envers nos militaires, nos troupes, nos officiers, nos soldats pour
ce qu’ils font pour la Russie, en défendant ses intérêts, sa souveraineté et, surtout, en protégeant notre peuple. Ils agissent avec dignité et réalisent ce
dont le pays a besoin.
Quant à l’économie, comme vous le savez, malgré les effondrements, la dévastation et la catastrophe que l’on nous prédit dans la sphère économique, rien de tel
ne se produit. En outre, les performances de la Russie sont bien meilleures que celles de nombreux pays du G20, et ce avec confiance. Cela vaut pour les
principaux indicateurs macroéconomiques et le PIB. Oui, il y a eu une petite baisse. Je l’ai dit très récemment : 2,9 %, selon nos experts et les experts
internationaux. Maintenant, ils donnent un autre chiffre, encore plus petit : 2,5.
Le taux de chômage est un indicateur clé dans le monde entier. En Russie, il est inférieur à celui de la période pré-pandémique : je vous rappelle qu’il était
alors de 4,7 pour cent, et qu’il est maintenant de 3,8-3,9 pour cent. Autrement dit, le marché du travail est stable.
Les finances publiques sont stables, il n’y a pas de détails alarmants ici non plus. Ce résultat ne nous est pas tombé dessus par hasard. Il est le résultat du
travail du gouvernement, des équipes régionales, des entreprises et du sentiment de la société, qui fait preuve d’unité et de volonté de travailler ensemble
pour atteindre des objectifs communs.
Par conséquent, d’une manière générale, nous sommes confiants, et je ne doute pas que tous les objectifs que nous nous sommes fixés seront atteints.
Konstantin Panyushkin : Bon après-midi.
(Konstantin Panyushkin, Channel One).
Dans le sillage du Conseil d’État, si vous le voulez bien. Comment évalueriez-vous personnellement les résultats de la mise en œuvre de la politique de la
jeunesse cette année, compte tenu de la manière digne dont la jeunesse russe s’est comportée depuis le 24 février ?
Vladimir Poutine : Vous savez, nous parlons toujours de cela – enfin, pas nous, mais regardez notre littérature classique : il est toujours
question de pères et d’enfants, il est toujours question des jeunes à n’importe quelle période du développement du pays – et, d’ailleurs, je pense que la même
chose se produit dans le monde entier – les jeunes sont constamment accusés d’être superficiels, indignes de quelque chose, que tout était mieux avant.
Au contraire, je crois que les jeunes sont toujours meilleurs. Rappelez-vous les épreuves les plus difficiles de tous les temps de notre histoire. Tout le
monde disait : « Non, c’était avant, maintenant ils ne peuvent pas le faire ». Mais qu’est-ce qu’ils ne peuvent pas faire ? Les jeunes peuvent tout
faire. Il y a différents types dans toutes les tranches d’âge. Mais en général, nos jeunes font preuve, avant tout, d’une volonté de progrès, ils font preuve
d’un haut niveau d’éducation, de formation, de compréhension des processus en cours dans le monde, dans la société, et d’une compréhension de la direction à
prendre, de ce qui a une vraie valeur, de ce sur quoi il faut compter.
Je parle de notre histoire, de l’amour de la patrie, de la mère patrie. Ceci est particulièrement prononcé en période d’épreuve.
Rappelez-vous nos événements difficiles dans le Caucase du Nord. Les gens ne pensaient pas grand-chose de notre jeunesse. Mais rappelez-vous les parachutistes
de Pskov – c’est un exemple de ce que les jeunes peuvent faire, de l’héroïsme dont ils peuvent faire preuve. Et maintenant, regardez comment les jeunes se
battent et comment nos jeunes réagissent à ce qui se passe dans la zone de l’opération militaire spéciale, comment ils soutiennent nos combattants.
Je suis allée au Manezh aujourd’hui, et j’étais au bord des larmes quand j’ai vu comment des jeunes, adolescents et un peu plus âgés, collectaient des objets,
écrivaient des lettres. Il y avait aussi beaucoup de volontaires qui étaient jeunes eux aussi.
Oui, les gens sont différents. Il y a des gens qui sont montés dans leur voiture et qui sont partis en silence, oui. Mais dans l’ensemble, je veux répéter que
les jeunes de Russie – et je peux le dire avec confiance – font preuve d’amour pour leur terre, d’un désir de se battre pour elle et d’aller de l’avant
individuellement et en tant que pays.
Andrei Kolesnikov : Bonjour.
(Journal Kommersant).
Monsieur le Président, vous n’avez pas prononcé votre discours devant l’Assemblée fédérale cette année et, apparemment, il n’y en aura pas. Comme beaucoup
d’autres, j’ai écrit à ce sujet, notant que la question de l’allocution a été soulevée dans plusieurs formats récemment, par exemple, lors de la réunion du
Conseil pour le développement stratégique et les projets nationaux. Il semble qu’elle ait également été évoquée hier lors de la réunion élargie du Conseil du
ministère de la Défense.
Pourriez-vous expliquer pourquoi c’est le cas cette année ? Et que réserve l’avenir à votre discours ?
Vladimir Poutine : Je pense qu’il n’y a pas eu d’adresse en 2017 non plus. Je fais référence à l’année civile. Mais il devrait y en avoir une.
Quel est le problème ? Le problème est que ce sont des événements qui évoluent rapidement, la situation se développe très rapidement. Par conséquent, il était
très difficile – probablement pas très, mais plutôt difficile de cerner les résultats à un moment précis et les plans spécifiques pour l’avenir proche. Nous le
ferons au début de l’année prochaine, sans aucun doute.
Mais l’essentiel de ce discours réside dans ce que je viens de dire. Il a été reflété dans mes déclarations d’une manière ou d’une autre. Il était impossible
de ne pas en parler. Alors, franchement, il a été assez difficile pour moi et pour le Bureau exécutif de faire rentrer cela dans un discours formel sans trop
de répétitions, et c’est tout. En d’autres termes, j’ai déjà parlé d’éléments clés d’une manière ou d’une autre, il n’y avait donc pas beaucoup d’envie de tout
rassembler à nouveau et de répéter ce que j’avais déjà dit.
Pour quelque chose de substantiel, nous avons besoin de temps et d’une analyse supplémentaire de ce qui se passe, de ce dont nous parlons et de la
planification pour le futur proche.
C’est ce que nous ferons. Je ne mentionnerai pas de dates exactes, mais nous le ferons certainement dans l’année à venir.
Monsieur le Président, j’aimerais vous interroger sur l’accord relatif à la fourniture d’une batterie de missiles Patriot à l’Ukraine, conclu lors de la visite
de M. Zelensky aux États-Unis. Est-il possible de parler d’une implication totale des Etats-Unis dans le conflit en Ukraine ? Quelles seront les conséquences
de cette décision ? Par exemple, la Russie peut-elle rapprocher ses systèmes des frontières des pays de l’OTAN ou les déployer à proximité directe des
États-Unis ?
Je vous remercie.
Vladimir Poutine : Vous avez demandé s’il était possible de parler d’une plus grande implication des Etats-Unis dans le conflit en Ukraine. Je
pense que nous devons envisager le problème de manière plus large. Qu’est-ce que je veux dire en particulier et pourquoi ?
Parce que les États-Unis font cela depuis longtemps – ils sont depuis longtemps impliqués dans les processus qui se déroulent dans l’espace soviétique et
post-soviétique. À l’époque soviétique, des instituts entiers travaillaient en Ukraine, et ils avaient pleinement conscience du contexte de la question. Ils
ont des spécialistes expérimentés, profonds, qui connaissent cela de manière professionnelle. Je le répète, le terrain a été préparé à l’époque soviétique ;
les personnes ont été sélectionnées, les significations ont été définies et ainsi de suite. Je ne veux pas entrer dans les détails à ce stade – ce n’est pas le
bon format pour entrer dans l’histoire de la question. Cela dit, l’origine de tout cela reste claire.
L’unité du monde russe est une question très subtile. Diviser pour régner – ce slogan a été utilisé dans l’Antiquité et est encore activement utilisé dans la
politique réelle. C’est pourquoi notre adversaire potentiel, nos opposants, ont toujours rêvé de cela et se sont toujours engagés dans cette voie. Ils ont
essayé de nous diviser pour ensuite diriger les parties séparées.
Qu’est-ce qui est nouveau ici ? L’idée du séparatisme ukrainien est née d’elle-même il y a longtemps, lorsque nous étions encore un seul pays. Vous savez, j’ai
toujours dit que si quelqu’un décide qu’un groupe ethnique distinct s’est formé et veut vivre indépendamment, pour l’amour de Dieu, il est impossible d’aller
contre la volonté du peuple.
Mais s’il en est ainsi, ce principe doit être universel et il est impossible d’aller à l’encontre de la volonté des gens qui se sentent dans une réalité
différente, qui se considèrent comme faisant partie du peuple russe et du monde russe, qui croient faire partie de cette culture, de cette langue, de cette
histoire et de ces traditions. Personne ne peut les combattre, non plus.
Mais une guerre s’est déchaînée sur eux en 2014. Je veux dire une guerre. Voici de quoi il s’agissait. Qu’est-ce que c’était quand les centres de villes d’un
million d’habitants ont été frappés par les airs ? Qu’est-ce que c’était quand des troupes avec des blindés étaient déployées contre eux ? C’était une guerre,
des opérations de combat. Nous avons enduré tout cela, enduré et enduré, dans l’espoir d’un quelconque accord de paix. Maintenant, il s’avère que nous avons
été tout simplement trompés. Donc, un pays comme les États-Unis est impliqué dans cette affaire depuis longtemps. Très longtemps.
En ce sens, on peut dire qu’en nous conduisant aux événements actuels, ils ont atteint le but recherché. Pour notre part, nous n’avions pas non plus d’autre
choix que les actions que nous avons entreprises fin février dernier. Oui, c’est la logique qui a présidé aux développements, mais notre objectif premier est
de protéger des personnes qui – permettez-moi de le répéter – ont le sentiment de faire partie de notre nation, de notre culture.
Que croyions-nous à une époque ? Nous pensions que l’URSS avait cessé d’exister. Mais, comme je l’ai dit hier lors de la réunion du conseil du ministère de la
défense, nous pensions que nos racines historiques communes, notre bagage culturel et spirituel seraient plus forts que ce qui nous sépare, et de telles forces
ont toujours existé. Nous supposions que ce qui nous unissait était plus fort. Mais non, ce n’était pas le cas, en raison de l’aide de forces extérieures et du
fait que des personnes aux vues nationalistes extrêmes ont pris le pouvoir essentiellement après l’effondrement de l’Union.
Et cette division n’a cessé de s’aggraver avec l’aide de ces forces et malgré tous nos efforts. Comme je l’ai déjà dit, nous avons d’abord été séparés, puis
opposés les uns aux autres. Dans ce sens, ils ont obtenu des résultats, bien sûr, et dans ce sens, cela a été une sorte de fiasco pour nous. Nous n’avions plus
rien d’autre. Peut-être avons-nous été délibérément amenés à cela, à ce bord du gouffre. Mais nous n’avions nulle part où nous retirer, c’est là le
problème.
Ils ont toujours été pleinement impliqués, ils ont fait de leur mieux. Je ne m’en souviens plus maintenant, mais vous pouvez vous documenter dans les livres
d’histoire. L’un des députés de la Douma d’État tsariste a dit : si vous voulez perdre l’Ukraine, ajoutez-y la Galicie. Et c’est ce qui est arrivé à la fin ;
il s’est avéré être un visionnaire. Pourquoi ? Parce que les gens de cette partie se comportent de manière très agressive et suppriment en fait la majorité
silencieuse dans le reste de ce territoire.
Mais encore une fois, nous pensions que les fondements de notre unité seraient plus forts que les tendances qui nous déchirent. Mais il s’est avéré que ce
n’était pas le cas. Ils ont commencé à supprimer la culture russe et la langue russe, ont essayé de briser notre unité spirituelle de manière totalement
barbare. Et ils ont prétendu que personne ne le remarquait. Pourquoi ? Parce que, comme je l’ai dit, leur stratégie était de diviser pour mieux régner.
L’unification du peuple russe n’est pas souhaitable. Personne ne la souhaite. D’un autre côté, notre désunion les rendrait heureux ; ils continueraient
volontiers à nous déchirer. Mais notre unification et notre consolidation sont des choses que personne ne souhaite – sauf nous, et nous le ferons et nous
réussirons.
Quant aux aspects militaro-techniques, le fait est que, comme je l’ai dit hier, la frégate Admiral Gorshkov entrera en service de combat début janvier, équipée
de nouveaux systèmes d’armes.
Ce n’est pas que nous prévoyons des provocations, mais c’est néanmoins un facteur de renforcement de nos forces stratégiques. Il s’agit de systèmes à moyenne
portée, mais ils ont des caractéristiques de vitesse telles qu’ils peuvent nous donner certains avantages dans ce sens.
Quant au Patriot, c’est un système assez ancien. Je dirais qu’il ne fonctionne pas comme notre S-300. Néanmoins, ceux qui s’opposent à nous supposent que ces
systèmes sont des armes défensives. Très bien. Nous allons garder cela à l’esprit, et il y a toujours un antidote. Donc ceux qui font cela, le font en vain :
cela ne fait que prolonger le conflit, et c’est tout.
Konstantin Kokoveshnikov : Bonjour.
(Konstantin Kokoveshnikov, chaîne de télévision Zvezda).
Si vous le permettez, j’ai encore une question sur l’opération militaire spéciale. Comme d’habitude, vous avez très peu parlé du déroulement de l’opération,
préférant ne pas en évoquer les détails. Cependant, voyez-vous des signes d’enlisement du conflit ?
Merci.
Vladimir Poutine : Vous savez, j’en ai déjà parlé. La situation a en fait commencé à se développer – c’était moins perceptible ici, alors que
l’Occident préférait ne rien dire ou remarquer – bien en 2014, après le coup d’État fomenté par les États-Unis, lorsque des biscuits ont été distribués sur
Maïdan. J’ai parlé de cela à de nombreuses reprises.
Mais notre objectif n’est pas de fouetter le conflit militaire, mais de mettre fin à cette guerre. C’est ce que nous voulons, et c’est ce que nous allons
essayer de faire.
Quant au fait que j’en parle peu ou avec parcimonie, c’est logique. D’une part, je suis peut-être parcimonieux, mais le ministère de la Défense organise des
briefings quotidiens pour informer le public et le pays de ce qui se passe, où cela se passe, de quelle manière, etc.
En bref, nous ferons de notre mieux pour mettre fin à cette situation, et le plus tôt sera le mieux, bien sûr. Quant à savoir ce qui se passe et comment cela
se passe, j’ai noté à de nombreuses reprises que l’intensification du conflit entraînera des pertes injustifiées. Beaucoup de petites choses font des petites
choses.
Alexei Petrov : (Alexei Petrov, chaîne de télévision Rossiya).
Monsieur le Président, ma question porte essentiellement sur ce thème.
Les milieux politiques occidentaux ont récemment déclaré, y compris au sein de l’OTAN, que les ressources occidentales qui sont fournies à l’Ukraine à titre
d’assistance ne sont pas illimitées ; en fait, elles s’épuisent. Dans le même temps, certains experts occidentaux estiment que les ressources de la Russie sont
épuisées, jusqu’aux derniers missiles, munitions, etc.
Nous avons déjà entendu cela, mais, néanmoins, quelle est la situation de notre industrie de la défense ? Peut-elle reconstituer les ressources dont nous avons
besoin, d’une part, et produire suffisamment pour poursuivre l’opération militaire spéciale, d’autre part ?
Merci.
Vladimir Poutine : Tout d’abord, je ne pense pas que les ressources des pays occidentaux et des membres de l’OTAN aient été mises à rude épreuve.
Le fait que l’Ukraine soit approvisionnée en armes des anciens pays du Pacte de Varsovie, dont la majorité est de fabrication soviétique, est une autre
question. Cette ressource s’épuise en effet ; nous avons détruit et brûlé la quasi-totalité de ces armes. Il ne reste que quelques dizaines de véhicules
blindés et une centaine d’autres systèmes d’armes. Nous en avons détruit beaucoup. Le stock de ces systèmes est presque épuisé.
Mais cela ne signifie pas que les pays occidentaux et l’OTAN n’ont pas d’autres armes. Ils en ont. Cependant, il n’est pas facile de se convertir à de nouveaux
systèmes d’armes, y compris aux normes de l’OTAN. Cela nécessite du temps de préparation, la formation du personnel, des stocks de pièces de rechange,
l’entretien et la réparation. C’est un problème important et compliqué. C’est mon premier point.
Deuxièmement, il y a aussi la question des capacités de l’industrie de la défense occidentale. Le secteur américain de la défense est important et peut être
mis à contribution, mais cela ne sera pas facile là non plus, car cela implique des allocations supplémentaires, et l’allocation de fonds fait partie du
processus budgétaire. Ce n’est pas une question simple.
On dit que les systèmes Patriot pourraient être envoyés en Ukraine. Qu’ils le fassent ; nous éliminerons aussi les Patriot. Et ils devront envoyer quelque
chose pour les remplacer ou créer de nouveaux systèmes. C’est un processus long et compliqué. Ce n’est pas si simple. Nous prenons cela en compte et comptons
tout ce qui est envoyé là-bas, combien de systèmes il y a dans les dépôts, combien d’autres ils peuvent fabriquer et à quelle vitesse, et s’ils peuvent former
le personnel nécessaire.
Venons-en maintenant à nos capacités et à nos ressources. Nous les dépensons, bien sûr. Je ne donnerai pas de chiffres ici, par exemple, combien d’obus nous
utilisons par jour. Les chiffres sont élevés. Mais la différence entre nous et ceux qui nous combattent, c’est que l’industrie de défense ukrainienne se dirige
rapidement vers un chiffre nul, voire négatif. Toutes ses capacités de fabrication seront bientôt détruites, alors que notre cadre est en train de se
développer. Comme je l’ai souligné hier lors de la réunion du conseil du ministère de la défense, nous ne le ferons pas au détriment des autres secteurs
économiques. Nous devons de toute façon subvenir aux besoins de l’armée, d’une manière ou d’une autre, comme l’a dit le ministre hier.
Contrairement à l’Ukraine, nous avons développé notre industrie, y compris le secteur de la défense, au cours des dernières décennies. Nous avons développé
notre science et notre technologie militaires. Il nous manque certains éléments, comme les munitions volantes, les drones et autres, mais nous y travaillons.
Nous savons quelles entreprises peuvent les produire, combien et dans quel délai. Nous avons les fonds nécessaires pour financer les centres de recherche et de
technologie et les capacités de fabrication. Nous avons tout cela.
Oui, il y a un problème avec la mise en place de la vitesse et des volumes de production. Mais nous pouvons le faire, et nous le ferons certainement.
Monsieur le Président, dans cette situation, y a-t-il une réelle chance de trouver une solution diplomatique à la situation en Ukraine ? Est-ce que c’est
possible ?
Vladimir Poutine : Chaque conflit, chaque conflit armé se termine par une sorte de négociation sur la voie diplomatique, d’une manière ou d’une
autre, et nous n’avons jamais refusé de négocier. Ce sont les dirigeants ukrainiens qui se sont interdits de négocier. Cette attitude est quelque peu
inhabituelle, voire bizarre, dirais-je. Néanmoins, tôt ou tard, toute partie en conflit s’assoit et négocie. Plus vite ceux qui s’opposent à nous s’en rendront
compte, mieux ce sera. Nous n’avons jamais renoncé à cela.
Valery Sanfirov : (Valery Sanfirov, Vesti FM).
Monsieur le Président, vous avez rencontré fréquemment les militaires ces derniers temps.
Vladimir Poutine : Cela vous surprend-il ?
Valery Sanfirov : Non.
Vladimir Poutine : Tous les jours, pour que vous compreniez bien, tous les jours.
Valery Sanfirov : Une question sur les héros.
Vous êtes passé devant la rue Kutuzovsky Prospekt en vous rendant à cette réunion du Conseil d’État ; les rues de ce quartier portent le nom du général
Dorokhov, de Rayevsky, de Barclay de Tolly et de Vasilisa Kozhina. Même la réunion du Conseil d’État s’est déroulée dans une salle comportant quelque 11 000
plaques portant les noms de héros décorés de Saint-Georges, si je ne me trompe pas.
L’opération militaire spéciale produit-elle des héros et des commandants nationaux ? De nouveaux noms apparaissent-ils ?
Vladimir Poutine : Oui, bien sûr. Malheureusement, tout conflit armé est associé à des pertes, des tragédies, des blessures, etc. Et en règle
générale, vous savez, ceux qui meurent en défendant les intérêts de leur Patrie, de leur peuple, ceux qui sont blessés – ce sont les plus forts. Ils sont en
première ligne. Et bien sûr, ce sont des héros. Je l’ai dit à maintes reprises. C’est ma conviction profonde.
Pensez-y : vous et moi sommes ici, dans cette salle du palais du Kremlin ; nous sommes au chaud, avec le soleil artificiel qui brille au-dessus de nous ; les
lumières sont allumées, l’intérieur est magnifique – et les soldats sont dehors, dans la neige. Vous voyez ?
Nous parlons des semelles de leurs bottes et ainsi de suite, de leurs armes – mais ils peuvent se faire tirer dessus à tout moment. Bien sûr, ce sont tous des
héros. Ils font des efforts considérables, risquent leur santé et leur vie. Bien sûr, ce sont des héros. Certains d’entre eux commettent des actes
particuliers, des actes que l’on qualifie d’héroïsme, d’héroïsme personnel. Pas seulement du travail acharné, mais de l’héroïsme personnel.
Nous y pensons, bien sûr, et nous trouverons certainement un moyen de les présenter comme des modèles pour toute notre société, comme un exemple à suivre pour
la jeune génération. Ces personnes renforcent l’esprit intérieur de la nation. C’est très important. Nous les avons certainement. Ils sont nombreux. Vous en
connaissez probablement certains ; d’autres, nous ne les connaissons pas encore, nous n’avons pas encore leurs noms, mais nous allons les énumérer à coup
sûr.
Maria Glebova : (Maria Glebova, RIA Novosti).
Si vous le permettez, j’aimerais revenir sur l’économie.
Vous avez dit précédemment que l’économie ne s’est pas effondrée. Mais maintenant nous entendons dire que le coup dur viendra l’année prochaine. Pouvez-vous
nous dire s’il sera possible de maintenir l’économie russe à flot ?
Par ailleurs, à la fin de chaque année, vous rencontrez les chefs d’entreprise russes. Mais pas cette année. Pourquoi cela ? Voyez-vous leur rôle dans la
croissance de l’investissement privé maintenant ?
J’aimerais également évoquer les questions sociales. Tous les engagements sociaux qui ont été pris continueront-ils à être respectés ?
Merci.
Vladimir Poutine : En ce qui concerne l’économie, j’ai déjà abordé ce sujet, mais j’ai quelque chose à ajouter.
Premièrement, l’effondrement économique prédit ne s’est pas produit. Certes, nous avons enregistré une baisse, et je vais répéter les chiffres. Il y a eu des
promesses – ou des prédictions ou des espoirs peut-être – que l’économie de la Russie allait se contracter. Certains ont dit que son PIB allait chuter de 20 %
ou plus, de 20 à 25 %. Il est vrai qu’il y a une baisse du PIB, mais pas de 20-25 % ; elle est en fait de 2,5 %. C’est la première chose.
Deuxièmement. L’inflation, comme je l’ai dit, sera d’un peu plus de 12 % cette année – c’est aussi l’un des indicateurs les plus importants. Je pense que c’est
beaucoup mieux que dans de nombreux autres pays, y compris les pays du G20. L’inflation n’est pas bonne, bien sûr, mais le fait qu’elle soit plus faible que
dans d’autres pays est une bonne chose.
L’année prochaine – nous l’avons également mentionné – nous nous efforcerons d’atteindre l’objectif de 4 à 5 %, sur la base des performances de l’économie au
premier trimestre – du moins, nous l’espérons. Et c’est une très bonne tendance, contrairement à certains autres pays du G20, où l’inflation est en
hausse.
Le chômage est à un niveau historiquement bas de 3,8 %. Nous avons un déficit budgétaire, c’est vrai, mais il n’est que de 2 % cette année, l’année prochaine
aussi, puis il est prévu à 1 %, et moins de 1 % en 2025 : nous prévoyons environ 0,8 %. Je tiens à souligner que d’autres pays – tant les grandes économies en
développement que les économies de marché dites développées – enregistrent un déficit beaucoup plus important. Aux États-Unis, je pense qu’il est de 5,7 %, et
en Chine, il est supérieur à 7 %. Toutes les grandes économies affichent des déficits supérieurs à 5 %. Ce n’est pas notre cas.
C’est une bonne base pour avancer avec confiance vers 2023.
Notre priorité pour 2023 sera le développement des infrastructures. Je ne pense pas devoir énumérer tous les projets, nous en avons beaucoup : le projet de
domaine opérationnel oriental, le corridor nord-sud et d’autres projets d’infrastructure à travers le pays (tout récemment, Marat Khusnullin a fait un rapport
sur la construction de routes), etc. Aéroports, ports, beaucoup d’autres projets.
Ensuite, nous devons également traiter les questions financières. Qu’est-ce que je veux dire ? Le système financier du pays est stable, les banques sont
fiables et fonctionnent sans perturbations, ce qui est dû au gouvernement et aux employés des banques qui travaillent très dur et connaissent très bien leur
travail. Ce sont des personnes hautement qualifiées qui gèrent beaucoup de choses, sinon tout. Nous devons maintenir la stabilité macroéconomique. Nous
n’autoriserons pas de dépenses incontrôlables mais, comme je l’ai dit, nous nous dirigerons vers la réalisation des principaux indicateurs macroéconomiques qui
peuvent soutenir la stabilité économique en général.
J’ai parlé des infrastructures. L’aspect important suivant est le maintien de la stabilité du système financier, du système bancaire et du budget. Il est
important de faire une chose très importante, qui est de remplacer les investissements sur lesquels les participants à l’activité économique comptaient
auparavant, y compris certaines institutions occidentales, des fondations, etc. par des sources internes au pays. Il faut les remplacer par des fonds
nationaux. Bien sûr, nous pouvons le faire en utilisant divers instruments. Je ne veux pas entrer dans les détails. Si vous posez une question sur l’économie,
vos lecteurs savent très probablement de quoi il s’agit. Ils existent et doivent être développés. Ce n’est pas simple, mais c’est possible.
Bien sûr, nous devons résoudre le problème principal, qui est l’augmentation des salaires réels. C’est absolument évident. Compte tenu de l’inflation et des
recettes budgétaires, nous sommes en mesure de faire un pas dans cette direction. Nous avons toute une série de mesures économiques à prendre. Je ne doute pas
qu’elles soient toutes réalisables. Les résultats de l’année prochaine montreront comment nous pouvons réaliser ces plans et nous rapprocher de la résolution
de ces tâches.
Maria Glebova : Qu’en est-il des grandes entreprises ?
Vladimir Poutine : Les grandes entreprises.
Vous voyez, j’aime toujours rencontrer mes collègues, même si le COVID est à nouveau en hausse, tout comme la grippe porcine. C’est le seul problème. Je veux
dire que je pourrais les rencontrer comme je le fais avec vous, mais ils doivent se réunir en un seul endroit. Ils peuvent présenter certains risques les uns
pour les autres en termes de situation épidémiologique. C’est le seul problème. En tout cas, nous sommes en contact permanent et nous continuerons à développer
ce dialogue.
Ils traversent des moments difficiles. Vous voyez, il y a des gens différents. Nous le savons bien, le pays le sait. Tout d’abord, ils ont tous été soumis à
des sanctions. Occidentaux, pro-occidentaux ou pas, ils ont été soumis aux sanctions sans distinction. Pour quoi faire ? Pour obliger les entreprises à
affronter le gouvernement. Mais les gens qui vivent dans ce pays doivent servir les intérêts du pays. Et le pays a intérêt à ce qu’ils travaillent efficacement
et paient des impôts. Ils n’ont pas besoin d’avoir un bateau saisi à l’étranger ou un château sur la mer Méditerranée ou à Londres.
Vous voyez, le fait est que si une personne vit ici et associe sa vie, la vie de ses enfants et de sa famille à ce pays, c’est une chose. Mais si une personne
n’associe pas sa vie à ce pays et se contente de prendre de l’argent d’ici pour se construire une vie à l’étranger, cela signifie qu’elle n’accorde pas
d’importance au pays dans lequel elle vit et gagne de l’argent, mais plutôt à ses bonnes relations dans le lieu où se trouvent ses biens et ses comptes
bancaires. Ce genre de personnes représente un danger pour nous.
Mais nous ne portons pas de jugement, tant qu’ils travaillent efficacement. Nous maintenons et nous continuerons à maintenir nos contacts.
Je tiens à noter que peut-être pas à 100 %, pas tous, mais la plupart des représentants des entreprises, y compris les grandes entreprises, sont des patriotes
de notre pays, des patriotes de la Russie. Chaque personne a ses propres circonstances individuelles, mais tous s’efforcent non seulement de vivre et de
travailler en Russie, mais aussi de travailler dans l’intérêt de notre pays, de maintenir leur personnel, leurs entreprises, de développer l’économie,
etc.
Nakhid Babayev : Bonjour, Monsieur le Président.
Mon nom est Nakhid Babayev, NTV.
Je voudrais parler davantage de l’économie. La Russie subit-elle des pertes après l’adoption du plafonnement du prix du pétrole russe ? Le secteur pétrolier
a-t-il demandé de l’aide à l’État, des concessions ?
D’où la question suivante. On parle beaucoup des mesures d’intervention, et un décret est en cours d’élaboration. Les mesures qu’il prévoit seront-elles en
mesure de protéger nos intérêts ?
Vladimir Poutine : Vous savez, je pense que je vais signer le décret lundi ou mardi prochain. Il s’agit de mesures préventives, car il n’y a pas de
dommages évidents pour la Russie, l’économie russe ou le secteur russe du carburant et de l’énergie. Nous vendons du pétrole à peu près aux mêmes prix que ce
plafond.
Oui, l’objectif de nos adversaires géopolitiques est de réduire les recettes du budget russe, mais nous ne perdons rien à cause de ce plafond. Le secteur russe
des carburants et de l’énergie, le budget et l’économie ne subissent pas de pertes, car nous vendons déjà du pétrole à ce prix.
Mais ce qui est important, c’est qu’ils essaient d’apporter de nouveaux outils, non caractéristiques de l’économie de marché, à l’économie mondiale. Le client,
l’acheteur essaie d’introduire une nouvelle régulation, non marchande, qui sera utilisée en théorie et en pratique dans le monde entier.
Imaginez ceci : vous voulez aller chez un concessionnaire pour acheter une voiture, disons une Mercedes ou une Chevrolet. Vous y allez et vous dites :
« Je l’achèterai pour cinq roubles, pas plus ». D’accord. Vous achetez une, deux, trois voitures, et ensuite l’usine Mercedes fermera, parce que la
production de voitures Mercedes ou Chevrolet ne sera plus rentable. C’est la même chose dans le secteur de l’énergie, complètement la même chose.
Ce secteur manque déjà d’investissements. Il y a des problèmes liés au fait que l’argent n’est pas investi dans de nouveaux projets tels que les pipelines, la
production et le développement en raison des préoccupations environnementales et de la transition vers des sources d’énergie renouvelables. Les banques ne
prêtent pas d’argent et les compagnies d’assurance refusent d’émettre des polices. Les grandes entreprises mondiales ont cessé d’investir dans le volume dont
le secteur énergétique mondial a besoin.
Et maintenant, elles tentent de fixer administrativement un plafond de prix. C’est la voie vers la destruction du secteur énergétique mondial. Le moment
pourrait venir où le secteur sous-investi cessera de fournir le volume nécessaire de produits et où les prix s’envoleront et nuiront à ceux qui tentent
d’introduire ces instruments.
Par conséquent, les producteurs d’énergie, les producteurs de pétrole dans ce cas, le prennent personnellement, en se référant à eux-mêmes, pas à la Russie,
mais à eux-mêmes, car tout le monde pense qu’il s’agit de la première tentative de dicter des règles administratives de régulation des prix aux producteurs, et
d’autres suivront.
Alexei Lazurenko : (Alexei Lazurenko, Izvestia).
Je voudrais poursuivre sur le même sujet.
Des décisions similaires visant à plafonner les prix du gaz ont été adoptées il y a quelques jours. Que ferons-nous dans ce contexte ? Quelle est l’importance
de cette menace pour nous et quel sera l’avenir des gazoducs Nord Stream ?
Vladimir Poutine : Cette initiative suit le même schéma, pour autant que je puisse dire. Une fois de plus, nous assistons à une tentative
d’utiliser le levier administratif pour réguler les prix. Rien de bon ne peut en sortir pour les marchés du gaz ou du pétrole.
Dans l’ensemble, il arrive que nos collègues et partenaires me surprennent vraiment par leur manque de professionnalisme. Il fut un temps où c’était la
Commission européenne qui nous obligeait à passer à la tarification de marché et à fixer le prix du gaz naturel sur la bourse des matières premières. Nous
avons à notre tour, et j’ai personnellement essayé de persuader Bruxelles de ne pas le faire, en disant que ce n’est pas comme ça que le marché du gaz
fonctionne et que cela aurait de graves conséquences, entraînant une flambée des prix. C’est exactement ce qui se passe actuellement. Aujourd’hui, ils ne
savent pas comment se sortir de cette situation et tentent de réglementer également le prix du gaz.
Toutefois, il y a une légère différence par rapport à la façon dont ils essaient de réguler les prix du pétrole. Cette fois, la Commission européenne se
concentre sur la régulation des bourses de marchandises. Elle lie les prix du gaz au GNL, en disant que les prix du gaz doivent être en corrélation avec les
prix du GNL, etc. Il s’agit tout de même d’une tentative d’utiliser des méthodes administratives pour réguler les prix.
Vous savez, ils ne nous écoutent pas, ils ne veulent pas traiter avec nous, ils ne nous aiment pas et veulent nous contrer. Bien, mais qu’en est-il de
s’écouter eux-mêmes ? Je fais référence à ceux qui tentent de réguler les prix du gaz en Europe. Ils s’inspirent toujours des Américains, s’inclinent et
s’humilient chaque fois qu’on leur ordonne de faire quelque chose. Cette fois, il n’y a pas eu d’ordres, mais ils auraient pu écouter ce que disent les experts
américains. Prenez Friedman, un éminent économiste et lauréat du prix Nobel. Il a dit que si vous voulez créer une pénurie de tomates, il suffit de plafonner
le prix des tomates. Vous obtiendrez instantanément une pénurie de tomates. Ils font la même chose avec le pétrole et le gaz – exactement la même chose. Pour
une raison quelconque, personne n’écoute.
Nous avons suivi de près ces développements, nous les avons observés. Si le système qu’ils proposent penche vers la réglementation administrative et va à
l’encontre des contrats de Gazprom avec ses homologues, ou s’il y a une quelconque interférence dans ces contrats, nous nous réservons le droit d’examiner si
nous avons l’obligation d’exécuter ces contrats alors que l’autre partie les enfreint.
Quant au Nord Streams…. Que puis-je dire ? Il s’agit d’une attaque terroriste, c’est évident, et tout le monde l’a reconnu. Ce qui est encore plus surprenant,
c’est qu’il s’agit d’un acte de terrorisme international, ou devrais-je dire d’État. Pourquoi ? Parce que des individus ne peuvent pas mener seuls des attaques
terroristes de ce type. Des États ont manifestement participé à leur perpétration.
Comme on dit dans ces cas-là : cherchez qui en profitera. Qui profitera du fait que le gaz russe ne soit fourni à l’Europe qu’à travers l’Ukraine, qui
profitera du fait que l’Ukraine reçoive l’argent ? L’agresseur est la Russie, mais elle reçoit de l’argent de notre part pour le transit, et nous la payons,
bien qu’elle nous qualifie d’agresseurs, et bien qu’elle soit également agressive en ce qui concerne le Donbass. Nous nous opposons à l’agression, et non
l’inverse. Ils prennent de l’argent et c’est bien. L’argent, c’est l’argent.
Qui profite du fait que le gaz russe est fourni à l’Europe uniquement via l’Ukraine ? C’est celui qui l’a fait exploser. Personne n’enquête. Nous avons eu
l’occasion une seule fois d’inspecter les sites des explosions. Tout cela était dans les médias, il n’y a rien à répéter, car je suis sûr que vous le savez
déjà. Mais il n’y a pas de véritable enquête, personne n’enquête. C’est étonnant mais vrai.
Quant au pétrole et au gaz, savez-vous ce qui m’est venu à l’esprit en ce moment même pendant notre conversation ? J’en ai déjà parlé une fois, mais je pense
qu’il sera difficile de ne pas être d’accord avec ce que je vais dire.
Écoutez, ils essaient de plafonner le prix des ressources énergétiques, du pétrole et du gaz. Qui les produit ? La Russie, les pays arabes, l’Amérique latine,
l’Asie, l’Indonésie, le Qatar, l’Arabie saoudite, les Émirats arabes unis produisent aussi du pétrole. Les États-Unis produisent du pétrole et du gaz, mais ils
consomment tout : il leur reste peu pour le marché extérieur. C’est-à-dire qu’il est produit dans ces pays, mais consommé en Europe et aux États-Unis.
Je crois que ce qu’ils essaient de faire maintenant est un vestige du colonialisme. Ils ont l’habitude de voler les autres pays. En effet, dans une large
mesure, l’essor des économies des pays européens est fondé sur la traite des esclaves et le pillage de l’Afrique, de l’Asie et de l’Amérique latine. Dans une
large mesure, la prospérité des États-Unis est née de la traite des esclaves et de l’utilisation du travail des esclaves, puis, bien sûr, de la première et de
la deuxième guerre mondiale, ce qui est évident. Mais ils ont l’habitude de voler les autres. Et une tentative de régulation non marchande dans le domaine de
l’économie est le même vol colonial, ou, en tout cas, une tentative de vol colonial.
Mais le monde a changé et il est peu probable qu’ils puissent le faire aujourd’hui.
Alexander Yunashev : M. le Président, bonjour.
(Alexander Yunashev, Vie).
Je voudrais vous demander comment les événements de ces derniers mois ont changé votre vie et votre routine quotidienne ? Trouvez-vous le temps de faire de
l’exercice ?
La semaine prochaine, c’est le Nouvel An, je voudrais donc vous souhaiter de bonnes vacances et vous demander comment vous allez les passer ?
Je vous remercie.
Vladimir Poutine : Merci.
Il n’y a rien qui sorte de l’ordinaire. Je vais célébrer cette nouvelle année avec ma famille, avec les personnes qui me sont chères, et je vais regarder le
discours du Président, l’allocution.
Quant au sport, je continue à faire de l’exercice. Je crois que c’est juste une façon de rester en forme, et je dois rester en forme pour travailler. C’est
comme une pilule qui vous permet de vous sentir bien et de bien travailler. J’aimerais que tout le monde ait cette attitude vis-à-vis du sport : c’est une
bonne chose. On dit que cela aide aussi à rester en forme mentalement : un esprit sain dans un corps sain.
M.K. Bhadrakumar décrypte les derniers mouvements géostratégiques de Vladimir Poutine
Sur son blog, le 24 décembre dernier, le diplomate indien montre comment le président russe a accéléré le mouvement de ses pièces sur
l’échiquier eurasiatique en cette fin d’année 2022:
« Le moment décisif de la conférence de presse du président américain Joe Biden à la Maison Blanche mercredi dernier, lors de la visite du président
Zelensky, a été son aveu virtuel qu’il est limité dans la guerre par procuration en Ukraine, car les alliés européens ne veulent pas d’une guerre avec la
Russie.
Pour citer Biden, « Maintenant, vous dites, ‘Pourquoi ne donnons-nous pas à l’Ukraine tout ce qu’il y a à donner ? Eh bien, pour deux raisons.
Premièrement, il y a toute une Alliance qui est essentielle pour rester avec l’Ukraine. Et l’idée de donner à l’Ukraine des éléments fondamentalement
différents de ceux qui existent déjà aurait pour effet de briser l’OTAN, l’Union européenne et le reste du monde… J’ai passé plusieurs centaines d’heures en
tête-à-tête avec nos alliés européens et les chefs d’État de ces pays, et j’ai expliqué pourquoi il était dans leur intérêt, à une écrasante majorité, de
continuer à soutenir l’Ukraine… Ils le comprennent parfaitement, mais ils ne cherchent pas à entrer en guerre avec la Russie. Ils ne cherchent pas une
troisième guerre mondiale ».
Biden s’est alors rendu compte que « j’en ai probablement déjà trop dit » et a brusquement mis fin à la conférence de presse. Il a probablement
oublié qu’il s’attardait sur la fragilité de l’unité occidentale.
Le fait est que les commentateurs occidentaux oublient largement que l’agenda de la Russie ne porte pas sur la conquête territoriale – même si l’Ukraine est
vitale pour les intérêts russes – mais sur l’expansion de l’OTAN. Et cela n’a pas changé.
De temps à autre, le président Poutine revient sur le thème fondamental selon lequel les États-Unis ont toujours cherché à affaiblir et à démembrer la Russie.
Pas plus tard que mercredi dernier, Poutine a invoqué la guerre de Tchétchénie dans les années 1990 – « l’utilisation de terroristes internationaux dans
le Caucase, pour en finir avec la Russie et diviser la Fédération de Russie… Ils [les États-Unis] ont prétendu condamner Al-Qaïda et d’autres criminels, mais
ils ont considéré que les utiliser sur le territoire de la Russie était acceptable et leur ont fourni toutes sortes d’aides, notamment matérielles,
informationnelles, politiques et tout autre soutien, notamment militaire, pour les encourager à poursuivre la lutte contre la Russie. »
Poutine a une mémoire phénoménale et aurait fait allusion au choix judicieux de William Burns par Biden comme chef de la CIA. Burns était la personne de
référence de l’ambassade de Moscou pour la Tchétchénie dans les années 1990 ! Poutine a maintenant ordonné une campagne nationale pour déraciner les vastes
tentacules que les services secrets américains ont plantées sur le sol russe à des fins de subversion interne. Carnegie, autrefois dirigée par Burns, a depuis
fermé son bureau de Moscou, et le personnel russe a fui vers l’Ouest !
Le leitmotiv de la réunion élargie du conseil du ministère de la défense à Moscou mercredi, à laquelle Poutine a pris la parole, était la réalité profonde que
la confrontation de la Russie avec les États-Unis ne va pas se terminer par une guerre en Ukraine. Poutine a exhorté les hauts gradés russes à « analyser
soigneusement » les leçons des conflits ukrainien et syrien.
Plus important encore, Poutine a déclaré : « Nous continuerons à maintenir et à améliorer la préparation au combat de la triade nucléaire. C’est la
principale garantie que notre souveraineté et notre intégrité territoriale, la parité stratégique et l’équilibre général des forces dans le monde sont
préservés. Cette année, le niveau d’armement moderne des forces nucléaires stratégiques a déjà dépassé 91 %. Nous continuons à réarmer les régiments de nos
forces de missiles stratégiques avec des systèmes de missiles modernes équipés d’ogives hypersoniques Avangard. »
De même, le ministre de la défense, Sergueï Choïgou, a proposé, lors de la réunion de mercredi, un renforcement des capacités militaires « afin de
consolider la sécurité de la Russie » :
La création d’un groupe de forces correspondant dans le nord-ouest de la Russie pour contrer l’entrée de la Finlande et de la Suède dans l’OTAN
;
Création de deux nouvelles divisions d’infanterie motorisée dans les régions de Kherson et de Zaporozhya, ainsi que d’un corps d’armée en Carélie, face à la
frontière finlandaise ;
Transformation de sept brigades d’infanterie motorisée en divisions d’infanterie motorisée dans les districts militaires de l’Ouest, du Centre et de l’Est,
ainsi que dans la flotte du Nord ;
Ajout de deux divisions d’assaut aérien supplémentaires dans les forces aéroportées ;
Mise à disposition d’une division d’aviation composite et d’une brigade d’aviation d’armée avec 80-100 hélicoptères de combat au sein de chaque armée combinée
(de chars) ;
Création de 3 commandements de division aérienne supplémentaires, de huit régiments d’aviation de bombardement, d’un régiment d’aviation de chasse et de six
brigades d’aviation de l’armée de terre ;
Création de 5 divisions d’artillerie de district, ainsi que de brigades d’artillerie super lourdes pour constituer des réserves d’artillerie le long de l’axe
dit stratégique ;
Création de 5 brigades d’infanterie de marine pour les troupes côtières de la marine, sur la base des brigades d’infanterie de marine existantes
;
Augmentation de la taille des forces armées à 1,5 million de personnes, dont 695 000 sous contrat.
Poutine a résumé : « Nous ne répéterons pas les erreurs du passé… Nous n’allons pas militariser notre pays ou militariser l’économie… et nous ne ferons
pas des choses dont nous n’avons pas vraiment besoin, au détriment de notre peuple et de l’économie, de la sphère sociale. Nous améliorerons les forces armées
russes et l’ensemble de la composante militaire. Nous le ferons de manière calme, régulière et cohérente, sans précipitation. »
Si les néoconservateurs aux commandes du Beltway voulaient une course aux armements, ils l’ont maintenant. Le paradoxe, cependant, est que cette course sera
différente de la course aux armements bipolaire de l’époque de la guerre froide.
Si l’intention des États-Unis était d’affaiblir la Russie avant d’affronter la Chine, les choses ne se passent pas ainsi. Au contraire, les États-Unis
s’enferment dans une confrontation avec la Russie et les liens entre les deux grandes puissances sont à un point de rupture. La Russie attend des États-Unis
qu’ils freinent l’expansion de l’OTAN, comme ils l’avaient promis aux dirigeants soviétiques en 1989.
Les néoconservateurs s’attendaient à une situation « gagnant-gagnant » en Ukraine : Une défaite russe et une fin honteuse de la présidence de Poutine
; une Russie affaiblie, comme dans les années 1990, qui tâtonne pour prendre un nouveau départ ; la consolidation de l’unité occidentale sous l’égide d’une
Amérique triomphante ; un coup de pouce massif dans la lutte à venir avec la Chine pour la suprématie dans l’ordre mondial ; et un nouveau siècle américain
sous l’égide d’un « ordre mondial fondé sur des règles ».
Mais au lieu de cela, il s’agit d’un classique Zugzwang in the endgame – pour emprunter à la littérature d’échecs allemande – où les États-Unis sont dans
l’obligation de faire un geste sur l’Ukraine, mais quel que soit le geste qu’ils font, il ne fera qu’aggraver leur position géopolitique.
Biden a compris que la Russie ne peut être vaincue en Ukraine et que le peuple russe n’est pas d’humeur à se révolter. La popularité de Poutine monte en
flèche, car les objectifs russes en Ukraine se réalisent progressivement. Ainsi, M. Biden a peut-être le vague sentiment que la Russie ne voit pas exactement
les choses en Ukraine comme un binaire de victoire et de défaite, mais qu’elle se prépare pour le long terme à régler le problème de l’OTAN une fois pour
toutes.
La transformation du Belarus en un État « à capacité nucléaire » est porteuse d’un message profond de Moscou à Bruxelles et à Washington. Biden ne
peut pas le manquer. (Voir mon blog NATO nuclear compass rendered unavailing, Indian Punchline, 21 décembre 2022.
Logiquement, l’option ouverte aux États-Unis à ce stade serait de se désengager. Mais cela reviendrait à admettre une défaite abjecte et sonnerait le glas de
l’OTAN, et le leadership transatlantique de Washington s’effondrerait. Et, pire encore, les grandes puissances d’Europe occidentale – l’Allemagne, la France et
l’Italie – pourraient commencer à chercher un modus vivendi avec la Russie. Mais surtout, comment l’OTAN pourrait-elle survivre sans « ennemi »
?
Il est clair que ni les États-Unis ni leurs alliés ne sont en mesure de mener une guerre continentale. Mais même s’ils le sont, qu’en est-il du scénario
émergeant en Asie-Pacifique, où le partenariat « sans limites » entre la Chine et la Russie a ajouté une couche intrigante à la géopolitique ?
Les néoconservateurs du Beltway ont mordu plus que ce qu’ils pouvaient mâcher. Leur dernière carte sera de pousser à une intervention militaire américaine
directe dans la guerre en Ukraine sous la bannière d’une « coalition de volontaires ».
Le soutien total de l'UE à l'Ukraine est supérieur à celui des USA
Bien entendu, les Etats-Unis sont le premier contributeur individuel:
Ces données sont collectées par l’IFW, institut économique basé à Kiel, qui met à jour quotidiennement unUkraine Support Tracker. La
carte rapportant le soutien, humanitaire ou militaire, apporté à l’Ukraine et rapporté au PIB, est instructive:
Les Pays Baltes et la Pologne sont les plus impliqués dans le conflit. Mais il est utile de faire la distinction entre l’aide humanitaire, l’aide
militaire et le soutien financier:
On sera sans doute étonné de voir l’implication militaire de l’Allemagne aux côtés de l’Ukraine., supérieure à celle de la Pologne, en termes
financiers.
La Bataille d'Ukraine - point saillants
La carte ci-dessus rend compte du caractère acharné de la bataille au sol. Il s’agit des modifications du front russe entre le 30 novembre et le 27 décembre
2022 à Bakhmout: avancée au sud et au centre; léger retrait au nord. L’armée ukrainienne ne cesse d’acheminer des renforts dans une bataille de position qui
fait écho à celle de Marioupol au printemps.
Les tirs ukrainiens sur Donetsk continuent même s'ils sont moins fréquents
23-27 décembre Lente progression russe: l'armée ukrainienne semble dans une mentalité "tenir Stalingrad"
.
Pertes ukrainiennes gigantesques dans la bataille de Bakhmout sur fond de catastrophe démographique ukrainienne
Dans un THREAD, Jacques Frère ajoute: « Evaluation incorrecte des capacités réelles de
combat des unités tusses : sous-estimation des forces des républiques
de Lougansk et de Donetsk, excès de confiance des unités
ukrainiennes après les retraits
russes d’Izyum
et de Kherson, etc. Erreurs tactiques d’engagement d’unités ukrainiennes entraînées selon les normes OTAN sur le modèle des conflits afghan et irakien Unités
ukrainiennes prises en embuscade à plusieurs reprises faute de reconnaissance préalable du terrain. Unités ukrainiennes se dissimulant dans des bâtiments qui
avaient auparavant été ciblés par des batteries lourdes russes. Pénurie de véhicules blindés et livraisons de blindés inadaptés au terrain (MaxxPro, VAB,
Bushmaster, Kirpi…). La plupart des tentatives de contre-attaques ukrainiennes ont été menées sans la couverture de chars et de blindés d’infanterie, voire
même sans appui d’artillerie« .
« Le taux de natalité de l’Ukraine devrait chuter à des niveaux catastrophiques en 2023 et entraîner une baisse de la population du pays à 35 millions
d’habitants dans les années à venir. Il s’agit d’une crise démographique à laquelle l’Ukraine aura beaucoup de mal à échapper, même si la guerre prenait fin
demain.
« L’année prochaine, on assistera à une chute catastrophique du taux de natalité, et la population ukrainienne risque de tomber à 35 millions d’habitants
d’ici à 2030 », a déclaré le professeur Ella Libanova, académicienne-secrétaire de l’Académie nationale des sciences d’Ukraine et directrice de M.V.
Ptukha (Institut de démographie et d’études sociales).
Elle a ajouté que le principal facteur est la guerre, car elle contribue à un taux de mortalité élevé, au stress, à la surcharge, à une mauvaise alimentation
et au manque de soins médicaux, autant de facteurs qui ont un effet sur les taux de reproduction et de natalité.
L’experte a noté qu’une femme ukrainienne devrait donner naissance à 2,13 – 2,15 enfants au cours de sa vie pour maintenir la population actuelle de l’Ukraine,
qui compte environ 43,1 millions d’habitants. Selon elle, en 2021, le taux de natalité moyen en Ukraine était de 1,1, et en 2022, il sera « encore plus
faible ».
Libanova a déclaré qu’une grande partie des personnes qui ont quitté l’Ukraine sont « des jeunes femmes en âge actif de procréer et de travailler, ce qui
signifie qu’elles ne travaillent pas en Ukraine aujourd’hui et ne donnent pas naissance à des enfants ici. »
« Il est clair que l’effet purement quantitatif est négatif. Mais étant donné le déclin catastrophique de l’économie dû à la guerre, il est fort probable
que ces femmes n’auraient pas trouvé de travail en Ukraine, et que leur présence aurait augmenté la pression sur le marché du travail », a expliqué le
professeur.
Selon M.V. Ptukha, la population de l’Ukraine a diminué chaque année depuis 1994. La population actuelle est estimée à 43,1 millions d’habitants, mais il est
rappelé que lors du recensement panukrainien de 2001, près de 48 millions de personnes vivaient en Ukraine.
Selon le Haut Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés (HCR), au 9 août, plus de 10,5 millions de personnes ont fui l’Ukraine pour se rendre dans les
pays voisins. Depuis lors, plus de 4,4 millions de personnes sont rentrées chez elles.
Bien que de nombreuses personnes soient rentrées chez elles, Libanova souligne que les femmes ukrainiennes encore à l’étranger seront moins incitées à rentrer
« car chaque nouveau mois de leur séjour […] renforce leur adaptation – leur connaissance de la langue s’améliore, leurs enfants vont à l’école et à
l’université et les mères travaillent ».
Dans le même temps, selon Oleg Soskin, ancien conseiller du président ukrainien, Kiev devient une ville fantôme en raison de l’afflux massif de personnes qui
partent.
« Les loyers à Kiev sont en baisse et il n’y a plus de demande. Cela signifie que les migrants à Kiev commencent à partir, et ils sont 400 000. Kiev
devient lentement une ville fantôme grâce à Klitschko et à tous les gens comme Zelensky, Yermak et Shmyhal », a-t-il déclaré sur sa chaîne YouTube.
Soskin a exhorté les Ukrainiens à quitter les villes et les villages où la production a cessé de fonctionner et où il n’y a ni eau, ni électricité, ni système
de chauffage.
« Le secteur manufacturier s’effondre, l’économie s’effondre, les banques sont presque incapables de tenir le coup. Donc, dévaluation, inflation. Ne vous
attardez pas dans les villes fantômes », a-t-il conseillé.
Après l’attaque terroriste du régime de Kiev sur le pont de Crimée, la Russie a commencé à lancer des attaques de missiles contre les infrastructures
ukrainiennes. Les cibles des frappes de représailles étaient les installations énergétiques, l’industrie de la défense, le commandement militaire et les
communications. Les effets de ces frappes se traduisent par des coupures d’électricité et d’autres désagréments pour les citoyens.
M. Soskin a également souligné que les Ukrainiens sont retirés des rues des villes et forcés de rejoindre les lignes de front, ce qui montre que Zelensky
devient un « dictateur non déguisé aux yeux du peuple. »
« Zelensky dit ce qu’est la démocratie, ce qu’est la liberté, et que nous n’avons pas de dictature, mais en fait nous sommes une dictature », a-t-il
déclaré, avant de révéler qu’il reçoit des vidéos d’Ukrainiens qui sont forcés de quitter les rues de Dniepr, Tchernivtsi, Krivoy Rog et d’autres villes afin
qu’ils puissent se battre sur les lignes de front.
Alors que Kiev devient une « ville fantôme », que les gens sont forcés de quitter les rues pour se battre sur les lignes de front et que les femmes
ukrainiennes en Europe ont peu de chances de retourner dans leur pays, l’Ukraine est confrontée à une importante crise démographique qui ne fera que s’aggraver
avec l’aggravation de sa crise économique.
Selon le Washington Post, lors d’une réunion à huis clos à la Banque nationale d’Ukraine en décembre, les responsables de la banque centrale ont prévenu que si
les attaques de la Russie s’intensifiaient, « les gens pourraient fuir l’Ukraine en masse, emportant leur argent avec eux et faisant s’effondrer la
monnaie nationale lorsqu’ils cherchent à échanger leur hryvnia ukrainienne contre des euros ou des dollars ».
« Le gouvernement ukrainien pourrait se retrouver sans réserves internationales pour payer les importations critiques et incapable de faire face aux
obligations de sa dette extérieure – un scénario catastrophe connu sous le nom de crise de la balance des paiements », ajoute le rapport.
Avec une situation économique aussi catastrophique, il est inévitable que les couples ukrainiens aient moins d’enfants, et beaucoup plus tard, même si les
facteurs liés à la guerre sont soudainement exclus. Il s’agit d’une crise que l’Ukraine ne peut éviter maintenant, même si la guerre prend fin
demain« .
On notera que, selon infobrics, les victimes civiles de l’offensive russe ne représentent que 6 à 7% des pertes totales de l’Ukraine depuis le 24
février.
La "stratégie Koutouzov", ça marche à chaque fois
Les Occidentaux se moquent de l’armée russe. Cette dernière, pourtant, réussit systématiquement à surprendre tout en utilisant la bonne vieille ruse du général
Koutouzov: une retraite apparente qui fait s’avancer l’adversaire imprudemment et le rend vulnérable. Deux exemples, ces derniers jours:
28-30 décembre: une nouvelle vague de missiles et de drones GERAN2 tirée par l'armée russe sur les infrastructures ukrainiennes
Le scénario se répète, de manière monotone: suite à une frappe de drones ukrainiens sur la base militaire aérienne russe d’Engels, l’armée russe a déclenché des représailles
massives contre les infrastructures électriques, les voies de chemin de fer et les centres de commandement de ‘larmée ukrainienne.
Le 30 décembre à midi, les forces russes ont poursuivi leurs frappes dans toute l’Ukraine. Des explosions ont déjà été signalées à Nikolaev
et dans la région de Nikolaev, dans la région d’Artemovsk (Bakhmut) et de Konstantinovka. L’alerte aérienne a été déclenchée dans la plupart des régions
d’Ukraine, dans l’est et dans le centre du pays.
Notons enfin qu’en cette fin 2022, l’avancée russe à Bakhmout semble s’accélérer:
Notons enfin qu’en cette fin 2022, l’avancée russe à Bakhmout semble s’accélérer.
Il semble sur que nous
atteindrons le 31 décembre 2022. Mais atteindrons-nous le 31 décembre 2023 ?
Cette question n’est pas
une hyperbole. Je dirais même que c’est la grande question pour au moins tout l’hémisphère nord.
Je préviens que la Russie se
prépare à une guerre totale depuis au moins 2014. C’est exactement ce que Poutine a dit dans son récent discours devant le conseil du ministère russe de la Défense. Si vous n’avez pas vu cette
vidéo, vous devriez vraiment la regarder, elle vous donnera un aperçu direct de la façon dont le Kremlin pense et de ce à quoi il se prépare. Voici à nouveau cette vidéo :
Je suppose que vous avez maintenant regardé cette vidéo et que je n’ai pas besoin de vous prouver que la Russie se prépare à une guerre massive, y compris
nucléaire.
Le ministre des affaires étrangères, Lavrov, a déclaré publiquement que « des
responsables anonymes du Pentagone ont en fait menacé de mener une « frappe de décapitation » sur le Kremlin… Ce dont nous parlons, c’est de la menace de l’élimination physique du chef
de l’État russe, (…) Si de telles idées sont effectivement nourries par quelqu’un, cette personne devrait réfléchir très attentivement aux conséquences possibles de tels plans. »
Nous sommes donc dans la situation suivante :
Pour la Russie, cette guerre est clairement, indéniablement et officiellement une guerre existentielle. Ignorer cette réalité serait le comble de la folie. Lorsque
la puissance nucléaire la plus forte de la planète déclare, à plusieurs reprises, qu’il s’agit d’une guerre existentielle, tout le monde devrait vraiment la prendre au sérieux et ne pas
s’enfoncer dans le déni.
Pour les néoconservateurs américains, il s’agit également d’une guerre existentielle : si la Russie gagne, l’OTAN perd et, par conséquent, les États-Unis perdent
aussi. Ce qui signifie que tous ces fils de pute qui, pendant des mois, ont raconté à l’opinion publique des sornettes en disant que la Russie allait perdre la guerre seront tenus pour
responsables de l’inévitable désastre.
La Russie est à cours de munitions, de missiles, d’armes…
Tout dépendra donc de la volonté des Américains, en particulier de ceux qui sont au pouvoir, de mourir ou non par solidarité avec les « barjos du
sous-sol ». Pour l’instant, on dirait bien qu’ils le sont. Ne comptez pas sur l’UE, elle a depuis longtemps renoncé à toute action. Parler avec eux n’a tout simplement aucun
sens.
Ce qui pourrait expliquer les récents propos de Medvedev : « Hélas, il n’y a personne en Occident avec qui nous pourrions traiter
de quoi que ce soit, pour quelque raison que ce soit (…) c’est le dernier avertissement à toutes les nations : il ne peut y avoir d’affaires avec le monde anglo-saxon parce que c’est un voleur,
un escroc, un manipulateur qui peut faire n’importe quoi« .
La Russie peut faire beaucoup de choses, mais elle ne peut pas libérer les États-Unis de l’emprise des néoconservateurs. C’est une chose que seuls les Américains
peuvent faire.
Et là, nous entrons dans un cercle vicieux :
Le système politique américain a très peu de chances d’être efficacement remis en question de l’intérieur, les grands capitaux dirigent tout, y compris le système
de propagande le plus avancé de l’histoire (alias les « médias libres ») et la population est maintenue dans l’ignorance et le lavage de cerveau. Et oui, bien sûr, une défaite majeure
dans une guerre contre la Russie ébranlerait ce système si fort qu’il serait impossible de dissimuler l’ampleur du désastre (pensez à « Kaboul sous stéroïdes« ). Et c’est précisément la raison
pour laquelle les Néoconservateurs ne peuvent pas permettre que cela se produise, car cette défaite déclencherait un effet domino qui impliquerait rapidement la vérité sur le 11 septembre et,
après cela, tous les mythes et mensonges sur lesquels la société américaine s’est fondée pendant des décennies (JFK quelqu’un ?).
Il y a, bien sûr, beaucoup d’Américains qui comprennent parfaitement cela. Mais combien d’entre eux sont en position de pouvoir réel pour influencer les décisions
et les résultats des États-Unis ? La véritable question est de savoir s’il existe encore suffisamment de forces patriotiques au Pentagone ou dans les agences de presse pour renvoyer les
néoconservateurs dans le sous-sol d’où ils sont sortis après l’attaque sous faux drapeau du 11 septembre.
À l’heure actuelle, il semble bien que tous les postes de pouvoir aux États-Unis soient occupés par des néolibs, des néocons, des RINO [Republicans In Name Only, NdT] et d’autres créatures
hideuses, mais il est également indéniable que des personnes comme Tucker Carlson et Tulsi Gabbard touchent un grand nombre de personnes qui, eux, « comprennent« . Cela doit inclure de VRAIS libéraux et de
VRAIS conservateurs dont la loyauté ne va pas à une bande de voyous internationaux mais à leur propre pays et à leur propre peuple.
Je suis également certain que de nombreux commandants militaires américains écoutent ce que le colonel Macgregor a à dire.
Cela suffira-t-il à briser le mur de mensonges et de propagande ?
Je l’espère, mais je ne suis pas très optimiste.
Tout d’abord, Andrei Martyanov a tout à fait raison lorsqu’il dénonce constamment l’incompétence et l’ignorance flagrantes de la classe dirigeante américaine. Et je
partage tout à fait sa frustration. Nous voyons tous deux où tout cela va nous mener et tout ce que nous pouvons faire, c’est avertir, avertir et avertir encore. Je sais qu’il est difficile de
croire à l’idée qu’une superpuissance nucléaire comme les États-Unis est dirigée par une bande de voyous incompétents et ignorants, mais c’est la réalité et il ne suffit pas de la nier pour
qu’elle disparaisse.
Deuxièmement, du moins jusqu’à présent, le grand public américain n’a pas (encore) ressenti tous les effets de l’effondrement du système financier et économique
contrôlé par les États-Unis. Les « crétins » qui brandissent le drapeau peuvent donc encore espérer qu’une guerre contre la Russie ressemblera à l’opération « Tempête du désert« .
Ce ne sera pas le cas.
La vraie question ici est de savoir si la seule façon de réveiller les « crétins » qui ont subi un lavage de cerveau est une
explosion nucléaire au-dessus de leurs têtes ou non ?
« Go USA »
est un état mental qui a été injecté dans l’esprit de millions d’Américains depuis plusieurs décennies et il faudra soit beaucoup de temps, soit des événements vraiment dramatiques, pour ramener
ces gens à la réalité.
Troisièmement, les élites dirigeantes américaines sont clairement dans un profond déni. Tous ces discours stupides sur les missiles Patriot ou les F-16 américains
qui changeraient le cours de la guerre sont infantiles et naïfs. Franchement, tout cela serait plutôt comique si les conséquences potentielles n’étaient pas aussi dangereuses. Que se passera-t-il
lorsque l’unique batterie de missiles Patriot sera détruite et les F-16 abattus ?
A quelle vitesse l’Occident sera-t-il à court de Wunderwaffen ?
Sur une « échelle
d’escalade » conceptuelle, quelle sera la prochaine étape après les Patriot et les F-16 ?
Des armes nucléaires tactiques ?
Il est extrêmement dangereux de considérer la notion plutôt idiote selon laquelle une arme nucléaire « tactique » est en quelque sorte fondamentalement différente
d’une arme nucléaire « stratégique« ,
indépendamment de la manière dont elle est utilisée et de l’endroit où elle l’est.
Je pense que le fait que la classe dirigeante américaine envisage sérieusement à la fois une utilisation « limitée » d’armes nucléaires « tactiques » et des « frappes décapantes » est un très bon indicateur du fait que
les États-Unis sont à court de Wunderwaffen et que les Néocons sont désespérés.
Et à ceux qui seraient tentés de m’accuser d’hyperbole ou de délire paranoïaque, je dirai ce qui suit :
Cette guerre n’est PAS,
je dis bien PAS, une guerre contre l’Ukraine (ou la Pologne ou les trois États baltes). Au minimum, il s’agit d’une guerre pour l’avenir de l’Europe. Fondamentalement, c’est une guerre
qui concerne la réorganisation complète de l’ordre international de notre planète. Je dirais même que l’issue de cette guerre aura un impact plus important que la première ou la deuxième guerre
mondiale. Les Russes le comprennent clairement (revoir la vidéo ci-dessus si vous en doutez).
Et les néoconservateurs aussi, même s’ils n’en parlent pas.
La situation actuelle est bien plus dangereuse que la crise des missiles cubains ou l’impasse à Berlin. Au moins, à l’époque, les deux parties admettaient
ouvertement que la situation était vraiment dangereuse. Cette fois-ci, cependant, les élites dirigeantes de l’Occident utilisent leur formidable capacité de PSYOP/propagande pour dissimuler la
véritable portée de ce qui se passe réellement. Si chaque citoyen des États-Unis (et de l’UE) comprenait qu’il y a une cible nucléaire et conventionnel peint sur sa tête, les choses pourraient
être différentes. Hélas, ce n’est manifestement pas le cas, d’où l’inexistence d’un quelconque mouvement pacifiste et le quasi-consensus sur le versement de dizaines de MILLIARDS de dollars dans
le trou noir ukrainien.
En ce moment, les fous s’amusent avec toutes sortes d’idées stupides, y compris l’expulsion de la Russie du Conseil de sécurité de l’ONU (cela n’arrivera pas,
puisque la Russie et la Chine ont toutes deux un droit de veto) ou même la création d’une « conférence
de paix » sur l’Ukraine sans la participation de la Russie (dans un remake des « amis de la Syrie » et des « amis du Venezuela« ). Eh bien, bonne chance avec cela !
Apparemment, l’échec de Guaido et de Tikhanovskaia ne suffisent pas à décourager les Néocons et ils répètent maintenant exactement les mêmes bêtises avec « Ze ».
Alors, atteindrons-nous le 31 décembre 2023 ?
Peut-être, mais ce n’est pas du tout sûr. Il est clair que le Kremlin ne fait pas cette hypothèse, d’où son renforcement vraiment intense de toutes les capacités de
dissuasion stratégique de la Russie (tant nucléaires que conventionnelles).
Si Dieu le veut, le vieil adage « si vis pacem, para bellum » sauvera la mise, car la Russie
est très clairement préparée à tout conflit, y compris nucléaire. La Chine y arrivera aussi bientôt, mais il est probable que 2023 verra une sorte de fin pour la guerre d’Ukraine : soit une
victoire russe en Ukraine, soit une guerre continentale à grande échelle que la Russie gagnera également (bien qu’à un coût beaucoup plus élevé !). Ainsi, lorsque les Chinois seront vraiment
prêts (il leur faudra probablement encore 2 à 5 ans), le monde sera très différent.
Pour toutes ces raisons, je pense que 2023 pourrait bien être l’une des années les plus importantes de l’histoire de l’humanité. La question de savoir combien
d’entre nous y survivront reste ouverte.
Andrei
Traduit par Wayan, relu par Hervé, pour le Saker Francophone
Poutine et Zelensly paraissent les plus grands ennemis du monde. Caractères, styles, intérêts, conflit armé, rhétorique, culture, tout semble les opposer.
Pourtant, si l'on regarde les choses de plus près, il n'en est rien, car Zelensky fait exactement, aujourd'hui, la politique dont Poutine a besoin.
Dans cette guerre d’Ukraine qui fait rage, plusieurs épisodes se sont succédé jusqu’ici. Dans un premier temps, au début du
conflit, le sort des armes a semblé favoriser la Russie, à tel point que des velléités de négociations, assez rapidement, se sont fait jour, d’abord à la
frontière biélorusse, ensuite à Istanbul.
Les objectifs de la Russie en mars 2022
A cette époque, la Russie avait clairement montré, essentiellement par le fait qu’elle refusait toujours de russifier les deux
oblasts du Donbass, qu’elle était intervenue pour répondre à la provocation américano-ukrainienne (1), mais qu’elle souhaitait surtout se mettre en position de
force pour négocier, d’abord, un accord de type « Minsk 3 », et ensuite, et plus largement, une architecture de sécurité globale européenne, celle
qu’elle réclame depuis 30 ans. Avancées sur le terrain d’une part, ouverture à la discussion d’autre part, sa guerre était donc, à cette époque, « à
l’ancienne », c’est-à-dire militaro-diplomatique, et non pas purement militaire.
La Russie n’est pas déstabilisée par les sanctions
Les deux tentatives d’accords, court terme et long terme, ont avorté, sous la pression, selon ce qu’en disent la plupart des
analystes, des USA et du Royaume Uni. En effet, à l’époque, les pays occidentaux espéraient remporter la victoire facilement, non pas tant sur le plan
militaire que par la voie économique et diplomatique. En réalité, c’est la résistance russe aux sanctions, ainsi que le refus des pays « non alignés » de
suivre le camp occidental, qui ont changé les choses. Mais l’Occident pensait vraiment pouvoir faire, sur ce
point, la différence, d’où son refus d’ouvrir une séquence diplomatique. Dans la pratique, deux événements ont clairement montré à Poutine que le camp
occidental n’était pas prêt à une « ouverture » :
l’assassinat, dès leur retour à Kiev, de deux des membres de la délégation ukrainienne, durant la négociation à la frontière
biélorusse,
la mise en scène « spontanée », immédiate et planétaire, juste après la négociation d’Istanbul, des massacres de
Boutcha, le 31 Mars 2022, et du bombardement de la gare de Kramatorsk, le 8 Avril. Sans rentrer dans les détails des incohérences des versions
« officielles » de ces deux affaires, il faut bien constater qu’elles sont arrivées, l’une et l’autre, à point nommé pour expliquer aux opinions
occidentales qu’on ne pouvait pas « discuter avec un monstre », pour stopper les négociations, et pour justifier le jusqu’au-boutisme guerrier du
camp de l’ouest. A partir de ce moment-là, tant la rhétorique que la guerre elle-même ont changé de nature.
Progressivement, la Russie est entrée dans le “fait accompli”
Les mois qui ont suivi, et d’abord la prise de Marioupol, le 20 Mai, ont douché quelque peu les espoirs occidentaux, et aussi
confirmé les Russes dans le fait que, peu à peu, la négociation pour une solution « de jure » se transformerait, si personne ne voulait leur parler, en une
politique du fait accompli, « de facto ». Pour autant, la porte ouverte à un règlement restait possible. D’abord, les oblasts restaient ukrainiens, ensuite,
les civils, sauf dans la zone de guerre, n’étaient pas touchés.
Pendant ce temps, Zelensky poursuivait, avec beaucoup de souplesse, il faut le dire, la politique de ses sponsors, les
anglo-américains, et aussi, ne l’oublions jamais, les oligarques qui le financent et le surveillent jour et nuit. Après avoir cru, dans un premier temps, que
le « jeu » devait se terminer, assez rapidement, par un accord, il a vite compris que ses commettants n’étaient pas là pour une opération politique de courte
durée, ni pour le bien des peuples européens, mais pour, au maximum, une manœuvre géopolitique de longue durée, visant à l’affaiblissement de la Russie, dont
son pays et son peuple seraient les instruments obligés et les martyrs, et au minimum pour une formidable opération de prédation, à double titre : d’une part,
pour le lobby militaro-industriel américain, qui a vendu à l’Ukraine une quantité d’armes faramineuses, et qui, par le contrôle politico-militaire renforcé sur
l’Europe, s’assure un énorme marché, terrorisé et captif, pour plusieurs décennies. Et d’autre part, pour la clique d’oligarques ukrainiens dont il est, plus
encore, la créature, l’obligé et l’homme lige, et qui profite, plus que toute personne au monde, de cette situation.
Pour la caste militaro-financière, l’affaire du siècle
Pour cette clique, en effet, c’est « l’affaire du siècle » :
D’abord, de tous temps, la guerre a toujours été la façon, pour ceux qui sont bien placés, de s’enrichir très fortement et très
rapidement. Tout est urgent, tout est très cher, rien n’est contrôlé, aucune justice ni police ne fonctionne sauf celles, arbitraires, du pouvoir. On peut
menacer et même exécuter pratiquement qui l’on veut sans craindre de représailles. Vous avez en priorité les licences d’importation des produits de première
nécessité absolue que vos réseaux revendront ensuite en exclusivité et à prix d’or, vous êtes prioritaire dans les appels d’offres publics, vous êtes
propriétaire des hangars indispensables près des frontières et dans les ports, vos milices contrôlent les routes et rackettent tout ce qui passe. Vous avez
accès à toutes les combines, les plus juteuses comme les plus sordides. Il faut bien comprendre que la guerre est le paradis pour les puissants.
Corruption
Ensuite, si, comme de nombreux analystes l’avancent, près de 50% des sommes et des armes sont détournées, les chiffres finaux de
cette corruption sont colossaux. Jusqu’ici, les montants dépensés par l’occident, globalement, depuis le début du conflit, sont de l’ordre de 80 ou 90
Milliards de USD (2). Par ailleurs, comme on l’imagine, dans un tel cas, ce ne sont pas seulement les oligarques, en aval, qui se partagent les sommes
détournées, mais aussi, en amont, les « livreurs » qui gardent ou se font ristourner une partie de celles-ci. Là aussi, le lobby
militaro-industriel américain est aux premières loges, ainsi, on peut le penser, qu’une partie des services de renseignements, des sociétés de
« service » privées, et des multiples intermédiaires qui grenouillent dans cet énorme marigot ultra-mafieux. On peut aussi se dire que
l’administration et une partie de la classe politique américaine n’est pas en reste (3) et, pourquoi en serait-il autrement, de la classe politique et
administrative européenne ? (4)
10 milliards par mois
90 Milliards de USD pour 9 mois de guerre, cela fait près de 10 Milliards de USD de dépenses par mois. Si, tous les mois, près
de 5 Milliards de USD sont détournés, cela suffit à faire comprendre que tout mois passé à continuer la guerre est excessivement bon à prendre pour de nombreux
« sponsors », et que cela justifie tous les discours les plus martiaux possibles, la demande toujours plus exigeante de nouvelles armes et crédits,
et l’envoi à la boucherie de toujours plus de jeunes ukrainiens. En agissant de la sorte, en étant sans arrêt maximaliste, Zelensky assure donc la fortune de
ses commettants (5), ainsi que sa survie politique, sinon physique, pour un certain temps.
Mais les hyènes et les charognards ne sont pas les seuls à qui il rend service avec autant de zèle. L’autre grand pouvoir qu’il
sert est Poutine lui-même.
Pourquoi Poutine gagne aussi au pourrissement
En effet, après avoir, dans un premier temps, conduit une guerre politico-diplomatique, Poutine s’est convaincu, à un moment
donné, que la porte de la négociation ne s’ouvrirait jamais. C’est la prise de Liman, le 1er Octobre, qui l’a fait changer d’avis et l’a conduit à franchir le
Rubicon. Jusque là, il s’était évertué, par une guerre non pas de « décapitation », mais de « dévitalisation », d’anéantir les forces vives
de l’armée adverse (6). Zelensky avait reconnu, durant l’été, l’hécatombe de ses soldats. Mais au début de l’automne, l’OTAN reprend tout en main. Embauche
massive de mercenaires (7), planification stratégique faite directement par l’OTAN, changement de tactique, offensives simultanées vers le nord (Liman) et vers
le sud (Kherson), exploitation médiatique maximale de ces « victoires » (8), tout montre que le camp de l’ouest a décidé, non pas de choisir la
discussion, mais au contraire d’en « remettre une couche ».
Poutine en tire alors la conclusion qui s’impose : il n’y aura plus de négociation, mais seulement une victoire décisive de
l’un ou l’autre camp, un « fait accompli » qui décidera de tout. Plus besoin, alors de diplomatie. En accord avec cette stratégie, il russifie les 4
oblasts (pour bien montrer que l’annexion de ces territoires est irréversible), il met en branle un nouveau contingent de 300.000 hommes, il détruit
méthodiquement les infrastructures civiles (eau, électricité, communications) (9), pour désorganiser le camp adverse, il se prépare (tous les analystes, y
compris Zelensky lui-même, le confirment) à une grande offensive d’hiver (10).
Des objectifs de guerre russes désormais plus radicaux
S’il continue à dire qu’il est prêt à discuter, il s’interroge maintenant publiquement pour savoir avec qui (11). Il est clair
que cette rhétorique n’est plus qu’une posture, puisqu’il lui faut aujourd’hui suffisamment de temps pour
conquérir le reste du territoire qu’il convoite et atteindre ses deux principaux objectifs : Kramatorsk, qui
lui permettra de contrôler le Donbass, et Odessa, qui lui assurera la maîtrise de la Mer Noire (12). Sans ces deux victoires, la position russe restera
toujours en grand danger. Le Donbass restera sous la menace d’une nouvelle armée occidentale dans l’est de l’Ukraine, et le sud (et surtout Sébastopol !) sous
celle d’un base otanienne à Odessa. Il est donc vital pour Poutine, maintenant, de poursuivre. Et le temps qu’il finisse sa conquête, il ne
faut surtout pas que les vélléités occidentales de négociations, qui semblent se préciser au fur et à mesure
que la contre-offensive se prépare, ne deviennent trop explicites. Et c’est là que le rôle de Zelensky devient
précieux, sinon même indispensable. En effet, en continuant sa politique maximaliste hors sol insensée, d’abord, il continue d’enrichir ses commettants (13),
mais surtout, il permet à Poutine de continuer son avance (14). Aujourd’hui, d’une certaine façon, et contre certains intérêts politiques occidentaux (15), il
est l’un de ceux qui servent le mieux les intérêts des russes (16).
Zelensky est trop intelligent pour ne pas s’en rendre compte. Sans doute sait-il que la séquence « Qui veut gagner des
millions ? » de ses parrains actuels va un jour se terminer, et qu’il risque fort de subir alors le sort de tous ceux qui sont devenus inutiles (17).
S’il permet à Poutine, d’une façon très subtile, d’achever correctement son oeuvre, peu de chances qu’il soit accueilli à Moscou avec les anciens oligarques
chassés du pouvoir, comme Ianoukovytch. Mais peut-être bénéficiera-t-il d’une protection discrète pour s’exfiltrer vers l’une de ses luxueuses villas de la
Riviera italienne ou de la côte israélienne ? Nous n’en sommes pas encore là, mais un tel final aurait tout à fait du sens, bien que totalement
immoral…
Notes
(1) Signature par Zelensky du décrêt d’attaque des territoires autonomistes en 2021, demande d’obtention de l’arme nucléaire en Janvier 2022, renforcement des
bombardements du Donbass à partir du 15 Février 2022. Plus largement, politique américaine de « containment » et d’encerclement de la Russie poursuivie par les
USA depuis 1991
(3)On remarquera aussi que, par le plus grand des hasards, diraient certains, Joe Biden lui-même est au cœur de ce dispositif, par le truchement de son fils
Hunter, les deux étant mouillés jusqu’aux yeux dans les affaires ukrainiennes depuis que Joe était vice-Président des USA chargé de l’Ukraine, à l’époque
d’Obama. Cf le célèbre rapport Marco Polo, tiré de l’analyse de l’ordinateur de Hunter Biden, un rapport si bien occulté en France, et que d’aucuns appellent
« la Pierre de Rosette du système de corruption américain».
(4)Les affaires Pfizer et le « Qatargate » commencent à ouvrir le voile sur la corruption européenne, un secret de Polichinelle, pour ceux qui connaissent un
tant soit peu le fonctionnement du Parlement et de la Commission.
(5)Et la sienne accessoirement…
(6)La guerre de « décapitation », c’est une guerre de conquête militaire et politique : rapide, décisive. Celle menée par Napoléon ou Hitler avant de
rencontrer les russes. La guerre de « dévitalisation », c’est celle menée par les russes contre Napoléon ou Hitler, ou par Franco pendant la guerre d’Espagne.
Elle consiste à ne pas attaquer la tête politique, mais à vider l’adversaire, peu à peu, de ses forces vives, jusqu’à ce qu’il n’existe plus. C’est exactement
ce que font les russes en Ukraine. Ils n’ont pas besoin d’avancer beaucoup, du moment qu’ils conservent une supériorité d’artillerie et aérienne totale, qui
leur permet d’écraser les vagues d’attaques adverses et de vider de leur sang, petit à petit, leurs forces. L’énigme
de Kherson n’en est pas une – par François Martin – Le Courrier des Stratèges (lecourrierdesstrateges.fr)
(7)Qui ne sont pas sans poser aux alliés de gros problèmes : d’une part, ces mercenaires coûtent entre 1000 et 2000 USD par jour. Un contingent de 10.000
soldats étrangers coûte donc, sans les « à-côtés », près de 600 millions de USD tous les mois. Cela renchérit très sérieusement le coût de la guerre pour le
camp occidental. Ensuite, comme le rappelle le reportage ci-après, ces supplétifs viennent pour tuer et faire de l’argent rapide, et pas pour se faire tuer.
Leur motivation, si les choses se gâtent, s’inversent. Enfin, si des milliers de cercueils ou d’amputés ukrainiens ne posent de problèmes à personne, il n’en
est pas de même lorsque ce sont des polonais, des baltes, des allemands ou des américains qui meurent ou sont blessés en masse. A un certain moment,
l’hémorragie sera insupportable pour les occidentaux. Back
from the front: a British volunteer in Ukraine – YouTube
(8)Des victoires qui, la suite l’a prouvé, n’avaient pas de valeur stratégique. Elles étaient dues au fait que le camp russe avait soit très fortement (au
nord), soit totalement (au sud) dégarni le front, pour se concentrer sur le Donbass. Il s’agit bien plus de replis tactiques russes (très bien exécutés
d’ailleurs) que de victoires ukrainiennes.
(9)Comme les occidentaux l’ont fait dans toutes les guerres depuis la 2ème guerre mondiale. Sauf que la Russie ne pratique pas, contrairement à ce qu’affirme
notre presse, les « bombardements de terreur », où la population est explicitement et directement visée, une technique que l’occident a abondamment utilisée
dans toutes ses guerres, et que l’Ukraine pratique dans le Donbass. Ceci est prouvé par les chiffres de l’ONU, qui indiquent, jusqu’à présent, 6.500 morts
civils en Ukraine . Ceci est sans doute sous-évalué, mais c’est bien moins que les 100.000 morts civils de la première
semaine de la guerre d’Irak !
(10)Elle tarde à venir pour deux raisons : d’abord, parce qu’il ne suffit pas que le froid s’installe pour que le sol soit praticable pour les engins lourds.
Il faut qu’il soit gelé en profondeur. Et cela prend plusieurs semaines. Ensuite, parce que le Général en chef russe, Sourovikine, est un organisateur
systématique et méticuleux. C’est un Montgomery et non pas un Rommel, qui ne mettra les choses en route que lorsque tout sera prêt dans les moindres détails.
Pour cette raison, tant qu’il n’a pas sa logistique complète et que le sol n’est pas praticable, et mis à part à Bakhmout où la « dévitalisation » continue, il
prend tout son temps.
(11)Et Angela Merkel, en affirmant que la signature de Minsk 2 n’avait été qu’un mensonge pour réarmer l’Ukraine, l’a beaucoup aidé dans ce sens. Etait-ce par
lâcheté vis-à-de son opinion, ou par calcul ? Et si c’est le cas, quel calcul ? Nul, probablement, ne le saura jamais.
(12)Il vient d’annoncer, au détour d’une phrase d’un discours, qu’Odessa faisait partie de ses objectifs. Seuls les naïfs pouvaient en douter !
(13)C’est dans ce sens qu’il convient d’interpréter la visite très médiatique que Zelensky fait le 21/12 aux USA. En effet, il s’agit, alors que la Chambre des
Représentants est encore contrôlée par les Démocrates jusqu’en Janvier, de faire « passer la pilule » à
l’opinion américaine d’un nouveau (et peut-être dernier) paquet d’aide de 45 Milliards de USD. Si cela paraît
énorme, d’autant qu’il convient d’y rajouter les 18 Milliards européens récemment promis, il faut cependant
remarquer que cela ne couvrira, selon nos calculs, que 6 à 8 mois supplémentaires de guerre. (avec, selon les
mêmes ratios qu’aujourd’hui, 100.000 soldats ukrainiens morts supplémentaires…). Mais si l’on considère par ailleurs que 50% de cette aide sera détournée, cela
veut dire que les mafias de toutes sortes et leurs « amis » occidentaux (avec, au cœur du dispositif, Hunter Biden, qui n’est toujours pas en prison,
malgré les preuves accablantes du rapport Marco Polo !) se partageront près de 30 Milliards de USD de
bakhchichs divers dans les mois qui viennent. Suffisamment pour justifier une visite à Bakhmut pour « remotiver les troupes », et un beau petit
voyage à Washington du « héros » Zelensky… https://www.lefigaro.fr/international/comment-va-se-derouler-la-visite-de-volodymyr-zelensky-a-washington-20221221
(14)Que se passerait-il, par exemple, si Zelensky annonçait, ex abrupto, qu’il dépose unilatéralement les armes, et qu’il demande une négociation ? Pour les
oligarques ukrainiens et américains, qui seraient privés de leur manne, ce serait une catastrophe. Mais pour Poutine aussi, qui n’aurait plus de justification
pour sa contre-attaque. Mais soyons-en sûrs, Zelensky ne fera jamais une chose pareille ! Il n’y survivrait probablement que quelques jours…
(15)Certains politiciens américains ou européens, qui se rendent compte qu’ils vont devoir un jour justifier une opération mal préparée et ruineuse, certains
chefs militaires, américains et européens, à qui on pourra reprocher d’avoir épuisé leurs stocks d’armes et mis leurs pays durablement en danger. A ceux-là,
Zelensky ne rend pas service. Pour eux, ce n’est plus « le chat qui remue la queue », mais bien « la queue qui remue le chat »..
(16)Et si l’on regarde la « standing ovation » faite par le Congrès américain à Washington à Zelensky, tout en se mettant dans la peau d’un russe devant sa TV,
on ne peut penser qu’une chose : ce russe se dit « Véritablement, ces américains veulent tous notre peau. Poutine a
bien raison de nous défendre. Nous lui donnerons tout ce qu’il veut». Cela ne peut que faciliter la mobilisation non pas de 300.000 ou de 500.000 soldats,
mais d’1 ou 1,2 millions pour sa prochaine contre-attaque, comme le prophétisent ces jours-ci Scott Ritter ou Douglas Macgregor. Lorsque Poutine a regardé la
séquence, il a dû se dire : « Merci Volodimir, tu es vraiment mon meilleur ambassadeur ! »…
Ukraine – jour 300
Malgré la perte de 500 hommes par jour, Zelenski refuse que l’armée ukrainienne quitte Bakhmout
Kiev est en train de transformer Bakhmout en un nouveau Marioupol. Alors que le commandement militaire ukrainien souhaitait se retirer pour s'appuyer sur une ligne
de défense plus à l'ouest, Zelenski a refusé. Et pour mieux marquer l'importance qu'il accorde à Bakhmout/Artiomovsk, le président ukrainien a mis en scène, ce 20
décembre, une visite de la ville (version officielle). Bakhmout devient un nouveau Marioupol, à défendre coûte que coûte - malgré le fait que l'armée ukrainienne a
500 tués et blessés sur cette partie du front tous les jours. Tout ceci se déroule sur la toile de fond d'une conviction américaine selon laquelle il est possible
d'user la Russie en l'attirant dans une guerre longue. Les perspectives de négociation sont lointaines.
Julian MacFarlane: à Bakhmout, l’Ukraine perd un bataillon par jour
Nous avons pris l’habitude de donner la parole à des voix nord-américaines dissidentes (Scott Ritter, Douglas MacGregor, John
Helmer, antiwar.com etc…). Le
dernier article de Julian MacFarlane, journaliste canadien indépendant que nous avons déjà traduit, mérite d’être cité ici du fait de son évaluation
de différentes sources journalistiques. Nous ne partageons pas l’agressivité de certains passages de l’article, mais il nous a semblé intéressant de le
restituer au plus proche de la “version originale”.
“J’ai récemment fait une
voix off pour SouthFront – un reportage vidéo sur l’Ukraine. Je fais généralement ces voix off deux fois par semaine, en anglais britannique, bien que, en
tant que Canadien, je sois également formé à l’américain. Un bon entraînement !
Je n’écris pas ces reportages – et je ne suis même pas nécessairement d’accord avec tout le
contenu – mais les reportages de SF sont toujours honnêtes, quelles que soient mes opinions, ce qui est plus que ce que je peux dire des grands médias pour
lesquels j’ai également travaillé dans mon autre rôle de pute médiatique.
Vous vous devez de visiter des sites comme SouthFront. Ce sont des sources majeures
d’information et de critique.
Le dernier reportage que j’ai enregistré concernait principalement Bakhmout (Artiomovsk),
une ville forteresse du Donbass, qui fait actuellement l’objet de nombreuses informations.
Certains pensent que la capture de cette ville est une clé stratégique pour prendre des
villes plus importantes au nord de l’Ukraine orientale occupée, comme Slaviansk et Kramatorsk. D’autres pensent qu’il s’agit simplement d’un abattoir pratique
pour les Russes, qui transformeront les Forces armées ukrainiennes en steaks hachés.
Bakhmout et le groupe Wagner
Selon le rapport de SF, Bakhmut est “au bord de l’effondrement”.
Le chef du PMC “Wagner” Yevgeny Prigozhin a déclaré que les Russes ont pour mission de
détruire l’armée ukrainienne et de réduire son potentiel de combat, mais pas de prendre la ville d’assaut. Une telle tactique devrait conduire à la libération
de la ville sans combats lourds dans les rues, et a également un effet positif sur d’autres fronts de l’Ukraine orientale.
Dans le cas de Bakhmout, la déclaration de Prigojine est significative. Ce groupe se
concentre sur la destruction des forces de l’armée ukrainienne dans la ville, qui se composent de conscrits et de mercenaires : il ne veut pas détruire la
ville elle-même.
Cela est conforme à la politique russe qui consiste à essayer de réduire les pertes civiles
et de protéger les infrastructures, ainsi que de réduire leurs propres pertes. Il est certain que le groupe Wagner, qui est composé (semble-t-il) en grande
partie d’anciens militaires professionnels russes, a été efficace à cet égard.
La propagande occidentale, alias “les médias”, a qualifié le PMC Wagner d'”armée privée de
Poutine”, de “néonazis” – et l’a accusé de crimes de guerre, en s’appuyant largement sur des informations provenant de véritables néonazis en Ukraine – et, en
Syrie, d’amis des Américains comme Al-Qaïda et divers groupes terroristes djihadistes.
Toutes les armées commettent des crimes de guerre, bien sûr, et je ne dis pas que les agents
de Wagner n’ont pas dépassé les limites à l’occasion, mais leurs marques de fabrique sont la discipline et le professionnalisme – les actes de cruauté gratuite
ne sont donc pas dans leur intérêt. Mauvaise publicité si vous voulez vendre des services militaires.
En outre, la propagande occidentale a produit tellement de mensonges flagrants que tout ce
qu’elle prétend doit être considéré d’un œil critique.
Il suffit de taper sur Google “Russie” et “crimes de guerre” – vous obtiendrez pas moins de
130 millions de résultats. Regardez maintenant cette liste. Vous verrez plusieurs entrées, utilisant une formulation presque identique, indiquant les mêmes
sources.
Googlez maintenant “UAF war crimes”. 234 000 résultats.
Pourtant, alors qu’il n’y a presque aucune preuve tangible des crimes de guerre russes, il y
en a plus qu’assez des crimes de l’UAF. 15 000 morts en Ukraine orientale en témoignent. Sans parler des bombardements bien documentés de sites civils, en plus
des atrocités aléatoires comme le viol et le meurtre et, bien sûr, des nombreuses vidéos ukrainiennes de mutilation et d’exécution de prisonniers de
guerre.
Le “massacre de Boutcha” ? Un minuscule 1.160.000 résultats. Pourtant, toutes les photos
montrent des corps frais qui sont apparemment restés frais pendant 3 semaines. Les escalopes de poulet dans mon frigo se gâtent en une semaine environ. Mais
elles n’ont pas de brassards blancs indiquant qu’il s’agit de poulets russes.
Nous devons supposer que les lois de la nature sont différentes pour les Russes. Sans parler
de la psychologie de base.
Les médias occidentaux voudraient nous faire croire que les Russes sont autodestructeurs.
Massacrant les leurs. Faisant sauter leurs propres pipelines. Attaquant leurs propres centrales nucléaires, bombardant leurs propres hôpitaux, écoles et
centres commerciaux.
Encore une fois, cela ne veut pas dire que les Russes ou les Wagnérites n’ont pas fait de
mauvaises choses – tout comme les soldats américains et britanniques l’ont fait pendant la Seconde Guerre mondiale – mais pas à la même échelle que les
Ukro-Nazis. Ne croyez pas ce que vous lisez sans esprit critique.
Pertes insoutenables
SouthFront rapporte de lourdes pertes de l’armée ukrainienne à Bakhmut aux mains du très
méprisé groupe Wagner.
En conséquence, l’armée ukrainienne perd de 500 à 800 soldats tués et blessés dans le
“broyeur de Bakhmut”.
Alex Mercouris confirme ces chiffres de sources ukrainiennes et russes, affirmant que l’armée ukrainienne perd l’équivalent d’un bataillon par jour
!
Cette évaluation est confirmée par Andrew Milburn, un marine américain à la retraite, qui travaille avec le Mozart Group pour former les troupes de l’armée
ukrainienne à Bakhmout. Il estime les pertes à au moins 70 %. Il souligne que les forces armées ukrainiennes à Bakhmout sont des troupes ukrainiennes
pratiquement non entraînées, de la viande facile pour les vétérans russes expérimentés.
C’est plutôt mauvais.
Mais considérez que SouthFront, Mercouris et Milburn ne parlent que de Bakhmout.
L’armée russe progresse le long de toutes ses lignes, prenant des villes et des villages et
tuant des soldats et des mercenaires de l’armée ukrainienne au passage, une guerre asymétrique à son meilleur, que
l’armée américaine admet ne pas pouvoir encore imiter.
Pour l’instant, l’accent est mis sur Bakhmout. L’utilisation par l’armée ukrainienne de
troupes régulières est inefficace et entraîne des pertes insoutenables. Que va donc faire Zelensky ?
Jusqu’à présent, cet
escroc superficiel s’est contenté de lancer des troupes presque sans formation et mal équipées dans le “broyeur”. Qu’est-ce que 100 000 (morts) comparé à
50 millions de dollars?
Cela dit, pour que l’arnaque continue et que l’argent coule à flots, les conscrits de
l’armée ukrainienne seront pour la plupart remplacés par la légion étrangère ukrainienne, mieux qualifiée, composée principalement de mercenaires polonais et
autres.
Le groupe Wagner attend cela avec impatience – ils ne feront pas de quartier. Quelques
Canucks, Américains et Britanniques morts sont la cerise sur le borsht (pour utiliser une métaphore peu appétissante).
M. Mercouris pense que la stratégie russe a évolué vers une guerre plus brutale “sans
capitulation”.
L’article est surprenant pour Newsweek : il est écrit par deux professionnels expérimentés
de la diplomatie et constitue une analyse rationnelle, s’appuyant sur des faits simples, historiquement vérifiables et documentés plutôt que sur la propagande
habituelle de la CIA pour prédire la victoire de la Russie en Ukraine en 2023.
Cela indique-t-il un changement progressif dans la prise de conscience du public ? Les
commentaires des lecteurs de Newsweek ne semblent pas indiquer un tel changement. Mais ce n’est pas une indication de l’opinion générale, seulement du type de
personnes auxquelles Newsweek s’adresse.
Compte tenu de son audience, pourquoi Newsweek l’a-t-il publié ? Newsweek est en effet une
pute. Son public est constitué de ses clients. Ses cris de jouissance sont des orgasmes factices. Mais le Shag Mag a un proxénète, qui appartient à un cartel
et dirige les choses.
Il est difficile de savoir à quoi sert cet article. Lisez mon prochain article.”
La bataille d'Ukraine
Le fil twitter de Jacques Frère nous sert à nouveau de guide. On notera que la bataille se concentre principalement sur
Bakhmout/Artiomovsk. A cela deux raisons:
le mauvais temps, sur une grande partie de la ligne de front, a empêché des opérations nombreuses.
Le commandement ukrainien semble vouloir faire de Bakhmout un symbole de la résistance coûte que coûte, comme Marioupol il y
a quelques mois.
“Le 14 décembre, devant ce “hachoir à viande” d’Artemovsk dans lequel disparaissent quotidiennement des centaines de tués,
blessés et prisonniers appartenant aux réserves stratégiques du corps de bataille ukrainien, le Chef d’Etat Major, le général Zajoulny à demander à Zelensky
l’autorisation d’abandonner Artemovsk et Soledar et de reconstituer une ligne de défense à 10 km plus à l’Ouest.
La dernière fois qu’une telle situation s’est produite, c’était lors de la bataille de Severodonetsk / Lisichansk. Mais il a
fallu alors encore des centaines de tués pour que les conseillers de l’OTAN chuchotant à l’oreille du pantin kiévien acceptent l’évidence.
Politiquement et militairement l’abandon d’Artemovsk par les forces ukro-atlantistes signifierait un échec cuisant dans une
bataille pour laquelle des milliers de soldats sont morts depuis le mois de mai, lorsque les forces russes sont arrivées en vue de ce bastion du front
Nord”.
Vladimir Zelensky s’est rendu – selon
la version officielle – à Bakhmout ce jeudi 20 décembre. Bakhmout est en train de devenir un nouveau Marioupol.
#Donbass –
Front Nord : Bakhmut/Artemovsk Les forces Wagner avancent pas à pas en direction du
centre-ville La défense met déjà en place des défenses et y creuse des
tranchées https://t.co/P7Y7YPPFn3
#Donbass –
Front Nord : Bakhmut/Artemovsk Groupe Wagner aurait pris le contrôle du Nord de
Kleeshevka Un des axes logistiques Sud est donc coupé Collines de Kleeshevska permettent un contrôle de feu sur l’axe logistique principal Bakhmut-Konstantinovka pic.twitter.com/3vbC3H0KAi
#Ukraine –
Frappes ce matin sur des sites énergétiques dans
Kiev Plus de 20 Geran-2 Il y aurait eu des frappes cette nuit aussi pic.twitter.com/l888uDuMOT
#Donbass –
Front Centre : Marinka (W Donetsk) Poursuite nettoyage du quartier centre Rues Oktyabrskaya, Shevchenko et Prokofiev non encore sécurisées :
forces utilisent des boucliers humains dans des maisons
fortifiées Renforts éléments 79e brigade aero pic.twitter.com/4FzoH08utt
#Donbass –
Front Nord : Bakhmut/Artemovsk Renforts de 2 bataillons spéciaux ukronazis (Azov-Kiyv & Azov-Dnipro) totalisant ~ 1 700
combattants avec quelques blindés d’infanterie Zelensky veut absolument tenir Bakhmut coûte que
coûte https://t.co/j5BsmIQK27
#Donbass –
Front Nord : Bakhmut/Artemovsk Rumeurs démenties depuis 24h d’une contre-attaque réussie d’éléments de la 53e brigade dans les
quartiers résidentiels Est de l’agglomération tenue par les unités Wagner La ligne de front reste inchangée pic.twitter.com/iZgbeRrVAZ
#Donbass –
Front Centre (W Donetsk) Combats se poursuivent au centre de Marinka Poste de commandement serait désormais dans le carré bleu Important point de résistance dans la zone en jaune pic.twitter.com/5Vr87UcwE6
“Le 18 décembre 2022, les forces ukro-atlantistes ont, dans leurs bombardements (…)
quotidiens. tiré sur le plus grand hôpital de Donetsk
Depuis plusieurs jours, les lances roquettes multiples de 122mm “Grad” positionnés sans les
secteurs de Krasnogorovka et Avdeevka, à l’Ouest et au Nord de Donetsk, terrorisent le centre ville pourtant vide de tout objectif militaire Industriel ou
énergétique.
Les artilleurs ennemis, en plus de procéder à des tirs flashs sur des points de tirs
immédiatement quittés pour éviter repérages et ripostes, ont bénéficié depuis 4 jours de l’épais brouillard qui empêche les observations terrestres et
aériennes.
Après des premiers tirs matinaux sur le quartier du marché central dès 06h00 les
forces ukro-atlantistes ont repris de violents bombardements à partir de 17h00,
Bombardement ukro-atlantiste
sur l’hôpital
de Kalinina sur la rive
gauche de la Kalmius
A 18h00 les tirs [ukrainiens] ont frappé l’hôpital Kalinina, qui est une véritable ville
dans la ville s’étendant sur plusieurs dizaines d’hectares le long de la rivière Kalmius et qui a déjà été touché plusieurs fois depuis 2014. C’est un de
mes camarades hospitalisé dans un batiment voisin qui m’a alerté quelques minutes après les premières explosions.
Cette fois, 2 départements ont été touchés par les tirs : les numéros 6 et
7.
Le bilan provisoire est de 1
tué et 4 blessés
ainsi que des destructions
importantes.
Est-il nécessaire de rappeler que le bombardement d’un hôpital est un crime de
guerre?
A priori cela ne semble pas évident pour tout le monde si on en croit le silence
maintenu par les officines médiatiques occidentales révélant soit une stupidité crasse, soit une complicité volontaire à ses crimes de guerre, voire les
deux car dans les agences de presse occidentales il semble bien que collectionner des tares individuelles et des fautes collectives soit le sport préféré
des nouveaux chiens de garde de la bien pensance nourricière.
Dans les gravats des lieux bombardés ce 18 décembre plusieurs débris et éclats de
munitions d’artillerie ont été collectés par les enquêteurs: fusées de roquettes de 122mm “Grad”, éclats de 155mm de M777 étasunien ou canon CAESAR
français. Mais un nouveau type de munition à également été découvert (…) un éclat qui vraisemblablement
appartient au système d’artillerie suédois Archer (ou Luchnik).
L’Archer est un obusier suédois de 155mm entièrement automatisé mis en service en
2011. Son équipage est composé de 3 servants.
SA PORTÉE EST DE 60 KM.
Il ne lui faut que 30 secondes après être arrivé sur sa position pour engager le tir
et 30 secondes pour la quitter.
Les 20 obus pré-chargés peuvent être tirés en 3 minutes, le chargement des 20
suivants est automatisés.
En octobre dernier il avait été évoqué que la Suède allait transférer en Ukraine 12
“Archer” pour un premier déploiement opérationnel”
Le basculement géopolitique mondial déchiffré par M.K. Bhadrakumar
Renforcement des relations entre l’Inde et la Russie malgré l’intensification de la guerre d’Ukraine
“L’appel du Premier ministre Narendra Modi au président russe Vladimir Poutine vendredi 16
décembre marque une nouvelle étape dans les relations bilatérales entre les deux amis de longue date, à la fois dans le contexte et dans une perspective à long
terme.
Les médias peuvent être tentés de lier l’appel de Modi à l’évolution de la situation en
Ukraine, bien que les comptes rendus indiens et russes (ici et ici)
indiquent clairement que les relations bilatérales russo-indiennes ont dominé la conversation.
Néanmoins, il est très significatif que Modi n’ait pas été dissuadé par le fait que, bien
que ce ne soit pas l’époque des guerres, le conflit ukrainien ne fera, selon toute probabilité, que s’intensifier, et il est plus probable que jamais que la
Russie soit contrainte de rechercher une victoire militaire totale, car les États-Unis ne lui laissent aucune option en bloquant obstinément toutes les voies
d’un règlement réaliste et en grimpant furtivement dans l’échelle de l’escalade.
La décision de l’administration Biden de déployer des missiles Patriot en Ukraine constitue
sans aucun doute une escalade majeure. Moscou
a mis en garde contre les “conséquences“. Une fois de plus, Moscou
a confirmé que les États-Unis ont planifié, orchestré et équipé l’Ukraine de la capacité militaire nécessaire pour attaquer profondément le territoire
russe – à des centaines de kilomètres, en fait – y compris contre la base d’Engels où sont stationnés les bombardiers stratégiques russes à capacité nucléaire.
Jamais auparavant les deux superpuissances n’avaient pris pour cible les actifs nucléaires de l’autre.
Il ne fait donc aucun doute que l’initiative de M. Modi de discuter à ce stade “du haut
niveau de coopération bilatérale qui s’est développé sur la base du partenariat stratégique privilégié russo-indien”, notamment dans les domaines clés de
l’énergie, du commerce et des investissements, de la défense et de la coopération en matière de sécurité, constitue en soi un message important.
Il souligne discrètement une perspective à moyen et long terme de la relation russo-indienne
qui va bien au-delà des vicissitudes du conflit ukrainien. Autrement dit, l’Inde ne permettra pas que ses liens de longue date avec la Russie soient pris en
otage par les sanctions occidentales.
Pour l’Inde, la réorientation de la diplomatie économique russe vers la région asiatique
présente d’énormes opportunités commerciales. Qui aurait cru, il y a neuf mois, que la Russie allait devenir le premier fournisseur de pétrole de l’Inde,
devançant l’Irak, l’Arabie saoudite et les États-Unis ? Selon Reuters, l’Inde a acheté environ 40 % de tous les volumes d’exportation de pétrole russe de
qualité Oural transportés par voie maritime en novembre, alors que les pays européens représentaient 25 %, la Turquie 15 % et la Chine 5 %.
Les chiffres parlent d’eux-mêmes : en novembre, alors que la Russie a fourni 909 000,4
barils de pétrole brut par jour à l’Inde, les chiffres correspondants étaient ceux de l’Irak (861 000,4), de l’Arabie saoudite (570 000,9) et des États-Unis
(405 000,5). Il suffit de dire que lorsque Modi a mentionné l’énergie comme point de discussion avec Poutine, cela confirme une fois de plus que l’Inde fait la
sourde oreille au projet farfelu du G7 d’imposer un plafond de prix aux exportations de pétrole russe.
Mais toutes les bonnes choses ont leur revers de la médaille. Alors que le volume des
échanges commerciaux entre l’Inde et la Russie s’accroît – la Russie étant passée de la 25e à la 7e place parmi les partenaires commerciaux de l’Inde – le
déséquilibre du commerce bilatéral s’accentue également, Moscou faisant de l’Inde (et de la Chine) ses partenaires commerciaux privilégiés.
La récente visite du Ministre indien des Affaires étrangères Jaishankar à Moscou s’est concentrée sur une liste de 500 articles que la Russie
souhaiterait se procurer en Inde. Il est important de noter qu’il s’agit également d’une chaîne d’approvisionnement pour l’industrie et l’économie russes.
Jaishankar aurait donné une réponse provisoire indiquant que l’Inde était prête à commencer à fournir les pièces détachées nécessaires aux avions, aux voitures
et aux trains.
Certains experts russes ont parlé de l’Inde comme d’un État de “transbordement”
potentiellement important pour les “importations parallèles” de la Russie – c’est-à-dire que la Russie peut acheter non seulement des produits indiens en Inde
mais aussi des produits de pays tiers.
Entre-temps, se détournant du marché européen, la Russie cherche également des opportunités
commerciales pour son panier d’exportation qui comprend des produits minéraux, des métaux précieux et des produits fabriqués à partir de ceux-ci, de
l’aluminium et d’autres métaux non ferreux, des machines électriques, des véhicules, des produits pharmaceutiques, chimiques, du caoutchouc, etc.
Il est clair qu’il y a des problèmes systémiques à résoudre, comme la logistique du
transport, le mécanisme de paiement, les sanctions collatérales. Toutefois, à court terme, tous les regards sont tournés vers les exportations de pétrole russe
vers l’Inde à l’heure du plafonnement des prix par le G7.
Le quotidien gouvernemental russe Rossyiskaya
Gazeta a rapporté mardi : “On s’attend à ce que la Russie, en réponse au plafonnement des prix, adopte une interdiction officielle de vendre du
pétrole dans le cadre de contrats où le “plafond” sera mentionné ou le prix marginal de notre pétrole sera indiqué.” En d’autres termes, Moscou insistera sur
un embargo sur les fournitures essentiellement limité au G7 et à l’Australie.
La Chine et l’Inde ne sont pas concernées, car elles n’ont pas adhéré au plafonnement des
prix. Les extraits suivants du quotidien moscovite font le point sur la situation :
“Il n’existe aucun mécanisme réel qui pourrait faire respecter ces restrictions [du G7]…
déjà, environ un tiers des exportations russes de pétrole quittent les ports russes sans indiquer la destination finale. Autrement dit, une “zone commerciale
grise” se développe sous nos yeux, qui permet aux négociants d’acheter des matières premières russes sans risquer de tomber sous le coup de sanctions
secondaires… les rabais [c’est-à-dire des prix équitables] permettent aux pays d’Asie-Pacifique, principalement la Chine et l’Inde, d’augmenter leurs achats de
matières premières russes.”
Ce qui est fascinant, c’est que non seulement la “zone grise” est en expansion constante,
mais qu’en parallèle, d’autres fournisseurs ont commencé à s’adapter aux prix du pétrole russe dans la région Asie-Pacifique – c’est-à-dire aux prix
d’équilibre réels ou aux prix réduits. Curieusement, même les pays occidentaux sont en mesure de recevoir du pétrole russe relativement bon marché par
l’intermédiaire de tiers.
En définitive, l’objectif de l’administration Biden n’était pas de limiter le volume des
exportations de pétrole russe, mais se concentrait sur les revenus du budget russe provenant de la production de pétrole et du marché mondial du pétrole.
Rossyiskaya Gazeta conclut : “En fait, jusqu’à présent, ce qui se passe ne contredit ni nos aspirations ni les désirs des États-Unis.” [Voir mon
article La
course au pétrole russe commence, La Tribune, 28 novembre 2022].
Ce nouveau pragmatisme dans le calcul américain sur les limites des sanctions a pris une
tournure curieuse jeudi lorsque les États-Unis ont mis sur la liste noire le milliardaire-oligarque russe Vladimir Potanin mais ont exempté deux de ses plus
gros actifs du champ des sanctions – MMC Norilsk Nickel et Tinkoff Bank – au motif spécieux que ses participations sont inférieures à 50% dans ces deux
sociétés [mais ne sont que de 35% !].
Pourquoi ? Parce que la
part de MMC sur le marché mondial du nickel de haute qualité est de 17 %, celle du palladium de 38 %, celle du platine de 10 %, celle du rhodium de 7
%, celle du cuivre et celle du cobalt de 2 % chacune ; or, sanctionner la société russe pourrait fortement aggraver le marché mondial des métaux non ferreux et
nuire aux fabricants américains.
Il est clair que la loi des rendements décroissants est à l’œuvre dans la militarisation
continue des sanctions contre la Russie. Les entreprises et l’industrie indiennes devraient prêter une attention particulière à l’initiative clairvoyante de
Modi vendredi.”
2. Pourquoi le temps d’un règlement du conflit ukrainien n’est pas encore
venu
“Un “consensus” russo-américain se forme sur le fait que le conflit ukrainien est loin
d’avoir atteint une phase culminante menant à des pourparlers de paix. La position de la Russie est que tout règlement dépendra de la reconnaissance par Kiev
des “réalités”, à savoir que les régions de Crimée, Donetsk, Louhansk, Zaporozhye et Kherson font partie intégrante de la Fédération de Russie.
Mais la Russie ne sait-elle pas qu’aucun gouvernement de Kiev ne peut se permettre de
concéder une demande qui entraîne la perte de plus d’un quart du territoire du pays ? D’un autre côté, Kiev veut mettre fin à l’occupation russe et rétablir
les frontières de l’Ukraine de 1991, et l’administration Biden lui apporte son soutien. Ne savent-ils pas que c’est une chimère ?
En réalité, étant donné que quatre des anciens oblasts ukrainiens (à l’exception de la
Crimée) sont loin d’être sous le contrôle total de la Russie et que le Kremlin a l’intention de les “libérer” entièrement, les combats se poursuivent dans le
Donbass et l’issue de ces combats déterminera les mesures prises par la Russie pour prendre le contrôle total des régions de Zaporozhye et de
Kherson.
Mais la grande question demeure : Comment un gouvernement de Kiev pourrait-il céder de
vastes étendues du territoire ukrainien après de tels sacrifices consentis par la population ? La Russie pourrait alors n’avoir d’autre choix que de rechercher
la victoire totale.
L’attitude de l’administration Biden est cruciale. L’indication la plus claire que les
États-Unis sont loin d’être pressés de négocier vient de nul autre que le conseiller à la sécurité nationale de la Maison Blanche, Jake Sullivan, dont la
visite à Kiev le mois dernier (juste avant les élections de mi-mandat aux États-Unis) avait déclenché une avalanche de spéculations selon lesquelles Washington
faisait pression sur le président Zelensky pour négocier.
Les remarques de Sullivan lors d’une apparition au Carnegie le week-end dernier ont
clairement montré que les Etats-Unis sont en Ukraine pour le long terme. Il a déclaré :
“Nous ne savons pas quand cela va se terminer. Ce que nous savons, c’est qu’il est de notre
devoir de continuer à soutenir notre soutien militaire à l’Ukraine afin qu’elle soit dans la meilleure position possible sur le champ de bataille, et que si et
quand la diplomatie sera prête, elle sera dans la meilleure position possible à la table des négociations.
“Ce moment n’est pas encore venu, et c’est pourquoi nous nous sommes adressés au Congrès et
avons demandé un montant substantiel de ressources supplémentaires pour pouvoir continuer à garantir que l’Ukraine a les moyens de combattre cette guerre. Nous
sommes convaincus que nous obtiendrons un soutien bipartite à cet égard…
“Je ne vais pas préjuger de l’avenir, je vais seulement assurer que dans le présent nous
faisons tout ce que nous pouvons pour maximiser les chances de l’Ukraine de défendre sa souveraineté et son intégrité territoriale… oui, cela risque de durer
un certain temps…”
Il est intéressant de noter que Kissinger affirme que “l’Ukraine est devenue un État majeur
en Europe centrale pour la première fois dans l’histoire moderne. Aidée par ses alliés et inspirée par son président, Volodymyr Zelensky, l’Ukraine a mis en
échec les forces conventionnelles russes qui ont surplombé l’Europe depuis la seconde guerre mondiale. Et le système international – y compris la Chine –
s’oppose à ce que la Russie menace ou utilise ses armes nucléaires.”
Apparemment, Kissinger s’est détourné de son évaluation précédente et a essayé de
synchroniser sa montre avec le pronostic de l’administration Biden sur la situation du conflit. Dans une perspective aussi unilatérale, Kissinger préconise
désormais un processus de paix qui “rattacherait l’Ukraine à l’OTAN, quelle qu’en soit l’expression” et un retrait russe sur les lignes avant le 24 février,
tandis que les autres territoires revendiqués par l’Ukraine – Donetsk, Lougansk et la Crimée – “pourraient faire l’objet d’une négociation après un
cessez-le-feu.”
Cependant, une chose extraordinaire dans les remarques de Sullivan est qu’il a conclu en
soulignant que l’intervention américaine dans le conflit ukrainien ne devrait pas être considérée comme une affaire isolée. Comme il l’a dit,
“En fin de compte, l’approche de l’administration Biden consiste à essayer de se projeter
assez loin dans l’avenir pour se demander où l’on veut que les États-Unis et leurs alliés et partenaires de même sensibilité se trouvent dans dix ou vingt ans,
comment se placer dans une position stratégique optimale par rapport à nos concurrents (la Russie et la Chine)”.
Dans cet ordre d’idées, M. Sullivan a expliqué que les paramètres permettant de juger
l’administration Biden devraient être ceux d’une période de 5-10-20 ans plutôt que ceux d’une période de 1-2-3 ans, et, à en juger par cela, l’administration
Biden est satisfaite de la série d’investissements qu’elle a réalisés en Ukraine. (Qui sait, le conflit en Ukraine pourrait avoir son utilité dans la
candidature du président Biden à un second mandat).
M. Sullivan a souligné que 2022 montre que “les États-Unis vont jouer le jeu à long terme”,
tant dans la compétition géopolitique que pour relever les défis transnationaux de notre époque. Selon l’administration Biden, cette approche globale “commence
à porter ses fruits”.
Il en ressort que si la stratégie de la Russie consiste à “broyer” l’armée ukrainienne, la
stratégie américaine consiste également à “broyer” l’armée russe. Selon Sullivan, les nationalistes ukrainiens sont une carte gagnante, car tant qu’ils
constituent l’élite dirigeante du pays, il n’est pas question que l’État ukrainien “s’effondre”, et il reste rentable pour Washington de maintenir le
conflit.
Après tout, une grande partie de l’aide en armement est en fait destinée à améliorer les
capacités des alliés de l’OTAN en remplaçant leurs anciens stocks qui ont été détournés vers l’Ukraine, et par conséquent, “la métrique des 5-10-20 ans”
n’est-elle pas plus logique ?
De même, si les Russes estiment que plus le conflit se prolonge, plus l’Europe risque de
s’en désengager par épuisement, les États-Unis pensent au contraire qu’un conflit prolongé ne fera que rallier les alliés occidentaux, car l’Europe a horreur
de la perspective d’une victoire russe et, laissés à eux-mêmes, les pays européens n’ont ni les capacités ni les moyens de faire face au rouleau compresseur
russe sans une participation américaine aussi massive.
En d’autres termes, les Européens sont relégués à un rôle subalterne et la vérité est qu’ils
n’ont nulle part où aller. Il ne faut pas oublier qu’au sein même de l’Union européenne, ce sont les pays d’Europe de l’Est qui ont pris la tête du conflit
ukrainien, et ce sont des partisans de la ligne dure qui souhaitent une défaite militaire abjecte de la Russie.
Cette situation entraîne un changement majeur dans la politique européenne, avec des
conséquences d’une portée considérable, qui ne peut que profiter au leadership transatlantique des États-Unis. Les États-Unis s’alignent sur les pays d’Europe
de l’Est, alors que la Russie n’a pas d’amis là-bas. En fin de compte, Washington a fait en sorte que la Russie ne puisse pas non plus compter sur une levée
des sanctions occidentales dans un avenir prévisible, en dehors des questions de territoire.
Par conséquent, dans les circonstances actuelles, l’option de la Russie se réduit à infliger
une défaite écrasante à l’Ukraine dans les mois à venir et à installer un gouvernement à Kiev qui ne soit pas sous le contrôle de Washington. Mais cela
nécessite un changement fondamental de la stratégie militaire russe, qui tiendrait compte de la possibilité réelle d’une confrontation avec les États-Unis et
l’OTAN à un moment donné”.”
Ukraine – Jour 296
Poutine confirme qu’Odessa fait partie des objectif russes dans la guerre d’Ukraine.
Au jour 296, la Russie continue ses bombardements sur les infrastructures et grignote progressivement le territoire qu'elle veut rattacher - en fonction des
référendums de la fin septembre - encore sous contrôle ukrainien. En passant, le Kremlin a parlé de l'autodétermination du territoire d'Odessa, signifiant qu'il
fait partie des objectifs de guerre. Du côté occidental, l'Allemagne dépense 1,5 milliards par jour pour éviter l'effondrement de ses approvisionnements
énergétiques et de ses entreprises. Enfin, on verra comment M.K. Bhadrakumar analyse la fin du "rooseveltisme": le passage de l'Arabie Saoudite à une alliance
stratégique avec la Chine.
“Le 14 décembre, les forces armées russes ont pris pour cible la capitale de l’Ukraine (…).
Des alertes ont également été déclenchées dans les régions voisines de Vinnitsa et de Jitomir, selon les rapports des administrations locales.
En début de matinée, le maire de la ville Vitali Klitschko a affirmé que plusieurs
explosions ont retenti dans le centre de Kiev, dans le quartier Chevchenko. Il a ensuite indiqué que 10 drones russes avaient été abattus au-dessus de la
capitale.
Selon l’administration militaire de la ville de Kiev, 13 drones russes ont été
interceptés.
Les débris des drones auraient endommagé un bâtiment administratif et quatre immeubles
résidentiels. Selon les autorités de Kiev, il n’y a pas de victimes.
Cependant, le régime de Kiev n’a pas l’habitude de reconnaître les dégâts réels causés par
les frappes russes. Vladimir Zelensky a joyeusement rapporté que la défense aérienne aurait cette fois-ci abattu tous les drones russes, mais la fumée noire
dense au-dessus de la capitale suggère que certaines cibles ont été touchées.
Ainsi, certaines sources locales ont rapporté que des explosions ont également été entendues
sur la rive gauche du Dniepr (…)“.
Surtout, comme le rapporte la publication, les messages ukrainiens sont contradictoires. Aucun missile russe ne passe
mais…”le 12 décembre, Volodymyr Zelensky a annoncé la destruction de la moitié des infrastructures énergétiques du pays.
Lors d’une conversation avec le président américain Joe Biden, il a également noté la nécessité de former une défense aérienne efficace et a appelé à augmenter
les fournitures de défense aérienne.
À en juger par les déclarations des responsables ukrainiens et les images disponibles en
ligne, l’armée ukrainienne doit encore apprendre à intercepter les drones russes sans causer davantage de dommages aux infrastructures civiles.
Sur l’aile de l’un des drones, dont l’épave aurait été retrouvée dans le quartier Chevchenko
de Kiev, on peut lire l’inscription “Pour Ryazan”. Cette frappe est une réponse aux récentes frappes sur l’aérodrome russe de la région de Riazan.
(…)“
C’est pourquoi “Kiev supplie les pays membres de l’OTAN de fournir à son armée des systèmes
de défense aérienne occidentaux avancés tels que les Patriot. L’attaque d’aujourd’hui, ainsi que les déclarations fracassantes des responsables de Kiev, ne
pouvaient pas survenir à un meilleur moment.
On s’attend à ce que ces attaques accélèrent la prise de décision de l’administration Biden
quant à l’envoi éventuel de systèmes de défense anti-missiles aériens Patriot aux Ukrainiens, marquant ainsi une escalade significative avec la Russie.
Toutefois, même si les Patriot pour l’Ukraine sont approuvés, il faudra probablement plusieurs mois pour qu’ils se déploient sur le champ de bataille, étant
donné également que les Ukrainiens devront être formés à leur fonctionnement“.
En ce qui concerne les frappes, des précisions sur le fil twitter de Jacques Frère consacré au suivi de la guerre:
#Ukraine –
Une douzaine de drones suicides Geran-2 ont frappé des objectifs dans l’agglomération de Kiev
dont le quartier Chevtchenko (centre NW de la ville, le quartier des bobos kiéviens) pic.twitter.com/8uWLFalBra
#Donbass –
Front Nord : Bakhmut/Artemovsk -1/3- Secteur de Bakhmut Est : effort rue par rue groupes Wagner en direction du
centre-ville Opytnoye : unités affaiblies 53e brigade tentent de freiner effort des groupes Wagner alors
que 90% du bourg est sous contrôle pic.twitter.com/CHl7Yv99id
“Jeudi matin, le centre de Donetsk a subi le plus puissant bombardement depuis 2014, a
déclaré le chef de l’administration de la ville, Alexander Kulemzin.
Au moins huit immeubles d’habitation, un dortoir, un centre commercial ont été endommagés.
L’une des roquettes a touché le service de l’hôpital de la ville numéro 4. Conformément à la politique anti-orthodoxe du régime de Kiev, l’une des cibles était
la cathédrale Spaso-Preobrazhensky. Selon la garde de la cathédrale, le bombardement a commencé pendant l’office du matin et a menacé la vie des
paroissiens.
Le quartier général de la défense territoriale de la RPD a indiqué qu’à la suite du
bombardement des districts de Voroshilov et de Kiev à Donetsk par l’armée ukrainienne, un civil a été tué et neuf autres ont été blessés. Une femme née en
1961, gravement blessée lors du bombardement de la rue de l’Université, a succombé à ses blessures.
La veille, la milice populaire de la RPD a signalé que les militaires ukrainiens avaient
lâché 225 munitions dans dix localités de la république. À la suite de ces bombardements, cinq civils ont été tués et cinq autres ont été blessés.
Les attaques chaotiques des forces ukrainiennes visent exclusivement des cibles civiles.
Elles visent à menacer la population pro-russe et à semer le chaos. Le nombre d’attaques massives contre les civils de la RPD et de la LPR a considérablement
augmenté après le déploiement d’unités ukrainiennes de la région de Kherson sur les lignes de front du Donbass“.
Selon Donbass
insider, le nombre de victimes civiles des frappes ukrainiennes a été multiplié par quatre depuis que les Kiéviens utilisent des armes de
l’OTAN.
Le matin du 15 décembre, des missiles russes ont frappé plusieurs cibles près de la ville de Kharkov et dans la région. À la suite de l’attaque,
l’approvisionnement en électricité a été coupé dans la région. Apparemment, des installations d’infrastructures critiques ont été touchées
En ce qui concerne la progression au sol des troupes russes, dans la région de Donetsk, une carte
utile:
#Donbass –
Front Centre : W Donetsk Vodyanoye serait sous contrôle Si confirmation : Tonenkoye est le prochain objectif ; c’est là que des
batteries tirent sur le centre-ville de
Donetsk Cela coupe l’une des dernières artères logistiques vers Avdeevka pic.twitter.com/OZvT0ZVEEG
#Donbass –
Front Centre & Sud -1/4- Le commandement transfère des réserves dans divers secteurs du front
afin de contenir l’offensive Secteur de Toretsk/Dzerzhinsk (NNW Gorlovka) : renforts de MANPADS
& ATGM pour 5e régiment d’assaut (New York/Novgorodskoye) pic.twitter.com/eCAAqiEEEe
#Donbass –
Front Centre : W Donetsk Selon Denis Pushilin, gouverneur de l’oblast, les troupes auraient libéré 80% de Marinka Après nettoyage du centre-bourg, l’avancée devrait s’accélérer, puisque le principal nid de résistance est situé dans un bâtiment à plusieurs
étages pic.twitter.com/KpEvrrEsCv
16 décembre - nouvelle vague de frappes des missiles russes
#Ukraine –
Nouvelle vague de frappes massives dans la matinée Toutes les régions encore sous le contrôle du régime de Kiev sont
touchées Une fois de plus, la DCA, même avec les systèmes d’armes de l’OTAN, est incapable
de détruire plus de 10% des missiles pic.twitter.com/ZrYLr10lYd
Le Kremlin lâche en passant qu'Odessa fait partie des buts de guerre russes
#Ukraine –
Opération militaire spéciale :dernières déclarations du Kremlin-1/2- 3. Avant fin 2022, Poutine tiendra une réunion avec les dirigeants des 4 nouvelles régions 4. L’adhésion à la Russie d’Odessa et de Tchernigov est possible si telle est la volonté de leurs habitants pic.twitter.com/thg6G4Geg3
Ce n’est pas du tout une déclaration anodine, même si elle est glissée en sandwich entrer d’autres déclarations. Expliquer que
la Russie suivra la volonté des habitants d’Odessa, c’est annoncer, de manière à peine masquée, que l’armée russe continuera la campagne jusqu’à
Odessa.
L'Allemagne a dépensé 440 milliards d'euros pour éviter un effondrement énergétique
L’Allemagne perd de l’argent pour garder les lumières allumées. Près d’un demi-billion de
dollars, et ce n’est pas fini, depuis que la guerre en Ukraine a plongé le pays dans une crise énergétique il y a neuf mois.
C’est l’ampleur cumulée des renflouements et des programmes lancés par le gouvernement de
Berlin pour soutenir le système énergétique du pays depuis que les prix ont explosé et que l’Allemagne a perdu l’accès au gaz de son principal fournisseur, la
Russie, selon les calculs de Reuters.
Et cela pourrait ne pas suffire.
“La gravité de cette crise et sa durée dépendent largement de l’évolution de la crise
énergétique”, a déclaré Michael Groemling, de l’Institut économique allemand (IW).
“L’économie nationale dans son ensemble est confrontée à une énorme perte de
richesse”.
L’argent mis de côté s’élève à 440 milliards d’euros (465 milliards de dollars), selon les
calculs, qui fournissent le premier décompte combiné de toutes les mesures prises par l’Allemagne pour éviter les pannes d’électricité et s’assurer de
nouvelles sources d’énergie.
Cela équivaut à environ 1,5 milliard d’euros par jour depuis que la Russie a envahi
l’Ukraine le 24 février. Soit environ 12 % de la production économique nationale. Ou encore environ 5 400 euros pour chaque personne en Allemagne.
La première économie d’Europe, longtemps synonyme de planification prudente, se trouve
désormais à la merci de la météo. Le rationnement de l’énergie est un risque en cas de longue vague de froid cet hiver, la première en un demi-siècle sans gaz
russe.
Le pays s’est tourné vers le marché de l’énergie au comptant, plus onéreux, pour remplacer
une partie des fournitures russes perdues, ce qui a contribué à faire grimper l’inflation à deux chiffres. Il n’y a pas non plus de sécurité en vue, les
efforts pour développer deux alternatives au carburant russe – le gaz naturel liquéfié (GNL) et les énergies renouvelables – étant à des années lumière des
niveaux visés.
“L’économie allemande se trouve actuellement dans une phase très critique car l’avenir de
l’approvisionnement énergétique est plus incertain que jamais”, a déclaré Stefan Kooths, vice-président et directeur de recherche sur les cycles économiques et
la croissance à l’Institut de Kiel pour l’économie mondiale.
“Où en est l’économie allemande ? Si nous regardons l’inflation des prix, elle a une fièvre
élevée.”
Interrogé sur le décompte Reuters des sommes mises de côté, le ministère allemand des
Finances a renvoyé aux données figurant sur son site Internet. Le ministère de l’économie, qui est en charge de la sécurité énergétique, a déclaré qu’il
continuait à travailler sur la diversification de l’approvisionnement, ajoutant que le GNL et les terminaux nécessaires pour l’importer en étaient un élément
essentiel.
L’énergie plus coûteuse sera douloureuse pour une économie qui, selon le Fonds monétaire
international, devrait déjà connaître la plus forte contraction parmi les pays du G7 l’année prochaine.
La facture des importations énergétiques de l’Allemagne augmentera de 124 milliards d’euros
cette année et l’année prochaine, contre une croissance de 7 milliards pour 2020 et 2021, selon les données fournies par l’Institut de Kiel, ce qui représente
un défi majeur pour les industries énergivores du pays.
Le secteur chimique du pays, le plus exposé à la hausse des coûts de l’énergie, prévoit une
baisse de la production de 8,5 % en 2022, selon l’association industrielle VCI, qui met en garde contre “d’énormes ruptures structurelles dans le paysage
industriel allemand”.
Les 440 milliards d’euros prévus pour lutter contre la crise énergétique sont déjà proches
des quelque 480 milliards d’euros que l’Allemagne a dépensés depuis 2020 pour protéger son économie de l’impact de la pandémie COVID-19, selon
l’IW.
L’argent comprend quatre plans d’aide d’une valeur de 295 milliards d’euros, dont le
renflouement de 51,5 milliards d’euros de la société d’électricité Uniper (UN01.DE) et un plan de sauvetage de 14 milliards pour Sefe, anciennement connu sous
le nom de Gazprom Germania ; jusqu’à 100 milliards de liquidités pour les services publics afin de garantir leurs ventes contre les défauts de paiement ; et
environ 10 milliards pour les infrastructures d’importation de GNL.
La somme comprend également des engagements non déclarés de 52,2 milliards d’euros par le
prêteur public KfW (KFW.UL) pour aider les services publics et les négociants à remplir les cavernes de gaz, acheter du charbon, remplacer les sources
d’approvisionnement en gaz et couvrir certains appels de marge, selon les données de KfW examinées par Reuters.
Malgré ces efforts, on ne sait pas vraiment comment le pays peut remplacer la Russie.
L’Allemagne a importé environ 58 milliards de mètres cubes (mmc) de gaz de ce pays l’année dernière, selon les données d’Eurostat et de l’association
industrielle allemande BDEW, ce qui représente environ 17 % de sa consommation totale d’énergie.
L’Allemagne souhaite que les énergies renouvelables représentent au moins 80 % de la
production d’électricité d’ici à 2030, contre 42 % en 2021. Toutefois, au vu des taux d’expansion récents, cet objectif reste lointain.
L’Allemagne n’a installé que 5,6 gigawatts (GW) de capacité solaire et 1,7 GW de capacité
éolienne terrestre en 2021, dernière année enregistrée.
Pour atteindre l’objectif de 80 %, les nouvelles installations éoliennes terrestres doivent
être multipliées par six environ pour atteindre 10 GW par an, selon un rapport publié en octobre par le gouvernement fédéral et les États allemands. Les
installations solaires doivent quadrupler chaque année pour atteindre 22 GW, selon ce rapport.
Susi Dennison, chargée de mission principale au groupe de réflexion du Conseil européen des
relations étrangères (ECFR), a déclaré que si l’Allemagne avait fait un “bon travail de replâtrage” en remplaçant les volumes de gaz par de l’électricité
provenant du marché au comptant, elle avait perdu son statut de leader en matière d’énergie propre.
“Pour moi, ce qui est vraiment absent de la stratégie de l’Allemagne, c’est une attention
similaire à une montée en puissance rapide des énergies renouvelables, que le moment est venu d’investir dans l’infrastructure de l’hydrogène et de l’énergie
éolienne, pour remplacer le gaz.”
En mars, le ministre de l’économie Robert Habeck a fixé comme objectif de remplacer
l’énergie russe d’ici la mi-2024, bien que de nombreux économistes et acteurs de l’industrie de l’énergie estiment que cet objectif est trop
ambitieux.
Par exemple, Marcel Fratzscher, président de l’Institut allemand de recherche économique, et
Markus Krebber, PDG du plus grand producteur d’électricité d’Allemagne, RWE (RWEG.DE), estiment que cela n’arrivera pas avant 2025, et seulement si des sources
alternatives sont trouvées ou développées rapidement.
Sur le front du GNL aussi, il y a une montagne à gravir.
L’Allemagne ne dispose pas de sa propre infrastructure de GNL en raison de sa dépendance de
longue date à l’égard du gaz russe, et elle commence seulement à se doter d’une capacité d’importation de GNL.
Pour l’instant, elle prévoit de s’appuyer sur six terminaux d’importation flottants pour
contribuer à diversifier l’approvisionnement en gaz, dont le premier doit arriver jeudi. Trois d’entre eux devraient être mis en service cet hiver, les autres
devant être déployés à la fin de 2023, ce qui porterait la capacité totale à au moins 29,5 milliards de m3 par an.
RWE, Uniper et leur homologue plus petit EnBW (EBKG.DE) se sont engagés à fournir les
volumes nécessaires pour que les terminaux fonctionnent à pleine capacité jusqu’à la fin mars 2024. Néanmoins, l’origine de ces volumes reste
incertaine.
Selon les données de l’ECFR, l’Allemagne n’a conclu que deux contrats fermes de GNL depuis
l’arrêt complet des approvisionnements en gaz russe cet été, des accords à court terme modestes pour les deux prochaines saisons d’hiver.
Le premier est un accord de 1 milliard de m3 par an entre l’australien Woodside et Uniper,
qui a depuis fait l’objet du plus grand sauvetage d’entreprise jamais réalisé en Allemagne. Le second a été conclu entre Abu Dhabi National Oil Company et RWE
et couvre une livraison de 137 000 mètres cubes en décembre et d’autres livraisons non spécifiées en 2023.
Uniper et RWE ont déclaré qu’ils seraient en mesure d’assurer d’autres approvisionnements
grâce à leur portefeuille de GNL, sans donner plus de détails. EnBW a déclaré que les contrats d’approvisionnement étaient toujours en cours d’élaboration et
qu’elle était à la recherche d’opportunités sur le marché.
Le programme de voyage chargé de M. Habeck et du chancelier Olaf Scholz montre les
difficultés à conclure des accords à long terme importants qui pourraient sevrer l’Allemagne du prix élevé de l’électricité au comptant. Ils ont sillonné le
monde cette année à la recherche de volumes supplémentaires, notamment au Canada, au Qatar et en Norvège.
“Je pense que l’Allemagne a fait tout ce qu’elle pouvait”, a déclaré Giovanni Sgaravatti,
analyste de recherche au groupe de réflexion Bruegel. “Sur le marché du GNL, l’Allemagne a dû repartir de zéro, ce qui n’est pas facile”.
Et quelques graphiques instructifs – on n’ose pas dire “éclairants”:
une inflation à plus de 10%
une baisse d’un quart des livraisons quotidiennes de gaz en Allemagne
une récession qui a commencé, en Allemagne, dès le mois de juillet.
M.K. Bhadrakumar analyse le rapprochement entre l'Arabie Saoudite et la Chine - une nouvelle ère géopolitique a commencé
Le faste et la cérémonie de la récente visite du président chinois Xi Jinping en Arabie
saoudite ont suscité la comparaison avec la banalité et l’atmosphère glaciale qui ont entouré le voyage du président américain Joe Biden dans le royaume en
juillet. Toutefois, la principale différence réside dans le fait que les Saoudiens ont organisé trois sommets régionaux distincts pour Xi – outre le sommet
bilatéral, un deuxième sommet avec 21 dirigeants arabes et un troisième avec sept dirigeants de pays du CCG.
Ce “trois en un” a permis de montrer que l’Arabie saoudite est au cœur de la diplomatie
chinoise dans le monde arabe. Cela contraste fortement avec la relation transactionnelle à laquelle l’alliance historique américano-saoudienne a été
réduite.
En effet, les quelque trois douzaines d’accords en matière d’énergie et d’investissement
conclus pendant la visite de Xi préserveront le cœur des intérêts stratégiques de l’Arabie saoudite et de la Chine. Ils englobent des domaines d’avant-garde
tels que les technologies de l’information, l’énergie verte, les services en nuage, les infrastructures et la santé, et renforcent le sentiment d’alignement
entre le pivot de diversification économique de Riyad (connu sous le nom de Vision 2030) et le développement d’industries intelligentes et d’infrastructures de
haute qualité, y compris d’infrastructures numériques, impulsé par l’initiative “la Ceinture et la Route” (BRI) de la Chine, qui a le potentiel d’étayer la
connectivité régionale dans les décennies à venir.
Comme le note un commentaire chinois, les investissements de Pékin dans l’hydrogène vert et
l’énergie solaire devraient compléter la poussée de Riyad en matière d’énergie propre et, ensemble, ils “renforcent l’infrastructure adaptative dans le monde
arabe.” Prenez, par exemple, l’accord historique signé avec le géant chinois de la technologie Huawei, qui ouvrira les portes de complexes de haute technologie
dans les villes saoudiennes, qui s’articulent avec la coopération chinoise en matière de développement de la 5G dans de nombreux États du Golfe (par exemple,
EAU, Koweït, Qatar).
Alors que l’Arabie saoudite synchronise ses priorités dans le secteur de l’énergie avec
l’accent mis par la Chine sur le renforcement de la résilience de la chaîne d’approvisionnement dans la région de l’Asie occidentale, le royaume se présente
comme un centre régional pour les usines chinoises. Il s’agit d’une situation “gagnant-gagnant”, car la stabilité des chaînes d’approvisionnement énergétique
est essentielle aux perspectives de croissance et de reprise de nombreuses économies arabes régionales.
Il suffit de dire que même si les nouvelles synergies de développement et les collaborations
multisectorielles proposées placent le partenariat stratégique global Chine-Saoud dans une autre catégorie, la région arabe dans son ensemble tirera d’énormes
avantages de l’impact transformationnel du partenariat.
La déclaration conjointe publiée à l’issue de la visite de M. Xi évoque l’importance de
l’élargissement des relations sino- saoudiennes “dans leur cadre international et en donnant un exemple de coopération, de solidarité et de gain mutuel pour
les pays en développement”.
On peut y lire : “La partie saoudienne a également souligné l’importance d’attirer les
entreprises internationales chinoises pour qu’elles ouvrent des sièges régionaux dans le Royaume et a apprécié l’intérêt d’un certain nombre d’entreprises à
cet égard, puisqu’elles obtiennent des licences pour établir leurs sièges régionaux dans le Royaume, pour finalement bénéficier des expériences et des
capacités exceptionnelles de la Chine au profit des économies des deux pays.” De toute évidence, la signature d’un “plan d’harmonisation” entre la Vision 2030
et la BRI change la donne.
Le tout premier sommet Chine-CCG et le sommet Chine-Ligue arabe se distinguent dans
l’environnement international actuel et créent des perspectives de “coopération collective” entre la Chine et les pays arabes. Ils s’articulent autour d’une
action conjointe de l’Arabie saoudite et de la Chine visant à renforcer les relations de partenariat stratégique entre les États du CCG et la Chine, à conclure
un accord de libre-échange entre le CCG et la Chine et à institutionnaliser la réunion des ministres de l’économie et du commerce CCG-Chine dans un format “6 +
1” entre le CCG et la Chine.
De même, sur le plan diplomatique, la déclaration conjointe indique que “la partie chinoise
a salué les contributions positives du Royaume et son soutien exceptionnel à la promotion de la paix et de la stabilité régionales et
internationales.”
Il est particulièrement intéressant de noter que la Chine soutient fermement la position
saoudienne sur le Yémen en soulignant l’importance de soutenir le Conseil présidentiel yéménite.
Il n’est pas surprenant que la visite saoudienne de Xi ait suscité l’inquiétude de Téhéran.
La toile des alliances régionales que Riyad a tissée pour la participation de la Chine est exclusivement composée de pays arabes. Et ce qui irrite le plus
Téhéran, c’est que l’Arabie saoudite et l’alliance arabe seront le modèle le plus crucial des stratégies régionales de la Chine dans les régions d’Asie
occidentale et d’Afrique.
L’Iran ne peut pas faire face à cette évolution en tant que centre de pouvoir rival. Et cela
se produit à un moment où l’Iran prend de l’avance en tant qu’avion de pointe de la région du Golfe et où l’alliance centrale de l’Arabie saoudite avec les
États-Unis a sombré dans un délabrement désespéré.
La coupure la plus désagréable de toutes doit être le fait que, bien que la Chine participe
aux négociations du JCPOA, la déclaration conjointe indique que les deux parties “ont appelé l’Iran à coopérer avec l’Agence internationale de l’énergie
atomique, à maintenir le régime de non-prolifération et à souligner le respect des principes de bon voisinage et de non-ingérence dans les affaires intérieures
des États”.
Ailleurs, la déclaration conjointe indique, dans une référence voilée à l’Iran, que “la
partie chinoise a exprimé son soutien au Royaume dans le maintien de sa sécurité et de sa stabilité et a affirmé son opposition à toute action qui
interférerait dans les affaires intérieures du Royaume d’Arabie saoudite, et rejette toute attaque visant les civils, les installations civiles, les
territoires et les intérêts saoudiens.”
Cependant, Téhéran a choisi d’ignorer tout cela et s’est concentré sur un passage
particulier de la déclaration conjointe Chine-CCG pour exprimer son mécontentement. La formulation pertinente stipule : “Les dirigeants ont affirmé leur
soutien à tous les efforts pacifiques, y compris l’initiative et les efforts des Émirats arabes unis pour parvenir à une solution pacifique à la question des
trois îles, la Grande Tunb, la Petite Tunb et Abu Musa, par le biais de négociations bilatérales conformément aux règles du droit international, et pour
résoudre cette question conformément à la légitimité internationale.”
À première vue, il n’y a rien d’explosif ici, mais Téhéran a pris ombrage du fait que Pékin
a ignoré la position iranienne selon laquelle la question n’est “pas négociable” et concerne la souveraineté et l’intégrité territoriale du pays.
Des commentateurs et des responsables iraniens ont affirmé que “la Chine semblait prendre
parti dans le conflit”. L’ambassadeur de Chine a été convoqué au ministère iranien des affaires étrangères et le président Ebrahim Raisi a exprimé son
mécontentement en mentionnant la Chine. (Voir le commentaire furieux du Tehran Times intitulé China’s wrong move on the rotten rope of Persian Gulf Cooperation
Council).
Il est difficile de dire à ce stade jusqu’à quel point cet histrion est à prendre au
sérieux. Le véritable grief de Téhéran pourrait être double : d’une part, la relation Chine-Saoudite prend de l’importance et pourrait progressivement reléguer
l’Iran au second plan dans la politique régionale.
Bien sûr, l’Iran a un partenariat prometteur avec la Russie, mais il s’agit essentiellement
d’une matrice géopolitique dont les variables sont soumises aux rebondissements de la confrontation de Moscou avec l’Occident sous le coup des sanctions.
Entre-temps, l’impasse des négociations nucléaires à Vienne empêche la normalisation de l’Iran vis-à-vis de “l’Occident collectif”.
La déclaration conjointe ne prend note que de manière superficielle de “leur détermination à
développer la coopération et la coordination dans les domaines de la défense” et du fait que les deux pays “coopèrent dans les utilisations pacifiques de
l’énergie nucléaire.” Mais les liens de défense et la coopération nucléaire entre la Chine et l’Arabie saoudite ont une longue histoire. Personne ne sera plus
malin, car les Saoudiens et les responsables chinois sont connus pour être en discussion sur les mécanismes de paiement en monnaie locale pour certains types
de transactions.
En dernière analyse, l’Iran ne peut s’en prendre qu’à lui-même. Il a pris une longueur
d’avance sur l’Arabie saoudite avec sa feuille de route de 400 milliards de dollars sur 25 ans pour les investissements chinois, mais il a perdu le fil, et la
Chine aurait probablement estimé que l’Arabie saoudite a bien plus à offrir en tant que partenaire économique que l’Iran à court et moyen terme.
Les Saoudiens savent joindre l’acte à la parole, ils ne sont pas dogmatiques et la Vision
2030 est une mosaïque de mégaprojets. Et en la personne du prince héritier Mohammed bin Salman, ils disposent d’un leadership décisif. Quant à la Chine, son
économie ralentit et il est urgent de stimuler les exportations.
De fait, la décision d’organiser des sommets sino-saoudiens bisannuels garantit que
l’approche descendante de la gestion, qui caractérise les deux pays, est étroitement surveillée et ajustée en fonction des besoins. L’Iran, en revanche, peut
être un partenaire exaspérant, compte tenu de ses multiples niveaux de décision et de ses politiques autarciques contrariées.
Très certainement, la Chine est également attirée par l’influence de l’Arabie saoudite dans
le monde arabe, un facteur clé susceptible de faire progresser la BRI au niveau régional dans l’environnement post-pandémique.
Téhéran a des raisons de craindre que l’équilibre régional ne penche en faveur de l’Arabie
saoudite. Téhéran ne peut ignorer que l’historicité de la visite de Xi en Arabie saoudite réside dans la reconstitution de l’histoire qui se joue en Asie
occidentale depuis la rencontre secrète entre le président américain de l’époque, Franklin Roosevelt, et le roi Abdul Aziz d’Arabie saoudite au large
d’Alexandrie en 1945.
L'Allemagne se débarrasse des dernières entraves morales et éthiques qui lui ont été imposées après la Seconde Guerre mondiale. Elle passe du statut d'Etat «
éternellement pénitent » à ce qu'elle fut pendant 75 ans (de la création du IIe Reich à la chute du IIIe) : L'une des principales forces militaro-politiques en
Europe. Et c’est bien dans cette direction qu’elle veut aller.
Cet article daté du 12.12.2022 et rédigé par Guevorg Mirzayan est initialement paru sur vz.ru. Il n’engage pas la ligne éditoriale du Courrier des Stratèges.
Le chancelier allemand Olaf Scholz a clairement formulé et argumenté cette idée dans son récent article, publié dans les pages
du magazine faisant autorité, Foreign Affairs. Habituellement, ce genre de prises de position de dirigeants occidentaux dans des publications occidentales
est bercé d’idéologie et de pensées manichéennes : pour résumer, « tous les bons contre tous les mauvais ». Cependant, le texte de Scholz
fait exception : il est assez simple et direct. Ainsi, le chancelier commence par dire que dans un monde où la « Zeitenwende » (c’est-à-dire le
tournant historique) a lieu et où « différents pays et modèles de gouvernement se disputent le pouvoir et
l’influence », l’Allemagne est le bastion le plus important de l’ordre et du droit international ! Dès lors, « les Allemands entendent devenir les garants de la sécurité européenne : c’est ce que nos alliés attendent de
nous » », écrit Scholz. Il poursuit ainsi : nous sommes « Les bâtisseurs de
ponts (c’est-à-dire ceux qui cherchent et trouvent des compromis, rassemblent les participants – ndlr) au
sein de l’Union européenne et plaident pour des solutions multilatérales aux problèmes mondiaux ». Et il conclut que « c’est la seule option pour l’Allemagne de surmonter avec succès les failles géopolitiques de notre époque ».
L’Allemagne face à la « terrible menace » qui émane de la Russie
Il y a beaucoup de parties sémantiques importantes dans le texte. Il y a aussi une partie consacrée à la « terrible menace » émanant de la Russie. « Lorsque Poutine a ordonné
l’offensive, il a détruit l’architecture européenne et internationale du monde, qui a mis des décennies à se construire », écrit Scholz. Et il
précise que l’Allemagne dirigera l’Europe dans la confrontation militaro-politique face à cette menace.
Sur ce point, Herr Scholz est l’héritier direct d’Angela Merkel. Rappelons qu’en 2014, la chancelière de l’époque avait
inventé un excellent moyen d’augmenter considérablement l’influence politique de l’Allemagne en Europe, au détriment de la Russie : elle avait décidé
simplement de diriger le camp antirusse. Et si avant cela, les Européens avaient peur du pouvoir politique croissant de Berlin de toutes les manières
possibles (conscients de ce à quoi ce pouvoir avait conduit au XXe siècle), alors, après le début du conflit russo-ukrainien, ils ont exigé que l’Allemagne
« jouer son rôle » dans l’endiguement de la Russie.
Le loup est venu parmi les « moutons européens »
Il s’agissait alors du rôle politique, du leadership. Mais maintenant, après le début du NWO, les exigences sont liées au
rôle militaro-politique. Et Scholz, en bon chancelier, répond à cette demande des « moutons européens » concernant l’irruption d’un loup dans le
troupeau. « Le rôle crucial pour l’Allemagne à l’heure actuelle est de devenir l’un des principaux fournisseurs
de sécurité en Europe en investissant dans nos forces armées, en renforçant l’industrie de défense européenne, en renforçant notre présence militaire sur le
flanc oriental de l’OTAN et en entraînant et équipant les forces armées ukrainiennes », explique le chancelier. En fait, l’Allemagne s’est déjà
entendue avec les Polonais sur le déploiement de systèmes de défense aérienne allemands « Patriot » sur le territoire polonais. Il est possible
que dans un proche avenir, ils soient complétés par des brigades de la Bundeswehr.
De plus, dans le cadre de la « guerre muette », l’Allemagne entend renforcer sa position de leader au sein de l’Union
européenne. Et pas seulement en raison de son implication dans les Balkans occidentaux (pays de la sphère d’influence de l’Allemagne). Berlin est
favorable au changement du processus décisionnel, en passant du principe du consensus au principe de la majorité : c’est-à-dire l’abolition du droit de la
Pologne, de la Hongrie ou de tout autre pays de bloquer les décisions du Union européenne. Scholz qualifie ce principe d’« égoïste » et assure
que, sans son abolition, l’Union européenne n’aura aucune réactivité. « Alors que l’UE s’élargit et devient un
acteur géopolitique, une prise de décision rapide sera la clé du succès », écrit-il. Naturellement, sans mentionner que c’est le droit de veto
exercé par la Hongrie qui a sauvé l’Union européenne de l’adoption de sanctions suicidaires au gaz contre la Russie.
Enfin, Scholz essaie d’indiquer que ces grands projets de puissance de l’Allemagne ne contredisent en aucune façon les intérêts
des maîtres de l’Europe, c’est-à-dire les États-Unis. « Le partenariat transatlantique a été et reste vital pour
relever ces défis … Mais un partenariat transatlantique équilibré et durable exige également que l’Allemagne et l’Europe jouent un rôle actif »,
assure le chancelier.
Ainsi, il résout deux problèmes. Premièrement, il positionne l’Allemagne comme le bas séculier de l’Amérique, et non comme
un rebelle contre la domination américaine dans le Vieux Monde. Deuxièmement, il neutralise les craintes de certains États que l’exclusion des États-Unis
de l’UE et le remplacement de l’Amérique par l’Allemagne ne conduisent à l’élimination du seul contrepoids à la puissance allemande (il n’y a plus d’espoir
pour la France, et la Grande-Bretagne a quitté l’UE).
En même temps, Scholz est bien conscient que l’affaiblissement des positions américaines en Europe est un processus
inévitable. Cela va de soi et c’est principalement lié aux processus politiques internes en Amérique. La croissance de l’isolationnisme, le conflit
au sein des élites du parti, la fatigue de la population appauvrie face au fardeau des dépenses internationales, etc. Alors pourquoi ne pas prêter
maintenant une épaule aux Américains, afin qu’ils bénissent l’Allemagne pour son leadership, et ce d’autant plus puis que les Etats-Unis s’écartent eux-mêmes
de cette épaule ?
Berlin pourra-t-il réaliser cette ambition ?
La principale question est de savoir ce qui se passera après le « crawl » américain. Les ambitions allemandes
sont grandes. Mais Berlin pourra-t-il les réaliser ? Apparemment non. Et les raisons d’un tel scepticisme sont multiples.
L’un d’eux est la qualité de l’élite allemande. Comme leurs homologues des gouvernements d’autres pays de l’UE, les
Allemands ont oublié comment diriger leur pays par eux-mêmes. Comme les enfants de moins de 40 ans vivant sous la garde de leurs parents, ils sont
habitués à ce que les États-Unis les gouvernent, résolvent tous les problèmes, assument les principales préoccupations de protection militaire et d’évolution
des positions. Oui, à un moment donné, le désir de « liberté » se réveille chez les enfants, et ils commencent à se rebeller, à exiger l’indépendance.
Cependant, au moment où ils commencent à ressentir le froid glacial de la responsabilité qui s’ajoute à l’indépendance, les enfants prennent du recul dans la
zone de confort. C’est exactement cela, en particulier, qui s’est produit sous Donald Trump, lorsque les Allemands se sont vu proposer de reprendre le
flambeau du leader du monde libéral rejeté par le propriétaire de la Maison Blanche. Et ils ont eu peur et ont préféré attendre Biden.
La deuxième raison est l’état de l’économie allemande. On supposait qu’il s’agissait du principal avantage concurrentiel de
l’Allemagne dans la lutte pour le leadership militaire et politique. Cependant, les autorités allemandes ont tout fait pour neutraliser cet avantage. En
particulier, ils ont abandonné les sources d’énergie russes bon marché, à la suite desquelles les entreprises allemandes vont faire faillite ou vont se
déplacer vers d’autres pays (en particulier aux États-Unis).
Toutefois, la principale raison du scepticisme reste les processus politiques internes en Allemagne. Le refus des élites
actuelles de suivre les intérêts nationaux, la crise économique, les mensonges totaux dans les médias (par exemple, les tentatives de blâmer Poutine pour la
détérioration de la qualité de vie des Allemands) conduisent à une augmentation de la popularité des forces d’extrême droite. En particulier, depuis l’été, la
cote nationale des « Alternatives pour l’Allemagne » a augmenté de près d’une fois et demie. Et les autorités répondent à cette augmentation,
non pas par un changement de politique, mais par une « chasse aux sorcières » : l’arrestation de l’ancien groupe radical « Citoyens du
Reich », imbibé d’agents des services spéciaux, sous la sauce d’une prétendue tentative d’organisation d’un coup d’État. Ainsi, Berlin essaie
d’écraser les mouvements de droite, mais à la suite de ces tentatives, il obtiendra encore plus de radicalisation de la droite, avec sa transformation en parti
de véritables néo-nazis.
Pendant ce temps, les voisins de l’Allemagne voient parfaitement tous ces processus et les comprennent. Peut-être ne
seraient-ils pas contre la création du « Quatrième Reich » sous le règne de la RFA, mais ils ne sont absolument pas satisfaits d’assister à la
réincarnation du Troisième.
Xavier Moreau et John Laughland, chargé de conférences en sciences politiques, font le bilan du dernier sommet du G20 qui s’est tenu les 15 et 16 novembre à
Bali.
« L’Occident a volontairement franchi les lignes rouges posées par Poutine » -- Le 08/12/2022.
Interview de Caroline Galacteros, géopolitologue et fondatrice du think tank Geo-Pragma, sur la situation en Ukraine.
« Le Pentagone voit les choses sous un angle plus concret. La question c’est : affaiblir la Russie sans la pousser trop loin et qu’on ne puisse plus
contrôler l’escalade, c’est tout le problème de ce conflit. »
En Allemagne, le parti de la guerre empêche tout démarrage de négociation avec la Russie
Alors que l'on se rapproche des 300 jours d'affrontement, l'armée ukrainienne subit des pertes de plus en plus gigantesques. le commandant américain du groupe de
mercenaires "Mozart", présent en Ukraine, estime que les unités ukrainiennes ont subi en moyenne 70% de pertes. Actuellement le gros des combats se concentre sur
le Donbass, en particulier autour de Bakhmout, où les lignes ukrainiennes sont en train de céder. Pour beaucoup d'observateurs, l'issue des combats ne fait plus
guère de doute et il faudrait arrêter là les pertes - humaines et territoriales - pour l'Ukraine. Cependant, comme le Courrier des Stratèges vous l'explique depuis
le 24 février, une autre bataille se déroule, qui empêche - pour l'instant - le démarrage des négociations pour mettre fin à la Guerre d'Ukraine. C'est
l'affrontement géopolitique pour le contrôle de l'Eurasie. Les Etats-Unis ont encore l'espoir de pouvoir déstabiliser la périphérie de la Russie et continuent à
jeter de l'huile sur le feu dans le Caucase, en Iran, au Kazakhstan, en Mongolie. On notera, pour finir, que tous les analystes distanciés sont inquiets du
comportement allemand - jugé belliciste et tourmenté par des démons du passé. En tout cas l'Union Européenne n'est plus vue comme un facteur de paix.
Un éditorial inhabituel
Je recommande le dernier éditorial de Georges Ghosn dans VSD
(n°2181). Il commence ainsi:
“Les apparences sont décidément trompeuses. Méfions-nous de la crétinerie de nos commentateurs aveugles et sourds qui épousent la cause
d’un Zelenski aussi roublard qu’un Russe. Il a failli nous entraîner dans la 3e mondiale à l’heure du Mondial. Ils prennent leurs vœux pour la réalité :
Poutine, décrit comme mourant (au moins 3 pathologies diagnostiquées par les journalo-politiques des plateaux TV, ils guettent les traces de piquouze sur son
bras, ou une toux). Il m’a l’air en forme pourtant à 70 ans. Journalerie rime avec… ânerie. Car les perles s’enfilent et elles volent en escadrille. Autre
exemple : le retrait russe. Qualifié de « défaite cuisante » selon les « conmentateurs » qui riment avec… menteurs. Défaite ? À quelle heure ? Depuis Napoléon,
la défense russe a toujours joué du retrait stratégique, et s’est appuyée sur le général hiver. Parlez-en au Führer et à Bonaparte. Koutouzov a sacrifié Moscou
et Staline a reculé des milliers de kilomètres pour ensuite écraser les nazis avec l’aide financière de Roosevelt. Plus de 1 000 milliards d’euros actuels. Ça
vous rappelle rien ? Le repli tactique, pour ces joueurs d’échecs (sport national), est un système gagnant car invisible. Ouvrez les yeux : ils ont 10 coups
d’avance. Ils ont gagné et obtenu ce qu’ils voulaient : la mer d’Azov et la Crimée. Ils ont feint de vouloir Kiev, je l’ai écrit depuis des mois. Le repli de
Kherson annoncé et effectué en très bon ordre m’interpelle. Comment les Ukrainiens avec l’aide des yeux et oreilles américains (satellites, CIA, etc.) n’ont pas prof té de
l’aubaine Pas un obus tiré, et ils ont sauvé 30 000 soldats d’élite battant en retraite ? La ligne de défense sur le fleuve Dniepr est plus nette. Ils
vont frigorifier l’Ukraine et l’Europe si cela continue. Et tout le monde va enfin comprendre qu’il faut arrêter de soutenir l’Ukraine sous peine d’une
explosion sociale et une grande dépression….“.
C’est un régal et ça continue sur quatre colonnes. L’auteur ne prend pas parti. Il aime le réel, tout simplement.
A l’époque de la Guerre froide, il y avait des dizaines de journalistes comme Ghosn, qui, attirés plus par un camp ou par
l’autre, avaient néanmoins quelque chose en commun: ils nommaient les choses.
La bataille d'Ukraine
8 décembre 2022
L’armée russe détruit du matériel livré par l’OTAN menaçant la centrale nucléaire d’Energodar
“Les Forces aérospatiales russes ont détruit cinq des systèmes de lance-roquettes multiples
(MLRS) M270 et MARS II récemment acquis par l’Ukraine dans la région de Zaporojie, a annoncé le 8 décembre le porte-parole du ministère russe de la Défense, le
lieutenant général Igor Konashenkov.
“Grâce aux frappes des armes de haute précision des forces aérospatiales russes, cinq MLRS
de fabrication américaine et des lance-roquettes MARS II de fabrication allemande ont été détruits dans les zones des communautés de Shevchenkovskoye et
Grigorovskoye dans la région de Zaporozhye”, a déclaré le porte-parole.
Le MARS II est la copie allemande du système MLRS. Le Royaume-Uni, la Norvège, la France et
l’Allemagne ont fourni au moins 16 lanceurs MLRS et MARS II aux forces de Kiev après le début de l’opération militaire spéciale russe en Ukraine. Le premier
système a été livré à la mi-juillet.
Chaque lanceur MLRS ou MARS II peut être armé d’un maximum de 12 roquettes guidées par GPS
GMLRS des séries M30/M31, d’une portée de plus de 70 kilomètres, dans deux nacelles distinctes.
L’armée russe s’est efforcée de localiser et de détruire les lance-roquettes MLRS et MARS II
de l’Ukraine. Un jour plus tôt, le ministère russe de la défense a déclaré que deux lance-roquettes MLRS avaient été détruits lors d’une frappe de précision
visant l’usine ArcelorMittal dans la région de Krivoi Rog.
Le ministère russe de la défense affirme que quelque 920 lance-roquettes multiples des
forces de Kiev ont été détruits depuis le début de l’opération militaire spéciale en Ukraine.”
“Bakhmout est devenu un chaudron sanglant où Kiev doit dépenser d’énormes ressources
humaines pour maintenir ses positions. Les forces ukrainiennes et de l’OTAN quittent les villages les uns après les autres, permettant aux combattants russes
de Wagner qui avancent d’encercler partiellement la ville.
Le quartier de Bakhmout serait défendu par les 30e et 53e brigades des forces armées
ukrainiennes.
Les combats de position se poursuivent dans la zone industrielle à la périphérie est de la
ville, où aucun des belligérants ne revendique le contrôle des nouvelles installations, mais tous subissent des pertes dans les combats de rue.
Les combattants de Wagner poursuivent leur progression en direction du sud-ouest. Le
groupement ouest de Wagner a déjà sécurisé des bastions dans les villages qui ont été récemment pris sous leur contrôle le long de la route sud de Bakhmout.
Les Russes prennent maintenant d’assaut le village de Kleshcheyevka.
L’encerclement de la ville par la direction sud-ouest permettra aux forces russes de
contourner les principales défenses ukrainiennes à la périphérie sud de la ville, où de violents combats se poursuivent pour le village d’Opytne.
Les combattants de Wagner ne sont pas pressés de mener des opérations d’assaut à Bakhmout,
mais tentent d’étendre la zone de contrôle autour de la ville”.
Ce n'est pas l'armée russe, c'est l'OTAN qui est à court de missiles
“Depuis près de dix mois, la machine de propagande dominante tente de convaincre le monde
que la Russie est à court d’armes de pointe, en particulier de munitions guidées de précision (MGP), essentielles pour les frappes à longue portée contre des
cibles stratégiques importantes contrôlées par Kiev. L’armée russe serait si désespérée qu’elle exproprie les machines à laver, les smartphones, les
ordinateurs portables ou tout autre appareil contenant des puces électroniques afin de pouvoir maintenir sa production d’armes. Des affirmations aussi absurdes
ne seraient jamais acceptées par quiconque connaît un tant soit peu le fonctionnement des technologies militaires. Cependant, elles constituent un segment
important de la guerre de l’information visant à présenter la Russie comme prétendument “arriérée” ou “technologiquement déficiente”.
En fin de compte, les partisans de ces affirmations ne font que s’embarrasser eux-mêmes, car
la Russie n’a pas seulement fait preuve d’une grande constance dans l’utilisation de MGP à longue portée, mais elle a même commencé à en utiliser davantage, en
particulier ces derniers mois. Cela a également été confirmé récemment par nul autre que le New York Times, l’un des fleurons de l’énorme machine de propagande
grand public de l’Occident politique. Le 5 décembre, le NYT a publié un rapport intitulé “Les missiles de croisière russes ont été fabriqués il y a quelques
mois seulement, malgré les sanctions”, révélant que les prétendues “graves pénuries de platinoïdes” dans l’armée russe ne sont rien d’autre qu’un mythe. Selon
le rapport, des enquêteurs en armement engagés par le régime de Kiev ont déterminé qu'”au moins un missile de croisière russe Kh-101 utilisé dans les attaques
généralisées du 23 novembre avait été fabriqué au plus tôt en octobre.”
Les restes de missiles de croisière Kh-101 trouvés à Kiev avaient des composants fabriqués
quelques mois après que les sanctions occidentales prétendument “paralysantes” aient été imposées à la Russie. L’Occident politique a promis à son régime
fantoche préféré que les restrictions mettraient un terme à la capacité de Moscou à produire des armes de pointe, en particulier des missiles de croisière à
longue portée tels que le Kh-101 à lancement aérien ou le “Kalibr” à lancement maritime. Pourtant, depuis lors, des centaines de ces missiles ont été fabriqués
et utilisés par l’armée russe, entraînant des conséquences désastreuses pour les infrastructures d’importance stratégique de la junte néonazie. Les dommages
subis par le réseau électrique sous le contrôle du régime de Kiev ont gravement dégradé la logistique de ses forces, entraînant une érosion supplémentaire de
leur capacité à combattre.
Le NYT affirme que les enquêteurs ont déterminé qu’un des missiles a été fabriqué au cours
de l’été, tandis qu’un autre a été produit fin septembre ou début octobre. Selon l’un des enquêteurs, ces résultats viennent étayer l’affirmation selon
laquelle “la Russie a continué à fabriquer des missiles guidés avancés comme le Kh-101, [ce qui] suggère qu’elle a trouvé le moyen d’acquérir des
semi-conducteurs et d’autres matériels malgré les sanctions ou qu’elle disposait de stocks importants de ces composants avant le début de la guerre.” L’enquête
a été menée par le Conflict Armament Research (CAR), qui se décrit comme un “groupe indépendant basé au Royaume-Uni qui identifie et suit les armes et les
munitions utilisées dans les guerres.” Apparemment, les services de sécurité du régime de Kiev (vraisemblablement le SBU) ont demandé à CAR d’envoyer une
petite équipe de ses enquêteurs pour étudier les restes de missiles utilisés par les forces russes.
Ces conclusions ont également été confirmées par Piotr Butowski, un journaliste polonais
spécialiste de l’armée russe. Un analyste américain du renseignement de défense, dont l’identité n’a pas été révélée, l’a également reconnu dans une interview
accordée avant la publication du rapport. Il a déclaré que “l’analyse de M. Butowski était conforme à la compréhension qu’a le gouvernement de la manière dont
les producteurs de missiles russes – y compris ceux qui fabriquent le Kh-101 – marquent leurs armes.” L’analyste américain a également déclaré que “les
rapports en provenance de Russie indiquent que le gouvernement a ordonné aux employés des usines de munitions de travailler des heures supplémentaires dans le
but de produire davantage de munitions.” Cela implique clairement que les États-Unis sont conscients que la Russie possède tous les composants nécessaires pour
produire des armes avancées telles que le Kh-101, ce qui prouve une fois de plus que les rapports sur le prétendu manque de PGM russes ne sont rien d’autre que
de la propagande.
En revanche, le complexe militaro-industriel américain, le plus grand et le plus puissant
cartel d’armes de la planète, ainsi que le principal fournisseur d’armes du régime de Kiev, semble avoir des problèmes avec ses stocks d’armes avancées. Des
données récentes révèlent l’ampleur des problèmes de production auxquels les États-Unis sont confrontés lorsqu’ils tentent d’armer les forces de la junte
néonazie. Selon un rapport de la National Review daté du 3 décembre, Greg Hayes, PDG de Raytheon, a mis en garde contre l’épuisement des stocks américains de
Javelin ATGM (missiles guidés antichars) et de Stinger MANPADS (systèmes de défense aérienne portables) en raison de l’insistance de l’administration Biden à
fournir ces armes aux forces du régime de Kiev.
S’exprimant lors d’un panel sur l’Ukraine au Reagan National Defense Forum, Hayes a déclaré
: “Le problème est que nous avons consommé tellement de fournitures au cours des dix premiers mois de la guerre. Nous avons essentiellement utilisé
l’équivalent de 13 ans de production de Stinger et de cinq ans de production de Javelin.” Selon M. Hayes, Raytheon et Lockheed Martin produisent conjointement
400 Javelin par mois, mais aucun nouveau Stinger n’a été fabriqué depuis 2004. Toutefois, il a souligné que “les combats en cours en Ukraine brûlent les stocks
d’armes existants et la question est de savoir comment nous allons nous réapprovisionner, reconstituer les stocks.”
La National Review affirme qu’en mai, les États-Unis ont envoyé 5 500 Javelins et 1 400
Stingers au régime de Kiev. Quant aux affirmations du PDG de Raytheon, bien qu’elles puissent être exagérées, puisqu’il est dans l’intérêt de la société
d’augmenter la production d’armes, elles ont certainement un certain mérite. Cependant, il y a aussi une frustration croissante due au manque de surveillance
des livraisons massives d’armes au régime de Kiev, l’un des plus corrompus de la planète. Il est fort probable que le nouveau Congrès, dominé par le GOP,
enquête sur les rapports faisant état de la sortie clandestine d’armes occidentales du pays“.
Le front ukrainien est en train de rompre dans le Donbass
“Sur le front nord du Donbass, d’intenses duels d’artillerie et des combats de
contre-batterie se poursuivent le long des lignes de front de Koupyansk à Lisitchansk.
Les forces armées ukrainiennes n’ont pas réussi à percer les défenses russes au nord de
Svatovo. Après que leurs opérations de contre-offensive dans la région de Kuzemovka n’ont donné aucun résultat significatif, les militaires ukrainiens ont
récemment suspendu leurs tentatives d’assaut du village.
Dans le même temps, l’armée ukrainienne a accumulé des forces et lancé une contre-offensive
près du village de Chervonopopovka, dans le but de couper la route entre Svatovo et Kremennaya. Le feu intense de l’artillerie russe a repoussé les unités en
progression vers leurs lignes initiales. L’avancée ukrainienne est entravée par le contrôle russe des hauteurs de commandement dans la région.
L’armée russe à l’offensive
De leur côté, les forces russes sont à l’offensive depuis plusieurs jours dans la région de
Kremennaya. Elles ont avancé de plusieurs kilomètres dans certaines zones des lignes de front et ont réussi à prendre le contrôle de positions avantageuses
pour de nouvelles avancées. Les opérations offensives russes ont été lancées près des villages de Ploshanka et de Chervona Dibrova. Les troupes russes qui
avancent sont couvertes par le feu d’une large gamme d’armes, y compris tous les types d’obusiers, les TOS Solntsepek, les missiles guidés Krasnopol ainsi que
par les avions militaires russes.
Selon plusieurs rapports, les pertes de l’armée ukrainienne au cours des deux derniers jours
s’élèvent à environ 200 militaires.
À la périphérie de Soledar, les combattants russes de Wagner ont récemment fait état de
leurs gains dans le village de Yakovlevka. Les unités ukrainiennes ont été repoussées de leurs positions dans le village où l’opération de ratissage russe se
poursuit.
Dans la région de Bakhmout, les combattants Wagner doivent encore sécuriser leur bastion
d’Opytne, situé à la périphérie sud de la ville, alors que les forces ukrainiennes poursuivent leurs tentatives de contre-attaque du village. Les combats se
poursuivent également dans la zone industrielle de la périphérie orientale de Bakhmout.
Le commandement militaire ukrainien transfère des unités supplémentaires, y compris des
mercenaires étrangers, dans la zone pour tenter de compenser les lourdes pertes.
La démoralisation des mercenaires “Mozart”
Cependant, il semble que les volontaires étrangers ne soient plus disposés à prendre part à
cette bataille sanglante. Par exemple, le fondateur du PMC américain “Mozart”, un colonel à la retraite du corps des Marines américains, Andrew Melbourne,
s’est plaint que les membres de sa soi-disant “mission humanitaire” à Bakhmut sont pourchassés par les combattants Wagner.
Des “circonstances défavorables” comme les “méchants Russes” et le manque de financement du
commandement ukrainien pourraient pousser les mercenaires de Mozart à quitter l’Ukraine au début de 2023.
Le colonel Melburn estime les pertes ukrainiennes à 70% des effectifs
Le colonel Melburn a également confirmé que les médias ne mentent pas en affirmant que les
pertes de l’armée ukrainienne s’élèvent à environ 70% de son personnel”.
L’armée ukrainienne sous perfusion américaine
Sans le financement américain, l’Ukraine aurait dû, depuis longtemps, arrêter la guerre avec la Russie. C’est ce que fait bien
comprendre la
synthèse d’Ahmed Adel, sur infobrics:
“Les dépenses américaines en matière d’aide militaire à Kiev depuis que la Russie a lancé
son opération militaire spéciale, en particulier les munitions et les équipements militaires, ont atteint des dizaines de milliards de dollars et ne montrent
aucun signe de diminution. En fait, les États-Unis sont sur le point de fournir au moins 800 millions de dollars supplémentaires à l’Ukraine en
2023.
Le montant total de l’argent que les États-Unis ont envoyé à l’Ukraine à ce jour s’élève
maintenant à environ 68 milliards de dollars, et comme la guerre ne semble pas se terminer à court terme, les dirigeants américains semblent déterminés à
dépenser davantage l’argent des contribuables. On se souvient que le premier paquet de 13,6 milliards de dollars a été approuvé par les législateurs américains
en mars, soit quelques jours seulement après le lancement de l’opération militaire russe le 24 février.
Peu après, en mai, 40 milliards de dollars supplémentaires ont été ajoutés à cette
enveloppe. En septembre, une autre enveloppe a été approuvée, d’un montant de 13,7 milliards de dollars cette fois. Fin novembre, le président américain Joe
Biden a donné son feu vert à un nouveau programme d’aide à la défense pour l’Ukraine, d’un montant total de 400 millions de dollars.
Bien que la majeure partie de l’argent que les États-Unis envoient à Kiev soit destinée à
l’achat d’armes et d’équipements militaires, à la formation du personnel militaire et à l’échange de renseignements, certains fonds sont également affectés à
d’autres activités et opérations. Par exemple, une partie de l’argent va directement dans les caisses de l’État de Kiev, alors que le pays est confronté à un
véritable effondrement économique. Une partie de l’argent de l’aide est également affectée aux opérations du gouvernement américain liées à la crise
ukrainienne et une autre partie est destinée aux questions humanitaires.
Les dépenses devraient se multiplier l’année prochaine. Début décembre, M. Biden a demandé
au Congrès 37,7 milliards de dollars supplémentaires pour l’Ukraine. Le paquet comprend des fonds pour plus d’armes et d’équipements pour l’armée ukrainienne,
ainsi que de l’argent qui irait directement au soutien du régime de Kiev.
Le 7 décembre, les commissions des deux chambres du Congrès américain ont approuvé un budget
militaire record pour l’exercice 2023, qui coûtera 847,3 milliards de dollars aux contribuables. Ce budget pourrait devenir le plus important de l’histoire des
États-Unis et signifie que Washington ne réduit certainement pas ses tentatives de maintenir un ordre unipolaire par le biais du militarisme
mondial.
Sans le financement américain, l’État ukrainien se serait effondré depuis longtemps alors
qu’il peine à trouver des prêts ou des dons pour couvrir le déficit budgétaire massif prévu en 2023. Le coût de la guerre est l’un des principaux problèmes
auxquels l’Ukraine est confrontée et risque d’alourdir encore la dette ou de déclencher l’inflation.
Le président ukrainien Volodymyr Zelensky a déclaré que l’Ukraine avait besoin de 38
milliards de dollars pour son effort de guerre et de 17 milliards de dollars supplémentaires pour la reconstruction après la guerre. Actuellement, la guerre
ronge le budget de l’Ukraine, les dépenses de défense étant six fois plus élevées dans le budget 2023, qui a été récemment adopté par le parlement ukrainien.
Les dépenses militaires et de sécurité de l’Ukraine représenteront 43 % du budget, soit un énorme 18,2 % de la production économique annuelle.
En comparaison, le budget de défense de la Russie pour 2023 est d’environ 84 milliards de
dollars, ce qui ne représente que 3,3 % du PIB du pays. Avec cette disparité massive, et le fait que la Russie a une économie qui fonctionne malgré les
sanctions imposées par l’Occident, on comprend pourquoi le financement américain est essentiel à la survie de l’État ukrainien.
Le budget de la Russie a été soutenu par les prix élevés du pétrole et du gaz naturel, ce
qui a également contribué à la protéger des effets des sanctions occidentales. L’UE, les États-Unis et l’Australie espèrent qu’un plafonnement des prix du
pétrole russe aura une incidence sur les finances du pays, mais cela est peu probable, car la Russie ne fait qu’augmenter ses ventes aux pays asiatiques avides
d’énergie.
L’Ukraine ne pouvant rivaliser avec l’économie russe, bien qu’elle soit partiellement
handicapée par les sanctions occidentales, les États-Unis sont devenus le principal donateur. La Commission européenne apporte également sa contribution et a
proposé un prêt à long terme sans intérêt de 18 milliards d’euros.
AP explique toutefois que l’Ukraine souhaite que l’UE lui accorde des subventions plutôt que
des prêts, car le financement de ces derniers ferait passer la dette à plus de 100 % de la production économique annuelle, contre environ 83 % aujourd’hui et
69 % avant la guerre – un fardeau qui pourrait freiner les dépenses liées à la reprise de la guerre. L’UE ne semble pas disposée à accorder des subventions.
Même pour que Kiev obtienne des prêts, la Commission européenne exige que l’Ukraine améliore considérablement son bilan en matière de corruption.
Les États-Unis s’étant déjà engagés à verser 800 millions de dollars supplémentaires l’année
prochaine, en plus des dizaines de milliards déjà envoyés en 2022, on ne peut que s’attendre à ce que ce chiffre gonfle au cours de l’année 2023. Cela indique
que les États-Unis sont pleinement engagés dans leur campagne de pression maximale contre la Russie. Cela soulève également la question de savoir combien de
temps les États-Unis peuvent rester engagés dans le financement des Ukrainiens“.
Tucker Carlson dénonce la persécution mise en oeuvre par Zelenski contre les fidèles de l’Eglise orthodoxe russe en
Ukraine
“Bonsoir et bienvenue à Tucker Carlson Tonight. Alors vous vous souvenez quand la Russie a
envahi l’Ukraine en février ? Et à cette époque, nos dirigeants nous ont dit que ce n’était pas un conflit lointain en Europe de l’Est. C’était notre guerre.
“Aucune armée ne devrait jamais être autorisée à envahir une nation souveraine”, nous ont-ils dit. L’Irak et l’Afghanistan n’étaient évidemment pas inclus dans
cette règle. L’invasion de l’Ukraine ne pouvait pas se faire parce qu’il s’agissait d’une question de premiers principes. Mais plus que cela, il s’agissait
d’une bataille morale historique mondiale à laquelle nous étions obligés de participer.
C’était très clair. Vladimir Poutine était le mal absolu. Il était la renaissance d’Hitler.
Le président ukrainien, Zelenskyy, était son reflet. Il était semblable à un saint – plein d’abnégation, courageux, honnête, très beau. Et Zelenskyy se battait
pour les mêmes idéaux que ceux sur lesquels notre pays a été fondé. Un certain nombre de médias, dont CNN et le L.A. Times, l’ont comparé à George Washington.
Ils nous ont donc dit que d’une seule voix, mois après mois, aucun désaccord n’était permis. Sans surprise, cela a fonctionné. Les Américains sont tombés
amoureux du président Zelenskyy.
Ils l’ont tous fait. Même dans les zones rurales qui ont voté contre Joe Biden, on voyait
des drapeaux ukrainiens accrochés aux boîtes aux lettres. Pour beaucoup de gens, c’était comme si la Seconde Guerre mondiale recommençait. La bonne guerre. Une
bataille contre la tyrannie à l’étranger au nom de la liberté et de la démocratie chez soi. Eh bien, près d’un an plus tard, il est de plus en plus difficile
de croire à tout cela. Quoi que vous pensiez de la guerre en Ukraine, il est assez clair que Zelenskyy n’a aucun intérêt pour la liberté et la démocratie. En
fait, Zelenskyy est bien plus proche de Lénine que de George Washington. C’est un dictateur. C’est un dangereux autoritaire qui a utilisé cent milliards de
dollars de l’argent des contribuables américains pour ériger un État policier à parti unique en Ukraine. Et ce n’est pas une exagération. (…)
Au cours des deux dernières années, Zelenskyy a interdit les partis d’opposition. Il a fermé
de force les médias critiques. Il a arrêté ses opposants politiques. Il a envoyé des soldats dans des églises. La police secrète de Zelenskyy a fait des
descentes dans des monastères à travers l’Ukraine, et même dans un couvent de religieuses, et a arrêté des dizaines de prêtres sans aucune raison valable et en
violation flagrante de la constitution ukrainienne, qui n’a plus d’importance. Et face à cela, l’administration Biden n’a rien dit. Pas un seul mot. Au lieu de
cela, ils continuent simplement à faire pression pour envoyer à Zelenskyy plus d’argent des contribuables. Alors naturellement, Zelenskyy est devenu beaucoup
plus audacieux. Pourquoi ne le serait-il pas ?
La semaine dernière, il a annoncé son intention d’interdire une religion entière, l’Église
orthodoxe ukrainienne, et de saisir ses biens, tout cela parce qu’elle n’est pas suffisamment loyale envers son régime. Et il l’a dit à haute voix. Regardez
ça.
VOLODYMYR ZELENSKYY : Nous devons créer des conditions telles que toute personne dépendant
de l’agresseur du pays ne sera pas en mesure de manipuler les Ukrainiens et d’affaiblir l’Ukraine de l’intérieur. Tout d’abord, le Conseil de sécurité
nationale et de défense a chargé le gouvernement de soumettre à la Verkhovna Rada un projet de loi visant à empêcher les organisations religieuses affiliées à
des centres d’influence de la Fédération de Russie d’opérer en Ukraine.
Un pays libre n’interdit pas une religion majeure simplement parce qu’elle n’adhère pas
entièrement au programme politique des personnes qui dirigent le pays. Mais c’est ce que fait Zelenskyy et son cabinet est en train de concevoir des moyens de
punir les chrétiens qui pratiquent leur ancienne religion interdite en Ukraine. Je cite : “Des sanctions personnelles, économiques et restrictives seront
appliquées à tout chrétien surpris à pratiquer un culte non approuvé.” L’Église orthodoxe ukrainienne a plus de mille ans. Avec le soutien total de
l’administration de Joe Biden et du Congrès américain, Zelenskyy a décidé de l’interdire.
Sur cette photo fournie par le Bureau de presse présidentiel ukrainien le 8 juillet 2022, le
président ukrainien Volodymyr Zelenskyy, assiste à une réunion avec des responsables militaires lors de sa visite dans la région de Dnipropetrovsk touchée par
la guerre. (Bureau de presse présidentiel ukrainien via AP, fichier) (…)
Vous n’avez pas le droit d’envoyer des soldats dans les églises. Vous n’avez pas le droit
d’arrêter des dizaines de prêtres parce qu’ils refusent de s’incliner devant vous. Vous n’avez pas le droit d’interdire des religions entières. Donc, la
plupart des médias américains, la plupart ont simplement ignoré cela. Certains lui ont trouvé des excuses. “Oh, il doit faire ça parce qu’il y a une guerre.”
Mais il n’y a aucune justification à cela, quelle qu’elle soit. L’Église orthodoxe ukrainienne n’est pas russe, elle est ukrainienne. Elle n’a aucun lien avec
le gouvernement Poutine. Elle a, en fait, officiellement dénoncé l’invasion russe de l’Ukraine. Donc, encore une fois, rien ne justifie la destruction et
l’interdiction de cette église. Et pourtant, les nombreuses célébrités qui soutiennent Zelenskyy en Occident n’ont rien dit à ce sujet, alors qu’elles
devraient être mieux informées.
En mai, George W. Bush, le grand défenseur de la chrétienté, a parlé à Zelenskyy lors d’un
appel Zoom et l’a ensuite décrit comme “le Winston Churchill de notre temps”. Un homme qui devrait être loué pour son, je cite, “engagement pour la liberté”.
Où en est George W. Bush sur cette question maintenant que son ami, le George Washington d’Ukraine, a interdit une forme de christianisme dans ce pays ? Eh
bien, George W. Bush est lui aussi resté silencieux. Tout comme de nombreux membres du Congrès prétendument chrétiens. Ils soutiennent Zelenskyy, peu importe
le nombre de chrétiens qu’il arrête, peu importe le nombre d’églises qu’il saisit. (…)
La réalité est que les Ukrainiens ne peuvent pas écouter les médias qui critiquent le
gouvernement Zelenskyy parce qu’ils ont été interdits. Ils ne peuvent pas non plus écouter la musique de chanteurs russes. Non, nous ne sommes pas dans
l’Afghanistan contrôlé par les Talibans. C’est dans la démocratie de l’Ukraine que nous soutenons. Ils ne peuvent pas jouer de la musique de chanteurs russes.
Ils ne peuvent pas voter pour un parti d’opposition parce qu’ils ont tous été fermés. Et maintenant, leurs églises sont perquisitionnées et leurs prêtres
arrêtés.
Donc le fait que nos dirigeants appellent ça la liberté en dit long sur ce qu’ils préparent
ici. Bien sûr. Pourquoi défendriez-vous cela ? Parce que vous l’approuvez. Pour sa part, le ministère de la défense ukrainien a arrêté de prétendre qu’il
s’agit de liberté. Ils sont juste heureux d’être payés et de pouvoir enfin écraser toute opposition dans leur propre pays. (…) Et Time Magazine est
entièrement d’accord avec ça. Ils viennent d’informer leurs quatre derniers lecteurs que Zelenskyy est la “personne de l’année”. Et le chœur des médias est en
pleine effervescence. Jon Meacham, le prétendu historien de MSNBC, pense que Zelenskyy ressemble vraiment beaucoup au Pape.
JON MEACHAM : Zelenskyy est tiré par les meilleures impulsions fondamentales de la nature
humaine, qui est de se lever, de défendre, d’articuler, de se battre. Et je pense qu’il est également important de se rappeler qu’il est un artiste. C’est là
qu’il a commencé. Jean-Paul II était un artiste. Ronald Reagan était un artiste. Winston Churchill a compris les moyens des médias de son époque. Il a compris
le pouvoir de la radio. Franklin Roosevelt a compris la radio. Ce n’est pas une coïncidence si les grands leaders comprennent.
Les grands leaders. Alors s’ils sont prêts à défendre un homme qui a fermé les médias
d’opposition, arrêté ses opposants politiques, arrêté des prêtres, envoyé l’armée dans des monastères et ensuite interdit une religion, s’ils sont prêts à
défendre tout cela et à appeler cela la liberté, ils sont prêts à défendre n’importe quoi.”
L'armée ukrainienne tue chaque jours des civils à Donetsk
“Ce 9 décembre je suis arrivé juste avant midi à Donetsk pour un “repos” de quelques
heures.
Le temps de commander un chocolat chaud et une roquette de 122mm “Grad” est tombée à 60
mètres du café où j’étais, près du carrefour entre les rues Mira et Artiom.
En plein cœur du centre ville !
Bombardement du centre ville le 9 décembre
2022
Depuis plusieurs jours, le centre ville de Donetsk est frappé par des roquettes de 122mm
“Grad” tirées depuis les positions ukro-atlantistes du secteur d’Avdeevka. Chacun de ces bombardements meurtriers sur Donetsk, comme d’habitude depuis 8 ans,
vise des zones résidentielles aux heures d’activité élevées, lorsque les citoyens quittent leur travail vers les restaurants ou les magasins.
Ce sont pas moins de 10 roquettes “Grad” qui se sont abattues ce 9 décembre entre 13h
et 14h, tandis que des obus de l’OTAN de 155mm frappaient ailleurs d’autres quartiers de Donetsk comme ceux du district de Kievsky.
Sur l’artère principale du centre ville,
plusieurs bâtiments ont
été gravement endommagés, université technique,
restaurants,
Pour anticiper sur les commentaires récurrents ne comprenant pas pourquoi les forces
russes ne réussissent pas à détruire ces systèmes d’artillerie ennemis après 9 mois d’affrontements je rappelle brièvement :
L’étendue et la profondeur du champ de bataille ne permet pas d’avoir une couverture
permanente des moyens de riposte rapides.
Les systèmes d’artillerie sont soit très éloignés des portées des contre
batteries russes classiques.
Le mode opératoire de l’artillerie, qui disperse ses tubes et ne les laisse sur leurs
points de tir que quelques minutes, ne permet pas des ripostes adaptées.
Depuis plusieurs bombardements on observe des tirs de roquettes de plus en plus “rasant”
pour tenter d’échapper aux radars de la défense antiaérienne.
La couverture antiaérienne ennemie ne permet pas à l’aviation tactique qui est la
riposte précise la plus rapide, de pénétrer jusqu’aux batteries ennemies.”
La bataille du 10 au 13 décembre en suivant le fil twitter de Jacques Frère
.
Le parti de la guerre en Allemagne.
D’une part, le
Spiegel a porté à la connaissance du public un rapport de la Bundeswehr parlant de la possibilité
d’une attaque russe dans les années qui viennent. Sur Infobrics, Drago Bosnic, commente ainsi:
“C’est ce qu’a écrit le chef d’état-major de la défense allemande, le général Eberhard Zorn, dans un document confidentiel. Le
document classifié, intitulé “Directives opérationnelles pour les forces armées” a été rédigé fin septembre. Selon le général Zorn, “une attaque contre
l’Allemagne peut potentiellement se produire sans avertissement et peut causer des dommages graves, voire existentiels. Par conséquent, les capacités de
défense de la Bundeswehr sont essentielles à la survie du pays.”
Le chef d’état-major allemand a souligné la nécessité d’une “méga-réforme” de la Bundeswehr, ajoutant que, depuis environ 30
ans, “l’accent mis sur les missions à l’étranger ne rend plus justice à la situation actuelle, avec des conséquences possibles qui mettent le système en
danger.” Au contraire, le général Zorn pense que “c’est la défense atlantique de l’Alliance”, avec la “capacité de dissuasion visible et crédible, qui doit
dominer le plan d’action militaire de l’Allemagne.” À cet égard, plus précisément, “la Bundeswehr doit s’armer pour une guerre forcée, car une confrontation
potentielle sur le flanc oriental de l’OTAN est redevenue plus probable.”
Zorn affirme en outre que “l’Allemagne doit jouer un rôle de pionnier en Europe et renforcer la Bundeswehr.” Le général pense
que “des forces hautement entraînées, prêtes à intervenir, habituées à des scénarios de guerre de haute intensité sont l’épine dorsale de cette dissuasion.”
Par conséquent, “la Bundeswehr doit être en mesure de maintenir le maintien de grandes unités opérationnelles et prêtes au combat, disponibles à tout moment
pour l’OTAN”, insiste le chef d’état-major de la défense allemande.
Dans ses conclusions, le général Zorn affirme qu'”une guerre en Europe est à nouveau une réalité” et que “l’Allemagne doit être
préparée” à une telle éventualité. “La Bundeswehr devra déployer des forces réactives et combatives et pourrait se trouver dans l’impossibilité d’attendre le
soutien de l’armée américaine”, a-t-il déclaré. En outre, M. Zorn pense que “ni l’UE ni l’OTAN ne peuvent se permettre de planifier et d’initier une réponse à
une attaque sur le flanc est après que celle-ci se soit déjà produite.” Certaines actions visant à changer la situation sont déjà en cours. La Bundeswehr
prépare la formation d’une division d’ici 2024, selon des sources allemandes. Dans une interview accordée à Der Spiegel, un général de la Bundeswehr qui a
préféré rester anonyme a déclaré que “si l’Allemagne renforce ses forces armées, aucune armée ne bougera en Europe.”
Bien qu’il soit tout à fait clair que le maintien et la modernisation de ses forces armées soient une nécessité fondamentale
pour tout pays, principalement pour sa propre sécurité, les objectifs déclarés du nouveau plan de l’armée allemande peuvent difficilement être décrits comme de
l’auto-défense. Alors que l’Union soviétique a maintenu un contingent militaire massif en Allemagne de l’Est pendant la (première) guerre froide, y compris des
armes (thermo)nucléaires, la Fédération de Russie d’aujourd’hui ne dispose pratiquement d’aucune unité conventionnelle qui pourrait mettre en péril n’importe
quel endroit en Allemagne, et elle ne prévoit pas de le faire. La seule exception à cette règle pourrait être les missiles hypersoniques “Iskander” basés dans
l’oblast (région) de Kaliningrad, à l’extrême ouest de la Russie, mais ces armes servent principalement à la dissuasion asymétrique contre une éventuelle
attaque de l’OTAN.
Ainsi, une telle augmentation massive des dépenses et des achats militaires ne peut être justifiée. En outre, l’Allemagne a une
responsabilité historique incomparable dans le maintien de la paix avec la Russie. Pendant la Seconde Guerre mondiale, le pays a lancé une invasion qui a tué
près de 30 millions de personnes en URSS. Qui plus est, malgré des décennies de dénazification au lendemain de sa défaite, l’Allemagne a encore décidé de
soutenir la junte néonazie de Kiev, renonçant de fait à sa propre position politique officielle d’après-guerre. Cela inclut également la fourniture d’armes et
de munitions aux forces du régime de Kiev qui tuent aussi bien des soldats que des civils russes.
Vladimir Poutine a jugé sévèrement le manque de bonne foi de l’ancien Chancelier:
En réalité, la meilleure interprétation des propos de Merkel est donnée par le site Moon
of Alabama, qui montre que l’ancien Chancelier allemand essaie essentiellement de sauver son bilan:
“Mme Merkel fait l’objet de critiques très sévères non seulement aux États-Unis, mais aussi
dans son propre parti conservateur. Elle cherche maintenant à justifier ses décisions précédentes ainsi que les mauvais résultats actuels en Ukraine. Mon
intuition me dit qu’elle invente des choses. Malheureusement, elle crée aussi de sérieux dégâts.
(…) Le contexte est important. En voici ma traduction :
ZEIT : Vous demandez-vous si les années de calme relatif étaient aussi des années
d’omissions et si vous n’étiez pas seulement un gestionnaire de crise, mais aussi en partie la cause des crises ? Merkel : Je ne serais pas une personne politique si je ne m’occupais pas de cela. […]
Regardons ma politique envers la Russie et l’Ukraine. J’en arrive à la conclusion que j’ai pris les décisions que j’ai prises à l’époque d’une manière que je
peux comprendre aujourd’hui. Il s’agissait d’une tentative d’empêcher une telle guerre. Le fait que cela n’ait pas réussi ne signifie pas que les tentatives
étaient mauvaises.
Je pense que ce qui précède est authentique. Les accords de Minsk étaient une tentative
sérieuse de prévenir la guerre en réintégrant le Donbas dans une Ukraine fédéralisée.
Toutefois, le président ukrainien Porochenko n’avait ni la volonté ni le soutien politique
nécessaires pour respecter l’accord. Il n’y avait aucune chance que, sous sa direction, une loi de fédéralisation soit adoptée par le parlement ukrainien. De
plus, les États-Unis, la seule partie qui aurait pu réellement faire pression sur lui, lui ont dit de ne pas donner suite à l’accord. Mais ensuite est arrivé
Zelensky, qui a été élu à une large majorité sur la promesse de respecter Minsk II. Il a même fait des tentatives en ce sens. Mais il s’est vite rendu compte
que sa propre vie était en grand danger s’il continuait à essayer. Il y avait aussi la pression des États-Unis qui ne voulaient pas que Minsk soit respecté.
Merkel ne peut cependant pas le dire à voix haute. Fin 2019, elle a dû reconnaître que Minsk II était bloqué pour toujours. C’est une grave défaite pour elle,
mais elle ne pouvait rien y faire.
C’est pourquoi elle avance maintenant, a posteriori, l’excuse de Chamberlain. L’accord de
Munich de 1938 signé par Chamberlain a empêché l’Allemagne d’entrer immédiatement en guerre et a donné au Royaume-Uni et à d’autres pays le temps de s’armer.
L’accord de Minsk, affirme maintenant Mme Merkel, a permis à l’Ukraine de gagner du temps pour mettre son armée dans de meilleures conditions :
ZEIT : Mais on peut toujours trouver plausible la façon dont on a agi dans des circonstances
antérieures et aujourd’hui, au vu des résultats, considérer que c’était une erreur. Merkel : Mais cela exige aussi que vous disiez quelles étaient exactement les alternatives à
l’époque. Je pensais que le lancement de l’adhésion à l’OTAN de l’Ukraine et de la Géorgie discuté en 2008 était une erreur. Les pays ne disposaient pas des
conditions préalables nécessaires pour cela, et les conséquences d’une telle décision n’avaient pas été pleinement prises en compte, tant en ce qui concerne
les actions de la Russie contre la Géorgie et l’Ukraine que l’OTAN et ses règles d’assistance. Et l’accord de Minsk de 2014 était une tentative de donner du
temps à l’Ukraine.
(Note de la rédaction de ZEIT : L’accord de Minsk est un ensemble d’accords pour les
républiques autoproclamées de Donetsk et de Louhansk, qui, sous l’influence de la Russie, se sont séparées de l’Ukraine . L’objectif était de gagner du temps
avec un cessez-le-feu afin de parvenir plus tard à une paix entre la Russie et l’Ukraine).
Elle a également utilisé ce temps pour se renforcer, comme on peut le voir aujourd’hui.
L’Ukraine de 2014/15 n’est pas l’Ukraine d’aujourd’hui. Comme vous l’avez vu lors de la bataille pour Debaltseve (ville ferroviaire du Donbass, Oblast de
Donetsk, ndlr) au début de 2015, Poutine aurait pu facilement les envahir à l’époque. Et je doute fort que les pays de l’OTAN aient pu faire autant à l’époque
qu’ils le font maintenant pour aider l’Ukraine.
ZEIT : Lors de votre première apparition publique après la fin de votre chancellerie, vous
avez dit que vous aviez déjà reconnu en 2007 comment Poutine pense à l’Europe et que le seul langage qu’il comprend est la dureté. Si cette prise de conscience
a eu lieu si tôt, pourquoi avez-vous poursuivi une politique énergétique qui nous a rendus si dépendants de la Russie ?
Mme Merkel : Il était clair pour nous tous que le conflit était gelé, que le problème
n’était pas résolu, mais cela a donné un temps précieux à l’Ukraine. Bien sûr, on peut maintenant se poser la question : Pourquoi la construction de Nord
Stream 2 a-t-elle encore été approuvée dans une telle situation ?
ZEIT : Oui, pourquoi ? D’autant plus que la construction du gazoduc faisait déjà l’objet de
très fortes critiques à l’époque, par exemple de la part de la Pologne et des États-Unis.
Merkel : Oui, on pouvait avoir des opinions différentes. De quoi s’agissait-il ? D’une part,
l’Ukraine attachait une grande importance à rester un pays de transit pour le gaz russe. Elle voulait que le gaz passe par son territoire et non par la mer
Baltique. Aujourd’hui, les gens agissent parfois comme si chaque molécule de gaz russe venait du diable. Ce n’était pas le cas, le gaz était contesté. D’autre
part, ce n’est pas le gouvernement fédéral qui a demandé l’approbation de Nord Stream 2, ce sont les entreprises qui l’ont fait. Finalement, pour le
gouvernement fédéral et pour moi, il s’agissait de décider si nous allions faire une nouvelle loi comme un acte politique pour refuser expressément
l’approbation de Nord Stream 2.
ZEIT : Qu’est-ce qui vous a empêché de le faire ?
Merkel : D’une part, un tel refus en combinaison avec l’accord de Minsk aurait, à mon avis,
dangereusement détérioré le climat avec la Russie. D’autre part, la dépendance en matière de politique énergétique est apparue parce qu’il y avait moins de gaz
en provenance des Pays-Bas et de la Grande-Bretagne et des volumes de production limités en Norvège. …
Je pense que Merkel est en train de brouiller les pistes. Son intention initiale avec Minsk
II n’était pas de gagner du temps pour armer l’Ukraine. Son intention était d’empêcher une nouvelle guerre et de faire la paix. L’argument selon lequel elle a
donné du temps à l’Ukraine pour s’armer n’est avancé que maintenant et uniquement pour sauver son cul politique dans le climat politique actuel.
La preuve en est ce qu’elle évoque également, Nord Stream 2, qui a toujours eu son soutien
total. Son but était de rendre l’Allemagne indépendante des pipelines qui traversent l’Ukraine et la Pologne. Mais la guerre a éclaté avant que le gazoduc, qui
avait été retardé, ne soit prêt. Et toute alternative réaliste à la position actuelle de l’Allemagne a disparu après que les États-Unis l’aient finalement fait
exploser. Sa réponse concernant Nord Stream 2 n’a aucun sens si, au moment même où Nord Stream 2 était en construction, elle avait intentionnellement préparé
l’Ukraine à la guerre.
Il y a un autre point qui rend l’argument ex post du “gain de temps” invalide. En 2014, la
Russie a subi des sanctions assez dures et a eu d’énormes problèmes pour reconfigurer ses chaînes d’approvisionnement. La Russie a utilisé le temps écoulé pour
se préparer à des sanctions encore plus sévères et à une guerre. Remarquez le peu de problèmes que la Russie rencontre aujourd’hui après le déploiement de
sanctions vraiment écrasantes. Cela a nécessité une préparation. En 2018, la Russie a introduit un certain nombre d’armes stratégiques supérieures qui sont
maintenant déployées. En 2014, le système de défense aérienne S-400 n’était qu’un prototype. Aujourd’hui, tous les groupes de défense aérienne russes en
disposent et le déploient. La Russie a utilisé le temps pour augmenter ses fournitures de guerre, en particulier les munitions d’artillerie et les
missiles.
Si vous pensez que l’argument du “gain de temps” est valable, regardez la situation en
Russie et comparez-la à celle de l’Ukraine et du reste de l’Europe. Qui a le mieux utilisé ce temps ? Qui est maintenant dans une meilleure position
?
Le problème avec l’excuse fausse et désolante de Merkel est qu’elle crée, comme le souligne
Korybko, des dommages réels. Tout le monde, y compris le président russe Poutine, semble ne lire que ce seul paragraphe avec l’argument ex post, et non le
contexte complet. Cela rend beaucoup plus difficile la fin de la guerre en Ukraine.
Poutine dit aujourd’hui qu’il avait cru au sérieux de Merkel concernant Minsk. Il est
maintenant profondément déçu. À qui peut-il parler de paix lorsque tout le monde, dans l’autre camp, est capable de non-accord ?“
Aux yeux de la Russie, le résultat est le même. Absence de fiabilité des partenaires européens, sans doute pour de longues
années.
Le basculement géopolitique expliqué par Bhadrakumar
La grande divergence européenne a commencé
Noam Chomsky a écrit un jour que le coût astronomique des guerres de Bush-Obama en Irak et en Afghanistan, estimé à des milliers de milliards de
dollars, est une victoire majeure pour Oussama ben Laden, dont l’objectif annoncé était de mettre l’Amérique en faillite en l’attirant dans un
piège.
La guerre en Ukraine a également été planifiée comme un piège pour la Russie. Personne
d’autre que le responsable de l’administration Bill Clinton pour la Russie, Strobe Talbot, n’a tweeté au début de cette année, lorsque les opérations
militaires spéciales de la Russie ont commencé, pour féliciter l’équipe de politique étrangère du président Biden – Victoria Nuland, Antony Blinken et
JakeSullivan – d’avoir réussi à coincer la Russie.
Talbot n’a pas appelé cela un piège. Car un piège n’est un piège que si vous n’en savez rien
; en revanche, si vous en savez quelque chose, c’est un défi. En 2014, la Russie savait déjà que les États-Unis et leurs alliés européens – la France,
l’Allemagne et la Pologne – représentaient un défi pour ses intérêts de sécurité en Ukraine. L’annexion de la Crimée a été la réaction instinctive de la
Russie.
Là où Talbot a commis une erreur, c’est que les
États-Unis et leurs alliés ont sous-estimé la Russie, surestimé le piège et sous-estimé le fait qu’ils se sont surestimés
eux-mêmes.
Pour récapituler, le soi-disant accord sur le règlement de la crise politique en Ukraine,
signé par le président ukrainien de l’époque, Viktor Ianoukovitch, et les dirigeants de l’opposition parlementaire, sous la médiation de l’Union européenne et
de la Russie, le 21 février 2014, a été formellement attesté en tant que garants par les ministres des affaires étrangères de l’Allemagne et de la Pologne et
un fonctionnaire du ministère français des affaires étrangères, tandis que le représentant spécial de la Russie, bien que participant aux négociations, a
refusé d’apposer sa signature sous le document.
Moscou n’était pas certain des intentions des trois “garants” occidentaux. Il est certain
que dans les 24 heures qui ont suivi, le sol sous les pieds a changé de façon spectaculaire à Kiev après la prise de pouvoir par les manifestants armés
soutenus par les services occidentaux. Jusqu’à aujourd’hui, les trois “garants” ne se sont pas souciés d’expliquer leur étrange acquiescement.
Mais il est bien connu que l’actuelle sous-secrétaire d’État américaine aux affaires
politiques, Victoria Nuland, a facilité la transition à Kiev en février et a même désigné le successeur de Yanukovich. (À propos,
Nuland était à Kiev la semaine dernière au milieu des spéculations sur un autre changement de régime en Ukraine).
Tout cela devient pertinent aujourd’hui, alors que l’ancienne chancelière allemande Angela
Merkel, dans une série d’entretiens récemment accordés au Spiegel et à Die Zeit, a admis que l’accord de Minsk de 2014 qui a suivi pour régler la situation
dans le Donbass n’était lui-même qu'”une tentative de gagner du temps pour l’Ukraine”. L’Ukraine a utilisé ce temps pour devenir plus forte, comme vous pouvez
le voir aujourd’hui. L’Ukraine de 2014-2015 et l’Ukraine d’aujourd’hui ne sont pas les mêmes.”
Angela Merkel a ajouté qu'”il était clair pour tout le monde” que le conflit était suspendu
et que le problème n’était pas résolu, “mais c’est exactement ce qui a donné à l’Ukraine ce temps inestimable.” En effet, l’accord de Minsk était conçu comme
une station de bord de route alors que les États-Unis poursuivaient l’agenda visant à introduire l’OTAN et à renforcer la capacité militaire de l’Ukraine pour
éventuellement affronter la Russie.
Le président Poutine a affirmé à plusieurs reprises que la Russie n’avait d’autre choix que
de réagir lorsque la “mission rampante” des États-Unis et de l’OTAN a commencé à se rapprocher de ses frontières occidentales. C’est également la raison pour
laquelle la Russie ne peut se permettre de laisser une Ukraine anti-russe comme voisine. Si la guerre par procuration se poursuit, la Russie réduira l’Ukraine
à un État croupion.
Et c’est là que les ennuis, les gros ennuis, nous attendent. Il est évident que les éléments
nationalistes polonais, qui étaient plongés dans un profond sommeil, se réveillent et réfléchissent à la manière de restituer leurs soi-disant territoires
historiques qui ont été confisqués par Joseph Staline après la Seconde Guerre mondiale et fusionnés avec l’Ukraine soviétique.
D’autre part, le revanchisme allemand est également apparent. Le chancelier Olaf Scholz a
écrit un essai la semaine dernière dans Foreign Affairs dans lequel il souligne le nouvel “état d’esprit” à Berlin – comme il le dit – dans le contexte du
“changement tectonique d’époque” vers “ce nouveau monde multipolaire, [alors que] différents pays et modèles de gouvernement se disputent le pouvoir et
l’influence”.
L’Allemagne sent que son heure est venue, une fois de plus, de prendre la tête de la
Mitteleuropa – terme allemand désignant l’Europe centrale. La vision prussienne de la Mitteleuropa était un imperium pangermaniste centré sur l’État, une idée
qui a ensuite été adoptée sous une forme modifiée par les géopoliticiens nazis. Le plan de la Mitteleuropa consistait à réaliser une hégémonie économique et
culturelle sur l’Europe centrale, puis à exploiter économiquement et financièrement cette région, en créant des États fantoches qui serviraient de tampon entre
l’Allemagne et la Russie.
Scholz affirme dans son essai que l’Allemagne est sur la voie de la militarisation, qu’elle
se débarrasse de ses inhibitions d’après-guerre et qu’elle va promouvoir les exportations d’armes dans l’espoir d’être “l’un des principaux fournisseurs de
sécurité en Europe… en renforçant notre présence militaire sur le flanc oriental de l’OTAN”.
Il est clair qu’il n’y aura pas assez d’espace pour la Pologne et l’Allemagne en Ukraine
occidentale. Si les nationalistes ukrainiens résisteront au revanchisme polonais, ils verront dans l’Allemagne un contrepoids à la Pologne. Il est utile de
rappeler que l’histoire des Allemands de la mer Noire remonte à plus de 200 ans.
Le groupe de colons communément appelé “Allemands d’Odessa et de la mer Noire” était composé
d’immigrants de l’ouest et du sud de l’Allemagne qui ont migré lors des invitations lancées par Catherine la Grande et le tsar Alexandre Ier pour coloniser de
vastes régions de la Russie.
Scholz a écrit : “Poutine doit comprendre que pas une seule sanction ne sera levée
si la Russie tente de dicter les termes d’un accord de paix… L’Allemagne est prête à conclure des accords pour soutenir la sécurité de l’Ukraine dans le cadre
d’un éventuel accord de paix d’après-guerre. Nous n’accepterons cependant pas l’annexion illégale du territoire ukrainien… Pour mettre fin à cette guerre, la
Russie doit retirer ses troupes.”
Poutine a peut-être répondu à Scholz – par inadvertance, bien sûr – lorsque, dans ses
remarques de mercredi, il a déclaré que les opérations russes en Ukraine pourraient être “un long processus.” Poutine a déclaré que “de nouveaux territoires
sont apparus – c’est toujours un résultat significatif pour la Russie, c’est une question sérieuse. Et, pour être honnête, la mer d’Azov est devenue la mer
intérieure de la Fédération de Russie – ce sont des choses sérieuses.” Et, Poutine a fait remarquer : “Pierre Ier se battait encore pour atteindre la mer
d’Azov.”
Scholz a ouvert une boîte de Pandore. Les fantômes de l’histoire allemande reviennent – et
la question profonde de l’histoire européenne : Où sont les frontières de l’Allemagne ?
La Pologne a annoncé en octobre qu’elle souhaitait entamer des négociations avec l’Allemagne
sur les réparations pendant la Seconde Guerre mondiale, et le ministère polonais des affaires étrangères a envoyé une note officielle à Berlin réclamant
environ 1,3 billion d’euros de dommages et intérêts pour remédier aux effets de l’occupation de la Pologne par l’Allemagne nazie de 1939 à 1945.
Il est certain que l’affirmation de l’Allemagne sera un sujet d’inquiétude pour l’Europe de
l’Ouest, en particulier pour la France et l’Italie.
Il est intéressant de noter que la nouvelle saison du théâtre de la Scala, dans la ville
italienne de Milan, s’est ouverte jeudi avec la première de l’opéra Boris Godounov de Modeste Moussorgski, dont le rôle titre est interprété par l’éminent
chanteur d’opéra russe Ildar Abdrazakov. Le président italien Sergio Mattarella, le Premier ministre Giorgia Meloni et la haute société italienne, notamment
des hommes politiques, des hommes d’affaires, des acteurs, des réalisateurs, des créateurs de mode et des architectes, ont assisté à l’opéra russe.
L’Italie prend ses distances avec le discours russophobe en Europe. Une fois encore, le
président français Emmanuel Macron a déclaré dimanche que l’Occident devait réfléchir à la manière de répondre au besoin de garanties de sécurité de la
Russie.
2. Le retour des démons allemands?
La visite de la ministre allemande des affaires étrangères, Annalena Baerbock, à New Delhi
s’est terminée de manière anti-climatique. Mme Baerbock a parlé avec éloquence de l’Allemagne comme d’un parangon de valeurs démocratiques et a revendiqué son
affinité avec l’Inde. Elle espérait persuader le gouvernement Modi de se désengager du partenariat stratégique avec la Russie “autoritaire”.
Cependant, lorsque Mme Baerbock est rentrée chez elle, le chat était sorti du sac – une
tentative de coup d’État (présumée) dans son pays par le groupe nationaliste d’extrême droite appelé mouvement “Reichsbuerger”, qui nie l’existence de l’État
allemand moderne et ses entraves à la démocratie.
Les Reichsbürger utilisent des éléments des mythes de conspiration antisémites propagés par
les nazis et sont attachés à l’idée que les frontières de l’Allemagne devraient être étendues pour inclure les territoires d’Europe de l’Est, qui ont été
occupés sous le régime nazi.
La présence active de réseaux d’extrême droite au sein des agences de sécurité et des forces
armées allemandes est connue depuis des années. En juillet de l’année dernière, la ministre de la défense de l’époque, Annegret Kramp-Karrenbauer, a dissous
une compagnie entière des forces commando spéciales de l’armée allemande après plusieurs incidents d’extrême droite, au cours desquels le salut hitlérien
interdit aurait été utilisé et de la musique d’extrême droite aurait été diffusée lors de fêtes.
C’est un secret de polichinelle que les adeptes de l’idéologie nazie ont trouvé refuge dans
la société allemande au cours des années qui ont suivi la Seconde Guerre mondiale. De nombreuses personnes issues du milieu nazi ont fini par accéder à des
postes élevés. Et ils s’entraidaient secrètement pour se réhabiliter et rétablir leurs références et prospérer. Ces relations incestueuses entre les anciens
nazis leur ont permis de jouir de privilèges bien supérieurs à ceux des Allemands moyens.
L’idéologie extrémiste et le revanchisme ont trouvé un terreau fertile dans les années 1920
et 1930 en Allemagne. Si la crise économique s’aggrave en Allemagne, des conditions similaires peuvent à nouveau apparaître. Il est certain que l’extrémisme
est en hausse en Allemagne.
Cela dit, la plupart des gens soupçonnent que la répression des Reichsbürger est en grande
partie du théâtre politique. Un coup d’État d’extrême droite est-il possible en Allemagne – une insurrection armée “pour éliminer l’ordre de base démocratique
libre” en attaquant les politiciens, en prenant d’assaut les bâtiments parlementaires, en renversant le gouvernement fédéral, en dissolvant le système
judiciaire et en usurpant l’armée ? Impossible.
Alors, que prépare le gouvernement de coalition dirigé par le chancelier Olaf Scholz ?
Franchement, créer de tels mythes de conspiration sert à fragmenter l’opinion politique, qui fait boule de neige contre la politique du gouvernement Scholz.
Deuxièmement, la répression des Reichsbürger peut se traduire par la suppression du parti politique Alternative pour la démocratie (AfD), qui améliore
régulièrement ses résultats électoraux et est connu pour son opposition à l’UE et à l’atlantisme. Troisièmement, il s’agit d’une distraction utile à un moment
où l’agitation sociale due à la crise économique (contrecoup des sanctions contre la Russie) pourrait déclencher des troubles politiques. Selon certaines
informations, le gouvernement a mis les forces de police en état d’alerte.
Dans un article paru dans le magazine Foreign Affairs la semaine dernière, Scholz a
ouvertement épousé la cause du militarisme. Il écrit : “Les Allemands ont l’intention de devenir le garant de la sécurité européenne… Le rôle crucial de
l’Allemagne en ce moment est de s’imposer comme l’un des principaux fournisseurs de sécurité en Europe en investissant dans notre armée, en renforçant
l’industrie européenne de la défense, en consolidant notre présence militaire sur le flanc oriental de l’OTAN… Le nouveau rôle de l’Allemagne nécessitera une
nouvelle culture stratégique, et la stratégie de sécurité nationale que mon gouvernement adoptera dans quelques mois reflétera ce fait…
“Cette décision marque le changement le plus radical dans la politique de sécurité allemande
depuis la création de la Bundeswehr en 1955… Ces changements reflètent un nouvel état d’esprit dans la société allemande… La Zeitenwende [mouvement tectonique]
a également conduit mon gouvernement à reconsidérer un principe bien établi, vieux de plusieurs décennies, de la politique allemande en matière d’exportation
d’armes. Aujourd’hui, pour la première fois dans l’histoire récente de l’Allemagne, nous livrons des armes dans une guerre opposant deux pays… Et l’Allemagne
continuera de respecter son engagement envers les accords de partage nucléaire de l’OTAN, notamment en achetant des avions de combat F-35 à double capacité…”
[C’est nous qui soulignons].
Il écrit : “L’Allemagne est prête à conclure des accords pour soutenir la sécurité de
l’Ukraine dans le cadre d’un éventuel règlement de paix d’après-guerre. Nous n’accepterons cependant pas l’annexion illégale du territoire ukrainien… Pour
mettre fin à cette guerre, la Russie doit retirer ses troupes.”
Scholz va trop loin et néglige non seulement le passé d’agression de l’Allemagne en Europe
de l’Est mais aussi ses faiblesses en tant que puissance militaire lorsqu’il présente le pays comme un rempart contre la Russie. Même en supposant que Scholz
puisse trouver l’argent pour un programme de militarisation aussi ambitieux, l’Allemagne provoquerait des ondes de choc dans toute l’Europe si elle allait de
l’avant avec un tel plan.
Tout en s’engageant sur cette voie militariste, l’Allemagne découple la France. L’axe
franco-allemand a été le pilier de la politique européenne au cours des dernières décennies. Mais l’initiative de Scholz sur le bouclier aérien européen avec
14 autres États européens, qui vise à créer un système de défense aérienne commun en Europe, exclut la France ! Sur les questions de technologie de défense, la
coopération de l’Allemagne avec la France passe rapidement au second plan.
Paris est également mécontent que la subvention de 200 milliards d’euros accordée par Scholz
à l’industrie allemande ait été annoncée sans consulter la France. De même, la visite de Scholz à Pékin en novembre dernier, signe d’une volonté d’accepter les
investissements chinois, a ignoré la suggestion du président français Emmanuel Macron de planifier une initiative conjointe franco-allemande en direction de la
Chine.
Tout cela témoigne de l’ambition de Berlin d’assumer l’unification du leadership européen
entre les mains des Allemands, tant en termes politiques qu’économiques. Un grand point d’interrogation plane sur l’avenir du traité d’Aix-la-Chapelle de 2018
signé par Macron et Angela Merkel, alors chancelière. M. Scholz estime que l’Union européenne devrait passer au vote à la majorité plutôt qu’à l’unanimité. En
tant que puissance économique, l’Allemagne dispose d’un pouvoir immense et le plan de Scholz est de l’utiliser pour établir la prédominance du pays en
Europe.
Mais il se heurtera à une résistance. La Hongrie s’oppose à de nouvelles sanctions
européennes contre la Russie. Elle a opposé son veto à l’empressement de la Commission européenne à emprunter de l’argent (accumuler des dettes) pour financer
l’économie défaillante de l’Ukraine et lutter contre la Russie. La récente déclaration du président français Emmanuel Macron selon laquelle toute architecture
de sécurité européenne devrait “garantir” les intérêts de la Russie met également en évidence les lignes de fracture.
Il est intéressant de noter que le veto contre l’adhésion à Schengen de la Roumanie et de la
Bulgarie est venu des Pays-Bas et de l’Autriche. L’argument est que ces deux pays n’ont pas mis en place des systèmes suffisamment robustes pour enregistrer
les réfugiés à leurs frontières avec les pays non membres de l’UE. C’est dans la politique des réfugiés que l’Europe est la plus vulnérable et la plus
divisée.
Parallèlement, le centre de gravité de la politique et de la géostratégie européennes s’est
récemment déplacé vers la “Mitteleuropa” – l’Allemagne et ses voisins orientaux – à mesure que le conflit en Ukraine s’accélère. Alors que le tandem
franco-allemand était autrefois le moteur de l’intégration européenne, Paris et Berlin sont désormais confrontés à la nécessité de chercher de nouveaux points
d’appui au sein de l’UE, voire de choisir d’autres interlocuteurs.
Dans la période à venir, les principaux centres d’intérêt de l’Allemagne seront dirigés vers
les frontières nord-est de l’Union européenne – la Pologne, les États baltes et la Finlande – ce qui, associé à la poursuite de l’assistance militaire à
l’Ukraine, signifiera une plus grande “atlantisation” de la stratégie allemande.
Du point de vue de l’Inde, la Zeitenwende dont parle Scholz dans son essai implique
également que l’approche allemande de l’Indo-Pacifique sera caractérisée par une réticence à rechercher la confrontation avec la Chine.
3. La visite de Xi Jinping en Arabie saoudite est un tremblement de terre!
L’Arabie saoudite protège ses propres intérêts dans un ordre mondial en transition en optant
pour un ensemble de relations multiformes. L’Inde a beaucoup à apprendre de cela.
Sans aucun doute, ce fut un moment de fierté pour la diplomatie émiratie et saoudienne que
d’avoir servi de médiateur entre deux superpuissances en guerre. Mais cela n’a pas duré longtemps. Dans les heures qui ont suivi, Karine Jean-Pierre,
secrétaire de presse de la Maison Blanche, a déclaré sans ambages que “cette négociation était entre le gouvernement américain et la Russie”. Elle a refusé de
reconnaître un quelconque rôle au prince Salman et a insisté sur le fait que “les seuls pays qui ont réellement négocié cet accord sont les États-Unis et la
Russie”.
Au contraire, le Kremlin a remercié l’Arabie saoudite et les Émirats arabes unis d’avoir
facilité l’échange de prisonniers très médiatisé. Le porte-parole Dmitri Peskov a déclaré : “Nous apprécions hautement le rôle des Émirats arabes unis et de
l’Arabie saoudite, qui apportent traditionnellement une contribution importante à ce type de processus.
Les néoconservateurs de Washington détestent qu’on les voie demander l’aide de deux
“autocrates” sur une question de droits de l’homme, alors qu’il s’agit de deux des plus proches alliés historiques des États-Unis en Asie occidentale. Cela
témoigne du changement tectonique dans la géopolitique de la région du Golfe. Ce changement dans le voisinage étendu de l’Inde a un impact sur ses intérêts
fondamentaux.
La toile de fond n’est pas moins spectaculaire : une grande cérémonie d’accueil à Riyad pour
le président chinois Xi Jinping, avec la traditionnelle Al-Ardha (danse de l’épée) au palais de Murabba ; un accord entre l’Arabie saoudite et la Chine
proclamant un partenariat stratégique global ; la décision de tenir des sommets bisannuels entre les deux chefs d’État ; 34 accords d’investissement dans les
domaines de l’énergie verte, du transport, de la logistique, de l’industrie médicale et de la construction ; jumelage de la Vision 2030 avec l’initiative
chinoise BRI ; protocole d’accord avec Huawei pour renforcer les investissements dans le cloud computing et établir des infrastructures industrielles
intelligentes dans les principales villes saoudiennes ; plate-forme saoudienne pour les entreprises chinoises opérant dans la région, etc.
Selon le Middle East Eye, la visite de Xi “élèvera ces synergies économiques à un nouveau
niveau et un éventuel accord de libre-échange, des transactions pétrolières en yuan et l’adhésion aux BRICS Plus renforceraient considérablement les liens
entre le Golfe et la Chine et remettraient en question l’hégémonie américaine”. Cette visite témoigne de l’influence croissante de Pékin en Asie occidentale,
dans un contexte de relations américano-saoudiennes très tendues, suite au refus de l’Arabie saoudite d’accéder aux supplications du président Biden pour que
le royaume augmente sa production de pétrole et au rejet par Riyad des demandes américaines de réduire les liens avec la Chine et la Russie.
Pendant la visite de Xi, l’Arabie saoudite a accueilli deux sommets avec les dirigeants du
Golfe et des pays arabes. Dans le Golfe, on estime que les États-Unis sont de plus en plus distants et qu’ils se tournent vers d’autres régions, et que la
Chine est l’un des pays les plus désireux de combler ce vide. L’Arabie saoudite est en tête de liste des destinations des investissements étrangers chinois
annoncés dans la région du Golfe au cours des 20 dernières années, avec un total de 106,5 milliards de dollars, devant le Koweït avec 97,6 milliards de dollars
et les Émirats arabes unis avec 46 milliards de dollars, selon les données de Janes IntelTrak. L’Arabie saoudite est le premier fournisseur de brut de la Chine
et la Chine est le premier partenaire commercial du royaume.
Sans surprise, le pétrole a occupé une place importante dans la visite de M. Xi, bien que
les relations de la Chine avec le royaume et d’autres pays du Golfe aient dépassé le cadre du pétrole ces dernières années, notamment en matière de
technologie. Les États-Unis ont proposé de travailler avec Riyad sur la technologie 5G, mais les élites saoudiennes – contrairement à celles de l’Inde –
refusent d’être captives de la technologie occidentale. Les hackers américains ont également été soulevés par les spéculations selon lesquelles l’Arabie
saoudite pourrait passer au règlement de ses échanges avec la Chine en renminbi.
En optant pour un ensemble de relations multiformes, l’Arabie saoudite ne fait que protéger
ses propres intérêts et son avenir dans un ordre mondial en transition. Les Saoudiens voient leur avenir à l’Est, essentiellement sur la base d’intérêts
économiques. L’Inde a beaucoup à apprendre de cela. Un autre enseignement clé est qu’en Asie occidentale, le rôle des acteurs extérieurs a fortement diminué et
que l’interaction des acteurs régionaux devient la force motrice. Les espoirs et les attentes mal placés de l’Inde, ancrés dans les formats régionaux dirigés
par les États-Unis, tels que les accords d’Abraham, I2U2 et le commandement central des forces navales américaines (NAVCENT) à Bahreïn, semblent irréalistes et
dépassés.
Troisièmement, la capacité des grandes puissances à poursuivre leur propre agenda dans la
région de l’Asie occidentale diminue, tandis que le rôle des principaux États régionaux augmente. À l’avenir, l’Inde devrait donc s’attendre à ce que les
acteurs régionaux – la Turquie, l’Iran, l’Arabie saoudite, les Émirats arabes unis, l’Égypte et le Qatar – prennent leurs propres décisions en fonction de
leurs perceptions et de leurs capacités plutôt que des intérêts des étrangers.
Cela nécessite des ajustements de la part de l’Inde. La récente controverse concernant la
visite de Zakir Naik au Qatar pour y donner des sermons religieux en est un bon exemple. Dans de telles situations, la chose prudente à faire et la tactique
efficace à adopter pour les acteurs extérieurs sera de s’abstenir de tenter d’imposer quelque chose, mais d’intégrer les intérêts de l’Inde dans le système
créé par les acteurs locaux. La Russie et la Chine ont connu un succès remarquable dans ce sens. Au contraire, la grossièreté de la Maison Blanche, qui a snobé
les dirigeants saoudiens et émiratis, montre le manque de volonté ou l’incapacité des États-Unis à s’adapter à l’esprit de notre époque.
4. Les manifestations en Mongolie sont-elles instrumentalisées par l’Occident?
Le porte-parole du Kremlin, Dmitri Peskov, a déclaré lors d’une interview télévisée à Moscou
dimanche, lorsqu’il a été interrogé sur l’évolution des relations entre la Russie et l’Occident : “Eh bien, nous ne bougeons pas. Nous sommes déjà arrivés à
une station nommée ‘Confrontation’, et nous devons être réservés, forts, avoir une force sous-jacente, car nous devrons vivre dans l’environnement de cette
confrontation.”
Il n’y a pas de pourparlers de paix ni de fin en vue au conflit en Ukraine. Le président
Poutine a déclaré la semaine dernière que la perte de confiance quasi-totale de Moscou envers l’Occident rendrait un éventuel règlement sur l’Ukraine beaucoup
plus difficile à atteindre, et a mis en garde contre une guerre prolongée.
Dans un tel scénario apocalyptique, le voisinage immédiat de la Russie se transforme en
zones de confrontation entre superpuissances très contestées, les États-Unis et l’Union européenne tentant d’encercler la Russie avec un cercle d’États
hostiles.
Cette confrontation peut prendre différentes formes. Dans la région transcaucasienne, les
efforts occidentaux visent à remplacer la Russie en tant qu’arbitre entre l’Arménie et l’Azerbaïdjan. L’UE s’est présentée comme une alternative à la médiation
et au maintien de la paix russes.
Moscou a d’abord considéré ces tentatives avec une certaine complaisance, mais a récemment
commencé à s’inquiéter du fait que le sol se dérobe sous ses pieds en Transcaucasie. Le stratagème occidental consiste à écarter progressivement la force de
maintien de la paix russe déployée dans la région à la suite de la reprise du conflit entre l’Arménie et l’Azerbaïdjan l’année dernière au sujet de la région
sécessionniste du Haut-Karabakh.
Moscou joue les deux rôles dans le conflit et, de toute évidence, ce numéro de trapèze est
très délicat et éprouvant. Ainsi, depuis le début de l’opération militaire spéciale de Moscou le 24 février, l’UE a réussi à établir une “mission de
surveillance” en Arménie et fait avancer son projet d’établir une mission de l’OSCE dans la région, ce qui remettra en cause le monopole de la Russie en
matière de maintien de la paix à la frontière entre l’Arménie et l’Azerbaïdjan.
Un autre théâtre de contestation actif est le Kazakhstan, où l’Occident s’efforce
constamment d’éroder les relations étroites de ce pays avec la Russie. La politique étrangère multisectorielle du Kazakhstan visant à attirer les
investissements occidentaux a créé des groupes d’intérêt pro-occidentaux parmi les élites du pays. La question de la nationalité du Kazakhstan crée également
une sensibilité dans ses relations avec la Russie. Le Kazakhstan est un jeu à enjeux élevés pour l’Occident, car il est également frontalier avec la
Chine.
En comparaison, le rôle occulte joué par l’Occident pour alimenter les récents affrontements
entre le Kirghizstan et le Tadjikistan, ainsi que pour encourager Douchanbé à fournir un “couloir de transit” aux rebelles anti-talibans de la vallée du
Panjshir, constitue un défi direct pour la Russie dans le domaine de la sécurité. Mais, à la grande déception des États-Unis, lorsque les tensions entre le
Tadjikistan et le Kirghizstan ont éclaté en septembre dernier et que des soldats kirghizes et tadjiks ont échangé des coups de feu le long de plusieurs points
de la frontière non délimitée des deux pays, Moscou et Pékin ont choisi de rester à l’écart.
Certes, le conflit a été l’une des plus graves escalades militaires interétatiques de
l’histoire de l’Asie centrale depuis la dissolution de l’Union soviétique en 1991. Le conflit a mis Moscou et les organisations régionales de sécurité dirigées
par la Russie en Asie centrale dans un grand embarras.
Si le rôle de l’Occident dans le conflit entre le Kirghizistan et le Tadjikistan était
caché, ce n’est pas le cas de ses actions de plus en plus proactives visant à faire des Panjshiris en Afghanistan un mouvement de résistance “modéré” pour
renverser le gouvernement taliban de Kaboul, qui entretient des relations cordiales avec la Russie. Les Panjshiris ont bénéficié du patronage des services de
renseignement français pendant la lutte antisoviétique des années 1980 et les anciens liens ont été ravivés. Le président français Emmanuel Macron a mis la
main à la pâte pour cultiver son homologue tadjik Emomali Rahmon.
Il est évident que les intérêts de la Russie en matière de sécurité sont profondément remis
en question, tant dans le cas des hostilités entre le Kirghizistan et le Tadjikistan que par le spectre d’une nouvelle guerre civile en Afghanistan qui hante
la région. La Russie reste la présence dominante en Asie centrale et, au niveau des dirigeants, Moscou exerce une grande influence à Bichkek et à Douchanbé.
Mais les conflits et l’instabilité intra-régionaux constituent un terrain fertile pour la manipulation occidentale des élites dirigeantes.
Cependant, la dernière vague de troubles en Mongolie porte en elle les signes inquiétants
d’une révolution de couleur. Comme au Kazakhstan et au Kirghizstan, les médias sociaux s’activent à susciter des protestations. Les protestations ont commencé
il y a une semaine contre la “mafia du charbon”, qui aurait profité de ses affaires avec des entreprises chinoises. Mais diverses théories du complot se
répandent sur Twitter, notamment celle selon laquelle il y aurait une lutte de pouvoir interne au sein des élites du parti au pouvoir.
Le gouvernement a réagi rapidement en décidant de mettre dans le domaine public, pour
examen, neuf contrats liés à la société minière d’État au cœur de l’affaire et en annonçant que tous les futurs contrats d’exportation de charbon seront rendus
publics. Le gouvernement a également annoncé qu’une commission parlementaire allait enquêter sur le scandale.
Plusieurs centaines de manifestants se sont rassemblés dans un froid glacial sur la place
Sukhbaatar de la ville au cours du week-end et ont défilé jusqu’à la résidence présidentielle, certaines personnes tentant de forcer l’entrée du bâtiment en
chantant et en tapant du pied pour rester au chaud – ce qui ressemble étrangement au coup d’État de Kiev en 2014.
En effet, ce qui rend la vue enchanteresse, du point de vue géopolitique, c’est que la Chine
est la destination de la plupart des exportations de charbon, de cachemire, de bétail et d’autres ressources de la Mongolie enclavée.
La tentative de transformer les protestations en une révolution oculaire à proprement parler
est encore en cours. Selon l’Associated Press, “les conditions économiques se sont détériorées dans ce pays d’environ 3,3 millions d’habitants, l’inflation
ayant grimpé à 15,2 %, ce qui a été exacerbé en partie par l’invasion de l’Ukraine par la Russie.”
Coïncidence ou non, les manifestations d’Oulan-Bator ont suivi la visite d’État du président
de la Mongolie Ukhnaagiin Khurelsukh à Pékin le mois dernier. Il s’agissait de la deuxième rencontre entre Xi et Khurelsukh en deux mois. Pékin comprend qu’il
est également dans le collimateur de la diplomatie occidentale en Mongolie, au Kazakhstan, au Kirghizstan, au Tadjikistan et en Afghanistan. Ces quatre pays
font partie, d’une manière ou d’une autre, du premier cercle des intérêts chinois.
Ils confèrent une “profondeur stratégique” à la Chine ; les liens économiques avec ces pays
riches en ressources sont non seulement extrêmement bénéfiques mais aussi en pleine croissance ; ils sont des partenaires irremplaçables du point de vue de la
connectivité et de l’initiative “la Ceinture et la Route” ; enfin, la sécurité et la stabilité régionales sont des préoccupations communes.
Le paradoxe est que, malgré la convergence d’intérêts et de forts intérêts politiques et
économiques, et bien que leurs intérêts fondamentaux soient concernés, il devient de plus en plus incertain que la Russie ou la Chine puissent offrir des
garanties de sécurité régionale. Moscou fait l’objet de sanctions occidentales et Pékin reste extrêmement prudent face aux États-Unis ou à l’UE – bien que la
Mongolie soit un pays d’Asie centrale où les intérêts fondamentaux de la Russie et de la Chine se chevauchent.
Les États-Unis et l’UE estiment qu’il s’agit de la meilleure occasion de consolider et
d’étendre leur influence dans l’arrière-cour russe de la Transcaucasie, de la Caspienne et de l’Asie centrale. Il est clair que les puissances occidentales
s’immiscent dans les tensions régionales et qu’il n’est pas exclu que l’opposition russe et chinoise n’aboutisse pas.
Les enjeux géopolitiques sont importants. La Mongolie est le pays de transit du projet de
gazoduc “Power of Siberia 2”, qui acheminera jusqu’à 50 milliards de mètres cubes de gaz de la péninsule de Yamal, dans l’Arctique russe, vers l’est de la
Chine ; les travaux de construction devraient commencer en 2024. De même, la Chine, la Mongolie et la Russie ont prolongé de cinq ans les grandes lignes du
plan de développement pour l’établissement du corridor économique Chine-Mongolie-Russie, ce qui permettra de libérer un grand potentiel économique et de
renforcer le rôle de la Mongolie en tant que centre de transit.
La coopération entre la Chine et la Mongolie en matière de construction de routes et de
corridors de transport a été fortement stimulée ces dernières années, ce qui a permis de renforcer la logistique entre la Chine et la Mongolie et d’augmenter
considérablement leur capacité de transport de marchandises en vrac, notamment de produits minéraux. Les deux pays envisagent d’amarrer de multiples nouvelles
lignes ferroviaires à des ports chinois.
Les États-Unis et l’UE feront tout leur possible pour éloigner la Mongolie de l’orbite
sino-russe, quoi qu’il en coûte. Il est intéressant de noter qu’une délégation militaire de l’OTAN en provenance de Bruxelles s’est rendue à Oulan-Bator la
semaine dernière et a tenu deux jours de discussions avec les chefs militaires mongols. La Mongolie présente un mélange combustible où tous les éléments clés
de la confrontation des États-Unis avec la Russie et la Chine sont présents, allant de l’extension de la mission de l’OTAN à l’Asie-Pacifique à la BRI et aux
exportations énergétiques de la Russie et, bien sûr, aux vastes gisements de terres rares dans la steppe.
5. L’Union Européenne cherche à maintenir des canaux de discussion avec l’Iran
L’Union européenne a renoué avec le rituel des sanctions à l’encontre de l’Iran pour faire
pression sur ses politiques étrangère et de sécurité. Le point culminant de la réunion ministérielle du Conseil des affaires étrangères de l’UE, qui s’est
tenue lundi à Bruxelles, a été l’imposition de sanctions contre l’Iran sur une série de questions.
Il s’agit de “la répression inacceptable des manifestations en cours et de la détérioration
de la situation des droits de l’homme” en Iran, de la coopération militaire de l’Iran avec la Russie, notamment la livraison de drones déployés contre
l’Ukraine, des perspectives de renouvellement du JCPOA ainsi que de la sécurité régionale.
Le Conseil a ajouté 20 personnes et une entité au régime actuel de sanctions de l’UE contre
l’Iran en matière de droits de l’homme, ainsi que quatre personnes et quatre entités pour le développement et la livraison de drones utilisés par la Russie en
Ukraine.
Tout en imposant ces sanctions, l’UE exige que les responsables de l’assassinat de Mahsa
Amini soient tenus de rendre des comptes ; les autorités iraniennes doivent mener “des enquêtes transparentes et crédibles pour faire la lumière sur le nombre
de morts et d’arrestations”, libérer tous les manifestants non violents, garantir une procédure régulière à tous les détenus, lever les restrictions à l’accès
à Internet et débloquer les plateformes de messagerie instantanée.
Le Conseil de l’UE a menacé d'”examiner toutes les options à sa disposition” pour faire face
à la situation découlant de la mort de Mahsa Amini et de la manière dont les forces de sécurité iraniennes ont géré les manifestations.
Parmi les personnes sanctionnées figurent des dirigeants d’Iran Broadcasting, “notoirement
connu pour être un porte-parole du régime”, le vice-ministre iranien de l’intérieur et certains commandants du Corps des gardiens de la révolution islamique.
De même, le général Hamid Vahedi, chef des forces aériennes iraniennes, figure sur la liste des sanctions pour le “soutien militaire” apporté par l’Iran à la
guerre menée par la Russie en Ukraine.
Ironiquement, alors que la réunion du Conseil de l’UE s’est poursuivie sur les sanctions
contre l’Iran, elle n’est pas parvenue à un consensus sur le 9e train de sanctions prévu contre la Russie, “contre le Kremlin, pour l’escalade de son agression
contre l’Ukraine”. M. Borrell a déclaré que le Conseil des ministres n’a pas pu se mettre d’accord “pour réagir à la dernière escalade”, mais il s’attend à ce
que le nouveau paquet de sanctions soit approuvé cette semaine.
Dans l’ensemble, M. Borrell s’est toutefois montré d’humeur plus modérée, affirmant que l’UE
fait une distinction prudente entre les sanctions infligées à l’Iran pour son bilan en matière de droits de l’homme et le soutien militaire apporté à la Russie
et au programme nucléaire iranien.
Comme il l’a dit, “vous comprendrez que, dans cette situation, le JCPOA est dans une
situation très difficile. Mais je pense que nous n’avons pas de meilleure option que le JCPOA pour garantir que l’Iran ne développe pas d’armes nucléaires.
Cela reste dans notre propre intérêt”.
M. Borrell a révélé qu’il s’entretenait “assez souvent” avec le ministre iranien des
affaires étrangères et que “nous partageons, nous ne sommes pas d’accord, mais, au moins, nous nous parlons. Je pense que la diplomatie est là pour garder les
canaux de communication ouverts en toutes circonstances. Je pense qu’il était bon qu’avant que le Conseil ne prenne cette décision [de sanctions] aujourd’hui,
je puisse informer le ministre et qu’il puisse m’expliquer ce qui se passe et je lui explique mes préoccupations. Et ces préoccupations ont conduit à ces
décisions”.
Borrell a déclaré : “Je veux faire une différence claire entre l’accord nucléaire… et la
décision prise par le Conseil des affaires étrangères sur la question des droits de l’homme et de la fourniture d’armes à la Russie. Il s’agit de deux choses
différentes.
“Il est certain que cela ne crée pas la meilleure atmosphère pour avancer sur n’importe quel
type de question dans la relation entre l’Union européenne et l’Iran. Mais l’accord nucléaire n’est pas une question de relation entre l’Union européenne et
l’Iran : c’est quelque chose qui va plus loin, beaucoup d’autres sont impliqués. Le JCPOA ne concerne pas seulement l’Union européenne et l’Iran.”
Sans surprise, Téhéran a riposté en annonçant ses propres sanctions à l’encontre de
plusieurs responsables et entités de l’UE et du Royaume-Uni “en raison de leur soutien délibéré au terrorisme et aux groupes terroristes, et de leur incitation
au terrorisme, à la violence et à la haine, qui ont provoqué des troubles, des violences, des actes terroristes et des violations des droits de l’homme contre
la nation iranienne.”
Pour l’avenir, la grande question est de savoir si Téhéran accepte la “méthode Borrell”
d’engagement sélectif – même s’il a mis son homologue iranien dans la confidence. L’UE s’engagera de manière sélective avec Téhéran sur le JCPOA parce que
c’est dans l’intérêt de l’Occident collectif, en particulier de l’administration Biden, qui souhaite que la porte reste ouverte pour reprendre les négociations
avec l’Iran à Vienne, suspendues en août.
La crise énergétique en Europe est un facteur déterminant à cet égard. Néanmoins, l’UE
partage probablement aussi l’avis de l’administration Biden selon lequel les troubles actuels en Iran ne peuvent pas être facilement réprimés. D’autre part, on
ne peut s’attendre à ce que Téhéran fasse des compromis sur tout défi perçu au régime.
Par ailleurs, l’UE a peut-être agi de manière excessive en sanctionnant l’imam Sayyid Ahmad
Khatami, un religieux de haut rang et un influent politicien conservateur et principaliste, qui est également membre du puissant Conseil des gardiens et de
l’Assemblée des experts, et qui a été nommé par le guide suprême, l’ayatollah Ali Khamenei, chef “suppléant” de la prière du vendredi à Téhéran en 2005, poste
qu’il occupe depuis lors.
En dernière analyse, les liens décrits par M. Borrell mènent à Moscou. En gros, l’UE fait
savoir que le JCPOA (levée des sanctions occidentales) sera conditionné par la volonté de l’Iran de revenir sur ses liens de plus en plus étroits avec la
Russie.
La partie concernant les drones n’est que la partie émergée de l’iceberg ; ce qui inquiète
vraiment Washington et Bruxelles, c’est que la Russie puisse emprunter à la boîte à outils de l’Iran pour contourner les sanctions occidentales. La géographie
et la géopolitique de l’Iran en font un partenaire unique pour la Russie aujourd’hui. (Voir mon article Les États-Unis internationalisent les troubles en Iran,
Asia Times).
Il est peu probable que Téhéran revienne sur sa gestion ferme des troubles dans le pays. En
effet, l’histoire politique de l’Iran au cours des quatre dernières décennies montre de façon remarquable qu’il ne peut y avoir de compromis sur les défis
posés aux fondements du régime islamique qui a vu le jour avec la révolution islamique de 1979. Il est clair que les puissances occidentales font fausse route
– sciemment ou non.
Les remarques provocantes du commandant en chef des Crops des gardiens de la révolution
islamique, le général de division Hossein Salami, récemment – l’avertissement sévère du général selon lequel l’Iran a aujourd’hui “atteint toutes les
technologies militaires du monde” – ne devraient laisser aucun doute à l’administration Biden.
Cela dit, en ce qui concerne la reprise des négociations du JCPOA avec les États-Unis,
Téhéran reste intéressé.
Les « points chauds » de la planète : Où pourrait éclater la prochaine guerre ?
Ces dernières années, la guerre du Haut-Karabakh d’abord, puis le violent conflit en Ukraine ont enflammé des scénarios jugés critiques pour l’ordre
international par les analystes et les décideurs. Les guerres préventives déclenchées par l’Azerbaïdjan et la Russie contre, respectivement, l’Arménie et l’Ukraine ont montré le retour du
recours à la force comme moyen de résoudre les conflits entre États avec une véhémence jamais vue depuis la fin de la guerre froide.
La fin du bipolarisme et l’évanouissement rapide de l’utopie unipolaire du monde dirigé par les États-Unis ont conduit l’ordre mondial à se transformer en
un grand désordre international, anarchique et sans règles précises. Cela a alimenté les poussées de tension dans le contexte d’une rupture de plus en plus progressive des freins et
contrepoids qui délimitaient l’équilibre des pouvoirs. Le déclin du bipolarisme et les scénarios de guerre hybride et économique qui ont émergé dans divers contextes ont fait le reste,
mettant essentiellement en contact les puissances dans diverses régions du monde. Conflits gelés ou de faible intensité sur le point de se réveiller, régions du monde âprement disputées
entre puissances, points de contact entre anciens et nouveaux empires revenus s’affronter, zones à revendications politiques multiples : les zones de tension où la prochaine guerre
pourrait éclater sont nombreuses.
Syrie, Libye, Yémen : Trois « bombes » non désamorcées
Le Grand Moyen-Orient et l’Afrique du Nord sont les premières zones à être soigneusement évaluées. Celle de Syrie, dont il a été question récemment dans ces
colonnes, est la plus violente des guerres gelées sans issue définitive, même si formellement personne ne met plus en péril le maintien au pouvoir du régime alaouite de Bachar el-Assad.
Le pays peine à retrouver son unité, et la reprise des opérations turques contre les Kurdes du Rojava nous a récemment rappelé à quel point ce pays tourmenté du Moyen-Orient présente
définitivement des problèmes de stabilité.
Outre la Syrie, le Yémen et la Libye sont aussi des pays déchirés par leurs propres guerres civiles dont la priorité est aujourd’hui de sortir du bourbier
qui les voit comme des zones de conflits et de guerres par procuration entre des mosaïques hétéroclites de puissances. Bien que n’étant pas à l’ordre du jour des conflits directs entre
États, ces trois nations correspondent à autant de « trous noirs » géopolitiques et stratégiques, sources de tensions pour l’ordre international, à l’instar d’une autre zone
souvent sous-estimée, le Sahel.
Etats-Unis et Chine, le front du Pacifique
Bien entendu, les « trous noirs » peuvent être problématiques pour les litiges liés à d’éventuels effondrements d’États ou à l’infiltration de
terroristes dans des pays à l’institutionnalisation réduite. Mais le vrai problème, aujourd’hui, reste les points de contact possibles entre les grandes puissances. Des espaces où le
risque de confrontation entre blocs de pouvoir est direct.
La première pensée qui vient à l’esprit est évidemment la mer de Chine méridionale et le bras de fer entre la Chine et les États-Unis. Ces derniers mois,
les exercices navals de Pékin dans le détroit de Taïwan et la visite de la présidente de la Chambre des représentants de Washington, Nancy Pelosi, sur l’île considérée comme une
« province rebelle » par Pékin ont marqué les tensions et la rivalité politique entre les deux géants.
Depuis le début de l’année 2022, la Chine a complètement militarisé avec ses propres forces trois des nombreuses îles qu’elle a construites dans la mer de
Chine méridionale contestée, les armant de systèmes de missiles de différents types, en premier lieu l’anti-navire Donfeng-21. Le Guardian rappelle
que lors de l’effort décisif de la Chine en mars pour « armer » ses territoires artificiels, « le commandant américain pour l’Indo-Pacifique, l’amiral John C. Aquilino, a
déclaré que les actions hostiles contrastaient fortement avec les assurances antérieures du président chinois Xi Jinping selon lesquelles Pékin ne transformerait pas les îles
artificielles dans les eaux contestées en bases militaires ».
Dans les îles Spratley, disputées avec plusieurs autres nations de la région, en premier lieu les Philippines et le Vietnam, la Chine utilise des bateaux de
pêche comme élément de projection. En moyenne, ils jettent l’ancre dans l’archipel contesté de l’Indo-Pacifique pendant au moins neuf mois de l’année.
Washington répond par un système complexe de présence navale. Le commandement du Pacifique, qui gère également les opérations dans l’océan Indien, dispose
de deux flottes, la troisième et la septième, avec les porte-avions Nimitz, Carl Vinson, Ronald Reagan et Theodore Roosevelt déployés à San Diego et l’Abraham Lincoln à Yokosuka, au
Japon. En plus de Taïwan, armée jusqu’aux dents pour se défendre, Washington compte évidemment sur le Japon, le Vietnam, qu’ils ont redécouvert, et la base aérienne et navale de Guam pour
contenir la Chine.
Cachemire et Kouriles, terres contestées
Toujours en Asie, il existe des contextes dans lesquels les différends territoriaux jouent le rôle principal et peuvent élever la barre de la confrontation
entre puissances. L’agression de la Russie contre l’Ukraine et la mort tragique de Shinzo Abe, par exemple, ont rallumé les projecteurs sur la revendication du Japon concernant les îles
Kouriles « arrachées » à Tokyo par l’Union soviétique après la brève guerre de Moscou contre l’Empire japonais en août 1945.
L’assassinat d’Abe a privé le Japon du seul homme d’État qui avait tenté une stratégie diplomatique pour s’approcher progressivement d’un règlement de la
question avec la Russie. Le regain de tensions de ces derniers mois ajoute une zone de tension en Extrême-Orient.
La situation au Cachemire, disputé entre l’Inde et le Pakistan, dont New Delhi contrôle une partie importante, est encore plus problématique. L’Inde et le
Pakistan ont tenté à plusieurs reprises d’entamer des dialogues pour résoudre le statut contesté de la région, qui fait l’objet de discussions depuis 1947, et se sont affrontés à quatre
reprises dans le passé (1948, 1965, 1971 et 1998). Le véritable épicentre d’un conflit potentiellement dévastateur à l’échelle mondiale se trouve ici, où la tension est toujours à son
comble entre deux puissances nucléaires.
La Baltique : La nouvelle « mer chaude »
L’Europe n’est pas exempte de la présence de tels « points chauds », et après le tournant du 24 février 2022, jour de l’invasion de l’Ukraine, le
nouveau « lac » atlantique, la mer Baltique, est devenu le point de confrontation le plus critique entre le camp euro-atlantique et la Fédération de Russie.
La Baltique est la région où se trouve la ligne d’expansion de l’OTAN, destinée à s’étendre à la Suède et à la Finlande dans les années à venir. Elle est
affectée par la présence ostensible de la Russie à Kaliningrad et dans la région de Saint-Pétersbourg, qui est lourdement dotée en personnel. Elle dispose de la plus grande flotte russe
de la région et des forces armées des pays européens les plus hostiles à Moscou : l’Estonie, la Lettonie, la Lituanie et surtout la Pologne. Elle est centrale pour les infrastructures
énergétiques: le cas du Nord Stream endommagé, dans cette perspective, l’enseigne.
Et justement, la Baltique pourrait être l’épicentre des tensions dans les années à venir. Un pivot européen d’un grand désordre mondial dans lequel les
petites et moyennes turbulences se doublent de grands défis. Et qui pourrait semer les graines de nouveaux conflits dans les années à venir.