Guerre en Ukraine : Les véritables raisons du conflit

Partie 1/5

par Oleg Nesterenko - Le 03/04/2023.

Il est facile et particulièrement commode pour les représentants de la société occidentale de se rassembler derrière les narratifs de l’OTAN sur les raisons du conflit armé en Ukraine et de ne pas se mettre dans l’inconfort du doute et de la remise en question des postulats préétablis et dominant l’opinion public.

Pourtant, la sortie de cette zone de confort intellectuel qui n’est, en réalité, psychologiquement, qu’une zone de peur, est un exercice incontournable pour tous ceux qui privilégient la recherche de la vérité, qui, parfois, peut être bien différente des narratifs préétablis.

Dans cette analyse je n’entrerai pas dans les éléments historiques de chacun des belligérants, certes importants, qui ont mené vers la confrontation dans laquelle le monde se retrouve aujourd’hui, mais je parlerai du rôle réel sous-jacent et majeur de l’acteur-clé dans ce conflit : les États-Unis d’Amérique.

L’histoire nous démontre que, malgré les apparences, aucune guerre du passé n’a jamais eu une seule raison pour être déclenchée.

Chaque conflit majeur est basé sur un projet constitué de toute une multitude de raisons et de sous-objectifs à atteindre dans le cadre d’un grand but ultime qui dépasse grandement, en général, le cadre de la guerre elle-même.
Les raisons-déclencheurs annoncées par les parties en confrontation ne sont que le reflet du point culminant, du haut de l’iceberg des divergences profondes qui, non seulement, ne peuvent plus être résolues par la voie diplomatique, mais, même au contraire, une solution diplomatique serait un obstacle à la réalisation des objectifs préétablis et soigneusement dissimulés.

L’instauration des démocraties

En terme général, les États-Unis d’Amérique et, auxiliairement, le monde dit occidental affirment que les conflits armés menés directement ou « orchestrés » par le monde de leur initiative ont pour raison l’instauration des états de droit, des libertés individuelles et collectives et de la lumière de la démocratie sur les territoires visés par la lutte face à la tyrannie, la dictature et la barbarie sanguinaires qui y résident.

En analysant l’intégralité de plus de cinquante guerres et intervenions armées menées depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale, directement ou indirectement, par le bras armé des USA et/ou par procuration, via les pays satellites, et en analysant les résultats ultimes des hostilités on ne peut que faire un constat majeur :

soit les États-Unis d’Amérique sont incroyablement mauvais dans la réalisation de leurs objectifs préétablis, car ils ne sont jamais atteints – pas une seule fois ;

soit, et pour être plus sérieux, les véritables raisons de la mise à feux et en cendres de parties du monde d’une manière discontinue ne sont pas tout à fait, ou, pour être plus précis, n’ont rien à avoir avec celles affichées.

Nul doute sur l’objectivité de ce constat, car il y a beaucoup trop de précédents de « réalisations », dont on connait les résultats finaux. En mentionnant que les majeurs parmi elles, on peut citer les guerres en Corée et en Chine, au Guatemala, au Vietnam et au Cambodge, en Irak, en Bosnie et en Serbie, en Afghanistan, en Libye et en Syrie.

Sans parler de tant d’autres interventions américaines dans l’histoire contemporaine, y compris avec des bombardements directs de civils, comme à Cuba, au Congo, au Laos, à Grenade, au Liban, au Salvador, au Nicaragua, en Iran, au Panama, au Koweït, en Somalie, au Soudan, au Yémen et au Pakistan.

Et même cette liste n’est nullement exhaustive, car elle ne prend pas en compte tant d’opérations confidentielles menées de par le monde dans le but de « l’instauration des valeurs démocratiques et des droits de l’homme ».

L’observation de l’état général acquis par les sociétés visées, de leur qualité de vie avant et après les processus subis de la « démocratisation » ne peut laisser le spectateur que très perplexe.

La survie des États-Unis d’Amérique

En ne négligeant pas le fait que le peuple américain est un peuple fort sympathique et parfaitement amical en soi – ce qui ne peut nullement être nié par tous ceux qui ont eu l’expérience de relations et d’échange interpersonnel avec ses représentants et dont, pour ma part, j’ai la chance et l’honneur de côtoyer plus d’un de grand valeur humaine et vers qui j’éprouve de l’amitié et du respect profond – on ne peut, néanmoins, nier le fait que la liberté de pensée du peuple américain, dans sa majorité, est profondément soumise à la puissance de la propagande étatique, exercée depuis tant de décennies, via quasi l’intégralité des canaux de communication qui sont directement contrôlés par « l’État profond » américain et ses lobbies qui poursuivent les objectifs qui leur sont propres et ceci au nom de la nation américaine.

Les raisons tellement nobles des interventions armées des USA dans le monde, affichées auprès de la population américaine ne diffèrent, d’ailleurs, guère de celles affichées sur la scène internationale.

Comme le disait en 1981 l’ancien directeur de la CIA William Casey : « Notre programme de désinformation aura atteint son but lorsque tout ce que le public américain croira sera faux ».

Contrairement à des narratifs développés par les antagonistes des États-Unis, pour cet « État profond » américain les véritables raisons des massacres répétés à grande échelle – il est difficile de nommer autrement le mode opératoire qui leur est propre – n’ont pas pour objectif ultime et fondamental la domination du monde, ppropriement dit.

Cette qualification n’est pas tout à fait précise. L’objectif final visé est bien plus pragmatique : la survie des États-Unis d’Amérique.

Non pas la survie toute courte, en tant qu’une entité étatique, mais la survie des constructions permettant de réaliser des superprofits à des élites, d’une part, et, d’autre part, la survie de la mode et du niveau de vie acquis par le pays depuis la fin de la Grande dépression qui est arrivée à terme avec le déclenchement de la seconde guerre mondiale et la relance de l’économie américaine par l’industrie de guerre.

Cette survie n’est, tout simplement, pas envisageable sans la domination militaro-économique, ou, pour être plus précis, militaro-monétaire du monde.

Et ce n’est nullement un hasard de l’histoire que le budget de guerre, dit de défense des États-Unis à lui seul est supérieur à 1/3 des dépenses mondiales dédiées à la défense – l’élément crucial dans le maintien de la domination monétaire à l’échelle mondiale.

Le concept de la survie par la domination mondiale a été clairement formulé à la fin de la guerre froide par Paul Wolfowitz, le sous-secrétaire américain à la Défense dans sa doctrine dit « de Wolfowitz » – qui considérait les USA comme la seule superpuissance restante au monde et dont l’objectif principal est de conserver ce statut : « empêcher la réémergence d’un nouveau rival, soit sur le territoire de l’ex-Union soviétique, soit ailleurs, qui représente une menace de l’ordre de celle posée autrefois par l’Union soviétique ».

Les principaux piliers-porteurs sous-jacents de la guerre en Ukraine

En mettant de côté les nobles narratifs adressés à la sensibilité psychologique des masses qui doivent exécuter le rôle qui leur est prescrit – l’approbation – voyons les réelles raisons, les principaux piliers-porteurs sous-jacents de la nouvelle guerre dans le cadre global de la survie des États-Unis d’Amérique – de la guerre en Ukraine.

Ses piliers-porteurs sont interdépendants et sont en nombre de trois :

 le maintien de la domination mondiale par le système monétaire américain,

 l’affaiblissement de l’économie de l’Union européenne par le biais de la détérioration maximale des relations entre la Russie et l’Union européenne

 et l’affaiblissement significatif de la position de la Russie dans le cadre du futur conflit face à la Chine.

Tout autre élément de la guerre actuelle en Ukraine du côté américain, comme le lobbyisme de l’industrie de l’armement américain, la récupération des marchés énergétiques, la protection des importants acquis économiques américains sur le sol ukrainien, les schémas de corruption, le revanchisme personnel des « élites » américaines russophobes issues de l’immigration de l’Europe de l’Est et tant d’autres – ne sont que les compléments, les dérivés secondaires et les conséquences des trois raisons clés énumérées.

Oleg Nesterenko

Président du Centre de Commerce & d’Industrie Européen http://www.c-cie.eu
Spécialiste de la Russie, de la CEI et de l’Afrique subsaharienne,
Ancien directeur de l’MBA, professeur auprès des masters des Grandes Écoles de Commerce de Paris.

Partie 2/5

 

Guerre en Ukraine : Les véritables raisons du conflit (partie 1/5)
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par Oleg Nesterenko

Le premier des trois piliers-porteurs sous-jacents de la guerre en Ukraine est le maintien de la domination mondiale par le système monétaire américain.

Cette domination repose sur plusieurs éléments, dont les principaux sont l’extraterritorialité du droit américain, les bons du Trésor américain et le Pétrodollar.

Il est totalement impossible ni de connaitre, ni de comprendre les véritables raisons non seulement de la guerre en Ukraine, mais de la quasi-intégralité des guerres orchestrées ou menées directement pas les États-Unis d’Amérique, sans une vision précise des éléments mentionnés. Voyons-les donc en détail.

Le dollar et l’extraterritorialité du droit américain comme une arme de guerre économique

Le concept de l’extraterritorialité du droit américain est l’application du droit américain en-dehors des frontières des USA, ce qui permet à des juges américains d’engager des poursuites judiciaires pour des faits qui ont eu lieu dans n’importe quel point dans le monde.

L’élément principal qui est utilisé comme prétexte aux engagements des poursuites est le fait de l’utilisation du dollar américain dans des transactions.

Ainsi, les mécanismes juridiques de l’extraterritorialité du droit américain procurent aux entreprises américaines un avantage concurrentiel majeur et totalement illégal, selon le droit international des affaires, mais bien légal selon le droit américain.

Car, l’extraterritorialité du droit oblige les entreprises étrangères utilisant dans leurs transactions le dollar américain à se conformer aux standards américains, à se soumettre à la surveillance et au contrôle de l’état américain – ce qui rend possible l’espionnage « légalisé » de leur savoir-faire et de mener des actions d’entrave au développement des concurrents des entreprises américaines.

Dans les procédures de poursuite par le département de Justice américain, les entreprises étrangères sont soumises à l’obligation de la régularisation de leur situation par l’acceptation d’une surveillance durant plusieurs années d’affilée, dans le cadre d’un « programme de conformité ».

En outre, en mettant artificiellement les entreprises étrangères, qui intéressent les groupes américains, en danger de paiement de très grosses amendes – on les mets en position de ne pas être hostile au rachat par les américains, afin de les éviter.

Afin d’asseoir sa domination mondiale, un nombre incalculable de poursuites est lancé sans aucun véritable fondement, dont le réel but est l’accès à l’information des concurrents et l’ingérence économique.

Les bons du Trésor américain et les Pétrodollars

Dans la comptabilité il existe un terme comme les créances douteuses.

Les bons du Trésor américain sont des titres obligataires qui s’achètent et se remboursent en dollars américains et qui sont, factuellement, les créances douteuses.

Pourquoi ?

Aujourd’hui, la dette de l’état américain a dépassé les 31 000 milliards USD et continue à s’accroitre au quotidien à la hauteur de plusieurs milliards par jour. Ce chiffre dépasse largement celui du PIB annuel des USA et fait de la quasi-globalité des bons émis par le Trésor américain les titres à la solvabilité et valeur plus que douteuses, car remboursables par la monnaie nationale, dont pour la majorité émise il n’y a rien derrière. Rien de tangible.
Sa solvabilité n’est garantie que par l’émission monétaire et la confiance accordée au dollar américain qui se base non pas sur sa valeur réelle, mais sur la domination militaire du monde par les USA.

Et la Russie avec l’Ukraine dans tout cela ?

Depuis l’arrivée de Poutine au pouvoir, la Fédération de Russie a commencé le processus progressif de séparation des bons du Trésor américain. Depuis le 2014, le début du conflit instauré par les USA en Ukraine par le coup d’État, la Russie s’est débarrassée de la quasi-intégralité de la dette américaine. Si en 2010 la Russie faisait partie des dix plus gros détenteurs de bons du Trésor américain, avec plus de 176 milliards USD, en 2015 elle en a détenu qu’à la hauteur d’environ 90 milliards, soit sa masse totale pratiquement divisée par deux en 5 ans. Aujourd’hui, la Russie ne détient que 2 milliards de cette dette, ce qui est une quantité dérisoire.

En tandem avec la Russie, la Chine de même, se débarrasse progressivement de ce dangereux débiteur. Si en 2015 elle a détenu des bons outre-Atlantique pour plus de 1270 milliards USD, aujourd’hui, c’est à la hauteur inférieure de 970 milliards, soit une baisse de ¼ en 7 ans. Aujourd’hui, la quantité de dette américaine détenue par la Chine est au plus bas depuis 12 ans.

Parallèlement au débarras des bons du Trésor américain, la Fédération de Russie a déclenché le processus progressif de la libération du monde du système des pétrodollars.

Une spirale vicieuse est déclenchée : l’ébranlement du système des pétrodollars porterait un coup significatif au marché des bons du Trésor américain. En effet, la baisse de la demande du dollar sur la scène internationale enclenchera automatiquement une dévaluation de la monnaie et, de fait, la baisse de la demande de bons du Trésor qui mènera, mécaniquement, à une augmentation de leur taux d’intérêt, en rendant tout simplement impossible le financement de la dette publique américaine au niveau que l’on connait aujourd’hui.

Les détracteurs du postulat que la chute du dollar contre bon nombre de devises causera de très importants dommages à l’économie américaine stipulent qu’un dollar plus faible mènera vers une augmentation significative des exportations américaines, fera profiter les fabricants américains et, de fait, diminuera le déficit commercial des États-Unis.

S’ils ont tout-à-fait raison sur l’effet bénéfique de la dévaluation du dollar vis-à-vis des exportations américaines – ils ont parfaitement tort sur l’effet final inévitablement dévastateur sur l’économie américaine, car ils ne prennent pas en compte l’élément majeur :

Les USA sont un pays qui se trouve depuis des décennies sur la voie de la désindustrialisation et l’effet positif sur les exportations ne sera que relativement négligeable face au déficit commercial gigantesque. Le déficit qui a déjà atteint en 2021 le niveau record de l’histoire des États-Unis et qu’avec une dévaluation du dollar, et donc l’augmentation du coût des importations à tous les niveaux, aura un effet destructeur.

Ainsi, régler le compte des deux fautifs de la situation – de la Russie et de la Chine – est donc l’élément clé dans la stratégie de survie des États-Unis d’Amérique.

Les pétrodollars

Avec l’effondrement, en 1971, des accords de Bretton Woods qui ont perduré depuis 1944, la dépendance mondiale vis-à-vis du dollar américain a commencé à diminuer très dangereusement pour l’économie des États-Unis et il leur fallait trouver un autre moyen pour augmenter la demande de la monnaie nationale.

Et c’est en 1979 que le « pétrodollar » est né dans le cadre de l’accord américano-saoudien de la coopération économique : « pétrole contre dollars ». Dans le cadre de cet accord l’Arabie saoudite a pris des obligations de vendre son pétrole au reste du monde uniquement en dollar américain, ainsi que réinvestir ses réserves excédentaires en dollars dans des bons du Trésor américain et des entreprises américaines.
En contrepartie, les États-Unis ont pris des obligations militaires de garantir la sécurité de l’Arabie saoudite.

Par la suite, cet accord « pétrole contre dollars » a été étendu à d’autres pays de l’OPEP et ceci est, d’ailleurs, sans aucune contrepartie de la part des américains, et a mené vers une émission exponentielle du billet vert. Progressivement, le dollar américain est devenu la monnaie d’échange de référence pour d’autres matières premières et, de ce fait, la monnaie de réserve mondiale – ce qui a procuré aux États-Unis une suprématie sans égale et des privilèges exorbitants.

Aujourd’hui, on observe une rupture stratégique entre les USA et l’Arabie saoudite qui est due à plusieurs facteurs majeurs. On peut citer une très importante réduction des importations de pétrole brut par les USA, dont l’Arabie était le plus grand fournisseur ; le retrait du soutien américain à l’Arabie saoudite dans la guerre du Yémen et l’intention du président américain Joe Biden de sauver l’accord nucléaire avec les mollahs chiites d’Iran – ennemi juré des saoudites sunnites.

Le Royaume a très mal vécu cette triple « trahison » des américains. Le grand désaccord entre les deux pays est arrivé au point culminant avec le déclanchement de la guerre en Ukraine, quand le pouvoir saoudite été mis devant un choix existentiel : continuer à évoluer dans le sciage des USA ou rejoindre le camp de leurs adversaires majeurs qui sont la Chine et la Russie. C’est la seconde solution qui a été retenue.

Face à l’Amérique qui a négligé les intérêts stratégiques des saoudites, la Chine, tout au contraire, n’a fait que croître sa coopération avec l’Arabie saoudite. Et cette relation bilatérale ne se limite pas qu’au secteur des énergies fossiles, mais s’élargit grandement dans le domaine des infrastructures, de commerce et d’investissement. Non seulement les importants investissements chinois en Arabie sont en croissance constante et la Chine rachète aujourd’hui près d’un quart des exportations mondiales de pétrole du Royaume, mais, en contrepartie, le Fonds Souverain du Royaume envisage de commencer à réaliser d’importants investissements dans des entreprises chinoises de secteurs stratégiques.

Parallèlement, un accord de coopération militaire entre le Royaume saoudien et la Fédération de Russie a été signé au mois d’août 2021.

De même qu’entre la Russie et la Chine, l’Arabie saoudite a pris le chemin de la dédollarisation des échanges et des investissements dans ses relations avec les Chinois.

Les actions conjointes et synchronisées de la Russie, de la Chine et des pays de l’OPEP sur le chemin de la dédollarisation progressive ont pris de l’ampleur avec le déclanchement de la guerre en Ukraine qui a fait sauter les masques et auront, à terme, un effet d’avalanche quasi inévitable vis-à-vis de la domination monétaire américaine, car les banques centrales de nombreux pays sont incitées à repenser la logique de l’accumulation de réserves, ainsi que du bien-fondé d’investissement dans des obligations du Trésor américain.

Déclaration de guerre

La guerre sur le territoire de l’Ukraine contre la Russie et la future guerre imminente qui se prépare dans l’Asie Pacifique contre la Chine ne sont rien d’autre qu’une partie de la réaction des USA qui considèrent l’action de la Russie et de la Chine contre la domination mondiale de la monnaie américaine comme une véritable déclaration de guerre.

Et les États-Unis ont parfaitement raison de prendre cette déclaration plus qu’au sérieux, car la revente massive des bons de trésor américain jumelée avec la destitution progressive du système des pétrodollars par les puissances telles que la Russie et la Chine n’est rien d’autre que le début de la fin de l’économie américaine, telle qu’on la connait depuis la fin de la seconde guerre mondiale – début de la fin des États-Unis, tels qu’on les connait aujourd’hui.

Les pays qui ont osé par le passé mettre en danger la domination mondiale par le système monétaire américain ont payé leur audace avec un prix on ne peut plus radical.

Sauf que la Fédération de Russie, de même que la République Populaire de Chine, sont des puissances militaires qui ne peuvent, en aucun cas, être attaquées directement – ce qui vaut le suicide. Seules les guerres par procuration et les guerres hybrides peuvent être menées contre la puissance russe et la puissance chinoise.

Aujourd’hui nous sommes dans la « phase russe », demain nous serons dans la « phase chinoise ».

Il est important de souligner que la guerre en Ukraine n’est nullement la première, mais la troisième grande guerre du dollar américain, sans compter deux guerres « froides » de la monnaie américaine.

Quelles sont ces guerres, hormis celle qu’on connait aujourd’hui ?

Ce sont la guerre d’Irak et la guerre de Libye. Et les deux guerres « froides » du dollar sont les guerres contre l’Iran et contre le Venezuela.

La première grande guerre du dollar

En parlant de la première guerre du dollar qui est la guerre d’Irak, il faut mettre de côté la fameuse fiole d’anthrax imaginaire que le secrétaire d’État américain Colin Powell a brandi à l’ONU, le 5 février 2003, afin de détruire le pays et de massacrer le peuple irakien, et de rappeler les faits. Les faits qui sont très éloignés de la fantaisie américaine.

Au mois d’octobre de l’an 2000, le président irakien Saddam Hussein a fait une déclaration qu’il ne souhaite plus vendre son pétrole contre les dollars américains, mais uniquement contre les euros.

Une telle déclaration valait la signature de son arrêt de mort.

Selon une étude poussée de American Civil Liberties Union et du Fond américain de l’Independence du journalisme, qu’entre 2001 et 2003 le gouvernement américain a fait 935 déclarations mensongères concernant l’Irak, dont 260 directement par George W. Bush. Et parmi les 260 déclarations du mensonge prémédité du président américain, 232 ont été sur la présence en Irak d’armes de destruction massive inexistantes.

La fiole de Colin Powell, après 254 déclarations mensongères de ce dernier du même propos, n’a été que le point culminant d’une longue et laboureuse préparation de l’opinion publique nationale et internationale en vue d’un imminant déclanchement de l’extermination de la menace irakienne portée à la monnaie américaine.

Et, lorsqu’en février 2003, Saddam Hussein met sa « menace » à exécution en vendant plus de 3 milliards de barils de pétrole brut pour le montant de 26 milliards d’euros – un mois plus tard, les États-Unis procèdent à l’invasion et la destruction totale de l’Irak, dont on connait les conséquences tragiques avec l’anéantissement de l’intégralité de l’infrastructure du pays et tant de morts parmi la population civile.

Même à ce jour, les USA affirment fermement que cette guerre n’a strictement rien à avoir avec la volonté de l’Irak de s’affranchir du système des pétrodollars. Vu l’impunité judiciaire la plus totale des crimes contre l’humanité commis par les gouvernements successifs des États-Unis, ils ne se donnent même pas la peine de les couvrir par des récits ne serait-ce que peu crédibles aux yeux de la communauté internationale.

Les faits sont parfaitement connus et on pourrait s’en arrêter là. Mais, pour que le procédé de « défense » des intérêts américains, dont l’actuelle guerre en Ukraine soit encore plus claire, parlons également de l’avant-dernière – seconde grande guerre du dollar qui est la guerre de Libye.

La seconde grande guerre du dollar

Six années se sont écoulées depuis l’anéantissement de la menace irakienne – une nouvelle menace existentielle pour le dollar américain est apparu en la personne de celui qui a refusé de tirer la leçon du destin tragique de Saddam Hossein : Mouammar Kadafi.

En 2009, alors à la présidence de l’Union africaine, Mouammar Kadafi propose aux États du continent africain une véritable révolution monétaire qui avait toutes les chances de réussir pour changer le destin du continent et qui été accueilli avec un grand enthousiasme : se soustraire de la domination du dollar américain en créant une union monétaire africaine dans laquelle les exportations du pétrole et autres ressources naturelles africaines soient payées principalement par le dinar-or – une nouvelle monnaie à créer et qui serait fondée sur les actifs financiers et les réserves d’or des fonds souverains du continent.

Suivant l’exemple des pays arabes de l’OPEP ayant leurs propres fonds souverains pétroliers, d’autres pays africains producteurs de pétrole, commençant par les géants pétroliers et gaziers l’Angola et le Nigeria, ont lancé des processus de la création de leurs propres fonds nationaux constitués des revenus tirés des exportations pétrolières. En tout, 28 nations productrices de pétrole et de gaz africains étaient parties prenantes du projet.

Kadafi, pourtant, a commis une erreur stratégique de calcul qui a non seulement « enterré » le dinar-or, mais également lui a coûté la vie.

Il a sous-estimé le fait qu’il était totalement exclu que ce projet se réalise, d’une part, pour l’État américain et, d’autre part, pour « l’État profond » de Wall Street et de la City de Londres.

Car, non seulement il mettait en danger existentiel la monnaie américaine, mais, en plus, privait les banques new-yorkaises et de la City du brossage habituel de trillions de dollars provenant des exportations de matières premières du continent africain. Le Royaume-Uni était donc en parfaite symbiose avec les USA dans sa volonté de destruction du pouvoir-auteur de la menace.

Dès la prise de décision par des « alliés » sur la neutralisation de la nouvelle menace – ils ne se soucièrent guère du drôle de timing pour être une coïncidence aux yeux des observateurs : plus de 40 ans d’inaction face à Kadafi, arrivé au pouvoir en 1969, et, dès qu’il expose à l’Union Africaine le projet de cette révolution monétaire – une nouvelle guerre civile orchestrée par les USA se déclenche de suite.

En ayant déjà dans le passif l’invasion criminelle et la destruction de l’Irak basées sur de grossiers mensonges prémédités que l’état américain a proliféré à l’ONU en 2003 via Colin Powell sur les soi-disant armes de destruction massive détenues par Saddam Hussein, les États-Unis ne pouvaient plus se permettre de réutiliser la même technique et ont été obligés de diversifier la mise en place de l’invasion, afin de ne pas se mettre, une fois de plus, en position de criminels de guerre.

Soit, au moment quand ce nouveau « printemps arabe » est arrivé au point d’être écrasé par le pouvoir de l’État libyen – les américains, en restant dans l’ombre, utilisent les pays satellites et vassaux – la France, le Royaume-Uni et le Liban – pour déterrer de l’oubli une résolution du Conseil de sécurité des Nations unies contre la Libye datée de 1973 – vieille de plus de 35 ans – pour attaquer et détruire le pays.

La réalisation été faite en violant même leur propre résolution nouvellement adoptée : au lieu de l’instauration d’une zone d’exclusion aérienne au-dessus de la Libye prévue par la résolution, ce sont les bombardements directs des objectifs militaires au sol qui ont eu lieu. Ces bombardements ont été totalement illicites et en totale violation du droit international, car ceux qui ont voté pour l’adaptation de la résolution l’ont fait étant rassurés par les auteurs que l’objectif de l’action n’est que l’instauration d’une zone d’exclusion aérienne protégeant les civils et nullement la défaite de Kadhafi, ni la destruction de son armée.

C’est-à-dire que les USA, sous la couverture de ses pays-satellites, ont directement menti à l’ONU, une fois de plus, afin d’avoir une moindre base légale pour déclencher les hostilités et de faire par la suite ce qui était prévu d’avance : anéantir la nouvelle menace au dollar américain.

Que ce sont les USA et personne d’autre qui sont les réels auteurs de la destruction de la Libye en 2011 était un secret de polichinelle.

Et, à partir de la publication par Wikileaks de la correspondance du 2 avril 2011 entre l’ancienne secrétaire d’État américaine Hillary Clinton et son conseiller Sid Blumenthal sur le sujet, le « secret » est sorti de l’ombre : Clinton était l’élément-clé de la conspiration occidentale contre le dirigeant libyen Mouammar Kadhafi et, plus précisément, contre la nouvelle monnaie panafricaine – menace directe au dollar américain.

Blumenthal écrit à Clinton : « Selon les informations sensibles disponibles par cette source, le gouvernement de Kadhafi détient 143 tonnes d’or, et un montant similaire en argent… Cet or a été accumulé avant le courant de rébellion et était destiné à être utilisé pour établir une monnaie panafricaine basée sur le dinar-or libyen ».

Comme je l’ai mentionné auparavant, aucune guerre n’a jamais une seule raison pour être lancée. Dans le cas de la guerre contre Kadhafi cela a été de même : une des raisons-clés complémentaires était l’intérêt personnel de Hillary Rodham Clinton de jouer le rôle de « dame de fer » dans le milieu politique américain, en vue des futures élections présidentielles. Ceci était comme dire à son parti politique : « regardez : j’ai été capable d’écraser tout un pays. Ne doutez donc pas que je suis bien en capacité de mener le combat électoral ». En avril 2015 elle annonce sa candidature à la présidence et, en juillet 2016, elle est officiellement désignée comme candidate du Parti démocrate.

Dans la seconde grande guerre du dollar ce n’est pas que l’avenir de la Libye, mais l’avenir de tout le continent africain qui était mis sur l’hôtel du sacrifice pour le bien-être de l’économie américaine.

Tous ceux qui essaient de mettre en danger le système monétaire américain – doivent disparaitre, s’ils ne sont pas de taille à résister.

Néanmoins, si c’est un pays puissant qui est en cause et que l’on n’est pas en mesure de l’écraser directement, comme l’Irak et la Libye, ce sont des attaques indirectes multimodales d’envergure qui sont élaborées et lancées, restant toujours dans l’ombre, faisant passer l’agressé pour l’agresseur, dans le but d’affaiblir l’adversaire au point qu’il abandonne ses projets de « destitution » du dollar et soit obligé de se concentrer sur la résolution de problèmes nouvellement apparus.

Après la fin de la guerre en Ukraine – la troisième grande guerre du dollar américain, c’est inévitablement la quatrième grande guerre du dollar – la guerre de Chine – qui aura lieu et dont on ignore encore quelle forme précise elle prendra.

Guerre en Ukraine : Les véritables raisons du conflit (partie 3/5)

Guerre en Ukraine : Les véritables raisons du conflit (partie 1/5)

Guerre en Ukraine : Les véritables raisons du conflit (partie 2/5)

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par Oleg Nesterenko

Le second des trois piliers-porteurs sous-jacents de la guerre en Ukraine est l’affaiblissement de l’économie de l’Union européenne par le biais de la détérioration maximale des relations entre la Russie et l’Union européenne.

Les coups d’État en Ukraine

La détérioration maximale et à long terme vise les relations entre la Russie et l’Europe, surtout avec l’Allemagne qui est le point de gravité de la puissance économique européenne, dans le but de l’affaiblissement du principal concurrent direct des américains sur les marchés mondiaux qui n’est personne d’autre que l’Union européenne.

J’aimerais souligner de nullement affirmer que les zones visées par les « intérêts » américains ne présentent pas un manque de démocratie ou des libertés personnelles, en particulier celles du format occidental. Mon affirmation : la présence ou l’absence de ces nobles principes ne font guère partie des raisons des agressions américaines et ne sont que des prétextes affichés les justifiant. Il existe toute une série d’exemples plus que parlant de véritables dictatures, voir sanguinaires et porteuses de législations moyenâgeuses, qui ne sont nullement dérangées par l’occident collectif gravitant autour des USA, voir même soutenues d’une manière active pour une raison simple de leur soumission à la politique étrangère américaine.

Après avoir organisé et réalisé des coups d’état sous la couverture de « révolutions de couleur » : en Yougoslavie en l’an 2000 et en Géorgie en 2003 – la révolution « orange » a été orchestrée par les USA en Ukraine, en 2004, afin d’y faire tomber le pouvoir de la droite modérée majoritairement pro-russe et d’y créer « l’anti-Russie », d’instaurer un nouveau pouvoir de l’extrême droite russophobe permettant d’y mener une politique répondant aux intérêts stratégiques américains.

Avec l’arrivée au pouvoir en Ukraine de Viktor Ianoukovytch, en 2010, et de sa politique globalement pro-russe, il était nécessaire de se débarrasser de ce dernier. En profitant des mouvements sociaux en 2014, les États-Unis organisent le coup d’état et remettent en place un pouvoir ultra-nationaliste foncièrement russophobe.

En parlant d’un coup d’État organisé par les USA il ne s’agit nullement d’une spéculation, mais d’un fait prouvé. Non seulement depuis le déclenchement de la guerre que nous vivons aujourd’hui plusieurs déclarations de hauts responsables américains dans ce sens ont eu lieu, mais, en revenant en 2014, nous y trouvons une preuve directe. La preuve qui est un enregistrement d’une conversation téléphonique interceptée et diffusée par les services des renseignements russes : conversation entre Victoria Nuland, sous-secrétaire d’État américaine pour l’Europe et l’Eurasie, et Geoffrey Ross Pyatt, l’ambassadeur américain en poste en Ukraine à l’époque. L’enregistrement dans lequel Nuland et Pyatt décident et distribuent les sièges au nouveau gouvernement ukrainien et qui accable directement les autorités américaines dans le coup d’État perpétré.

Les adversaires de la Russie auraient bien aimé mettre en doute l’authenticité de l’enregistrement, mais cela n’était guère possible, car Victoria Nuland a commis une très grave erreur : au lieu de nier en bloc la véracité de l’enregistrement dans lequel, entre autres, elle a insulté l’Union européenne – elle a fait des excuses officielles pour les injures qu’elle a prononcé à l’encontre de l’UE et, de ce fait, a authentifié la réalité de cette conversation.

En outre, du côté non-gouvernemental, le très controversé George Soros a déclaré, fin mai 2014, dans une interview à CNN, que la filiale de sa fondation en Ukraine « avait joué un rôle important dans les événements qui ont lieu actuellement en Ukraine ».

Les coups d’État et l’instauration en Ukraine de « l’anti-Russie », réalisés par les États-Unis, ne pouvaient ne pas déclencher des contre-mesures stratégiques par la Russie. Les contre-mesures que l’on connait depuis 2014 et dont on arrive à l’apogée en cette année 2022.

Le sabotage du spectacle des accords de Minsk

Le respect des accords de Minsk qui aurait instauré une paix durable en Ukraine serait pour les États-Unis d’Amérique une véritable catastrophe géopolitique avec des effets économiques néfastes majeur qui en découleraient. Il était donc vital de les faire échouer.

De 2015 à 2022, ni Paris, ni Berlin n’ont réussi à faire pression sur Kiev dans le format de Normandie pour que l’Ukraine accorde l’autonomie et l’amnistie au Donbass, comme ils auraient pu le faire, pour une raison simple : en la personne du nouveau président de l’Ukraine, l’oligarque Petro Porochenko, venu au pouvoir par le coup d’état de 2014, ce sont les intérêts sous-jacents des États-Unis qui y ont été représentés. Les intérêts qui se sont bien mariés avec ceux des nouvelles élites ukrainiennes.

Il était clair que si les accords de Minsk devaient être respectés, les réseaux ultra-nationalistes et néo-nazis de l’Ukraine – le « bras armé » du coup d’État piloté par les États-Unis en personne de Victoria Nuland – devait être immédiatement démantelés. Au même instant, le chef de l’organisation paramilitaire ultra-nationaliste « Secteur droit », Dmytro Yarosh, a clairement déclaré qu’il rejetait l’accord qu’il considère être une violation de la constitution ukrainienne et qu’il comptait poursuivre le combat.

Cette position des forces en croissance exponentielle des ultra-nationalistes convenait parfaitement et aux États-Unis et au président Porochenko.

Il existe un enregistrement vidéo très récent, daté du 17 novembre 2022, sur lequel l’ancien président de l’Ukraine, Petro Porochenko parle (en anglais) des accords de Minsk qui ont eu lieu en 2015. Il y avoue directement :

« Je considère que le document des accords de Minsk était un document écrit avec talent. Il me fallait les accords de Minsk, afin d’avoir au moins 4 ans et demi pour former les forces armées ukrainiennes, construire l’économie ukrainienne et entrainer les militaires ukrainiens ensemble avec l’OTAN pour créer les meilleures forces armées de l’Europe de l’Est qui seraient formées avec les standards de l’OTAN ».1

Selon cette déclaration de la personne-clé des accords de Minsk, les réels objectifs des pourparlers n’ont rien eu à avoir avec ceux affichés – recherche d’un modus vivendi – mais ont été uniquement de gagner le temps nécessaire à la préparation d’une grande guerre.

En ce qu’il concerne le récent interview sensationnelle accordée à Die Zeit par l’ex-chancelière allemande Angela Merkel – ceci n’est qu’un écho de la vérité annoncée par Porochenko. Et il serait un gage de myopie politique de dissocier les révélations de Merkel de ses propres « garanties » données au président Ianoukovitch en 2014 et qui ont été l’un des facteurs fondamentaux du succès du coup d’État en Ukraine.

Les accords de Minsk ont été, en réalité, qu’un spectacle, une mise en scène – et donc sabotés, de facto, avant même leur initiation.

Le sabotage des Nord Stream

Actuellement, les spéculations sur l’auteur des explosions sur les gazoducs russes Nord Stream dans la mer Baltique circulent. Sans même prendre en compte les déclarations non réfléchies des derniers mois émanant de divers responsables américains qui les incriminent grandement2, il faut remonter à des années auparavant, afin de constater que le sabotage de l’approvisionnement de l’Union européenne par la Russie ne fait nullement partie des opérations hâtives « dans le feu de l’action » de la guerre en cours, mais entre bien dans les objectifs stratégiques calculés de la géopolitique américaine de long terme.

C’est déjà en 2014, que dans une interview télévisée Condoleezza Rice, la secrétaire d’État américaine de l’époque, a avoué l’importance stratégique de faire réorienter les approvisionnements en gaz et en pétrole de l’Europe vers l’Amérique du Nord en coupant les gazoducs russes : « … à long terme, on veut simplement changer la structure de la dépendance énergétique. Faire dépendre davantage de la plateforme énergétique nord-américaine, de la formidable abondance de pétrole et de gaz que nous trouvons en Amérique du Nord … ».3

Avec l’explosion des gazoducs Nord Stream I et Nord Stream II l’objectif est, enfin, atteint.

Je laisse à votre jugement si c’est une coïncidence ou pas, le fait que cette déclaration de la responsable de la politique étrangère américaine a eu lieu l’année même du coup d’état en Ukraine organisé par les États-Unis – l’année de la prise du contrôle du pouvoir ukrainien par Washington D.C. – qui a mené vers la réorientation totale de la politique ukrainienne, dont on accuse aujourd’hui les conséquences.

Il est clair que, d’une part, une telle destruction n’était pas envisageable en temps de paix, quand aucune communication et conditionnement de l’opinion des masses ne pouvait permettre le moindre doute sur l’unique auteur et bénéficiaire possible d’un tel événement sans précèdent ;

d’autre part, que la mise hors service des gazoducs russes change immédiatement la structure de la dépendance énergétique européenne et la fait réorienter directement vers la plateforme énergétique nord-américaine, vu la saturation au niveau de la demande auprès des producteurs du golfe Persique.

Le pouvoir corporatif américain accède, enfin, au grand marché énergétique européen et, en même temps, décide des prix de vente qui font réguler les coûts de revient dans les industries du concurrent du vieux continent.

Une balle dans le pied

Les faits de la réalité économique sont têtus : l’un des fondements de la concurrentialité des entreprises européennes sur le marché mondial face à ses concurrents direct était, depuis des décennies, l’énergie à des prix bas livrée par la Russie et sécurisée par des contrats à long terme.

L’auto-privation, assumée par les responsables actuels des pays européens, de l’accès à cette énergie rend le sens de l’expression « se tirer une balle dans le pied » bien propre à la situation que les industries de l’UE subiront à court et moyen terme, voir à long terme, si la politique dans ce sens ne connait pas de changement radical de son vecteur.

Comme un des « effets secondaires » obtenus par les États-Unis sera la désindustrialisation partielle de l’UE qui va directement contribuer au nouveau rêve américain de la réindustrialisation du pays, en déclin depuis les années 1970, et dont la contribution sera apportée par des entreprises européennes énergivores qui ne seront plus en mesure de maintenir leurs activités au niveau habituel sur le continent européen et chercheront de nouveaux débouchés pour le développement sur le continent américain qui préservera les prix de l’accès à des énergies à des niveaux relativement modérés.

En septembre 2022, les prix à la production industrielle en Allemagne ont bondi de 45,8%, soit un record historique absolu depuis 1949, année du début des enquêtes statistiques par l’Office fédéral allemand de la statistique. Ce qu’il fallait démontrer.

Par ailleurs, le freinage constant entrepris dans les dernières années par les allemands au niveau de la quasi intégralité des accords dans le domaine de la coopération des industries de l’armement entre la France et l’Allemagne qui pourraient mener au développement significatif de l’industrie de défense européenne autonome, démontre sans nul doute possible la domination politique de l’Allemagne par les États-Unis. L’annonce faite par les allemands au déclenchement de la guerre en Ukraine d’une commande de niveau sans précèdent d’armements américains ne fait que reconfirmer la certitude.

Cette domination a mené vers plusieurs succès majeurs supplémentaires américains qui sont l’affaiblissement significatif du concurrent européen dans le domaine de l’armement ; l’élargissement du marché pour l’industrie américaine de l’armement et, surtout, la neutralisation du danger de la création d’un véritable bloc de défense européenne autonome.

Néanmoins, malgré le succès considérable dans le processus de l’affaiblissement de l’économie européenne, le parti démocrate américain, qui est historiquement un pouvoir belliqueux, a commis une erreur stratégique de refuser de suivre les préconisations de Donald Trump, disant qu’il fallait redresser les relations, faire la paix avec l’adversaire traditionnel qui est la Russie, afin que cette dernière ne soit pas un soutien significatif – énergétique et alimentaire – vis-à-vis de l’ennemi majeur des USA qui est la Chine, quand la grande confrontation aura lieu.

  1. https://www.youtube.com/watch?v=d08fnOReAbo
  2. https://www.youtube.com/watch?v=k93WTecbbks
  3. https://www.youtube.com/watch?v=7a0s_RWudjM

Guerre en Ukraine : Les véritables raisons du conflit (partie 4/5)

Guerre en Ukraine : Les véritables raisons du conflit (partie 1/5)
Guerre en Ukraine : Les véritables raisons du conflit (partie 2/5)
Guerre en Ukraine : Les véritables raisons du conflit (partie 3/5)
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par Oleg Nesterenko

La quatrième grande guerre du dollar

Le troisième pilier-porteur sous-jacent de la guerre en Ukraine est l’affaiblissement significatif de la position de la Russie dans le cadre du futur conflit face à la Chine, qui sera la quatrième grande guerre du dollar.

Objectif : l’affaiblissement de la Russie qui est le partenaire stratégique de la Chine tant dans le domaine économique, dont les deux pays ont une véritable complémentarité, tant dans le domaine politico-diplomatique et militaro-technologique. Et, malgré le maintien par la Chine du statut quo vis-à-vis de la guerre en Ukraine, à la suite de menaces directes de graves sanctions émanant de l’occident collectif dirigé par les USA, ce dernier fait un constat amer : l’alliance sino-russe n’a nullement été ébranlée.

De même que pour la guerre en Ukraine et les guerres précédemment mentionnées, il est important de faire le constat des faits qui indiquent que, d’une part, la guerre des États-Unis face à la Chine est inévitable et que, d’autre part, les véritables raisons de la future guerre sont, une fois de plus, et en grande partie dans la volonté de la RPC à se soustraire du système des pétrodollars, ce qui est un véritable casus belli « classique » du point de vue du pouvoir américain.

Plusieurs faits majeurs mettent les américains dans la nécessité d’agir d’une manière ferme, dont je peux en citer les principaux :

En 2012, la Chine commence à acheter le pétrole brut à l’Iran, en payant en yuan. À l’Iran qui déjà, depuis 2016, fait libeller ses contrats pétroliers en euro, en rejetant le dollar américain.

En 2015, la Chine lance les futures – contrats à terme sur le pétrole auprès de Shanghai Futures Exchange, qui ont pour objectif principal la réalisation des transactions via des swaps en yuan entre la Russie et la Chine et entre l’Iran et la Chine – ce qui est un nouvel élément stratégique de la géopolitique chinoise.

En 2017, la Chine avec ses importations de 8,4 millions de barils du pétrole brut par jour, devient le premier importateur mondial de pétrole brut et, parallèlement, signe un accord avec la Banque centrale de Russie, visant à acheter le pétrole russe avec la monnaie chinoise.

En 2022, comme on l’a vu précédemment, la RPC entre en accord avec l’Arabie saoudite pour les achats du pétrole en yuan.

Et ces processus, rappelons-nous, se déroulent parallèlement à la séparation lente, mais progressive des bons du Trésor américain, dont la masse détenue par la Chine a été diminuée de ¼ dans les 7 dernières années.

L’analyse des initiatives entreprises par l’Empire du Milieu dans leur politique économique étrangère de la dernière décennie démontre nettement le danger en croissance exponentielle vis-à-vis de la viabilité du modèle contemporain de l’économie américaine. Seules les mesures radicales à entreprendre par le pouvoir outre-Atlantique face à l’adversaire chinois peuvent enrayer ou, au moins, essayer d’enrayer, le processus de la fragilisation des fondations de l’économie mondiale construites par l’Amérique depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale.

Dans cette logique, l’attaque de Taïwan par la Chine est une nécessité absolue pour les États-Unis d’Amérique. Tout sera donc fait pour que cela arrive.

Néanmoins, restons réalistes : l’État américain est conscient qu’à court terme, dans les années à venir, la Chine ne représente pas de grand danger pour leur économie car,

d’une part, l’internationalisation de la monnaie chinoise est très lente : son poids dans les paiements mondiaux est inférieur à 4%, ce qui est négligeable, en vue du poids du PIB chinois. De même pour la part du yuan dans les réserves officielles mondiales qui reste très faible, inférieure à 3%, avec une progression non significative.

D’autre part, vu les quantités gigantesques des bons de Trésor américain accumulées par la banque centrale de Chine, il lui faudra un temps considérable pour s’en débarrasser.

Sans parler qu’à court et moyen terme les marchés ne présentent aucun produit de substitution crédible aux bons du Trésor américain quant à la liquidité.

Un danger existentiel

Ceci étant, les américains sont parfaitement conscients qu’à long terme, les processus en marche représentent bien un danger existentiel et, vu l’expérience des dernières décennies, il est inconcevable que les États-Unis n’entreprennent pas une frappe ou des frappes préventives stratégiques contre les auteurs de la nouvelle menace.

Le travail de longue haleine réalisé par les américains en Ukraine, afin d’y instaurer le régime politique ultra-nationaliste russophobe et d’y développer l’intégralité des éléments nécessaires à la mise de la Russie en situation de l’impossibilité de ne pas entrer en guerre, est le même travail de provocation que les USA sont en train de réaliser en Asie du sud-est vis-à-vis de Taïwan, en sabotant les espoirs d’une réunification pacifique dans le cadre de la politique de Pékin d’une seule Chine, afin que les chinois l’attaque militairement – ce qui sera en soi la réalisation d’une frappe stratégique américaine.

Le scénario est globalement similaire à celui du sabotage des accords de Minsk-II, ce qui a été l’élément clé du déclenchement de « l’agression » russe.

Avec Taïwan comme l’outil, la provocation d’une « agression injustifiée » des chinois aurait pour l’objectif primaire le déclenchement des sanctions massives de l’occident collectif qui devront faire écrouler l’économie du principal concurrent américain. Ceci est de même avec l’Ukraine comme l’outil qui a déjà fait ébranler l’économie de son second grand concurrent – l’Union européenne – par la privation de son industrie de l’alimentation en énergie russe.

L’un des éléments clés des sanctions prévues ne sera, certainement pas, une « contre-attaque » synchronisée de la coalition transatlantique, vu une réticence croissante de la vielle Europe trop éprouvée par le conflit ukrainien et trop dépendante des échanges économiques sino-européens, mais, fort probablement, le blocus énergétique de la Chine mené directement par les américains en bloquant le détroit de Malacca, dont la Chine dépend à 2/3 au niveau de ses importation de pétrole et de GNL.

Avec la guerre en Ukraine, les sanctions collectives occidentales contre la Russie ont dû jouer un rôle clé pour faire effondrer l’économie russe, afin qu’au moment du conflit futur face à la Chine elle ne pourra pas se permettre le soutien significatif de son partenaire stratégique chinois : fournir à la Chine l’énergie par la voie terrestre sous la menace de nouvelles sanctions que le pays, dont l’économie est sensée être mise à genoux, ne serait pas en mesure de supporter davantage.

Le plan primaire qui a dû fonctionner contre la Russie en quelques mois a totalement échoué à cause des éléments que les premiers mois de la guerre en Ukraine ont démontrés. L’action américaine a été donc fondamentalement revue et se base, dorénavant, sur la stratégie de l’usure à long terme.

La guerre des États-Unis contre la Chine, est-elle pour demain ?

Ayant aujourd’hui la guerre contre la « base arrière » énergétique, militaire et alimentaire de la Chine qui est la Russie, les importantes hostilités contre la Chine devraient être déclenchées à court ou moyen terme, avant que les Russes ne soient rétablis de l’affaiblissement prévu causé par le conflit ukrainien.

Mais, sans même la prise en compte de l’élément imprévu de la persistance de la résistance de l’économie russe au choc des sanctions, malgré la rhétorique belliqueuse de Washington sur la concentration des efforts pour mener les hostilités contre la Russie et la Chine simultanément, l’analyse de la planification de la défense américaine démontre qu’elle ne le permet, tout simplement pas, pour des raisons structurelles.

En 2015, la Pentagone a revu sa doctrine sur la capacité à mener deux grandes guerres simultanément, qui a dominé durant la guerre froide et jusqu’à l’année en question, au bénéfice de la concentration des moyens, afin d’assurer sa victoire dans un seul conflit majeur.

Par ailleurs, depuis le début de la guerre en Ukraine, les États-Unis ont déjà investi plus de 20 milliards de dollars pour la faire perdurer et ont envoyé vers l’Europe un supplément de 20 000 soldats, en plus du contingent déjà présent sur le vieux continent.

De l’autre côté, en ce qui concerne le soutien de Taiwan face à la Chine, les sénateurs américains sont seulement en train de discuter les aides à hauteur de 10 milliards de dollars pour les 5 années à venir. C’est-à-dire des aides 2 fois inférieures à celles que l’Ukraine a perçu en 8 mois de guerre.

Il est donc très hautement improbable que le déclenchement du conflit armé en Asie du Pacifique, du côté américain, ait lieu avant la cessation complète de la guerre en Ukraine. Sauf si c’est la Chine qui prend des initiatives, étant consciente de l’affaiblissement militaire ponctuel de son rival.

En attendant, vu la synergie sino-russe qui se reflète dans la formule chinoise « le partenariat avec la Russie n’a aucune limite », la grande volonté de « neutraliser » la Russie avant la guerre de Chine fait partie intégrante de la nouvelle doctrine qui domine les forces armées américaines depuis sept ans.

Guerre en Ukraine : Les véritables raisons du conflit (partie 5/5)

 

Guerre en Ukraine : Les véritables raisons du conflit (partie 1/5)
Guerre en Ukraine : Les véritables raisons du conflit (partie 2/5)
Guerre en Ukraine : Les véritables raisons du conflit (partie 3/5)
Guerre en Ukraine : Les véritables raisons du conflit (partie 4/5)
***

par Oleg Nesterenko

Seule la politique étrangère américaine très agressive appuyée par la domination militaire et monétaire mondiale permettent aux États-Unis d’Amérique d’occuper aujourd’hui les positions qui sont les siennes.

Tout autre État ayant perpétré ne serait-ce qu’une partie infime des exactions énumérées, non exhaustive, sur ces pages – serait classé par la « communauté internationale » réunie autour des USA en tant qu’un État criminel, un paria, et serait soumis à des embargos « légitimes » bien plus graves que ceux de la Corée du Nord, de l’Iran et de Cuba réunis.

L’Ukraine en tant qu’outil périssable

Une des raisons principales pourquoi le cours des événements n’a pas été orienté au déclenchement des hostilités russo-ukrainiennes des années auparavant, encore sous la présidence de Barak Obama, dans la période de 2014-2017, réside dans la ligne conductrice de la Maison-Blanche de cette époque qui était basée sur le postulat : la domination de l’Ukraine face à la Russie n’est pas un élément existentiel pour les USA.

Depuis Obama, la politique américaine a connu des mutations, mais, malgré les diverses déclarations, sa ligne conductrice vis-à-vis de l’Ukraine n’a nullement changé.

L’Ukraine n’est utilisé qu’en tant qu’outil périssable de l’affaiblissement de la puissance russe, comme un pays-mercenaire de l’OTAN, au moins pour la période de la confrontation future avec la Chine et, parallèlement, de la réduction au minimum des relations économiques entre la Russie et l’Europe.

Au moment venu quand le pouvoir américain considérera que le « retour sur investissement » dans la guerre en Ukraine est suffisant ou bien quand il fera le constat que la probabilité à attendre le seuil de satisfaction est trop faible – le régime de Kiev sera abandonné par les Américains. Abandonné de la même manière qu’est le régime afghan de Ghani a été abandonné et les Kurdes en Irak et en Syrie ont été abandonnés après avoir accomplis, partiellement, les missions qui leurs ont été attribuées par l’Amérique, contre la promesse de la création d’un État kurde. La promesse qui n’engageait que ceux qui l’écoutaient.

De ce fait, et vu que malgré la pression des sanctions occidentales sans précèdent la Russie dispose toujours de finances publiques saines, dette négligeable, balance commerciale excédentaire et aucun déficit budgétaire – le conflit en Ukraine ne peut ne pas être importé par les russes, dans une forme ou une autre.

De plus que, élément fondamental : pour la Fédération de Russie ceci est un élément existentiel ; pour les États-Unis d’Amérique, comme déjà mentionné, il ne l’est pas.

Post-scriptum

Les actions des États-Unis des dernières décennies, et celles qui auront, inévitablement, lieu dans les décennies à venir, sont l’expression du capitalisme dans son état pur et donc nécessairement malsain, car pour effet la provocation de dangereux mouvements tectoniques, d’un grave dérèglement, voire de la mise en péril de l’économie du marché mondial qui a pour objectif majeur la recherche de l’équilibre ; le capitalisme étant très éloigné des postulats libéraux d’Adam Smith et de ses idées quelque peu naïves sur la régulation du système capitaliste par le marché.

Les gouvernements américains successifs, étant le bras armé de « l’État profond », du pouvoir corporatif, donnent non seulement raison à Karl Marx, l’ennemi tant détesté par ces derniers, mais également et entièrement à Fernand Braudel pour qui le capitalisme est la recherche de l’affranchissement des contraintes de la concurrence, la limitation de la transparence et l’établissement des monopoles qui ne peuvent être atteints qu’avec la complicité directe de l’État.

N’étant pas un partisan des théories socialistes, encore moins communistes, en constatant le modèle économique américain d’aujourd’hui il m’est difficile, néanmoins, de ne pas leur accorder le bienfondé de leur approche du capitalisme.

La guerre en Ukraine n’est que la démonstration d’une étape intermédiaire de la lutte des États-Unis d’Amérique pour sa survie dans son état actuel qui est inconcevable sans la sauvegarde et l’élargissement des monopoles, de la domination unipolaire à l’échelle mondiale.

À ce stade de la confrontation on peut faire plusieurs constats majeurs.

La détérioration maximale des relations entre la Russie et l’Union européenne et, de ce fait, l’affaiblissement économique significatif de son concurrent direct qui est cette dernière, sont une grande réussite des États-Unis.

Pourtant, la stratégie américaine a été totalement ébranlée par deux imprévus fondamentaux interdépendants qui sont en train de changer la face du monde d’une manière irréversible :

Premièrement, la Fédération de Russie s’est montrée, d’une manière inattendue, incomparablement plus résistante qu’il était prévu à la pression économique de l’occident collectif et n’a nullement connu une très grave récession économique planifiée et même hâtivement annoncée par les responsables de cette dernière.

De ce fait, la Russie n’a pas été neutralisée dans le cadre du futur conflit des USA face à la Chine – ce qui est une défaite majeure qui a mené vers le deuxième imprévu cardinal : les États-Unis d’Amérique se sont retrouvés dans l’incapacité de fédérer autour d’eux le monde non occidental dans son projet anti-russe et ceci malgré la réalisation de pression sans précèdent.

Les événements depuis le 24 février 2022 ont produit un effet opposé : l’accélération de la décomposition du modèle du monde unipolaire de l’histoire contemporaine par la réussite de la Russie à faire face à l’occident collectif, ainsi que la génération des grandes différenciations et prises de positions, ouvertes ou dissimulées, des acteurs majeurs non occidentaux de l’économie mondiale, hormis le Japon et la Corée du Sud qui sont les satellites traditionnels de la politique américaine. Les différenciations et les positions qui sont la consolidation des fondations d’un nouveau monde multipolaire.

Ceci est la seconde défaite majeure qui, en ce qui la concerne, est une menace existentielle pour les États-Unis, car, à long terme, met en danger imminant le maintien de la domination mondiale du système monétaire américain.
L’irréversibilité du processus rend inutile une éventuelle remise à jour de la stratégie américaine vis-à-vis de l’Ukraine qui pourrait se traduire par un renforcement très significatif de l’aide militaire, de plus qu’une telle action augmentera proportionnellement les risques de frappes nucléaires sur le sol américain.

Le futur proche nous montrera quelle sera la riposte de Washington.

Oleg Nesterenko

Président du Centre de Commerce & d’Industrie Européen http://www.c-cie.eu
Spécialiste de la Russie, de la CEI et de l’Afrique subsaharienne,
Ancien directeur de l’MBA, professeur auprès des masters des Grandes Écoles de Commerce de Paris.    

'' La manière de minimiser l'efficacité de la Russie a servi la Russie"

Poutine est-il vraiment le seul responsable de la guerre ?

Source : Le Courrier des Stratèges - Par Jean Goychman - Le 19/06/2023.

Tous les soirs nous avons droit, pour ceux qui suivent les chaînes d’info, aux mêmes analyses faites par des gens qui viennent nous parler de la situation en Ukraine. Toutes vont toujours dans le même sens, qui est celui d’une instruction essentiellement à charge contre la Russie. Cela ressemble plus à de la propagande partisane qu’à de l’information objective, que nous devrions pourtant être à même d’entendre. Personnellement, je n’ai rien pour ou contre l’Ukraine ou la Russie et, pour être franc, seul le devenir de la France m’intéresse.

On nous dit, comme un leit-motiv, que l’Europe (et donc la France) doit soutenir l’Ukraine contre la Russie et que Poutine est un tyran de la pire espèce qui, si on ne l’arrête pas immédiatement, a pour projet la conquête de toute l’Europe avant de s’attaquer au reste du monde. Parmi les intervenantes fréquentes se trouve une certaine Alla Poedie dont le discours fondamentalement anti-Russe est tellement outrancier qu’il en devient inaudible.

Essayons de prendre un peu de recul par rapport à ce tumulte et regardons les choses telles qu’elles sont.

La vieille image de l’ours russe qui veut la mort de l’Occident, née essentiellement de la propagande de la guerre froide ne convainc plus personne aujourd’hui. Pourquoi la Russie de Poutine voudrait-elle s’emparer de l’Europe occidentale ? En 1945, on comprend que les troupes soviétiques soient allées à Berlin, mais elles n’ont pas été au-delà de l’Elbe et ce fut un grand moment de fraternité entre Américains et Soviétiques.

Hitler et Poutine, même combat

On fait souvent une sorte de parallèle entre Hitler et Poutine. Les situations sont différentes.

Hitler voulait imposer la domination de la race aryenne en Europe et s’est emparé du pouvoir en Allemagne dont le peuple s’était senti humilié par le traité de Versailles. De plus, il avait un besoin crucial du pétrole russe et d’autres matières premières. Le Japon s’était trouvé dans un cas analogue.

La Russie à un territoire immense et un sol qui contient tout ce dont elle a besoin. Par contre, elle a très peur de ne plus pouvoir défendre ces richesses qui peuvent être convoitées par d’autres.

L’affaire Severstal

Poutine a gardé un très mauvais souvenir de l’opération Serverstal.

Pourtant, au départ, tout allait bien. Début 2006, les gens d’Arcelor étaient d’accord, Thierry Breton avait donné son accord. La Goldman Sachs avait pris en main ce dossier de fusion-acquisition et les travaux d’approche commencèrent. Le seul rival et opposant à cette opération était Lachmi Mittal, le géant indien de l’acier. En mai 2006, l’affaire était quasiment faite. Coup de théatre, on annonce le 26 juin 2006 que Mittal s’empare d’Arcelor.

Vladimir Poutine s’est senti trahi et en a conçu un très fort ressentiment contre ces financiers sans foi ni loi prêts à faire main basse sur tout. De plus, il a découvert les liens préexistants, soigneusement occultés, entre Mittal et la Goldman Sachs ainsi que cette globalisation financière du mondialisme. Ayant perdu toute confiance en l’occident, sa politique a évoluée en conséquence.

Et ce fut loin d’être le seul cas. En réalité, ce fut un pillage organisée de la Russie, double pillage même puisqu’il fut l’œuvre de certaines « mafias » russes, qu’on appelait les « oligarques » (dont certains venaient de l’ancienne « nomenclatura » aidés par la caste financière mondialiste.

Une avancée constante de l’OTAN

Depuis 1991, l’OTAN, malgré les accords et les promesses de 1991,  a continué sa poussée vers l’Est. La carte ci-dessous compare les pays de l’OTAN entre 1998 et 2022 (document publié par Minurne le 29 mai 2022) :

Si, de plus, on rajoute la Suède et la Finlande qui se sont portées récemment candidates pour entrer dans l’OTAN, on voit que la paranoïa supposée de Poutine n’explique pas tout.

Lorsqu’en octobre1962, Le président Kennedy avait déclenché le blocus de Cuba en raison de l’installation des missiles soviétiques sur cette île qui menaçaient directement les cotes américaines, personne du monde occidental n’avait trouvé à redire et tous avaient soutenu Kennedy.

C’est pourtant avec un certain étonnement qu’on découvrit que ces missiles de Cuba étaient, de fait, la réplique à l‘installation de fusées américaines en Turquie.

Kennedy et Kroutchev ayant eu la sagesse de se mettre d’accord, la menace a pu être éloignée.

La mondialisation est un sujet d’inquiétude pour la Russie

Le peuple russe, comme beaucoup d’autres, est nationaliste. Cela veut dire qu’il est partisan du maintien des Etats-nations. La vision de l’Etat profond américain, telle qu’est est décrite par Zbignew Brzezinski en 1997 et que tout le Kremlin a lu, ne peut que les inquiéter. En 1991, la coalition contre l’Irak, à laquelle ils avaient participé en tant qu’URSS et menée par les Etats-Unis leur avait permis de se positionner comme un pays respectant le Droit et ils espéraient que cela serait pris en compte pour leurs futures relations internationales.

La suite leur a montré que seuls existaient réellement les rapports de force. Bien disposée envers l’Union européenne jusqu’à la fin du 20ème siècle, la Russie du 21ème siècle s’est rendue compte que l’Etat profond américain n’accepterait jamais qu’elle soit dans le même ensemble économique que l’Allemagne. Et cela remonte probablement à l’époque de Bismarck, bien avant la mise en place de cet Etat profond.

Le virage vers l’Asie

La route de l’Ouest étant coupée, c’est donc contraint et forcé que Poutine s’est tourné vers l’Asie.

Sur ce sujet, Hubert Védrine ne mâche pas ses mots. Même s’il critique fortement l’invasion ukrainienne, il fait la part des choses. Et nous devrions tous, nous les Européens, faire de même.

Il faut rester lucide. L’Europe fédérale, dont les mondialistes rêvent, pensant en faire l’appartement témoin du nouvel ordre mondial probablement déjà dépassé, se fera d’autant moins que, n’étant plus à une contradiction près, les dirigeants européens (dont beaucoup ne représentent qu’eux-mêmes), envisagent de faire rentrer dans l’Union Européenne des pays comme l’Ukraine dont il vantent aujourd’hui le côté « défense de la nation » alors que leur projet fédéraliste passe justement par la destruction des nations.

Le gaulliste que je suis ne peut qu’appuyer cette démarche. Mais ne soyons pas dupes, elle est purement conjoncturelle et ne sert que d’alibi pour justifier l’aide militaire apportée à l’Ukraine.

Je ne suis pas loin de penser que le sort à terme de l’Ukraine ne préoccupe guère cette caste mondialiste.

Par contre, pour ceux qui croient dans la seule forme possible d’une Europe des Patries et des Nations, il est indispensable de faire face à l’incontournable réalité. Et cette réalité, c’est que la Russie, qu’elle soit ou non dirigée par Poutine, se trouve sur le continent européen. Et c’est cette même réalité qui avait conduit de Gaulle à donner comme périmètre du projet européen qu’il défendait celui d’une « Europe de l’Atlantique à l’Oural »

Dans cette profonde réorganisation de la géopolitique planétaire que nous vivons, et qui s’oriente visiblement vers une « régionalisation des continents », la Russie est indispensable pour le futur du continent européen.

Les causes monétaires de la guerre en Ukraine

Source : Stratpol.- Le 08 mai 2022

Faisant suite à une première réponse à la tribune de Jacques Myard, voici une autre lettre d’un militaire, ancien diplomate ayant servi comme attaché de défense à Moscou, qui connait bien la Russie. Son analyse va bien au delà des motifs habituellement avancés pour expliquer ce conflit et aborde les raisons profondes de cet affrontement Occident / Russie:


Cher Monsieur le Maire,

Vous m’avez aimablement communiqué votre intéressant dernier message relatif à la guerre en Ukraine. Je vous en remercie. Voici, si vous me permettez, les réflexions qu’il m’inspire.

Vous écrivez :

La guerre en Ukraine évolue visiblement vers un affrontement direct entre la Russie et les États-Unis. Il est évident que Washington a armé depuis des années l’armée ukrainienne, formé leurs soldats, fourni tous les renseignements recueillis par la CIA et surtout par les écoutes effectuées par la NSA.”

Mais alors, pourquoi ne pas dire clairement toute la vérité, que vous faites opportunément ressortir ici, à savoir que depuis un certain temps déjà ce sont les États-Unis qui se préparent, de toute évidence comme vous le dites si bien, à la guerre contre la Russie?

Pourquoi ? Qu’est-ce que les Russes ont bien pu leur faire aux Américains pour que ceux-ci leur en veuillent à ce point, qu’ils leur en veuillent à mort, car c’est bien de cela dont il s’agit ?

Ce n’est bien évidemment pas du sort des habitants de l’Ukraine dont les Américains se préoccupent. Ils s’en moquent. Les Américains, comme toujours, ne se soucient que de leurs intérêts. Les Américains en veulent à mort à la Russie, que ce soit celle de Poutine ou celle d’un autre s’il venait à être remplacé, parce que ce pays, depuis une vingtaine d’années, a entrepris de se débarrasser de ses créances d’État en dollars.

Premier pays à l’avoir fait, d’autres, comme la Chine, étant également en train de le faire, elle s’est défaite de l’essentiel de ses bons du trésor américains, une centaine de milliards de dollars. En les remplaçant par de l’or ou d’autres devises jugées plus solides. Également, mais à un moindre degré, pour s’affranchir de l’abusive extra-territorialité de la loi américaine qui prétend s’appliquer à tout détenteur de sa monnaie de par le monde.

La Russie avait parfaitement le droit de faire cela. En 1960 le général de Gaulle, dont une resplendissante image illustre votre bureau au premier étage de votre mairie de Maisons-Laffitte, bureau que vous mettiez à ma disposition il y a quelques années quand j’y exerçais les fonctions de Conciliateur de Justice, le général de Gaulle donc, sur le conseil de Jacques Rueff, a fait exactement la même chose en exigeant de l’Amérique le remboursement en or des dollars détenus par la France (Or provenant en grande partie de la Banque de France, évacué en catastrophe par les croiseurs français au printemps 1940 en zigzaguant entre les sous-marins allemands, et qui avait servi à financer l’armement des huit divisions de la 1ère Armée de la France Libre)

La Russie a fait cela car il y a largement de quoi mettre en doute la solidité de la dette souveraine américaine, supérieure à 30.000 milliards de dollars, qui continue sans cesse de s’accroître (5 milliards par jour en moyenne), dette qui, matériellement, ne pourra jamais être remboursée en valeur. En face de cette dette, des créanciers qui tôt ou tard à l’échelle de la planète se rendront compte que leur créance sur l’Amérique est douteuse, pour ne pas dire irrécupérable.

Pour l’Amérique la volonté russe d’indépendance vis-à-vis de la monnaie américaine, car il ne s’agit pas d’autre chose, est considérée, non pas comme un geste inamical, mais comme une véritable déclaration de guerre, car c’est toute la suprématie mondiale dont l’Amérique jouit abusivement, par son dollar émis massivement sans contrepartie dont elle inonde la planète, appuyée sur une force militaire écrasante à laquelle personne n’est en mesure de s’opposer, qui est mise en cause.

Cette indépendance monétaire russe a toutes les chances de faire tache d’huile à l’échelle mondiale et pour l’Amérique c’est inacceptable. Elle a énormément à y perdre quand le monde se rendra compte qu’il est floué, abusé, volé par l’Amérique avec son dollar de papier qui ne lui coûte rien mais avec lequel elle achète tout, elle corrompt tout, elle pourrit tout.

Il faut tuer la Russie !

C’est ce que depuis plusieurs années réclament à corps et à cri nombre de personnalités américaines, membres du Congrès, gouverneurs d’État, officiers généraux. Et pas la tuer n’importe comment, mais en bombardant, au besoin, la Russie à l’arme nucléaire, carrément, et en proclamant ouvertement cette volonté dans les médias. Et cela n’émeut personne. Et cela bien avant la guerre en Ukraine. Ce sont eux qui veulent délibérément la guerre.

Trois pays, dans les décennies passées, ont essayé de se débarrasser de leurs créances sur le Trésor américain, pour la même raison, à savoir des doutes sur la solidité du dollar, en voulant simplement consolider durablement, en la convertissant notamment en or, la richesse que leur procurent leurs revenus pétroliers : l’Iran, l’Irak et la Libye. Tous les trois ont été sauvagement écrasés. Comme les Indiens d’Amérique. Face aux États-Unis, ils n’étaient pas en capacité de se défendre.

Avec la Russie, c’est différent, cette capacité, elle l’a .

Les États-Unis ne peuvent pas attaquer de front la Russie comme le souhaitaient follement certains, non seulement parce que les Russes ont des bombes atomiques plus puissantes, en plus grand nombre, portées par des missiles plus rapides, non seulement parce que les Américains seraient passés pour l’agresseur aux yeux du monde, mais parce qu’en révélant à la terre entière la cause réelle de la guerre, financière et monétaire, ils auraient sûrement accéléré le processus, pourtant de toute manière inéluctable, à terme, de dédollarisation des économies mondiales, de révélation que le dollar est intrinsèquement une imposture.

Il fallait à l’Amérique trouver un moyen de faire la guerre à la Russie, sans passer pour l’agresseur. Ce moyen, elle croit l’avoir trouvé, en fomentant sur plusieurs années l’affaire ukrainienne.

Poutine est tombé dans le piège que lui a tendu l’Amérique, en agressant un pays au motif, réel, que des populations russes y étaient non seulement maltraitées (des milliers de morts civils en huit ans), mais aussi susceptibles de l’être plus encore à brève échéance (l’armée ukrainienne massée devant les provinces séparatistes sur le point de les attaquer).

On ne va pas “vers un affrontement direct entre la Russie et les États-Unis”. Cet “affrontement direct”, on y est déjà, et ce depuis le début. C’est ça, et pas autre chose, la guerre actuelle en Ukraine.

Il est absurde, ridicule même, de réduire à la personnalité de Poutine la responsabilité de cette guerre. Si Biden décide, si rapidement, de dépenser des sommes si considérables, des dizaines de milliards de dollars, pour mener cette guerre, par Ukrainiens interposés, c’est bien parce que ce qu’il y défend autre chose, inavouable, que le sort de ces pauvres Ukrainiens. On va voir comment Poutine, soutenu par quatre-vingt-dix pour cent de la population russe, va s’en sortir.

Les informations que l’on reçoit relatives à la situation militaire sur le terrain sont contradictoires. Pour certains l’armée russe avance lentement mais sûrement en prenant des positions que les Ukrainiens ne pourront pas reprendre, pour d’autres elle s’est enlisée et face à une armée ukrainienne déterminée et très bien armée par les Occidentaux elle finira par perdre, au mieux la face, au pire tout ce qu’elle a conquis.

En fait, que la Russie fasse au final la conquête, ou non, des “républiques sécessionnistes” de l’Est de l’Ukraine, ce n’est pas l’essentiel, c’est secondaire, au regard du motif réel de la guerre. Ce motif c’est le nécessaire écrasement, la destruction de la Russie, coupable de s’être attaquée à la suprématie du dollar, outil absolu de la domination hégémonique mondiale de l’Amérique.

Et comme il n’est pas possible de réduire militairement la Russie, l’Amérique a entrepris de la réduire financièrement par cette vague ahurissante de sanctions financières et monétaires draconiennes sans limites, se voulant dévastatrices, qui s’abat sur elle en ce moment, laquelle n’a rien à voir avec la guerre militaire en Ukraine, qui n’a servi que de prétexte pour déclarer cette guerre financière.

Cette guerre financière n’est pas la conséquence de l’agression russe, c’était le but recherché en faisant tout ce qui a été possible de faire pour pousser Poutine à commettre cette agression, comme Davy Croquett, le cow-boy du XIXème siècle héros de notre enfance, excitait les Indiens afin de leur faire commettre des exactions dont ils étaient “punis” en étant tous massacrés.

Comment la Russie va-t-elle faire face à cette guerre financière? C’est ça la vraie question, plus que la guerre dans le Donbass. Toute émotion légitime suscitée par les horreurs qui s’y passent mise à part.

La Russie a de vrais atouts pour faire face à cette guerre économique et financière

Comme elle en a eu face à Napoléon qui, au prétexte d’y importer les “valeurs” de la Révolution Française (sur la Place Rouge à Moscou il y a un socle de statue, sans statue, et s’il n’y en a pas c’est parce qu’il était prévu d’y mettre celle de l’empereur qui mettrait fin au servage en Russie, et comme cet empereur c’est Napoléon, on n’y a toujours mis personne…) , cherchait à obtenir de la Russie qu’elle ne se plie pas au blocus continental décrété par les Anglais depuis leur écrasante victoire à Trafalgar. Avec les Anglo-Saxons, la guerre est toujours, de près ou de loin, économique et financière.

Comme elle a su faire face au “Barbarossa” d’Hitler parti pour y conquérir un “espace vital”, mais qu’elle a su repousser au prix de dizaines de millions de morts, civils et militaires.

La bataille du Donbass dont les medias nous montrent chaque jour les abominables images, ce n’est que la partie émergée de l’iceberg, l’autre partie étant la terrible bataille qui est engagée, quasiment à l’échelle planétaire.

Je pense que les Américains sous-estiment la capacité des Russes de résister à cette guerre qui sera longue et dure, pour tout le monde, y compris, bien évidemment, pour nous les Européens.

Il n’est pas certain que les États-Unis la gagneront, même s’ils sont les plus forts, presque en tout.

La Russie a des finances saines. Elle est peu endettée. Elle n’a pas de déficit budgétaire. Sa balance commerciale est excédentaire. Ce qui n’est pas le cas, et de loin, de tous les pays gravitant autour et sous la domination contrainte du dollar. Elle a dans à peu près tous les domaines la capacité d’être autonome, capacité renforcée au fil du temps par les “sanctions” précédentes. Sa “rupture” avec le monde, voulue par les Américains, elle l’est surtout avec les Occidentaux, eux-mêmes asservis au dollar. Les deux géants que sont la Chine et l’Inde, pour ne parler que d’eux, sont rétifs à ces “sanctions”. La communication de la Russie dans tous les domaines avec le reste du monde passera par eux, certainement, et se poursuivra, certainement aussi.

 

Espérons seulement qu’aucun des deux “fous”, Poutine et tout autant Biden, ne cédera à la tentation de recourir à l’arme nucléaire. Le pire n’est jamais sûr dit-on, heureusement.

Yves Maillard
Capitaine de vaisseau honoraire
Ancien attaché naval près l’ambassade de France à Moscou
Ingénieur en Génie Atomique (Armes)

 

 

La route vers la guerre en Ukraine : Plusieurs décennies de manipulations américaines

Source : Le Courrier des Streatèges - par Finn Andreen - Le 08/01/2025.

Alors que 2025 pourrait être une année décisive dans le conflit ukrainien, il semble pertinent de faire une chronologie des principaux événements politiques ayant mené à l’entrée des forces armées russes en Ukraine le 24 février 2022.Cette chronologie commence en 1990, mais aurait pu commencer encore plus tôt avec le soutien américain aux milices Bandera opérant en URSS dans les années 1950. Cette chronologie montre que les puissances occidentales, et en particulier Washington D.C., non seulement n’ont rien fait pour empêcher une guerre entre l’Ukraine et la Russie, mais ont fait tout ce qui était en leur pouvoir pendant plusieurs décennies pour introduire l’OTAN en Ukraine, pour obtenir un changement de régime à Kiev, et même pour provoquer une telle guerre avec la Russie.

1990-1991 : Concernant les promesses faites par les puissances occidentales à l’Union soviétique puis à la Russie concernant la non-expansion de l’OTAN. Des documents montrent désormais que:

« la fameuse assurance du secrétaire d’État James Baker « pas un pouce vers l’est » concernant l’expansion de l’OTAN lors de sa rencontre avec le dirigeant soviétique Mikhaïl Gorbatchev le 9 février 1990, faisait partie d’une cascade d’assurances sur la sécurité soviétique données par les dirigeants occidentaux à Gorbatchev et à d’autres responsables soviétiques tout au long du processus d’unification allemande en 1990 et en 1991, selon des documents américains, soviétiques, allemands, britanniques et français déclassifiés ».

 

 

James Baker et Mikhaïl Gorbatchev

1991-2014 : Pourtant, l’OTAN, avec les États-Unis comme force motrice du « moment unipolaire », s’est impliquée en Ukraine dès le début, à partir de 1991 ;le site Internet de l’OTAN décrivant ouvertement les activités de l’OTAN en Ukraine au cours des années 1990.

1991 : La Crimée ne faisait pas partie de l’Ukraine lors de la dissolution de l’Union soviétique. La Crimée est officiellement devenue une République socialiste soviétique indépendante au cours de l’année 1991, avant la dissolution de l’URSS. L’Ukraine nouvellement indépendante n’incluaitdonc pas la Crimée. Quelques années plus tard, la Crimée a été illégalement incorporée à l’Ukraine nouvellement déclarée indépendante, contre la volonté de la population locale et contre la volonté de Moscou, qui était trop faible à l’époque pour faire grand-chose à ce sujet.

24 août 1991 : L’Ukraine avait l’intention de rester neutre depuis le début ; la neutralité a été déclarée pour la première fois dans la Déclaration de souveraineté d’État de l’Ukraine, adoptée le 1er juillet 1990 : l’Ukraine a « l’intention de devenir un état neutre de façon permanente qui ne participe pas à des blocs militaires et adhère à trois principes de dénucléarisation » (Déclaration de souveraineté d’État de 1990 : art. IX). En outre, la constitution ukrainienne, qui est fondée sur la Déclaration d’indépendance du 24 août 1991, contient ces principes fondamentaux de non-coalition et de neutralité future.

5 février 1997 : George Kennan, le légendaire diplomate américain, célèbre pour son « Long Telegram » de Moscou en 1946, écrit un éditorial dans le New York Times,

« Une erreur fatale », dans lequel il déclare que « l’élargissement de l’OTAN serait l’erreur la plus fatale de la politique américaine de toute l’ère de l’après-guerre froide ».

James Matlock, le dernier ambassadeur américain en URSS, et John Gaddis , historien militaire et politologue américain, ont émis des avertissements similaires dans les années 1990.

 

9 juillet 1997 : Malgré ces avertissements publics des personnes citées ci-dessus :

« À Madrid, le 9 juillet 1997, le président ukrainien et les chefs d’État et de gouvernement de l’OTAN ont signé une Charte pour un partenariat spécifique entre l’OTAN et l’Ukraine. »

(selon le Manuel de l’OTAN 2005 )

1999 : Début de l’élargissement de l’OTAN, malgré les promesses faites à la Russie, à Eltsine et aux dirigeants russes. En 1999, la République tchèque, la Hongrie et la Pologne deviennent membres.

2004 : L’OTAN s’élargit à nouveau en ajoutant la Bulgarie, l’Estonie, la Lettonie, la Lituanie, la Roumanie, la Slovaquie et la Slovénie.

 

Les vagues d’expansion de l’OTAN vers l’Est

2004 : L’ingérence dans la politique intérieure ukrainienne commence vraiment. Les agences de renseignement américaines et les ONG s’impliquent profondément dans le processus politique ukrainien à l’approche des élections présidentielles ukrainiennes de 2004, en faisant passer la « révolution orange » et en plaçant temporairement au pouvoir à Kiev le candidat soutenu par les États-Unis, Victor Iouchtchenko. Comme le rapportait le Guardian à l’époque :

« Cette campagne est une création américaine, un exercice sophistiqué et brillamment conçu de marketing de masse et de branding occidental qui, dans quatre pays en quatre ans, a été utilisé pour tenter de sauver des élections truquées et de renverser des régimes peu recommandables. [ Elle a été ] financée et organisée par le gouvernement américain, en déployant des consultants, des sondeurs, des diplomates américains, les deux grands partis américains et des organisations non gouvernementales américaines ».

10 février 2007 : Poutine prononce son célèbre discours a la Conférence de Sécurité de Munich, devant Angela Merkel, John McCain, Condolezza Rice et de nombreux autres dirigeants occidentaux. Poutine souligna à nouveau que la Russie perçoit l’élargissement de l’OTAN vers l’Est comme une menace et laisse entendre avec force que pour la Russie, l’élargissement de l’OTAN est dirigé contre elle. Et ce, malgré toutes les promesses passées selon lesquelles l’OTAN ne s’étendrait pas au-delà de l’incorporation de l’Allemagne de l’Est dans une Allemagne unie, dans l’OTAN.

1er février 2008 : Bill Burns, directeur de la CIA sous l’administration Biden, était ambassadeur à Moscou en 2008 lorsqu’il a écrit un mémo à Washington, rendu public grâce à Wikileaks. Ce mémo, désormais célèbre, s’intitule « NYET MEANS NYET : RUSSIA’S NATO ENLARGEMENT REDLINES » (Non Signifie Non: les lignes rouges russe pour l’élargissement de l’OTAN) et explique clairement que:

« la Russie considérerait une expansion plus poussée vers l’Est comme une menace militaire potentielle » et que « la Russie craint particulièrement que les fortes divisions en Ukraine au sujet de l’adhésion à l’OTAN, une grande partie de la communauté ethnique russe étant opposée à l’adhésion, puissent conduire à une scission majeure, impliquant des violences ou, au pire, une guerre civile ».

3 avril 2008 : Malgré cet avertissement prémonitoire de Burns et de Poutine dans leur discours de Munich un an plus tôt, la décision fut néanmoins prise lors du sommet de l’OTAN à Bucarest en 2008 de mettre l’Ukraine sur la voie officielle de l’adhésion :

« L’OTAN salue les aspirations euro-atlantiques de l’Ukraine et de la Géorgie à adhérer à l’OTAN. Nous avons convenu aujourd’hui que ces pays deviendront membres de l’OTAN. Ces deux pays ont apporté de précieuses contributions aux opérations de l’Alliance. »

Le président Sarkozy et la chancelière Merkel s’y sont officieusement opposés, mais n’ont pas osé s’y opposer compte tenu de l’insistance des États-Unis à ouvrir à l’Ukraine la voie de l’adhésion. D’ailleurs, plusieurs sondages en Ukraine ont montré que jusqu’en 2013, le soutien à l’adhésion à l’OTAN parmi les Ukrainiens était faible.

21 novembre 2013 : Le mouvement Euromaïdan a démarré à cause du désaccord sur l’accord de partenariat avec l’UE. Il y avait clairement des raisons légitimes pour lesquelles Ianoukovitch était tenté d’accepter les conditions de la Russie plutôt que celles de l’UE. De plus, le terrain pour des manifestations percutantes avait déjà été préparé en raison de l’ingérence constante des États-Unis dans la politique ukrainienne depuis plus d’une décennie. En effet, en dehors de la coopération militaire naissante avec l’OTAN, Victoria Nuland, secrétaire adjointe du Bureau des affaires européennes et eurasiennes au Département d’État, a déclaré en 2013 :

« Depuis l’indépendance de l’Ukraine en 1991, les États-Unis ont soutenu les Ukrainiens dans le développement de leurs compétences et de leurs institutions démocratiques, dans la promotion de la participation civique et de la bonne gouvernance, autant de conditions préalables pour que l’Ukraine réalise ses aspirations européennes. Nous avons investi plus de 5 milliards de dollars pour aider l’Ukraine à atteindre ces objectifs et d’autres qui garantiront une Ukraine sûre, prospère et démocratique. »

28 janvier 2014 : Un enregistrement d’une conversation téléphonique du 28 janvier 2014, désormais célèbre pour le« Fuck the EU », entre Nuland et l’ambassadeur américain en Ukraine Geoffrey Pyatt, a été publié sur YouTube (probablement enregistré et divulgué par les services secrets russes), au cours de laquelle ils décidaient entre eux qui ils voulaient voir servir dans le prochain gouvernement ukrainien (!). Cela a confirmé que les États-Unis étaient profondément impliqués dans le coup d’État qui a conduit un mois plus tard au renversement du président démocratiquement élu (bien que corrompu, bien sûr) Ianoukovitch et du gouvernement ukrainien. Cela a également été confirmé par toute l’aide financière accordée aux groupes d’opposition et aux organisations de défense des droits de l’homme au fil des ans, mentionnée ci-dessus. Le directeur de Stratfor, George Friedman, qui a des liens avec la communauté du renseignement américain, n’a pas caché son inquiétude :

« La Russie qualifie les événements qui ont eu lieu au début de cette année de coup d’État organisé par les États-Unis. Et c’était vraiment le coup d’État le plus flagrant de l’histoire. »

 

Vicky Nuland distribue des biscuits sur la place Maidan en 2014

20 février 2014 : C’est ce jour-là que le plus grand nombre de tirs de snipers a eu lieu sur le Maïdan. Il a été démontré et M. Kachanovski a conclu que

« les manifestants de Maïdan ont été massacrés par des tireurs d’élite postés dans un bâtiment contrôlé par Maïdan. […] Contrairement au récit dominant des médias occidentaux, une chaîne de télévision allemande ARD a présenté des preuves montrant que des tireurs d’élite étaient basés à l’hôtel Ukraina et que l’enquête gouvernementale avait été manipulée. Un rapport d’enquête de la BBC a présenté des preuves similaires, ainsi que les aveux d’un des tireurs d’élite de Maïdan qui avait tiré sur la police depuis le Conservatoire de musique. Par la suite, plusieurs autres manifestants de la société d’extrême droite Maïdan ont admis dans les médias ukrainiens et sur les réseaux sociaux avoir tiré et tué la police. »

21 février 2014 : Une délégation de responsables européens arrive à Kiev pour servir de médiateur dans les négociations et mettre un terme à la confrontation sur la place Maïdan. Le président Ianoukovitch signe ce jour-là avec les dirigeants de l’opposition l’ accord sur le règlement de la crise politique en Ukraine, garanti par le ministre allemand des Affaires étrangères Frank-Walter Steinmeier, le ministre polonais des Affaires étrangères Radosław Sikorski et le représentant du ministère français des Affaires étrangères Eric Fournier. Le document prévoit des élections présidentielles anticipées et une restriction substantielle du pouvoir présidentiel. Ianoukovitch a en effet accepté toutes les demandes de l’opposition.

22 février 2014 : Pourtant, l’organisation néonazie « Secteur droit » a dénoncé le document signé 24 heures plus tôt. Elle exigeait la démission immédiate de Ianoukovitch et la dissolution de la Verkhovnaïa Rada, faute de quoi elle attaquerait la présidence et le Parlement. Selon d’anciens responsables ukrainiens, une force spéciale a été chargée d’éliminer physiquement le président Ianoukovitch. Craignant pour sa vie, il a fui le territoire ukrainien pour la Russie dans la nuit du 22 février 2014. Au même moment, des militants d’Euromaïdan dirigés par « Secteur droit » ont pris d’assaut les bâtiments gouvernementaux, dont la présidence, la Verkhovnaïa Rada, le Cabinet et le ministère de l’Intérieur. Les « garants » européens ont gardé le silence sur la violation du document qu’ils avaient garanti moins de 24 heures plus tôt…

2014 : L’armement et l’entraînement militaire de l’Ukraine par les États-Unis ont commencé immédiatement, bien que secrètement sous la présidence d’Obama. Le secrétaire général de l’OTAN, Jens Stoltenberg, a admis en février 2023 ce qui suit :

« L’autre chose que je dirai, c’est que la guerre n’a pas commencé en février de l’année dernière. La guerre a commencé en 2014. Et depuis 2014, les alliés de l’OTAN ont fourni un soutien à l’Ukraine, avec des formations, avec des équipements, de sorte que les forces armées ukrainiennes étaient beaucoup plus fortes en 2022 qu’elles ne l’étaient en 2020 et en 2014. »

12 février 2015 : Les accords de Minsk II ont été signés ce jour. Mais en raison du manque de volonté et d’initiative de l’Ukraine et de ses garants occidentaux pour les mettre en œuvre, rien ne s’est passé pendant des années, notamment en ce qui concerne l’octroi d’une plus grande autonomie aux deux régions du Donbass. En particulier, le point 11 des accords de Minsk II exigeait que l’Ukraine procède à :

« Une réforme constitutionnelle en Ukraine, avec une nouvelle constitution devant entrer en vigueur d’ici la fin 2015, dont l’élément clé est la décentralisation (en tenant compte des particularités de certains districts des régions de Donetsk et de Louhansk, convenues avec les représentants de ces districts), ainsi que l’approbation d’une législation permanente sur le statut spécial de certains districts des régions de Donetsk et de Louhansk conformément aux mesures énoncées dans la note de bas de page ci-jointe (en annexe) d’ici la fin 2015. »

La France et l’Allemagne ont traîné des pieds, tout comme l’Ukraine. En fait, Porochenko, Merkel et Hollande ont tous deux admis publiquement, sans vergogne, que les accords de Minsk II avaient été signés avec la Russie pour permettre à l’Ukraine de gagner du temps afin de se réarmer. Par exemple, Hollande a déclaré :

« Depuis 2014, l’Ukraine a renforcé sa posture militaire. En effet, l’armée ukrainienne était complètement différente de celle de 2014. Elle était mieux entraînée et mieux équipée. C’est le mérite des accords de Minsk d’avoir donné cette opportunité à l’armée ukrainienne. »

Mars 2021 : Zelensky annonce officiellement que l’Ukraine va tenter de reprendre la Crimée par la force (décret 117 du 24 mars 2021). La Russie réagit en déployant des troupes à la frontière, en guise de dissuasion.

16 juin 2021 : Le sommet de Genève a lieu entre Biden et Poutine ce jour. Lorsque Biden a pris ses fonctions en 2021, ses conseillers lui ont assuré qu’il pourrait jouer sur la peur de la Russie envers la Chine (!) et tenter de séparer les deux nations, afin de rapprocher la Russie de l’Occident. C’était la stratégie principale du sommet de Genève pour les américains, mais elle n’a pas fonctionné, comme on aurait dû le comprendre à l’époque. La stratégie américaine a été clairement exposée lorsque Biden a exposé ce qu’il avait dit à Poutine à Genève. De retour à Washington, Biden a déclaré, invraisemblablement :

« La Russie est dans une situation très, très difficile en ce moment. Elle est écrasée par la Chine . »

Mais il n’y avait en réalité aucun fondement à un tel commentaire.

Sommet de Genève, 2021

Août 2021 : Cette nouvelle stratégie américaine sous Biden, tentée sans succès envers Poutine par le président Biden en juin à Genève, a été exprimée de manière très détaillée dans un long article du National Interest par Wess Mitchell en août 2021.

Sept. 2021 : À l’été 2021, après l’échec de la réunion de Genève de 2021, l’idée s’est formée à Washington d’infliger une défaite stratégique à la Russie en Ukraine, de changer complètement le gouvernement de Moscou si possible, car le Kremlin refusait de « coopérer ». Au minimum, l’idée était de forcer, après une telle défaite, la Russie à s’aligner sur Washington et à s’éloigner de la Chine. Cela explique aussi le retrait rapide et précipité des États-Unis d’Afghanistan au cours de l’été 2021. Comme l’ a indiqué le secrétaire d’État Blinken en septembre 2021, ce retrait s’inscrivait clairement dans la perspective d’une guerre à venir avec la Russie :

« Il n’y a rien que des concurrents stratégiques comme la Chine et la Russie – ou des adversaires comme l’Iran et la Corée du Nord – auraient plus souhaité que les États-Unis relancent une guerre de 20 ans et restent embourbés en Afghanistan pendant une décennie supplémentaire. »

Été et automne 2021 : Poutine et Xi ont passé le reste de l’année 2021 à tenter de dissuader Biden de son idée de « pression chinoise » sur la Russie : ce n’était pas une pression, ont-ils essayé de rassurer, mais une relation fraternelle. Cet effort mutuel a culminé lors d’un sommet virtuel Xi-Poutine le 15 décembre 2021.

15 décembre 2021 : sommet virtuel entre Xi et Poutine. Lors de cet appel, Xi a notamment déclaré :

« Les relations sino-russes constituent un modèle de collaboration internationale au 21eme siècle, soutenant fermement la position de la Chine sur la sauvegarde de ses intérêts fondamentaux et s’opposant fermement aux tentatives de créer un fossé entre nos deux pays. »

17 décembre 2021 : La Russie envoie aux États-Unis et à l’OTAN des propositions d’accord sur les futurs arrangements sécuritaires en Europe.L’article 4 de la proposition était la suivante :

« Les Etats-Unis d’Amérique s’engageront à empêcher un nouvel élargissement vers l’Est de l’Organisation du Traité de l’Atlantique Nord et à refuser l’adhésion à l’Alliance aux Etats de l’ex-Union des Républiques socialistes soviétiques. »

Aucune réponse sérieuse n’a été donnée par l’OTAN, les documents ont été rejetés d’emblée, Washington réitérant simplement que la politique de porte ouverte à l’OTAN sera maintenue.

Automne et début de l’hiver 2021 : Les expéditions d’armes offensives en provenance des États-Unis ont augmenté pendant cette période et les préparatifs de sanctions par l’Occident étaient en cours bien avant le 24 février 2022.

Déc. 2021 : Lors d’une conversation téléphonique le 30 décembre 2021, Biden a assuré à Poutine que « Washington n’a pas l’intention de déployer des armes de frappe offensives en Ukraine ». Ceci a donné une lueur d’espoir aux russes.

Décembre 2021, janvier 2022 : Le président russe Poutine , le ministre des Affaires étrangères Lavrov et le vice-ministre des Affaires étrangères Ryabov ont tous deux averti officiellement, pendant plusieurs semaines, que la Russie prendrait certaines mesures militaro-techniques si la voie tracée par l’Occident pour l’Ukraine, y compris l’adhésion à l’OTAN, n’était pas arrêtée. Pourtant, cela n’a suscité aucune réaction de la part de Washington.

Janvier 2022 : Le ministre russe des Affaires étrangères Lavrov a révélé que lors de sa rencontre avec son homologue, le secrétaire d’État Antony Blinken, à Genève en janvier 2022, Blinken avait affirmé qu’il n’avait pas entendu parler de l’engagement pris par Biden auprès de Poutine le 30 décembre 2021 de ne pas déployer d’armes de frappe offensives en Ukraine. Blinken a plutôt insisté sur le fait qu’à moyen terme, des missiles pourraient bien être déployés par les États-Unis en Ukraine, et seulement que les États-Unis seraient prêts à en limiter le nombre, a déclaré Lavrov. C’est probablement à ce moment-là que les Russes ont décidé que la guerre dans le Donbass était inévitable, et que la Russie devait donc frapper en premier.

4 février 2022 : rencontre Poutine-Xi aux Jeux olympiques de Pékin, où Xi aurait vraisemblablement demandé à Poutine de ne lancer l’opération militaire spéciale en Ukraine qu’après la fin des Jeux olympiques de Pékin (cérémonie de clôture le 20 février 2022, la Russie est entrée en Ukraine le 24 février 2022).

16 février 2022 : l’Ukraine commence à bombarder le Donbass , en violation flagrante des accords de Minsk II. Les bombardements sont multipliés par 30 du côté ukrainien vers le côté Donbass, par rapport à la moyenne précédente (selon l’OSCE). Washington vide son ambassade à Kiev.

18 février 2022 : Zelensky fait des déclarations lors de la Conférence de Munich sur la sécurité, selon lesquelles l’Ukraine souhaite à nouveau acquérir des armes nucléaires, malgré le fait que ces armes nucléaires des années 1990 étaient soviétiques, puis russes, hébergées sur le sol ukrainien – mais jamais ukrainiennes (de plus, Kiev n’avait pas les codes de lancement). Les Russes ont noté qu’aucune résistance n’est venue des dirigeants occidentaux présents.

21 février 2022 : Les Jeux olympiques d’hiver de Pékin se terminent la veille. La Russie reconnaît ce jour l’indépendance de la DNR et de la LRN (qu’elles réclamaient depuis 2015), puis signe avec elles des traités d’amitié, assurant une sécurité mutuelle.

24 février 2022 : l’armée russe avec les milices du Donbass (DNR et LNR) entre en Ukraine ; le conflit ukrainien commence.

27 février 2022 : Trois jours plus tard seulement, un premier accord est conclu entre la Russie et l’Ukraine pour mener des négociations visant à mettre fin aux hostilités au plus vite.

Mars et début avril 2022 : les négociations entre la Russie et l’Ukraine aboutissent à un projet d’accord qui consiste sauvegarde la neutralité de l’Ukraine à l’OTAN (mais pas de demande d’annexion du Donbass par la Russie), et les deux parties estiment qu’un règlement est proche. Mais l’accord de principe est sabordé par les Occidentaux (Washington et la Grande-Bretagne, mais la France et l’Allemagne sont au courant) lorsque le Premier ministre britannique Boris Johnson se rend à Kiev au nom de Washington, rencontre Zelensky le 9 avril 2022, et lui suggère fortement (ou lui dit) d’arrêter toute négociation avec la Russie, en lui promettant un « soutien indéfectible » du Royaume-Uni et de l’Occident. Cela a été confirmé par le négociateur en chef de l’Ukraine, David Arakhamia, mais aussi par l’ancien Premier ministre israélien Naftali Bennett, le ministre turc des Affaires étrangères, ainsi que par le témoignage de l’ambassadeur de Suisse en Turquie.

 

 

Russie agressive, Occident provocateur :

Les origines de la guerre d'Ukraine

par Georges-Henri Soutou

 

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