Le septième scénario a-t-il commencé ?

...par Stratediplo - Le 26/04/2020.

 

 

 De formation militaire, financière et diplomatique, s'appuie sur une trentaine d'années d'investigations en sciences sociales et relations internationales.


Comme dans le Septième Scénario, un accrochage accidentel entre une voiture de police et une motocyclette de diversité semble avoir déclenché, ou été pris comme prétexte à déclencher, un embrasement de voitures nôtres et de cocktails molotov autres, dans un certain nombre de zones de droit distinct.

 

Un an après cette étude, Obertone avait obtenu un énorme succès avec une fiction qui démarrait plus rapidement, sur un incident plus meurtrier. Puis la réalité dépassait la fiction, avec l'incinération impunie d'une voiture de police équipage inclus, et avec la visite de soutien d'un président de la république au chevet d'un criminel soulevant les soulèvements par de feintes douleurs au siège.

 

En ce début 2020, les privilèges (étymologiquement lois spécifiques) des populations des zones de droit distinct, au cas où elles auraient eu des doutes et des hésitations, ont été renforcés. D'abord le gouvernement a toléré les raids d'approvisionnement sanitaire lancés par les enclaves sur les zones voisines. Alors que dans les Etats de droit la police sait suivre les consommateurs de drogue jusqu'aux revendeurs de rue, suivre ceux-ci jusqu'aux grossistes, remonter les filières jusqu'aux pourvoyeurs et enfin intervenir contre les producteurs ou importateurs, on a décidé de laisser librement distribuer ou vendre les masques et le gel hydroalcoolique volés, sans rechercher ou arrêter les bandes spécialisées dans le cambriolage des pharmacies et les grandes oreilles spécialisées dans la détection des livraisons à venir. Enfin, le surlendemain de l'imposition du confinement dans les zones de droit français, le ministère de l'intérieur, par la voix de Laurent Nunez (le ú et le ñ ne sont pas français, contrairement au ö de Sarközy de Nagy-Bocsa), a bien expliqué aux préfets que le confinement et les fermetures de commerces ne s'appliquaient pas aux zones de droit non français, et par la suite les préfets ont annulé tous les arrêtés municipaux de couvre-feu ou autres mesures confinatoires touchant ces zones. Plus récemment, au moment même où le gouvernement marocain instaure un couvre-feu nocturne pour la durée du ramdam, le gouvernement français confirme l'exemption de confinement pour la minorité mahométane et l'autorisation des festivités familiales et tribales du ramdam, et rappelle l'interdiction de la messe de la majorité chrétienne même à huis clos avec trois paroissiens.

 

Ainsi les enclaves de l'Oumma en France se sont vues attribuer l'autonomie sans avoir besoin d'arracher l'indépendance. Les subventions coulent à flots, des programmes spécifiques d'occupation voire d'enseignement particulier à distance sont proposés alors que le droit à l'éducation est bafoué pour les élèves des zones légalistes, et en cas d'engorgement hospitalier les ressortissants des enclaves sont évacués vers les hôpitaux des régions où les services d'urgence sont moins sollicités, soit parce que l'épidémie y est moins répandue pour l'instant, soit parce que le rivotriage en amont y allonge les vieux ailleurs que sur des lits de soins.

 

La presse du monde entier, sauf la française, fait des gros titres sur la guerre civile de basse intensité dans les zones allogènes de France, mais le gouvernement assure qu'il ne s'y passe rien qu'il considèrerait anormal, les incendies de voitures privées et de commissariats de police étant considérés comme la norme en vigueur dans ces zones. Les services publics d'incendie et de secours appliquent la consigne de ne plus faire incursion dans les enclaves, sauf nécessité dûment justifiée (pas feux de biens mais personne en danger réel) et accompagnée d'une demande d'escorte policière. La police, pour sa part, a reçu l'ordre formel "d'éviter le contact", c'est-à-dire de se retirer devant toute avance hostile. Afin de dissuader les tentations de zèle les services publics sont tenus de se présenter à visage découvert dans les territoires insurgés, donc, pour les fonctionnaires qui se seraient personnellement équipés pour leurs interventions en zones contrôlées, de se découvrir en geste de docilité et vulnérabilité lorsqu'ils entrent dans les zones incontrôlées.

 

Moyennant toutes ces concessions unilatérales, dont la contrepartie est un renforcement de l'oppression et de la répression des citoyens et de la pratique religieuse dans les territoires loyalistes afin de conserver un semblant de crédibilité à l'autorité de l'Etat, les spécialistes en sécurité assurent que seule une petite minorité des territoires séparés sont en insurrection ouverte, et que celle-ci vise seulement le retrait définitif des services publics autres que, pour l'instant, médicaux masculins. La situation est indiscutablement moins sévère qu'en novembre 2005, et on assure que c'est durable, que ce n'est pas par défaut d'une autorité coordinatrice, mais que c'est une politique déterminée de l'archipel d'enclaves.

 

Pour comparer la situation actuelle avec le début des deux livres cités ci-dessus il faut prendre en compte leur genre particulier.

 

Guérilla est un roman qui se veut une illustration de ce qui peut arriver, désormais à tout moment. Conçu comme un signal d'alarme il déroule les événements selon le calendrier du pire plausible, car en cas de rétablissement de l'ordre au troisième jour il n'y aurait plus matière à exposé. Mais cela ne signifie pas que tout accrochage de la sorte (certes Obertone en met en scène un gros) entraînerait le même enchaînement, d'ailleurs il y a régulièrement des accrochages sans conséquences, ou modestes, ou comme celles d'aujourd'hui, et il est impossible de prédire lors d'un accrochage s'il sera celui fatal, que le gouvernement essaie aujourd'hui d'éviter en prônant la retraite policière systématique.

 

Le Septième Scénario est un travail d'état-major selon les méthodes de planification stratégique et de raisonnement tactique, présentant des cas plausibles suffisamment typés pour justifier l'application des moyens et des modes d'action dont on souhaite étudier l'adéquation. Là non plus il n'implique pas que tout incident de cet ordre (l'accrochage accidentel entre une voiture de police et une motocyclette de la diversité) dans une ville d'un million d'habitants au nom d'origine grec coincée entre la mer, les collines et une zone d'obédience distincte représentant un tiers de sa population, entraînerait nécessairement l'enchaînement présenté. Précisément, on a choisi arbitrairement cette configuration géographique parce que c'est la présence d'une population otage, de plusieurs centaines de milliers de citoyens loyalistes, qui justifie la décision politique de percer le barrage qui se dit étranger, afin de sauver la population coincée entre celui-ci et la mer. Au surplus rien ne dit que face à la même situation le gouvernement actuel ne choisirait pas d'évacuer ses ressortissants par voie maritime sans toucher à la zone insurgée, ou d'imposer aux loyalistes le sort que le même régime a imposé aux Oranais en juillet 1962, ou de capturer le chef de l'insurrection par un coup de main héliporté... mais alors il n'y aurait plus matière à étude, aussi a-t-on délibérément choisi l'enchaînement qui permettait d'étudier les capacités actuelles des forces de l'ordre et de l'armée.

 

En l'occurrence, tant que le gouvernement assure le privilège d'extra-territorialité (qui semble être son choix irréversible) et que le pays peut offrir la perfusion économique (qui finira par peser très lourd), les enclaves n'ont aucune raison d'exiger l'indépendance. Une escalade fortuite est toujours possible, mais aucune nécessité causale n'assure que tel incident entraînera forcément tel enchaînement.

 

La probabilité d'occurrence du Septième Scénario (www.lulu.com/fr/shop/stratediplo/le-septième-scénario/paperback/product-22330739.html) a été estimée comme forte entre 2020 et 2025 (et quasiment certaine d'ici 2035), mais rien ne dit qu'il vienne de commencer.

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