Promotion "Nouveau Bahut" - 1945/1947.

A la recherche de son école.

par le GBR Robert Blin (Nouveau Bahut) - le 22/08/2016.

 

 

Issue du premier concours d’après-guerre en septembre 1945,  la promotion « Nouveau Bahut » connut les premiers aléas dès son recrutement à la caserne  Desjardins à Angers le 26 novembre 1945.

 Mutisme total sur son avenir : L’Ecole de Saint-Cyr n’existait plus.  Occupée par les troupes allemandes elle avait été entièrement détruite par les bombardements alliés avant la libération de Paris. Les Armées se réorganisaient, particulièrement l’Armée de Terre qui devait retrouver son unité et faire face à ses nouvelles missions avec des moyens appauvris.

Incorporés, habillés et constitués en deux compagnies les 270 admis au concours de Saint-Cyr de 1945 effectuèrent leur premier défilé pour la célébration du 2S en s’efforçant de se montrer dignes dans leurs uniformes.  

Ignorant totalement leur avenir ils apprirent qu’ils étaient destinés à un stage de formation au grade de sergent de trois mois au camp du Ruchard. Le 15 décembre, transportées en camions les deux unités de Cyrards débarquèrent dans ce camp situé entre Azay-le-Rideau et Chinon.  Une lueur d’espoir s’alluma dans tous les cœurs lorsque fut annoncée la présence prochaine de certains des Grands Anciens de la promotion « la Croix de Provence ». Après des circuits différents depuis la fermeture de l’Ecole repliée à Aix en Provence en 1943,  ceux-ci devaient se joindre aux jeunes bazars pour leur transmettre les traditions et l’esprit des Saint-Cyr. Lueur d’espoir car un lien semblait s’établir avec le passé glorieux de l’Ecole dont l’implantation demeurait encore incertaine.

 

Le séjour dans les landes du camp du Ruchard fut une période exceptionnelle dans l’histoire de la Promotion. Celle-ci sortit du stage, durcie, modelée, soudée et animée d’un esprit de dépassement dans le droit fil de l’esprit saint-cyrien. Elle n’en était pas pour autant rassurée sur son avenir.

En ce début de l’année 1946, le Général de Gaulle quittait le gouvernement en désaccord avec les partis politiques au sujet de la nouvelle constitution. La France était à nouveau livrée au régime des partis mais aussi à la pression grandissante du mouvement communiste.

Les problèmes politiques pouvaient sans doute expliquer l’isolement sur les bords de la Vienne des admis au concours de Saint-Cyr. Cependant, grâce à l’encadrement par une élite d’officiers, tous les moyens furent mis en œuvre pour assurer une instruction et un entraînement intensifs et réalistes dans des conditions éprouvantes et exaltantes.

Hors des heures de service, des Anciens des promotions précédentes prirent le temps de « bahuter » les bazars selon les bons usages en vigueur à Saint-Cyr. Par ailleurs le cadre de vie contribua pour une grande part à la cohésion et à la fraternité de la promotion naissante. Les trois mois se passèrent en pleine nature, loin  de tout centre urbain, avec pour logement des baraquements sommaires.

 

Si les Anciens s’évertuaient à forger les caractères en faisant subir les pires avanies,  d’autres s’employaient à élever les esprits aux grandes vertus militaires. La grande manœuvre du 30 janvier s’acheva à Chinon où la promotion défila, la tête haute mais en tenue crottée, sous le regard des villageois et gagna les hauteurs en direction du château.

Le commandant de Tarlé qui présidait à la formation des élèves-officiers avait choisi ce site historique de la France profonde pour remettre les fanions aux deux compagnies face au détachement des Anciens en grand uniforme de Saint-Cyrien. Tandis que les plumes des casoars flottaient dans le vent et que le soleil descendait sur l’horizon, la voix du Commandant de Tarlé s’éleva dans un grand silence :  « J’ai choisi ce paysage parce qu’il faut parfois de grands horizons pour donner libre cours à la pensée. J’ai aussi choisi ce site parce qu’ici Jeanne d’Arc a commencé sa mission comme vous-mêmes, aujourd’hui, vous entrez dans la carrière au service de la Patrie. Animée par sa foi en Dieu, son idéal d’amour pour la France, sa fidélité au  Roi, elle a marché vers son but malgré les embûches, les trahisons ourdies par de bas politiciens et malgré la mort. Vous aussi, vous entamez le long chemin difficile des élites et il vous faudra conserver votre idéal de  Saint-Cyrien malgré tous les obstacles qui vous seront opposés aujourd’hui et demain. Que ces fanions soient le symbole de votre unité ! Ils sont d’azur comme la pureté; l’un est rayé d’une bande rouge, c’est le sang de vos Anciens qui ont fait l’histoire de France ».

 

De retour au camp et après des conférences enrichissantes prononcées par des orateurs de choix, la promotion fut considérée suffisamment forgée pour recevoir non seulement le galon de sergent mais aussi les casoars. Cette dernière cérémonie fut organisée dans la plus stricte intimité par les Anciens avant leur départ en Corps de Troupes.

Ces survivants des combats et même des camps de concentration, avaient bien mérité d’avoir passé le flambeau.

Le 14 février,  le Colonel de Ligny, commandant du camp d’instruction, adressa un dernier message aux Jeunes et aux Anciens réunis sur la place d’armes pour la descente des couleurs : « En créant l’Ecole Militaire Interarmes de Coëtquidan, certains ont pu croire ou souhaiter que l’Ecole Spéciale Militaire de Saint-Cyr fût définitivement morte. Comme vous le constatez, il n’en est rien. Ici même, dans ces landes en bordure de la Loire, Saint-Cyr est ressuscité. Il a brillé d’une nouvelle flamme à l’écart des regards indiscrets mais aux tréfonds de l’âme de vos promotions. J’adresse mes adieux aux Anciens très bahutés de « La Croix de Provence »,  de « La Veille au Drapeau », et de « La Rome et Strasbourg » et je dis aux bazars d’hier, aujourd’hui élèves-officiers de première année : Souvenez-vous des jours vécus au camp de Ruchard ».

 

En attendant l’entrée à l’Ecole de Coëtquidan promise pour la fin de l’année 1946, la Promotion connut une succession de stages des plus variés. Si celui effectué en Corps de Troupes fut valorisant par l’instruction des conscrits de la classe 46, les autres apparurent comme un véritable détour surprenant dans le cursus de la promotion.  Strasbourg puis Rouffach accueillirent les élèves-officiers saint-cyriens. Ces centres faisaient partie des écoles de cadres créés par la 1ère Armée au cours de sa remontée victorieuse vers l’Alsace et sa traversée du Rhin.

Le Général de Lattre avait mis tous ses espoirs dans ces centres pour intégrer les combattants des Forces Françaises Libres et former des élèves-officiers sélectionnés dans les régiments. A Strasbourg on ne parlait que de la « Nouvelle Armée Française » dont le Général de Lattre de Tassigny, Inspecteur Général de l’Armée, contrôlait l’organisation et l’instruction selon des normes nouvelles où le sport tenait la première place.

La venue de la promotion créa un malaise car pour l’encadrement de ces Ecoles, Saint-Cyr n’existait plus et ne représentait plus qu’un passé révolu. Il fallut toute l’énergie du Bureau pour faire valoir l’ identité de la Promotion, et surtout la compréhension et la diplomatie du Général, pour nous faire reconnaître au Ministère de la Guerre dans nos droits.

Réunie à Rouffach la promotion fut admise comme un cas particulier et confiée à un encadrement de choix dont le chef, un polytechnicien, sut redonner un nouvel élan à chacun des sergents saint-cyriens.

 

Le Général de Lattre de Tassigny suivit avec affection la fin de la formation de la Promotion  au cours des derniers mois de l’année 1946. Pour lui, à Coëtquidan, la promotion des Saint-Cyriens devait devenir comme « le levain dans la pâte » au milieu des autres élèves-officiers admis à l’Ecole Militaire Interarmes.

Là il ne tenait qu’à la Promotion née au camp du Ruchard  de transmettre l’esprit et les traditions de Saint-Cyr. Au cours d’une de ses dernières causeries avec la Promotion il déclara : « Je tiens à l’Ecole de Saint-Cyr, parce que l’Ecole Spéciale Militaire  appartient aux richesses qui ont contribué à la grandeur de la France. Si vous le voulez, Coëtquidan sera bientôt Saint-Cyr »

 

Le 14 janvier 1947,  les élèves-officiers admis au concours de Saint-Cyr de 1945 entraient à l’Ecole de Coëtquidan qui deviendra la nouvelle Ecole de Saint-Cyr sous l’appellation de « Ecole Spéciale Militaire Interarmes ». Ils seront amalgamés aux élèves-officiers Corps de Troupes formant une nouvelle Promotion de près de 800 aspirants à l’épaulette.

 

                                                                          GBR  BLIN  Robert  (Nouveau Bahut)

 

    


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Commentaires: 6
  • #1

    Gay (samedi, 22 août 2020 00:47)

    Bonsoir
    Je recherche un élève de la promotion le nouveau bahut, Capitaine mort en opération en 1949 dont le prénom était Pierre, auparavant appartenant aux forces alliés il était basé à Baden Baden Merci à qui m’aidera à retrouver ce valeureux officier.
    François Gay
    cfg92@orange.fr

  • #2

    Général B. Pâris (samedi, 22 août 2020 16:58)

    Un seul officier est susceptible de correspondre mais il ne peut pas avoir atteint le grade de capitaine en 1949. Il s'agit du sous-lieutenant Pierre MENTIGNY, né le 23.12.1923 et tué le 6 décembre 1949 à Cho Bo (Tonkin).<br>Pierre Mentigny intègre la 8° série de l'EMIA-Coëtquidan avec le grade de maréchal des logis et rejoint la 6/3. Il choisit l'infanterie.
    Puis il part en Indochine rejoindre le 5° R.E.I. dans lequel il sert comme chef de section à la 4° compagnie (1° bataillon). Il trouve la mort entre Sy Yut et Cho Bo au Tonkin.
    "Magnifique chef de section de F.V. qui avait déja fait preuve des plus belles qualités de courage et d'allant, notamment le 29 novembre 1949 lors de l'accrochage de Lang-Lon (région de Cho-Bo - Tonkin) ou il avait entrainé sa section a l'assaut des rebelles déterminés et bien armés, récupérant un fusil. - Le 6 décembre 1949, commandant la section de tête de sa compagnie, est tombé dans une tres forte embuscade a Mo-Em (région de Su-Yut - Tonkin). Malgré le feu de plusieurs armes automatiques, s'est dressé pour entrainer ses hommes a l'attaque - atteint de plusieurs balles, n'a plus été revu de ses légionnaires."<br>
    B. Pâris, archiviste de la Saint-Cyrienne.
    Pour votre info, je viens de terminer un livre sur Cyr pendant la guerre (parution début novembre) et un chapitre entier est consacré à la "Nouveau Bahut". La souscription est possible dès à présent.

  • #3

    Gay François (lundi, 24 août 2020)

    Bonjour Mon Général,
    Je vous remercie du soin que vous avez porté, à me répondre.
    Avez vous la possibilité de me transmettre une photo du lieutenant Pierre Mensigny ? Il devait être grand avec les yeux bleus. (Si c’est lui?)
    Avez vous la possibilité de vérifier qu’il fut bien basé à Baden Baden entre 1947-1949 juste avant son départ en Indochine ?
    J’ai commandé dans le cadre de mes recherches l’ouvrage Promotion Indochine 1946-1947, ce livre le sera t il utile, y a t il des photos ? Profane, je cherche et parfois qui cherche trouve ..
    Grand merci pour vos actions présentes et à venir
    Très Cdt
    François Gay
    PS : si c’est le cas, c’est avec plaisir que je souscrirais à votre ouvrage de mémoire.

  • #4

    BAYART Edith (vendredi, 28 août 2020)

    Bonjour Général,
    Comment s'appelle votre livre et comment pourra t'on se le procurer ? Il est fort possible qu'il intéresse ma mère, veuve du lieutenant colonel Paul Bayart. Je suis en train d'essayer de retracer la carrière de mon père, et d'après mon frère, il a fait partie de la promotion Nouveau Bahut, mais il y a une discordance de date entre l'année indiquée par mon frère et celles de la promotion Nouveau Bahut. Si vous savez me dire quoi que ce soit sur la carrière de mon père, je suis preneuse. J'ai écrit au service des Archives de l'armée, mais n'en ai pas eu de réponse.
    Bien cordialement

  • #5

    tournier patrick (vendredi, 01 janvier 2021 16:17)

    bonjour, je recherche un lieutenant serpaggi qui avait ce grade en 1951. cordialement
    tournier.patrick@laposte.net

  • #6

    BERTON (lundi, 22 mars 2021 22:31)

    Très intéressée de lire ce livre sur st Cyr et la promotion nouveau bahut qui sauf erreur fut celle de mon papa jean Stanislas Boof