Consultant politique, président-fondateur du Réseau Voltaireet de la conférence Axis for Peace.
Dernier ouvrage en français : L’Effroyable imposture : Tome 2, Manipulations et désinformations (éd. JP Bertand, 2007).
Nos articles précédents sur le président Trump ont soulevé de vives réactions de nos lecteurs. Certains s’interrogent sur la naïveté dont ferait preuve Thierry
Meyssan malgré les mises en garde de la presse internationale et l’accumulation de signaux négatifs. Voici sa réponse, argumentée comme toujours.
Deux semaines après son investiture, la presse atlantiste poursuit son œuvre de désinformation et d’agitation contre le nouveau président états-unien. Celui-ci et
ses premiers collaborateurs multiplient des déclarations et des gestes apparemment contradictoires, de sorte qu’il est difficile de comprendre ce qui se passe à Washington.
La campagne anti-Trump
La mauvaise foi de la presse atlantiste se vérifie sur chacun de ses quatre thèmes principaux.
1. Concernant le début du démantèlement de l’Obamacare (20 janvier), force est de constater que, contrairement à ce que prétend la presse atlantiste, les
classes défavorisées qui devaient profiter de ce dispositif l’ont massivement boudé. Cette forme de « sécurité sociale » s’est avérée trop coûteuse et trop directive pour séduire.
Seules les compagnies privées gérant ce système en ont été pleinement satisfaites.
2. Concernant la prolongation du Mur à la frontière mexicaine (23-25 janvier), il n’y a rien de xénophobe là-dedans : le Secure Fence Act a été
signé par le président George W. Bush qui en a débuté la construction. Celle-ci a été poursuivie par le président Barack Obama avec l’appui du gouvernement mexicain de l’époque. Au-delà de la
rhétorique à la mode sur les « murs » et les « ponts », les dispositifs de frontières renforcées ne fonctionnent que lorsque les autorités des deux côtés s’accordent à les
rendre opérationnels. Ils échouent toujours lorsque l’une des parties s’y oppose. L’intérêt des États-Unis est de contrôler les entrées de migrants, celui du Mexique est de stopper les
importations d’armement. Rien de cela n’a changé. Cependant, avec l’application du Traité de libre-échange nord-américain (Nafta), des sociétés transnationales ont délocalisé des États-Unis vers
le Mexique, non seulement des emplois sans qualification (conformément à la règle marxiste de la « baisse tendancielle du taux de profit »), mais aussi des emplois qualifiés qu’elles
font exercés par des ouvriers sous-payés (« dumping social »). L’apparition de ces emplois à provoqué un fort exode rural, déstructurant la société mexicaine, sur le modèle de ce
qui s’est passé au XIXème siècle en Europe. Les transnationales ont alors abaissé les salaires, plongeant dans la pauvreté une partie de la population mexicaine ; laquelle ne rêve plus que
d’être payée correctement aux États-Unis mêmes. Donald Trump ayant annoncé qu’il allait retirer la signature US du Nafta, les choses devraient rentrer dans l’ordre dans les années à venir et
satisfaire à la fois les Mexicains et les États-uniens [1].
3. Concernant l’interruption volontaire de grossesse (IVG) (23 janvier), le président Trump a interdit le versement de subventions fédérales aux associations
spécialisées qui reçoivent des fonds de l’étranger. Ce faisant, il a mis en demeure les associations visées de choisir soit entre leur objet social d’aide aux femmes en détresse, soit d’être
payées par George Soros pour manifester contre lui —comme ce fut le cas, le 21 janvier—. Ce décret n’a donc aucun rapport avec l’IVG, mais avec la prévention d’une « révolution
colorée ».
4. Concernant les décrets anti-immigration (25-27 janvier), Donald Trump a annoncé qu’il allait appliquer la loi —héritée de l’ère Obama—, c’est-à-dire
expulser les 11 millions d’étrangers en situation irrégulière. Il a suspendu les aides fédérales aux villes qui ont annoncé refuser d’appliquer la loi —où trouvera-t-on des femmes de ménage, s’il
faut les déclarer ?—. Il a précisé que parmi ces illégaux, il allait commencer par expulser les 800 000 criminels qui ont fait l’objet de condamnations pénales, aux États-Unis, au
Mexique ou ailleurs. En outre, pour prévenir l’arrivée de terroristes, il a suspendu toutes les autorisations d’immigrer aux États-Unis et a interdit pour trois mois les personnes originaires de
pays où il est impossible de vérifier leur identité et leur situation. Il n’a pas lui-même établi la liste de ces pays, mais a renvoyé à un texte précédent du président Obama. Par exemple, ici en
Syrie, il n’y a plus ni ambassade, ni consulat états-unien. D’un point de vue de police administrative, il est donc logique de placer les Syriens sur cette liste. Au demeurant, cela ne peut
concerner que des flux minimes de personnes. En 2015, seuls 145 Syriens ont obtenu la « carte verte » états-unienne. Conscient des nombreux cas particuliers qui pourraient
surgir, le décret présidentiel a donné toute liberté au département d’État et au département de la Sécurité de la Patrie (Homeland Security) pour accorder des dispenses. Le fait que l’application
de ces décrets ait été sabotée par des fonctionnaires opposés au président Trump qui les ont appliqués avec brutalité ne fait pas de ce dernier ni un raciste, ni un islamophobe.
La campagne conduite par la presse atlantiste contre Donald Trump est donc infondée. Prétendre qu’il a ouvert une guerre contre les musulmans, évoquer publiquement
sa possible destitution, voire son assassinat, ce n’est plus de la mauvaise foi ; c’est de la propagande de guerre.
L’objectif de Donald Trump
Donald Trump fut la première personnalité au monde à contester la version officielle des attentats du 11-Septembre, le jour même à la télévision. Après avoir
rappelé que les ingénieurs ayant construit les Twin Tower travaillaient désormais pour lui, il déclara sur le Canal 9 de New York qu’il était impossible que des Boeing aient traversé
les tours malgré les structures en acier. Il poursuivit en constatant qu’il était également impossible que des Boeing aient provoqué l’effondrement des tours. Il conclut en affirmant qu’il devait
y avoir d’autres facteurs alors inconnus.
Depuis cette date, Donald Trump n’a eu de cesse de résister à ceux qui avaient commis ces crimes. Lors de son discours inaugural, il a souligné qu’il ne s’agissait
pas d’un passage de pouvoir entre deux administrations, mais d’une restitution du pouvoir au peuple états-unien qui en avait été privé [depuis 16 ans] [2].
Durant sa campagne électorale, à nouveau durant la période de transition, et depuis sa prise de fonction, il a répété que le système impérial des dernières années
n’a pas profité aux États-uniens, mais à une petite clique dont Madame Clinton est la figure emblématique. Il a déclaré que les États-Unis ne chercheraient plus à être les « premiers »,
mais les « meilleurs ». Ses slogans sont : « L’Amérique grande à nouveau » (America great again) et « L’Amérique d’abord » (America first).
Ce virage politique à 180° bouscule un système mis en place durant les 16 dernières années et qui trouve son origine dans la Guerre froide voulue par les seuls
États-Unis en 1947. Ce système a gangrené de nombreuses institutions internationales, telles que l’Otan (Jens Stoltenberg et le général Curtis Scaparrotti), l’Union européenne (Federica
Mogherini), et les Nations unies (Jeffrey Feltman [3]).
Si Donald Trump y parvient, réussir cet objectif lui demandera des années.
Vers le démantèlement pacifique de l’Empire états-unien
En deux semaines, beaucoup de choses ont commencé, souvent dans la plus grande discrétion. Les déclarations tonitruantes du président Trump et de son équipe ont
volontairement semé la confusion et lui ont permis de faire confirmer les nominations de ses collaborateurs par un Congrès partiellement hostile.
Comprenons que c’est une guerre à mort qui a commencé à Washington entre deux systèmes. Laissons donc la presse atlantiste commenter les propos souvent
contradictoires et incohérents des uns et des autres, et attachons-nous aux seuls faits.
Avant toutes choses, Donald Trump s’est assuré de contrôler les organes de sécurité. Ses trois premières nominations (le conseiller de Sécurité nationale Michael
Flynn, le secrétaire à la Défense James Mattis et le secrétaire à la Sécurité de la Patrie John Kelly) sont trois généraux qui ont contesté le « gouvernement de continuité » dès
2003 [4]. Puis, il a réformé le Conseil de Sécurité nationale pour en exclure le chef d’état-major interarmées et le directeur de la CIA [5].
Même si ce dernier décret devrait être amendé, il ne l’est toujours pas. Notons au passage que nous avions annoncé la volonté de Donald Trump et du général Flynn de
supprimer la fonction de directeur du Renseignement national [6]. Pourtant celle-ci a été maintenue et Dan Coats y a été nommé. Il s’avère qu’il s’agissait d’une tactique pour prétendre que
la présence du directeur du Renseignement national dans ce Conseil suffisait à justifier l’exclusion du directeur de la CIA.
La substitution du « meilleur » au « premier » conduit à engager un partenariat avec la Russie et la Chine plutôt que de tenter de les
écraser.
Pour empêcher cette politique, les amis de Mesdames Clinton et Nuland ont relancé la guerre contre le Donbass. Les pertes importantes qu’ils ont subi depuis le
début ont conduit l’armée ukrainienne à se retirer et à placer les milices paramilitaires nazies en première ligne. Les combats ont infligé de lourdes pertes civiles aux habitants de la nouvelle
République populaire. Simultanément, au Proche-Orient, ils sont parvenus à livrer des blindés aux kurdes syriens comme prévu par l’administration Obama.
Pour résoudre le conflit ukrainien, Donald Trump cherche un moyen d’aider à éjecter le président Petro Porochenko. Il a donc reçu à la Maison-Blanche le chef de son
opposition, Ioulia Tymochenko, avant même d’accepter une communication téléphonique du président Porochenko.
En Syrie et en Irak, Donald Trump a déjà débuté les actions communes avec la Russie, même si son porte-parole le nie. Le ministère russe de la Défense qui l’avait
imprudemment révélé a cessé de communiquer à ce sujet. Washington a révélé à l’état-major russe les emplacements des bunkers des jihadistes dans le gouvernorat de Deir ez-Zor. Ceux-ci ont été
détruits cette semaine avec des bombes pénétrantes.
Vis-à-vis de Beijing, le président Trump a mis fin à la participation états-unienne au Traité trans-Pacifique (TPP) ; un traité qui avait été conçu contre la
Chine. Durant la période de transition, il a reçu la seconde fortune chinoise, Jack Ma (l’homme qui affirme : « Personne ne vous a volé de jobs, vous dépensez trop en guerres »).
On sait que les discussions ont porté sur la possible adhésion de Washington à la Banque asiatique d’investissement pour les infrastructures. Si tel devait être le cas, les États-Unis
accepteraient de coopérer avec la Chine plutôt que de l’entraver. Ils participeraient à la construction des deux routes de la soie, ce qui rendrait inutiles les guerres du Donbass et de
Syrie.
En matière financière, le président Trump a commencé le démantèlement de la loi Dodd-Frank qui avait tenté de résoudre la crise de 2008 en prévenant la faillite
brutale de grandes banques (« too big to fail »). Bien que cette loi ait des aspects positifs (elle fait 2 300 pages), elle institue une tutelle du Trésor sur les banques, ce
qui freine évidemment leur développement. Donald Trump s’apprêterait également à restaurer la distinction entre les banques de dépôts et celles d’investissement (Glass-Steagall Act).
Enfin, le nettoyage des institutions internationales a également commencé. La nouvelle ambassadrice à l’Onu, Nikki Haley, a demandé un audit des 16 missions de
« maintien de la paix ». Elle a fait savoir qu’elle entendait mettre un terme à celles qui paraîtraient inefficaces. C’est au regard de la Charte des Nations unies, le cas de toutes
sans exception. En effet, les fondateurs de l’Organisation n’avaient pas prévu ce type de déploiement militaire (aujourd’hui plus de 100 000 hommes). L’Onu a été créée pour prévenir ou
résoudre des conflits entre États (et jamais intra-étatiques). Lorsque deux parties concluent un cessez-le-feu, l’Organisation peut déployer des observateurs pour vérifier le respect de cet
accord. Au contraire, les opérations de « maintien de la paix » visent à imposer le respect d’une solution imposée par le Conseil de sécurité et refusée par une des parties au
conflit ; c’est en réalité la poursuite du colonialisme.
Dans la pratique, la présence de ces forces ne fait que prolonger le conflit, tandis que leur absence ne change rien à la donne. Par exemple, les troupes de la
Finul déployées à la frontière israélo-libanaise, mais uniquement en territoire libanais, ne préviennent ni une action militaire israélienne, ni une action militaire de la Résistance libanaise,
ainsi qu’on l’a déjà plusieurs fois expérimenté. Elles servent juste à espionner les Libanais pour le compte des Israéliens, donc à faire durer le conflit. De même, les troupes de la Fnuod,
déployées à la ligne de démarcation du Golan en ont été chassées par Al-Qaïda sans que cela change quoi que ce soit au conflit israélo-syrien. Mettre fin à ce système, c’est donc revenir à
l’esprit et à la lettre de la Charte, renoncer aux privilèges coloniaux, et pacifier le monde.
Derrière les polémiques médiatiques, les manifestations de rues, et les affrontements politiciens, le président Trump maintient son cap.
Thierry Meyssan
[1] « Derrière le Mur bi-partisan », par Manlio
Dinucci, Traduction Marie-Ange Patrizio, Il Manifesto (Italie) , Réseau Voltaire, 28 janvier 2017.
Qui utilise la presse et la Justice contre Trump & Fillon ?
par Thierry Meyssan - le 11/02/2107.
Comment ne pas être frappé par la
ressemblance entre les campagnes visant à abattre Donald Trump et François Fillon ? Comment ne pas observer que ces deux hommes, à la personnalité et à l’idéologie fort différentes, menacent
les mêmes intérêts ?
Simultanément de très vastes campagnes de presse se développent dans le monde occidental à la fois contre le président états-unien Donald Trump et, à une moindre
échelle, contre un candidat à l’élection présidentielle française, François Fillon.
Le premier est accusé d’être un suprémacisme blanc irresponsable ; le second est accusé d’avoir commis ce qui est décrit comme une faute morale non sanctionnée
par la loi.
Jamais, il y a seulement un an, on aurait pu imaginer de telles campagnes contre un ancien Premier ministre français et plus encore contre le président en exercice
des États-Unis d’Amérique.
Ces campagnes déclinent les dix arguments traditionnels de la propagande de guerre, tels qu’observés en 1928 par Lord Arthur Ponsonby (Falsehood in
Wartime) puis précisés par le professeur Anne Morelli (Principes élémentaires de propagande de guerre) :
Nous déplorons cet affrontement avec un président en exercice (USA) et durant une campagne présidentielle (France).
- MM. Trump & Fillon sont les seuls responsables de ce qui arrive.
- MM. Trump & Fillon sont des personnalités dangereuses.
- Nous défendons une noble cause, celle des principes de notre Constitution (USA) et celle de l’égalité (France), tandis que MM. Trump & Fillon ne
se préoccupent que de leur fortune personnelle.
- MM. Trump & Fillon se comportent très mal. Le premier s’en prend aux musulmans, le second est un voleur. Certes, nous avons nous aussi commis des
erreurs, mais pas du tout à la même échelle.
- MM. Trump & Fillon utilisent des méthodes non orthodoxes.
- MM. Trump & Fillon sont en déroute. Le premier vient d’être désavoué par les tribunaux fédéraux, le second par les sondages.
- Les artistes et intellectuels partagent notre indignation.
- Notre cause a un caractère sacré.
- Ceux qui mettent en doute nos médias ne sont ni de vrais « Américains », ni de vrais Français.
Dans les deux cas, cette campagne s’accompagne d’actions judiciaires vouées à l’échec. La première vise à invalider un décret relatif
à l’immigration bien que celui-ci soit parfaitement légal et constitutionnel, la seconde à justifier des investigations policières alors que la cible n’est
suspectée d’aucun manquement à la loi.
Ces actions prospèrent contre toute logique.
Qui est en mesure d’actionner à la fois les médias et la Justice ?
Compte-tenu du caractère international de ces campagnes, il est clair que leurs commanditaires ne réagissent pas à des enjeux
nationaux et ne sont pas eux-mêmes de simples États-uniens ou Français.
Dans les années précédentes, de telles campagnes ont eu lieu à l’instigation de l’Otan. Les plus récentes visaient la République arabe syrienne. Cependant rien ne
permet d’accuser cette fois l’Otan d’agir contre la Maison-Blanche, ni de perturber l’élection présidentielle française.
Outre l’hypothèse de l’Otan comme donneur d’ordre, on peut imaginer une coalition d’intérêts financiers transnationaux capable
d’influer sur les quelques magnats de la presse ; l’effet grégaire provoquant le reste pour entraîner les autres médias.
Le New York Times sonne l’halali : Donald Trump s’apprête à interdire les Frères musulmans
Quels intérêts se sentent-ils menacés par ces deux hommes au point d’organiser de telles campagnes ?
Le seul point commun entre MM. Trump et Fillon est de vouloir mettre fin à l’impérialisme en substituant, partout où cela
est possible, de la coopération à de l’affrontement.
Si bien d’autres responsables politiques dans le monde défendent cet objectif, MM. Trump et Fillon sont les seuls à aller au bout de cette logique. Selon eux,
il ne sera pas possible de restaurer la paix et la prospérité sans en finir d’abord avec l’instrumentation du terrorisme islamique, sans libérer le monde musulman de l’emprise des jihadistes, et
sans aller jusqu’à attaquer la matrice du terrorisme : les Frères musulmans.
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