France-Russie : une diplomatie pathétique


Le 29/05/2015 par Caroline Galactéros.



Que diable sommes-nous allés faire dans cette galère diplomatique ? L’affaire de nos navires BPC (bâtiments de projection et de commandement) promis à la Russie, payés par elle, puis subitement confisqués au nom du dossier ukrainien prend un tour tragi-comique. Notre image en sort affaiblie, voire ridiculisée.

Après avoir suspendu la livraison du Vladivostok et du Sébastopol sine die, croyant avec une naïveté confondante que cela pousserait Vladimir Poutine à résipiscence, voilà que nous mégotons sur le remboursement de « la douloureuse » et entendons même faire partager à Moscou le fardeau financier de notre mauvaise manière. Un comble ! Non contents d’avoir bafoué notre signature et de calibrer notre politique étrangère sur des considérations de l’ordre du prêchi-prêcha, nous passons pour des avaricieux ! La Russie s’opposant manifestement à bon droit à la réexportation de ces bâtiments à d’autres acquéreurs, on parle désormais de les couler purement et simplement, option prétendument la moins « coûteuse » !

Il n’y a pas que les euros sonnants et trébuchants qui comptent. Le coût symbolique d’un tel geste pour notre pays serait considérable. On ne peut que s’émouvoir des ravages de la pensée comptable sur la politique étrangère et de défense de la France. Il est vrai qu’il a fallu l’horreur d’une vague d’attentats à Paris pour que l’on se résolve enfin à poser en urgence et a minima quelques rustines sur notre budget de la défense.

Aveuglement

Car qu’a-t-on gagné dans ce jeu de dupes ? La Russie, même si elle ne nous accable pas publiquement, nous méprise plus encore pour notre faiblesse et notre docilité vis-à-vis de Washington et de nos bonnes consciences domestiques qui donnent des leçons à peu de frais. Cela n’a pas un instant modifié le comportement de Moscou vis-à-vis de Kiev. En revanche, on peut craindre que cela ait renforcé sa détermination à exercer sa capacité de nuisance sur d’autres sujets autrement plus inquiétants pour notre sécurité que sont l’accord avec l’Iran, la situation en Syrie et en Irak, ou d’une manière générale la lutte contre l’islamisme. Sans parler des coins que la Russie enfonce de plus en plus ouvertement au cœur même de l’Union européenne, en direction de certains jeunes membres, comme la Bulgarie ou la République tchèque, qui sont certes économiquement dépendants d’elle, mais aussi séduits par la cohérence de l’affirmation politique et culturelle de Moscou ainsi que par sa résilience sociale aux coups de boutoir occidentaux.

L’autre avanie, encore plus contre-productive en termes tactiques comme stratégiques, fut notre absence aux cérémonies du 9 mai célébrant la victoire soviétique dans ce que les Russes appellent « la grande guerre patriotique ». Tout a déjà été dit et regretté sur l’absence de mémoire, de considération pour la victoire commune, de fidélité due à l’alliance passée. Vladimir Poutine a organisé une démonstration éclatante de la puissance renaissante russe et au lieu de n’y voir qu’une démonstration de force prétendument menaçante, on aurait pu y reconnaître le symbole d’une puissance inquiète mais déterminée, qui refuse de se soumettre à nos diktats moralisants, et pathétiques d’impuissance.

La Chine, l’Inde ne s’y sont pas trompées et les absences, notamment américaine et française, à ces cérémonies, marquent, à leur satisfaction discrète, notre aveuglement sur la réalité d’un rapport de force qui se reconfigure à nos dépens. Il ne suffit pas de bouder ou de taper du pied rageusement pour s’affirmer.



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