Quels enseignements des opérations terrestres israéliennes dans la bande de Gaza ?

- par le Général d'armée Pierre SCHILL - CEMAT

 Source : Linkedin - Le 06/12/2023.

Les images qui nous parviennent du Levant sont de différents ordres : Impressionnantes, terribles, choquantes.
Le choc des images ne doit pourtant pas empêcher le militaire de procéder à une analyse objective dans l’intérêt du retour d’expériences et d’adaptations futures. Notre responsabilité est d’être prêts.
 
A ce stade, je retiens ce qui suit des opérations terrestres israéliennes :

➡ la capacité à mobiliser rapidement une réserve conséquente fournit la masse nécessaire à des opérations sur plusieurs fronts (majeur, secondaire et territorial) tout en étant de nature à fédérer la nation ;

➡ l’asymétrie des conflits n’a pas disparu. Il faut conserver la capacité à agir selon les modalités particulières de la guerre « du fort au faible », face à des ennemis toujours inventifs pour contourner notre puissance ;

➡ les combats urbains ont une grammaire propre qu’il faut maîtriser. Elle repose principalement sur la force morale, un entraînement continu et une coopération interarmes adaptée. N’oublions pas qu’en 2050, 7 personnes sur 10 dans le monde vivront en milieu urbain ;

➡ au 20 novembre, Israël reconnaît plus d’une soixantaine de tués dans la bande de Gaza. Si on extrapole, le nombre de blessés doit être compris entre 300 et 500. Cela requiert résilience des unités au contact et déploiement d’une chaîne santé adaptée et efficace, capable d’un engagement au plus proche des contacts. Toute armée digne de ce nom doit à ses soldats de prendre soin d’eux quand ils sont blessés, de leur dépouille quand ils sont tués - et de leur souvenir par la suite ;

➡ le rôle du militaire est principalement d’apporter de la liberté d’action au décideur pour élargir le champ politique des possibles. Dans toute décision d’engagement de la force, le fait militaire ne peut à lui seul obtenir l’effet politique recherché. A l’inverse, l’emploi de la force est dicté au moins autant par son impact potentiel sur le plan politique que par l’effet tactique recherché. L’articulation politico-militaire de la décision doit donc permettre cette définition de la stratégie, dans laquelle s’inscrit l’action tactique ;

➡ un dernier enseignement, peut-être le plus important : La dureté des images vient percuter de plein front notre humanité. Elle nous rappelle que malgré tous les efforts consentis depuis plusieurs siècles pour circonscrire et encadrer l’usage de la violence, l’homme reste un loup pour l’homme. La guerre comme moyen de règlement des différends a moins que jamais disparu. Au contraire, on assiste au retour de la guerre ouverte, dure, sans concession, imposant à toute nation de disposer de capacités à se défendre et de cultiver sa détermination à le faire.