...par le Gal. Dominique Delawarde - Le 13/08/2020.
Bonjour à tous,
Retour à la géopolitique avec un des sujets les plus préoccupants du moment: l'OTAN et la Défense
Européenne.
Chacun doit avoir conscience qu'en ce moment même le projet de réactualisation du concept stratégique de
l'OTAN est en cours d'élaboration. Ce concept définira très clairement les nouveaux centres d'intérêt de l'alliance ce qui veut dire, en clair, les nouveaux adversaires et les nouveaux axes d'ingérence de l'Alliance
Atlantique dans les affaires
du monde. Ces ingérences sont rarement pacifiques et pourraient nous entraîner, sous des prétextes
fallacieux, dans des conflits qui ne sont dans l'intérêt de personne.
Dans sa lettre d'information que je vous transmets, Hajnalka Vincze, cofondatrice d'IVERIS (Institut de
veille et d'étude des Relations Internationales et Stratégiques) et spécialiste de la Relation
transatlantique nous donne accès à 5 articles (et 1 vidéo) qu'elle a publiés récemment sur son site
personnel. Ces articles peuvent tous être rediffusés par toutes les voies possibles (Mails, Blogs, Sites de réinformation si, bien sûr, vous les trouvez intéressants. Ils rencontrent généralement un grand
succès.
Ses écrits ou propos sont toujours des documents de référence, très clairs et remarquablement rédigés, pour
qui souhaite enrichir sa culture sur l'actualité de l'Alliance et de la relation transatlantique. Je les recommande en lecture aux élus, aux étudiants en relations internationales,
aux militaires, aux enseignants, mais aussi à tous les citoyens éclairés cherchant à approfondir leurs
connaissances sur le sujet.
Ils sont publiés en 3 langues: Français, anglais et ....Hongrois.
Hongroise de naissance, ayant longuement étudié en France, Hajnalka Vincze réside et travaille aujourd'hui
aux USA.
Sur le même sujet, je recommande aussi la lecture de trois livres complémentaires qui doivent permettre à
chacun de se forger des convictions sur le sujet de l'OTAN.
Le plus récent, rédigé par un auteur liégeois, publié en juin dernier et traduit en une dizaine de langue a
déjà un retentissement international.
Son titre ? "Les crimes de l'OTAN: plaidoyer pour les victimes". Il est présenté sur de
nombreux sites français et étrangers dont celui-ci:
Le 2ème livre est plus ancien (nov 2017) mais toujours d'une actualité brûlante. Il a été rédigé par un
historien Suisse : Daniele Ganser.
Traduit en plusieurs langues, il a eu, lui aussi, un retentissement international.
Son titre ? "Les Guerres illégales de l'OTAN : Chronique de Cuba à la
Syrie". Facile à lire, très riche en pièces à conviction, ce livre a été plébiscité par 98% des lecteurs sur Google. Il est
classé 5
Extrait: "Derrière les beaux discours sur « l’autonomie stratégique », la mise en œuvre oppose, comme toujours, le gaullisme résiduel de Paris à l’opinion majoritaire des
partenaires qui tiennent à préserver, littéralement à tout prix, la primauté de l’Alliance atlantique. Jusqu’ici rien de nouveau. Sauf que la position française oscille – au
pire moment, lorsque tous les événements la confortent pourtant – entre deux approches. Entre « intransigeance sur les principes » et « composer avec le réel », elle espère
pouvoir ménager la chèvre et le chou. Autrement dit : avancer vers l’objectif d’émancipation européenne sans trop heurter le tropisme atlantiste-otanien de ses partenaires de
l’UE – ce qui équivaut à la quadrature du cercle. Cette démarche a conduit à une extraordinaire confusion dans le discours du président Macron à l’Ecole de Guerre en février
2020, où il a réussi à placer dans un même paragraphe les deux visions antinomiques. D’un côté, il parle de « cette Europe de la défense, ce pilier européen au sein de l’OTAN
», de l’autre il met les deux sur un pied d’égalité :« l’OTAN et l’Europe de la défense sont les deux piliers de la sécurité collective européenne » Tôt ou tard, il faudra
choisir..."
La Conférence de sécurité de Munich, organisée chaque année, est une grand-messe transatlantique aux rituels bien rodés. C’est la crème de la crème de part et d’autre de
l’Atlantique qui se retrouve ici (présidents, premiers ministres, commissaires européens, parlementaires de premier plan, dignitaires OTAN, ministres des Affaires
étrangères et ceux de la Défense) pour affirmer, en se rassurant, qu’en dépit de tels ou tels désagréments du moment, les intérêts restent « communs », les valeurs
« partagées », et la sécurité « indivisible ». Sauf que cette année, aucun des trois ne fut crédible. Et ce, de manière hautement visible. Au point que les
organisateurs ne s’efforçaient même plus à s’en cacher. L’édition 2020, la cinquante-sixième de la série, eut lieu sous le titre de « Westlessness », ce qui associe,
en bon anglais, la notion de l’absence d’Occident à l’idée de « tourments »
Alors que le débat aurait dû être « transparent », comme ce fut prévu après les pseudo-révélations en juillet dernier sur le stationnement de bombes nucléaires américaines en Belgique, le 16 janvier, lors
d'un vote final, les députés ont rejeté à une courte majorité de 74 contre 66 toute révision du status quo. Ce vote est passé dans la discrétion la plus
totale, aucun journal francophone ne semble avoir repris l’information. Dommage, car à travers cet épisode, c’est un tableau beaucoup plus vaste qui se dessine, avec un faisceau de thèmes qui vont du
désarmement universel à la souveraineté démocratique, en passant par le traité de non-prolifération, le marchandage entre alliés, la mise sous tutelle US des Européens, et la
servitude à laquelle ils acquiescent, qui plus est sous de faux prétextes. Pour un décryptage du sujet, l'IVERIS vous propose un article publié il y a dix ans, mais qui n’en
est pas moins d’actualité, tant les tenants et les aboutissants de cette mascarade nucléaire restent inchangés.
Coutumier des déclarations fracassantes mais pas forcément étayées par les faits, le président Trump en a placé deux d’un coup, au dernier sommet de l’Alliance, lors d’une
conférence de presse : « Personne n’a besoin de l’OTAN plus que la France (…) Les Etats-Unis en tirent vraiment le moins de bénéfices ». Deux inepties qui
méritent que l’on s’y arrête.
Consultant politique, président-fondateur du Réseau Voltaire.
Dernier ouvrage en français : Sous nos yeux - Du 11-Septembre à Donald Trump (2017).
Personne n’a contesté les règles de Otan durant la Guerre froide, sauf la France. Mais au vu de ses dérives depuis 2001, chacun de ses membres (sauf la Turquie)
songe à en sortir, y compris les USA pour qui elle est pourtant indispensable. Le rapport interne montre ce qu’elle devrait devenir illustre ses contradictions et la difficulté à la
réformer.
Le gigantesque siège de la plus importante organisation militaire de l’histoire.
Alors que l’hyper-puissance états-unienne est en déclin avancé et que le président Donald Trump avait évoqué une possible sortie de son pays de l’Otan, les
États-membres s’interrogent sur l’avenir de l’alliance atlantique. C’est pourquoi, son secrétaire général, Jens Stoltenberg, a institué en avril une Commission de réflexion, composée de 10
personnalités atlantistes, pour définir ce que serait l’Otan en 2030.
Son objectif était de redéfinir l’alliance comme ce fut le cas, en 1967, après la sortie de la France du commandement intégré et alors que la période de vingt ans
durant laquelle il n’était pas possible de sortir du Traité allait prendre fin.
À l’époque le ministre belge des Affaires étrangères, Pierre Harmel, avait entrepris de coordonner une très vaste consultation en prenant en compte la volonté
française d’indépendance nationale. S’adaptant à la logique du président Charles De Gaulle, il distingua les aspects politiques (le Traité), des aspects militaires (l’Organisation).
Bien sûr, Pierre Harmel était fondamentalement acquis à la domination états-unienne sur le « Monde libre ». En tant que démocrate-chrétien, il était
opposé à l’URSS tout autant pour son athéisme que pour ses principes collectivistes. À ce titre, il s’était engagé dans le Mouvement des dirigeants chrétiens [1] organisé par le
Pentagone.
Le nouveau groupe de réflexion vient de rendre son rapport, le 25 novembre 2020.
Contrairement aux attentes, il n’imagine pas de nouveaux horizons, mais appelle à se recentrer sur ce qui unit les États-membres : les « valeurs
communes » définies par le Traité constitutif de l’Alliance : « les principes de la démocratie, les libertés individuelles et le règne du droit » [2]. De fait, les
principes de la démocratie viennent d’être violés aux États-Unis par les fraudes électorales, tandis que les libertés individuelles ont été restreintes dans chaque État membre à l’occasion de
l’épidémie de Covid-19. Quant au règne du droit, il n’existe plus en Turquie.
Préambule
Ici, un préambule s’impose. Jamais l’Otan n’a été une « alliance » au sens d’une libre association de partenaires visant à renforcer leur défense. Au
contraire, dès sa fondation, tous ont été contraints d’accepter un commandement militaire éternel des États-Unis et de lui obéir. Dans la pratique, l’Otan est une légion étrangère au service des
Anglo-Saxons : le Pentagone en premier, Whitehall en second. Cette violation flagrante du principe de souveraineté énoncé par la Charte de l’Onu a contraint l’Otan à pratiquer un discours
biaisé.
Sa noble et belle rhétorique ne doit pas masquer son management de voyou.
Durant la Guerre froide, les Anglo-Saxons utilisèrent un service secret de l’Alliance pour veiller à ce que les États-membres acceptent toujours leur
commandement. Ils constituèrent un réseaux stay-behind, prétendument pour résister en cas d’invasion soviétique. Cependant ils n’utilisèrent ce réseau que pour éliminer toute velléité
d’indépendance. Ils organisèrent des assassinats de dirigeants et suscitèrent des coups d’État chez leurs partenaires. Ces faits sont aujourd’hui enseignés dans les académies militaires
anglo-saxonnes et ont été étudiés en détail par de nombreux historiens [3].
Ce système perdure depuis la fin de la Guerre froide sous une autre forme. Chaque Etat-membre a été sommé d’autoriser par écrit les Anglo-Saxons à les
espionner avec l’aide de leurs propres fonctionnaires, ainsi que l’a révélé Edward Snowden et qu’on a pu le constater encore le mois dernier au Danemark [4].
Enfin le commandement militaire anglo-saxon n’hésite pas à violer les statuts de l’Alliance lorsque cela l’arrange. Ainsi, c’est lui, et non pas le Conseil
atlantique qui y était opposé, qui a décidé le bombardement de la Libye et le renversement de Mouamar el-Kadhafi.
Une commission sous surveillance
Dans ces conditions, il serait naïf de croire que la Commission de réflexion ait eu la liberté de penser par elle-même.
Elle était présidée par Wess Mitchell, ancien assistant du secrétaire d’État Rex Tillerson pour les affaires européennes et eurasiatiques ;
Il se trouve que Wess Mitchell est l’auteur d’une surprenante étude, La Doctrine du Parrain [5], qui ne figure pas sur sa biographie diffusée par
l’Otan. Il y compare les trois principales écoles de politiques étrangères US aux méthodes des trois fils du « parrain », Don Vito Corleone, les héros des livres de Mario Puzzo et des
films de Francis Ford Coppola. Il y prêche pour un mélange de soft et de hard power, incluant les techniques mafieuses.
Or, comment ne pas retrouver ces méthodes dans des opérations de chantage dont plusieurs autres membres de la commission ont fait l’objet dans les années passées.
Attention : les éléments que nous allons présenter ne signifient pas que certains membres de la commission ont commis des crimes très graves, mais qu’ils en ont eu connaissance et les ne les
ont pas dénoncés.
Prenons le cas de Thomas de Maizière, ancien directeur de la Chancellerie fédérale, puis ministre de l’Intérieur et de la Défense allemand [6]. Laissons de
côté son indiscutable sponsoring par des think-tanks US. Avant de devenir le bras droit d’Angela Merkel, cette illustre personnalité a été, entre autres, ministre de l’Intérieur de Saxe (2004-5),
fonction au cours de laquelle il a eu à connaitre l’affaire du « marais saxon » (Sachsensumpf). Il a considéré les informations recueillies par ses services comme
« sérieuses », mais ne les a pas transmises à la Justice. Il s’agissait d’une affaire de prostitution de mineures impliquant de hautes personnalités locales. Elle a ressurgi des années
plus tard, lorsque Thomas de Maizière devint ministre de la Défense, avec la révélation de plusieurs faits qui avaient été étouffés, des remises en cause de témoignages, et des débats
parlementaires [7].
Ou encore le cas d’Hubert Védrine, ancien secrétaire général de l’Élysée (1991-95) puis ministre français des Affaires étrangères (1997-2002). Lorsqu’il était le
plus proche collaborateur du président François Mitterrand [8], il fut piégé par l’Otan dans une maison où il se rendait deux fois par mois pour participer au Conseil municipal du petit
village dont il était l’élu. Sous ses yeux insouciants des membres néo-nazis du réseau stay-behind de l’Otan y installèrent le plus grand studio de pornographie infantile en
Europe [9]. L’affaire fut étouffée. De sa propre initiative, le responsable de la sécurité de l’Élysée fit disparaître deux acteurs dont un de « crise cardiaque ». Cependant la
mort du second, probablement assassiné par un policier de Renseignement venu abusivement l’interpeller à son domicile, ne passa pas inaperçue et provoqua un débat au Parlement [10].
Dans ces deux cas, la vérité n’ayant pas été exposée, les membres de la Commission sont susceptibles de faire l’objet de chantage.
Un rapport révélateur des conflits internes
Le rapport de la Commission de réflexion, intitulé Otan 2030 : unis pour une nouvelle ère (NATO 2030 : United for a New Era), est très
éclairant, plus par ce qu’il aurait dû contenir, mais ne dit pas, que par ce qu’il explicite.
En premier lieu, il insiste lourdement sur les « valeurs communes », ce qui résonne comme une accusation contre les États-Unis et la Turquie. Il
propose de non plus de réagir aux manquements constatés (ce qui est en pratique impossible contre Washington), mais de prendre des initiatives avant que ces valeurs aient été violées. Une manière
comme une autre de faire du passé table rase et d’exiger que cela ne se reproduise plus.
Il désigne la Russie comme le seul rival actuel et la Chine comme le prochain.
Il récapitule toutes les opérations de l’Otan dans sa zone géographique et hors de cette zone, à l’exception de la destruction de la Libye. On se souvient que
cette décision avait été prise par le commandement anglo-saxon dans le dos du Conseil atlantique. Cet « oubli » manifeste une rancœur.
Or, traitant du Sud, le rapport souligne que lorsque les voisins de l’Otan sont plus sûrs, l’Otan est plus sûre ; une manière détournée de rejeter la doctrine
Rumsfeld/Cebrowski de destruction systémique des structures étatiques du « Moyen-Orient élargi » et donc de remettre en cause la destruction de la Libye.
Rappelons qu’en 2011, au moment de cette guerre, Mouamar el-Kadhafi était devenu un allié des États-Unis. Il avait été félicité par le président Bush fils,
notamment pour avoir renoncé au nucléaire, et avait accepté de confier à Mahmoud Jibril la réorganisation de son économie. Or, du jour au lendemain, Jibril devint le chef de l’opposition et
l’Otan somma el-Kadhafi de partir.
Concernant le contrôle des armements, la Commission zappe le traité de l’Onu sur le désarmement nucléaire qu’elle a par ailleurs fermement condamné. Elle
renvoie aux travaux de Pierre Harmel, en 1967, et à l’affirmation du double objectif de la dissuasion et de la détente. Là encore, il s’agit d’une condamnation de la dérive actuelle de
l’Organisation qui renforce son arsenal tout en rejetant les propositions du président Poutine en matière de désarmement.
À propos des ressources énergétiques, il pose comme une évidence le droit de l’Otan à assurer son plein accès aux ressources d’hydrocarbures dans le monde
quels que soient les besoins des autres puissances.
Concernant la guerre de l’information, la Commission de réflexion invite l’Organisation à s’appuyer sur les citoyens. Sans remettre en cause l’appel d’offre
du 15 octobre 2020, elle approuve les objectifs du Centre d’excellence des communications stratégiques de Riga, mais en conteste donc les méthodes.
Traitant de l’unité de l’alliance, la Commission souligne l’engagement de tous à défendre un membre lorsqu’il est attaqué (article 5). Elle explique alors,
faisant allusion au comportement de la Turquie, que cet engagement ne pourra être tenu que si chaque État-membre respecte strictement les « valeurs communes » de l’Organisation. Depuis
la publication du rapport, le secrétaire d’Etat US, Mike Pompeo, est venu dire à ses homologues tout le mal qu’il pensait de la Turquie. Il rendait ainsi possible une exclusion d’Ankara de
l’alliance, voire une éventuelle guerre contre lui.
Non sans humour, la Commission suggère la création d’un Centre d’excellence pour la résilience démocratique.
À propos du fonctionnement de l’alliance, la Commission tente de prévenir une nouvelle violation des statuts de l’alliance sous prétexte d’une urgence comme
ce fut le cas pour la destruction de la Libye. Elle préconise donc des consultations le plus en amont possible, notamment avec l’Union européenne et les partenaires de la zone Indo-Pacifique
susceptibles d’adhérer à l’Otan.
Conclusion
Malgré les pressions exercées sur des membres de la Commission consultative, celle-ci n’a pas éludé les vrais problèmes, mais s’est abstenue de les expliciter.
Chacun est conscient que l’alliance est un outil de domination des Anglo-Saxons, ceux qui souhaitent s’en affranchir tentent de ne pas se laisser embarquer à leurs frais dans de nouveaux
conflits.
[1] Ce groupe de prière œcuménique international est toujours très actif. Il
est aujourd’hui connu sous le nom de « La Famille ». Son siège est à la propriété des Cèdres, juste à côté du Pentagone. Tous les chefs-d’état major US depuis la Seconde Guerre
mondiale en ont fait partie, plusieurs chef d’État et de gouvernement actuels aussi. Cf. The Family : The Secret Fundamentalism at the Heart of
American Power, Jeff Sharlet , HarperCollin (2008) et les archives de l’auteur.
[5] “Pax Corleone”, Hulsman, John Hulsman & Wess
Mitchell, The National Interest n°94, March-April 2008. The Godfather Doctrine, John Hulsman
& Wess Mitchell, Princeton University Press (2006).
[6] L’auteur de cet article est un ancien camarade de collège de Thomas de
Maizière.
[7] Die Zeit des Schweigens ist
vorbei (Le temps du silence est fini), Mandy Kopp, Ullstein Taschenbuchvlg (2014). L’affaire a aussi inspiré ce roman à clés : Im
Stein (Dans la pierre), Clemens Meyer, S. Fischer (2013).
[8] François Mitterrand et la famille Védrine se sont liés en 1942 au
service de Philippe Pétain.
[9] L’auteur de cet article a été un des premiers témoins entendu par la
police judiciaire dans cette affaire. Il a reçu les félicitations du Mémorial Yad Vachem pour son enquête sur ces réseaux néo-nazis.
[10] Mort d’un pasteur,
l’affaire Doucé, Bernard Violet, Fayard (1994).
Géopolitique - L'OTAN en langue de bois
...proposé par le Gal. Dominique Delawarde - Le 12/12/2020.
Bonjour à tous,
L'OTAN revient à l'ordre du jour avec une réunion déjà prévue à Bruxelle en début d'année 2021 pour définir le futur de l'organisation.
Un futur de l'OTAN n'a de sens que face à des menaces qu'il s'agit de redéfinir, voire d'inventer si elles n'existent pas.
C'est l'exercice auquel vont se livrer les atlantistes en début d'année 2021 en finalisant une "réactualisation décennale du concept stratégique". Nul doute que la Chine et la Russie seront les principaux adversaires désignés.
Hajnalka Vincze, la meilleure spécialiste européenne de la relation transatlantique que je connaisse, analyse ci après les derniers propos publics de Jens Stoltenberg, Secrétaire général de l’Alliance de l’Atlantique Nord, sélectionné pour sa soumission totale et inconditionnelle à l'allié américain.
C'est une analyse qui a pour grand intérêt d'être "indépendante". Son titre: "L'OTAN en langue de bois".
Cette article mérite, à mon sens, la diffusion la plus large à l'attention de ceux que l'implication de leur pays dans de futurs conflits, dont les causes seront fixées par l'allié US, intéressent encore.
Bonne lecture
DD
...par Hajnalka Vincze - le 10/12/2020.
L’art de l’esquive, pratiqué à la perfection par Jens Stoltenberg, Secrétaire général de l’Alliance de l’Atlantique Nord, fut déployé dans toute sa splendeur lors
d’un entretien accordé début décembre 2020 à Politico. Tous les sujets polémiques y furent passés en revue, sans même l’ombre d’une réponse ou d’une clarification pour aucun d’entre eux. En
revanche, on a pu y admirer les principaux éléments de langage auxquels on aura droit dans les prochains mois. Petit dictionnaire du volapük otanien.
Au sujet du départ (ou pas) d’Afghanistan, qualifié d’un des choix les plus difficiles dans les mois qui viennent, Stoltenberg reste
prudent: « C’est un dilemme compliqué pour l’OTAN. Si nous restons, nous risquons davantage de combats, si nous partons, on risque de perdre ce que l’on avait obtenu ».
Le Secrétaire général réussit tout de même à y glisser deux inepties.[1] D’une part, il insiste : « Nous, y compris les Européens, nous sommes là pour protéger nos
propres intérêts ». Pour rappel, l’ancien ambassadeur US à l’Alliance atlantique, Robert Hunter, ne partage pas cette analyse. D’après lui, la participation des Européens sur le théâtre
afghan est motivée par le seul souhait de « faire plaisir à l’Amérique ».[2] D’autre part, Stoltenberg reprend la rengaine selon laquelle « nous somme dedans
tous ensemble, nous y sommes entrés ensemble, nous devrions partir ensemble ». C’est beau, c’est fraternel, cela n’a rien à voir avec le réel. L’engagement de l’OTAN en Afghanistan fut
marqué, de bout en bout, par d’incessants appels américains aux alliés européens à envoyer plus de soldats et à lever les restrictions nationales qui encadrent l’usage de la force (les
fameux caveats). Exaspérés, les Américains se moquaient de l’ISAF (la force multinationale sous commandement OTAN), en l’appelant I Saw Americans Fight, pour
« j’ai vu les Américains combattre ». Quant à partir main dans la main, le prédécesseur de Stoltenberg avait mis en garde noir sur blanc, il y a treize ans, les alliés trop
pressés : « personne ne peut partir et personne ne va partir d’Afghanistan ».[3]
Concernant la présence américaine en Europe, le Secrétaire général de l’OTAN tient à rassurer les
alliés européens : « les Etats-Unis resteront engagés dans l’OTAN et continueront à maintenir une présence militaire significative sur le continent ». Cela n’a
jamais fait aucun doute. Comme l’a noté Richard Haass, ancien directeur de planification politique au Département d’Etat et conseiller du Secrétaire d’Etat Colin Powell : « Les
Etats-Unis restent dans l’OTAN et la soutiennent pour rendre service non pas aux Européens mais à eux-mêmes. Etre membre de l’OTAN est un acte d’intérêt stratégique, non pas de philanthropie
».[4] Intérêt même à triple titre : la tutelle sur les Européens, dont la plupart s’en accommodent avec une désinvolture à couper le souffle, procure des bénéfices majeurs à Washington.
Les protégés européens – ou « vassaux » pour reprendre le terme qu’utilise pour les désigner l’ancien conseiller à la sécurité nationale Zbigniew Brzezinski – sont des interlocuteurs
malléables sur d’autres sujets (Iran, énergie, cyber, Russie, Chine, espace, commerce), et ils se prêtent aussi, bon gré mal gré, à l’embrigadement au service de la grande stratégie américaine.
Finalement, ils consentent à se priver eux-mêmes de l’ambition et des moyens d’agir de façon indépendante en défense de leurs propres intérêts. Bref, l’Amérique n’a effectivement aucune raison,
et aucune intention, d’abandonner son « protectorat » européen.
(Crédit
photo: OTAN)
L’attachement américain à l’OTAN est d’autant plus fort que la menace chinoise se profile nettement à l’horizon. Stoltenberg n’a pas tort
d’affirmer que « la Chine constitue un défi pour tous les alliés », mais son argument laisse à désirer. D’abord, il prétend qu’en raison de ce défi « l’OTAN
est encore plus importante qu’avant ». Or, à moins de vouloir faire un remake de la guerre froide – avec les Européens en rôle d’auxiliaires face à un adversaire qui
n’est même pas, cette fois-ci, dans leur proximité géographique – on ne voit pas pourquoi. La consultation entre alliés, certes, serait cruciale, voire la coordination entre politiques
souveraines là où c’est faisable, mais l’OTAN n’est surtout pas le cadre idéal pour cela. La tentation existe. Comme le dit l’excellent Stephen M. Walt, « pour sauver l’OTAN, les
Européens doivent devenir l’ennemi de la Chine ».[5] Sous-entendu : tous alignés derrière les Etats-Unis. Pour mieux convaincre, le Secrétaire général a recours à un argument
usé jusqu’à l’ennui : face à la Chine, dit-il, « même l’Amérique, aussi puissante soit-elle, ne peut pas se débrouiller tout seule, elle a besoin d’alliés ». Sauf que
c’était exactement la même rengaine après le 11 septembre, ou suite à la crise financière de 2008, afin de flatter l’ego des Européens et leur cacher la triste réalité : à partir de leur
position de dépendance ils ne peuvent aspirer qu’à un rôle de faire-valoir et de supplétifs.
Pour maximiser les avantages de l’OTAN, il faut aussi que les moutons noirs rentrent dans les rangs et soient privés de leur capacité de
nuisance. A en croire Stoltenberg, rien de plus simple : qu’il s’agisse de la Hongrie ou de la Turquie, « il faut soulever les problèmes, mais s’assurer que nous restions
soudés ». Le Secrétaire général assène donc que « l‘OTAN est une alliance basée sur des valeurs, une communauté de démocraties partageant la même vision des
choses ». Il en profite pour réchauffer l’ancienne idée favorite de l’Amérique : transformer l’OTAN en une sorte d’alliance des démocraties, en tissant des liens toujours plus
étroits « avec les partenaires en Asie : la Nouvelle-Zélande, le Japon, l’Australie ».[6] Surtout, Stoltenberg indique, subrepticement, la piste royale pour dompter
les récalcitrants : contourner d’une manière ou d’une autre la fameuse règle du consensus dans l’OTAN. Certes, il affirme : « l’OTAN restera une organisation basée sur le
consensus », mais le diable est dans l’ajout du petit détail : « nous allons chercher des moyens pour rendre la prise de décision plus efficace ». Il s’agit
là d’une volonté américaine de longue date.[7] Sous prétexte d’efficacité, et surtout pour s’épargner l’éventuel veto des brebis galeuses, l’idée est de déléguer plus d’autorité et de pouvoir
discrétionnaire au SACEUR, le général américain commandant suprême de l’OTAN, répondant directement à la Maison Blanche. Pour des raisons évidentes, le projet fut mis en hibernation pendant les
années Trump, mais avec des Européens soucieux de donner des gages à la nouvelle administration Biden, il risque de revenir dans les prochains mois.
Pour ce qui est de l’Europe de la défense, le Secrétaire général de l’Alliance réagit de manière viscérale, en rétorquant pour la énième
fois : « sans l’Amérique l’Europe ne peut pas se défendre ». En réalité, que l’Europe puisse se défendre ou pas, Stoltenberg ne s’en soucie même pas. L’important,
c’est de ne pas donner de mauvaises idées. Dans un rare moment de vérité, il avait déjà admis : « nous devons éviter toute perception selon laquelle l’Europe pourrait
gérer les choses sans l’OTAN ».[8] Sauf que, à ce propos, le journaliste de Politico, David Herszenhorn, a malicieusement pointé du doigt l’éléphant dans la
salle : « l’extension proposée du parapluie nucléaire français aux partenaires de l’UE ne serait-elle pas de nature à rassurer les Européens de l’Est ? ». On
peut difficilement faire plus cruel. Sans surprise, Stoltenberg ressort les poncifs habituels, actualisées post-Brexit : seuls 20% des dépenses militaires de l’OTAN viennent des pays de
l’UE. A ceci près que l’écrasante majorité des 80% restants – le budget du Pentagone, en gros – n’a strictement rien à voir avec la sécurité européenne, voire elle la met en péril (en
détruisant sa base technologique et industrielle de défense, en consolidant une posture de confrontation avec la Russie, en imposant une autre en Asie-Pacifique, en entraînant les Européens dans
des aventures militaires aussi coûteuses qu’infructueuses ; et la liste est loin d’être exhaustive).
S’agissant de l’autonomie européenne, rien d’étonnant, Jens Stoltenberg a recours à la formule bien rodée : « je soutiens
le renforcement des efforts européens dans la défense, à condition qu’ils soient complémentaires à l’OTAN, ne dupliquent pas les capacités de l’Alliance et ne constituent pas une
alternative ». Pour rappel : s’il y a besoin de défense européenne hors OTAN, c’est justement dans l’hypothèse que les intérêts américains et européens ne coïncident pas toujours
forcément. Dans ce cas-là, il faut bel et bien une « alternative », et décider ce qui est duplication nécessaire ou pas dans cette perspective, est un choix éminemment
politique. Force est de constater que, de ce côté-là, Jens Stoltenberg peut dormir tranquille.
Le journaliste de Politico évoque aussi ce moment mémorable, au sommet de Londres de l’OTAN en décembre 2019, lorsque Donald Trump s’est érigé en défenseur de
l’Alliance face à la remarque d’Emmanuel Macron sur « la mort cérébrale » de l’OTAN. Stoltenberg se félicite du revirement du président américain et fait un
lien avec « la question clé qu’est l’augmentation du budget de défense des alliés européens », laquelle n’est pourtant que la partie émergée de l’iceberg. La volte-face de
Trump est survenue après trois ans de concessions européennes sur l’accès des USA au fonds européen de l’UE en matière d’armement, sur l’approvisionnement énergétique, sur les relations avec
la Russie, et – au sommet de Londres justement – l’acquiescement à désigner le défi chinois nommément à l’ordre du jour de l’OTAN, de même que l’inclusion de l’espace à la liste des compétence de
l’Alliance. Autant d’abandons, du côté européen, qui ont fini par convaincre le président américain que l’OTAN n’est peut-être pas si « obsolète ». Donald Trump lui-même
l’admet : « Si je suis devenu un ‘fan’ de l’OTAN, c’est parce qu’ils ont été si flexibles »[9]… Flexibles ? Est-ce bien le bon terme ?[10]
(Hajnalka Vincze,
L’OTAN en langue de bois, Note IVERIS, 10 décembre 2020)
[1] Presenting the POLITICO 28 Class of 2021, POLITICO Events, Entretien filmé de David Herszenhorn avec le Secrétaire général Jens Stoltenberg, 7 décembre
2020. [2] U.S.-NATO: Looking for Common Ground in Afghanistan, Interview with Robert E. Hunter, Council on Foreign Relations, 8 décembre 2009. [3] Canadians, Dutch seek more allies for Afghan mission, Reuters, 19 septembre 2007. [4] Richard N. Haass, Assessing the Value of the NATO Alliance, audition devant la Commission des Affaires étrangères du Sénat, 5 septembre
2018. [5] Stephen M. Walt, Europe’s Future Is as China’s Enemy, Foreign Policy, 22 janvier 2019. [6] Voir de l’auteur : Une OTAN de plus en plus englobante, Note IVERIS, 18 octobre 2019. [7] Voir de l’auteur : L’OTAN cherche à contourner la règle du consensus, Note IVERIS, 25 août 2015. [8] Conférence de presse du Secrétaire général Jens Stoltenberg avant la réunion des ministres de la défense de l’OTAN, 12 février 2019. [9] Remarques du Président Trump, lors de son rencontre avec le Secrétaire général de l’OTAN Jens Stoltenberg, Londres, Winfield House, à la Réunion de
dirigeants de l’Alliance, 3 décembre 2019. [10] Etienne de la Boétie, Discours de la servitude volontaire, 1576.