..par le Gal. Dominique
Delawarde - Le 25/11/2018.
St. Cyr : Promotion "Souvenir de Napoléon" 1968/1970.
Ancien chef du bureau "Situation-Renseignement-Guerre Electronique" de l'Etat major Interarmées de
Planification Opérationnelle.
Bonjour à tous,
Ci joint deux articles qui permettront à chacun des lecteurs de réfléchir sur la qualité et sur l'avenir de
la relation transatlantique.
Le premier fait le point sur le coût que représente, pour la France et pour l'Europe, la soumission à
l'extraterritorialité du droit US.
Les amendes pharamineuses payées à l'oncle SAM par nos banques et nos entreprises pour les motifs les
plus fumeux sortent indirectement des poches des citoyens français. Il faut bien que les banques françaises
et européennes récupèrent cet argent qui s'évapore en augmentant les frais
bancaires de toute nature, en limitant les salaires de leurs employés .....etc
A l'heure où les gilets jaunes battent le pavé pour réclamer un maintien de leur pouvoir d'achat et une
réduction des taxes, il est bon d'avoir à l'esprit ce que coûte à la France cette relation transatlantique du fort
au faible, tant en pouvoir d'achat, qu'en perte d'indépendance (politique
étrangère).
Le deuxième texte est un article du ministre des affaires étrangères allemand, Heiko Maas, publié dans un
quotidien économique allemand. Il analyse, avec une grande lucidité, l'évolution de la relation transatlantique et décrit, à grands traits, les bases d'une nécessaire refondation. La traduction en français est de moi, le
lien pour la VO (en anglais) est donné sous le titre.
Le temps, pour une UE affaiblie par le BREXIT, est désormais compté en raison du basculement géopolitique et
géo-économique en cours au profit de l'Asie.
La question qui se pose aujourd'hui est de savoir si nous (UE) sommes capables de choisir aujourd'hui les
termes de cette refondation nécessaire, ou si nous devrons nous résigner à subir demain ceux qui nous seront imposés par
nos nouveaux maîtres.
Bonne lecture.
DD
Extra-territorialité : les banques françaises passent à la caisse dans l’indifférence générale
Source : RT du 22/11/2018
Les amendes qui frappent par centaines de millions, voire milliards, de dollars les banques
ou entreprises françaises et européennes n'émeuvent plus. Le bras de la justice étasunienne est subi comme un glaive
abusif, mais aussi une fatalité.
1,3 milliard de dollars d’amende pour la Société Générale ? La nouvelle rendue publique le
19 novembre ne fait déjà plus la une des journaux. Certes, elle a été éclipsée par les démêlés
judiciaires du patron multicarte de Renault, Nissan et Mitsubishi, Carlos Ghosn ; mais surtout, on
commence à avoir l’habitude.
La Société Générale paiera une lourde amende pour avoir violé l'embargo américain sur Cuba
et l'Iran
En effet, le communiqué de presse du début de la semaine annonce seulement la fin des
hostilités ; mais en juin, il y a cinq mois à peine, l’institution du boulevard Haussmann écrivait
déjà : «La Société Générale a accepté de payer un montant d'environ 1,3 milliard de dollars au DOJ, à la CFTC et au PNF.
Ce montant est entièrement couvert par la provision [...] Ces versements n'auront donc pas d’impact sur les résultats de Société Générale.»
A peu près les mêmes mots que dans le communiqué de ce début de semaine ! Seuls les
noms des différents bénéficiaires des «accords» passés avec l’appareil judiciaire étasunien ont
changé. En novembre cinq agences ou organismes fédéraux et municipaux se sont joints à la fête : le SDNY (cour du
district sud de New York), qui a lui seul reçoit plus de 700 millions de dollars, le
DANY, l’OFAC, le DFS sans oublier la FED !
Si les destinataires sont différents, c’est semble-t-il que les amendes s’additionnent et, sauf
erreur, (la société générale n’a pas pour l’heure répondu à nos demandes de vérification) cela fait
donc, près de deux milliards et demi d'euros d’amendes en un semestre....
Mais ce n’est pas suffisant ! Frédéric Oudéa, le président de la Banque se soumet aussi, au
nom de l’établissement, à une autocritique digne de la Révolution culturelle : «Nous reconnaissons et regrettons les
manquements identifiés dans le cadre de ces enquêtes et nous avons coopéré avec les Autorités américaines [...] A l'avenir, notre objectif est d'être un
partenaire de confiance. Ancrer une culture de responsabilité [...] au cœur de notre plan stratégique "Transform to Grow".»
Quelque mois plus tôt il avait déjà proclamé : «Nous regrettons les manquements passés,
contraires à nos valeurs et à notre éthique, qui ont conduit à ces accords», souhaitant déjà «ancrer une culture de
responsabilité au sein du Groupe.»
Actions consécutives contre les banques françaises à partir de 2014
Au printemps 2014 la justice américaine avait fait fleurir des actions contre les banques
françaises qui ont éclos en une myriade d'amendes dans de multiples affaires pour un montant
cumulé dépassant 10 milliards de dollars, en particulier la BNP (7,5 milliards de dollars), le Crédit
agricole (750 millions de dollars) et récemment la Société générale.
A l’époque, ces procès avaient ému les médias français. «Les Etats-Unis ciblent nos banques» titrait par exemple, en mai
2014, le JDD qui citait le gouverneur de la Banque de France
de l’époque, Christian Noyer.
Ce dernier défendait publiquement le premier groupe bancaire de la zone euro sanctionné
pour des transactions avec l’Iran en affirmant : «Ces transactions étaient conformes aux règles
européennes et à celles des Nations unies». Plus loin le journal évoquait «une menace sur le crédit quand la croissance
repart» et rendait compte de la détermination du gouvernement... à suivre le dossier de «très près».
Quant à L’Express/L’Expansion sa rédaction n’hésitait pas à évoquer, en titre «Le racket
géant des amendes économiques infligées par les Etats-Unis». L’auteur rapportait une plaisanterie à la mode : «Vous savez
comment on appelle le nouveau pont qui surplombe la rivière Hudson, à New York ? Le pont BNP.»
La soumission ou la valise
Les banques et d’une manière générale les entreprises françaises ne sont pas les seules à
devoir, ou à avoir dû, se soumettre à la justice américaine et à passer à la caisse pour conserver ledroit de faire du
commerce – voire de permettre à leurs cadres de se déplacer librement aux Etats-Unis. Les allemandes Commerzbank et Deutsche Bank ont, elles aussi, écopé en
2015 d'amendes s'élevant respectivement à 1,45 milliard de dollars et 258 millions de dollars.
Quant au constructeur automobile Volskwagen, il a été finalement condamné a près de 22
milliards de dollars de pénalités dans l’affaire du Diesel Gate. A titre de comparaison son concurrent américain General
Motors n’a payé que 900 millions de dollars, pour avoir caché un défaut sur des airbags qui a tout de même coûté la vie à 124 personnes...
A l’époque, Arnaud Montebourg, prédécesseur d’Emmanuel Macron à Bercy avait proposé
de réagir en répliquant dans le cadre des négociations sur le TAFTA. Mais la ministre socialiste des différents
gouvernements Ayrault et Valls, Fleur Pellerin, lauréate de la French American
Foundation dans la même promotion qu’Emmanuel Macron, lui avait expliqué depuis Washington
qu’il était « hors-sujet».
L'Assemblée nationale dégaine son rapport
En 2016, a peu près au moment du rachat de l’activité énergie d’Alstom par General Electric,
l’Assemblée nationale a publié un Rapport d’information sur l'extraterritorialité de la législation
américaine, identifiant «une situation politique et juridique en France et en Europe ne posant pas de limites à
extraterritorialité des lois américaines». On y trouve 16 occurrences de l’adjectif «abusif». Les auteurs écrivent par exemple, en tête d'un chapitre :
«Les pratiques américaines de poursuite s’appuient sur des critères incertains, des méthodes intrusives, voire abusives.» C'est une
stratégie délibérée des Etats-Unis [...] afin de mener une véritable guerre économique à leurs concurrents.
Quant aux moyens d’action ils s’interrogent : «La Commission [européenne] aurait-elle cette
volonté d’accepter la confrontation avec les Etats-Unis aujourd’hui ?» avant de conclure qu’«on peut en douter vu les
préoccupations présentes de l’Union européenne et le poids relatif qui y est celui des pays les plus "atlantistes"».
Plus récemment, alors député LR, Pierre Lellouche qui présidait la commission ayant
commandé la rédaction du rapport cité plus haut disait à France Info : «C'est une stratégie
délibérée des Etats-Unis de mettre en réseau l'ensemble de leurs agences de renseignement et
leur justice afin de mener une véritable guerre économique à leurs concurrents».
Passez à la case «Fusion» après avoir payé 20 000
Or, les amendes de la justice américaine, dans certains cas, ne préfigurent pas un destin
radieux et précèdent des fusions douteuses pour les entreprises qui en font les frais.
Ainsi, dès 2010, le fleuron de l’ingénierie pétrolière français Technip est condamné à payer
388 millions de dollars, pour avoir participé à un consortium qui aurait distribué des pots-de-vin pour obtenir des
contrats au Nigeria. La somme semble modeste comparée aux amendes infligées depuis aux banques françaises, mais Technip ne dispose pas des fonds propres
– pas plus qu’il ne réalise les profits – d’une grande banque.
L’ironie de l’histoire veut que le responsable de ces pots de vins fût une filiale du groupe
américain Halliburton qui faisait partie du consortium dont Technip était membre ; et que c’est au
titre de cette complicité passive qu’il a payé une amende à peine inférieure à celle infligée à l'auteur de
l’infraction.
Sans qu’aucun lien ne puisse formellement être établi avec cette condamnation, le groupe
français devait fusionner d’«égal à égal» avec le groupe Texan FMC quelques années plus tard.
En fait de fusion d’égal à égal, l’entreprise d’ingénierie française fondée en 1958, spécialisée
dans la construction d’infrastructures pétrolières et disposant d’un enviable carnet de commandes en Russie, passait sous
contrôle d’un groupe américain deux fois moins important qu'elle : 6,4 milliards de dollars de chiffre d’affaires contre 13,5 ; 16 500 employés dans 18
pays contre 32 500 salariés dans 45. Mais le groupe américain dégageait l’équivalent de 1 milliard de dollars d’Ebitda
(résultats sans les taxes et certains passifs courants) contre 1,4 pour le groupe français. En comparant les chiffres d’affaires et les ressources humaines employées, le groupe américain était donc, en théorie, plus rentable.
Depuis la fusion l’ensemble a perdu quelques milliers de salariés, et son chiffre d’affaires et
son Ebidta peinent à rattraper ceux que Technip atteignait seul à l’époque où son siège se trouvait
encore en France.
Coup de pression judiciaire
Dans le cas de l’absorption, par General Electric, de la branche énergie d’Alstom, fin 2014,
le Journaliste Jean-Michel Quatrepoint,auteur du Choc des empires : Etats-Unis, Chine, Allemagne : qui dominera
l’économie-monde ? (Gallimard 2014) interviewé par le Figaro n’hésitait pas, cette
fois, à parler de «scandale d'Etat» et à dénoncer l’action déterminante de la justice américaine en
affirmant : «La véritable raison, quoiqu'en disent les dirigeants d'Alstom, c'est la pression judiciaire
exercée par la justice américaine qui s'est saisie en juillet 2013, d'une affaire de corruption, non
jugée, en Indonésie pour un tout petit contrat 110 millions de dollars). Tout se passe comme si cette pression psychique,
voire physique, sur les dirigeants, [...] [et] la menace d'amendes astronomiques avaient poussé ces dirigeants à larguer l'activité énergie.»
Le journaliste-écrivain, s’alarmait aussi de voir passer sous contrôle étranger bon nombre
d’activités stratégiques soulignant que la fusion donnait à General Electric le monopole de la
fourniture de turbines de l'ensemble de la flotte de guerre française. Dans la corbeille de la mariée
tombait une autre pépite, Alstom Satellite Tracking Systems, filiale spécialisée dans les systèmes de repérage par
satellite qui équipent, l’armée française ainsi que les entreprises tricolores du secteur de la défense et de l'espace.
Mais surtout Jean-Michel Quatrepoint faisait également remarquer que General Electric avait
déjà racheté quatre entreprises visées «comme par hasard» par la justice américaine et que l’on disait alors aux
Etats-Unis : «Ce qui est bon pour GE est bon pour l’Amérique»...mais pas forcément pour ses alliés.
Bien mal acquis ne profite jamais
Cette opération ne semble pas avoir porté chance au géant industriel américain. Un an à
peine après le rachat, le nouveau président de General Electric John Flannery trouvait Alstom
énergie «très décevant». Quant à l’engagement, pris au moment de la «fusion», de créer en France
un millier d’emplois, il n’en est plus question. Au contraire, près de 300 emplois sont menacés à
Grenoble dans une des filiales, GE Hydro, qui détient le savoir-faire français dans le domaine des
turbines de barrages électriques.
Le groupe américain, créé en 1889 par Thomas Edison n’a, il est vrai, plus le vent en poupe.
Jadis première capitalisation de la bourse de New York, il a été éjecté en juin dernier du DJIA, le
prestigieux indice Dow Jones des valeurs industrielles, par la chaîne de distribution
parapharmaceutique Walgreens Boots Alliance relativement méconnue. Une humiliation.
Sa cotation qui ne cesse de chuter depuis le début des années 2000, s’est effondrée en 2018,
le groupe perdant près de la moitié de sa valeur en douze mois. Il cherche désormais à se séparer de nombreuses filiales
pour échapper à un démantèlement redouté.
Planifier un nouvel ordre mondial
Les relations de l'Europe avec les États-Unis étaient en train d'évoluer avant même l'arrivée
de Donald Trump et de ses tweets provocateurs. L'Allemagne considère désormais la brouille
transatlantique actuelle comme une occasion historique de redéfinir le rôle de l'UE, écrit le
ministre allemand des Affaires étrangères.
Par Heiko Maas : Ministre des affaires étrangères allemand .
Publié le 22 août 2018 à 10h43 dans le quotidien économique Allemand Handelsblatt Global
On a récemment demandé à Henry Kissinger si Donald Trump ne pourrait pas
involontairement promouvoir la naissance d'un nouvel ordre occidental. Sa réponse: «ce serait
ironique mais pas impossible».
Au lieu de réduire notre vision d'outre-Atlantique aux caprices toujours changeants du
président américain, nous devrions adopter l'idée que cela pourrait être le début de quelque chose de nouveau. Nous ne
pouvons pas entendre ce qui se passe outre-Atlantique tous les jours via Twitter.
Mais une vue limitée au seul bureau ovale peut nous faire oublier que l'Amérique ne se
réduit pas à Trump. Les «contrôles et équilibres» fonctionnent, comme le démontrent presque
quotidiennement les tribunaux et le Congrès américains. Les Américains débattent de la politique
avec une passion nouvelle . C'est aussi cela l'Amérique en 2018.
Le fait que les deux rives de l'Atlantique divergent politiquement n'est nullement dû à
Donald Trump. Les États-Unis et l'Europe se séparent depuis des années. La superposition des
valeurs et des intérêts qui ont façonné notre relation pendant deux générations est en recul. Le lien contraignant du
conflit Est-Ouest n'est plus qu'un aspect historique. Ces changements ont
commencé bien avant l’élection de Trump et survivront longtemps à sa présidence. C’est pourquoi je suis sceptique quand
un transatlantiste ardent nous conseille simplement de laisser passer cette présidence.
Depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale, le partenariat avec les États-Unis a placé
l'Allemagne dans une phase unique de paix et de sécurité. L'Amérique est devenue un lieu
mythique. Pour moi aussi, lorsque j’ai voyagé de New York à Los Angeles pendant quelques mois
en tant que diplômé du secondaire, avec la «trilogie de New York» de Paul Auster dans ma poche et la musique de Bruce
Springsteen dans mes oreilles. Mais regarder en arrière ne nous conduit pas vers le futur. Il est grand temps de réévaluer notre
partenariat - ne pas le laisser derrière, mais le renouveler et le préserver.
Europe Unie
Retenons comme objectif l’idée d’un partenariat équilibré, dans lequel nous assumons
notre part de responsabilité, dans lequel nous constituons un contrepoids lorsque les États-Unis
franchissent la ligne rouge. Où nous mettons notre poids lorsque l'Amérique se retire. Et dans lequel nous pouvons
initier un nouveau dialogue.
Si nous y allons seuls, nous échouerons dans cette tâche. L’objectif principal de notre
politique étrangère est de construire une Europe souveraine et forte. Ce n’est qu’en s’associant à la France et à
d’autres nations européennes que l’on parviendra à un équilibre avec les États-Unis.
L'Union européenne doit devenir la pierre angulaire de l'ordre international, un partenaire
pour tous ceux qui y sont attachés. Elle est prédestinée à cela, car le compromis et l'équilibre sont dans son ADN.
«Europe unie» signifie ceci: nous agissons avec souveraineté là où les États-nations ne
peuvent, à eux seuls, assurer le niveau de puissance qu’une Europe unie peut. Nous ne faisons pas le cercle de chariots
des guerres indiennes et n’excluons pas le reste du monde. Nous ne demandons pas d'allégeance. L’Europe s’appuie sur l’état de droit, le respect
des plus faibles et nos expériences qui montrent que la coopération internationale n’est pas un jeu à somme nulle.
Un partenariat équilibré signifie que nous, Européens, prenons une part égale des responsabilités. Nulle part le lien
transatlantique ne nous est plus indispensable qu'en termes de sécurité. Que ce soit en tant que partenaire de l'OTAN ou dans la lutte contre le
terrorisme, nous avons besoin des États-Unis. Nous devons en tirer les bonnes conclusions. Il est dans notre intérêt de renforcer la partie européenne de l'OTAN. Non pas parce que Donald Trump fixe toujours de nouveaux objectifs de pourcentage, mais
parce que nous ne pouvons plus compter sur Washington
comme avant. Mais la dialectique transatlantique signifie également ceci: si nous assumons
davantage de responsabilités, les Américains et les Européens pourront continuer à compter l'un sur l'autre à
l'avenir.
Le gouvernement allemand suit ce chemin. Le redressement des dépenses de défense est une
réalité. Il est maintenant important de construire progressivement une union européenne de la
sécurité et de la défense, dans le cadre de la sécurité transatlantique et en tant que projet européen distinct pour
l'avenir. Les augmentations des dépenses de défense et de sécurité sont logiques dans cette perspective.
Développer de fausses informations
Autre point crucial: l’engagement de l’Europe doit s’inscrire dans une logique de diplomatie
et de gestion civile des crises. Au Moyen-Orient, dans la Corne de l’Afrique et dans les zones
africaines du Sahel, nous utilisons également des moyens non militaires pour lutter contre
l’effondrement des structures gouvernementales. Pour moi, ce sont des exemples de coopération
transatlantique - et un modèle pour une implication commune dans d'autres crises, ailleurs.
Et là où les États-Unis franchissent la ligne rouge, nous, Européens, devons faire
contrepoids, aussi difficile que cela puisse être. C'est aussi ce qui fait l'équilibre.
Les USA commence par nous exposer des données inexactes. Ainsi, si le solde du compte
courant de l’Europe et des États-Unis ne se limite pas au seul commerce de biens, ce ne sont pas les États-Unis qui ont
un déficit, c’est l’Europe, si l'on prend en compte, par exemple, les milliards de profits que les filiales européennes de géants de l'Internet tels que
Apple, Facebook et Google
transfèrent chaque année aux États-Unis. Ainsi, lorsque nous parlons de règles équitables, nous
devons également parler d'une imposition juste des bénéfices comme ceux-là.
Il est également important de corriger ces informations erronées car elles peuvent
rapidement entraîner de mauvaises politiques. En tant qu'Européens, nous avons clairement
expliqué aux Américains que nous considérions que le retrait de l'accord nucléaire avec l'Iran était
une erreur. Entre temps, les premières sanctions américaines sont revenues en vigueur.
Dans cette situation, il est d'une importance stratégique que nous indiquions clairement à
Washington que nous souhaitons travailler ensemble, mais aussi que nous ne lui permettons pas de passer par-dessus notre
tête et à notre détriment. C'est pourquoi il était juste de protéger légalement les entreprises européennes contre les sanctions. Il est donc
essentiel de renforcer l'autonomie européenne en établissant des canaux de paiement indépendants des États-Unis, un
fonds monétaire européen et un système SWIFT [paiements] indépendant. Le diable est dans des milliers de
détails. Mais chaque jour que dure l'accord avec l'Iran est meilleur que la crise
potentiellement explosive qui menace autrement le Moyen-Orient.
Un partenariat équilibré signifie également qu'en tant qu'Européens, nous prenons plus de
poids lorsque les États-Unis se retirent. Nous sommes préoccupés par la désaffection de Washington vis-à-vis de l’ONU, en
termes financiers et autres, et pas seulement parce que nous siégerons bientôt au Conseil de sécurité. Bien sûr, nous ne pouvons pas combler toutes les
lacunes. Mais avec d'autres, nous pouvons atténuer les conséquences les plus dommageables de la pensée selon laquelle le succès se mesure en dollars économisés. C’est la raison pour laquelle nous avons augmenté le financement des organisations de
secours travaillant avec les réfugiés palestiniens et sollicité l’aide des États arabes.
Nous recherchons une alliance multilatérale, un réseau de partenaires qui, comme
nous, sont déterminés à respecter les règles et à assurer une concurrence loyale. J'ai pris mes
premiers rendez-vous avec le Japon, le Canada et la Corée du Sud., d'autres suivront. Cette alliance n'est pas un club
rigide et exclusif pour ceux qui ont de bonnes intentions. Je pense à une association d’États convaincus des avantages du
multilatéralisme, qui croient en la
coopération internationale et à l’état de droit. Elle ne vise personne, mais se voit comme une
alliance qui soutient et renforce un ordre mondial et multilatéral. La porte est grande ouverte -
surtout aux États-Unis. L'objectif est de s'attaquer aux problèmes qu'aucun d'entre nous ne peut
résoudre seul, du changement climatique au commerce équitable.
Je n’ai aucune illusion sur le fait qu’une telle alliance puisse résoudre tous les problèmes du
monde. Mais il ne suffit pas de se plaindre de la destruction de l'ordre multilatéral. Nous devons nous battre pour lui,
en particulier à cause de la situation transatlantique actuelle.
S'il vous plaît, n'abandonnez pas l'Amérique Un dernier point est élémentaire: nous devons entamer un nouveau dialogue
avec les peuples d'outre-Atlantique. Non seulement à New York, à Washington ou à Los Angeles, mais aussi en Amérique centrale, où la côte est lointaine et l'Europe encore plus éloignée. À partir d'octobre, nous organiserons pour la première
fois une «Année allemande aux États-Unis». Non pas pour célébrer l’amitié germano-américaine avec nostalgie, mais pour permettre des rencontres qui
donnent l’impression que nous nous posons des questions similaires, que nous sommes toujours proches.
L'échange crée de nouvelles perspectives. Je ne peux pas oublier une rencontre que j’ai eue
récemment lors d’un de mes voyages. Un jeune soldat américain a profité d’un moment où l'on ne
pouvait le voir pour me murmurer: «S'il vous plaît, n’abandonnez pas l’Amérique.» Un soldat
américain demandait à un politicien allemand de ne pas laisser tomber l’Amérique. L'affection qui
réside dans cette demande m'a profondément touché. Peut-être devons-nous maintenant nous
habituer à l'idée que les Américains vont nous dire de telles choses à nous, Européens.
Quoi qu'il en soit, ce serait une ironie de l'histoire si Henry Kissinger devait avoir raison. Si
les tweets de la Maison Blanche conduisaient effectivement à un partenariat équilibré, à une
Europe souveraine et à une alliance mondiale pour le multilatéralisme. Nous travaillons dur