Pensions...

...par le Col. Jean-Jacques Noirot - le 01/02/2018.

Ça y est! Elles sont arrivées! Vous n'avez pas deviné ? Rien ne vous inquiète actuellement ?

Moi, un petit peu quand même.... Je suis égoïste, comme tout le monde...

Enfin, voulais-je dire, je ne suis pas ennemi de mes intérêts....

Ma pension ! De retraite, évidemment ! Pas les autres... D’invalidité ou

du combattant. Je parle de la "maousse costaud", celle qui me permet de

vivre. Badaboum ! Quelle claque !

J'oserais parler d'une douleur dans un endroit qui m'est cher, avec "en

même temps" un souffle chaud dans le cou qui me susurre: "C'est pour

les jeunes, l'avenir de la France. Il faut les aider !" Ça fait mal !

Les jeunes, les jeunes.... Oui, mais lesquels ? Les jeans troués ras les

essieux, en baskets Reebock et capuchon rabattu, déambulant toute la

sainte journée, et surtout la nuit, occupés à ne rien faire sinon pianoter sur leur outil connecté ? Ou bien les autres, tous les autres, qui n'ont besoin de rien, puisqu'ils se sont depuis longtemps pris en charge et

s'assument ?

Au fond, peu importe. Mon sujet est ailleurs. Je me tourne vers ceux que j'ai côtoyés tout au long de ma carrière. Humbles serviteurs de la grandeur nationale, successeurs des héros d'Indochine et d'Algérie, logés eux aussi en cette circonstance à la même enseigne, ils se sont constitués en accomplissant leur devoir une petite retraite qui, cumulée à celles obtenues par leurs activités ultérieures, et leur conjoint, les rendent éligibles au rabot.

Qu'ont-ils fait de mal pour qu'ainsi "on" oublie ce qu'ils ont fait pour la patrie, c'est à dire pour nous tous, y compris ceux qui sans vergogne les ponctionnent ? Au dedans comme au dehors, ils ont servi. Ils ont permis

à tous nos concitoyens de dormir tranquilles. Ils ont monté la garde aux marches de l'Europe, parcouru les rizières ou les djébels, veillé sur nos couleurs partout où le pouvoir politique les a envoyés, parfois au péril de

leur vie et souvent loin de leur famille que de régulières mutations arrachaient à la stabilité relationnelle et éducative pourtant si nécessaire à leur épanouissement. Cela vaut-il l'amalgame dont "on" les afflige en

considérant que la petite retraite d'un soldat équivaut à n'importe quelle autre ?

Ce même pouvoir qui hier tressait des couronnes aux uniformes bariolés aujourd'hui les traite comme des épiciers.

Ne nous méprenons pas. Je n'ai rien contre les bénéficiaires de retraites constituées à partir des cotisations calculées sur des BNC ou des BIC. Ces retraités-là sont organisés et ont appris de longue date à se défendre.

Chacun doit mener son combat. Ceux dont aujourd'hui je veux dénoncer le mauvais parti qui leur est fait sont nos frères - ou compagnons - d'armes.

C'est dans une indifférence générale qu'ils voient leurs retraites baisser. Alors que sur toutes les ondes et tous les écrans s'épanchent des retraités indignés auxquels complaisamment sont tendus des micros, personne ne s'interroge sur le bienfondé du sort réservé aux retraités militaires ayant achevé leur carrière à un modeste et cependant respectable niveau. La hiérarchie considère sans doute que ce n'est pas son problème. 

Demain, il n'en ira pas de même. Tant pis pour elle. Les associations d'anciens sont muettes sur ce sujet. Pourtant, des structures existent.

Qu'en est-il ? Sans doute débattent-elles gravement de doctes sujets. Peut-être se préoccupent-elles de la condition des plus déshérités et des plus vulnérables d'entre nous. C'est bien. Bravo.

Mais pourquoi ce silence sur cette question des retraites qui s'inscrit de façon irréversible et dans la durée ? Je vais être sévère, et je suis prêt à affronter la foudre. Mais je pense que ceux qui possèdent un "matelas" de

revenus et de pension suffisamment douillet - j'en fais partie - n'ont pas à l'esprit le souci de ceux qui dorment sur un paillasson.

Il serait temps de se réveiller. Boire de bons coups après l'inauguration des chrysanthèmes ou les dépôts de gerbes à l'issue des fêtes commémoratives, des assemblées générales ou des portes ouvertes de régiment ne suffit plus à justifier les associations d'Anciens. Les minutes de silence ont assez duré. Les temps nouveaux sont là. Ils contiennent de multiples périls nous menaçant de déclassement.

La DMLA (dégénérescence militaire liée à l'âge) nous guette. Aussi, il serait temps de s'apercevoir que nos belles associations ont un rôle à jouer, dans la société, auprès de leurs adhérents quand le pouvoir politique, se fondant sur des promesses électorales ou bricolant les lois, ne recule devant rien pour jeter ses griffes et, financièrement ou moralement, nous agresser.

Mais elles ne peuvent agir isolément. La mesure fiscale qui frappe les retraités militaires ayant dépassé le seuil arbitraire au-delà duquel le "massicotage" peut s'exercer était une occasion de nous souder autour

d'une action commune conduite par un leader reconnu. Cette occasion est manquée. C'est très regrettable.

Tourner le regard vers le haut, pour interpeller ou dénoncer, bien sûr ! Mais auparavant, il faut qu'il ait été tourné vers le bas, afin de s'enquérir de ce qui s'y passe, et réagir ensemble.

Avec son "Plaidoyer pour nos soldats", J.P. Soyard ne dit rien d'autre. Cette affaire malodorante de retraite érodée nous montre qu'il avait anticipé les coups bas qui surviennent.

Les défis de demain nous bousculent. Soyons prêts.

 

Jean-Jacques NOIROT

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