Interrogé par un journaliste sur la déclaration d’Emmanuel Macron plaidant pour accélérer la création d’une « armée
européenne, pour se défendre face à la Russie, la Chine et les Etats-Unis », le Général Pierre de Villiers a répondu : « Tout dépend de ce que revêt
ce terme. Si elle prend la forme de projets de coopération entre différents pays autour de projets concrets, c’est même nécessaire ! » Pour ma part, une force armée pilotée par
Bruxelles n’est pas envisageable. On ne meurt pas pour une communauté économique, mais pour sa patrie et ses valeurs nationales. L’idée d’une armée européenne prônée par Emmanuel Macron et les
partisans de l’Europe fédérale implique une souveraineté européenne, une souveraineté qui n’existe pas et qui restera du domaine de l’utopie pendant encore longtemps. Les nations européennes se
sont constituées au cours des siècles sur des racines culturelles profondes, notamment des bases chrétiennes, alors que l’Union européenne n’est aujourd’hui qu’une organisation technocratique
mercantile. L’UE se pose en donneuse de leçons de morale : théories du genre, lois LGBT, lois sur la famille. Ces réformes ne sont pas un socle commun aux citoyens européens. Il n’y a
donc pas aujourd’hui d’identité européenne.
D’autre part, il est nécessaire de rectifier ici un dogme souvent répété qui consiste à dire que l’Union efuropéenne aurait apporté la paix sur le continent alors
que c’est l’inverse qui est vrai : c’est en raison de l’éloignement de ces risques de guerre entre les nations européennes que l’UE a pu avancer son projet fédéral, mais les partisans d’une
Europe supranationale persistent à mettre cet acquis au crédit de l’organisme de Bruxelles. On se souvient des guerres de dislocation de la Yougoslavie puis de la Serbie dans les années 90, dont
la responsabilité incombe en grande partie à l’activisme allemand encouragé par la passivité de la France qui ont laissé les Etats-Unis s’impliquer militairement au cœur de l’Europe, débouchant
sur une situation encore instable aujourd’hui dans les Balkans, du fait de la création au cœur de l’Europe d’un état musulman comme la Bosnie-Herzégovine et l’auto proclamation de l’indépendance
du Kosovo dont les exactions criminelles ont semé les ferments d’une discorde durable dans cette région.
Une Armée européenne incompatible avec l’appartenance à l’OTAN
Une armée est une organisation hiérarchique avec un chef, des subordonnés et des soldats prêts à mourir pour leur patrie. Tout comme l’identité, la notion de patrie
européenne n’existe pas.
Une armée ne peut être engagée au combat que sur l’ordre d’un chef politique. Quel est le chef politique de l’Europe ?
Une armée ne peut être que l’outil militaire d’un gouvernement, seul légitime pour l’engager. Quel est le gouvernement de l’Europe ?
Une armée au combat exige l’unicité du commandement pour être efficace. A la fin de la première guerre mondiale, cette nécessité incontournable a conduit à
réunir sous le seul commandement du Général, puis Maréchal, Foch les différentes armées alliées pour parvenir à la victoire de 1918, car les nations avaient le même objectif de faire face à la
machine de guerre formidable de l’Empereur Guillaume II qui voulait subvertir l’Europe à ses ambitions impériales. La coordination du commandement par un seul chef a permis de réagir efficacement
à la dangereuse offensive allemande du printemps 1918, puis à pousser l’ennemi à une retraite qui aurait due se poursuivre jusqu’à Berlin si les politiques n’avaient pas arrêté le généralissime
dans son élan victorieux, à son grand dam.
L’UE n’a aucune force politique, elle n’a pu résoudre aucune crise politique dans le monde. Récemment les sanctions américaines contre l’Iran ont constitué une
attaque délibérée des Etats-Unis contre les intérêts économiques des Européens, et ceux-ci ont été incapables de s’y opposer, n’annonçant que des subterfuges comme solutions. Les entreprises
européennes, notamment françaises, ont été obligées de quitter l’Iran, ouvrant la place à la concurrence mondiale.
Le souhait exprimé par le Général de Villiers, celui d’une Europe forte, est un vœu pieux. L’idée d’une Europe fédérale basée sur le modèle des Etats-Unis,
« alors que ceux-ci ont été créés à partir de rien, sur une sorte de Sibérie fertile, par des flots successifs de colons déracinés. » (De Gaulle
à Malraux, dans « Les chênes qu’on abat ») est une utopie. L’Europe ne pourra être plus forte que si elle additionne les atouts de ses
différentes composantes avec chacune leurs particularismes, et non en réduisant leurs souverainetés qui ne peut que déboucher sur un magma technocratique central qui n’accédera jamais à une
identité et encore moins à une souveraineté étatique.
La seule force politique en Europe est celle de l’OTAN, qui n’est pas seulement une alliance militaire, mais qui poursuit les objectifs stratégiques des Etats-Unis.
L’ambiguïté aujourd’hui résulte de la position du Président Donald Trump qui paraît vouloir s’éloigner à la fois de l’Union Européenne et de l’OTAN. Pourtant sa décision récente de sortir du
Traité FNI de 1987 sur les forces nucléaires intermédiaires indique que ses stratèges sont prêts à envisager une guerre nucléaire sur le continent européen, ce qui ne fait qu’entériner les
décisions de l’administration précédente d’installer à partir de 2020 de nouvelles armes nucléaires à guidage de précision qui remplaceront les B-61 déjà présentes en Belgique, Pays-Bas et
Italie. En ajoutant la Pologne et la Roumanie, qui sont partie intégrante du système THAAD présenté comme défensif mais qui, en réalité, comporte des missiles nucléaires pouvant attaquer la
Russie.
L’Europe devient un arsenal nucléaire américain face à la Russie, s’offrant ainsi comme première cible évidente des armes nucléaires de notre grand voisin qui a
pourtant fait des propositions pour éviter cette escalade militaire.
En réalité l’Union Européenne suit la politique des Etats-Unis partout dans le monde, y compris en Syrie où les Français seront associés à l’échec de cette
stratégie et au retrait prochain inéluctable des forces américaines qui accumulent les déconvenues dans leurs interventions au Moyen-Orient. Elles n’ont acquis le contrôle d’aucun des pays que
son armée a attaqués, les laissant en général dans des situations chaotiques, et toujours hostiles : Afghanistan, Irak, Syrie, Libye, Yémen.
Pourtant cette chimère de défense européenne continue d’être caressée par des dirigeants politiques depuis de nombreuses années. Nicolas Sarkozy a ordonné le retour
de la France dans l’organisation militaire de l’Alliance Atlantique, bien préparé par Jacques Chirac, au prétexte de faire avancer la création d’une armée européenne, on voit le résultat.
Sous François Hollande, lorsque l’Afrique a été menacée par des forces islamistes, seule la France s’est chargée à la défendre. Le Président et les chefs militaires
français ont attendu un soutien de l’UE mais les plans du Comité Militaire de Bruxelles étaient à l’ébauche dans des cartons et y sont restés. Seule l’intervention militaire française décidée
dans l’urgence de l’avancée islamiste a permis d’arrêter leurs conquêtes vers le sud et la prise de Bamako.
A la base de toutes ces velléités de vouloir bâtir une armée européenne, il y a l’idée que les Européens devraient avoir une conception commune des menaces et d’y
faire face ensemble. Là aussi, c’est une erreur de réflexion stratégique quand certains veulent présenter la Russie comme une menace, prête à envahir l’Europe avec ses chars ! Alors que d’autres
estiment que nous devrions construire avec notre immense voisin un concept de défense et de sécurité partagé, notamment face au terroriste islamiste. Sans parler de notre sécurité énergétique et
de nos intérêts économiques qui lui sont étroitement liés. Pour cela il faudrait, évidemment, nous entendre avec elle sur des échanges et une coopération mutuellement profitable, au lieu de
suivre aveuglément l’hostilité que les USA entretiennent contre cet immense pays de notre continent, qui renaît de ses cendres et possède une importante dimension asiatique qui nous serait
utile.
Fascination récurrente pour les Etats-Unis
Mais tous les pays membres de l’Union Européenne regardent vers les Etats-Unis pour leur défense, se conformant en cela au texte du Traité de Lisbonne, reprenant
les termes du projet de Constitution rejeté en 2005 par les Français et nos amis Hollandais :
L’article 42-7 du Traité de Lisbonne est explicite à ce sujet :
« Au cas où un État membre serait l’objet d’une agression armée sur son territoire, les autres États membres lui doivent
aide et assistance par tous les moyens en leur pouvoir, conformément à l’article 51 de la charte des Nations unies. Cela n’affecte pas le caractère spécifique de la politique de sécurité et de
défense de certains États membres. Les engagements et la coopération dans ce domaine demeurent conformes aux engagements souscrits au sein de l’Organisation du traité de l’Atlantique Nord,
qui reste, pour les États qui en sont membres, le fondement de leur défense collective et l’instance de sa mise en œuvre. »
Cette fascination pour les Etats-Unis empêche les dirigeants d’admettre que si ce grand pays a été notre allié pendant et depuis la dernière guerre mondiale – et
même pour la France depuis la création du pays avec La Fayette et Rochambeau – il est maintenant notre concurrent dans bien des domaines, notamment en économie. Pour les observateurs
impartiaux capables de s’affranchir de l’idéologie atlantiste, La politique brutale de Donald Trump n’est que la forme visible d’une politique plus feutrée que ses prédécesseurs ont menée à notre
égard.
Les nations européennes membres de l’OTAN ont, en général, fait un effort pour se rapprocher ou atteindre le seuil de 2 % de leur PIB consacré à la défense demandé
par les Présidents américains, envoyant même des soldats les soutenir en Afghanistan où elles n’ont aucun intérêt, si ce n’est de plaire à leur protecteur, et où les experts savent que les
Talibans, après 17 ans de présence militaire américaine contrôlent 80 % du pays et forcent les Etats-Unis à des négociations, discrètes pour l’instant, qui déboucheront par un retrait à court ou
moyen terme.
La seule réelle force politique en Europe est l’OTAN, et donc les Etats-Unis. Car tout est organisé pour que la doctrine, le commandement, les matériels, l’armement
soient américains et les pays européens n’ont absolument rien contre : six pays de l’UE, cinq quand la Grande Bretagne en sera sortie, ont acheté des avions américains F 35 alors que de
l’avis de tous les pilotes expérimentés du monde le meilleur avion est le Rafale. Mais il a l’inconvénient d’être Français ! Ou plutôt de n’être pas Américain. Et ce n’est qu’un exemple
parmi d’autres qui montre que les nations européennes sont totalement liées aux Etats-Unis par des liens qu’on peut appeler d’amitié, mais qui sont d’abord de subordination.
C’est pourquoi le projet du Président Macron de partager avec l’UE, c’est-à-dire avec l’Allemagne d’Angela Merkel, le siège de la France au Conseil de Sécurité des
Nations Unies qu’elle détient grâce à l’action opiniâtre du Général de Gaulle est une démarche politique qui trahit les intérêts fondamentaux de la France et, en réalité, est irréalisable et ne
constitue qu’une déclaration infondée s’inscrivant dans l’utopie citée plus haut. Alors que l’UE vacille sur des bases mal conçues, est abandonnée par un grand pays comme la Grande-Bretagne, est
critiquée de l’intérieur par des pays fondateurs comme l’Italie ou par de vieilles nations qui l’ont rejointe plus récemment comme la Hongrie et la Pologne, que deux pays fondateurs comme
l’Allemagne et la France sont en crise, la solution n’est pas d’accélérer le fédéralisme mais au contraire d’y mettre un terme, ou au moins de faire une pause dans cette direction. Ainsi le
député honoraire, Jacques Myard, a raison lorsqu’il rappelle les propos de Jacques Delors en commission des affaires européennes à l’Assemblée nationale le 6 avril 2011 : « Il n’y aura jamais de politique étrangère commune ; la conception de l’Europe puissance est une utopie du Quai d’Orsay ».
Singularité de la France
« La France a été l’âme de la chrétienté ; disons aujourd’hui de la civilisation européenne. J’ai tout fait pour la
ressusciter. » Charles de Gaulle à Malraux dans « Les chênes qu’on abat »
La plus grande puissance militaire de l’Union Européenne est la France avec un budget de 56,3 milliards de dollars, et est, de l’avis de tous les experts
militaires, une des meilleures armées du monde par les processus opérationnels qu’elle a mis au point. Malgré sa petite dimension sans cesse amoindrie par des budgets en diminution
depuis des décennies, et jusqu’à encore récemment car, même si la baisse a été arrêtée par la dernière Loi de Programmation Militaire, Bercy ne rate pas une occasion de rogner sur les
autorisations de paiement comme pour le financement des opérations extérieures, ce qui a provoqué la démission du dernier CEMA, le Général Pierre de Villiers, en juillet 2017. Il semble
d’ailleurs que le processus sournois de Bercy soit à nouveau à l’œuvre. Malgré des moyens chichement accordés par le Ministère des Finances, l’Armée française est encore une des rares armées du
monde capable de se projeter rapidement pour faire face à une menace lointaine de ses intérêts vitaux, en déployant des moyens aéronavals et des forces terrestres aérotransportées outre-mer quasi
instantanément. Mais en limite de rupture capacitaire, d’où la nécessité impérieuse de maintenir l’effort budgétaire sur plusieurs années.
Elle est suivie par la Grande-Bretagne qui quittera le navire en 2019, 48,4 milliards, et par l’Allemagne, 43 milliards, puis l’Italie, 28,5 milliards, l’Espagne,
15,7 milliards, la Pologne, 9,5 milliards.
Tous ces pays estiment que leur défense est indissolublement liée aux Etats-Unis, sauf la France dont les dirigeants successifs depuis de Gaulle n’avaient pas osé
détruire la politique de non-alignement du Général. Rappelons par ailleurs que cette politique avait été établie dans une période bien plus difficile qu’aujourd’hui où le bloc soviétique n’existe
plus.
Ayant doté la France de « la force de dissuasion nucléaire qui rend invulnérable » disait-il et « qui n’est pas faite pour frapper mais pour empêcher d’être frappé », dont la mise en œuvre éventuelle est nécessairement nationale, il proposait déjà à
l’époque du rideau de fer une coopération militaire avec les autres Etats d’Europe de l’Ouest, à commencer par l’Allemagne dont il pensait qu’elle devait accompagner la politique d’indépendance
de l’Europe qu’il prônait. On sait qu’il a été déçu à cet égard car si le Chancelier Adenauer y était prêt, le personnel politique allemand orienté vers les Etats-Unis a ruiné cette volonté de
construire avec l’Allemagne une Europe forte et indépendante, en ajoutant le fameux protocole au Traité de l’Elysée de 1963 qui rendait caduc son contenu en faveur d’une Europe européenne
vraiment indépendante.
La France, membre permanent du Conseil de Sécurité des Nations Unies, position acquise également grâce au Général de Gaulle, détentrice du feu nucléaire, même si de
mauvaises politiques lui ont fait perdre de sa puissance économique au profit de l’Allemagne, souvent au nom d’arrangements prétendument en faveur de l’Europe, ne peut être comparée aux autres
pays européens, erreur de certains qui jugent sur des critères faux ou incomplets.
Elle a évidemment un rôle original à jouer en Europe, d’autant que ses responsabilités mondiales découlant de son passé, avec ses 11 millions de km2 de possessions
marines réparties sur toute la planète, deuxième puissance mondiale à cet égard, de ses liens et accords de coopération avec beaucoup de pays africains, impliquent qu’elle doit avoir les moyens
d’intervenir partout dans le monde pour faire face aux menaces éventuelles, notamment une marine et des moyens de projection rapides et puissants.
Les autres pays européens peuvent bénéficier de ce particularisme français et construire avec elle des coopérations dans divers domaines, notamment dans celui des
industries d’armement, et l’accompagner dans les projets qui offriraient des intérêts partagés.
Mais les instruments de la puissance, feu nucléaire et siège permanent au Conseil de Sécurité de l’ONU ne peuvent être partagés et toute velléité de le faire serait
une trahison.
Ces instruments donnent des responsabilités à la France dans la construction de coopérations renforcées avec d’autres nations européennes dans de nombreux domaines,
c’est-à-dire dans un vrai rapprochement des nations du continent qui ont tant de valeurs à partager et à défendre, tout en gardant leurs souverainetés.
Par son riche passé la France a des liens d’amitié avec presque tous les pays européens : les rues et les monuments de Paris ne cessent de rappeler la
profondeur de cette amitié avec nos voisins immédiats mais aussi avec la Pologne, la Hongrie, la Serbie, la Roumanie, la Bulgarie, la République Tchèque et la Slovaquie, et d’autres encore dont
les intellectuels, les écrivains, les artistes nous sont devenus familiers et appartiennent à notre patrimoine, comme l’Italie de la Renaissance qui a imprégné nos monarchies.
Ces coopérations pourraient d’ailleurs concerner des pays non membres de l’actuelle Union européenne, tant il est possible d’envisager des accords économiques,
industriels, sécuritaires avec tous les pays qui apporteraient leurs pierres à l’édifice et y trouveraient intérêt. Comme l’a indiqué Jacques Myard, il existe de grands projets qui nécessitent de
s’entendre avec des Etats non-européens parce que la technologie nécessaire n’est pas présente chez nous. La construction de moteurs d’avion nécessite que Safran coopère avec General
Electric ; le projet dans le nucléaire d’ITER est mondial et dépasse les frontières de l’Europe.
On ne fait de la politique que sur des réalités, et avec du bon sens, aimait à répéter le Général de Gaulle. Il ajoutait aussi que les Etats n’ont pas d’amis, ils
n’ont que des intérêts. Les vielles nations du continent ne sont pas prêtes à voir disparaître leurs cultures, ni leurs souverainetés. On le voit clairement avec de plus en plus de pays européens
qui s’opposent avec fermeté aux décisions de Bruxelles pendant que les opinions publiques portent au pouvoir des majorités qui veulent retrouver leurs souverainetés. Il faut donc revenir au bon
sens et laisser les Etats qui le souhaitent rapprocher leurs politiques et avancer ensemble vers des objectifs partagés en fonction de leurs intérêts bien compris.
On voit que les politiques concernant l’immigration sont partagées par les Etats qui sont en première ligne et qui s’opposent radicalement à celles de Bruxelles, de
l’Allemagne de Merkel et de la France de Macron. Ces pays entrent dans des groupes de nations, comme le Groupe de Visegrad, parce qu’ils ont des menaces identiques et entendent y faire face
ensemble. Il existe un terme dans le texte du Traité de Lisbonne pour appeler ces processus : les coopérations renforcées entre Etats qui se sont définis des intérêts communs dans des
domaines précis. Suivons l’exemple de Visegrad.
Définition de la menace
En matière de défense, les nations européennes ne définissent pas les mêmes menaces et ont des priorités différentes.
La menace terroriste, commune à toute l’Europe, nécessite une organisation des services de renseignement et de police pour y faire face. Il existe déjà des
organismes communs dépendant de l’UE à cet égard, mais la coopération peut, et doit, dépasser les seuls Etats européens pour concerner les pays d’où sont issus les terroristes. Les services les
mieux renseignés au monde sur la mouvance jihadiste sont les services de renseignement syriens avec lesquels nous échangions autrefois de précieuses informations, mais avec lesquels nous n’avons
plus aucune coopération à cause de la politique aberrante que nous continuons à mener pour renverser le Président Bachar el Assad qui a renforcé son prestige par la magnifique résistance de son
peuple et de son armée qu’il a dirigée, avec l’aide de ses alliés russes et iraniens, contre le terrorisme islamique. Tout cela pour avoir fait le choix catastrophique de nous mettre dans le
sillage des Etats-Unis et de ses affidés du Golfe.
La menace terroriste est une menace endogène à la France et aux pays qui ont des populations pas ou mal assimilées. Elle ne disparaîtra pas avec la probable
destruction prochaine de DAESH au Moyen-Orient. La haine de l’Occident qui habite le cœur de ces populations en déshérence subsistera de manière latente ou violente tant que les Etats n’auront
pas pris de mesures sérieuses face aux migrations sauvages qui amplifient cette fracture des sociétés. Il n’y a plus besoin d’une ordre d’un émir islamiste de DAESH ou d’Al Qaïda pour que des
individus passent à l’acte. Il n’y a pas d’organigramme que nos services pourraient découvrir, même si des cellules dormantes prêtes à passer à l’action existent.
Le Pacte de Marrakech proposé par l’ONU pour inciter les nations à accueillir les migrants est un vœu pieux très dangereux car ce n’est pas ainsi qu’on peut tarir
les flots de migrants, mais c’est plutôt les inciter dans leurs équipées périlleuses.
Il s’agit donc avant tout de coopération de renseignement et de police à développer, coopération qui ne nécessite pas d’intégration fédérale et d’abandon de
souveraineté à un quelconque organisme centralisé.
C’est d’ailleurs ainsi que les états d’Eurasie et d’Asie coopèrent dans des organisations internationales comme l’Alliance Economique Eurasienne ou l’Organisation
de Coopération de Shangaï, en conservant leurs totales souverainetés dans la mise en commun de leurs capacités.
L’effort européen en matière de défense devrait porter sur le développement d’industries de fabrication d’armement, domaine dans lequel la France dispose encore
d’une grande expertise, en coopération avec les groupes industriels qui en ont aussi comme les Tchèques, les Slovaques, les Serbes, les Croates, les Allemands, les Italiens, les Belges… et y
trouveraient leur intérêt. Les armées nationales doivent s’entraîner à travailler ensemble pour s’habituer à participer à des opérations communes, à utiliser des matériels sortis d’usines
européennes, éventuellement en coopération avec des pays hors du continent.
Participer avec les EUA a des opérations communes, pourquoi pas si les Etats européens définissent des menaces communes avec eux, mais pas pour s’y subordonner
comme dans l’OTAN. En outre, la Grande Bretagne sortie de l’UE devrait rester notre partenaire industriel dans de nombreux domaines. Finalement pour la nation amie d’outre-manche, le seul frein à
notre coopération avec elle réside dans son attachement à l’OTAN qui devrait ne plus être notre bréviaire. Mais nous avons en partage des responsabilités mondiales qui exigent des coopérations
dans de multiples domaines, à commencer par le domaine industriel militaire, si l’attirance pour le grand large de notre voisine d’outre-Manche ne lui fait pas négliger son appartenance
géographique au continent.
Conclusion
L’Union Européenne n’est pas une force politique et elle n’en prend pas le chemin : elle se soumet aux décisions unilatérales des Etats-Unis qui lui nuisent
directement en n’émettant que des protestations de principe, même quand celles-ci portent des préjudices importants à ses intérêts vitaux, comme les taxes imposées à ses produits ou les
interdictions de commercer avec l’Iran ou Cuba.
Dominique de Villepin, resté célèbre pour son discours à l’ONU en
février 2003 comme ministre des Affaires Etrangères de Jacques Chirac, rappelant les vertus de la « vieille Europe » avec lyrisme pour dénoncer la
volonté de G. W. Bush d’attaquer l’Irak, a récemment déclaré qu’après les attaques répétées des Etats-Unis contre l’Europe, ils ne sont plus leur allié mais un rival brutal. Il faudrait que la
France et l’UE le réalisent.
La décision récente de Donald Trump de sortir du Traité sur les Forces Nucléaires Intermédiaires (INF en américain) signé en décembre 1987 à Washington entre les
Présidents Reagan et Gorbatchev est une attaque de plus contre le continent européen, il faut bien le comprendre.
Ce traité prévoyait la destruction simultanée de milliers d’armes nucléaires par les deux puissances, faisant un premier pas vers l’annihilation totale un jour de
cette épée de Damoclès de la possible destruction de l’humanité par cette arme terrible, et avait pour but de réduire les tensions en Europe. Or ni l’UE, ni les nations européennes, membres ou
pas de l’OTAN, n’ont été consultées avant cette décision, montrant bien le mépris dans lequel les Etats-Unis tiennent une Europe qu’ils considèrent comme leur docile sujet. Les USA accusent la
Russie d’avoir enfreint le traité alors qu’il y a maintenant belle lurette qu’ils ont installé des armes nucléaires de portée intermédiaire sur le continent, notamment en Italie, Belgique,
Pays-Bas, Roumanie et Pologne clairement annoncées maintenant contre la Russie, même s’ils les présentent comme des armes défensives. Les Etats-Unis envisagent donc l’Europe comme le théâtre
possible d’une guerre nucléaire limitée-aberration dangereuse de pseudo-stratèges qui n’ont pas compris que l’arme de non-emploi, comme on l’a appelée- parce que les représailles automatiques
seraient insupportables pour l’attaquant, d’où le concept de dissuasion pas toujours compris par certains qui continuent à raisonner selon le principe de coercition que la détention de l’arme
nucléaire annihile, entraîne de facto une réaction en chaîne stratégique analogue au processus physique qui lui donne sa puissance.
Face à l’attaque directe des Etats-Unis contre les intérêts économiques européens que constitue leur retrait unilatéral de l’accord nucléaire avec l’Iran signé le
14 juillet 2015 et entériné par la résolution 2231 de l’ONU, l’Union Européenne montrera sa capacité à acquérir ou non une existence politique en montrant sa fermeté face à ce défi américain.
Pour le moment nous n’avons vu que des déclarations sans conséquences pratiques, et on ne voit pas comment le « véhicule spécial » (SPV en
anglais) mis en place par Bruxelles permettra aux entreprises européennes de reprendre leurs activités en Iran.
La défense militaire de l’Europe comprend aussi la défense économique de ses intérêts et doit être pensée au travers d’une entente entre Etats qui ont des intérêts
communs et des ennemis communs.
Que les stratèges réfléchissent à cette problématique sans idéologie et avec pragmatisme. Ils devraient comprendre que l’OTAN est le principal obstacle à la prise
en compte par les Européens de leur destin ; destin qui n’est pas fait de table rase du riche passé des nations mais au contraire du rapprochement des politiques de pays souverains,
économiquement, monétairement, fiscalement, socialement et militairement.
La richesse des Histoires des nations du continent doit les amener naturellement à se rapprocher souverainement du fait de leurs nombreuses affinités, sans carcan
idéologique ou technocratique quelconque. Les craquements de plus en plus forts dans les fondements de l’Union européenne, provoqués par des forces extérieures et intérieures multiples et
variées, laissent augurer des jours sombres pour les thuriféraires de l’Europe supranationale : le rouleau compresseur du réalisme des peuples devrait bientôt écraser les fausses valeurs .
Ces peuples sont de plus en plus agités, comme le montre les mouvements protestataires actuels en France qui savent, inconsciemment ou consciemment, que la source de leurs maux est dans la
transposition des directives d’austérité bruxelloises dans la législation française.
« Enfin ! j’aurai fait ce que j’aurai pu ! S’il faut regarder mourir l’Europe, regardons : ça n’arrive pas
tous les matins. » Charles de Gaulle à André Malraux dans « Les chênes qu’on abat », récit de son entretien du 11 décembre 1969 à La Boisserie.