...par Le commissaire en chef de 1° classe (er) Jacques Tabary
Le 21/10/2020
La Constitution du 4 octobre 1958 stipule: « Le peuple français proclame solennellement son attachement aux Droits de
l’Homme et aux principes de la souveraineté nationale ».
Cet article a pour but de démontrer que cette Loi fondamentale n’est pas respectée
dans le domaine numérique.
La souveraineté numérique peut couvrir (ou dépendre de) plusieurs aspects dont notamment le stockage des données, les systèmes d’exploitation, les applications
logicielles, la capacité à se protéger des attaques informatiques, à assurer la protection des données personnelles ainsi qu’industrielles et commerciales[1]…
Aujourd’hui, les données françaises et européennes qui, pour beaucoup, constituent « l’or noir » de l’économie contemporaine, sont stockées à
80 % aux USA ou dans des serveurs américains. Ainsi, les données de santé des Français sont depuis 2019 hébergées par MICROSOFT, en dépit de l’avis défavorable de l’ANSSI[2], dans le cadre du marché « Health Data
Hub ». RENAULT, entreprise dont l’État est actionnaire, confie le traitement de ses données industrielles à GOOGLE. BPI FRANCE, banque publique d'investissement, organisme de financement
et de développement des entreprises, fait enregistrer les demandes de crédit des entreprises françaises au sein d’une solution AMAZON. 85% des entreprises du CAC 40 ont confié leurs données à
MICROSOFT...
La domination des « GAFAM[3] » conduit à un transfert massif des données et de valeur ajoutée vers ces multinationales. Elle pose ainsi un grave problème de souveraineté
nationale.
S’agissant des ordinateurs, le système d’exploitation « Windows » de MICROSOFT et les applications « MS Office » écrasent toute la
concurrence en équipant 80 à 90 % des ordinateurs des particuliers, des entreprises et des administrations. Cette proportion monte à 100 % dans 2 ministères régaliens : les
Armées et la Justice… Ceci n’est pas sans poser problème s’agissant de la sécurité :
Les logiciels de MICROSOFT sont les vecteurs privilégiés des « malwares », en raison de leur position dominante ;
Les remontées « techniques » périodiques de données, faites sans accord de l’utilisateur, sont également sujettes à interrogation.
Le système « Androïd » de GOOGLE équipe 75 % des ordiphones, Apple arrivant en deuxième position. Ces deux systèmes sont considérés comme de
véritables aspirateurs à données :
Quand la BANQUE POSTALE demande à ses clients de télécharger sur « GOOGLE Play » l’application « Certicode + », elle fournit
gratuitement à GOOGLE le nom et l’adresse IP du client concerné, ce qui complétera son profil commercial. En enregistrant les téléchargements, GOOGLE obtient aussi la liste nominative de
tous les clients de la banque, qui devrait portant protéger à tout prix cette donnée stratégique majeure ;
L’association TEGO (ex- AGPM et GMPA) recommande aussi le téléchargement de son application mobile sur « GOOGLE Play ». Cette fonctionnalité
intéressant surtout les jeunes militaires, GOOGLE pourra ainsi facilement rapprocher la qualité d’adhérent de TEGO, qui découle du téléchargement, avec sa géo-localisation. De là à en
déduire à quelle unité militaire située à proximité appartient l’adhérent, il n’y a qu’un pas ...
Soumises au « Cloud Act », les « GAFAM » sont obligées de répondre aux demandes des services de
renseignement américains, même si les données qu’elles gèrent sont situées à l’étranger.
Il existe une grande porosité entre elles et ces services :
MICROSOFT[4] a été la première entreprise à participer au
programme de surveillance PRISM de la NSA ; elle a aidé celle-ci à avoir accès aux messageries « Outlook » et « Hotmail » ;
AMAZON vient de nommer à son conseil d’administration l’ancien chef de la NSA, le général ALEXANDER, qui a supervisé la surveillance de masse dénoncée par
Edgar SNOWDEN.
Cette proximité et la mainmise totale des GAFAM sur l’Internet mondial ont permis, grâce aux informations obtenues par l’espionnage industriel américain, à
GENERAL ELECTRIC de prendre le contrôle d’ALSTHOM, à FMC de mettre la main sur TECHNIP, à TOTAL, SHLUMBERGER, ALCATEL, BNP, SOCIÉTÉ GÉNÉRALE, CRÉDIT AGRICOLE de payer des dizaines de
milliards de dollars d’amendes.
C’est ce dont prend acte implicitement la Cour de Justice de l’Union Européenne le 16 juillet 2020 par l’arrêt « SCHREMMS 2 », du nom de l’avocat qui
a contesté le transfert des données opéré par FACEBOOK IRLANDE vers sa maison-mère aux USA. Ce jugement historique, qui aurait dû faire la « Une » des médias, constate que les
données à caractère personnel ne bénéficient pas aux USA d’une protection équivalente à celle donnée en Europe par le RGPD[5], ce qui rend illicite leur transfert vers une société
soumise au droit américain.
Le Conseil d’État étant saisi de l’affaire « Health Data Hub », la CNIL[6], dans la suite de l’arrêt précité, lui transmet le 8 octobre
dernier, un mémoire[7] demandant aux acteurs stockant des données de santé de
cesser de confier leur hébergement à MICROSOFT ou à toute société soumise « au droit étatsunien ».
Le coup de tonnerre provoqué par l’arrêt « SCHREMMS 2 » doit contraindre le gouvernement français à abandonner
son acceptation tacite de la domination américaine.
Une idée largement diffusée est qu’hors des GAFAM, il n’y aurait point de salut. Pourtant le potentiel européen est immense et les solutions alternatives
existent :
Il ressort de travaux d’avril 2016[8], que l’UE dispose d’une capacité de stockage suffisante
sur son territoire pour assurer l’hébergement et le traitement des données à caractère personnel des citoyens européens actuellement traitées aux États-Unis : la
« licorne[9] » française OVH, entreprise de niveau mondial,
avait ainsi largement les moyens de traiter les données de santé des Français.
Que ce soit pour les particuliers, les entreprises ou les administrations, le système d’exploitation « Windows » peut être avantageusement
remplacé par son équivalent libre « Linux », dont la fiabilité et la robustesse sont mondialement reconnues, y compris par la NASA et l’US NAVY, qui en a équipé ses sous-marins
nucléaires. La Gendarmerie Nationale l’utilise depuis 15 ans. L’ANSSI a développé un système « Clip OS », également basé sur un noyau Linux, capable de gérer des informations de
plusieurs niveaux de sensibilité.
S’agissant de la bureautique, les logiciels libres représentent une alternative performante et très économique aux produits MICROSOFT.
La suite libre la plus populaire est « LibreOffice », issue d’un logiciel commercial allemand « StarOffice » dont la licence a été rendue
libre. Elle comprend les mêmes modules que « MS Office » et est aussi performante. Elle en utilise sans difficulté les fichiers, tant en import qu’en export.
Le marché public « de support logiciel libre » gagné par ATOS permet aujourd’hui à toutes les administrations centrales de bénéficier du support de 350
logiciels « open source » dont nombre d’outils collaboratifs.
De manière générale, tous les produits propriétaires ont une alternative libre. Les logiciels libres sont plus sûrs :
D’une part, leur code source est ouvert, c’est-à-dire libre d’accès, contrairement à celui des logiciels propriétaires. Cette situation permet donc à la
communauté de repérer et réparer plus rapidement les failles logicielles, les erreurs et négligences de programmation.
D’autre part, n’étant pas soumis à une logique commerciale, les données techniques qu’ils récoltent sont strictement limitées à ce domaine et ne sont pas
revendues.
L’Europe et la France peuvent donc restaurer leur souveraineté numérique et se détacher de la vassalisation actuelle
envers nos « alliés » américains. Cet objectif n’est pas hors de portée.
Il faudrait pour cela une volonté politique ferme et durable. Mais les discours et les actes du gouvernement sont contradictoires :
Lors de la restitution publique du rapport sur l’intelligence artificielle du député Cédric VILLANI, le 28 mars 2018, le Président de la République définit
la souveraineté nationale comme « la capacité pour une Nation de définir par elle-même les normes auxquelles elle se soumet et non de se voir imposer ces règles de
l’extérieur ».
Mais, dans son intervention du 14 septembre 2020 devant les principaux acteurs français du numérique, il limite cette notion de souveraineté au niveau
européen et au domaine économique, comme la promotion de « licornes » ou de « start-up ».
D’autre part :
Le ministère des Armées continue de préférer « Windows » et « MS Office» dans le cadre d’un accord « open bar» passé sans
appel d’offres en 2009, contre l’avis des experts militaires.
Le choix de MICROSOFT en 2019 pour héberger les données de santé des Français était contraire à l’intérêt national :
◦ le Conseil d’État exige, par ordonnance de référé du 13 octobre 2020, le renforcement des clauses du marché « Health Data Hub »
pour qu’il ne soit soumis qu’au droit de l’Union Européenne.
◦ leur traitement est un marché d’avenir qui échappe ainsi à une société française.
L’ÉDUCATION NATIONALE renouvelle au mois d’août 2020 son parc de licences MICROSOFT pour un montant de 8,3 M€ : cette décision très critiquable oriente
des millions de jeunes vers ces produits à la fois payants et non souverains. Est-ce là le rôle de ce ministère ?
Il en est de même des organismes de formation professionnelle qui continuent à former systématiquement leurs stagiaires sur les logiciels de cette
société.
Il est donc mensonger de parler de souveraineté numérique. La Constitution de la
République n’est clairement pas respectée. Seule une volonté politique lucide et forte pourrait dégager la France des tentacules « étatsuniennes » en mettant en
œuvre des solutions alternatives:
relocalisation des données en Europe;
abandon de la préférence générale donnée à MICROSOFT dans les services publics, aux Armées, et notamment dans l’Éducation Nationale, de manière à ne pas
favoriser l’addiction des jeunes aux GAFAM;
respect des textes en vigueur qui incitent à choisir au maximum les logiciels libres.
L’arrêt « SCHREMMS 2 » est une opportunité de restaurer la souveraineté numérique nationale en relançant l’informatique française. Il doit conduire le
gouvernement à mettre sur pied en urgence une vraie politique numérique qui ne se résume pas, comme aujourd’hui, à la promotion de l’application « StopCovid ».
Commissaire en chef de 1e classe (er) Jacques TABARY
St. Cyr - Promotion Charles De Gaulle
Membre de l’ASAF
[1] Rapport sur la possibilité de créer un
Commissariat à la souveraineté numérique
[2] Agence nationale de la sécurité des
systèmes d’information
En 2019, des ingénieurs travaillant pour le géant chinois Huawei découvrent
que Matthew Rosenfeld, plus connu sous le nom de Moxie Marlinspike, le créateur de l’application Signal,
avait accepté des pots-de-vin après avoir été menacé d’emprisonnement pour que le protocole de sécurité de son application soit à la disposition des services techniques des agences de
renseignement des CINQ YEUX (FIVE EYES) (Australie, Canada, Nouvelle-Zélande, Royaume-Unis, USA). Des sources proches des services de
renseignement russes affirment que Rosenfeld aurait reçu en échange de cette coopération plus de 70 millions de dollars US de la part de la CIA via Facebook
Inc. Détail assez surprenant, Facebook est considéré comme faisant partie intégrante de la CIA par le codex chinois portant nomenclature des menaces extérieures.
Le créateur de Signal a travaillé pour Twitter,
l’un des piliers des Cinq Yeux et l’une des principales plates-formes de collecte d’information sur le net. Rosenfeld est surtout connu pour être le co-auteur du protocole de cryptage
Signal, utilisé simultanément par Signal, Facebook
Messenger, WhatsApp et Skype.
Toutes ses applications sont sous le contrôle de la CIA.
Autre détail assez surprenant venant de sources proches de l’État profond US : Rosenfeld en tant que cryptograhe, a été un ami de Jacob Applebaum, le
promoteur de Tor, quoique
le talent de ce dernier dépasse de loin celui de Rosenfeld aussi bien en matière de cryptographie que dans l’art du double jeu (Applebaum a activement collaboré avec la NSA et la CIA tout
en tentant de les doubler avec deux autres services de renseignement étrangers rivaux) et les deux « entrepreneurs » n’ont jamais été indépendants même s’ils jouaient le rôle de créateurs
harcelés en permanence par le FBI et les autres agences de sécurité (c’était pour noyer le poisson et camoufler la mission véritable des deux personnages). Du coup, Signal et Tor
appartiennent de fait aux services d’interception électronique et cybernétique du côté le plus sombre de l’État profond.
Le cas de Telegram est encore plus symptomatique. Crée en 2013 par les frères Nikolaï et Pavel Durov, des dissidents russes. Ses serveurs sont disséminés en
Ukraine et depuis quelques mois ailleurs (son équipe est actuellement à Dubaï après un passage par l’Allemagne). De 2015 jusqu’en janvier 2021, cette application a bénéficié de la
confiance absolue des forces armées syriennes et des renseignements de l’armée de l’air syrienne. Cela eut un impact terrible sur la vulnérabilité de la défense syrienne et causa la mort
de centaines de soldats syriens.
On a pris l’habitude de critiquer la censure chinoise et l’établissement par Beijing de la grande muraille numérique par analogie avec la grande muraille de
Chine. On a par contre jamais pris le temps de recueillir les données collectées par les Chinois pour justifier l’interdiction d’autant d’applications. Or, à l’ère de la censure
universelle actuelle, l’exploitation de ces données est essentielle pour comprendre les ressorts d’une manipulation préparant la chape de plomb qui s’abat actuellement sur le
monde.
Déposséder les Français du secret de leur état de santé n’est pas une idée récente. Elle remonte à la loi de transformation (disons de
destruction) du système de santé en 2019. L’urgence sanitaire de mars 2020, a servi de prétexte à l’accélération de cette « réforme ».
À présent nous sommes face à ce fait :
les données de
l’assurance maladie provenant des hôpitaux, des médecins en ville et des organismes complémentaires, celles sur les décès, les handicaps…vont être transférées sur Health Data Hub. Cette plateforme est hébergée par Microsoft Azure. Et Microsoft Azure, c’est Bill Gates
!
Le secret médical, c’est fini
Le Health
Data Hub, au confortable budget de 80 millions d’euros, sélectionne des projets de chercheurs du public ou du privé (laboratoires pharmaceutiques, fabricants de
dispositifs médicaux, start-up…) et leur communique les données de santé des Français dont ils ont besoin. Heureusement un nécessaire « Comité éthique et scientifique pour
les Recherches, les Études et les Évaluations dans le domaine de la Santé » (CESREES pour
faire plus court)contrôleleHealth
Data Hub.Pour ne pas ployer sous le poids de cette tâche, il bénéficie d’un secrétariat assuré par… le Health Data Hub. Comme
c’est bizarre !
Les hôpitaux réagissent, mais le Conseil d’État ne voit pas où est le problème
Certains hôpitaux ont réagi contre cette privatisation des données de santé et le risque de surveillance de masse qu’elle implique. Sans
réponse du Ministère de la Santé, ils ont été suivis par un recours collectif de 18 associations, syndicats et personnalités contestant au Conseil d’État l’arrêté du 21
avril 2020. Le 19 juin 2020 et le 21 septembre, le Conseil
d’État a écarté les différents griefs. Il remarque néanmoins le risque de
fuite dans le transfert de données et passe la patate chaude à la CNIL.
Pour la CNIL, la vie privée est menacée
La Commission nationale de l’Informatique et des Libertés (CNIL)
s’est inquiétée des contrats du Heath Data Hub qui ne prévoient « ni la localisation des données, ni l’ensemble des garanties relatives aux modalités d’accès aux
données par les administrateurs de l’hébergeur ». Elle a évoqué l’Europe dont les règlements protègent les données personnelles contre leur exploitation par des
sociétés non européennes.
La Cour de Justice de l’Union européenne s’oppose au
transfert de données
Par l’arrêt dit « Schrems II » la Cour de Justice de l’Union européennea jugé que la surveillance par les services de renseignement américains des données personnelles des citoyens
européens était excessive, insuffisamment encadrée et sans réelle possibilité de recours. Elle en a déduit que les transferts de données personnelles depuis l’Union
européenne vers les États-Unis sont contraires au règlement général sur la protection des données (RGPD) et à la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne, sauf
à apporter des garanties particulières ou dans certains cas dérogatoires.
Entre Microsoft et l’Europe les relations sont conflictuelles
Microsoft a dû débourser un total de 2,6 milliards d’amendes pour
abus de position dominante.
Microsoft obéit à la loi des États-Unis
La loi fédérale Cloud Act octroie aux autorités américaines le droit de collecter, partout dans le monde, des données hébergées par des
fournisseurs de services de communication électroniques américains (Microsoft, Oracle, IBM, Apple…). Elle va donc à l’encontre des garanties préconisées par l’Europe.
Le Cloud
Act, acronyme pour Clarifying Lawful Overseas Use of Data Act (Loi sur la clarification de l’utilisation légale des données à l’étranger), évoque d’ailleurs plus
le stockage informatique dit « en nuage » (ICloud chez Apple, Microsoft Azure…) et un enfumage qu’une « clarification ». En important les données des Français, Bill Gates,
s’il n’obéit pas aux règlements européens, est en accord avec les lois de son pays. Macron semble aussi oublier opportunément que son gouvernement est situé en
Europe.
La Cnam s’oppose au transfert des données médicales, mais pas complètement… à cause du Covid
Le Conseil de la Caisse nationale de l’Assurance Maladiea clairement
exprimé « son opposition à
un transfert d’une copie du système national des données de santé sur la solution actuelle d’hébergement du Health Data Hub ». Cependant… en attendant une solution au niveau européen, la CNAM a décidé, manifestant là toute son autorité, que les données « ne
seraient mises à disposition du Health Data Hub qu’au cas par cas », uniquement pour « des recherches nécessaires à la prévention, au traitement et à la prise en charge de
la Covid-19 »…
Le coronavirus part à l’assaut des institutions
Bill Gates et ses laboratoires pourront donc se servir directement sur le Health Data Hub afin d’adapter leur politique marketing vaccinale.
Rappelons ses préconisations (il
est informaticien, mais a des compétences supérieures à celles d’un charlatan comme Didier Raoult) : une vaccination par an et sans limite de temps !Après la destruction des hôpitaux par le cabinet McKinsey, voici Bill Gates qui liquide le secret médical sous le prétexte de lutte contre le Covid-19. Avec la bénédiction de notre Young Leader
présidentiel.
Après l’incendie d’OVH, le 10 mars 2021, on n’a vu aucun ministre se précipiter sur place accompagné de caméras de télévisons. Pourtant, il s’agit bien
d’une catastrophe nationale. Des centaines de TPE et PME ont perdu leurs données. L’image de la French Tech est écornée. Au-delà des mauvais choix faits par OVH, il y a l’éloignement du
réel d’un État qui se gargarise de slogans (« startup nation », « souveraineté numérique », « Europe digitale ») mais fait les mauvais investissements et se
révèle incapable de créer un climat favorable à l’émergence de champions français du digital.
L’incendie d’OVH révèle l’incapacité de l’État en matière de stratégie numérique. « Souveraineté numérique », « Europe du digital », « French Tech »
etc… Tout cela est parti en fumée avec le très
spectaculaire incendie d’un des bâtiments de serveurs informatiques, basés à Strasbourg, de l’entreprise OVH, « On Vous Héberge »). Bien entendu, il faut faire la part des
mauvais choix de l’entreprise. Mais quand on regarde de plus près ce qui s’est passé, on s’aperçoit que cette entreprise française, ambitieuse dans un secteur où la France et l’Europe
pèsent peu par rapport aux champions du Cloud, américains ou chinois, s’est laissée entraîner dans une sorte de « folie des grandeurs » par une rhétorique publique aussi efficace que
grandiloquente. L’État parle de « souveraineté numérique », il veut même la réaliser à l’échelle européenne mais il fait le contraire de ce dont le pays a besoin pour que l’ambition
digitale nationale s’appuie sur des bases solides, à commencer par la robustesse des acteurs du secteur.
Les choix
erronés de l’entreprise
L’entreprise OVH a expliqué que la cause de l’incendie qui a détruit un de ses blocs de serveurs était accidentelle.
Le feu serait parti d’un ondulateur. L’enquête confirmera si cela suffit à expliquer qu’aujourd’hui 3,6
millions de clients qui avaient confié leurs données à l’hébergeur se retrouvent « dans le noir ». Au-delà de la cause immédiate de l’incendie, les analyses parues
depuis une semaine pointent l’imprudence qu’il y avait à maintenir dans des bâtiments contigus le
stockage des données et leur backup. C’est d’ailleurs ce qui, pour de nombreux spécialistes du secteur, fait qu’on ne pouvait pas parler véritablement de « Cloud » pour OVH.
Il ne peut y avoir « Cloud » qu’à partir du moment où les données sont sauvegardées plusieurs fois et dans des conditions de stockage qui assurent une véritable sécurité, avec
en particulier un éloignement géographique qui se mesure éventuellement en centaines de kilomètres.
Le modèle financier d’OVH consistait à offrir des tarifs d’hébergement bon marché particulièrement attractives pour de petites structures. Or ce sont
aujourd’hui précisément les TPE et les PME qui sont les plus lésées par
un système où la réplication des données n’était pas suffisante ni effectuée dans des conditions de sécurité équivalentes à ce que peuvent financer de plus gros acteurs et ce qu’offrent
les vrais prestataires de Cloud comme les Américains Microsoft ou Amazon. Là encore, les connaisseurs du secteur font remarquer la disproportion, de 1 à 100, entre le nombre d’ingénieurs
d’OVH et celui d’Amazon Web Services (AWS). En somme, l’entreprise, dont la croissance avait impressionné les observateurs, qui s’était vue doter du label « fournisseur
de cloud souverain » et hébergeait même à ce titre des données de l’État (comme la commande des marchés publics ou les données de musées nationaux), qui était aussi l’un
des onze acteurs français membres du projet franco-allemand Gaia X de création d’une souveraineté numérique européenne, n’avait pas en fait les moyens de son ambition.
OVH paie
pour les choix erronés de l’État
La grenouille OVH a voulu se faire aussi grosse que le bœuf Amazon. Mais n’y a-t-elle pas été encouragée par le climat que sécrète le discours d’État,
très grandiloquent et entretenant des illusions sur la robustesse du secteur numérique en France ou sur la capacité des acteurs à lutter dans la compétition internationale. L’incendie de
Strasbourg révèle comment, une fois de plus, les décideurs politiques français sont loin du terrain. Au lieu de créer, par exemple, des conditions fiscales favorables, pour des acteurs
comme OVH, leur permettant de consolider leur croissance à chaque étape et de disposer d’une puissance d’investissement suffisante afin de démultiplier les sites de stockage et
d’embaucher suffisamment d’ingénieurs, l’État a poursuivi pendant plusieurs années le mirage d’un cloud
souverain.
C’est ainsi qu’en 2009, dans le cadre du « Plan Investissements d’Avenir », germa l’idée de créer un champion national du Cloud. Deux ans plus tard
fut créé le projet Andromède, que l’on confie… à Orange, Thalès et Dassault-Systèmes. Non pas que ces entreprises aient particulièrement d’expérience dans le secteur; mais en France, on
préfère une logique « top down » et s’appuyer sur les réseaux d’anciens des grandes écoles qui administrent les grandes entreprises que de faire confiance à des entrepreneurs – dont
pourtant la France ne manque pas dans le secteur informatique. Comme Dassault-Systèmes et Orange ne parviennent pas à s’entendre, ce sont finalement deux projets qui virent le jour ;
Orange et Thalès lancèrent Cloudwatt tandis que Dassault Systèmes était rejoint par SFR et Bull pour former Numergy. L’État devint actionnaire à 33% dans les deux « startups »,
en investissant deux fois 75 millions d’euros issus du Fonds national de Sécurité numérique de la Caisse des Dépôts.
Dans les services de l’État, on était tellement sûr de la réussite que l’on tablait sur 600 millions de chiffre d’affaire cumulés des deux « champions » dès
2015. L’histoire réelle est bien différente : ayant fait au mieux quelques millions de chiffre d’affaires quand AWS atteignait
4,5 milliards de dollars dès 2015, les deux entreprises ont aujourd’hui cessé leur activité. Imagine-t-on que même une petite part des 150 millions dilapidés par l’État dans deux projets « top down » qui, finalement ont échoué, aient été
plutôt investis dans des entreprises du type OVH, sous formes d’incitation fiscale à l’investissement ou d’aide à la construction d’installations robustes et de backup démultipliés,
par exemple. Imaginons qu’au lieu de vouloir être un acteur du système, l’État ait mis son énergie à développer, toutes les infrastructures dont elle a besoin, équipant aux meilleurs
standards jusqu’aux villages les plus reculés de France en fibre optique et en puissance de réseau. Projetons-nous dans une France où l’État créerait des cadres législatifs solides pour
le développement de l’enseignement supérieur privé, de manière à ce que le pays dispose d’autant d’écoles informatiques – et donc d’ingénieurs – qu’il en aurait besoin pour peser dans la
troisième révolution industrielle et ce qu’on appelle l’iconomie.
Autant imaginer que la France soit vraiment une « startup nation » !