Un monde en recomposition mais surtout en cours de bascule
...par le Gal. Dominique Delawarde - Le 21/09/2021.
Bonjour à tous,
Une analyse de deux pages de ma composition vous est adressée en PJ ....sous deux
formats.
Son titre ? :"Un monde en recomposition mais surtout en cours de
bascule".
Les conséquences des événements survenus les 15 et 18 septembre dernier vous sont
présentées.
Bonne lecture.
DD
OTAN-OCS-AUKUS : Un monde en recomposition mais surtout en cours de bascule
Dans le brouhaha de la querelle entre la France et l’Australie sur le marché des sous marins,
un événement majeur est survenu qui pourrait bien être interprété comme une riposte immédiate
Sino-Russe à la constitution du nouveau pacte de sécurité trilatéral anglo-saxon AUKUS
(Australie-UK- USA) ouvertement dirigé contre la Chine.
En effet, l’annonce du pacte AUKUS a été faite le 15 Septembre. Mais trois jours plus tard,
au 21 ème sommet de l’Organisation de coopération de Shangaï (OCS) qui se tenait à Douchanbé
(Tadjikistan), on apprenait que l’Iran, qui attendait ce jour depuis 13 ans, devenait membre à part
entière de l’OCS.
Il y a donc eu, en l’espace de trois jours, une recomposition considérable des pactes de sécurité et de défense au sein de la coalition occidentale d’une part, et dans le camp eurasiatique
d’autre part.
Qui a gagné, qui a perdu ?
Le camp occidental a incontestablement perdu des points.
Le nouveau pacte de sécurité AUKUS n’apporte pas grand-chose à la « coalition occidentale » menée par l’OTAN puisque
l’Australie, à défaut d’appartenir à l’Alliance atlantique, était déjà, depuis fort longtemps, une alliée fidèle des USA et du Royaume Uni avec lesquels
elle partageait le renseignement dans le cadre des « Fives Eyes », depuis la fin de la deuxième guerre mondiale.
Les nouveaux sous marins promis par les USA ne seront d’ailleurs pas en ligne et opérationnels dans la marine
australienne avant dix ans. L’Australie, quant à elle, perd son indépendance vis à vis des USA, entre dans une
fâcherie durable avec la Chine, et se voit interdire les eaux néo-zélandaise pour ses sous marins, la Nouvelle Zélande restant, pour le moment,
allergique au
nucléaire.
Au sein de l’OTAN, la forme de cette annonce « surprise » du pacte AUKUS et sa conséquence commerciale n’ont pas été
appréciée par la France et pose désormais un réel problème de confiance entre alliés, d’autant qu’elle vient s’ajouter à d’autres griefs : Pillage par les USA de
quelques fleurons industriels français (Alsthom ...), abus répétés de l’extraterritorialité du droit
US avec sanctions des entreprises des pays alliés qui ne se soumettraient pas au bon vouloir de
l’exécutif américain, mépris des pays alliés dans l’annonce et l’exécution du retrait US
d’Afghanistan, abus de pouvoir sur le contrôle des transactions en dollar, opposition anglo-saxonne en coulisses, comme
toujours, à l’émergence d’une défense européenne ...etc, ...etc
Au total, ce nouveau pacte AUKUS, et surtout la forme secrète de sa négociation, en marge de l’OTAN et son annonce
surprise, n’ont certainement pas renforcé la cohésion d’un camp
occidental déjà déclinant. Enfin, ce pacte AUKUS a donné au camp eurasiatique une excellente
opportunité pour attribuer enfin à l’Iran le statut de membre à part entière de l’Organisation
de Coopération de Shangai. Certes, ce projet d’adhésion était dans les tuyaux depuis très
longtemps. Sans doute l’adhésion était elle prévue de longue date, puisque l’Iran était observateur
depuis 16 ans et candidat malheureux à l’adhésion pleine depuis treize années, en raison des
sanctions onusiennes. Mais l’annonce de cette adhésion survenant trois jours après celle du pacte AUKUS, certains
pourront, à tort ou à raison, la considérer comme une riposte très habile de la part de l’alliance sino-russe.
Avec cette adhésion, le camp eurasiatique de l’OCS va incontestablement marquer des points
précieux.
L’Iran est tout sauf un partenaire négligeable, tant au plan économique qu’au plan géopolitique et militaire. Avec une
population de 83 millions d’habitants, d’immenses ressources naturelles, le 21 ème PIB du monde et de grande potentialité d’amélioration, l’Iran dispose
d’un budget de défense proche du notre en Parité de Pouvoir d’Achat (seule comparaison pertinente).
Certes l’Iran a renoncé à se doter de l’Arme nucléaire en échange de son adhésion à l’OCS, mais il l’avait déjà fait dans le cadre du JCPOA (Joint Comprehensive Plan of Action) signé avec les
occidentaux, traité que l’Iran a plutôt mieux respecté que nous jusqu’à présent. Il ne perd donc rien, bien au contraire.
Pourquoi ? Parce que les USA espéraient bien renégocier cet accord en allant plus loin, qu’ils
espéraient faire en sorte que l’Iran renonce également à ses missiles de croisière de portée
intermédiaire pouvant atteindre Israël, missiles que l’Iran considère comme des armes défensives. L’adhésion à
l’OCS permet donc à l’Iran de conserver toutes ses défenses et, à la limite, de mettre un terme à toute renégociation du JCPOA avec les USA ou de s’y
présenter en position de force.
Les sanctions onusiennes contre l’Iran ayant été levées avec la signature du JCPOA en 2015,
on peut d’ores et déjà être assuré qu’elles ne seront jamais rétablies grâce aux vetos Russe et Chinois.
Par ailleurs l’adhésion comme membre à part entière de l’OCS rend beaucoup plus difficile une agression contre l’Iran
venant des USA ou d’Israël, parce que l’Iran pourra compter sur des alliés
puissants et sur ses nombreux missiles de toutes portées qui ont prouvé leur efficacité et leur
précision depuis plusieurs années.
Enfin, l’adhésion de l’Iran à l’OCS permet désormais de l’inclure dans les circuits économiques et commerciaux de
l’organisation de Shangai, circuits qui sont capables de s’affranchir du dollar dans les transactions bilatérales et qui n’auront désormais aucun
scrupule à le faire. Les
actuelles sanctions US seront donc contournées.
Notons que ce sommet de Douchanbé, où le futur de l’Afghanistan a été évoqué, a apporté
d’autres surprises intéressantes qui s’inscrivent toutes en faveur de l’OCS. Ainsi, l’Arabie Saoudite,
le Qatar et l’Égypte ont demandé et obtenu un statut d’observateur à l’OCS montrant par là tout
l’intérêt qu’il porte désormais à cette organisation.
N’allons pas jusqu’à dire que «les rats quittent le navire».... Mais il y a certainement de la
part de ces pays un réel effort d’émancipation de la tutelle occidentale.
*
En conclusion, dans cette recomposition des alliances et des équilibres du monde de
septembre 2021, la coalition occidentale aura perdu des points face à une OCS qui en aura gagné.
Le grand gagnant est incontestablement l’Iran qui, en devenant membre à part entière de
l’OCS, se met toujours plus à l’abri des sanctions et des agressions occidentales, susceptibles d’être conduites en
soutien d’Israël ou par Israël.
Le grand perdantde cette recomposition est sans aucun doute Israël qui aura toujours plus de difficultés à s’opposer à un Iran non nucléaire qui s’est tourné résolument vers l’Est.
Un autre perdant est probablement l’OTAN pour des raisons de cohésion et de confiance interalliées, même
si la France ravale son humiliation et reprend sa place au sein de l’alliance sans sourciller (ce qui est très probable).
Au total, en réalisant son «coup de Jarnac» aux visées plus économiques que sécuritaires, les
USA se sont peut-être bien tiré une balle dans le pied ....
Qu’il est loin, le temps de la realpolitik de
Richard Nixon quand, en 1972, ce dernier se rendait en visite officielle en Chine pour mutuel adoubement avec Mao, le Grand Timonier. Le plus anticommuniste des Américains serrant la main du plus communiste des Chinois, juste histoire d’éviter
cordiale entente communiste entre Moscou et Pékin ? Du grand art.
Aujourd’hui, Joe Biden… Un Donald Trump en plus poli, mais pratiquant la même politique – les tweets fantasques en moins. Résultat ? La jadis si puissante Amérique est de plus en plus isolée.
Dernier revers en date ? L’adhésion de l’Iran à l’Organisation de Coopération de Shanghai (OCS), pacte politico-économique fondé en 1996 par la Chine et la Russie, histoire de faire pièce à l’hégémonie de la Maison-Blanche.
Il y aurait beaucoup à dire sur l’aveuglement américain quant à l’Iran qui, malgré ses changements de régime, demeure un pôle de stabilité en Orient et
présentant l’avantage, telle la Turquie, de n’être point arabe. Il est vrai que l’humiliation de la prise en otage de l’ambassade américaine à Téhéran en 1979 est toujours là, tout comme
celle de la baie des Cochons à Cuba, en 1961. Mais l’art de la diplomatie ne consiste-t-il pas aussi à faire des ennemis d’hier les amis d’aujourd’hui et à mettre son drapeau dans la poche
quand l’exigent les circonstances ? Il est à croire que non.
Depuis la chute de l’URSS, les stratèges de Washington ont bien compris que le centre de gravité géopolitique s’était déplacé de la Méditerranée à l’océan
Atlantique, avant de s’en aller vers un autre océan n’ayant de Pacifique que le nom. Pourtant, dans cette redistribution des cartes, les USA n’auront eu de cesse de pousser leurs alliés
potentiels dans les bras de leurs adversaires réels : la Chine, sa grande rivale.
Du coup, la Russie regarde plus vers l’Est que l’Ouest. Tropisme qui contamine désormais un Iran qui, las d’interminables discussions avec les puissances
occidentales à propos d’un programme nucléaire civil suspecté de visées militaires, se tourne à son tour du côté des puissances asiatiques.
Si la nouvelle n’a pas fait grand bruit en nos médias, il n’empêche que l’OCS, ce n’est pas rien : « 60
% du continent eurasiatique, 50 % de la population mondiale et plus de 20 % du PIB mondial »… Et la presse iranienne, toutes tendances confondues, de se féliciter de l’accord en
question. Ebrahim Raïssi, président de la République islamique d’Iran, qualifie ainsi les « sanctions
économiques occidentales » de « terrorisme
économique », puisque représentant «
l’outil le plus important des pays hégémoniques pour imposer leur volonté aux autres ». Avec l’affaire Alstom, l’extraterritorialité du dollar et autres rackets internationaux y
afférents, les Français en savent quelque chose.
Concordance des événements oblige, il y a encore l’affaire de nos sous-marins prêts à être vendus à l’Australie et qui, finalement, ne le seront pas, nous
laissant une ardoise de 56 milliards d’euros. Sans oublier notre ambassadeur rappelé de Washington ; ce qui n’était jamais arrivé du temps de Donald Trump, et la colère de l’Élysée assez
bien résumée par Jean-Yves Le Drian, notre ministre des Affaires étrangères évoquant « mensonge,
duplicité, mépris et rupture majeure de confiance ».
Après, il faut être bien nigaud pour croire à cette fable voulant que les USA soient des alliés, alors qu’ils ne connaissent que vassaux et
obligés. Interrogé par LCI,
Pascal Boniface, expert en géopolitique, en dit plus sur nos tentatives d’émancipation vis-à-vis de l’OTAN : « Il
s’agit d’un vœu ancien de la France, mais que les autres pays européens, qui restent attachés au fait d’être défendus par les Américains, ont du mal à prendre en compte. »
Notre Vieux Continent réapprendra-t-il un jour à faire de la politique ? Voire même à se défendre par ses propres moyens ? Ce serait souhaitable, même
si rien n’est moins sûr.
Sous-marins nucléaires australiens : le coup de Trafalgar de Biden contre la France, signe d’un basculement géopolitique majeur
La trahison de la France par Washington au sujet des sous-marins nucléaires destinés à l’Australie signale un énorme changement géopolitique dans la
stratégie américaine
Dans sa confrontation croissante avec la Chine, un Washington impitoyable a démontré que ce qui compte désormais pour lui, ce n’est pas l’Europe [ni même le Moyen-Orient], mais la région
indo-pacifique. C’est là que la nouvelle guerre froide va être menée.
Mercredi soir, le Président américain Joe Biden, le Premier ministre australien Scott Morrison et le Premier ministre britannique Boris Johnson ont tenu un sommet trilatéral virtuel au cours
duquel ils ont affirmé un nouvel accord, intitulé AUKUS, un engagement novateur à intensifier la coopération militaire entre les trois alliés anglo-saxons, les rapprochant encore plus
en mettant en commun les technologies critiques et la recherche.
L’annonce que les États-Unis partageraient désormais leur technologie de sous-marin à propulsion nucléaire avec l’Australie a fait la une des journaux. L’objectif est d’intensifier les tentatives
de contenir militairement la Chine, même si les trois pays ne l’ont pas dit directement. Cependant, le pacte sur les sous-marins impliquait que l’Australie rompe brusquement un accord de 2016 de
43 milliards de dollars avec la France pour construire 12 de ces sous-marins, une décision qui a provoqué l’indignation de hauts responsables à Paris, qui ont effectivement accusé les États-Unis
de trahison. Il y a à peine deux semaines, les ministres australiens de la Défense et des Affaires étrangères avaient reconfirmé leur engagement envers l’accord avec la France, malgré les défis
signalés. En juin, le Président français Emmanuel Macron a déclaré que l’accord représentait la promesse d’une coopération continue pour les années à venir.
Toute cette saga perce une brèche dans la tentative de Biden d’essayer de reconstruire les liens transatlantiques avec l’Europe, le ministre français des Affaires étrangères Jean-Yves Le Drian
ayant déclaré : « Je suis aujourd’hui très en colère. Ça ne se fait pas entre alliés… Cette décision unilatérale, brutale et imprévisible est très similaire à ce que faisait M. Trump… C’est
vraiment un coup dans le dos. Nous avions établi avec l‘Australie une relation de confiance et cette confiance est trahie »
Cette nouvelle est troublante pour Pékin et intensifie la course aux armements en cours dans la région du Pacifique, où les tensions bouillonnent déjà. Partiellement motivé par la promesse
électorale de Scott Morrison et sa soif de doubler les différends avec la Chine pour son propre intérêt politique, cela pousse aussi sans doute les relations de l’Australie avec la Chine au bord
du non-retour, ce qui peut avoir d’immenses conséquences.
Mais quelle est la signification plus large de tout cela ? C’est à la fois une victoire et une défaite pour Pékin dans la mesure où l’administration Biden a maintenant officiellement abattu ses
cartes sur les alliés qui comptent vraiment, et ceux qui ne comptent pas, dans la « guerre froide » émergente avec la Chine. C’est une situation de « jeu, set et match » pour les nations de
l’Indo-Pacifique, l’Europe étant laissée sur la touche.
La diplomatie étrangère de Washington montre clairement que le principal instrument pour affronter Pékin sera l’Australie, le Japon et l’Inde dans le cadre du soi-disant « Quad » (qui doit se
réunir bientôt), et le Royaume-Uni, avec son Mantra Indo-Pacifique autoproclamé, bien qu’il soit plus pragmatique dans son opposition à la Chine que les autres.
Alors qu’il y a eu une obsession de longue date à Washington d’amener l’Europe à « prendre parti », ainsi que des comparaisons répétées avec l’ancienne guerre froide, les considérations
géographiques signifient qu’il ne s’agit pas d’un problème européen, mais Indo-Pacifique. En conséquence, les pays de l’UE ne devraient pas du tout être surpris que les États-Unis les aient si
outrageusement floués dans la poursuite de leurs objectifs géopolitiques et de leurs profits pour leur propre complexe militaro-industriel. Il sera intéressant de voir comment la France et les
autres Européens réagiront – vont-ils arrêter de se prosterner devant les États-Unis sur la Chine [et toutes les autres questions internationales] ?
Lorsque Biden est entré en fonction, il a proclamé que « l’Amérique est de retour ! » et s’est engagé à renouer les liens avec l’Europe. Un récit trompeur s’était cristallisé selon lequel tout ce
qui avait mal tourné dans les relations UE-USA au cours des quatre années précédentes avait été la fabrication personnelle du Président précédent erratique, dangereux et insupportable. Donald
Trump a en effet mené un niveau extraordinaire de provocations contre l’UE, notamment des attaques contre le commerce, une escalade de la dispute Boeing-Airbus, une opposition aux politiques de
marché européennes et des attaques contre leurs contributions à l’OTAN, exigeant qu’elles financent elles-mêmes leur sécurité. L’erreur commise par les commentateurs et les politiciens européens
a été de supposer que cette attitude « America First » n’était qu’une phase, et donc que le départ de Trump et l’arrivée de Biden verraient automatiquement les choses revenir à la « normale »
Biden lui-même a initialement orchestré ce message et a fait tout son possible pour que l’Europe se conforme à sa vision contre la Chine, en accroissant le transatlantisme. Effectivement, il a
obtenu quelques premiers résultats. Quelques semaines seulement avant son entrée en fonction, l’UE et la Chine avaient conclu un accord de principe sur un « accord d’investissement global »
(AIC), un accord lucratif qui donnerait aux entreprises européennes un meilleur accès aux marchés chinois que ce que les États-Unis avaient actuellement.
Les États-Unis s’y sont opposés de manière cinglante au nom de la « solidarité transatlantique », le Conseiller de Biden à la Sécurité Nationale Jake Sullivan publiant
un tweet tristement célèbre demandant des consultations précoces avec l’Europe sur « nos préoccupations communes concernant les pratiques économiques de la Chine ». Les États-Unis ont
persuadé l’UE de coordonner les sanctions contre les responsables chinois du Xinjiang, ce qui a provoqué une réponse de Pékin, et à son tour conduit les parlementaires européens à geler l’accord
AIC en signe de protestation.
Pour Maria Zakharova, les autorités françaises ne devraient pas sentir d’amertume, puisqu’elles ont l’habitude des ruptures. « Pourquoi cette colère et cette amertume ? La rupture de contrats
semble, pour la France, être une chose habituelle. En 2015, Paris avait annulé un contrat avec la Russie sur deux porte-hélicoptères Mistral. […]Est-ce que seuls les couteaux que vous sentez dans
votre propre dos posent problème ?», a déclaré la diplomate sur sa chaîne Telegram.
Que s’est-il passé ? Simplement que les États-Unis ont saboté les intérêts de l’Europe à la poursuite des leurs. L’UE a peut-être supposé que les retombées rétabliraient les liens rompus avec les
États-Unis, mais rien de tel ne s’est produit. Pourquoi ? Parce que le problème n’était pas simplement Trump, c’est les Etats-Unis en général. Ils voient l’Europe comme un outil utile pour faire
ses quatre volontés, mais par ailleurs ne respectent pas ses intérêts, et encore moins maintenant que tout repose désormais sur l’Indo-Pacifique.
L’erreur stratégique que l’Europe a commise ici était qu’elle croyait que les États-Unis travailleraient activement avec eux sur la Chine (malgré les désaccords) et n’ont pas été capables de se
rendre à l’évidence selon laquelle, après avoir cherché à réduire les tensions avec la Russie, les États-Unis ne voyaient plus le vieux continent comme une priorité et ont pivoté brusquement vers
leur manuel Indo-Pacifique.
La minimisation de l’OTAN par Trump n’était pas simplement due à sa propre nature erratique, mais à une expression selon laquelle les intérêts stratégiques des États-Unis étaient en train de
changer et qu’ils ne se concentreraient plus sur l’Europe, de sorte que la France, l’Allemagne et les autres « devraient payer eux-mêmes leurs frais de voyage ».
Cependant, l’obsession de la personnalité sulfureuse de Trump masquait ce changement, tout comme la première offensive de charme de Biden. Maintenant, le
développement des sous-marins est le réveil brutal démontrant que tout a changé et que les États-Unis considèrent désormais le « Quad » comme leurs partenaires les plus importants, ainsi que leur
« relation spéciale » avec la Grande-Bretagne.
L’Europe n’est plus stratégiquement pertinente pour les États-Unis comme elle l’était pendant des décennies, non seulement en ce qui concerne la Russie mais aussi
le Moyen-Orient. C’est une nouvelle ère, et la nouvelle guerre froide n’est pas comme la précédente car le centre de gravité n’est pas en Europe, il est en Asie.
Pourtant, il existe un précédent plus profond à l’œuvre ici. Les États-Unis ont toujours activement miné les industries critiques des pays européens lorsqu’ils ont
jugé bon de le faire. À titre d’exemples notables, les États-Unis ont coopté les agences de renseignement européennes pour espionner les programmes de défense de leurs propres pays afin de
s’assurer que les États-Unis ne manquent rien, comme ce qu’ils ont fait au Danemark et au programme Eurofighter, ou les amener à espionner le chancelier d’Allemagne aussi, ou se livrer à
l’espionnage industriel contre Berlin. La liste est encore longue.
L’Europe semble avoir un sentiment d’illusion sur ce que sont les Etats-Unis et n’a pas réussi à calculer quelles étaient les intentions réelles de Biden,
principalement en raison d’une distraction causée par le dernier président, ce qui a rendu les capitales européennes confiantes quant au changement d’attitude des États-Unis envers l’Europe. Mais
celles-ci ont également été incapables, à plusieurs reprises, de reconnaître que Washington a une longue histoire de comportement de mauvaise foi envers le vieux continent. L’Amérique n’est pas
le « sauveur » de l’Europe, et bien que l’UE elle-même ait également été évoquée pour se joindre au mantra « Indo-Pacifique », tout était couru d’avance pour elle car les États-Unis ne les
considèrent pas comme importants et les ont relégués, au mieux, sur le banc des remplaçants.
Si la France est sérieuse au sujet de « l’autonomie stratégique » européenne, elle devrait l’invoquer maintenant et cesser de se prosterner devant l’agenda
américain sur la Chine alors qu’il est clairement évident que faire ce que veut Washington ne profite qu’aux Etats-Unis au détriment de l’Europe. Si l’UE ne se ressaisit pas et ne ressuscite pas
l’accord AIC avec la Chine à la lumière de cela, et ne renforce pas ses propres capacités de sécurité, alors ce sont vraiment des poires.
Tom Fowdy est un écrivain et analyste britannique de la politique et des relations
internationales, principalement axé sur l’Asie de l’Est.
Après AUKUS, l’espace : Comment Johnson relance Global Britain
À la mi-août, le retrait chaotique des Occidentaux d’Afghanistan avait vu le Royaume-Uni tenter, en vain, de prolonger le séjour des États-Unis et de leurs
alliés dans le pays au-delà du 31 août et échouer à organiser une deuxième phase d’évacuation des civils et des soldats afghans face à l’avancée des Taliban sans la couverture de la
superpuissance. À l’époque, la stratégie Global Britain du gouvernement de Boris Johnson semblait ne tenir qu’à un fil, dépendant des priorités stratégiques américaines après des affaires
passées similaires sur des questions telles que la 5G et la fermeture à la Chine.
En septembre, cependant, la signature du pacte AUKUS a montré le côté plus précieux stratégiquement de ce lien ombilical. La relation entre les États-Unis
et le Royaume-Uni reste, dans un certain sens, spéciale et, avec l’Australie, Londres est choisie comme le partenaire le plus proche de la superpuissance dans l’alliance déjà restreinte
des « Five Eyes ». Une synergie comparable, à certains égards, à celle qui existe entre Washington et Israël.
Et tout cela a été confirmé par un approfondissement des liens australo-américains sur le front spatial, directement lié au monde des sous-marins que
Washington fournira à Canberra, ce qui s’est immédiatement traduit par un geste du gouvernement de Sa Majesté. Moins de deux semaines après la signature d’u pacte AUKUS, le 15 septembre,
Londres a en effet présenté sa nouvelle stratégie spatiale nationale, qui semble taillée sur mesure pour le nouveau cadre stratégique né d’AUKUS.
La stratégie spatiale nationale mise en place par le gouvernement de Boris Johnson est ambitieuse et répond pleinement à la logique que la stratégie Global
Britain avait indiquée pour l’avenir du Royaume-Uni post-Brexit : une plus grande importance dans les scénarios militaires internationaux, une intégration croissante entre les secteurs
civils, les appareils économiques et de défense, et la recherche d’une position forte dans le contexte scientifique mondial.
Dans cette optique, la stratégie spatiale nationale définit cinq objectifs généraux pour renforcer la position du Royaume-Uni dans l’espace: renforcer la
position de Londres dans l’économie spatiale, promouvoir l’utilisation de l’espace dans le respect du droit international, conformément à la convention des Nations unies signée cette
année par le gouvernement, soutenir la recherche et l’innovation, exploiter les technologies spatiales pour lutter contre le changement climatique, et promouvoir la protection de
l’intérêt national en se positionnant comme une puissance spatiale.
« Au cœur de cette
stratégie », a déclaré George Freeman, le nouveau ministre des sciences du gouvernement conservateur, « nous reconnaissons
que nous sommes engagés dans une course mondiale pour le contrôle de l’espace » et que nous avons certains atouts « sur lesquels nous
avons l’intention de nous appuyer ».
Londres rappelle sa volonté de devenir une superpuissance scientifique et technologique, également dans le secteur spatial, et d’établir des collaborations
profondes et décisives avec ses alliés. De ce point de vue, la référence à AUKUS est évidente, étant donné que le Royaume-Uni entretient une relation privilégiée avec les États-Unis et
l’Australie (ainsi qu’avec la Nouvelle-Zélande et le Canada) en matière de renseignement, avec pour conséquence le partage de flux d’informations qui ont une importance décisive pour les
échanges dans l’espace ; dans les domaines naval et militaire, il se coordonnera avec Washington et Canberra ; et, surtout, il a depuis longtemps perfectionné le processus du Brexit dans
le domaine spatial également. Partageant ses voies avec celles des programmes européens pour l’alternative au Gps (Galileo), les constellations de satellites vétérans et les nouveaux
équipements pour l’internet par satellite.
Space
News souligne que, compte tenu des changements d’époque qui ont eu lieu dans le secteur à l’échelle internationale, Londres n’a pas reproposé l’objectif de prendre le contrôle
de 10% du marché mondial de l’économie spatiale qu’elle prône depuis des années ; et si Andrew Stanniland, PDG de Thales Alenia Space UK, a souligné que Londres doit rattraper son retard
dans le domaine technologique, le Royaume-Uni conserve « une part de marché de
6% » à l’échelle mondiale dans l’économie spatiale, avec 21 milliards de dollars sur 345 générés en 2019 dans le secteur.
Le périmètre AUKUS confirme ainsi son désir de projeter ses ambitions en tant que bloc cohésif au-delà des limites de l’alliance navale et de l’endiguement
des stratégies chinoises dans l’Indo-Pacifique. Londres suit le pacte américano-australien sur les sous-marins et, en tant que nation disposant des capacités les plus avancées dans les
domaines naval et spatial, poursuit sa stratégie de renforcement de l’hybridation mer-ciel, qui apparaît de plus en plus fondamentale en tant que déterminant de la puissance au XXIe
siècle. Cela prouve que nous devrons attendre longtemps pour que les conséquences géopolitiques du nouvel axe anglo-saxon soient effacées, du moins avant de pouvoir considérer la
stratégie de la Grande-Bretagne globale comme terminée.
L’AUKUS prépare une guerre nucléaire pour soutenir Taïwan
...par Thierry Meyssan - Le 21/09/2021
Les réactions officielles à l’annonce du Pacte australo-britanno-US (AUKUS) ne portent
que sur la résiliation du contrat d’armement australo-français. Aussi terrible que cela soit pour les chantiers navals, ce n’est qu’une conséquences collatérale d’un renversement des alliances
visant à préparer une guerre contre la Chine.
L’annonce du Pacte australo-britanno-US (A-UK-US) [1] a fait l’effet d’un tremblement de terre dans la région Indo-Pacifique.
À n’en plus douter, Washington prépare à long terme un affrontement militaire contre la Chine.
Jusqu’ici, le déploiement occidental visant à contenir politiquement et militairement la Chine impliquait les États-Unis et le Royaume-Uni ainsi que la France et l’Allemagne. Aujourd’hui, les
Européens sont laissés de côté. Et demain la zone sera contrôlée par les Quad+ (États-Unis et Royaume-Uni, ainsi que l’Australie, l’Inde et le Japon). Washington prépare une guerre dans une ou
deux décennies.
Alors que la France et l’Allemagne n’ont pas été consultées sur cette stratégie, ni même prévenues de son annonce publique (mais d’autres pays avaient été prévenus
comme l’Indonésie), le nouveau dispositif devrait être mis en scène la semaine prochaine à Washington.
S’il est logique que Londres et Washington s’appuient sur Camberra plutôt que sur Paris, car l’Australie est membre des « Cinq Yeux » auxquels la France
est juste associée, l’entrée dans le jeu du Japon et surtout de l’Inde met fin à une longue période d’incertitude. Plus troublant est le rôle dévolu à l’Allemagne qui pourrait rejoindre les
« Cinq Yeux » [2], mais pas les Quad, c’est à dire l’espionnage des
télécommunications, mais pas l’action militaire.
DES ALLIANCES BOUSCULÉES
Cette nouvelle donne oblige chaque alliance à se repositionner.
L’A-NZ-US, qui liait l’Australie, la Nouvelle-Zélande et les États-Unis, ne fonctionne plus depuis 1985 et est définitivement enterrée. La Nouvelle-Zélande avait
affirmé sa politique de désarmement nucléaire et refusé en conséquence l’entrée de ses ports à des navires armés nucléairement ou à propulsion nucléaire. Le Pentagone refusant de dévoiler ces
« détails », aucun navire de guerre US n’est depuis entré dans ce pays. Les futurs sous-marins australiens seront également bannis.
Pour le moment, l’Union européenne n’a pas réagi. La présidente de la Commission, Ursula von der Leyen, qui discourait de l’état de l’Union [3] le jour même de l’annonce du pacte AUKUS, est
paralysée. Elle évoquait sa nouvelle stratégie dans la zone Indo-Pacifique, tandis que les Britanniques du Brexit lui tiraient le tapis sous les pieds. Non seulement l’Union européenne n’est pas
une puissance militaire, mais ceux de ses membres qui en sont une, n’auront plus leur mot à dire.
L’Otan ne dit mot. Elle qui ambitionnait de s’étendre en Indo-Pacifique et qui comprend qu’elle ne sera pas de la partie.
L’ASEAN n’a pas non plus réagi, mais les Indonésiens qui hébergent son secrétariat général ont déjà fait part de leur déception. Certes l’Association des nations de
l’Asie du Sud-Est avait été conçue durant la Guerre froide comme l’ANZUS ou l’UE afin de contenir le bloc communiste, mais elle avait évolué par la suite. À la différence de l’UE qui est devenue
une bureaucratie supra-nationale, l’ASEAN, influencée par l’idéologie des Non-alignés, aspire à former une vaste zone de libre-échange incluant la Chine. Sans attendre, de nombreux intellectuels
indonésiens ont dénoncé le torpillage de ce rêve de paix par l’AUKUS.
La Chine et la Russie, principaux ennemis désignés par les Anglo-Saxons, n’ont pas encore réagi. À la différence des Occidentaux, ils ne communiquent jamais sur
leurs intentions, mais uniquement sur les décisions qu’ils ont déjà prises et déjà mises en œuvre. Parlant pour elle-même, la Chine s’est indignée de la mentalité anglo-saxonne qui consiste à
former des alliances les plus vastes et puissantes possibles sans tenir compte des subtilités de chaque protagoniste. Il ne s’agit pas là d’un artifice de communication : les Chinois
considèrent chacun à égalité avec ses particularités. Par exemple lorsque le président Xi est allé rencontrer des dirigeants européens, il a passé plus de temps à Monaco que dans certains pays de
l’Union européenne. Joignant le geste à la parole, la Chine a déposé, le lendemain de l’annonce de la création de l’AUKUS, une demande officielle d’adhésion à l’Accord global et progressif de
partenariat transpacifique (CPTPP) c’est-à-dire à l’organisation qui succéde au projet du président Obama de Partenariat transpacifique. La concomitance des deux événements est officiellement
purement fortuite. Dans la pratique, Beijing propose à tous des échanges économiques, tandis que Washington propose la guerre.
LE SPECTRE NUCLÉAIRE
Jusqu’à présent et probablement encore aujourd’hui, les États-Unis considèrent que disposer de bâtiments à propulsion nucléaire ouvre la voie rapidement à la
construction de bombes atomiques. C’est pourquoi ils n’ont offert de technologie de propulsion nucléaire qu’à leur allié britannique. Par conséquent —et quoi qu’en disent les Australiens—
construire des sous-marins à propulsion nucléaire prépare l’entrée de l’Australie dans le club des puissances atomiques. La guerre contre la Chine sera une guerre nucléaire [4].
De ce point de vue, l’entrée du Japon dans les Quad après les traumatismes d’Hiroshima et de Nagasaki est une prouesse.
Jusqu’à présent seuls les cinq membres permanents du Conseil de sécurité des Nations unies disposaient de sous-marins à propulsion nucléaire. L’inde est devenue le
sixième et l’Australie devrait être le septième.
Comme les États-Unis ne peuvent plus tenir leur discours sur les techniques nucléaires à double usage, ils ne peuvent plus prétendre que les recherches nucléaires
iraniennes sont à usage militaire. Cela devrait ouvrir la voie à une coopération ouverte entre Washington et Téhéran qu’Israël a immédiatement anticipée [5].
LE DÉCLASSEMENT DES EUROPÉENS
La première perdante de cette nouvelle architecture est la France. Celle-ci perd son statut de puissance globale bien qu’elle conserve encore son siège permanent au
Conseil de sécurité des Nations unies.
Le recul de Paris était prévisible depuis le placement de ses armées sous commandement états-unien au sein du Commandement intégré de l’Otan, en 2009. Aujourd’hui
elles ne sont plus capables de défendre la totalité du territoire français, mais envoient des corps expéditionnaires défendre les intérêts US en Afrique. En effet, les États-Unis ne sont toujours
pas parvenus à déployer l’AfriCom sur le continent noir, ils utilisent donc les troupes terrestres françaises qu’ils encadrent avec leur système de surveillance aérienne.
Paris a réagi… en annulant une soirée de gala de son ambassade aux USA. Le quai d’Orsay a demandé des explications en urgence au département d’État, dans les heures
précédant l’annonce de l’AUKUS. En définitive, il a considéré que l’Australie lui avait sciemment caché ce projet dont les États-Unis étaient les instigateurs. Il a donc rappelé ses ambassadeurs
à Canberra et à Washington. La France a décidé de communiquer à propos du contrat du siècle annulé par les Australiens. Cet accord de 90 milliards de dollars n’est pas grand-chose par rapport à
ce qui est en jeu et qu’il a perdu.
Paris est d’autant plus sonné qu’il avait cru avoir établi une relation privilégiée avec Londres. Des négociations secrètes étaient en cours pour déplacer la base
des sous-marins britanniques à propulsion nucléaire (Trident) en France en cas de sécession de l’Écosse du Royaume-Uni [6]
La France peut se consoler en constatant que son déclassement s’opère dans le contexte de celui plus général de tous les Européens. Le fait que l’Allemagne puisse
éventuellement s’en sortir moins mal est accessoire : Berlin n’est autorisé qu’à être une puissance économique et jamais depuis la Seconde Guerre mondiale à être une puissance politique
globale.
La France n’est pas seulement une métropole européenne. C’est aussi une constellation de territoires partout dans le monde qui la dote du second domaine maritime
mondial (après les États-Unis). Dans la région Indo-Pacifique, elle dispose des départements de la Réunion et de Mayotte, des collectivités de Nouvelle-Calédonie et de Polynésie française, du
territoire de Wallis et Futuna, des Terres australes et antarctiques françaises (TAAF). Le tout est habité par 1,6 million de ressortissants français.
La France est donc bien une puissance de l’Indo-Pacifique. À ce titre, elle s’est proposée pour y aider ses partenaires de l’Union européenne qu’elle a veillé à
placer hors de la rivalité stratégique USA-Chine. Elle est membre de la Commission de l’Océan indien, participe aux sommets des ministres de la Défense de l’ASEAN, à sa coordination policière et
de Renseignement (ASEANAPOL) et devrait adhérer sous peu à la Coopération régionale contre la piraterie (RECAAP). En définitive, la France, qui doit assumer la présidence du Conseil européen
durant le premier semestre 2022, prévoyait de faire de l’usage de son enracinement en Indo-Pacifique un des enjeux de l’Union européenne.
TAÏWAN, LA POMME DE DISCORDE
Chacun sait que les îlots du Pacifique revendiqués par la Chine ne seront pas les objets d’une prochaine guerre. Car aucun des autres pays les revendiquant ne le
souhaite et que l’Histoire donne raison aux prétentions de Beijing. C’est tout à fait différent pour Taïwan.
On se souvient que Mao Tsé-Toung a réalisé l’unité de la Chine en battant les uns après les autres tous les Seigneurs de la guerre qui s’étaient partagés son
territoire. Il a également repris le Tibet qui avait fait sécession et s’était allié avec Tchang Kaï-chek et les Occidentaux. Mais il a échoué avec Formose où Tchang s’est installé. Son régime a
évolué. Il est passé d’une impitoyable dictature à une certaine démocratie, Taïwan.
Le Pacte AUKUS semble être conçu pour venir en aide à Taïwan si la Chine tentait de la récupérer par la force. Le général Sir James Hockenhull, commandant du
Renseignement militaire de Sa Majesté, a confirmé que les armées britanniques recrutaient des agents asiatiques. L’ancienne Premier ministre, Theresa May, a jeté le pavé dans la mare en demandant
aux Communes si ce Pacte prévoyait ou non d’entrer en guerre si la Chine tentait de récupérer Taïwan.
Theresa May s’est
interrogée aux Communes : n’a t-on pas cru faire une bonne affaire sur le dos des Français sans se rendre compte que l’on s’engageait à faire la guerre à la Chine ?
Le sommet du G7, en juin à Carbis Bay, avait vu le Japon imposer un soutien indéfectible à Taïwan. Or, c’est durant ce sommet qu’en coulisse, Joe Biden, Scott
Morrison et Boris Johnson ont scellé le principe de leur Pacte.
Pour répondre à la question de Theresa May, il faudrait disposer du texte de ce Pacte dans sa totalité, c’est-à-dire y compris ses annexes secrètes s’il y en a.
Or, pour le moment, on ne dispose pas même d’un bout de papier. Il faut se contenter de communiqués de presse.
Tout au plus sait-on que l’AUKUS porte sur une coopération très large en matière d’armement. Il ne s’agit pas seulement de doter l’Australie de sous-marins à
propulsion nucléaire, mais aussi de la doter de missiles Tomahawks et Hornet, et de la faire participer aux recherches en matière de missiles hypersoniques (capables de rivaliser avec les
missiles nucléaires russes).
[6] « UK draws up plan to shift Trident subs abroad if
Scotland secedes », Sebastain Payne & Hellen Warren, Financial Times, September 2, 2021.
La Chine, un éléphant dans les salons de la géopolitique
...par Michael von Liechtenstein - Le 30/09/2021.
Lorsque l’Australie, le Royaume-Uni et les États-Unis ont annoncé la formation d’un nouveau pacte de sécurité entre eux, la Chine a réagi par des menaces à
peine voilées dirigées contre Canberra. Se sentant mis à l’écart, le gouvernement français a également exprimé son indignation. Mais Paris et Pékin devront faire face à cette nouvelle
réalité.
L’AUKUS, tel est l’acronyme du pacte de sécurité trilatéral liant désormais l’Australie, le Royaume-Uni et les États-Unis. Selon une communication officielle, le
projet de défense maritime comprendra :
une coopération aérienne renforcée grâce au déploiement en rotation d’avions américains de tous types en Australie, avec formation et exercices appropriés sur
les appareils ;
une coopération maritime renforcée par une augmentation des capacités logistiques et de maintenance des navires de surface et sous-marins américains en
Australie ;
une coopération terrestre renforcée, ce qui signifie des exercices plus poussés, plus adaptés ainsi qu’un engagement plus interactif avec les alliés et les
partenaires de la région.
la création d’une entité réunissant forces logistiques, soutien opérationnel et maintenance afin de répondre aux nécessités d’un conflit de haute intensité et
d’opérations militaires conjointes dans la région.
Cette coopération viendra compléter le Quad existant, une alliance entre l’Australie, l’Inde, le Japon et les États-Unis. L’AUKUS reflète les liens particulièrement
étroits entre Washington, Londres et Canberra, qui partagent une technologie militaire hautement confidentielle. Tant le Quad que l’AUKUS sont une réplique au comportement chinois de plus en plus
agressif dans la zone indo-pacifique. Cette synergie est probablement facilitée par le Five Eyes, un partenariat de renseignement entre les pays anglo-saxons traditionnellement proches que sont
l’Australie, le Canada, la Nouvelle-Zélande, le Royaume-Uni et les États-Unis.
Les réactions chinoises
Pékin a réagi avec indignation. Il a même été dit que l’Australie, puissance non nucléaire et signataire du pacte de non-prolifération, pourrait devenir la cible
d’attaques nucléaires parce qu’elle abriterait des bases américaines (discrétion diplomatique oblige, les médias chinois n’ont pas indiqué qui serait l’attaquant...).
L’alliance américano-australienne n’était pas dirigée contre la France
Le nouveau pacte a démarré en fanfare, avec l’annulation par l’Australie d’un contrat d’achat de sous-marins à la France, préférant construire huit sous-marins à
propulsion nucléaire avec la technologie américaine – que les États-Unis sont habituellement peu enclins à partager, même avec des alliés. Canberra a souligné que les sous-marins ne
transporteraient pas d’armes nucléaires, car la législation du pays interdit tout armement de ce type. Comme les sous-marins ne seront pas prêts avant 2030, l’Australie pourrait en louer dans un
avenir proche.
La transaction a été fortement critiquée par la Chine, qui a fait valoir que les promesses de ne pas doter les sous-marins d’armes nucléaires n’engagent pas à
grand-chose. La réaction la plus forte est venue de France, bien qu’il ne fasse aucun doute que Canberra paiera toutes les pénalités convenues en cas d’annulation du contrat. Paris a fait des
déclarations sévères, accusant les États-Unis de n’être pas fiables et l’Australie, d’avoir trahi un proche allié. Ses ambassadeurs à Washington et Canberra ont même été rappelés. Cette décision
inédite montre le degré d’humiliation ressentie par les Français, qui pensaient que l’Amérique post-Trump les considérait de nouveau comme des alliés de premier plan. Cela remet aussi en question
l’importance de la France - qui a deux Territoires dans la région - en tant qu’acteur dans le Pacifique. Paris reconsidère également son avenir au sein de l’OTAN. Il faudra que la France trouve
les moyens de sauver la face afin de rétablir les nécessaires contacts diplomatiques.
Des menaces
Il s’avère cependant que la transaction américano-australienne n’était pas dirigée contre la France. Les déclarations et les actes du président Xi Jinping montrent
que la Chine se prépare à donner corps à ses desseins hégémoniques. Sa présence croissante à l’étranger et ses investissements militaires vont dans ce sens. Il est naturel que l’Australie se
sente fortement menacée et voie dans une association étroite avec les États-Unis une dissuasion efficace. En outre les sous-marins à propulsion nucléaire sont beaucoup plus puissants que les
sous-marins diesel conventionnels. Ils sont plus difficiles à détecter et peuvent rester immergés beaucoup plus longtemps. Néanmoins, cette décision a touché un point sensible à Paris, tout comme
la décision de la Suisse d’acheter les avions de combat américains F-35 au lieu de l’Eurofighter Typhoon ou du Rafale français - le président Macron a depuis refusé de rencontrer des membres du
gouvernement suisse.
Qu’en pensent l’Union européenne et les autres pays européens ? Ursula von der Leyen a abordé la question, mais jusqu’à présent sans résultats tangibles. On
peut en dire autant des relations avec la Chine. Bruxelles et des pays comme l’Allemagne sont un peu piégés, leurs postures morales n’étant pas toujours raccord avec leurs intérêts commerciaux.
Cette faiblesse et cette indécision peuvent conduire aux pires résultats sur les deux fronts – valeurs compromises et perte du marché chinois. Il est un peu étonnant de constater que le
gouvernement néo-zélandais a adopté la même ligne de conduite, espérant éviter un conflit, même si les défis sont les mêmes pour lui que pour le gouvernement australien.
L’AUKUS signifie, sans équivoque, que les pays
anglo-saxons sont décidés à combattre les aspirations hégémoniques de la Chine de toutes les manières possibles. En Europe, les plus grands pays, comme l’Allemagne et la France, mais aussi la
Commission, vont devoir déterminer une ligne de conduite, tout comme la Russie. Malheureusement, les pressions exercées par l’Occident sur la Russie poussent Moscou à se rapprocher plutôt de
Pékin. Le Kremlin est un adepte du pragmatisme : ce qui compte avant tout pour l’administration russe est de préserver la souveraineté du pays.
Contrairement
aux sous-marins diesel-électriques, les sous-marins nucléaires peuvent contribuer au blocus de la Chine par les États-Unis depuis le Pacifique et dans la région de Malacca.
À la suite de la réunion, la semaine dernière à Washington, de la ministre australienne des Affaires étrangères, Marise Payne, du ministre australien de la
Défense et de leurs homologues américains, un accord stratégique militaire et de base a été annoncé entre l’Australie, le Royaume-Uni et les États-Unis (AUKUS). Cet accord a été renforcé
par des réunions au sommet à Washington cette semaine.
La cible déclarée de leurs préparatifs de guerre est la Chine.
La stratégie australienne contre la Russie dans la région du Pacifique est en phase avec celle des États-Unis. Mais pour l’instant, l’ennemi russe et les
opérations des sous-marins et des flottes de surface russes dans la région indo-pacifique ne sont pas discutés en public par les responsables australiens, du moins pas autant que lors de
la dernière visite du président Vladimir Poutine en Australie, en novembre
2014, avec une escorte navale à propulsion et à armement nucléaires.
En amont des projets de réchauffement stratégique dans le Pacifique, les États-Unis, le Royaume-Uni et l’Australie sont également engagés dans des
opérations de guerre par procuration. Celles-ci se sont accélérées récemment au Myanmar, où la Russie et la Chine sont alliées pour soutenir le gouvernement militaire du
général Min
Aung Hlaing. Ensuite, de part et d’autre, la corruption d’État, la subversion, le putsch et d’autres opérations spéciales sont susceptibles de s’accélérer dans
les îles du Pacifique, des Fidji à la Papouasie-Nouvelle-Guinée.
Pour l’instant, la réaction initiale du Ministère russe des Affaires étrangères à l’AUKUS a été aussi peu critique qu’il peut l’être. La porte-parole Maria
Zakharova a déclaré jeudi dernier :
« Nous avons pris note
des plans, annoncés par l’Australie, de construction de sous-marins à propulsion nucléaire dans le cadre d’un « partenariat de sécurité trilatéral renforcé » convenu hier par
les États-Unis, la Grande-Bretagne et l’Australie. Nous partons du principe qu’étant une puissance non nucléaire et respectant de bonne foi le Traité de Non-Prolifération nucléaire,
l’Australie honorera ses engagements au titre de ce document, ainsi que les accords de garanties de l’AIEA et son protocole additionnel. Nous espérons que Canberra assurera le niveau de
coopération nécessaire avec l’AIEA afin d’écarter tout risque lié à la prolifération ».
La première évaluation technique et stratégique détaillée du programme AUKUS a été publiée cette semaine dans Vzglyad, la
principale publication stratégique reflétant les évaluations de l’État-Major général et du GRU russes. Voici une traduction de l’article russe d’Alexander
Timokhin.
*
Dans quelques années, un autre pays doté d’une flotte de sous-marins nucléaires fera son apparition dans le monde – l’Australie. Quel type de sous-marins ce
pays recevra-t-il de ses alliés, quel type de capacités de combat fournissent-ils, et selon quel scénario peuvent-ils être utilisés pour contenir la puissance militaire de la Chine
?
Tout s’apprend par comparaison. Que sont les huit sous-marins nucléaires polyvalents que recevra l’Australie (à ne pas confondre avec les sous-marins armés
de missiles balistiques) ? Comparons-les avec d’autres flottes.
Tout d’abord, prenons l’exemple de la Chine, contre laquelle (du moins, c’est ce qu’on dit) tout est prévu. Aujourd’hui, la Chine ne possède que neuf
sous-marins nucléaires polyvalents, peu furtifs. Trois d’entre eux sont des Project 091 ; il s’agit de vaisseaux anciens et bruyants qui n’ont pratiquement aucune valeur de combat. Les
six autres sont des Project 093, des bateaux plus modernes, qui sont toutefois inférieurs aux modernes américains et britanniques. En fait, seuls ces six bateaux ont une réelle valeur de
combat, et c’est ce nombre qui doit être pris en compte.
Je dois dire que les Chinois ont fait d’énormes progrès si l’on part de leur niveau initial. Leurs sous-marins sont déjà armés de bonnes torpilles et de
moyens de contrer les torpilles ennemies. Mais ils sont encore très loin des « Astutes » britanniques ou des « Virginias » américains.
Théoriquement, le « Virginia » de dernière modification (le bloc, comme disent les Américains) pourra être utilisé pour délivrer une frappe
massive non nucléaire de haute précision sur le territoire chinois. Dans ce cas, les Australiens seront en mesure d’augmenter la salve américaine. À l’avenir, lorsque les Américains
auront terminé leur programme de missiles hypersoniques pour la marine, cette frappe pourra également être très rapide.
Ce sera une autre histoire si les Américains piétinent à nouveau les normes internationales de comportement et déploient des armes nucléaires sur les
sous-marins australiens avant la guerre. Dans ce cas, à l’aide de missiles de croisière ou hypersoniques, l’Australie sera en mesure de causer à la Chine (et pas seulement à elle) des
dommages tout simplement monstrueux. Et les Tomahawks ordinaires, avec leur lancement rapide et surprise, peuvent causer des dommages considérables à la partie attaquée – et les
caractéristiques tactiques et techniques du « Virginia » vous permettront de vous approcher secrètement, même d’une côte bien gardée, et de porter un coup soudain et
inattendu.
Naturellement, cela est vrai si l’Australie construit des « Virginias » avec des installations de lancement de missiles verticales, et non des
« Astutes », qui ne peuvent utiliser des Tomahawks qu’à travers des tubes lance-torpilles. Il n’y a pas encore de réponse à cette question.
Dans le cas d’une guerre plus ou moins proche d’une guerre navale classique, ces sous-marins créeront une menace supplémentaire pour la Chine, et la Chine
devra allouer des forces supplémentaires à cette menace, dont elle aura grand besoin dans une guerre avec les États-Unis et la Grande-Bretagne, même sans l’Australie.
Les Chinois prennent soin de leur flotte et la développent. Ils disposent de forces de surface anti-sous-marines et d’une aviation anti-sous-marine, mais
lorsqu’ils effectuent des tâches de combat en dehors du rayon de combat de leur aviation de base (côtière en langage familier), le problème de la lutte contre les forces sous-marines
ennemies deviendra assez aigu pour la Chine. Les navires de surface chinois seront soumis aux frappes aériennes des avions basés en Australie et sur les porte-avions américains ; les
avions anti-sous-marins ne pourront pas travailler sans couverture ; en fait, toutes les tâches devront être résolues par les sous-marins nucléaires chinois. Ils n’atteignent pas encore
le niveau occidental (c’est-à-dire le futur australien) et ils seront obligés d’agir contre des forces ennemies hétérogènes (sous-marins, avions anti-sous-marins, navires de surface) sans
soutien.
Comment
la Chine va-t-elle réagir ?
La Chine a de l’espoir – de nouveaux sous-marins nucléaires polyvalents sont en cours de création, désignés dans la presse étrangère comme le Type 095, et
en Chine même le 09-V. Selon l’évaluation visuelle des images du bateau, il est clair que la Chine tente d’introduire un grand nombre de solutions techniques qui augmentent la furtivité
du sous-marin et la portée de détection de ses cibles sous-marines. Il est clairement visible que le bateau est créé spécifiquement pour le combat.
Mais le succès que les Chinois obtiendront reste une question ouverte, et surtout, même ces bateaux ne connaîtront pas de supériorité en termes de qualité ;
dans l’idéal, il y aura une parité approximative. Dans le même temps, si le rythme actuel de mise à jour des forces sous-marines chinoises se poursuit, la Chine sera inférieure aux
Américains et aux Britanniques en nombre, même sans l’Australie, et encore plus avec elle. Ces nouveaux bateaux sont encore au stade de la planification – la Chine n’en a encore construit
aucun. Et une autre flotte de sous-marins nucléaires hostiles obligera certainement les Chinois à investir très rapidement et très sérieusement dans le développement de leur production ;
cela demande du temps, de l’argent et des ressources.
La Chine peut-elle ignorer cette menace ? Non.
Voici un exemple parmi tant d’autres. Géographiquement, l’Australie peut bloquer complètement la connexion entre la Chine et l’océan Indien : il y a une
sortie directe là-bas et elle n’est en aucun cas contrôlée par la Chine. La Chine n’a que le détroit de Malacca, qu’avec ses nouveaux sous-marins, l’Australie pourra bloquer depuis
l’océan Indien. Ou passer devant l’Australie elle-même, avec les mêmes sous-marins et ses avions. Il n’y a aucune autre route par laquelle une grande quantité de pétrole peut être fournie
à la Chine.
L’Australie n’aurait jamais eu ces possibilités sous cette forme si elle avait poursuivi ses travaux sur l’achat de sous-marins non nucléaires à la
France.
Un sous-marin non-nucléaire (en fait le même diesel-électrique) n’est pas capable, par exemple, d’aller sous l’eau à grande vitesse, comme le peuvent les
« Virginias » et les « Astutes », et en secret, sans une augmentation critique du bruit.
Un bateau non nucléaire doit livrer du carburant à la zone de service de combat, un bateau atomique n’en a pas besoin – un sous-marin nucléaire n’est pas
lié à des bases proches ou au carburant, et il peut opérer de manière disproportionnée plus librement qu’un sous-marin diesel-électrique, même avec une centrale indépendante.
Au combat, un sous-marin nucléaire a également beaucoup d’avantages, jusqu’à la possibilité d’échapper parfois à la torpille de l’ennemi en fuyant. Pour un
hypothétique sous-marin australo-français non nucléaire, cela serait impossible. Le complexe hydroacoustique des « Virginias » est en général difficilement comparable à quelque
chose, et cela aussi bien en ce qui concerne la portée de la détection de la cible que la portée du tir sur celle-ci.
Désormais, la Chine, en plus des mesures visant à contrer la flotte de sous-marins des États-Unis et de la Grande-Bretagne, devra également tenir compte de
l’Australie, qui souhaite se doter d’un sous-marin nucléaire plus puissant que tout ce que la Chine possède actuellement.
À quoi ressemble le champ de bataille en chiffres ? Si nous partons du nombre de « Virginias » déjà construits et en cours de construction pour
entrer en service d’ici 2036, date à laquelle les Australiens veulent obtenir leurs huit sous-marins, nous pouvons supposer qu’il y aura environ 20 unités. Et ils ne pourront pas tout
lancer contre la Chine ; certains des sous-marins seront nécessaires en cas d’opérations d’urgence contre la Russie.
Ainsi, huit sous-marins australiens supplémentaires augmenteront d’au moins un tiers le nombre d’unités s’opposant à la Chine, par rapport aux seuls
sous-marins américains. C’est même plus que ce que les Britanniques seront en mesure de donner pour la guerre avec la Chine. La Chine devra augmenter d’un nombre comparable les forces des
sous-marins et des autres flottes.
En général, pour la Chine, ces huit sous-marins ennemis supplémentaires sont une poignée d’os frais dans la gorge. C’est à peu près ce que les Américains
prévoyaient de faire avec les Britanniques. C’est ce que sont huit sous-marins nucléaires.
C’est ce qui a provoqué la réaction des Chinois à cette nouvelle. Le Ministère chinois des Affaires étrangères a déclaré que le transfert de technologies de
construction de sous-marins nucléaires à l’Australie nuisait au régime de non-prolifération nucléaire et « exacerbait la course
aux armements », et que les États-Unis et la Grande-Bretagne appliquaient « de manière
extrêmement irresponsable » un système de deux poids, deux mesures. Ces admonestations, bien sûr, n’auront aucun effet.
Et qu’est-ce que cela signifie pour la Russie ? Si l’Australie veut disposer de huit sous-marins polyvalents d’ici 2036, nous aurons idéalement, cette
année-là, quatre vaisseaux
de classe Yasen dans l’océan Pacifique – le « Novosibirsk », le « Krasnoyarsk », le « Vladivostok » et, vraisemblablement, le
« Perm ».
Et pour le futur bateau du projet 545 avec le nom de code « Laika », la forme dans laquelle le « Laika » a été présenté au président en
décembre 2019 indique l’obsolescence délibérée du projet. Et surtout – il est extrêmement douteux que ces bateaux soient en service au milieu des années trente. C’est un autre exemple du
nombre de sous-marins nucléaires qui seront nécessaires sur un seul théâtre d’opérations militaires.
Toutefois, les « partenaires » occidentaux pourraient avoir des difficultés à mettre en œuvre ces plans merveilleux.
Tout
est-il si simple ?
Il y a un aspect dans tout cela qui peut tout compliquer. La production de pas moins de huit sous-marins nucléaires, bourrés de systèmes de haute
technologie à ras bord, n’est pas une mince affaire. Si nous supposons que les Australiens construiront une sorte de projet prêt à l’emploi, par exemple le « Virginia », il leur
faudra en tout cas jusqu’à 14 ans pour construire huit sous-marins nucléaires s’ils commencent l’année prochaine. C’est un rythme ultra-rapide pour huit unités ; les Américains eux-mêmes
mettent cinq ans pour construire un « Virginia », de la pose de la quille à la livraison à la marine.
Est-il possible pour les Australiens de respecter les délais ? Oui, mais seulement de manière « expansive », en construisant plus de sous-marins
par an que les Américains. Et cela nécessite, premièrement, des chantiers navals en quantité suffisante pour construire des sous-marins ; deuxièmement, des ouvriers et des ingénieurs ; et
troisièmement, la fourniture de composants en provenance des États-Unis, qui peut devenir le goulot d’étranglement du projet en raison de la crise actuelle de la construction navale
américaine. L’Australie dispose-t-elle de tout cela en quantité suffisante ? Les alliés ne pourront pas les aider dans ce domaine ; ils n’en ont pas assez eux-mêmes.
Et si les Australiens construisent un projet britannique quelconque – soit l' »Astute », soit, comme on le dit actuellement en Grande-Bretagne, le
futur projet de sous-marin britannique polyvalent, qui devrait remplacer les « Astutes », alors rien ne fonctionnera. La Grande-Bretagne arrive à peine à faire face seule à la
construction de ses sous-marins, sans compter le rôle joué par les entreprises liées. Dans le cas des « Astutes », certaines des parties liées sont des Français engagés par les
Anglo-Saxons. D’autre part, les Britanniques peuvent ainsi compenser les pertes des Français dues à la rupture du contrat australien pour les sous-marins non nucléaires. Néanmoins, le
problème du timing se posera également dans ce cas.
Les Australiens semblent l’avoir compris. Dimanche 19 septembre, le ministre australien de la Défense, Peter Dutton, a déclaré que l’Australie n’attendra
pas que ses sous-marins nucléaires soient construits, mais achètera ou louera des sous-marins britanniques ou américains.
C’est tout à fait possible. Toutefois, pas avec des sous-marins britanniques, mais plus probablement avec des sous-marins américains, bien qu’un tel schéma
n’entraînerait pas l’augmentation souhaitée des forces anti-chinoises ; il y aurait toujours autant de sous-marins contre la Chine, seuls certains drapeaux changeraient. Mais,
premièrement, au moment où la construction de leur série sera achevée (même si elle ne l’est pas entièrement et avec un certain retard), les Australiens auront déjà une expérience de
travail avec des sous-marins nucléaires, et deuxièmement, les États-Unis ont actuellement des problèmes pour réparer leurs sous-marins (ils ne tirent pas, comme ils le disent), et la
location de certains de leurs navires aux Australiens pour les Américains signifiera en fait leur salut en tant qu’unités de combat, même sous un pavillon étranger.
D’une manière générale, il est possible de faire rapidement de l’Australie un pays doté d’une flotte de sous-marins nucléaires. De plus, les auteurs de
cette initiative ont une raison extrêmement sérieuse pour tout cela. Des investissements aussi gigantesques et des virages politiques aussi brusques ne se font pas comme ça. L’hégémonie
des Anglo-Saxons dans le monde est sérieusement ébranlée, tant en raison de leur propre faiblesse interne que de la croissance de la Chine et du sabotage de leur système de pouvoir par la
Russie. Il est bien évident qu’ils ne renonceront pas de manière favorable à leur pouvoir sur l’humanité et aux bénéfices qui en découlent.
Il faut reconnaître que le monde est au bord de la guerre. L’accord de l’Australie avec les États-Unis et la Grande-Bretagne dit exactement
cela. Une guerre mondiale ordinaire avec des dizaines de millions de morts, comme une option, ou avec des centaines de millions ; après tout, personne n’a annulé les armes nucléaires. Une
telle guerre est presque inévitable.
De plus, en connaissant les délais que les « partenaires » se sont fixés, vous pouvez comprendre approximativement le temps pour lequel ils
préparent la « phase chaude ». Et à voir comment les autres pays se préparent à la prochaine guerre mondiale, il est temps pour nous de jeter un regard critique, honnête et non
biaisé sur la façon dont nous nous y préparons.