Verdun

par le Col. JJ. Noirot - Promotion St. Cyr "Serment de 14"  1963/65


C'était trop calme. 

 

Pour eux, les nuits debout n'étaient que de paisibles pick-nick entre bobos allumés. Rien de violent dans tout ça nous disent-ils à longueur de parlote.

Les casseurs cassent tranquillement des boutiques de riches. Y a pas d'mal à ça! Et si les boutiques sont celles de pauvres, ils n'avaient qu'à être plus pauvres, et ne pas se trouver là. Non mais, sans blague...!

 

Pour eux, les manifs contre la loi "travail" étaient une aimable promenade entre gens bien élevés. Les barres de fer, les pavés, les bouteilles enflammées ne sont pas des signes extérieurs de violence. Ce sont les oriflammes pacifistes d'une adhésion inconditionnelle à des énergumènes accoucheurs d'un ordre nouveau : la "Trouillocratie".

 

Car ne vous y trompez pas: Tout ce bric-à-brac de mauvais coups, portés à des gens tétanisés qui se demandent bien ce qu'ils ont pu faire pour mériter tant d'honneurs et à des forces de l'ordre en réalité bêtes d'abattoir stérilisées par la place Beauvau, est destiné à l'instauration de la peur comme seule guide de la pensée et de l'être.

 

Nos médias se pourlèchent l'édito à propos de ces pseudos concocteurs de régime. Les voilà, le trouillomètre en bataille, pâmés  devant les noctambules décérébrés, agenouillés face aux barbouilleurs d'idées nulles et courbés devant d'intouchables gargouilleurs en lutte.

C'est qu'ils se méfient, les crache-piges ronflants. Vous imaginez ce qui pourrait leur arriver s'ils osaient écrire ou dire que c'est quand même pas bien de casser pour casser? Et que les sondes placées dans les cortex des palabreurs nocturnes n'ont enregistré qu'un courant d'air? Ils risquent l'incendie accidentel, le coup de revolver fortuit, la corde hasardeuse.

Mieux vaut cajoler qu'enrager. Et ça rapporte bien davantage! Les coups pour les flics. Les coûts pour la plèbe. Les cous pour les haches cathodiques ou paperassières.

 

Bien adossés à ce nouvel ordre médiatique naissant, les catéchumènes de la fornication intellectuelle gauchiste se voyaient tout de même tenus à l'écart d'une actualité haute en noirceur. Ils ne tenaient plus en place. Comment! Se faire voler la vedette par des trouillocrates bulbeux, rossignols invendables et pourtant têtes de gondole de l'actualité! Non!... il fallait faire quelque chose!

 

Miracle! Les poilus de Verdun sont venus au secours de ces charlatans de l'illusion au bord de la faillite. Un maire "vers du nez" venait d'annuler un concert après avoir déféqué dans ses braies. Pas n'importe quel concert. Un concert de choc fait par un cleptomane de l'art issu de l'arc en ciel des banlieues. Quelle occas!..

 

Baïonnette...on! C'est l'assaut! Voilà les nouveaux héraut de l'admonestation publique, muets effarés devant les géniteurs crapuleux de la Trouillocratie, mis en ordre de bataille pour sauver l'honneur du braillard  évincé. Tous cherchent les mots, ces bons mots qui font mouche dans les toiles d'araignées de leurs cerveaux fangeux.

L'une tombe sur "nauséabond". Elle l'avait lu dans "Libé" la veille. La voilà propulsée au rang de décalcomanie de la culture. Un autre, toujours en panne d'idée, trouve "réac". Excusons-le. Ce trotskiste grassouillet est titulaire d'une maîtrise d'imposture usurpée à Paris VII (ou VIII, je ne sais plus). Et il a en attente une oraison funèbre à peaufiner pour bientôt. Là, une tête de parchemin fripée croquée à la Daumier s'esbaudit, telle celle du ravi du village, avec "illégal".

Manière de bien montrer que la légalité a élu domicile place de la République. Une quatrième, rejoignant la première dans le purin, psalmodie un air "putride". Comme elle avait déguisé le drapeau tricolore en "torche cul", à ses débuts, on sait qu'elle a le nez bouché et la glotte éructive depuis longtemps. Un faux frère, renégat de l'éducation au rabais, a trouvé au culbuteur de décibels des vertus patriotiques par grand père interposé. Respect au grand père. Il n'a rien à voir avec sa descendance sonorisée, quoi qu'en pense ce cancrelat rigide et bouffeur de curé. Cette autre nous arrangue sur le thème "céder aux injonctions". Comme ses convictions ont la souplesse du roseau, quoi de plus naturel chez cette vadrouilleuse, touriste des partis, que d'aller se fondre dans la feinte colère des encalminés pontifiants. La palme enfin revient à la plus grande âme de la terre. Un risque-tout du commérage. Un acrobate de la langue de pute. Un cascadeur de la névrose alarmée. Un haut-voltigeur du porte-jarretelles aéré. Un héros, en somme: "Sombres temps", nous dit-il. 

 

Il a raison, ce raisonneur de comice agricole. 

 

Sombres sont les temps où s'opposer à l'ignoble est passible de la haine raciste des gardiens de l'immonde.

 

Sombres sont les temps où pour honorer les poilus(1) quelqu'un ait pu songer à recourir à un marionnettiste kaffardeux. 

 

Sombres sont les temps où la dignité des vainqueurs de Verdun est exposée sans rempart à l'arrogance des élites et des élus.

 

Sombres sont les temps où se croisent pour se féconder les insultes à l'Histoire et les souillures à la patrie.

 

Les poilus de Verdun n'ont pas mérité cela. 

 

Nous non plus.

 

JJN.

 

(1) Dont mon grand-père Noirot.


 

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