...belle cérémonie, dans un cadre magnifique, mais uniquement sur invitation, "discrète", presque en catimini alors qu'elle aurait du être publique, au minimum
largement couverte et diffusée par les "médias". TRISTE !
JMR
L’hommage aux « Poilus » dévoyé par l’idéologie dominante
...par Bernard Lugan - le 14/11/2018.
Pensée par le socialiste Joseph Zimet en charge de la Mission du centenaire de la Grande Guerre, à la ville époux de Madame Rama Yade ancien secrétaire d’Etat de Nicolas Sarkozy, la cérémonie du 11 novembre 2018 célébrée sous
l’Arc de Triomphe laisse une impression de malaise.
D’abord, comment expliquer l’insolite relégation des représentants de la Serbie à l’extérieur de la principale tribune officielle alors que
leur pays fut un des artisans majeurs de la victoire après avoir perdu 450.000 combattants tués et 134.000 autres blessés sur une population de 4,5 millions d’habitants ? Sans compter des
pertes civiles s’élevant à 800.000 morts…
Ensuite, comment qualifier l’insulte personnelle faite au président Trump, obligé de subir la prestation-provocation de sa compatriote
d’origine béninoise, la chanteuse Angélique Kidjo, l’une de ses plus farouches adversaires ? Il est en effet utile de rappeler que cette militante activiste avait manifesté contre son
élection au sein de la Women’s March, et qu’elle le qualifie d’homme qui n’a « ni morale, ni valeurs humaines »... Un tel affront diplomatique restera dans les
annales...
Enfin, point d’orgue de la grande entreprise de réécriture de l’histoire de France, l’amplification du rôle de l’Afrique durant la Première
Guerre mondiale, à travers un message plus que subliminal : les Africains ayant permis la victoire française, leurs descendants ont des droits sur nous et voilà donc pourquoi ils sont chez
eux chez nous…
Je répondrai à ce troisième point en reprenant mon communiqué en date du 13 mai 2016 dont le titre était « La France n’a pas gagné la
Première guerre mondiale grâce à l’Afrique et aux Africains ».
Laissons en effet parler les chiffres[1] :
1) Effectifs de Français de « souche » (Métropolitains et Français d’outre-mer et des
colonies) dans l’armée française
- Durant le premier conflit mondial, 7,8 millions de Français furent mobilisés, soit 20% de la population française totale.
- Parmi ces 7,8 millions de Français, figuraient 73.000 Français d’Algérie, soit 20% de toute la population « pied-noir ».
- Les pertes parmi les Français métropolitains furent de 1.300 000 morts, soit 16,67% des effectifs.
- Les pertes des Français d’Algérie furent de 12.000 morts, soit 16,44% des effectifs.
2)
Effectifs africains
- L’Afrique fournit dans son ensemble 407.000 hommes, soit 5,22 % de l’effectif global de l’armée française.
- Sur ces 407.000 hommes, 218.000 étaient originaires du Maghreb (Maroc, Algérie et Tunisie).
- Sur ces 218.000 hommes, on comptait 178.000 Algériens, soit 2,28 % de tous les effectifs de l’armée française.
- Les colonies d’Afrique noire dans leur ensemble fournirent quant à elles, 189.000 hommes, soit 2,42% de tous les effectifs de l’armée
française.
- Les pertes des Maghrébins combattant dans l’armée française furent de 35.900 hommes, soit 16,47% des effectifs, dont 23.000 Algériens. Les
pertes algériennes atteignirent donc 17.98% des effectifs mobilisés ou engagés.
- Les chiffres des pertes au sein des unités composées d’Africains sud-sahariens sont imprécis.
L’estimation haute est de 35.000 morts, soit 18,51% des effectifs ; l’estimation basse est de 30.000 morts, soit 15.87%.
Pour importants qu’ils soient, les chiffres des pertes contredisent l’idée-reçue de « chair à canon » africaine. D’ailleurs, en
1917, aucune mutinerie ne se produisit dans les régiments coloniaux, qu’ils fussent composés d’Européens ou d’Africains.
Des Africains ont donc courageusement et même régulièrement héroïquement participé aux combats de la « Grande Guerre ». Gloire à eux !
Cependant, compte tenu des effectifs engagés, il est faux de prétendre qu’ils ont permis à la France de remporter la victoire. Un seul
exemple : l’héroïque 2° Corps colonial engagé à Verdun en 1916 était composé de 16 régiments, or, les 2/3 d’entre eux étaient formés de Français mobilisés, dont 10 régiments
de Zouaves composés très majoritairement de Français d’Algérie, et du RICM (Régiment d’infanterie coloniale du Maroc), unité alors très majoritairement européenne.
Autre idée-reçue utilisée par les partisans de la culpabilisation et de son corollaire « le grand remplacement » : ce serait
grâce aux ressources de l’Afrique que la France fut capable de soutenir l’effort de guerre.
Cette affirmation est également fausse car, durant tout le conflit, la France importa 6 millions de tonnes de marchandises diverses de son
Empire et 170 millions du reste du monde.
Conclusion : durant la guerre de 1914-1918, l’Afrique fournit à la France 5,22% de ses soldats et 3,5% de ses importations.
Ces chiffres sont respectables et il n’est naturellement pas question de les oublier ou de les tenir pour secondaires.
Prétendre qu’ils furent déterminants est en revanche un mensonge doublé d’une manipulation idéologique. Bernard
Lugan
Et si les Etats-Unis n'étaient pas entrés en guerre en 1917
...par le Col. Michel Goya - le 12/11/2018.
Extrait de Guerres et Histoire HS n°3, novembre 2017.
Le 8 janvier 1917, un grand conseil se réunit autour de l’empereur Guillaume II au château de Pless. La principale question traitée est celle du lancement ou non de
la guerre sous-marine « à outrance », c’est-à-dire visant la destruction de tous les navires marchands, y compris neutres, alimentant les pays de l’Entente. Selon l’amiral Holtzendorff,
représentant de l’Amirauté, cela doit amener la capitulation du Royaume-Uni en six mois. Le chancelier Bethmann Hollweg y est de son côté très hostile. Le Kaiser, à qui revient la décision
finale, est indécis. Il attend l’avis du maréchal Hindenburg, chef suprême de l’armée allemande, et de son quartier-maître, le général Ludendorff. C’est ce dernier qui prend la parole pour
déclarer, à la surprise générale, qu’après un examen très approfondi et malgré un avis initial contraire, il lui apparaît désormais qu’une telle stratégie serait finalement désastreuse pour le
Reich.
Ludendorff rappelle que la guerre sous-marine à outrance entraînerait automatiquement l’entrée en guerre des Etats-Unis dès qu’un de leurs navires serait frappé,
peut-être même avant. Les Etats-Unis n’ont certes pas encore les moyens d’intervenir tout de suite sur le continent européen, mais cette grande puissance de 100 millions d’habitants,
déjà la première sur le plan économique, ne peut manquer de disposer, si elle le souhaite, d’une force considérable qui ne manquera pas de transformer fatalement le rapport des forces en défaveur
des Puissances Centrales, au pire en 1919. Dans l’immédiat, les Etats-Unis ne sont pas non plus « zéro, deux fois zéro, trois fois zéro » comme se plaît à le répéter le Grand
amiral Von Capelle. Ils possèdent une flotte puissante dont 79 destroyers immédiatement disponibles et, selon les rapports de l’ambassadeur Bernstorff, d’une capacité de construction navale
civile et militaire, qui avec l’appoint de puissances latino-américains qui se joindront à eux, contribuera certainement à enrayer l’efficacité de cette guerre sous-marine.
En conséquence, Ludendorff recommande de ne provoquer en rien les Etats-Unis et d’attaquer avec la plus extrême prudence les navires marchands. Il recommande aussi
de renoncer totalement aux sabotages sur le territoire américain, comme celui du dépôt de Black Tom Island le 30 juillet 1916, aux effets militaires négligeables, ainsi que d’abandonner le projet
chimérique du ministre des Affaires étrangères de l'Empire allemand, Arthur Zimmermann, d’alliance avec le Mexique, dont le seul effet concret serait de provoquer inutilement l’indignation de
l’opinion publique américaine.
A Washington, le président Wilson, élu difficilement sur un programme pacifiste, respire. Les Etats-Unis sont les grands fournisseurs des pays de l’Entente et
s’enrichissent de ce commerce, depuis un peu plus d’un an. Ils ont donc tout intérêt à la victoire des pays de l’Entente et, à l’exception des communautés irlandaise et allemande, un fort courant
de sympathie s’est développé à leur égard. Pour autant la majorité de la population américaine reste hostile à toute entrée en guerre. Sans guerre sous-marine à outrance et sans maladresse
allemande, il aurait été difficile de faire basculer l’opinion et d’obtenir le vote majoritaire nécessaire au Congrès pour déclarer la guerre.
Cela aurait-il cependant suffit à faire basculer l’histoire au profit des Empires centraux ? Cela n'est pas sûr.
Un soutien économique maintenu
Les Etats-Unis, qui, au nom de la liberté de commerce et de navigation, avaient vivement critiqué le blocus économique des Empires centraux par les Alliés, se
trouvent rapidement bénéficiaires de la nouvelle situation. Si le commerce avec l’Allemagne chute, la valeur des exportations vers le Royaume-Uni est multipliée par quatre entre 1914 et 1916 et
le surplus commercial du commerce vers l’Europe est multiplié par sept durant la même période. Les Etats-Unis ne vendent pas de matériels militaires mais fournissent une grande quantité de
produits qui permettent à la France et au Royaume-Uni de se consacrer pleinement à l’effort de guerre. Les Américains fournissent ainsi la totalité du sucre, la moitié des céréales et le
cinquième de la viande consommée en France en 1916 mais aussi la moitié des métaux et des machines-outils indispensables à l’industrie ainsi que 90 % du pétrole. Les banques
d’outre-Atlantique contribuent également à financer la guerre avec deux milliards de dollars prêtés à la France, au Royaume-Uni et à la Russie jusqu’en avril 1917.
L’aide économique et financière américaine est indispensable à l’effort de guerre de l’Entente et assure à ces derniers un avantage considérable par rapport aux
Empires centraux soumis à un blocus sévère. Cette aide et l’organisation interne de la production de guerre en France et en Grande-Bretagne portent pleinement leur fruit au cours de l’année 1917.
La production augmente presque exponentiellement et dans certains domaines, comme celui des munitions, chacun des deux principaux alliés fabrique autant de matériel que l’Allemagne. La
supériorité alliée est plus particulièrement évidente dans l’industrie des engins à moteur : avions, automobiles et camions et chars, dont les Allemands sont faiblement pourvus. Cette
supériorité est d’autant plus marquée que les Alliés bénéficient du pétrole américain alors que les Allemands doivent faire face à une pénurie croissante de carburant qui pénalise l’action des
unités motorisées ainsi que l’entrainement des équipages.
En 1917, la prospérité des industries et, encore plus, des banques américains dépend de la victoire alliée, sans laquelle les emprunts ne pourraient être remboursés
et beaucoup d’achats resteraient impayés. Il est donc probable que ce soutien économique aurait perduré et même augmenté même sans l’entrée en guerre des Etats-Unis, facilité encore par l’absence
de guerre sous-marine à outrance. La seule vraie différence entre la paix et l’entrée en guerre réside dans la possibilité accordée dans ce dernier cas à faire appel au Trésor américain, par
le Liberty Bond Act, à prêter directement aux Etats de l’Entente. Il n’est pas exclu cependant que cette facilité ait quand même été possible la neutralité maintenue. Dans tous les cas,
cette neutralité et l’absence de guerre sous-marine à outrance, les deux étant intimement liées, n’auraient sans doute pas fondamentalement changé les paramètres économiques très favorables aux
Alliés. Si on ne peut plus attendre les Américains, les chars eux seront là.
L’impact stratégique du maintien de la neutralité américaine
Au printemps 1917 lorsque se décide l’entrée ou non des Etats-Unis dans la guerre, la situation stratégique est favorable à l’Entente. L’alliance américaine est
espérée mais on croît alors pouvoir s’en passer pour vaincre. Les Alliés ont une forte supériorité numérique qu’ils comptent exploiter en attaquant massivement et simultanément sur tous les
fronts. Puis tout bascule en l’espace de quelques mois. L’offensive franco-britannique débutée en avril en France contre la nouvelle ligne dite « Hindenburg » est un échec grave qui
provoque le trouble dans une grande partie de l’armée française tandis que l’armée britannique s’épuise à poursuivre l’offensive dans les Flandres. En octobre, c’est au tour des Italiens de subir
un désastre à Caporetto. Surtout, à partir de février 1917 et des premières émeutes à Pétrograd, le front russe se désagrège progressivement jusqu’à la prise du pouvoir par les
Bolcheviks et le traité de Brest-Litovsk le 3 mars 1918.
Au printemps 1918, l’Allemagne peut donc transférer à l’ouest une grande partie des forces de l’Est tandis que l’occupation de la Roumanie et de l’Ukraine semblent
pouvoir donner un peu d’air à l’économie du pays. Forte de cette supériorité numérique mais aussi du développement de nouvelles méthodes de combat expérimentées avec succès en Russie, en Italie
et même en France à Cambrai, c’est au tour de l’armée allemande de disposer d’une nette supériorité sur le front de l’Ouest avec, au mois de mars 1918, plus de 197 divisions face à 172 divisions
françaises, britanniques, belges et portugaises. La supériorité numérique est réelle mais pas si importante qu’il n’y paraît, les divisions allemandes étant souvent inférieures en effectifs à
celles des Alliés.
Fort de cette supériorité et sans la perspective de l’engagement massif de l’armée américaine à partir de l’été 1918, le commandement allemand pouvait peut-être
envisager d’autres stratégies que celle de la recherche de la victoire décisive au plus vite à l’Ouest. Il pouvait par exemple concentrer plutôt son effort sur les fronts italien ou balkanique et
maintenir la ligne défensive à l’Ouest comme en 1917. Il est quand même probable compte-tenu de la dégradation politique intérieure croissante mais aussi de la personnalité des chefs qu’il ait
quand même cédé à la tentation d’arracher la victoire en France. Du côté de l’Entente, il n’y avait guère d’autre choix que de continuer la lutte comme avant, sans le stimulant de la perspective
de l’arrivée des Américains.
Du 21 mars au 15 juillet, les esprits sont concentrés sur l’immédiat, c’est-à-dire les six offensives allemandes successives. Les combats sont très rudes, en
particulier après les percées allemandes du 21 mars et du 27 mai, mais Français et Britanniques résistent. Dans la réalité durant cette phase, les unités américaines sont intervenues trois
fois : le 28 mai à Cantigny avec un régiment de la 1ère division américaine, le 15 juillet sur la Marne avec la 3e division et surtout du 3 au 22 juin au Bois-Belleau avec la
2e Division. Avec 26 000 hommes, chaque division d’infanterie américaine représente l’effectif de deux divisions françaises ou britanniques mais certainement pas deux fois leur
efficacité. Les « Sammies » font l’unanimité pour leur courage et leur enthousiasme mais ils sont aussi inexpérimentés, sous équipés de matériels lourds et sous encadrés. Pour des
actions similaires, leurs pertes sont très supérieures à celles de leurs alliés. Avec les quatre régiments de noirs américains intégrés dans l’armée française, ces trois divisions représentent au
mieux l’équivalent de six divisions franco-britannique, soit 4 % du nombre total de celles-ci, qui sont par ailleurs souvent engagées plusieurs fois.
L’engagement américain est un peu plus important en volume (douze engagements de divisions) dans les premières offensives alliées, du 18 juillet au 10 août,
date de la formation de la 1ère armée américaine. Au total, toute la période de mai à août représente un quart des pertes totales des pertes américaines au combat de toute la
guerre, soit environ 12 000 morts et 50 000 blessés, à comparer aux 800 000 pertes des autres armées alliées au même moment. La contribution américaine a donc été importante mais
pas décisive. La tension forte sur les effectifs des armées britannique et française aurait été accrue mais il existait encore des ressources humaines qui auraient sans doute été
mobilisées pour y faire face comme le retour de toutes les divisions britanniques et françaises en Italie, la dissolution des divisions de cavalerie, le recours accru aux troupes coloniales,
l’appel anticipée de la classe d’âge 1920, etc. Le contingent britannique qui représente environ 60 % du contingent français et n’avait subi que la moitié des pertes de ce dernier pour une
population mobilisable supérieure pouvait encore fournir des hommes. Des ressources existaient donc pour un effort ultime en prenant des mesures difficiles que le spectacle des 200 000
soldats américains débarquant chaque mois en France à partir de mai a sans doute retardé.
Cet effort de compensation aurait été par ailleurs moins important que l’on peut imaginer car si l’armée américaine fournit des hommes en 1918, elle ponctionne
aussi beaucoup de matériel. Avant d’avoir un impact positif dans les combats, la présence du corps expéditionnaire a d’abord pour effet paradoxal de plutôt affaiblir les autres armées et plus
particulièrement l’armée française, son principal fournisseur. Le 15 mars 1918, alors que le contingent américain est encore modeste, la France a déjà fourni aux Américains, 156 batteries de 75
mm, 33 batteries de 155 Court, 5 groupes de pièces modernes très lourdes, 2 894 mitrailleuses et 12 864 fusils mitrailleurs. Au moment de la constitution de la Ière armée
américaine, le 10 août, le Groupe d’armées de réserve de Fayolle, alors engagé dans la bataille de Montdidier, doit à lui seul fournir 45 batteries de campagne, 30 batteries d’artillerie lourde
et 6 groupes de pièces extra-lourdes. Bien souvent également les servants accompagnent les pièces qu’ils sont encore souvent les seuls à pouvoir les mettre en œuvre. La 12 septembre 1918, lors de
la bataille de Saint-Mihiel, la première grande victoire de Pershing, commandant la force expéditionnaire, la Ière armée américaine bénéficie de l’aide de quatre divisions françaises mais
aussi de 3 000 pièces d’artillerie, presque toutes fournies par les Français ainsi que 267 chars légers (avec pour moitié des équipages français) et tous les avions, les camions ou tous les
obus utilisés. C’est autant de moyens matériels en moins pour les Français et donc aussi sans aucun doute plus de pertes pour eux.
Vaincre sans la Ière armée américaine
La bataille de Saint-Mihiel est un succès. Pour autant, cette bataille n’a que peu d’influence sur le cours de la guerre. Foch envisageait sérieusement d’y renoncer
et les Allemands étaient en train d’organiser le repli du saillant au moment de l’attaque. Sans l’insistance de Pershing, cette bataille n’aurait probablement jamais eu lieu.
Beaucoup plus importante pour Foch était la prise de Sedan et surtout de Mézières-Charleville, nœud ferroviaire essentiel à l’approvisionnement des forces
allemandes en Belgique et dans le nord de la France. Si trois grandes offensives de groupes d’armées sont lancées quasi-simultanément du 26 au 28 septembre, l’effort est clairement porté sur le
front Meuse-Argonne, confié à la IVe armée française et la Ière armée américaine. Celle-ci, qui engageait 600 000 soldats américains (mais aussi quatre divisions françaises) déçoit
finalement. Après une forte progression le premier jour, les Américains marquent rapidement le pas autant gênés par le raidissement de la défense allemande et le terrain difficile que par le
désordre d’une logistique que les états-majors américains ne maîtrisent pas à cette échelle.
Les Américains sont également très affectés par la grippe dite espagnole qu’ils ont contribué à faire venir en Europe et dont ils sont les principales victimes.
Plus la moitié des pertes militaires américaines sont le fait de ce fléau qui affecte aussi les populations et toutes les autres armées sans que l’on puisse dire vraiment laquelle est la plus
pénalisée. Jusqu’au 15 octobre, la progression américaine dont on espérait tant est finalement plus lente que celle des armées françaises et britanniques qui s’emparent de la
ligne Hindenburg. Les Américains avancent beaucoup plus vite après cette date mais comme toutes les autres armées alliées face à une armée qui se désagrège.
Que se serait-il passé sans l’existence des la Ière armée américaine (suivie d'une 2e formée en octobre et peu engagée) ? Sans doute sensiblement la même
chose. Au moment de l’offensive générale de fin septembre, la production de guerre cumulée franco-britannique dépasse largement celle de l’Allemagne, presque le double dans certains domaines,
pour des effectifs combattants similaires. Grâce à la leur mobilité très supérieure (ils disposent de trois à quatre fois de camions que les Allemands et avec un carburant illimité), les Alliés
sont alors capables de concentrer des forces le long du front bien plus rapidement et souplement que les Allemands. Ils deviennent capables de monter en deux semaines des offensives engageant de
deux à quatre armées, là où il fallait des mois en 1916. Les Allemands, qui dépendent de la voie ferrée et de leur réserve d’artillerie lourde, sont incapables d’une telle performance et à partir
du 18 juillet sont obligés de laisser l’initiative des opérations à leurs adversaires. La logistique alliée est également très supérieure, capable de former l’équivalent de trois, voire
quatre, « Voie sacrée » de Verdun et d’alimenter autant d’offensives de groupes d’armées, là où les Allemands ne peuvent engager qu’un groupe d’armées à la fois.
A l’échelon tactique, alors que les divisions d’assaut allemandes sont usées et que les divisions de secteur sont faibles, toutes les divisions françaises et
britanniques bénéficient d’un équipement et d’un soutien logistique supérieur à ceux des Allemands. Elles disposent également d’un appui aérien de plus en plus dominant et surtout de l’arrivée
massive des chars dont le major Von dem Busche, délégué du Grand quartier général, déclare le 2 octobre devant le Reichstag qu’ils sont le facteur principal de la puissance des
Alliés. Enseptembre 1918, les Français disposent de 21 bataillons de chars légers (soit 945 engins en ligne). La moitié de tous les engagements de chars français de toute la guerre survient
entre le 26 septembre et le 2 novembre 1918. Les Britanniques ne sont pas en reste avec leurs chars plus lourds (530 sont engagés le 8 août).
Les Franco-Britanniques sont ainsi capables de s’emparer seuls de vastes portions de la ligne Hindendburgcomme lors de la percée vers Cambrai, peut-être la
victoire alliée la plus spectaculaire de la guerre, et ils auraient sans doute pu pallier l’absence des Américains en Argonne. La IIe armée française aurait sans doute reçu cette mission en
disposant du matériel lourd donné aux Américains. L’effort demandé (les Américains ont eu 26 000 morts au combat durant cette bataille) aurait pu être compensé par une moindre action
ailleurs, au centre du front par exemple. En réalité, si les combats sont encore très violents, la prise des lignes Hindenburg et Hermann-Hunting se fait assez rapidement, l’armée
allemande ayant perdu ses meilleurs soldats dans les offensives et une grande part de sa volonté de combattre.
De plus, la situation des fronts extérieurs évolue rapidement sans rien devoir aux Américains. La percée des armées alliées d’Orient en Macédoine le 15
septembre, la prise de Damas le 30 du même mois et la victoire italienne de Vittorio Veneto le 24 octobre entraînent la mise hors de combat de tous les alliés de l’Allemagne entre le 28 septembre
et le 3 novembre. Le rapport de forces est complètement renversé sur ce théâtre et l’Allemagne se retrouve isolée et obligée de défendre un nouveau front. La situation stratégique est alors
complètement intenable pour les Allemands.
Il est alors possible de porter un coup de grâce à l’armée allemande qui ne se bat plus en France et en Belgique. Au centre du front, le 8e corps d’armée
français perd 5 500 tués ou blessés de 10 octobre au 4 novembre mais seulement 7 hommes dans la semaine qui suit alors qu’il progresse de 10 km par jour en Belgique. L’armistice est
finalement accepté le 11 novembre, ce qui soulage tout le monde mais surprend aussi beaucoup. Certains ont accusé les Anglo-Saxons d’avoir voulu éviter un effondrement total de l’Allemagne alors
que d’autres ont plutôt vu le désir de la France d’obtenir la victoire avant qu’elle ne soit attribuée aux Américains, qui auraient été très majoritaires sur le front en 1919. Il est possible que
sans la présence américaine, l’offensive française prévue en Lorraine aurait eu lieu et les combats poursuivis jusqu’à la destruction de l’armée allemande en Belgique.
Difficile ensuite d'imaginer ce qu'aurait été le Traité de paix sans la présence du Président Wilson. La suite du XXe siècle aurait sans doute été très
différente. Dans quel sens ? nul ne peut le dire.
Hier, on célébrait les 100 ans de l’Armistice de 1918. Cette guerre, qui devait être la Der des Der, a vu s’affronter
les hommes dans des proportions et une violence jamais rencontrées auparavant. Dans l’imaginaire collectif français, on se souvient principalement des tranchées, de véritables enfers. C’est
en effet sur les théâtres d’opérations du nord-est qu’on dénombre la majeure partie des 1.4 million de morts militaires français du conflit. Le chiffre des blessés est aussi gigantesque, plus
de 4 millions, dont un quart d’invalides.
Toutefois, le pays a aussi été actif sur les mers. Ce milieu a plus que jamais revêtu une importance stratégique. En
asphyxiant les puissances centrales et en faisant transiter d’importantes ressources humaines et matérielles, les actions maritimes ont fait pencher la balance en faveur des alliés. Ce fut
aussi un théâtre meurtrier et il est important de se souvenir aussi des marins qui, militaires ou civils, y ont laissé leur vie.
Une marine de guerre principalement en Méditerranée
À l’entrée en guerre, la Marine nationale stationne principalement ses grandes unités en Méditerranée et d’autres plus modestes dans la Manche. La France s’est
entendue en 1913 et 1914 avec le Royaume-Uni pour une répartition des théâtres d’opérations. La Royal Navy, bien mieux équipée et seule capable de faire face à la très puissante et moderne
Kaiserliche Marine, aura la charge du blocus de l’Allemagne dans la mer du Nord. Elle s’occupera aussi, en collaboration avec la France, de la sécurisation de la Manche et de l’Atlantique. À
l’inverse, ce sera la flotte française qui aura le plus grand rôle à jouer au sud de l’Europe, même si dans les faits, l’Amirauté britannique continue d’y avoir une importante
présence.
La Marine nationale participe grandement à contenir la flotte austro-hongroise en Adriatique. À côté de cela, elle sécurise la ligne entre l’Afrique du Nord et
la Métropole. Au début, on craint les raiders allemands, comme les croiseurs allemands Goeben et Breslau. Leur menace s’estompe finalement très rapidement, puisqu'ils se réfugient à l’abri dans les eaux turques. La guerre anti-sous-marine devient une
priorité du fait des pertes élevées. Il y aura au passage deux phases d’offensive dites « à outrance » en 1915 et 1917 qui verront le torpillage de bateaux civils sans distinction.
Cette manœuvre de contre-blocus de la part des États centraux devient préoccupante. Il faut attendre 1917 pour que la lutte anti-sous-marine devienne réellement efficace, notamment avec la
mise en place de convois mieux défendus plutôt que des patrouilles isolées le long des routes maritimes. Les bâtiments français seront constamment utilisés dans ce combat.
D’un point de vue logistique, la marine française achemine de nombreuses troupes coloniales en Europe. Pour la bataille décisive de la Marne, ce sont 50.000
combattants et 10.000 chevaux qui ont été transportés dans les temps depuis l’Algérie et le Maroc. La flotte est un relais important dans les opérations militaires aux Dardanelles, mais aussi
en Serbie ou elle évacue les troupes serbes assiégées. Les missions d’appuie-feu dans tout le pourtour oriental ont par ailleurs été nombreuses. On peut mettre en avant, en 1915, l’appui des
débarquements alliés dans les Dardanelles ou la défense du Canal de Suez contre les troupes ottomanes. Son rôle est aussi politique en soutenant les Serbes et en motivant l’entrée en guerre
de la Grèce en faveur de la Triple Entente.
Toutefois, la Marine nationale n’est pas active qu’en Méditerranée. En 1914 ont lieu les bombardements des positions allemandes en Flandre pendant la Course à
la mer. Elle apportera aussi son soutien pour la défense des lignes transatlantiques avec la protection du ravitaillement.
Une marine également sur terre et dans les airs
Pour la lutte anti-sous-marine, l’aviation devient très vite un atout. La France l’apprend d’ailleurs à ses dépens, car le premier sous-marin coulé par un avion
est le Foucault, attaqué par des engins autrichiens en septembre 1916. Avions, hydravions, dirigeables, ballons captifs, un effort important est entrepris (plus de 1200 avions en 1918). Des
liens très forts se nouent par ailleurs avec les États-Unis qui ouvrent de nombreuses bases aéronavales sur le sol français.
Mais le combat des marins est aussi terrestre. La rupture du front en 1914 voit se déverser les divisions ennemies loin dans le territoire. Paris est gravement
menacé dès les premiers mois de la guerre et fait revivre le spectre de 1870. On utilise alors toutes les troupes disponibles, dont de l’artillerie de marine, débarquée à terre. Elle
participera aux restes des opérations terrestres pendant la guerre. Toujours en 1914, la course à la mer voit les armées se projeter sur la côte des Flandres. Se déroule alors la terrible
bataille de Dixmude. Victoire tactique alliée, elle repose notamment sur l’engagement de la brigade des jeunes fusiliers-marins commandée par l’amiral français Ronar’ch.
Si la France ne particpe pas à une grande bataille navale entre navires de lignes, comme le Jutland, qui voit s'affronter en juin 1916 la Grand Fleet
britannique et la Hochseeflotte allemande, sa marine est par contre largement impliquée dans la guerre sous-marine. Les U-Boots allemands et leurs homologues austro-hongrois
font peser, avec également les mines marines, une menace bien plus grande que les bâtiments de surface. Ils vont causer des pertes énormes dans les rangs français. Ainsi, le 26 novembre 1916,
le cuirassé pré-dreadnought Suffren, qui naviguait au large du Portugal en direction de Lorient, est pris en chasse par le sous-marin allemand U-52. Sans escorte et endommagé en Méditerranée
quelque temps auparavant, il est torpillé. Son équipage, près de 650 hommes, y laisse la vie.
Même chose pour les mines, qui sont dévastatrices. Le 18 mars 1915, le cuirassé Bouvet, lui aussi pré-dreadnought, saute sur une mine lors du premier
jour de la Bataille des Dardanelles. Il emporte avec lui près de 600 marins.
Paradoxalement, ce sont les sous-marins adverses qui valident d’une certaine manière les théories navales portées en France par la Jeune École. Cette
dernière pronostiquait dans les années 1880 que de petites unités, équipées de torpilles et construites en grand nombre, pouvaient infliger de lourds dégâts à un adversaire mieux équipé.
Cette stratégie de « poussière navale » est arrivée trop tôt en France et n’a pas donné les résultats escomptés. En 1914, la France était revenue à un concept plus traditionnel de
combat entre cuirassés tout en ayant, en proportion, une flotte légère relativement importante (torpilleurs et contre-torpilleurs).
Du fait principalement des armes sous-marines, la France perd entre 1914 et 1918 pas moins de 170 bâtiments, dont 115 de combat. En tout, 11.500 marins
meurent en mer. Selon les historiens Martine Acerra et Jean Meyer, les pertes de la Marine nationale atteindraient approximativement 20.000 hommes tout services confondus. Les naufrages
de quatre cuirassés, Bouvet, Suffren, Danton et Gaulois, totalisent à eux seuls près de 1500 morts. En outre, la marine déplore la perte des cinq croiseurs Léon Gambetta, Kléber,
Dupetit-Thouars, Amiral Charner et Châteaurenault. Au niveau des unités légères, ce sont un croiseur léger, 16 contre-torpilleurs et 12 sous-marins qui disparaissent.
La Marine marchande contribue à l’effort de guerre
Au décompte des navires coulés, il faut aussi ajouter les croiseurs auxiliaires. Ce sont des bâtiments de commerce armés notamment pour la guerre à la course
mais qui vont surtout servir de transporteurs. Le Gallia par exemple, sombre le 4 octobre 1916 après avoir été torpillé par le U-35 du célèbre Lothar von Arnauld de la Perière. Le navire
transporte alors 2350 personnes (marins, soldats français, soldats serbes). Près de 600 Français (marins et soldats) périssent, sans que l’on sache combien de Serbes y laissent leur vie. Le
même sous-marin allemand avait coulé en février de la même année la Provence II (approximativement 1000 morts et 700 rescapés). Le Burdigala a plus de chance et ne compte qu’une seule perte
humaine alors qu’il navigue à vide. Le Magon emporte 203 personnes avec lui en 1917. L’équipage étant plus restreint sur un paquebot qu’un cuirassé, le nombre de marins tués est moins
important. Ce sont surtout les passagers transportés qui font partie des victimes.
À côté des croiseurs auxiliaires, il y a tous les autres navires marchands qui vont disparaître alors qu’ils ne sont pas militarisés. Ils participent bien à
l’effort de guerre, mais au sein d’un trafic civil et non armé. À l’entrée en guerre, la Marine marchande française arme 2.5 millions de tonneaux. Près de 1 million de tonneaux de navires
marchands seront envoyés par le fond entre 1914 et 1918, soit 40% de la flotte. D’un point de vue humain, 2200 marins de commerce perdent la vie.
Plusieurs grands navires, cargos ou paquebots, sont envoyés par le fond. On peut parler des Athos (12.000 TX), Sant Anna (9350 TX) ou encore Sontay (7246 TX).
Il y a aussi bien des bateaux construits en France et faisant partie de la flotte d’avant-guerre, que des navires allemands saisis dans des ports alliés. Toutefois, la majorité des bateaux
coulés sont des vapeurs ou des voiliers de petit gabarit.
La flotte militaire de haute mer française ne réalisera finalement aucun grand combat d’escadre contre escadre. Ses deux seuls adversaires en Méditerranée ne
seront jamais affrontés de la sorte. L’Italie rejoint les alliés en 1915 et la force de surface austro-hongroise ne quitte globalement pas son sanctuaire de l’Adriatique. Par contre, la
Marine nationale aura rempli son rôle ingrat et dangereux de soutien aux liaisons maritimes. Dans le cadre de la guerre anti-sous-marine, elle protégea un grand nombre de convois et
patrouilla le long des routes maritimes. Elle achemina aussi beaucoup de troupes. C’est la logistique qui l’emporte dans cette guerre de position qu’est la Première Guerre mondiale. Les
ressources venant des colonies et de l’étranger sont primordiales (charbon, pétrole, munitions, matériaux métallurgiques, vivres, etc.). De ce fait, si la marine n’a pas connu de grands
faits de gloire sur les mers, elle a néanmoins eu un grand rôle dans la victoire alliée finale. Cet effort ne peut être dissocié de celui de la flotte marchande qui participa elle aussi, bien
que civile, au conflit et qui subit de très importantes pertes. Il fallait d'ailleurs du courage pour naviguer sur des vieux steamers ou des voiliers avec la menace des U-Boots et des
mines.
...Billet d'humeur de Jean-Jacques NOIROT - le 12/11/2018.
En 1966 à Verdun, en 1968 aux Invalides, le général de Gaulle fait la part des choses sur les mérites
du maréchal Pétain. Aucune ambiguïté entre le vainqueur de Verdun et l'homme de Vichy. L'un et l'autre reçoit sa part d'éloge et d'opprobre,
sur un ton mesuré qui ménage l'encensoir et le glaive.
En 2018, pour connaitre la place qui revient au maréchal Pétain dans la commémoration du centenaire de l'armistice de 1918, il faut consulter la clique des
pacifistes à tout crin relayant une bande d'historiens circonvenus, suffisants et très contents d'eux.
« Lily, pourquoi viens-tu si tard, quand il fait déjà noir, pour éclairer les ténèbres de nos âmes? Nos consciences en détresse attendaient leur sauveur. C'est
toi qui est venue, diva de notre Histoire, pour nous dire le bien, séparer le bon grain de l'ivraie, remettre à l'endroit nos pensées détraquées. Il n'y a qu'un Pétain, nous dis-tu, traître à la
patrie, complice de l'holocauste, déserteur des combats. Ah, chère Lily, que ne le savions-nous! Avoir vécu si longtemps éloignés de tes soins révèle l'ampleur de notre frustration. Idiots que
nous sommes! La casuistique nous a rongé les sangs pendant trop d'années. Tes farouches certitudes nous sont une délivrance.
Eh! Ne te sauve pas! Casuistique n'est pas une injure raciste! Pour faire court, c'est une morale reposant sur les cas de conscience. Tiens, je te donne un exemple.
Chimène, dans le Cid, peut-elle aimer encore l'assassin de son père? Ah bon, tu n'as jamais entendu parler du Cid? Excuse-moi. Il est vrai que j'évoque une époque d'avant 1789. Désormais je m'en
tiendrai à la novlangue.
Pour nous, les communs de la France, Pétain est un dilemme. Il hante nos mémoires. Il nous est impossible de trancher. Je t'assure que ça n'est pas facile. Notre
esprit n'est pas aussi carré que le tien. Nos grands-pères, nos grands-oncles sont morts pour la France à Verdun. Ils ne sont pas les seuls, malheureusement. Imagines-tu les déchirements qui ont
agité toutes les familles dont un ou plusieurs des leurs avaient péris dans cette effroyable bataille quand le vainqueur de Verdun leur a déclaré en 40 de sa voix chevrotante: "Je fais don de ma personne à la France". Où allions-nous? Que faire? Vers qui tourner nos regards, nous qui n'avions rien entendu venant de Londres, et qui
étions effondrés par la défaite? Nous les humbles, les égarés de province, nous avons eu cet abandon de l'esprit de nous reconnaître vaincus, en attendant mieux.
Aujourd'hui encore, nous avons mal. Mais nous l'assumons. Ainsi en va-t-il de l'élégance des âmes simples, qui se reconnaissent pécheresses et acceptent les fers.
L'Histoire dont tu régales, par tes saillies vengeresses, ceux qui t'écoutent, n'était pas encore écrite quand l'immense détresse de l'occupation nous accablait. Quelle chance tu as aujourd'hui
de pouvoir la lire, par dessus la multitude des tombes blanches alignées, pour meubler tes discours! Et je vais oser ce trait, au risque d'être incompris: cette Histoire qui provoque chez toi
cette déferlante de dignité outragée, t'appartient. Tu en es l'héritière. Comme nous tous, tu es dépositaire de ses effets. Les drames de la nation n'en altèrent la grandeur que s'ils sont niés.
Que fais-tu, sinon cela?
Qu'as-tu, à ce jour, assumé au péril de ta vie, en y risquant ton âme? Quand, sans discernement, tu crucifies Pétain sur l'unique autel de la traîtrise, tu te
crucifies aussi, et nous tous prenons en même temps la place des larrons. Lily, quelle est ta gloire?
La France mérite mieux, pour être dirigée, ou gérée, que les pleurnicheries de contorsionnistes de la vérité. À quoi cela sert-il de renier la victoire de celui qui
vainquit? L'honorer un temps, c'est pouvoir le condamner à d'autres moments. Comme, hélas pour nous tous, il le mérite. Es-tu bien sûre de pouvoir juger ce soldat? Qu'est-ce qui t'autorise à ne le couvrir que d'opprobre? As-tu fait la guerre? As-tu vécu l'occupation? As-tu, quand la
Wehrmacht défilait dans Paris, été de celles qui l'ont défiée?
Les combats que tu mènes aujourd'hui sont de la fine dentelle. Les palabres devant micros et caméras te vont bien. Tu ne risques rien. Fais la belle. Mêle ton
arrogance à la vindicte des puissants. Enivre-toi des sarcasmes de celles que la fonction protège. Mais sache que dans les bas-fonds de tes délires, sept étoiles te regardent. Et sur chacune
d'elles, ne scintille qu'un seul mot: Verdun.
Prends garde. Pour toi aussi, un jour, un coq chantera trois fois ».
Le 9 novembre 1970 s’éteignait le général de Gaulle. Nous approchons du cinquantenaire de sa mort, alors que cette année nous célébrons le centenaire de la victoire
de 1918.
La France ne doit pas se noyer dans des commémorations incessantes. Elle doit, moins encore, s’enliser dans des polémiques superflues à propos du passé.
Elle devrait s’interdire cette maladie de la repentance qui transforme les motifs de fierté en germes de désespérance.
Le 10 novembre 1968, le président de la République, Charles de Gaulle, prononce une allocution aux Invalides pour célébrer l’armistice de 1918 et la victoire
française. C’est le Général qui, très sobrement, rappelle le déroulement de la guerre et la part qu’y prirent la France et son armée. Il souligne l’importance du sacrifice et l’insuffisance de la
préparation : « Prodiguant l’action sans disposer des moyens voulus, c’est elle qui, relativement, perdit le plus de son sang. » Il évoque ensuite les chefs qui
furent les auteurs principaux de cette grande page de notre histoire. Il cite les politiques : Poincaré, Clemenceau. Puis les militaires : Joffre, Foch, Pétain, Franchet
d’Espèrey puis, plus brièvement, Fayolle, Gallieni, Lyautey et Maunoury.
Pétain est à sa place dans l’ordre chronologique et sans doute aussi celui du rôle joué dans le résultat obtenu : « Pétain, ayant brisé à Verdun le
choc acharné des Allemands, ranima l’armée française en guérissant son moral blessé, en l’organisant autour de l’armement moderne qui sortait enfin de ses usines, et en ne l’engageant jamais
qu’après avoir méthodiquement tout disposé pour le succès. » Aucune mention n’est faite du titre de maréchal ni du « chef de l’État Français » de la Seconde
Guerre.
Le discours se termine par la nécessité de maintenir allumée la flamme de la fierté française nécessaire pour que la France affronte, comme elle l’a fait en
1914-1918, les grands défis qu’une nation rencontre dans son histoire. De Gaulle rappelle des faits incontestables et gomme tout ce qui pourrait porter une ombre sur un jour de fierté
nationale.
Quand on le voit négliger le régime qui l’avait condamné à mort pour ne rappeler brièvement que la face claire du personnage qui le dirigeait, on songe qu’il ne
pensait qu’à la conséquence positive de son discours pour le pays, qu’il voulait éviter la polémique stérile et n’introduire aucune dimension personnelle dans son jugement. Il avait
combattu Vichy et Pétain. Cela suffisait.
C’est la raison pour laquelle il faut condamner sévèrement les palinodies du Président actuel. Voilà un homme qui n’a connu la guerre ni de près ni de loin et
qui éprouve le besoin d’étaler son jugement personnel sur la place publique, en refusant d’abord d’assister à la cérémonie prévue aux Invalides en l’honneur des
maréchaux de la Grande Guerre, puis en demandant que celle-ci soit discrète, sous le prétexte qu’on commémore la paix et non la victoire, enfin, de manière incohérente, en donnant son
avis sur le « grand soldat » qu’était, selon lui, Pétain.
Le résultat de ces contorsions, c’est que la polémique a pris le pas sur la célébration. Les foudres des résistants tardifs
de l’an 2018 sont tombées sur la dépouille de l’île d’Yeu, les admirateurs du personnage controversé se sont réveillés. La fierté française a disparu dans le trou creusé par les obus échangés
dans cette diatribe. Le laconisme du général de Gaulle aurait dû servir d’exemple.
Encore faudrait-il que ceux qui se réclament de lui n’aient pas l’impudence de mettre en œuvre une politique totalement opposée à celle qu’il souhaitait
pour la France.Qu’on y pense lors des élections européennes !
Commémoration de la victoire du 11 novembre 1918 et le combat héroïque de la 170e division d’infanterie autour de Soisson (mai-juin 1918)
...pale Gal. François Chauvancy - le 08/11/2018.
Ce 11 novembre 2018 commémore la fin de la Première guerre mondiale et la victoire sur
les empires centraux. Interpréter ce cessez-le-feu du 11 novembre comme le symbole de la victoire a manifestement irrité quelques personnes. La notion de victoire après tant de morts et de
blessés peut effectivement laisser la place à une grande amertume même cent ans après. N’est-ce pas la réalité du gâchis de cette « guerre civile européenne » qui a initié le déclin des
États européens dans le monde ?
Pour ne pas mépriser ces soldats, qui ne sont pas des civils en uniforme après
plusieurs années de guerre – et tout citoyen défendant sa terre et sa famille n’est-il pas un soldat en puissance – , il n’en reste pas moins que célébrer ce 11 novembre comme une victoire reste
nécessaire car c’est cette recherche de la victoire sur le « boche » » qui a mobilisé les hommes et permis leur résilience.
Un ouvrage paru il y a quelques mois raconte d’ailleurs ces derniers mois de la guerre
où, lors de la dernière offensive allemande de 1918, les forces françaises ont été enfoncées. « La dernière division, sacrifiée à Soisson pour sauver Paris : 27 mai – 5 juin 1918 »
(Editions Grancher) narre ces combats. L’auteur, Patrick-Charles Renaud s’est appuyé sur les journaux de marche des unités et les nombreuses lettres ou carnets des soldats qui ont combattu au
sein de la 170e division d’infanterie.
Ce qui est particulièrement poignant est cette narration personnalisée de chaque
témoignage recueilli par ces sources. Nous vivons ces combats aussi bien au niveau des soldats qu’au niveau de l’état-major de la division. Ce qui paraît comme un roman se déroulant pendant ces
combats autour de Soisson de 1918 ne l’est pas puisque ce sont les notes des poilus qui en font la trame et que l’auteur fait parler. Des figures héroïques apparaissent comme le lieutenant
Jaurès, fils de Jean Jaurès, qui y sera tué.
Les carnets du capitaine Glotz du 3e bataillon de Chasseurs à pied, décrivent ces combats avec précision. Il a
participé à l’ensemble du conflit. Décédé à un âge avancé, il était aussi le grand-oncle de mon épouse. Je l’ai rencontré à de trop rares occasions et n’ai sans doute pas assez discuté avec lui
de cette guerre d’autant qu’il n’en parlait pas comme beaucoup d’anciens combattants.
Commémorer ces sacrifices à la fois individuel et collectif est donc une nécessité
même si tous les témoins directs ont disparu. Heureusement, le devoir de mémoire a été pris en main par de nombreux citoyens, des associations, des institutions, l’école primaire où
l’investissement des professeurs des écoles est à la hauteur, peut-être à l’image même des hussards noirs de la République. Ceux-ci avaient contribué à la préparation des esprits pour la
« Grande revanche » après la guerre de 1870.
Cependant, l’histoire ne doit pas être instrumentalisée, politisée
(Cf. Mon billet du 10 novembre 2013). Le contexte de l’époque ne doit jamais être oublié avant de porter des
jugements. Ainsi, les polémiques suscitées par la mise à l‘honneur des maréchaux qui ont gagné la guerre, dont Pétain, ne doivent pas être acceptées. Pétain a été l’un des vainqueurs de 1918.
Phase glorieuse de sa vie, elle n’excuse pas ce qui s’est passé en 1940 mais c’est une autre phase de sa vie qui mérite alors sa condamnation. Les censeurs doivent apprendre à faire la part des
choses.
Ainsi, le CRIF (Conseil Représentatif des Institutions juives de France) aurait mieux
fait de faire preuve de réserve dans ses propos. Il n’a pas la légitimité pour juger Pétain en 1918. Si on suivait ses condamnations comme celles d’autres « brillants » tribuns comme
Jean-Luc Mélenchon, ne faudrait-il pas faire comme dans l’ex-URSS, modifier les livres d’histoire et les images des personnes qui seraient rejetées pour rendre l’histoire conforme aux attentes de
l’époque ? Situation très orwellienne mais très en phase avec notre société de censeurs qui, finalement, devient bien totalitaire au profit d’une pensée imposée, faite d’amalgames et de peu
de nuances réfléchies, avec une présence progressive d’une « police de la pensée ». Le président Macron a bien fait de rester ferme sur ses choix.
Cette polémique est revenue notamment avec la gauche. Ce samedi 3 novembre, j’ai eu
cette expérience sur le plateau de RT France (Cf. « Direct » du 3 novembre 2018) pour débattre du refus du président Macron d’avoir une parade militaire
ce 11 novembre. Chaque année en effet, les troupes étaient réunies autour de l’Arc de Triomphe où repose le Soldat inconnu mais elles ne défilaient pas.
Certes, je pourrai regretter que les Armées d’aujourd’hui, détenteurs des traditions
et des valeurs de courage et de sacrifice de leurs anciens de 1918 (Cf. Article du général Bosser du 4 novembre 2018), ne soient pas honorées « visuellement » par le président de la
République. Est-ce grave et cela peut-il faire l’objet d’une polémique ? Je ne le crois pas, dès lors que les honneurs sont rendus aux « Morts pour la France » autour des monuments aux
morts et bien sûr de l’Arc de triomphe. N’oublions pas non plus que, depuis 2012, tous les « Morts pour la France » sont honorés le 11 novembre (Cf. Mon billet du 19 décembre 2012aussi sur la polémique lancée par le parti communiste à l’époque).
Les échanges néanmoins avec le second intervenant de ce plateau sur la guerre me
laissent encore dubitatifs avec l’expression d’une idéologie ressassée qui trouve encore des adeptes. J’ai entendu des arguments que j’entendais déjà dans les années 1970 de la part de cette
gauche extrême ou proche des extrêmes. Certes, ses membres sont peu nombreux mais actifs. Il est néanmoins inquiétant que, malgré les années, ces « vieilles lunes » se maintiennent
d’une manière bien caricaturales envers et contre tout, y compris chez des jeunes citoyens.
Enfin, et l’actualité me fait réagir, combien d’enseignants participent-ils avec leurs
élèves à ce devoir de mémoire ? Participer aux cérémonies républicaines qui mettent à l’honneur les sacrifices notamment militaires professionnels ou pas, et permettent de les
rappeler, n’est-ce une idée de l’exemplarité de l’enseignant-citoyen qui doit aussi transmettre les éléments nécessaires pour construire le roman national ? Cela ne devrait pas être laissé
au libre-choix de ces fonctionnaires.
Je peux rattacher cette attitude à ces professeurs des collèges qui se sont mis en
grève contre la venue d’un proviseur adjoint à Stains car il est un ex-gendarme et détaché par le ministère de l’intérieur (Cf. Ouest France du 5 novembre 2018 et site du SNES, syndicat gréviste). Quand on se plaint en permanence de l’insécurité et que l’on n’est pas capable de
se faire respecter dans un établissement scolaire, il paraît évident qu’il faut appeler des compétences extérieures. D’ailleurs ne sont-ils pas pour une partie d’entre eux responsables
directement ou indirectement de cette situation ? Bien entendu le maire PCF de Stains soutient les grévistes.
Comme je l’écrivais dans un billet précédent (Cf. Mon billet du 6 mai 2018), un certain nombre d’enseignants n’ont pas quitté leur moule idéologique
et sectaire. Avant de juger des décisions qui ne leur incombent pas, il serait bon qu’ils prouvent leur attachement à l’État républicain en participant justement aux cérémonies du 11 novembre et
du 8 mai.
Pour cependant rester positif, il est possible de proposer une solution qui contribue
à l’expression du devoir de mémoire envers ceux qui sont « Morts pour la France ». Pourquoi ne pas commémorer le « 11 novembre » un jour ouvrable à proximité de cette date,
dans les écoles, les collèges sinon les lycées, avec une présence obligatoire des enseignants et des élèves ? Une commune qui a fait l’objet d’un reportage sur TF1 cette semaine, a fait ce
choix et c’était particulièrement réussi. Et sans polémique.
E. Macron a-t-il oublié les 1 800 000 alliés russes tombés au feu pour sauver la bataille de la Marne ?
Centenaire de 1918 : n’oublions pas nos marins et nos aviateurs
...par Jacques Guillemain - le 08/11/2018.
Georges Guynemer
Au-delà de la triste polémique concernant Philippe Pétain et l’hommage qui devait être rendu à nos huit maréchaux de France de la guerre 14-18, au-delà
du refus de l’exécutif de célébrer la victoire de nos Poilus, pour ne pas froisser Angela Merkel et égratigner l’amitié franco-allemande, il convient, en célébrant le centenaire de
l’armistice de 1918, de ne pas oublier nos marins et nos aviateurs, qui furent aussi les artisans de la victoire.
.
Dans un article anonyme, que l’on retrouvera sur le lien ci-dessous, l’auteur nous rappelle qu’il y eut aussi des héros chez les marins et les
aviateurs au cours de ce conflit sanglant.
Mais en tant qu’aviateur, il me plaît de rappeler quelques noms de nos héros du ciel qui s’illustrèrent au cours de la Grande Guerre pour
devenir les premiers « As » de l’aviation militaire.
.
Si l’Armée de l’air n’a vu le jour qu’en 1936, l’aviation militaire était déjà bien présente lors de la guerre 14-18, les pilotes étant sous
les ordres du commandement terrestre.
.
Avec les exploits de Louis Blériot, qui effectua la première traversée de la Manche en 1909,
ou de Roland Garros, qui traversa la Méditerranée en 1913, les Français se passionnent aussitôt pour ces nouveaux
héros, ces aventuriers d’un nouveau sport, qui deviendra très vite un métier avec la guerre de 14-18.
.
À l’issue de l’exploit de Blériot, le Daily Mail pouvait titrer : « L’Angleterre n’est plus une
île ».
.
Quant à Roland Garros, longtemps resté prisonnier en Allemagne, il totalisera 4 victoires homologuées et sera tué lors de son 5e combat aérien le 5 octobre 1918.
.
Les « As » de la Grande Guerre sont au nombre de 182.
37 d’entre eux sont morts au combat.
Ils totalisent 1 756 victoires homologuées sur un total de 3 950.
.
« Pour obtenir cette prestigieuse appellation, il faut que le pilote totalise au moins 5 victoires
homologuées. Cela signifie que l’exploit en vol doit être validé par deux autres observateurs au sol et que l’appareil ennemi soit abattu à l’intérieur des lignes
alliées. »
.
Le système d’homologation de victoire français est donc le plus strict de tous les
belligérants. Ce qui explique l’écart entre victoires homologuées et victoires totales probables non homologuées (NH).
.
Voici quelques noms parmi ces 182 héros :
.
René Fonck, l’As des As, avec 75 victoires homologuées et 52 probables.
.
Capitaine Georges Guynemer, le héros aux 53 victoires homologuées et 35 probables, mort au champ
d’honneur le 11 septembre 1917, à l’âge de 22 ans.
.
Charles Nungesser, 45 victoires homologuées et 11 probables.
.
Georges Madon, 41 victoires homologuées et 64 NH.
.
Maurice Boyau, 35 victoires homologuées, mort pour la France le 16 septembre 1918.
.
Michel Coiffard, 34 victoires officielles, mort au combat le 29 octobre 1918.
.
Léon Baujade, 28 victoires homologuée et 12 NH.
.
Armand Pinsard, 27 victoires homologuées et 6 NH.
.
René Dorme, 24 victoires homologuées et 70 NH ! Tué le 25 mai 1917.
.
Bernard Marny de Romanet, 18 victoires homologuées.
.
Pour conclure, voici ce que dit l’auteur anonyme du lien cité plus haut :
.
« Le jour de la signature de l’Armistice du 11 novembre 1918, sur les quelque 16 000 pilotes brevetés
en quatre ans, plus de 5 000 aviateurs français avaient donné leur vie, quelque 50 000 avions et 100 000 moteurs étaient sortis d’usine dont quelque 7 000 appareils étaient encore
« en ligne » contre 148 en 1914 (et à peine 200 en 2018…). »
.
Tous ces héros, qui donnèrent à l’aviation de chasse son esprit chevaleresque, méritaient bien qu’on garde en mémoire leur sacrifice pour notre
pays.
.
Ils n’ont pas connu les terribles souffrances des tranchées, mais leur courage fut sublime et leur sens de l’honneur exemplaire.
.
Et 100 ans plus tard, piloter un Rafale fait toujours rêver petits et grands.
.
Jacques Guillemain
Ex-officier de l’armée de l’air. Pilote de ligne retraité. Un “lépreux” parmi ces
millions de patriotes qui défendent leur identité et leur patrimoine culturel.
Version développée d'un texte publié par Figaro Vox (ici) et Le Figaro du 24 octobre.
Il se murmure (ici) que le président de la République ne souhaiterait pas célébrer le centenaire de la victoire de la France et
de ses alliés le 11 novembre prochain. A la place, il ne serait question, à travers un « périple mémoriel », que d’évoquer les souffrances de nos soldats et de rendre hommage à leur
courage tout au long de la guerre, ce qui paraît être la moindre des choses, mais sans évoquer le sens de ces mêmes souffrances, ce qui paraît être une faute.
Le président, pour reprendre les termes de Bruno Roger-Petit, son « conseiller mémoire », « regarde l'histoire en
face » et souhaiterait d'abord que l'on retienne que la Grande Guerre fut « une grande hécatombe » lors de laquelle « les combattants, qui seront au cœur des
commémorations, étaient pour l’essentiel des civils que l’on avait armés ». Ces mots paraissent difficiles à imaginer en 2018 tellement ils apparaissent comme la lumière résiduelle d’une
étoile idéologique déjà morte. Ils l’ont été pourtant témoignant alors d’une histoire non pas vue de face mais de biais. Non monsieur le président, il ne s’agissait pas de « civils que
l’on avait armés » mais de citoyens, qui pour reprendre les termes de la loi du 5 septembre 1798, étaient forcément « aussi des soldats et se devaient à la défense de la patrie
». Concrètement, en 1914, tout français physiquement apte était soldat jusqu’à l’âge de 49 ans, plus tardivement encore pour les militaires.
Le citoyen défend la cité lorsque celle-ci est menacée, c’est un des fondements de la République, or, il ne faudrait pas l’oublier, la
République française était bel et bien menacée en août 1914. Elle fut même partiellement envahie et ravagée. Les quatre millions d’hommes qui se sont rassemblés alors n’étaient pas des civils
naïfs. C’était absolument tous des soldats d’active ou de réserve qui répondaient sans joie mais consciemment à l’appel à défendre la patrie. Il n’y avait alors et il n’y aura jamais aucun doute
parmi eux sur la justesse de ce combat sinon sur la manière de le mener. Même les mutineries de 1917 ont été à cet égard bien plus des grèves que des révoltes, l’idée d’arrêter le combat et
d’accepter la défaite en étant exclue.
Ce combat, ils ne l’ont pas mené non plus sous la contrainte impitoyable et au profit d’une classe de profiteurs et de généraux
bouchers, mais pour « faire leur devoir », selon les mots qui reviennent sans cesse dans leurs propos ou leurs lettres. Ils n’auraient jamais combattu avec une telle force si cela n’avait pas été
le cas. Faut-il rappeler que le nombre d’exemptés demandant à aller au combat malgré tout a toujours été très supérieur à celui des réfractaires ? Que ce nombre très faible de réfractaires n’a
cessé de diminuer avec la guerre ? Dire que leur combat n’avait pas de sens, ce qui est le cas lorsqu’on refuse d’évoquer la victoire, équivaudrait à traiter ces hommes d’idiots. Ils savaient ce
qu’ils faisaient, ils méritent mieux que cela.
D’ailleurs ces « civils que l’on a armés » et qui auraient pris sur eux toute la charge du combat, qui sont-ils ou plutôt de qui
faudrait-il les distinguer ? Des professionnels ? Car ceux-ci ne souffraient peut-être pas, eux et leur familles, parce qu’ils étaient volontaires ? Des officiers, dont un sur quatre a laissé la
vie dans l’infanterie ? Des généraux, ceux-là même dont 102 sont « morts pour la France » en quatre ans ? Des dirigeants et représentants du peuple, dont 16 ont été tués par l’ennemi ? Faut-il
rappeler aussi que les uns et les autres avaient leur fils en première ligne ? Le général de Castelnau en a perdu trois, le sénateur et futur président de la République Paul Doumer quatre, et il
n’agissait pas hélas de cas isolés.
Faut-il rappeler encore que loin de la vision idéologique que ce conseiller du président semble reprendre à leur compte, ces généraux
ont non seulement conduit les troupes à la victoire sur le champ de bataille mais ont réussi également la plus importante transformation de toute notre histoire ? L’armée française de novembre
1918 était la plus forte et la plus moderne du monde. Cela n’a pas été pas le produit d’un heureux hasard mais d’un immense effort et peut-être d’un peu d’intelligence.
Parmi ces généraux, les plus illustres ont reçu le titre de maréchal de France, ce n’est pas rien maréchal de France, c’est une dignité
dans l’Etat. Ne pas les évoquer serait donc déjà étonnant. Il est vrai que parmi eux il y a le très gênant Pétain, futur coupable d'intelligence avec l'ennemi et de haute trahison, mais aussi,
l’avenir ne détruisant pas le passé, un des artisans majeurs de la victoire de 1918. Mais il est vrai que si on ne veut pas parler de celle-ci il n’est pas besoin de parler non plus de tous ses
artisans. Les maréchaux, et peut-être même les généraux, et pourquoi pas tous les officiers pour peu qu'ils soient professionnels, seront donc effacés de l’histoire comme les ministères de la
vérité effaçaient les indésirables des photos dans les régimes totalitaires.
Ce sont les nations qui font les guerres et non les armées et la guerre est un acte politique. Célébrer la fin de la
guerre sans célébrer la victoire, c’est refuser la politique et sans politique l’emploi de la force n’est que violence criminelle. Refuser la politique et donc la victoire, c’est traiter le
gouvernement de la France pendant la Grande Guerre comme l’on traite les organisations terroristes lorsqu’on leur nie tout projet politique et on les cantonne à la folie. C’est placer Poincaré ou
Clemenceau au rang de criminels et tous les soldats à celui de victimes. Et si les événements n’ont été que pure criminalité de la part des dirigeants de l’époque, la suite logique en serait
pour les dirigeants actuels de s’en excuser, encore une fois.
Sans la défaite de l’armée allemande, concrétisée par l’armistice du 11 novembre 1918, la France et l’Europe n’auraient pas été les
mêmes. Il n’est pas évident qu’elles en fussent meilleures sous la férule du Reich. La moindre des choses serait de le rappeler et de le dire, à moins qu’une loi mémorielle non écrite interdise
de fâcher nos amis d’aujourd’hui parce qu’ils ont été nos ennemis hier, ce qui conduit de fait à interdire de célébrer une grande partie de notre passé. On peut même imaginer en allant jusqu’au
bout, d’inverser la logique expiatrice en participant aux célébrations des victoires de nos anciens ennemis, comme celle de Trafalgar en 2005. Les Britanniques, eux, n’ont pas honte de leurs
combats et ils n’hésitent pas à les célébrer dignement sans considérer que l’hommage à leurs soldats vainqueurs soit une insulte aux anciens vaincus. Faut-il rappeler le contraste édifiant à
quelques semaines d’écart en 2016 entre les traitements respectifs des batailles de Verdun et de la Somme ?
La victimisation est peut être une tendance actuelle, elle n’était pas du tout celle de mon grand-père, valeureux combattant des
tranchées qui n’aurait absolument pas compris qu’on lui vole ce pourquoi lui et ses camarades se sont battus. Lorsque plus de trois millions d’hommes ont été tués et gravement blessés pour
atteindre un but, on peut considérer que celui-ci aussi a, à peine cent ans plus tard, encore des « droits sur nous ».
Pour fêter cette victoire, nul besoin forcément de défilé militaire grandiose mais au moins une reconnaissance, un remerciement, un
mot, un geste du chef des armées serait suffisant. Un discours de vainqueur à la hauteur de ceux de Clemenceau, l’annonce que le centenaire du défilé du 14 juillet 1919 sera le moment principal
de la célébration, entre nous ou avec nos alliés de l’époque, voilà qui serait un minimum, en complément de l’indispensable hommage aux soldats.
Pour le reste pour célébrer l’heureuse amitié franco-allemande, retournement incroyable au regard de l’histoire, il sera
possible le 22 janvier de fêter l’anniversaire du traité de l’Elysée qui la marque bien plus dans l’histoire que le 11 novembre. Nous n'étions pas du tout amis à
l'époque. Il n’y a pas d’ « en même temps » en histoire, il n’y a que des faits réel et distincts, et on peut tourner le 11 novembre dans
tous les sens, cela restera toujours l’anniversaire de la victoire de la France.
Toutes les cloches de France sonneront-elles à pleine volée le 11 novembre ?
...par le Col. Georges Michel - le 25/10/2018.
Le 11 novembre 1918, Jeanne Françoise fut l’une des premières à annoncer la signature de l’armistice. Pas toute jeune, cette Jeanne Françoise : elle avait été
baptisée en 1821, sous Louis XVIII. Elle avait donc 97 ans. Jeanne Françoise vivait à Rethondes, dans l’Oise. Elle fut ainsi aux premières loges, ou presque, pour assister, du haut de chez elle,
à cet événement qui mettait fin à la Grande Guerre.
Jeanne Françoise était l’une des deux cloches de l’église de Rethondes (on ne se souvient pas du nom de sa collègue de clocher). Car on donne un nom aux cloches.
L’usage antique est même de les baptiser. Elles reçoivent parrain et marraine et la cérémonie est inscrite dans les registres paroissiaux. C’est peut-être, du reste, parce qu’elles ont une âme !
Les cloches font entendre, par-delà les âges, celle de la France. Ces deux cloches de Rethondes sonnèrent tant et plus, en ce jour historique, qu’elles rendirent non pas l’âme, mais leur voix,
raconte un témoin de l’époque.
Ce même 11 novembre 1918, Jules Pams (1852-1930), ministre de l’Intérieur, télégraphiait aux préfets : « Pavoisez immédiatement. Faites illuminer ce soir les édifices publics, faites donner de suite les
cloches à pleine volée et prenez toute disposition avec les autorités militaires pour que des salves soient tirées afin de porter à la connaissance des populations la signature de
l’armistice. » Les cloches allèrent-elles plus vite que le télégraphe pour propager la nouvelle de village en ville, de modeste campanile roman en imposant clocher gothique –
l’histoire ne le dit pas –, mais la grande Histoire a retenu que, ce jour-là, toutes les cloches de France sonnèrent à la volée.
En ce 11 novembre 2018, les cloches sonneront-elles le plénum dans toutes les communes de France ? Le 11 septembre dernier, Jean-Jacques Ferrara, député LR de Corse, suggérait cette idée dans une question écrite adressée
au ministre de l’Intérieur. À ce jour, il ne semble pas avoir reçu de réponse officielle. Il est vrai que, ces derniers temps, on avait d’autres soucis, place Beauvau ! Cependant, à l’approche de
l’échéance, on lit ici et là, notamment dans la presse quotidienne régionale, que de nombreux maires se préparent à faire sonner les cloches des églises de leur commune. La préfecture
d’Indre-et-Loire vient même de demander aux maires de le faire. La préfète précise, d’ailleurs, que l’archevêque de Tours a donné son accord. Accord, au passage, qui n’est pas nécessaire ! En
effet, précisons, y compris pour les grincheux d’une laïcité pointilleuse qui pourraient s’offusquer que l’on associe les cloches des églises à cette occasion, que la loi de 1905, décidément pas
si mal faite dans une France alors majoritairement catholique, avait tout prévu. Elle stipule ainsi, dans l’un de ses articles, que si les cloches sont affectées « principalement au service du culte », elles peuvent être utilisées pour
un « événement majeur ». Si le centenaire de l’armistice de 1918 n’est pas
un « événement majeur » ! Ajoutons, pour l’anecdote, que la loi va même jusqu’à préciser qu’« une clef du clocher doit être déposée entre les mains du président ou directeur de l’association
cultuelle, une autre entre les mains du maire ».
À quelques jours de la commémoration centenaire, les maires sont « invités », lit-on ici et là, à faire sonner les cloches le dimanche 11 novembre à 11 heures. Une
association de campanistes, le Groupement des installateurs d’horlogerie d’édifices et d’équipements campanaires (GIHEC) en appelle, depuis plusieurs mois, à la mobilisation pour que ce 11
novembre, à 11 heures, les cloches sonnent partout en France pendant 11 minutes. Il s’agit-là d’une belle initiative, mais privée. Gageons que l’État saura donner des ordres aux préfets, qui les
répercuteront aux maires, officiers publics. Des ordres aussi clairs que ceux du ministre de 1918.
Silhouettes de poilus piétinées : ils meurent une seconde fois !
...par Caroline Artus - Le 25/10/2018.
« Savoir où ils vivaient, quel âge ils avaient », dit le maire ne les intéresse pas, ne les émeut pas, mais au contraire provoque en eux un rejet
haineux.
Quelques jours après l’annonce de la commémoration de l’armistice sans citer le nom des huit maréchaux de la Grande Guerre, sans organiser de défilé militaire, on
apprend que les silhouettes des poilus, installées à Clichy (92) en leur hommage pour commémorer la victoire de la France, n’ont pas plu du tout à certains. Elles ont été « vandalisées, renversées, piétinées ». « Savoir où ils vivaient, quel âge ils avaient », dit le maire, ne les intéresse pas, ne les émeut
pas mais, au contraire, provoque en eux un rejet haineux.
Aujourd’hui à Clichy (60.819 habitants), mais déjà, à deux reprises, en 2016, dans un tout petit village de 248 âmes – Bossan, en Haute-Garonne -, nos poilus, qui
furent pour ma génération nos grands-pères et que nos familles nous ont appris à chérir sans même les avoir connus, meurent donc une seconde fois, sous les coups d’antifas antimilitaristes ? De
jeunes des banlieues qui haïssent la France ou seulement d’idiots désœuvrés qui vandalisent pour le plaisir ?
Cent ans après qu’ils ont subi la boucherie et l’enfer des tranchées, il paraît donc, selon une source de l’Élysée, que « le sens de cette commémoration n’est pas de fêter la victoire de 1918 ». Cela serait terriblement
déplacé et arrogant, n’est-ce-pas, venant d’un président de la République face à une fragile maman Merkel, dont la retenue et l’humilité font la une des journaux depuis son élection ! D’un côté,
minimiser la grandeur de la France en n’offrant plus à tous ceux qui sont morts pour elle l’hommage qu’il leur est dû, de l’autre, effacer ses bienfaits et inventer des crimes qu’elle n’a pas
commis : c’est cela, la France du banquier mondialiste Macron.
Mais revenons à nos chers poilus. 1,5 million à s’être fait trouer la peau pour leur patrie et pour que leurs enfants ne parlent jamais allemand, 1,5 million de
paysans, d’ouvriers, de patrons, d’artisans, d’instituteurs, de médecins, de fonctionnaires, de curés à se battre et mourir, unis par un sentiment patriotique chevillé à l’âme. Une hécatombe au
cours de laquelle la France perdit 27 % de ses enfants âgés de 18 à 25 ans. Dont aucun d’eux, jamais, n’aurait fait de doigt d’honneur photographié avec le Président. Et les poilus, ce sont aussi
les 15.000 « gueules cassées », les grands mutilés, les infirmes, les estropiés. Avec leurs coups de pied, ce sont eux aussi que ces « jeunes » ont continué de massacrer. Les sans-visage auxquels
l’État, pour toute gratitude, ne versera pas de pension d’invalidité, « les blessures de la face » ne donnant droit à aucune aide publique car jugées non invalidantes… Ah, l’État : déjà !
Rien d’étonnant à ce qu’au travers de ce vandalisme de silhouettes où chaque nom et âge sont inscrits, « certains mettent déjà en pratique le mépris total affiché par Emmanuel Macron, qui refuse de commémorer
la victoire de 1918 et le sacrifice de nos poilus » (pour reprendre le tweet de Marine Le Pen).
En s’opposant à un défilé militaire, Macron refuse d’honorer mon grand-père
...par André Girod - le 25/10/2018.
Pour le centenaire de la fin de la Première Guerre mondiale, caporal Macron a décidé de laisser pourrir tous ces soldats morts dans les tranchées de façon à
ne pas froisser la jupe revancharde de Merkel. Il n’y aura pas de défilé militaire avec en tête quelques figurants habillés de ce bleu azur pour rappeler le départ de milliers de paysans et
d’ouvriers, la fleur au fusil, sur le front de l’est.
Mais depuis des lustres, le 11 novembre passe pour le jour de la victoire du Bien sur le Mal. Et pour cette gloire éphémère, des millions de Français et d’Allemands
ont été sacrifiés sur les champs de bataille. Pour une dispute de deux trous du cul, officiellement à la tête de chacun de leur pays, ce fut un carnage qui prépara une autre vengeance tout aussi
exécrable que la première.
Je tiens à rendre hommage à cet homme qui fut embarqué dans une aventure qui le perturba très vite comme ce fut le cas de millions d’autres soldats français.
Mon grand-père François Ernest Honoré (le dernier prénom, comme c’était la mode, était son prénom courant) a fait les 4 ans de la Grande Guerre et en est revenu
sans une égratignure.
Après deux périodes d’activité en octobre 1899 puis en mars 1902 où il quittait pour la première fois son village natal en train pour des séjours à Belfort au
44e Régiment d’Infanterie, il est libéré et placé dans les réserves le
1er octobre 1906.
Il reprend alors son métier de tourneur sur buis, fabricant des pièces de jeux d’échecs : pions, tours, cavaliers, fous, reines et rois, toute la panoplie
humaine. À ce moment-là l’actualité était à la paix pour encore récupérer de la guerre de 1870, ce qui donnait à l’Europe une période de presque 50 ans sans hostilités.
Lorsque les déclarations de guerre sont lancées entre l’Autriche, la Serbie, la France, la Russie et l’Allemagne, en août 1914, ce fut un branle-bas de combat
jusque dans les coins reculés de France. À Chancia, petit village jurassien au confluent de la Bienne et de l’Ain, mon grand-père sembla comme beaucoup d’ouvriers et de cultivateurs, totalement
dépassé. Né le 12 mai 1872, il avait alors 42 ans, déjà un âge avancé pour l’époque. Mais il reçut son ordre de « mobilisation » comme rappelé au service de la France, le 20 novembre
1914 pour être intégré au 6e Régiment de Génie situé à Angers
(Maine-et-Loire). Il est alors mobilisé (bon pour le service) le 22 novembre 1914, équipé et expédié vers Mézières sous les ordre du colonel Bernard.
Là commence son terrible parcours de soldat de seconde puis de première classe : c’est la campagne de la Marne pour arrêter l’avancée des Allemands. Son
régiment recule jusqu’à la Marne et prend position dans des tranchées pour arrêter l’offensive des « Boches ». Puis en octobre 1915, il part en train à Ypres pour la terrible bataille.
Le 6 novembre, un obus tombe sur les lignes françaises pas loin du soldat Jeantet, faisant plusieurs morts.
En 1916, il se retrouve près du village d’Esnes, au Chemin des Dames face à Verdun. Il survit au massacre comme sapeur chargé de couper les barbelés pour ouvrir des
voies pour des attaques insensées. Autour de lui sont tués et blessés ses frères de la guerre. Lui s’en sort sans une blessure.
En auto, il est conduit en Champagne pour la dernière phase de la guerre. Il en ressort vivant. Son régiment reçoit le ruban de la Croix de Guerre avec palmes. Il
gardera longtemps ses décorations dans une boite cachée dans une armoire. Il ne la sortit selon mes souvenirs qu’une fois pour les montrer à ses petits-enfants dont je faisais partie.
Ce fut peut-être la seule fois où il parla d’un terrible moment de la guerre quand il a été choisi comme tireur d’élite pour un peloton d’exécution : il
devait fusiller un mutiné. C’était en 1917.
Mais sa vie au front a toujours eu énormément de mal à extirper des souvenirs de mon grand-père car il refusait de parler de ce qu’il considérait comme un honteux
massacre.
D’ailleurs, il n’a JAMAIS voulu participer à aucune cérémonie et ce jour-là, il s’enfermait dans son atelier à tailler des pièces d’échecs : pions (dont il a
fait partie en 14/18), fous (ses officiers et généraux qui les envoyaient à la boucherie), reines et rois, ceux de là-haut comme le Kaiser et Clemenceau.
Sur le monument aux morts de son village dans le Jura, son nom n’y est pas puisqu’il en est revenu vivant. Mais ses amis d’enfance avec qui il faisait des tours
pendables sont là, gravés dans le granit comme des débiles qui ont cru à la grandeur de la France. Mon aïeul n’y a jamais souscrit. Mais lorsque son village fut brûlé par les Allemands le 13
juillet 1944, un coin si retiré qui se croyait à l’abri d’une telle destruction, il souffrit plus que sur les champs de bataille de 14/18 puisque cette horrible guerre n’avait servi à rien. Ses
copains étaient morts pour rien et il en avait la rage au ventre.
Il redescendit de la montagne où s’étaient réfugiés les habitants de Chancia, prévenus par les maquisards qu’ils allaient tendre une embuscade à un régiment
d’Allemands en route vers le nord, pour constater les dégâts. Sa maison en bord de rivière avait été la première visée avec une bombe incendiaire. Plus rien ne restait : la traction de mon
père faisait 15 centimètres de hauteur, les cuillères avaient fondu, les papiers brûlés et ses décorations et souvenirs de la guerre de 14 disparus.
La ville de Dortan à quelques kilomètres subit le même sort et devint une ville martyre.
Jamais ce brave poilu n’avait cru que son combat et la mort de millions de soldats se termineraient par un carnage dans sa vallée et la destruction de trois
villages, un par soldat allemand tué dans l’embuscade.
Et à partir de ce jour-là, pour le sapeur Honoré Jeantet, la folie des hommes avait éliminé de sa mémoire toute trace de la guerre de 14-18. Il était devenu
amnésique quant à la gloire artificielle et honteuse de cette victoire. Pour lui et certainement pour des milliers d’autres Poilus, ce n’était pas une victoire dont il fallait être fier mais une
horrible boucherie déclenchée par l’ambition et l’égoïsme de quelques royautés et chefs d’État.
Pourtant il faut aller au-delà de l’amertume de mon grand-père : il avait fait son devoir et s’était porté sans hésitation au devant de l’ennemi. S’il en était
revenu vivant, il en était resté très marqué par le sacrifice de tous les soldats qu’il avait fréquentés et suivis dans les tranchées et qu’il avait vu s’écrouler, touché au front ou en plein
cœur d’une balle de mitrailleuse. Aucune ne portait son nom et il en était encore tout retourné, d’après ma grand-mère et ma mère (elle avait en 1918, 14 ans) d’avoir ainsi échappé à ce terrible
sort. Il respectait les morts sans ostentation et gardait au fond de sa poitrine les cris, le claquements des armes et l’explosion des obus. Ce fut un long travail d’obus que je pus observer
surtout après la destruction de sa maison en 1944 dans un coin du Jura où la paix durait depuis des siècles. Là explosa sa rancœur et je pus le constater à l’âge de dix ans lorsqu’il s’enfermait
dans son atelier à travailler sur son tour.
Face à l’interdiction d’un défilé militaire pour commémorer ce sacrifice, mon grand-père aurait connu sa troisième désillusion avec les dirigeants de la
France : en 1914, envoyer au front des soldats habillés de bleu puis les pousser hors des tranchées pour des massacres insensés, en 1944 ( trente ans plus tard) des « Boches »
brûlant son village et maintenant un coup de pied de Macron aux morts pour rien du tout d’après lui car il cédait devant l’Allemagne.
Le patriotisme est un gros mot pour lui dont le rêve et le projet politique est de faire sombrer, une fois pour toutes, la France dans l’anonymat de l’Europe,
transformant notre patrie en simple parcelle régionale de l’Ouest de l’Europe dont il prendrait les rênes.
Alors malgré mon « pacifisme », je dis merci à mon grand-père d’être parti fièrement comme Français au front pour défendre notre pays.
Emmanuel Macron a annoncé que la commémoration du centenaire du 11 novembre aura lieu sans parade militaire. Pour
Max-Erwann Gastineau cette décision passe sous silence l'héroïsme de nos aïeux et vide de toute substance l'hommage national.
C'est donc entendu. L'Élysée a tranché. « Le sens de cette commémoration, ce n'est pas de célébrer la victoire de 1918.
Il n'y aura pas de défilé ou de parade militaire ». Contrairement à l'Angleterre, autre grand vainqueur de la Première Guerre mondiale, la France ne rendra pas hommage à son armée
et à ses soldats. Leur sacrifice, lors de ce qu'il est convenu d'appeler la « grande boucherie », ne méritait-il pas un tel hommage ?
« Le président regarde l'histoire en face », rappellent ses conseillers. Toujours ce don des communicants
d'habiller de rupture la soumission aux vaches sacrées de l'époque : la transformation des combattants de la Grande guerre en victimes ; vidant ainsi de son contenu héroïque le sacrifice
auquel ils consentirent.
« Si la science n'a pas de patrie, disait Pasteur,l'homme de science doit en avoir une, et c'est à elle qu'il doit reporter l'influence que ses travaux
peuvent avoir dans le monde ». Bien que l'appartenance nationale ne puisse prétendre épuiser toute l'étendue de notre être, elle est ce supplément d'âme qui frappe nos réalisations
du sceau du dévouement.
Autre temps, autres mœurs, diront les postmodernes. Pourquoi devrions-nous encore nous abriter sous l'ombre de ce qui fut ? Pourquoi, alors que le devenir de la
France semble se confondre avec celui de l'Allemagne ?
Seul l'héritage relie les hommes.
En renonçant à organiser un défilé militaire pour rendre hommage aux combattants de la Grande guerre, Emmanuel Macron rate l'occasion historique de célébrer
dans les vertus patriotiques autre chose que l'étendard de la haine et du retour aux heures les plus sombres ; autre chose que l'éternel sanglot consistant à se murer derrière la force des
mots plutôt que d'avoir à penser l'événement : comment se fit-il que tant d'hommes furent prêts à donner leur vie pour leur pays ? Comme le disait le résistant Hélie de Saint Marc, «si on doit un jour ne plus comprendre comment un homme a pu donner sa vie pour quelque chose
qui le dépasse, ce sera fini de tout un monde, peut-être de toute une civilisation »
À l'heure où l'Europe commémore le centenaire de la guerre qui infléchit pour toujours la courbe du temps, les fantômes du passé reviennent du champ d'honneur
nous sortir de notre coupable insouciance. Car que retenons-nous de ce passé, sinon la longue litanie des abominations qui ensevelirent l'homme sous la furie du progrès technique ?
L'heure est venue de nous délivrer de l'absurdité de croire que le passé se réduit à la somme des chrysanthèmes inaugurés, et d'habiter ce passé. Seul
l'héritage relie les hommes, invite les différences, tant célébrées de nos jours, à s'amonceler sans jamais se dissoudre dans le pot commun de la fraternité.
Qu'a-t-on fait de notre héritage ? Que retenons-nous de Paul Valéry lorsqu'au sortir de la guerre, en
1919, celui-ci comprit que « toute civilisation avait la fragilité d'une vie » ? Et de Simone
Weil, lorsqu'en 1943 la philosophe rappela que « les Français n'avaient pas autre chose que la France à quoi être fidèles ; et quand ils
l'abandonnèrent pour un moment en juin 1940, on vit combien peut être hideux et pitoyable le spectacle d'un peuple qui n'est lié à rien par aucune fidélité » ? À quoi sommes-nous encore fidèles ? Le sommes-nous envers nos propres aïeux lorsque nous daignons faire de
À quoi sommes-nous encore fidèles ?
Leur patriotisme la quintessence de leur engagement sur les plaines de la Marne, de Verdun ou de la Somme ?
Aujourd'hui, l'histoire est mise à disposition du présent pour panser les plaies. Affranchie du mandat de structurer les imaginaires à partir d'un récit
collectif signifiant, l'histoire doit désormais faire place aux histoires. Des discours d'Édouard Philippe sur «la trahison de la France » sous l'Occupation aux mots d'Emmanuel Macron sur l'Algérie, victime
d'un « crime contre l'humanité» perpétré par la Colonisation française, ou sur Maurice
Audin, cet ancien membre du parti communiste algérien torturé par l'armée française, les vivants battent leur coulpe sur la poitrine des morts au prétexte de soigner des blessures
mal cicatrisées ; la reconnaissance par l'État des mémoires comme palliatif à l'atomisation sociale.
L'instrumentalisation du passé n'a pourtant jamais guéri quiconque. Elle fournit à celui qu'elle plonge dans la rancœur l'alibi d'une révolte à bon compte
contre la société ; expression d'un narcissisme diluant la nation dans le processus d'affirmation des particularismes. Et demain des séparatismes ?
Curieuse époque que la nôtre ; qui célèbre après chaque attentat sa capacité de résilience en allumant des bougies et adoube pour fait de résistance la cécité
intellectuelle dont les tenanciers du comptoir médiatique font preuve lorsqu'ils font du nationalisme, des années 1930 et du populisme les avatars passés d'un même devenir
sombre.
La France qu’on aime et qu’on défend
Dans un article publié en 2014 pour le centenaire des débuts de la Grande guerre, le grand rabbin de France Haïm
Korsia relate les traces de son illustre prédécesseur de 1914, Abraham Bloch. Se portant à la rescousse d'un soldat
mortellement touché qui le prit pour un prêtre, ce dernier s'empressa de répondre aux derniers soupirs de son compatriote en lui apportant un crucifix. Un obus frappa les deux hommes quelques
secondes plus tard…
L'émouvante communion des deux hommes rappelle ce qu'ils avaient d'essentiel en partage : l'amour de la patrie, ce chaînon périssable sans lequel toute
solidarité effective s'étiole. « Plus de minute de silence, mais une minute pour la France,
conclut Korsia. Tous ensemble et non pas différents. Jamais indifférents à l'autre. C'est la France qu'on défend, c'est la France qu'on aime ».
Nos morts nous regardent
Puissions-nous enfin méditer l'œuvre de Charles Péguy, mort au champ d'honneur à Villeroy-sur-Marne. Péguy plaida la cause de Dreyfus, non par esprit de
tolérance ou d’« ouverture» - ces coquilles sémantiques qui parent de vertu la torpeur des belles âmes -, mais par sens de l'honneur: «ce que nous
défendons, ce n'est pas seulement l'honneur de notre peuple dans le présent. C'est l'honneur historique de notre peuple, l'honneur de nos
aïeux, l'honneur de nos enfants. Plus nous avons de passé, plus justement il nous faut le défendre ». L'honneur qui consistait pour Péguy à ne pas oublier que nos morts nous regardent,
comptent sur nous pour continuer à maintenir haut l'exigence qui appelle tout un chacun à se tenir droit lorsque les contingences et commodités du moment poussent aux plus lâches
renoncements.
N'est-ce pas l'honneur que convoqua le Général de Gaulle dans son appel du 18 juin ? N'est-ce pas de sens de l'honneur dont nos pères furent imprégnés jusque
dans la misère de leur condition de soldat retranché ?
Le passé a ceci d'essentiel qu'il conteste toujours au présent son insolente suprématie. Voilà pourquoi nous autres
Français, héritiers de la Grande Guerre, devrons le 11 novembre prochain dire combien nos cœurs sont emplis de gratitude. Gloire à nos pères !
Max -Erwann GASTINEAU Tribune Figarovox Diplômé en histoire et en science politique,
Attaché parlementaire
Rédacteur en chef adjoint des pages Politique de la revue Limite
11 novembre démilitarisé: Macron fabrique l’Histoire et la « souveraineté européenne »
Une tribune de Jean-Frédéric Poisson, président du parti Chrétien-Démocrate
Le 26/10/2018.
Le 11 novembre, les Français commémorent la victoire militaire de 1918, en l’honneur du sacrifice de millions de morts et en écho à la liesse populaire qui
accompagna l’Armistice. Depuis 2011, l’hommage a été étendu à tous les conflits et tous les soldats français morts en opération.
En ce 11 novembre 2018 devait être célébré le centième anniversaire de la signature de cet armistice. À l’instar des cérémonies outrageantes de 2016 du Centenaire
de Verdun, de l’absence déplacée du chef de l’Etat français aux côtés des autorités britanniques à la commémoration de la Bataille d’Amiens cet été, l’hommage de ce 11 novembre 2018 s’annonce
gâché. En effet, l’Élysée a fait savoir que les cérémonies présidées par le président ne pourraient avoir un caractère « trop militaire » pour commémorer plutôt la fin « d’un grand
désastre ».
Cette inflexion constitue une trahison à l’encontre de l’Histoire qui retient que la France, appuyée par ses alliés, est sortie victorieuse de cette terrible
guerre. Elle est aussi un camouflet envers la mémoire des millions de soldats français et supplétifs, mais aussi de nos aïeux civils, tués ou mutilés au champ d’honneur ou sous les attaques des
nouvelles armes aussi meurtrières que modernes.
Peut-on encore être naïf au point de ne pas y voir une nouvelle démonstration flagrante de deux très inquiétantes obsessions macroniennes ?
Celle de la réécriture d’une histoire détricotée, qui en diminue les hauts faits pouvant être sources de fierté nationale pour en surligner les heures sombres au
profit d’une culpabilisation collective. C’est ainsi qu’Emmanuel Macron, lors de discours emblématiques, semble se complaire à battre devant le monde entier la coulpe de la France pour tous les
« crimes » qu’elle aurait commis, et pointer du doigt les Français contraints de porter ce lourd héritage de tant et tant d’injustices et méchancetés. Ce chef de l’Etat se montre
décidément bien mal à l’aise, voire amnésique, avec l’idée d’enracinement de notre histoire dans un roman français qui comporte, certes, ses vicissitudes, mais aussi ses gloires.
L’autre obsession macronienne, c’est cette volonté d’imposer la construction artificielle d’une « souveraineté européenne » au détriment de celles
nationales, passant entre autres par une forme démonstrative de « soumission réparatrice », de la France à l’Allemagne. Ce que signale d’ailleurs la visite d’intronisation d’Emmanuel
Macron à Berlin auprès d’Angela Merkel dès le lendemain de sa victoire à la présidentielle. Ou indique l’introduction de plus en plus crédible dans le Traité de l’Elysée en cours d’élaboration
d’un bilatéralisme franco-allemand pour la dissuasion nucléaire, créant ainsi une grave entrave aux principes instaurés par le général De Gaulle défendant l’intangibilité de la souveraineté et de
l’indépendance de la France. C’est dans cette même dérive que se situe ce 11 novembre dénaturé par la volonté de ne pas heurter l’Allemagne en commémorant de façon par trop ostentatoire la
victoire des armées françaises. Ce qu’avoue l’Élysée en précisant officiellement que ce changement de cap s’est fait « en concertation » avec la chancelière.
Ainsi, après avoir méprisé puis éjecté sèchement l’ancien chef d’État-major des Armées, et malmené les budgets de la Défense nationale, le chef de l’Etat décide de
ne pas s’associer pleinement au devoir de mémoire qui sera rempli devant tant et tant de stèles, monuments aux morts et autres mémoriaux, partout en France, en l’honneur de ces
« poilus » qui se sont battus pour la défense de notre territoire, pour une idée, pour une nation que l’on appelle France et qui semble si étrangère à notre président, à
en croire ses récentes déclarations faites à l’étranger.
Devant cette absence honteuse de reconnaissance présidentielle, l’Armée fera sa propre commémoration aux Invalides. Ce sera un bel et vibrant hommage, comme
l’institution sait le vivre. Mais sans sa « tête », le président de la République, celui que notre Constitution fait pourtant chef des Armées. Celui qui incarne par excellence, le lien
indispensable entre la nation et son armée. Et qui, au détour du centenaire de l’Armistice qu’il dédaignera, entachera ce lien de sang entre le peuple et son armée comme une ultime atteinte à
notre légitime fierté nationale.
Monsieur le président, nous ne sommes pas dupes de ce nouvel avatar de vos transgressions, que vous appelez « réformes ». Les Français n’en peuvent plus
d’être ainsi dénoncés, bafoués, manipulés, oubliés voire méprisés. Les Français devront s’en souvenir, comme une autre forme de « devoir de mémoire ».
11 Novembre 2018 : défilé de drag-queens en bas résille sur les Champs-Élysées ?
...par Gérard Brazon - le 26/10/2018.
11
novembre 2018, une commémoration particulière ! Il ne faut pas choquer les politiciens de Berlin, choquer Angela Merkel.
Il ne faut pas rappeler la violence des tranchées, les gueules cassées, celles des Français, celles
des Allemands bien sûr. L’heure est à la paix, à l’Union européenne, au progrès, à l’oubli des nationalistes, ces fauteurs de guerre ! Les élections européennes ne sont pas loin, n’est-ce pas
?
Emmanuel Macron n’aime pas faire du mal à ses amis. Se souvenir de ce qui lui reste de culture
historique, des militaires ! La boue, les obus, le sang, les os brisés n’ont rien de festif, n’est-ce pas ?
Tombé sur un champ d’honneur ! Mais qui donc le sait ?
Disparu des rangs. Personne ne l’a remarqué.
Blessé, il se relève isolé, affolé.
Seul, dans la boue d’un monde inconnu. Mortifié !
Emmanuel Macron aime que l’on commémore dans le sourire, dans la joie et, comme Hollande avant lui,
aimerait bien marquer cette commémoration par quelque chose de plus ludique. Quelque chose qui ferait plaisir à la Commission européenne. Quelque chose qui soulignerait la page tournée sur une
guerre vieille de 100 ans !
Tombé avec les honneurs ? Tombé pour de bon.
Personne ne lui avait dit ce qu’était le front.
Ordre donné de charger, et il a foncé.
Petit soldat sorti du bois. De la tranchée.
Un soldat sacrifié parmi d’autres milliers.
Tombé sur un champ d’horreur. Exécuté.
Touché et tombé lors d’un soir d’hiver glacé.
Un visage emporté, l’avenir défiguré.
Emmanuel Macron imagine donc de faire un défilé
sur les Champs-Élysées ! On pourrait demander au Crazy Horse de venir avec centjeunes femmes au son d’une samba !
Demander au Club de Michel de nous prêter centdrag-queens en bas résille qui
toutes exprimeraient leur joie et leur respect pour tous les Poilus morts pour la France !
Il se relève dans le grand silence, hébété.
Seul, dans la boue d’un monde inconnu. Mortifié !
Il lui faudra se soigner et guérir ses plaies.
Apprendre à revivre et puis… à oublier.
Emmanuel Macron ne veut choquer personne, mais il est vrai que plus de 1 600 000 morts durant 4
ans de guerre, ce n’est pas une chose facile à faire passer sous le tapis !
Des effigies de Poilus avaient été placées dans les rues de Clichy-la-Garenne dans
les Hauts-de-Seine. Elles avaient été mises aux adresses où ils avaient habité autrefois. Elles ont dû être déplacées par la mairie pour éviter qu’elles ne servent de cibles à toute cette belle
jeunesse française. Il paraît qu’elle ne savait pas ce que cela voulait dire !
Elle va venir, il va la revoir son aimée.
Elle lui a dit ! Elle ne pouvait pas l’oublier.
Juste avant de partir. Son amour dans les prés.
Enfin, il l’espérait. Enfin il le croyait.
C’était bien avant ! Avant cette gueule cassée.
C’était il y a bien longtemps ! Ce soldat est mort, enterré quelque part ! Sa mémoire n’est
plus ! Même Emmanuel Macron ne sait pas qu’il a existé et qu’un jour, après la venue d’un courrier, suite à l’appel de la mobilisation générale, il perdit son visage, il perdit sa famille,
il perdit sa vie !
Ce 11 novembre 2018, Emmanuel Macron va sourire ! Angela
Merkel aussi ! L’insulte suprême faite à des hommes morts pour la France !
11 novembre démilitarisé : Non, Monsieur le Président, vous n’en avez pas le droit !
...par Jean-François Cerisier - le 27/10/2018.
Monsieur Emmanuel MACRON, celui que la Constitution a fait chef des armées et grand maître de l’ordre de la Légion d’honneur ne peut pas se défausser – pour des
raisons de basse politique – de sa mission d’hommage à ceux qui sont tombés pour que nous vivions.
Le 11 novembre est fête nationale depuis 1922. En 2012, il a été décidé de rendre également hommage ce jour-là à tous les morts pour la France (à noter que les
États-Unis consacrent cette journée à tous leurs soldats tombés au combat, et que d’autres pays, comme le Royaume-Uni, le Canada et l’Australie, la réservent à la mémoire des anciens combattants
des deux guerres mondiales !
Ceux qui sont morts pour la Patrie ou en son nom ont des droits inaliénables !
C’est aussi grâce à leur sacrifice que vous avez pu être élu à la magistrature suprême, dans un pays libre !
Il s’agit du devoir de mémoire, lui seul permet de rendre inoubliable. Il incombe à chacun des Français, quelle que soit sa fonction, quel que soit son niveau de
responsabilité. Il vous incombe donc aussi !
Après les multiples propos de dénigrement de la France et de ses soldats alors que vous étiez en déplacement à l’étranger : vous avez fait d’eux des tortionnaires,
des criminels, des barbares…
Commettre cette nouvelle insulte consistant à ne pas rendre hommage à leurs anciens, ils ne vous le pardonneraient pas, qu’ils soient en activité, en retraite ou de
réserve. Et il en est de même pour de très nombreux Français qui, bien que n’étant pas des soldats, n’en sont pas moins de fervents patriotes !
Et, même si « Les vieux soldats ne meurent jamais ; ils ne font que s’effacer. » En l’absence d’un hommage officiel, il convient que la nation rende un hommage à
ses soldats tombés sous les plis du Drapeau !
« … Ceux qui pieusement sont morts pour la patrie,
Ont droit qu’à leur cercueil la foule vienne et prie ... »
Victor HUGO – Chants du crépuscule, 3.)
C’est pourquoi, en hommage aux soldats de France tombés pour la Patrie, plus particulièrement durant la Grande Guerre, je dédie ce poème (je n’en suis pas l’auteur
mais l’unique propriétaire. Il a été écrit pour mon père le colonel Lucien CERISIER, « Mort pour la France » en 1945, aussi soldat dans la Grande Guerre).
À la mémoire d’un héros
La perte d’un héros vous déchire le cœur.
Elle supprime à nos yeux des instants de bonheur.
Nous ne le verrons plus, lui qui nous apportait
Ses traits de caractère, enfin ce qu’il était.
Pourtant si nous pleurions sans l’ombre d’un espoir
Si nos yeux ne voyaient que le noir
Nous trahirions celui qui toujours affirmait
Que l’ombre d’un héros jamais ne disparaît.
Et pour lui témoigner notre admiration fraternelle
Pour qu’il sache, où qu’il soit que tout est éternel
Nous chercherons encore, à travers son départ
Un peu de vérité, même infime, une part.
Laissez-moi espérer à travers ce poème
Que la mort ne tue pas ce qui vit, ce qui aime,
Que la mort contenue dans chacun des humains
Sublime ce qu’il touche et prépare demain.
Je refuse à croire ou bien même à penser
Que trépas signifie que tout soit terminé
Cela impliquerait que l’être tant admiré
Une fois décédé soit pour nous oublié.
La mort n’est qu’un passage qu’il nous faut accepter,
Elle ne détruit ni sagesse, ni force, ni beauté,
Elle n’est qu’une porte, un sas, une barrière
Vers cet initiation que nous nommons dernière.
Où que vous soyez, je sais que vous m’écoutez,
Je sais que de la vie que vous avez fini la route
Que vous êtes partis vers des lieux très lointains
Inaccessibles à tout ce qui est de l’humain.
Afin que mon hommage soit complet, je rappelle ce poème de Pascal BONETTI (1884 – 1975), poète et journaliste français. Il a écrit ce poème en 1920, en
l’honneur de tous ceux qui sont devenus français par le sang versé !
Le volontaire étranger de 1914
Le monde entier disait : la France est en danger
Les barbares demain, camperont dans ses plaines
Alors, cet homme que nous nommions « l’étranger »
Issus des monts latins ou des rives hellènes
Ou des bords d’outre-mers, s’étant pris à songer
Au sort qui menaçait les libertés humaines
Vint à nous, et s’offrant d’un cœur libre et léger
Dans nos rang s’élança sur les hordes germaines
Quatre ans, il a peiné, lutté, saigné, souffert !
Et puis un soir, il est tombé, dans cet enfer …
Qui sait si l’inconnu qui dort sous l’arche immense
« La pauvreté, les privations et la misère sont l’école du bon
soldat. » (Napoléon Bonaparte)
La presse nous apprend que, pour les cérémonies du 11 Novembre marquant la fin de la Grande Guerre, Jupiter Micron
voudrait « une cérémonie de réconciliation… qui ne soit pas tropmilitaire » et ce, pour ne pas risquer de froisser ou pire, de mécontenter
Merkel.
Ce jeune homme narcissique n’aura décidément jamais la stature d’un chef d’État. Voilà un« chef des
Armées » qui ignore l’histoire de notre armée ; cette armée qui a combattu sur tous les continents et qui totalise plus de victoires, au fil des siècles, qu’aucune
autre armée au monde.
Elle a aussi connu des défaites cuisantes, comme la mémorable raclée de juin 1940. Raclée infligée par les parents ou
grands-parents de la chancelière allemande. Et d’autres, qui la grandissent davantage encore que des victoires : Camerone, Bazeilles ou Diên-Biên-Phu.
Cette armée, NOTRE armée, on devrait la respecter car elle garantit notre liberté, mais elle est également la mémoire du
sacrifice de millions de Français, morts pour défendre leur patrie.
Ignorer la Victoire de 14-18, c’est oublier le sacrifice et les souffrances de nos Poilus. On nous dit que Jupiter (lui, ou ses conseillers en communication ?) ne veut pas honorer nos huit Maréchaux de 14-18, pour ne pas rendre hommage au « Vainqueur
de Verdun », le Maréchal Philippe Pétain.
Voilà bien l’illustration d’un négationnisme assez pitoyable !
Ainsi donc, il n’y aura pas de défilé de la victoire en uniformes d’époque, ni de cérémonial militaire, pour ne pas
froisser Angela. Micron va commémorer l’armistice sans célébrer la victoire et sans honorer notre armée. En fait, il va célébrer la réconciliation franco-allemande.
Ce sera la consécration de l’Europe fédérale au mépris de l’Europe des Nations ?
Le
1er novembre, dans quelques jours, nous fêterons la Toussaint, avec une pensée pour
la « Toussaint Rouge » (ou« Toussaint Sanglante ») de 1954, qui marque le début d’un conflit qui allait durer jusqu’en juillet 1962. Une guerre
gagnée par l’armée française, lâchée par le pouvoir gaulliste.
Le 2 novembre, dans la tradition chrétienne, qui est celle de notre patrie, nous honorerons nos morts. Depuis plusieurs
années déjà, on tente d’occulter ces deux fêtes chrétiennes, la Toussaint et la fête des morts, au profit d’« Halloween », une bacchanale hideuse, un rituel païen, avec
des déguisements et des masques grotesques, qui prétend ressusciter une ancienne festivité celte.
C’est la suite logique de la tentative déjà ancienne, par les francs-maçons américains, de faire oublier la fête
chrétienne de la Nativité, remplacée dans l’esprit des enfants par un gros bonhomme rigolard aux couleurs de la « Coca-Cola Compagny » : le Père-Noël.
Eh bien, n’en déplaise à Oncle Sam, à Jupiter Micron et aux mondialistes de tous poils, je parlerai, ici, de NOS morts.
Pas forcément de ceux tombés « pour la France ». Ceux-là, tout le monde les honore (en dehors de quelques ordures patentées) et c’est très bien ainsi :
le« souchien », quand il n’est pas frappé de « repentance », garde encore (un peu !) le culte de ses aïeux.
Non, je veux parler de tous ces soldats français morts pour des accords de coopération idiots et souvent
unilatéraux ; ceux tombés comme « soldats de la paix » [1], sous le casque bleu de l’ONU ou
dans quelques missions humanitaires inutiles ; ceux enfin, victimes d’un matériel trop vétuste, obsolète ou archaïque ; ceux dont on ne parle JAMAIS…
Il va sans dire que ma courte liste n’est pas exhaustive et que j’englobe, dans cet hommage, tous les soldats français
morts en mission ou en service commandé.
Commençons par les paras de la 6ème CPIMa [2] tombés au Tchad en 1970-1972. 25 d’entre eux sont morts là-bas, ainsi que 7 légionnaires parachutistes du 2ème REP [3], et une dizaine d’autres…
Une quarantaine de tués, une centaine de blessés, au nom d’un accord de coopération entre le gouvernement français et le
régime – pourri et corrompu – de François Tombalbaye.
En signant cet accord, de Gaulle voulait remercier le Tchad d’avoir été la base de départ de « sa » glorieuse
2ème DB. Mes frères d’arme de la 6ème CPIMa, dont certains étaient des amis, je leur ai consacré un chapitre d’un de mes
livres [4], simplement pour qu’on ne les oublie pas.
Parlons
aussi du « Drakkar ». À Beyrouth, le 23 octobre 1983, deux attentats-suicides quasi-simultanés frappent les contingents américain et français de la Force multinationale. Ces attentats
sont revendiqués par le « Mouvement de la Révolution Islamique Libre » puis par l’« Organisation du Jihad Islamique ». Le premier tue
241 soldats américains, le second 58 parachutistes français.
En septembre 1982, dans un Liban déchiré par la guerre civile, l’ONU mettait en place une Force
de « maintien de la paix » : vaste programme dans ce pays totalement incontrôlable !
Cette Force comprenait des unités françaises (2.000 soldats), américaines (1.600 soldats), italiennes
(1.400 soldats) et britanniques (100 soldats). Le contingent français, parti le 24 septembre 1982 de Toulouse, comptait 1.650 soldats au départ, avant d’atteindre
2.000 hommes.
La Force multinationale avait déjà été attaquée à plusieurs reprises avant les deux attentats du 23 octobre. Ces attaques
avaient coûté la vie à 18 soldats français et à 8 Marinesaméricains.
La Force française était composée d’hommes du 1er Régiment de Chasseurs Parachutistes. Ils ont installé un de leurs cantonnements dans un immeuble de
huit étages – le« Drakkar » – situé dans le quartier de Ramlet-el-Baida. À 06:18, un attentat au camion piégé touchait le contingent américain. Il causait la mort de 241
hommes, dont 220Marines, et en blessait une centaine d’autres.
Deux minutes plus tard, 58 parachutistes français (55 parachutistes de la 3ème compagnie du 1er RCP et 3 parachutistes du 9ème RCP) trouvaient la mort dans un attentat similaire.
Si le déroulement de l’attentat contre le bâtiment des Marines américains est bien établi (un camion
bourré de 6 tonnes de TNT), la reconstitution, du côté français, demeure vague.
L’attaque aurait été réalisée à l’aide d’un pick-up chargé de 250 kg de TNT mais certains rescapés pensent que la
destruction du « Drakkar » ne serait pas due à l’explosion du véhicule piégé.
En représailles, le Service Action de la DGSE organise une opération « homo » [5], dans la nuit du 6 au 7 novembre 1983, à l’aide d’une Jeep bourrée de 100 kg d’explosifs devant exploser devant un centre
culturel de l’ambassade d’Iran à Beyrouth. L’opération fait long-feu car un ordre a été donné, « en haut lieu » dit-on, de désamorcer la charge pour que cette action
soit un simple message d’avertissement sans faire de victime. Voilà comment la France vengeait ses morts !
La
seconde riposte est l’Opération Brochet le 17 novembre 1983 : huit Super-Étendard décollent du Clemenceau et effectuent un raid sur la caserne Cheikh Abdallah, une position des Gardiens de
la Révolution Islamique et du Hezbollah dans la plaine de la Bekaa. Ils larguent une trentaine de bombes sur une caserne… vide. Ses occupants, ont été prévenus du raid par une fuite d’un proche
du ministre des Affaires Étrangères, Claude Cheysson, opposé à toute riposte militaire.
En d’autres temps, on aurait fusillé le traître !
Et puis, citons pour finir, ceux qui auront été les victimes de la réduction – permanente et récurrente – du budget de la
Défense. Comme le disait le général de Villiers avant queJupiter ne le pousse à la démission : « L’armée française est à l’os ; certains matériels ont
plus de 40 ans… ».
Le
30 juillet 1971, un vieux Nord 2501 [6] s’écrase à Pau. À bord se trouvaient 32 officiers et
sous-officiers, dont 23 sous-lieutenants, juste nommés, de l’École Militaire Inter-Armes (EMIA), en stage pour l’obtention du brevet parachutiste. L’accident serait dû à un incendie d’origine
électrique, sur un vieil avion à bout de souffle.
Le 25 novembre 1977, un Nord 2501 [7] en
provenance de la base de Mont-de-Marsan et à destination de celle d’Hyères s’écrase à 02:30 sur le hameau du Lignon à Prémian (Hérault), tuant 32 hommes. L’enquête révèlera que le pilote
automatique était défectueux.
Il sera supprimé sur toute la flotte de nos bons vieux Noratlas.
Le 3 février 1982, la 4ème compagnie du 2ème REP, en compagnie tournante à Djibouti, doit être larguée dans l’est du pays. Le Nord 2501
(N° 140) transportant 29 légionnaires-paras peine à prendre de l’altitude et percute le Mont Garbi. Il n’y aura aucun survivant.
Bon… Il va bien se trouver quelqu’un pour me dire que ces accidents font référence à un passé révolu et que le Noratlas a
été remplacé par le Transall, entré en service, chez les paras, en 1970.
Je
suis bien placé pour le savoir, ayant été breveté en mai 1970 (1.020ème promo de l’ETAP). Ma
promo était l’une des toutes premières à être brevetée sur Transall.
J’ai découvert le Noratlas après le Transall, sur la DZ [8] d’Hasparren.
Le 23 novembre 1984, deux Transall [9] se percutent puis s’écrasent sur la commune de Carbes (Tarn). L’accident fait 13 morts : tous les occupants des deux
appareils. Cet accident fut, à ma connaissance, le seul mortel qu’ait connu le Transall sous les couleurs françaises. Il y a eu d’autres crashs de Transall mais sous d’autres cocardes ;
c’est une maigre consolation !
Je conclurai cet article par un court extrait de l’un de mes livres [10] :
« […] J’ai connu des héliportages, dans des vieux Sikorski rescapés de l’Algérie ; des exercices de
débarquement dans des péniches vétustes elles aussi (elles avaient connu les plages de Normandie en 1944). Nous roulions dans de vieilles jeeps Willis, des vieux GMC, des Renault 4×4 ou des
camions Simca à bout de souffle. Nous sautions de vétustes Noratlas. Nous n’avions pas de fusils d’assaut. Nous étions considérés comme une troupe d’élite mais, en fait, nous étions une armée
de pauvres. Motivés par des Chefs de Corps ou des Commandants de compagnies exemplaires, fiers de notre béret rouge, rouleurs de mécanique, certes, mais capables du meilleur avec
le pire des matériels […] »
Pour
le 11 novembre, hommage donc aux morts« pour la France », mais aussi aux morts pour rien : à tous ceux qui sont tombés, sacrifiés par des
dirigeants incompétents – de droite comme de gauche – qui n’ont eu de cesse, depuis des décennies, que de faire du budget de la Défense une « variable d’ajustement
budgétaire » en le réduisant à une peau de chagrin.
Jupiter Micron pourra toujours faire la danse-du-ventre à Angela Merkel, nous, les « Souchiens », les
« Franchouillards », les « Gaulois », nous honorerons NOS morts.
Éric de Verdelhan 26/10/2018
[1] Une invention des socialistes. Pour
eux, il n’y a de bons militaires que dans des opérettes d’Offenbach. Le « soldat de la paix » est une ineptie ; un soldat est fait pour faire la guerre ou pour
la préparer. « Si vis pacem, para bellum ». [2] 6ème Compagnie Parachutiste d’Infanterie de
Marine. [3] 2ème Régiment Étranger de Parachutistes, la seule unité de paras-Légion depuis la dissolution du
1erREP après le putsch des généraux d’avril 1961. [4]« Le cœur chouan et l’esprit para » – Le Réac 2015
(épuisé). [5] « Homo » pour
« homicide » dans le jargon du Service. [6] Appelé
aussi Noratlas ; c’était le N° 49 (immatriculé F-BABB) [7] Noratlas N° 182, immatriculé F-RABR. [8] DZ : Drop Zone ou Zone de
Largage. [9] Transall F-156/61-ZV et
F-209/61-GI. [10]« Le Cœur
Chouan… » déjà cité.
...par le Col. Jean-Jacques Noirot - le 28/10/2018.
La lecture d'un quotidien (1) nous apprend que le haut commandement a souhaité qu'à l'occasion du centenaire de l'armistice de 1918, puisse être honorée
la mémoire des maréchaux vainqueurs de la Grande Guerre.
Cinq d'entre eux ont donné leur nom à une promotion de Saint Cyr.
Cette initiative est on ne peut plus opportune. Rappelons que Joffre et Foch furent acclamés par une innombrable foule le 14 juillet 1919 lors de leur passage
sous l'Arc de triomphe lors du défilé dit « de la Victoire »
Or, certains historiens, de tout bords politiques nous apprend-on sans sourciller (comme si l'Histoire devait s'accommoder des convictions politiques des
historiens), trouvent cette initiative inconvenante, en invoquant deux raisons.
La première est que parmi ces maréchaux, figure Philippe Pétain. La seconde est que pour ce centenaire de l'armistice du 11 novembre 1918, ceux qui doivent être
honorés sont les seuls Poilus, émanation du peuple vainqueur. Les gradés qui les commandaient ne seraient pas dignes de cet hommage national.
Ces historiens façon Fouquier-Tinville nous apprennent donc que le vainqueur de Verdun tenait un bâton de maréchal entaché de collaboration. Ses étoiles étaient
déjà ternies par la poignée de main à Hitler en gare de Montoire ou son renoncement à continuer la guerre en signant un armistice jugé honteux (seulement après que les alliés nous eurent
libérés). Ils ouvrent donc, tout seuls dans leur coin, un second procès en déshonneur à celui qui, qu'ils le veuillent ou non, siège parmi les grands vainqueurs de la Grande Guerre.
Les poilus qui ont vénéré leur général, économe de leur vie, soucieux de leur bien-être au front, pourvoyeur de moyens et fin manœuvrier, et qui ignorent tout
de ce qui aujourd'hui, avec effet rétroactif, lui est reproché, doivent se sentir mal là où ils reposent dans leurs linceuls de gloire.
À qui viendrait l'idée que la victoire de 1918 n'est pas due au courage des Poilus? Serait-il imaginable que le Centenaire ne soit pas l'occasion de les
honorer? Ils étaient le peuple de France en armes. Gloire à ces généraux, ces officiers, ces sous-officiers, ces sans grades, paysans arrachés à leurs terres, ouvriers sortis des usines,
prêtres, médecins, comptables, fonctionnaires, écrivains et poètes morts pour la patrie ou survivants des tranchées, qui ont vaincu.
Mais voilà que des historiens renfrognés, décidément très mal inspirés, ont retranché du peuple les huit maréchaux de la Victoire. Ils y ajoutent pour faire bon
poids tous les cadres des armées. Si, en nous triturant les méninges, nous essayions de comprendre ces manipulateurs dogmatiques, il faudrait imaginer que ces maréchaux viennent d'ailleurs.
Joffre et son accent catalan rocailleux nous est sans doute descendu opportunément de la planète Mars.....
Cette soustraction inique discrédite ces faussaires de l'épopée de notre Histoire, qui semblent ignorer qu'avant « d'être capitaine, il faut être
soldat ». Tous ces illustres défenseurs de la patrie ont gravi les échelons de l'armée, en la servant selon les volontés politiques de l'époque, qui reposaient sur la conquête coloniale.
C'est à Madagascar, en Indochine, au Maghreb, en Afrique Noire que ces officiers ont servi la République, comme jeunes officiers, en risquant leur vie. Ils n'ont aucune leçon posthume à
recevoir. Faut-il rappeler à ces maquilleurs de l'Histoire qu'un village des hauteurs de Diego-Saurez s'appelle Joffreville? Un nom volé sans doute, par un bon à rien qui éloignait de
la côte insalubre soldats français et populations locales menacés par la dysenterie et le paludisme.
Nos acharnés de la censure seraient aussi bien inspirés en allant se recueillir au cimetière militaire de Notre Dame de Lorette. Ils constateraient que la
première tombe est celle du général Barbot, un planqué mort à la tête de ses soldats. Il fait partie de la cohorte des 102 généraux tués pendant la Grande Guerre, probablement en allant se
cacher dans les salons parisiens où, comme le font ces réfractaires au « Mallet-Isaac », on glose sur le droit d'être honoré en figurant au Panthéon de l'héroïsme. C'est sans doute
insuffisant pour ces tailleurs de costumes à la sauvette qui estiment que tous ces gradés avaient la vie belle au front et protégeaient leur peau derrière celle des poilus.
Le 25 septembre 1915 au soir, le 37e RI, bloqué devant le Ravin des Cuisines, n'avait plus un seul officier
vivant. La plupart de ses sous-officiers étaient tués, blessés ou disparus. Est-ce suffisant, messieurs les juges de la bravoure?
Ces réflexions ne sont que l'expression d'un légitime courroux provoqué par la sclérose intellectuelle de ces historiens. Ils nous chipotent, en hommes d'un
certain monde, la valeur de nos chefs militaires et leur place sur les sommets de la gloire. Ils polluent ce qui devrait être une commémoration rassemblant la communauté nationale autour de
ses héros, qu'ils soient grands ou moins grands. Ils prouvent, par leur indigne procès en disgrâce, qu'ils ignorent tout du monde militaire et des liens qui unissent la troupe à ses chefs
reconnus comme tels.
Il se dit aussi, la preuve n'est pas formelle, que l'Elysée craindrait, si le maréchal Pétain faisait partie de la fête, les réactions politiques qui s'en
suivraient, en provenance de partis turbulents. Espérons que ces allégations soient fausses. Ce serait indigne d'un homme d'état.
Le haut commandement, pour promouvoir sa démarche et tenter de l'imposer au delà des postures effarouchées ou bêlantes ne doit pas hésiter à s'appuyer sur les
anciens, toujours disponibles pour s'associer à tout ce qui commémore les grands noms de notre histoire militaire. La République, dans sa grande sagesse, a su distinguer les héros. Pas
tous, mais beaucoup. Une réécriture des pages sanglantes de la Grande Guerre par des égarés vindicatifs doit être combattue. Les anciens, au sein de leurs associations et par tous les moyens
légaux, vont se lancer très volontiers dans ce combat, aux côtés des hauts états-majors.
Quand se lèvent les vents mauvais, il est nécessaire, parfois, de sortir le sabre du fourreau.
Comme sous Pétain, Macron interdit le défilé militaire du 11 novembre
...par André Girod - le 28/10/2018.
Pendant l’Occupation, certains coups d’éclat ont été mis en valeur pour honorer la Résistance. Mais un en particulier me touche directement.
C’est une partie de mon enfance dans le Jura qui resurgit en ce centenaire de l’Armistice, la fin de la guerre 14-18. L’événement s’est passé à quelques kilomètres
de mon village où j’ai passé une année scolaire en 1942-1943. Ma mère m’avait envoyé dans ce village perdu au cœur du Jura aux bords de la Bienne car elle craignait de terribles bombardements sur
Paris comme il y en avait sur Londres. Là, au fond de la vallée, entre de hauts contreforts, il n’y avait rien à craindre, les Allemands n’y venaient jamais. Pourtant une odeur de résistance
planait dans la région : des maquisards depuis le Haut-Jura jusque dans les plaines de l’Ain. Dans ce petit village de Chancia, au confluent de la Bienne et de l’Ain, des hommes
disparaissaient dans la montagne pendant plusieurs jours : c’étaient des Jeantet, des Chavet, des Bouquet, simples tourneurs sur buis qui contrôlaient de près les itinéraires des troupes
ennemies et sans doute communiquaient ces renseignements au commando Henri Romans-Petit qui dominait la région de la Franche-Comté.
Le maréchal Pétain, sur ordre des Allemands, avait interdit toute manifestation pour célébrer le jour de l’Armistice. Aucun défilé militaire possible, l’armée
française ayant été décimée en 1940. Seuls s’étaient formés des groupes de Résistants à travers le pays mais ils étaient, en nombre et surtout en armement, inférieurs pour tenter une telle
cérémonie.
Or, la ville d’Oyonnax est située au bord d’un plateau qui plonge vers la Bienne à Dortan. Ville de province sans grande histoire, elle sommeillait sous
l’Occupation en attendant un jour d’être libérée.
Mais en ce jour du 11 novembre 1943, les projecteurs de la grande Histoire s’illuminèrent sur cette paisible bourgade : un commando d’une cinquantaine d’hommes
défilèrent en ordre à travers la ville pour aller déposer des gerbes au monument aux morts de la guerre de 14-18. Sous le commandement de Romans-Petit, drapeau tricolore fièrement tenu par le
chef de section, la foule d’abord éberluée, finit par applaudir et une Marseillaise retentit sur la place et dans les rues.
Pourtant, malgré le grand soin de paraître digne de ce défilé, les hommes portaient des vestes râpées, des souliers usés jusqu’à la corde, un pantalon de même
couleur pour tous et surtout, planté sur leur tête, un béret quelque peu élimé. Mais quel orgueil, quelle satisfaction sur ces visages émaciés : ils avaient défié l’ennemi et gagné une
petite victoire.
Ils avaient même poussé leur audace jusqu’à porter des fusils « Sten », copies des vrais, taillés à la main dans du bois par les artisans de la
région.
Or, Oyonnax se trouvait à un peu plus de 10 kilomètres de Chancia et après la guerre, mes parents y allaient faire leurs courses et en 1946, j’assistai à mon
premier meeting aérien.
Mais je me souviens de la fierté des quelques maquisards qui avaient aidé à la préparation de ce moment de gloire en fomentant des incidents plus ou moins graves,
au risque de leur vie, pour détourner l’attention des Allemands.
Je me souviens des rares habitants de Chancia ainsi que des communes voisines qui avaient, à leur tour, devant leur monument aux Morts communal, fait vibrer
l’honneur de la Patrie. Le soir, c’était un peu la fête et l’espoir d’être bientôt libérés était dans tous les cœurs car, ce jour-là, la France, du moins ce coin de France, avait senti voler un
air de liberté.
Ce fut le cas de tous les village du Jura car les Résistants avaient organisé la journée souvenir et rien ne les aurait arrêtés.
Malheureusement, le 13 juillet 1944, les maquisards avaient acquis un peu plus d’audace et d’expérience et sur la route de Thoirette-Dortan, ils tendirent une
embuscade à un régiment allemand qui remontait vers le front du nord. Avec des armes plus modernes, parachutées sur les hauts plateaux, ils abattirent trois soldats allemands. Mais la guerre
était devenue féroce : trois morts, représailles, trois villages incendiés. Le premier était Chancia. Il fut suivi par Uffel puis la bourgade de Dortan à 5 kilomètres qui devint une ville
martyre comme Oradour-sur-Glane : Femmes et enfants enfermés dans l’église furent brûlés vifs. Au total, une centaine de civils assassinés.
Mes grands-parents, comme tous les habitants de Chancia, avaient été prévenus de cette embuscade et avaient trouvé refuge dans les forêts. À leur retour, il ne
restait que des ruines fumantes. La maison de mes grands-parents fut la première détruite avec une bombe incendiaire : un désastre. La traction de mon père faisait 15 centimètres
d’épaisseur, plus de meubles, d’objets et les décorations et souvenirs de la Grande Guerre du grand-père volatilisés à jamais.
Ce village tranquille avait connu l’enfer et deux vieux, assis devant leur maison, se laissèrent mourir. C’étaient des anciens poilus qui se demandaient pourquoi
ils s’étaient battus pendant quatre ans pour arriver à cette apocalypse.
Faisons honneur aux maquisards du Jura qui ont eu le courage de défiler en militaires devant le monument aux Morts de la ville d’Oyonnax.
Exemple qui devrait servir, en le partageant autour de vous, à nous Français pour célébrer avec dignité le centenaire de l’Armistice malgré l’interdiction
intolérable du kaporal Macron qui plie un genou devant Merkel. Ce jour fait partie de notre passé historique, il rappelle ce qu’a subi la France
face à un ennemi longtemps héréditaire. Remercions par des défilés improvisés ces poilus qui se sacrifièrent pour que la France reste la France.
Je lance même un défi : qu’une association d’anciens combattants, ceux qui, pour des reconstitutions, s’habillent de bleu avec casque et fusil, vienne défiler
au bas des Champs-Élysées. Je suis persuadé que les policiers et gendarmes les salueront lorsqu’ils se dirigeront vers l’Arc de Triomphe sous les cris et applaudissements de la foule.
Soyons aussi audacieux que ces combattants d’Oyonnax et surtout montrons à Macron que la France restera la France et qu’il n’arrivera pas à la noyer dans la panade
européenne.
Partagez et préparons la réplique digne de nos ancêtres !
...par le président de la Fédération nationale André Maginot - le 29/10/2018.
Paris, le 29 octobre 2018
Monsieur le Président de la République,
Lors de la présentation des séquences de la commémoration du centenaire de l’armistice de 1918 par M. Jean-Michel Blanquer, assisté de Mme Geneviève
Darrieussecq, respectivement ministre de l’éducation nationale et secrétaire d’état auprès de la ministre des armées, le 18 septembre 2018 à Clermont-Ferrand, un équilibre avait été trouvé
entre, d’une part, la victoire militaire de la démocratie sur le totalitarisme et les sacrifices des poilus, et d’autre part, les effets de la crise économique durable que vivent aujourd’hui
les habitants sinistrés des régions qui avaient déjà été profondément meurtries par la guerre de 1914-1918.
Un programme mémoriel avait été annoncé avec comme point d’orgue à Paris, une cérémonie militaire et notamment
un hommage aux maréchaux de la guerre de 1914-1918 pour célébrer dignement la victoire des armées françaises et alliées sur les forces de l’impérialisme du
Kaiser Guillaume
une cérémonie sur les Champs Elysées et l’Arc de Triomphe, en présence de 80 chefs d’état représentants les pays impliqués dans cette guerre meurtrière et
un défilé.
Or, depuis cette communication, il semblerait que, sous votre impulsion, un changement profond ait été opéré dans l’objectif même de ces
cérémonies, la partie « victoire sanctionnée par un armistice » de cette guerre étant purement supprimée. En effet, la partie militaire serait réduite à sa plus simple expression,
afin, semble-t-il, de ne pas heurter la chancelière allemande, et l’hommage aux maréchaux artisans de cette victoire de la liberté sur l’obscurantisme passé à la trappe, ce qui nous apparaît
excessif vis-à-vis de l’histoire et du devoir de mémoire que notre pays doit entretenir pour renforcer la démocratie auprès de la jeunesse française et européenne.
En outre, des membres de l’Elysée estiment qu’il conviendrait de bien regarder les choses en face : les combattants de 1914-1918, les Poilus,
« n’étaient finalement que des civils à qui on avait donné une arme », ce qui est une véritable injure à leur esprit de sacrifice, et à l’histoire.
Car, en disant cela, ils rayent péremptoirement l’esprit de sacrifice des soldats qui ont combattu pour que vive, encore aujourd’hui, notre pays.
C’est l’âme de la nation en armes qu’ils entachent par ce type de discours, en laissant entendre que ces civils ne sont partis à la « boucherie » que
parce que forcés et sans l’idée de défendre leur pays.
En tant que président de la Fédération Nationale André Maginot, la plus ancienne des associations du monde combattant, je rappellerai simplement ce que disait,
en 1914, André Maginot, cet illustre homme d’état dont les valeurs pour lesquelles il se battait sont toujours, aujourd’hui, d’actualité :
« C’est la guerre, la partie suprême d’un peuple qui ne veut pas mourir »,
ce qui explicite tout à fait cet esprit qui animait les soldats de l’époque : ne pas tomber sous la coupe de l’envahisseur et réintégrer l’Alsace–Lorraine,
coûte que coûte. Si cet état d’esprit n’avait pas profondément habité les soldats de France, je pense que la 1èrebataille de la Marne ou Verdun auraient été perdus et que nous ne serions plus
aujourd’hui en mesure de savourer notre indépendance et notre liberté, comme notre pays sait et aime le faire.
Vous voulez en revanche magnifier la paix, ce qui est tout à votre honneur, mais
vous ne pouvez pas laisser ignorer le mérite des soldats et faire disparaître de la pensée collective l’essence même de la nation en armes pour sa survie, le sens du sacrifice suprême pour le
bien commun.
La paix d’ailleurs n’était pas acquise au soir du 11 novembre 1918 puisque le traité de Versailles n’a été signé qu’en juin 1919 et nous avons subi 20 ans plus
tard un conflit aussi meurtrier et génocidaire !
L’histoire, dans toute sa complexité et sans faux fuyants, doit faire partie de la mémoire collective. Ceci est primordial pour la jeunesse d’aujourd’hui et de
demain.
Mettre à l’écart le monde combattant d’hier comme cela est envisagé pour les
cérémonies de commémoration du 11 novembre 2018, passer sous silence la victoire militaire de 1918 est une injure faite aux soldats de France de toutes les générations.
En laissant traiter de la sorte les hommes en armes qui combattent jusqu’au sacrifice suprême, vous n’œuvrez pas, comme vous le dites, pour une armée forte et
engagée. Et je crains fort que le recrutement des forces armées françaises n’en subisse les conséquences à moyen ou long terme. De même, vous n’œuvrez pas pour l’Europe en occultant de la
sorte ces événements majeurs, ou en les édulcorant.
Aussi, me paraît-il important de vous dire que si aucun des
membres du conseil de l’ONAC et du Bleuet de France ne sont présents sur la dalle sacrée, témoins vivants des sacrifices consentis hier et aujourd’hui, je n’encouragerai pas, en ma qualité de
président de la Fédération Nationale André Maginot, les 240 associations qui la composent, à participer, avec leur drapeau en tête, à ces manifestations décalées dans le temps et illusoires,
s’agissant de la Paix.
Quelques millions de français sont choqués par ce déroulé
qui néglige totalement le sacrifice de leurs ascendants qu’ils se sont réappropriés durant ces quatre années de commémoration du premier conflit
mondial
qui ne présage rien de bon pour l’avenir, si on n’ose plus regarder le monde en face, en refusant notamment de montrer la réalité de l’histoire et de
souligner les valeurs qui ont forgé notre nation.
Je vous prie d’accepter, Monsieur le Président de la République, l’expression de ma très haute considération.
Henri LACAILLE Président de la Fédération nationale André
Maginot
"Monsieur le Président, mon grand-père a des droits sur vous"
...par le Gal. Gilbert Robinet - le 29/10/2018
Mon grand-père paternel, Louis, a gagné la guerre de 1914-1918. Pas tout seul ! Avec huit millions de ses concitoyens dont 1 400 000 n’en sont
pas revenus et 4 000 000 d’autres qui ont souffert dans leur chair, souvent jusqu’à la fin de leurs jours, de leurs blessures.
En 2016, année commémorative du centenaire de la bataille de Verdun, je suis allé remettre au remarquable musée de la
Grande Guerre du pays de Meaux des objets souvenirs de ce conflit que mon père, né en 1912, détenait de son père et m’avait à son tour légués. Il s’agissait de deux douilles d’obus
de 37 mm gravées, de cartes postales destinées à la correspondance des militaires, ornées d’une gerbe de drapeaux alliés, et sur lesquelles mon grand-père recommandait à son fils d’être sage
pendant son absence et d’une feuille de chêne séchée sur laquelle, par le biais de perforations faites avec une aiguille, apparaissait le prénom de mon père : Jean.
Au cours de la visite guidée privée à laquelle je fus ensuite gracieusement convié, deux questions n’ont cessé de me tarauder l’esprit, deux questions simples,
triviales, qui ne devaient rien à une quelconque forme de « pensée complexe ». Comment des hommes, issus de nations culturellement brillantes, ayant donné au monde des
philosophes, des écrivains, des musiciens, des scientifiques de génie avaient-ils pu s’infliger mutuellement autant de souffrances ? Comment, acceptant ces souffrances, les maîtrisant,
les dominant, tant d’hommes furent-ils prêts à donner leur vie pour leur pays ?
En ne voulant pas, monsieur le Président, commémorer la victoire de mon grand-père mais simplement célébrer la paix qui s’en suivit, je crains et, je dois
l’avouer, cela me remplit d’effroi, que vous, chef des Armées qui avez le pouvoir et la capacité d’envoyer des hommes à la mort, n’ayez pas compris comment et pourquoi un homme est capable de
donner sa vie pour quelque chose qui le dépasse. Laisser entendre que les combattants n’étaient pas véritablement des soldats, mais des civils que l’on avait armés et revêtus d’un uniforme en
la circonstance, c’est suggérer que s’ils mouraient, c’est parce qu’ils y étaient contraints par des chefs sanguinaires. Pensez-vous, monsieur le Président que des Genevoix, des Péguy, des
Fournier étaient des officiers ivres de sang et de haine lorsqu’ils entraînaient leurs hommes à l’assaut ?
Non, il ne s’agissait pas de civils déguisés, car, alors, toute la Nation était en armes à l’instar de la Patrie en danger de juillet 1792. Les lieutenants
Genevoix, Péguy, Fournier n’étaient pas des militaires de carrière, mais ils se fondirent dans la masse des officiers d’infanterie chez qui les pertes, un officier tué sur trois, furent
supérieures à celles des hommes de troupe, un sur quatre. Ces officiers, ces soldats acceptaient de mourir parce qu’ils ressentaient dans leur chair, dans leurs tripes, l’absolue nécessité de
ne pas céder un mètre carré du sol de la Patrie sur lequel, derrière, se trouvaient leur champ ou leur jardin et vivaient leur femme et leurs enfants.
C’est faire insulte à ces hommes là que de penser qu’ils ont été conduits à l’abattoir, à leur corps défendant et en étant inconscients de l’enjeu du moment.
Certes, leur départ pour le front n’a pas toujours été aussi joyeux que l’a prétendu une forme de légende populaire et ne se déroulait pas toujours au milieu d’une foule en liesse. Mais si
ces hommes partaient sans joie, il n’y avait chez eux aucun doute sur la justesse de leur engagement. Civils mobilisés ou militaires d’active, ils étaient des soldats et se devaient de
défendre leur Patrie.
Vouloir occulter l’aspect militaire attaché à la journée du 11 novembre 1918 pour ménager la sensibilité de nos amis allemands, c’est faire preuve d’une
tartuferie que Molière lui-même n’aurait pas osée. La France n’est pas coupable d’avoir fait la guerre et de l’avoir gagnée. Si, monsieur
le Président, c’est bien, jusqu’à cette date tant attendue, le volet militaire qui prévalut avant toute autre chose et qui généra une rupture brutale dans l’évolution de pratiquement
tous les domaines de notre société. C’est bien sous l’aiguillon de la nécessité militaire que des progrès techniques considérables ont été réalisés, que les femmes sont allées au travail dans
les usines d’armement ou ont tiré la charrue car les chevaux avaient été réquisitionnés.
Le 13 juin 2018, vous rendiez hommage, monsieur le Président, à Georges Clemenceau, en vous rendant sur sa tombe à Mouchamps, en Vendée, et en inaugurant le
musée qui lui est consacré dans sa maison natale, à Mouilleron-en-Pareds. Aviez-vous alors en tête son discours du 20 novembre 1917 devant l’Assemblée nationale où il déclara
notamment : « Ces Français que nous fûmes obligés de jeter dans la bataille, ils ont des droits sur nous. Nous leur devons tout, sans aucune
réserve. Ils veulent qu’aucune de nos pensées ne se détourned’eux, qu’aucun de nos actes neleur soit
étranger? » Répondez-vous à cet impératif en refusant de célébrer leur victoire le 11 novembre prochain ?
Péguy disait que l’honneur consiste à ne pas oublier que nos morts nous regardent et nous imposent de continuer, en toutes circonstances, à faire notre devoir.
Or, il n’y a qu’une façon de rendre hommage à un soldat mort au combat, hier comme aujourd’hui, c’est de lui rendre les honneurs militaires tels que prévus par un cérémonial lui-même
construit, au fil du temps, à travers les événements les plus tragiques de notre Histoire. Ce cérémonial est un héritage. On le doit à ceux à qui il est destiné. Son application stricte
à travers une prise d’armes et un défilé serait la marque de notre fidélité à nos aïeux dont le patriotisme trouva son expression la plus pure sur la Marne, à Verdun, sur la Somme ou sur
l’Aisne.
Comme l’a très bien rappelé le colonel Michel Goya, le 24 octobre dernier, dans un article du Figaro : « Ce sont les
nations qui font les guerres et non les armées et la guerre est un acte politique. Célébrer la fin de la guerre sans célébrer la victoire, c’est refuser la politique et sans politique
l’emploi de la force n’est que violence criminelle. » Jusqu’à ce jour, Georges Clemenceau, qualifié par ailleurs de Père la
Victoire et que vous avez honoré en juin dernier, monsieur le Président, n’a jamais été accusé d’être un criminel de guerre. Alors, n’oublions pas de respecter son impérative
obligation qui vaut pour l’éternité : « Ils ont des droits sur
nous ! » Comme tous ses compagnons d’armes, mon grand-père a aujourd’hui disparu ; je m’autorise donc à faire ce rappel en son nom.
Général Gilbert ROBINET Secrétaire général de l’ASAF
11 novembre version Macron : le centenaire du déni
...par Philippe Fretté - Le 30/10/2018.
Nombreux historiens ont disserté sur les causes de la guerre de 14-18 au point d’aboutir à une sorte de version officielle, qui infiltre tant les manuels
scolaires que les lieux de mémoire des grands sites de bataille : le nationalisme exacerbé.
Pourtant, l’Europe des nations, qui revient aujourd’hui sur le devant de la scène, n’est pas une invention du Rassemblement national, ni des pays de Višegrad. Elle
fut consacrée par le Congrès de Vienne de 1815 dans son projet d’aboutir à un équilibre entre les grandes nations européennes, Russie comprise. Il s’ensuivit 55 ans de paix, certes relative,
avant le traumatisme de la guerre de 70. Quant aux rivalités coloniales, également mises en cause par la doxa, elles avaient déjà, en 1914, plus de vingt ans d’âge : le Congrès de Berlin de 1885 avait
déjà réglé, par la voie diplomatique, de nombreux conflits d’intérêts entre grandes puissances coloniales en Afrique, sans verser une goutte de sang !
Même le journal Le Monde s’est fendu d’un article remarquable, remettant en cause les idées reçues sur le déclenchement de la guerre.
La guerre 14-18 était-elle inévitable ? Difficile à dire ! On a surestimé a posteriori le mythe de la reconquête de l’Alsace-Lorraine, même si certains
partisans de la guerre s’en sont servi pour faciliter la mobilisation. En effet pourquoi la France, qui disposait de la meilleure armée du monde, aurait-elle attendu 43 ans pour entreprendre
cette reconquête ?
Des deux côtés du Rhin, on trouve des hommes politiques hostiles à la guerre, comme Joseph Caillaux en France dont la carrière politique a été brisée par les
facéties de sa femme. Face à la crise provoquée par l’attentat de Sarajevo, les « têtes couronnées », incarnant les nations, n’étaient pas parmi les plus belliqueuses, loin de là !
L’empereur Guillaume II était réticent à l’entrée en guerre de l’Allemagne. Le tsar aussi, par la voix de son ministre de l’Intérieur Maklalov. Viviani en France ou Lord Grey en Angleterre
étaient aussi hostiles à la guerre. Ce qui est sûr, c’est que Raymond Poincaré, président du Conseil issu de la gauche, était lui partisan d’une ligne intransigeante envers l’Allemagne.
L’histoire lui attribue une part de responsabilité.
Pour quelles raisons le camp des belliqueux l’a-t-il emporté sur celui des pacifiques ? Bien difficile à dire et l’on ne peut que méditer sur la thèse de
Dominique Venner, selon laquelle il existe une part de hasard dans le déroulement de l’Histoire. Ce que la plupart n’ont pas vu venir, c’est que le progrès technique avait abouti à ce que les armes étaient devenues beaucoup sophistiquées et meurtrières
qu’auparavant.
On assiste aujourd’hui à une instrumentalisation de la guerre de 14, reléguée au rang des catastrophes humanitaires. Dans cette lecture revisitée de la grande
guerre, nul besoin de laisser une place quelconque aux chefs de guerre. D’autant que pour la génération Macron, toute hiérarchie est nécessairement suspecte : c’est l’égalité père-fils,
l’égalité maître-élève et maintenant l’égalité soldat-gradé qui prévaut … Dans le contexte actuel d’une politique de destruction des identités européennes, il est facile de vouloir faire croire que la grande guerre n’a pour seule cause
que le culte exacerbé des nationalismes. Je l’ai hélas constaté en me rendant au Mémorial de Douaumont, pourtant remarquable, mais présentant une « explication » du déclenchement de la
guerre relevant davantage du prêt-à-penser que de la réflexion historique.
Et cette version des choses n’est pas anodine : elle sert merveilleusement les objectifs des tenants du mondialisme, qui ne rêvent que de la disparition des nations, dont la France, pour
mettre en place une « Europe multiculturelle et métissée». D’où le projet d’une commémoration « a minima » de l’armistice du 11 novembre 1918 signant pourtant la défaite de
l’Allemagne et la victoire des alliés. Mais il ne fallait pas froisser l’alliée du moment, Angela Merkel !
S’il fallait donner un sens à cette commémoration, qui se perpétue depuis 100 ans, c’est celui de la résistance à l’envahisseur, pourtant simple à comprendre. Car
il ne faut pas oublier que l’essentiel des combats se sont déroulés sur le sol français martyrisé, comme le montrent si bien les images terrifiantes, mais ô combien parlantes, de l’excellent film
de François Ozon « Franz ».
Le 11 novembre n’est pas le jour approprié pour disserter sur la responsabilité du carnage mais celui de l’hommage à ceux qui sont tombés humblement pour défendre
un territoire. La question de savoir si le cours de l’Histoire aurait été modifié si Mme Caillaux n’avait pas tiré sur le directeur du Figaro ou si l’attentat de Sarajevo n’avait pas eu lieu,
n’est pas au rendez-vous de ce 11 novembre.
Mon grand-père paternel accepta une mission impossible lors des derniers jours du Fort de Vaux : remettre au commandant Raynal les instructions de
l’état-major, après avoir traversé dans les deux sens les lignes allemandes… Ayant perdu une jambe, la guerre s’arrêta là pour lui. Le cousin de ma grand-mère maternel fut tué sur la frontière
belge à Zonnebeke à 24 ans, dès les premières semaines de la guerre. Son corps n’a jamais été retrouvé. Un arrière-grand-père est revenu gazé. J’ai précieusement conservé leurs écrits, qui ont ce
même point commun : le sens du devoir, tout simplement ! Et combien de drames similaires dans les familles françaises !
L’armée réagira-t-elle à ce déni de commémoration politisée ? On ne peut que l’espérer !
Honneur à ceux qui ont accepté le sacrifice de leur vie, faisant passer dans l’adversité l’intérêt collectif avant leurs intérêts individuels. Alors que la France
est minée de l’intérieur, puisse leur sacrifice nous rappeler ce que nous leur devons.
J’imagine qu’on a déjà identifié chez l’auteur de ces lignes une plume particulièrement sensible à la Grande Guerre, dans toutes ses nombreuses et exceptionnelles dimensions. On sait que nous approchons à grand pas du centième anniversaire de l’armistice et que
Notre-Président, historien fameux et moraliste sans égal, célébrera la paix et nullement “la victoire”.
(…Drôle de paix comme l’on dit “la drôle de guerre”, selon Keynes et Bainville qui publièrent aussitôt à ce propos, presque parallèlement pour des essais
presque parallèles, et brandirent chacun à sa façon leurs prophéties des catastrophes que la chose monstrueuse, la paix de Versailles, nous préparait, – l’un Les conséquences économiques de la paix [1919] et l’autre Les conséquences politiques de la
paix [1920].)
Cette proximité fait renaître le prurit de l’affectivisme qui
constitue le principal moteur de la fabrication constante et en série du simulacre nommé “réécriture de l’histoire” ; notre époque
est passée maîtresse dans cet art de la manipulation au nom de ses affects chargés de vertueux sentiments et de sentiments orientés. Ainsi reparle-t-on de tous les lieux communs de cette
horrible boucherie que fut la Grande Guerre, des hommes, – je parle des “poilus”, simples soldats, – lancés là-dedans comme “chair à canon” tandis que les généraux se gobergent loin du front
et que les officiers d’en-dessous essuient leurs monocles qu’un peu de boue encrasse. Même des gens aussi intelligents qu’un Stanley Kubrick mordent à belles dents à cet hameçon si
tentant (Les sentiers de la gloire), provoquant en retour la stupide attitude censureuse de la bureaucratie française.
… Puisque, en effet, la réalité comptable est toute autre, sinon inverse à cette sanglante image d’Épinal,
si l’on compare la Grande Guerre aux autres conflits. En paraphrasent une citation qu’on verra plus loin, j’écrirais que “le sacrifice des élites françaises est un phénomène français de la
Grande Guerre”. Puisque j’ai parlé, à dessein bien entendu, de “réalité comptable”, voici quelques chiffres concernant les pertes de l’armée française :
• A propos de l’infanterie française, « […] arme particulièrement consommatrice en vies humaines : les
taux de perte […] s’élèvent à 29% chez les officiers et à 22,9 % chez les hommes de troupe mobilisés. » D’une façon générale dans
les unités combattantes, la troupe perd durant la Grande Guerre un homme sur 4, tandis que le corps des officiers perd un homme sur 3.
• Durant la Grande Guerre, 42 généraux
français sont morts au combat, selon les formules “morts pour la France” et “morts au champ d’honneur”, c’est-à-dire du fait du feu de l’ennemi.
Les exemples de volontarisme quasi sacrificiel dans les élites sont innombrables, y compris chez les Français de confession juive qui trouvèrent là l’occasion
de montrer leur attachement à la terre de France, – « “Tel Albert Lévy, professeur du cours de Saint-Cyr à Saint-Louis qui, âgé de 47 ans,
s’est engagé dès le début de la guerre ; tel Charles Bayet qui, âgé de 65 ans, s’est engagé comme sous-lieutenant” (Annuaire 1915, p. 2). » L’idée est partout présente, comme
citée avec quelle pompe jusqu’à faire pompier, dans L’Annuaire que rédige Xavier Roques au jour le jour : « “Les hommes marchent s’ils se sentent entraînés, s’ils voient le chef à la place que la décence, à défaut du règlement, lui assigne, c’est-à-dire à leur tête. Nous
avons, nous, pour nous soutenir, ce que la plupart n’ont pas, une force intérieure, une volonté faite de notre éducation et de notre culture. Nous sommes les riches. C’est à nous, s’il le
faut, de payer”. (Annuaire 1916, p. 135). » (Pompier, certes, mais les hommes moururent, et une “gueule cassée” galonnée valait bien une “gueule cassée” de poilu.)
C’est un peu par le hasard des recherches sur l’universel et labyrinthique internet que j’ai trouvé cette documentation sur ce phénomène jamais dit, ou disons à
peine chuchoté dans des cénacles discrets, du “sacrifice des élites” durant la Grande Guerre. C’est un phénomène que nos esprits affaiblis par la bassesse maléfique ont transformé en son
contraire, dans le plus grand mépris pour les morts qu’ils feignent pourtant de pleurer à grands renforts de larmes humanitaristes et postmodernes. On trouve divers articles de bonne
documentation sur cette question (trois pris parmi d’autres : ici,ici et ici.)
Je me suis attaché essentiellement à celui qui prend
comme sujet l’École Normale Supérieure (“rue d’Ulm”), où les élèves faisaient une préparation militaire depuis 1905, et une école d’officiers pour leur service militaire. Cette prestigieuse
école formatrice par essence des élites les plus hautes et les plus diverses connut les pertes les plus terribles : « Les promotions qui
subissent le plus de pertes sont celles scolarisées en août 1914, c’est-à-dire les promotions de la période 1910-1913. Sur les 265 élèves entrés à l’ENS durant ces 4 années, 109 ont été tués
soit près d’un élève sur deux ! Ces disparitions interviennent en majorité durant les premiers mois du conflit. Près de 4 normaliens sur 10 décèdent en 1914. »
Du même article (dont les citations déjà faites plus haut sont extraites), je retiens ce passage qui expose ce phénomène du sacrifice des élites durant la
Grande Guerre, – exactement le contraire de ce que l’esprit idéologisé et persifleur d’aujourd’hui retient de la Grande Guerre.
« Paul Painlevé, mathématicien normalien (1883S), Ministre de l’Instruction publique, des beaux-arts et des inventions
intéressant la défense nationale, prononce un discours le 4 mars 1916 alors que la bataille de Verdun fait rage : “Aujourd’hui, comment parler de l’École normale supérieure sans évoquer
avec une tendresse particulière, avec une piété profonde, tous ces jeunes gens qu’elle a formés pour penser et qui ont su si bien combattre ? Comment ne pas voir se dresser devant soi
cette élite de chercheurs, de savants, d’écrivains qui, si vite, se sont révélés des chefs sous la mitraille ?” (Painlevé, 1916, p. 194).
» De son côté, l’Allemagne de 1914 fait le choix stratégique d’affecter une partie de ses ingénieurs et scientifiques
de haut niveau au développement des technologies de l’armement. En France à la même époque, l’idéologie égalitaire de la troisième république interdit que les élites soient “préservées” et
mieux “utilisées”. Cette position de principe a certainement conduit à l’hécatombe normalienne. Pour autant, les taux de perte des jeunes élites en Angleterre, aux États-Unis et dans une
moindre mesure en Allemagne demeurent très élevées. Le sacrifice des élites durant la Grande Guerre est un phénomène mondial »…
C’était l’époque, une autre époque, où un vice-président des USA n’aurait jamais pu dire sous peine d’infamie, comme Cheney expliquant son absence dans les forces armées au moment du
Vietnam : « J’avais d’autres priorités. »
Il n’est évidemment pas dans mon intention de dévaloriser l’horreur et l’immensité du sacrifice des soldats, morts par centaines de mille, notamment parce que
je répugne à la compétition dans l’horreur comme pour le reste, pour satisfaire des illusions idéologiques. Plus droitement, il m’importe de rétablir l’équilibre hiérarchique et de montrer
que les élites françaises tinrent leur place là où il fallait, là où l’on mourrait le plus et bien plus qu’à leur tour. Je répudie absolument cette cassure qu’ont instituée les commentateurs
officieux et idéologisés de l’histoire officielle réécrite selon l’idéologie courante, c’est-à-dire la cassure entre les pauvres bougres devenus “chair à canon”, et les élites (les officiers)
qui les envoyaient mourir en se gardant bien du moindre risque. Au contraire, la hiérarchie fut respectée, et les élites tinrent leur rang lorsqu’il se fût agi de servir, et elles le tinrent
d’une façon exceptionnelle, jamais vue à ce point dans aucune autre guerre : « Le sacrifice des élites durant la Grande Guerre est un phénomène
mondial » (*), et particulièrement un phénomène français.
Il y avait là quelque chose qui les poussait et les élevait, toutes classes confondues, le peuple et ses élites. Bainville l’a dit justement, dans
son Journal-1914, à propos de Péguy mort sur la Marne en septembre 14, et la citation vaut la méditation que l’historien évoque en même temps que
Péguy, homme d’élite qui s’est ressenti comme un homme du peuple, comme la guerre allait effectivement les mettre ensemble, le peuple et ses élites… (C’est moi-même qui signale en caractères
gras le passage qui importe particulièrement à mon propos) :
« Nous avons appris presque en même temps la mort héroïque au champ d’honneur de Charles Péguy et la destruction de la
cathédrale de Reims. Ce Péguy ! Il était avant-hier une espèce de dreyfusard tout à fait vulgaire, un professeur radical-socialiste qui faisait une littérature forcenée. Il ressemblait à
Jean-Jacques Rousseau par l’insociabilité, par la farouche vertu. Et puis la mystique du nationalisme l’a saisi. Il s’était retrouvé paysan de France, tout près de la terre, de la glèbe, du
sillon. Cet universitaire s’était mis à vénérer sainte Geneviève et sainte Jeanne d’Arc avec la ferveur et la simplicité d’un homme du Moyen Âge. Il était devenu un des mainteneurs et un des
exalteurs de la tradition. Il a été de ce mouvement profond, de ce mouvement de l’instinct qui, dans les mois qui ont précédé la guerre, a replié
les Français sur eux-mêmes, a conduit l’élite intellectuelle et morale de la nation à des méditations, souvent d’un caractère religieux, sur les origines et l’histoire de la
nation…
» Chose étrange que Péguy soit mort d’une balle au front au moment où commençait à brûler la cathédrale où Jeanne
d’Arc, pour le sacre de Charles VII, avait mené son oriflamme à l’honneur. La guerre de 1914 fait de beaux symboles… »
Pour suivre et prévenir le persiflage si courant dans notre temps où l’héroïsme fait bouffe, à défaut de rire puisqu’on a oublié ce que le mot signifie,
– “il n’est certainement pas dans mon intention” d’exalter la guerre, ce qui serait absurde et sans aucun sens à ce point de la réflexion et selon la démarche à laquelle je me consacre.
Il est question de pousser encore plus cette recherche qui m’a accompagné de tous les temps où je me suis intéressé à la Grande Guerre, – c’est-à-dire justement, la question du sens… Comment donner du sens à cette boucherie, ce carnage insensé et ces montagnes de souffrance dont on ne voit pas
le sommet ?
Mais c’est un autre sujet que celui que je traite ici, et on le retrouve d’ailleurs dans divers et de nombreux écrits sur ce site. (Je devrais dire
également : on les [re]trouvera, comme je m’en expliquerai demain.) Pour ce qui est des élites, je m’aperçois que cette idée nouvelle pour moi du “sacrifice des élites” éclaire d’une
autre lumière un épisode personnel. Mon père est né en 1901 dans une famille de petits artisans (peausserie) marseillais ; il était donc de la classe 18, il fut mobilisé alors que la
guerre se terminait et fit son service dans les chasseurs alpins. Libéré, il fit une “école d’électricité” d’où il sortit jeune ingénieur ; il trouva aussitôt un emploi exceptionnel pour
son âge d’officier chef-électricien à bord d’un cargo assurant les liaisons entre Marseille et l’Indochine. Son poste de responsabilité était en général occupé par des officiers expérimentés,
dans la quarantaine ; je m’étais toujours dit que cette opportunité découlait de l’hécatombe qu’avait connue la France en 14-18, et désormais je dirais plus précisément qu’elle découlait
de l’hécatombe des élites françaises.
En même temps que je vous l’expose, à vous lecteurs, je découvre cette vérité-de-situation de l’aspect qualitatif de l’hécatombe française de la Grande Guerre,
en plus de son aspect quantitatif. Cela ouvre des perspectives car ainsi s’impose plus précisément, pour mon compte, une hypothèse à propos du climat délétère qui régnait en France dans les
années de l’immédiat avant-guerre (avant la Deuxième Guerre Mondiale), et, dans cette dynamique terrible, à propos du formidable effondrement de 1940 ; c’est l’hypothèse
de l’affaiblissement catastrophique des structures de la nation française du fait de l’hécatombe de ses élites, en plus de l’hécatombe
elle-même de ces centaines de milliers de morts, et de la terrible cohorte de blessés et d’handicapés à vie, de psychologies détruites, pour ces deux cas.
J’ignore si on a étudié le cas français aboutissant à 1940 de ce point de vue ; je pense qu’il est de la plus grande fécondité et, à le méditer, on devrait parvenir à des réflexions du plus grand intérêt. Il s’agit de l’architecture de la nation, où les élites tiennent une place
centrale qui est comme une poutre-maîtresse. La poutre-maîtresse avait été brisée, comme le reste des structures affreusement blessées, dans la terrifiante catastrophe qu’imposèrent à
l’Europe mère de la modernité les technologies modernes (l’artillerie, les mitrailleuses, etc., – le Progrès en un mot).
———————-
Notes
(*) Effectivement, le même phénomène toucha d’autres belligérants, et notamment les Britanniques. Geoffrey Wheatcroft écrivit dans L’International Herald
Tribune du 30 juin
2006, à propos de la bataille de la Somme déclenchée le 1er juillet 1916, ce jour terrible pour l’Angleterre où
l’armée britannique eut 20 000 tués et 40 000 blessés : « Après la guerre, un mythe a germé : des officiers irresponsables, voire
lâches, avaient envoyé leurs hommes à la mort. En fait, les officiers subalternes étaient trois fois plus susceptibles d’être tués que les soldats, non pas nécessairement parce qu’ils étaient
plus courageux mais parce qu’ils étaient censés donner l’exemple et, selon une expression d’une ironie sinistre, s’en aller se faire descendre les premiers. Et ce ne fut pas seulement des
officiers subalternes : ce premier jour de la Somme, 30 officiers britanniques du grade de lieutenant-colonel et au-dessus furent tués.
» “L’égalité de sacrifice” est parfois une phrase commode, mais personne ne pourrait en contester la véracité pour cette guerre. Au début du conflit,
le premier ministre était le libéral H. H. Asquith et le chef conservateur de l’opposition était Andrew Bonar Law. Les deux hommes perdirent des fils à la guerre. Lord Salisbury était un
ancien Premier ministre ; cinq de ses petits-fils furent tués. Plusieurs jeunes parlementaires, dont William Gladstone, petit-fils d’un autre Premier ministre, s’engagèrent et furent
tués. »
________________________
Annexe coloniale
Il est un autre sujet “sensible” sur lequel l’idéologisation du temps a tranché brutalement et dans le vif, par réécriture péremptoire, pour nourrir la
soif de repentance de la nation française : les soldats de “colonies” servant, eux aussi, de “chair à canon” à leurs exploiteurs. Le nombre d’imposture éditée, dite et soutenue par
toutes les autorités, les élites-Système (celles qui ne meurent pas à Verdun) et la presseSystème, audio et écrite, ce nombre est prodigieux, selon le penchant de la verve postmoderne.
Puisque je suis dans ce sujet, j’introduis cette annexe, venue d’un long communiqué de l’historien Bernard Lugan, spécialiste de l’Afrique, historien absolument dissident, honni de toutes les
interventions-Système, que vous ne verrez guère sur Arte et ne lirez que fort rarement dans Le
Monde ; et donc que je considère, moi, comme sérieux.
Tout ce qui suit concernant les statistiques des forces dans l’armée française selon leurs origines. Le texte a été diffusé par communiqué par Lugan (il publie
son site L’Afrique réelle) le
13 mai 2016, à l’occasion de diverses polémiques accompagnant les commémorations de la bataille de Verdun …. « Dans la grande entreprise de réécriture
de l’histoire de France par les partisans du “grand remplacement”, la Première Guerre mondiale, et plus particulièrement la bataille de Verdun, constitue un argument de poids. Son résumé
est clair : les Africains ayant permis la victoire française, leurs descendants ont donc des droits sur nous… ». Lugan riposte par des chiffres qu’il accompagne de commentaires
qui sont cités ci-dessous ; il signale que les références de ces chiffres sont données dans son livre Histoire de l’Afrique du Nord des origines
à nos jours, Le Rocher, 2016.
« 1) Effectifs français (métropolitains et coloniaux)
• Durant le premier conflit mondial, 7,8 millions de Français furent mobilisés, soit 20% de la population française totale. • Parmi ces 7,8
millions de Français, figuraient 73 000 Français d’Algérie, soit environ 20% de la population “pied-noir”. • Les pertes françaises furent de 1 300 000 morts, soit 16,67%
des effectifs. • Les pertes des Français d’Algérie furent de 12 000 morts, soit 16,44% des effectifs.
2) Effectifs africains
• L’Afrique fournit dans son ensemble 407 000 hommes, soit 5,22 % de l’effectif global de l’armée française. • Sur ces 407 000 hommes,
218 000 étaient des “indigènes” originaires du Maroc, d’Algérie et de Tunisie, soit 2% de la population de ces trois pays. • Sur ces 218 000 hommes, on comptait
178 000 Algériens, soit 2,28 % de tous les effectifs français. • L’Afrique noire fournit quant à elle, 189 000 hommes, soit 1,6% de la population totale et 2,42% des effectifs
français. • Les pertes des unités nord africaines furent de 35 900 hommes, soit 16,47% des effectifs. • Sur ces 35 900 morts, 23 000 étaient Algériens. Les pertes
algériennes atteignirent donc 17,98 % des effectifs mobilisés ou engagés.
Les chiffres des pertes au sein des unités composées d’Africains sud-sahariens sont imprécis. L’estimation haute est de 35 000 morts, soit 18,51% des
effectifs ; l’estimation basse est de 30 000 morts, soit 15,87%. Pour importants qu’ils soient, ces chiffres contredisent donc l’idée-reçue de “chair à canon” africaine. D’ailleurs,
en 1917, aucune mutinerie ne se produisit dans les régiments coloniaux, qu’ils fussent composés d’Européens ou d’Africains. Des Africains ont donc courageusement et même héroïquement
participé aux combats de la Grande Guerre. Gloire à eux. Cependant, compte tenu des effectifs engagés, il est faux de prétendre qu’ils ont permis à la France de remporter la victoire. Un seul
exemple : le 2èmeCorps colonial engagé à Verdun en 1916 était
composé de 16 régiments. Les 2/3 d’entre eux étaient formés de Français mobilisés, dont 10 régiments de Zouaves composés très majoritairement de Français d’Algérie, et du RICM (Régiment
d’infanterie coloniale du Maroc), unité alors très majoritairement européenne.
Autre idée-reçue utilisée par l’idéologie dominante : ce serait grâce aux ressources de l’Afrique que la France fut capable de soutenir l’effort de guerre.
Cette affirmation est également fausse car, durant tout le conflit, si la France importa six millions de tonnes de marchandises diverses de son Empire, elle en importa 170 millions du reste
du monde
Conclusion : durant la guerre de 1914-1918, l’Afrique fournit à la France 3,5% de toutes ses importations et 5,22 % de ses soldats. Ces chiffres sont
respectables et il n’est naturellement pas question de les négliger. Mais prétendre qu’ils furent déterminants est un mensonge doublé d’une manipulation. »
Photo: L’École Normale Supérieure de la rue d’Ulm
incarne à la fois l’engagement patriotique et la surmortalité des élites durant la Grande Guerre.
Centenaire de 14-18 : l’itinérance, ou la repentance mémorielle d’Emmanuel Macron ?
...par le Col. Georges Michel - le 01/11/2018.
Au moment où nous écrivons ces lignes, le Président se repose du côte de Honfleur, en Normandie. Avant d’attaquer sa grande « itinérance mémorielle » ou, pour reprendre les termes exacts du site officiel
de la mission du centenaire de la Grande Guerre, une « itinérance mémorielle et
politique ». La machine à récupération va donc fonctionner à bloc. Comme jamais. L’interview donnée à Ouest-France nous a, d’ailleurs,
donné un avant-goût, une sorte d’entrée en matière… Alors, en ce jour gris et pluvieux de Toussaint, on imagine notre Président derrière sa table de travail, Brigitte non loin et veillant au
grain qu’il a je ne sais où, faisant des allers-retours haletants entre notre actualité et une Histoire assimilée à coup de Wikipédia et de poncifs ingurgités à la va-vite dans les écoles comme il faut.
Donc, « itinérance mémorielle ».
Autrefois, jadis et même naguère, on disait que le Président allait en voyage officiel en province. Du temps du père de Gaulle, à la préfecture, on faisait rallonger le lit dans la chambre
Napoléon III qui n’y avait jamais dormi. Avec le temps, ces voyages finirent par mobiliser plus de policiers et de gendarmes que de bon peuple venu saluer son souverain ou se faire soigner
quelques écrouelles de sous-préfecture. Ringard, tout ça. Maintenant, on parle d’« itinérance ». « Itinérance », c’est comme « gouvernance » : un de ces anglicismes qui font drôlement plus chic sur une
plaquette luxueuse en papier glacé quadricolore. On ne va tout de même pas dire « itinéraire », qui fait Bison futé, délestage ou GPS. Ni « pèlerinage », qui ferait hurler Mélenchon. Vous me direz qu’« itinérance », ça rime aussi avec « errance » et avec… « déshérence ». La rime est facile, mais tant pis ! Les esprits chagrins iront même
jusqu’à faire remarquer que ça rime avec « repentance ». Et, pour le
coup, la rime est vraiment riche. Riche de sens. Le sens de l’Histoire qu’Emmanuel Macron veut raconter aux Français.
Donc, du 4 au 10 novembre, la caravane présidentielle va sillonner ces départements de l’est et du nord de la France qui ont été tant meurtris durant cette
Première Guerre mondiale. En certains endroits, du reste, la guerre a même bouleversé à jamais la topographie. Un siècle après, même si les arbres ont poussé, on ne peut qu’en être
profondément frappé. Comme le soulignait, le 28 octobre dernier, le général Dary au micro de Boulevard Voltaire, ce voyage est une première pour un
président de la République et il convient de le souligner.
Après, tout sera dans le contenu des discours présidentiels de chacune de ces étapes. Et c’est là qu’on peut craindre le pire. Un pire enrobé sans doute dans
beaucoup de grandiloquence : ah, les cours de théâtre à La Providence d’Amiens… À Strasbourg, en présence du président de la République d’Allemagne, il ne sera sans doute pas question
d’évoquer l’Alsace et la Lorraine arrachées par les Prussiens à la France en 1871. À Verdun, le jeu de tabou consistera probablement à ne pas prononcer le nom de ce maréchal de France qui
défila sur un cheval blanc le 14 juillet 1919 sous l’Arc de Triomphe. Et à Rethondes, évidemment, on ne demandera pas à Angela Merkel, désormais en son temps de crépuscule de déesse,
réparation pour le wagon de l’armistice que les Allemands dérobèrent après la signature de l’armistice de 1940 et qu’ils détruisirent en 1945 ! Espérons, tout de même, que les noms du
maréchal Foch, commandant suprême des forces alliées, et du général Weygand, son chef d’état-major, seront évoqués. Cela dit, des militaires, par les temps qui courent…
Un dernier mot sur cette expression « itinérance
mémorielle ». La mémoire est, par essence, enracinement. L’occasion, peut-être, de lire ou relire Les Déracinés ou Le Roman de l’énergie nationale, de
Maurice Barrès. Peut-être un peu trop grandiloquent ? Pas plus qu’un discours présidentiel…
«Des civils que l’on a armés…». Mais comment peut-on en arriver à de telles
assertions !
Il ne fait aucun doute que l’idéologie, la confusion ou l’ignorance qui sévissent dans de nombreux couloirs ont pu être à l’origine de cette pensée réductrice,
irrespectueuse et dangereuse. N’appartenant pas à l’institution militaire mais étant justement un civil qui a beaucoup servi et donné au pays, comme des millions d’autres français, je
m’insurge profondément contre cette nouvelle instrumentalisation historique. Mes aïeux, qui étaient eux aussi des civils, qui se sont engagés volontairement ou qui ont été mobilisés à
plusieurs reprises pour se battre contre toutes les formes de violence et de totalitarisme politique, ne furent ni des mercenaires, ni des miliciens... Ils étaient tout simplement
soldats de France, résistants et patriotes ! Ils se sont battus sur tous les fronts et ont vu tomber autour d’eux des frères d’armes, des amis, des membres de leurs familles, mais aussi
des adversaires pour lesquels ils n’éprouvaient pas de haine. Depuis trois générations nous n’avons pas eu d’autres choix que de défendre la terre de France à Verdun, sur la Marne, dans la
Somme, plus loin à Dixmude, dans les Balkans, sur les terres encore plus lointaines de l’ex-empire français, où plus récemment sur les théâtres d’opérations extérieures sous mandats
internationaux à Beyrouth, à Sarajevo. Telle fut notre histoire depuis un siècle. Rien ne sert de la juger, il faut l’assumer, l’incarner mais en aucun cas la dénaturer !
C’est cette tradition de service, de patriotisme et de don de soi d’un pays que l’on méprise avec de telles affirmations médiatiques mais inutiles. A la veille
du centenaire de la fin de la première guerre mondiale, dans une Europe marquée actuellement par une remise en cause de tous les avenants du traité de Versailles, est-il besoin de réduire
l’engagement historique de tout un pays, et encore plus de ses alliés, avec des injonctions verbales infondées. Il est toujours facile de réécrire l’histoire et de la banaliser dans un bureau
feutré après 75 ans de paix … Certes La guerre est toujours vécue par les historiens comme une erreur politique, générant des boucheries inutiles, et la victoire reste toujours un peu
amère et pathétique, car elle porte en germe la guerre suivante... Faut-il pour autant, face à la tragédie récurrente de l’Histoire, pour satisfaire une forme de mauvaise conscience,
désacraliser la mémoire collective, mépriser ainsi l’engagement de millions de femmes et d’hommes et par la même entretenir un déni collectif en justifiant ainsi l’oubli au fil du
temps.
Non, « nous ne sommes pas des civils que l’on a armés » ! Nous sommes bien plus que cela ! La
tentation pourrait être très forte aujourd’hui avec la professionnalisation de nos armées, qui a généré une transformation profonde du lien armées-nation, de réduire le statut du soldat à
celui d’un métier comme un autre. Les risques de banalisation et de désacralisation de l’engagement dans une société devenue très hédoniste ne peuvent être sous-estimés. C’est pour toutes ces
raisons que nous ne pouvons plus être considérés de façon péjorative comme de simples « anciens combattants » ! Nous sommes la force d’âme de la France. Ce qui nous
caractérise de génération en génération c’est cette conscience viscérale que la liberté doit être défendue, que nos valeurs démocratiques sont vulnérables et que le don de soi reste la vertu
la plus noble qui soit. Alors faisons tous en sorte que nos institutions, que ceux qui l’incarnent et que ceux qui l’administrent retrouvent le sens de la mesure et de la pondération
vis-à-vis des vétérans que nous sommes. Nous ne demandons rien et nous sommes de moins en moins nombreux. En revanche nous exigeons juste ce respect pour le sang versé et le don de soi que
nous honorons chaque 11 novembre au nom de toutes les générations du feu. Nous sommes tous quelque part les héritiers de nos poilus et cet héritage mérite le plus profond respect de nos
élites et de nos populations. Juste un peu de respect, que du respect, fermer le ban !
[1]Auditeur de l’Institut
des Hautes Etudes de la Défense Nationale, Capitaine de vaisseau (h) Président de la Section du Finistère et Administrateur national de la Fédération Nationale des Combattants Volontaires
(FNCV), Chef d’entreprise.
Centenaire de l’Armistice : honorer la paix ou la victoire ?
...par Xavier Patier - le 03/11/2018
En séparant la célébration de la paix de la victoire militaire qui l’a obtenue, l’écrivain se demande si le centenaire
du 11 novembre 1918 n’honore pas une nation déconstruite et une paix artificielle.
« Réclamer la victoire et ne pas avoir envie de se battre, je trouve cela mal élevé », écrivait Péguy au
seuil de la Grande Guerre. Cent ans plus tard, se croire supérieur au reste de monde et refuser d’assumer la victoire, on peut trouver cela, de la part d’un jeune Président de la
République, franchement regrettable.
Au vrai, en refoulant le côté militaire et victorieux du 11 novembre, Emmanuel Macron ne fait pas autre chose que ses immédiats prédécesseurs : on se souvient
d’un récent Premier ministre français impliqué dans la commémoration de Trafalgar et oubliant celle d’Austerlitz, ou d’un Président plus récent encore organisant des galipettes inconvenantes
sur les tombes de Verdun sans avoir un mot pour les poilus qui défendirent, parfaitement conscients de ce qu’ils faisaient, la liberté de la France. Emmanuel Macron se coule dans le triste
moule. Pour ce coup, il ne fait rien de neuf.
Nos aînés combattants
D’où vient cette curieuse discrétion et cette étrange amnésie ? D’une capitulation à l’air du temps. La mode voudrait que la France fût de tout temps petite et
compromise. Le soft power américain a gagné la partie : pour le commun des hommes, c’est l’Amérique qui a gagné la Grande Guerre. Il
n’y a plus que les experts pour savoir que la France a, de loin, consenti le plus grand effort et apporté la plus grande contribution à la victoire.
La France s’est construite à coups d’épée : refouler cette évidence revient à la déconstruire, et au passage à humilier nos aînés combattants, qui savaient
très bien pour quelle cause ils se battaient.
L’ultime ordre du jour
S’agissant du centenaire que nous allons fêter, mieux vaut nous remettre à celui qui reste le plus légitime à parler de cette guerre, le commandant en chef des
forces alliées. Voici l’ordre du jour que le maréchal Foch adressa aux Armées le 12 novembre 1918 :
« Officiers, sous-officiers et soldats des armées alliées, après avoir résolument arrêté l’ennemi, vous l’avez pendant
des mois, avec une foi et une énergie inlassables, attaqué sans répit. Vous avez gagné la plus grande bataille de l’Histoire, sauvé la cause la plus sacrée : la liberté du monde. Soyez fiers,
d’une gloire immortelle vous avez paré vos drapeaux, la postérité vous garde sa reconnaissance. »