Source : Le Courrier des Stratèges - Par Edouard Husson - Le 29/5/2023
Quoi ? Nous serions en dictature? Mon cher, vous êtes ridicule. Vous voyez bien que vous avez toute liberté pour traiter Emmanuel Macron de dictateur. Vous n’y êtes pas. ça c’est la version gentille. La version méchante de la bien-pensance, c’est ce qu’on trouve actuellement dans le journal Libération, la réduction des manifestants contre le passe sanitaire à un ramassis d’antisémites et de gens d’extrême droite.
Précisément, direz-vous, la reductio ad Hitlerum permanente depuis des décennies, l’amalgame entre nation et nazisme, le recours systématique aux termes populisme, complotisme, fachosphère etc… sont insupportables. Pourquoi tomber dans l’excès opposé, consistant à traiter Macron de dictateur?
En réalité, nous devons sortir des stéréotypes. Au pays d’Etienne de La Boétie (1530-1563,portrait ci-dessus), l’auteur du magnifique Discours de la servitude volontaire, et de Raymond Aron (1905-1983), courageux pourfendeur des totalitarismes à une époque où il était à la mode d’aimer l’URSS, on devrait savoir que la tyrannie avance souvent masquée.
Alexis de Tocqueville (1805-1859) faisait remarquer la difficulté des Français à dégager une idée claire et, surtout, une pratique de la liberté. Pour lui, la quête de liberté est en permanence entravée, en France par le souci non moins ancré d’égalité (au moins formelle). Et pour rester dans une réflexion libérale, on remarquera que l’Etat a souvent utilisé, depuis la Révolution, l’aspiration à l’égalité pour étendre son domaine d’intervention dans les affaires privées, aux dépens de la liberté civique.
On incrimine la longue tradition monarchique française. Mais force est de constater que les rois de France disaient “mes peuples” quand ils parlaient des Français et qu’ils ont encouragé depuis le Moyen-Age les libertés communales. Dans L’Ancien régime et la Révolution, Tocqueville souligne le contraste entre les innombrables limites au pouvoir des rois et la centralisation accélérée qui a commencé avec la Révolution.
On reproche aussi à Charles de Gaulle d’avoir forgé une “monarchie républicaine”. Pourtant, c’est le système politique républicain, revigoré après mai 1968, qui l’empêcha de faire la grande réforme de la régionalisation et de la décentralisation. Après le départ du général, ce même système républicain s’est empressé de rogner progressivement les pouvoirs réels du président: cohabitations, passage au quinquennat, recours très rares au référendum. Nicolas Sarkozy, François Hollande, Emmanuel Macron, chacun à leur manière, ont beaucoup gesticulé, avec de moins en moins d’efficacité à chaque nouveau président; en revanche, la période 2007-2021 est marquée par une poussée de centralisation sans précédent.
Et ce qui différencie Emmanuel Macron de ses prédécesseurs, c’est qu’il semble maîtriser les mécanismes à l’oeuvre.
On se rappelle comment, après l’explosion de Beyrouth, le 4 août 2020, Emmanuel Macron s’est rendu au Liban et a mis en demeure les élites politiques du pays de ramener l’ordre et la prospérité. D’ultimatum en conférence internationale sur sur le financement du pays, qu’a obtenu le Président français? La situation dramatique d’un pays ravagé par la corruption d’une partie des élites, les rivalités entre les grandes puissances et l’inflation a-t-elle changé? Jugé à l’aune de tous ces chefs d’Etat français qui l’ont précédé pour entretenir des relations historiques entre les deux pays, Emmanuel Macron a lamentablement échoué. Mais tel n’était pas l’objet de son déploiement d’activisme. Nicolas Sarkozy se jugeait encore comptable envers le peuple français; François Hollande avait encore un peu de mauvaise conscience sociale. Emmanuel Macron lui n’a plus de lien affectif avec la France, son histoire, ses institutions, son peuple. La France n’est qu’un tremplin, une scène à partir de laquelle le président français entend se faire sa place dans la nouvelle aristocratie internationale qui se constitue progressivement, depuis 1945, au travers de la gouvernance mondiale en construction. Evidemment, il lui faut être réélu; mais il semble mieux parti que ses deux prédécesseurs, paradoxalement, car il a décidé de jouer à fond du levier de la gouvernance mondiale – à travers l’Union Européenne et l’ordre sanitaire international.
Emmanuel Macron est le plus terrifiant des chefs d’Etat qui ait jamais gouverné la France parce qu’il est le premier qui n’éprouve rien pour son propre pays. Il évite de retourner en Amiens qui l’a vu grandir; il a supprimé l’ENA, qui a fait sa formation et sa carrière; il ne jure que par la “souveraineté européenne” et décrit ses compatriotes comme des “Gaulois réfractaires“, “des gens qui ne sont rien” etc… Et, depuis le début de la crise sanitaire, il ne se préoccupe pas de soigner les Français mais d’accélérer, grâce à des politiques sanitaires aussi rationnelles sur le papier qu’inefficaces en réalité, l’insertion de la France dans un gouvernement mondial; ou plutôt son intégration au noyau des décideurs qui, il en est convaincu, administreront le monde de demain avec quelques principes simples: vaccination obligatoire, pass numérique polyvalent, crédit social pour sélectionner les membres de l’élite, suppression des frontières pour détruire les nations par l’immigration, normes environnementales draconiennes, monnaie purement numérique gérée par une seule banque centrale etc…
Ce qui nous menace, ce n’est pas une dictature exercée sur les Français par un Français à la fois patriote et anti-démocrate ! Ce n’est pas un nouveau bonapartisme ni même un boulangisme ou un populisme autoritaire façon latino-américaine. C’est la destruction de la République et une liquidation de la nation au profit d’une immense construction impériale éventuellement constituée de quelques sous-ensembles mais administrée à coups de téraoctets, le plus souvent à des milliers de kilomètres des administrés.
Emmanuel Macron a saisi l’occasion de la crise sanitaire pour acquérir les leviers qui lui permettront de neutraliser la question de sa réélection. Elle sera acquise par défaut, parce que les adversaires politiques croient que jouent encore les règles de la République. Et parce qu’ils sont incapables d’analyser ce qui se passe.
J’appelle “fascisme gris” le système de pouvoir qui se met en place dans les pays occidentaux et dont Emmanuel Macron entend être le premier bénéficiaire en France:
Le grand problème des débats sur le basculement de régime que nous vivons, c’est qu’on n’a pas en tête la modernité du fascisme – comparé au communisme – largement fondé sur la coopération volontaire des administrés aux politiques de coercition et la sélection d’une élite complice dont on flatte les pulsions individualistes au service de la cause. Tout ce que nous a appris la réflexion sur le totalitarisme, depuis presque un siècle, c’est que ce dernier est d’autant plus efficace qu’il est indirect et se vêt des atours de la liberté.
Le système de domination dont nous parlons est puissant. Sans que cela ait été fait consciemment, les mondialistes britanniques ont pris leur revanche sur ce qui avait été leur première vraie défaite – le Brexit – en enfermant la Grande-Bretagne de Boris Johnson dans l’ordre sanitaire de la lutte contre le COVID 19. De manière tout à fait consciente, cette fois – et avouée – le fascisme gris américain s’est mobilisé pour annuler la réélection quasi-acquise de Donald Trump. Joe Biden incarne d’ailleurs la version la plus sénile de ce néofascisme.
On pourrait multiplier les exemples pour montrer comment on assiste à une généralisation de la technique du nudge, cette incitation indirecte et contraignante empruntée à l’économie comportementale. L’instauration du passe sanitaire obligatoire pour certains lieux et certaines catégories telle qu’Emmanuel Macron l’a mise en place lors de son discours du 12 juillet, relève de cette technique. Evidemment le processus est condamné à se durcir et déraper comme le montre le cas australien où le gouvernement devient de plus en plus enfermiste en poursuivant l’objectif illusoire du “zéro Covid”.
Qu’est-ce qui pourra bien faire obstacle à la dynamique de destruction de la démocratie mise en place par une élite occidentale qui s’est révoltée contre les peuples et qui fait sécession? Il y a bien entendu des limites à la réussite de ce système, internationalement parlant. La rivalité avec la Chine néo-maoïste est de plus en plus flagrante, jusqu’au sein des grandes instances internationales. Quelques nations resteront libres – on voit la résistance des peuples d’Europe centrale à l’ordre européen; la Russie, l’Inde et, sans doute le Japon refuseront de se plier aux injonctions qui leur sont faites.
Mais ce système est ainsi fait qu’il ne peut en fait qu’imploser de l’intérieur – s’il doit être détruit. Internationalement parlant, il peut très bien vivre, en effet, de connivence avec l’islamisme, dans une sorte de “guerre froide” avec la Chine et les quelques grandes nations libres, en organisant de temps en temps des interventions militaires à moitié “théâtrales” et à moitié mues par des intérêts économiques. En revanche, il peut être sérieusement remis en cause de l’intérieur:
Dans tous les cas, les raisons d’espérer et les failles du système qui se mettent en place sont nombreuses.
Source : Le Courrier des Stratèges - par Edouard Husson - Le 02/01/2023
L’image repérée par Bertrand Scholler dans le tweet reproduit ci-dessus est saisissante. On connaît Christine Kelly pour son indépendance d’esprit. Eh bien la voilà enrôlée dans la propagande occidentale, portant en ce 9 mai 2022 une veste jaune pour faire ressortir, sur le fond bleu du studio de télévision, les couleurs du drapeau ukrainien. Et cela sur CNews dont on vantait ou maudissait il y a quelques mois encore une certaine indépendance de ton.
Cet épisode montre la puissance de ce que j’ai appelé, voici quelques mois, le “fascisme gris”.
On est quelquefois effrayé de se relire. On voudrait avoir eu tort. En septembre 2021 j’écrivais:
“Ce qui nous menace, ce n’est pas une dictature exercée sur les Français par un Français à la fois patriote et anti-démocrate ! Ce n’est pas un nouveau bonapartisme ni même un boulangisme ou un populisme autoritaire façon latino-américaine. C’est la destruction de la République et une liquidation de la nation au profit d’une immense construction impériale éventuellement constituée de quelques sous-ensembles mais administrée à coups de téraoctets, le plus souvent à des milliers de kilomètres des administrés.
Emmanuel Macron a saisi l’occasion de la crise sanitaire pour acquérir les leviers qui lui permettront de neutraliser la question de sa réélection. Elle sera acquise par défaut, parce que les adversaires politiques croient que jouent encore les règles de la République. Et parce qu’ils sont incapables d’analyser ce qui se passe.
Malheureusement, aucun adversaire d’Emmanuel Macron n’est venu me donner tort.
Essayant de découvrir ce dans quoi nous sommes englués, je décrivais la tyrannie se déployant sur les modes d’un totalitarisme du “pouvoir gris” ouateux mais non moins mortifère que ses grands frères:
J’appelle “fascisme gris” le système de pouvoir qui se met en place dans les pays occidentaux et dont Emmanuel Macron entend être le premier bénéficiaire en France:
La guerre d’Ukraine vient donner un relief saisissant à ce “fascisme gris”. Elle en confirme tous les contours:
+ l’Ukraine est une projection quelque peu monstrueuse du “capitalisme de connivence”. L’implication de Hunter Biden dans la corruption du régime ukrainien ou dans le financement “public-privé” de la recherche sur les virus mortels représente une sorte de paroxysme de la “déviance des élites”.
+ L’Autriche, la Tchéquie, la Slovaquie ont déjà créé l’arsenal pénal pour éventuellement emprisonner qui ne relaie pas le récit officiel sur la guerre d’Ukraine. Et l’on imagine bien de tels outils se répandre.
+ Le contexte de “déclin démographique assumé” que je décrivais en septembre est pleinement présent dans le cas ukrainien puisqu’on nous fait l’éloge d’une nation dont le gouvernement ne cesse de faire fuir les classes moyennes – avant la guerre, neuf millions d’Ukrainiens avaient déjà émigré. Mais il faut citer aussi le recours aux femmes ukrainiennes depuis des années pour des GPA de confort en Occident.
+La présence de laboratoires de recherche dédié aux armes biologiques en Ukraine vient ajouter une pièce de plus
+ A la suite d’Emmanuel Todd, je parlais des “guerres théâtrales” menées par le fascisme gris. Peut-on imaginer plus “théâtrale” qu’une guerre apparemment menée par un acteur professionnel devenu président? Cette guerre menée par procuration depuis Washington a toutes les chances de se terminer par un échec, comme les guerres d’Irak, d’Afghanistan, de Libye, de Syrie – la puissance fasciste laissant derrière elle un chaos incommensurable.
+ l’existence de milices néo-nazies, qui jouent un rôle essentiel pour entretenir le conflit et empêcher toute négociation, est la signature ultime du “fascisme gris”. Voué aux gémonies après 1945, dans le cas ukrainien, une vie d’homme plus tard, le fascisme est réhabilité. On ne compte plus les articles de journaux ou les vidéos qui expliquent que, bon, oui, Azov ce serait sulfureux à l’origine mais maintenant ce sont surtout des combattants….Ceci n’est contradictoire ni avec le rôle joué par les milices d’extrême gauche dans le “fascisme gris”: on a vu maintes fois depuis le début du conflit les réseaux sociaux d’extrême gauche relayer les fake news du bataillon Azov. Plus profondément, on repère que le brandissement de l’identité ukrainienne est destiné à écraser toute autre identité nationale. Vous êtes sommés d’arborer les couleurs ukrainiennes comme le drapeau européen ou un badge woke. Le drapeau ukrainien est le nouveau drapeau internationaliste à la mode. Historiquement le fascisme a toujours cherché à dépasser la nation une fois qu’il en avait brandi les couleurs.
+ Au moment où Joe Biden est physiquement incapable de gouverner et où la Commission Européenne ne cesse d’étendre arbitrairement ses prérogatives, la guerre d’Ukraine est dirigée par des “technocrates”, ceux du Pentagone comme ceux de Berlaymont.
+ la réélection d’Emmanuel Macron, pour qui on vote d’autant plus que l’on est plus âgé, nous confirme si besoin était la réalité du pouvoir gris en Europe. Une classe d’âge qui a perdu de vue les besoins de l’économie pour croître accepte un système de sanctions qui détruit ouvertement déjà nos économies et qui risque de ruiner l’Europe.
+ il y a une inversion totale de la réalité par les mots. Le régime de Zelenski interdit une dizaine d’autres partis, sa police politique traque la moindre russophilie mais, lorsqu’on parle d’un régime autoritaire ou fasciste, on regarde vers la Russie et non vers l’Ukraine.
+ Enfin est-il besoin de souligner le lien étroit entre l’Ukraine et les fantasmes sexuels d’un Occident vieillissant. On pensera bien entendu à l’adulation envers Zelenski, dont la carrière d’acteur peut être affublée de la lettre X autant que le la lettre B, Plus tristement a guerre et le phénomènes des réfugiés ont aggravé encore – si cela était possible – le recrutement des jeunes Ukrainiennes pour des réseaux de prostitution en Europe de l’Ouest.
Emmanuel Macron était venu parler de l‘avenir de l’Union Européenne pour le 72è anniversaire de la déclaration Schuman. Les députés européens ont eu droit en prime à une chorégraphie intitulée “Dans l’Europe”. Stupéfiante illustration du “fascisme gris” (voir la vidéo dans le tweet ci-dessus):
+ une voix faussement bienveillante dit aux jeunes danseurs ce qu’ils doivent faire comme mouvements; à l’image de ces médias partie intégrante du système qui expliquent aux citoyens ce qu’ils doivent penser.
+ la danse proposée ne relève d’aucune tradition, d’aucun style, d’aucun genre de chorégraphie. Elle est médiocre et sans relief, à l’image des monuments virtuels des billets d’euro.
+ peut-on mieux faire voir l’insignifiance des parlements dans la vision de nos dirigeants? Le Parlement européen n’est pas un lieu où débattre de l’avenir de l’Europe mais un lieu où l’on applaudit le pouvoir exécutif…ou bien des danseurs. Caligula avait bien nommé son cheval sénateur!
+ Comment mieux souligner les oscillations aberrantes de notre civilisation occidentale vieillissante? L’UE encourage la guerre de l’Ukraine contre la Russie et elle propose une danse de bisounours en son Parlement. Il y a un an tous nos dirigeants demandaient que nous nous cachions sous la table par peur d’un virus modérément dangereux sauf pour les personnes âgées et aujourd’hui on pratique une surenchère coupable pour alimenter la logique de guerre. L’Union Européenne ne cesse de parler d’inclusion et de diversité mais elle entend se souder sur l’exclusion (de la Russie) et le refus de la diversité (multiethnique au sein de la nation russe).
En somme, Emmanuel Macron aurait voulu signifier l’absence d’enracinement, d’esthétique, d’âme du “fascisme gris”, il ne s’y serait pas pris autrement. Le 9 mai 1950, Robert Schuman et Konrad Adenauer parlaient comme deux chrétiens qui voulaient réenraciner la communauté des nations européennes dans un terreau carolingien chrétien commun.
Emmanuel Macron, lui, convoque une chorégraphie pesamment didactique, qui doit symboliser l’inclusion, la diversité mais aussi le développement personnel. Une thérapie de groupe tandis que des gens meurent en Ukraine et que l’OTAN jette de l’huile sur le feu pour empêcher les négociations.
En réalité, on ne pouvait imaginer de contraste plus saisissant avec la Fête de la Victoire et les “Marches des Immortels” qui se sont déroulées, ce même 9 mai 2022 à Moscou et dans la plupart des pays qui ont donné des hommes à l’Armée Rouge. (A suivre)
Source : Le Courrier des Stratèges - par Edouard Husson - Le 30/05/2023.
Juste après la mise en place du “passe sanitaire” par Emmanuel Macron à l’été 2021, j’avais proposé de désigner le régime occidental actuellement dominant en Occident comme “fascisme gris“.
En 1989-90, les apprentis-historiens intéressés par le totalitarisme se mettaient à travailler sur les crimes du communisme. Pour ma part, venant d’une famille où l’on avait toujours parlé des crimes du communisme sine ira et studio, je me suis tourné dès cette époque vers l’histoire des fascismes, en particulier du nazisme. J’étais déjà frappé à cette époque par le fait que notre modernité occidentale fût bien plus vulnérable à une réédition du fascisme qu’à un nouveau communisme.
Par bien des aspects le fascisme était plus en phase avec la modernité occidentale que le communisme. Ce à quoi nous assistons, c’est précisément la dérive proprement fasciste des gouvernements de tous les pays qui, jusqu’en 1990, se flattaient d’être “le monde libre”. Situation paradoxale seulement en apparence, ce nouveau fascisme surgit dans des pays vieillissants, qui ne vivent plus la guerre que par procuration. Mais l’enthousiasme déchaîné par le personnage de Zelenski et la cause ukrainienne, signe notre néo-fascisme: apparemment rien ne nous gêne de toutes les caractéristiques archéo-fascistes du système de Kiev. (On lira à ce propos les remarquables études de Laurent Brayard (que l’on trouvera sous le rubrique Analyses dans Donbass Insider).
Au fond, nous avouons la parenté de l’Occident actuelle avec ce mouvement de l’entre-deux-guerres et de la Seconde guerre mondiale que nous prétendons détester. Nos politiques, nos médias, nos experts poussent des cris d’horreur à chaque fois qu’ils croient voir de “l’extrême droite” à domicile. En revanche, ils se prosternent devant Zelenski pour l’adorer. Et si cela voulait dire que l’épouvantail extrême-droitiste n’était qu’un leurre, qui dissimule, depuis plus d’une génération, la dérive proprement fasciste qui caractérise l’Occident?
La guerre d’Ukraine joue un rôle de dévoilement puisque, par contrecoup, elle fait ressortir d’autant plus fortement les autres caractéristiques fascistes du système qui gouverne actuellement l’Occident. C’est le moment de rappeler que le fascisme italien a commencé à gauche; que le grand Hayek a pris au sérieux le “socialisme” du NSDAP, comme l’une des branches du socialisme européen; et que, surtout, il existe un substrat proprement fasciste dans tous les pays où se produit, à partir des années 1850, une sortie du protestantisme, à commencer par le monde anglo-américain.
J’appelle “fascisme gris” le système de pouvoir qui se met en place ouvertement depuis une trentaine d’années dans les pays occidentaux – mais dont on peut identifier les racines dès la fin du XIXè siècle – et dont Emmanuel Macron est devenu le visage en France. Ce système politique est l’expression totalitaire du progressisme occidental entré en phase terminale. Comme tel, je le distingue du communisme à l’âge digital de Xi Jinping ou d’un système islamiste post-totalitaire comme l’Iran.
Ce néo-fascisme est “gris” parce qu’il veille à rester indéfinissable, en termes de régime politique, nie sa propre essence, dictatoriale, et conserve autant que possible, les apparences de la démocratie. Mais c’est l’une des caractéristiques du fascisme – sa grande différence avec le communisme – que de vouloir apparaître “présentable”, sauver les apparences. En tout cas chez soi. Car, à l’extérieur, de ses frontières, le fascisme est toujours prêt à commettre toutes les horreurs: qu’il s’agisse des guerres d’Irak de la famille Bush ou du fanatisme des époux Clinton à vouloir imposer l’avortement comme un moyen universel de régulation des naissances.
Nous parlions de la famille Bush. L’histoire est bien connue. Rappelons-la avec Matthew Ehret: “Prenons l’étrange cas de Prescott Bush comme point de départ utile.
Le patriarche de la dynastie Bush, qui a donné au monde deux présidents américains désastreux, s’est fait un nom en finançant le nazisme aux côtés de ses partenaires commerciaux Averell Harriman et E. Roland Harriman, le frère cadet d’Averell (ce dernier devait recruter Prescott pour Skull and Bones alors qu’ils étudiaient tous deux à Yale). Non seulement Prescott, en tant que directeur de Brown Brothers Harriman, a accordé de précieux prêts pour maintenir à flot le parti nazi en faillite lors de la perte de soutien d’Hitler en 1932, lorsque le général antifasciste Kurt von Schleicher a été nommé chancelier, mais il a même été reconnu coupable de “commerce avec l’ennemi” en tant que directeur de l’Union Banking Corporation en 1942 !
C’est bien cela ! Onze mois après l’entrée de l’Amérique dans la Seconde Guerre mondiale, le gouvernement fédéral a naturellement mené une enquête sur toutes les opérations bancaires nazies aux États-Unis et s’est demandé pourquoi Prescott continuait à diriger une banque qui était si profondément liée à la Bank voor Handel en Scheepvart de Fritz Thyssen aux Pays-Bas.
Pour ceux qui l’ignorent, Fritz Thyssen est le magnat de l’industrie allemande célèbre pour avoir écrit le livre “J’ai payé Hitler”.
La banque elle-même était liée à un combinat allemand appelé Steel Works of the German Steel Trust, qui contrôlait 50,8 % de la fonte brute de l’Allemagne nazie, 41,4 % de sa tôle universelle, 38,5 % de son acier galvanisé, 45,5 % de ses tuyaux et 35 % de ses explosifs. En vertu du Vesting Order 248, le gouvernement fédéral américain saisit toutes les propriétés de Prescott le 22 octobre 1942.
En effet, la Standard Oil de Rockefeller avait créé un nouveau cartel international avec IG Farben (la quatrième plus grande entreprise du monde) en 1929 dans le cadre du plan Young. Owen Young était un actif de JP Morgan et un directeur de la Fondation Rockefeller qui dirigeait General Electric.
En 1928, Young a mis en place un plan de remboursement de la dette allemande qui a donné naissance à la Banque des règlements internationaux (BRI) et a consolidé un cartel international d’industriels et de financiers pour le compte de la City de Londres et de Wall Street. Le plus important de ces cartels a vu les activités allemandes d’Henry Ford fusionner avec IG Farben, les industries Dupont, la Shell britannique et la Standard Oil de Rockefeller. L’accord de 1928 a également permis à la Standard Oil de céder à IG Farben tous les brevets et technologies relatifs à la création d’essence synthétique à partir du charbon, permettant ainsi à l’Allemagne de passer d’une production de 300 000 tonnes de pétrole naturel en 1934 à une production incroyable de 6,5 millions de tonnes (85 % de sa production totale) au cours de la Seconde Guerre mondiale !
Si ce transfert de brevet/technologie n’avait pas eu lieu, la guerre mécanisée moderne qui a caractérisé la Seconde Guerre mondiale n’aurait jamais pu se produire.
Deux ans avant le début du plan Young, JP Morgan avait déjà accordé un prêt de 100 millions de dollars au nouveau régime fasciste de Mussolini en Italie[1] – le faiseur de rois du Parti démocrate Thomas Lamont jouant le rôle de Prescott Bush dans l’opération italienne de Wall Street. JP Morgan n’était pas le seul à aimer le fascisme d’entreprise de Mussolini : Henry Luce, du Time Magazine, s’est félicité de sa décision de mettre Mussolini en couverture du Time à huit reprises entre 1923 et 1943, tout en promouvant sans relâche le fascisme comme la “solution miracle économique pour l’Amérique” (ce qu’il a également fait dans ses deux autres magazines, Fortune et Life).
Nous avons choisi l’une de ces couvertures, en photo de tête au présent article: elle date….du 21 juin 1943 !
Comme le fascisme historique, le système qui se met en place est fondé sur l’alliance entre les grandes entreprises, les grandes fortunes, la haute fonction publique, les élites culturelles, politiques, militaires, les grands médias, pour confisquer le pouvoir à leur profit.
Le “fascisme gris” est une version avancée du capitalisme de connivence. Mais sa lignée est bien identifiable. Dans L’Aigle et le Léopard, récemment paru, Eric Branca rappelle de manière opportune comment la finance britannique et américaine a largement financé le fascisme italien et le national-socialisme en ascension. Montagu Norman, maître de la Banque d’Angleterre, a passé alliance avec Benjamin Strong de la Fed et Hjalmar Schacht, de la Reichsbank, pour construire la base d’une coopération des banques centrales au service d’un projet qui échappât au contrôle parlementaire et au respect des traités internationaux.
Dans Liberal Fascism, Jonathan Goldberg montre comment le progressisme américain, largement inventé par Wilson et progressivement mis en place par le parti démocrate américain tout au long du XXè siècle, est, dans sa rhétorique, dans ses références économiques, dans ses manipulations monétaires, un cousin du fascisme.
Joël Kotkin a raison de souligner ce qui différencie le “fascisme gris” du néo-maoïsme de Xi Jingping. En Chine, l’Etat est aux commandes, en Occident ce sont de très grandes entreprises qui donnent le la, tout en favorisant l’éclatement des services de l’Etat en différentes factions: pensons à la quasi-autonomie de la CIA, qui mène une guerre parallèle à celle du Pentagone en Ukraine. La privatisation, la néo-féodalisation de l’Etat sont des caractéristiques du premier fascisme. Elles sont visibles dans le “fascisme gris”.
Mais il faut aller plus loin. Le fascisme, ce lui des années 1920 comme le nôtre, est rendu possible par la production apparemment illimitée de “papier-monnaie” – en fait la confusion entre le crédit et la monnaie (historiquement métallique). Le fascisme a toujours détesté l’étalon-or et l’idée d’un système monétaire non manipulable. Du banquier de Hitler, Hjalmar Schacht aux banquiers centraux d’aujourd’hui, il y a la mise en place d’un système intégral de “fiat currency”, destiné à permettre toutes les manipulations politiques et économiques. Ce n’est pas un hasard si la Banque des Règlements Internationaux, créée pour escamoter la question des réparations allemandes en 1928, est devenue aujourd’hui la clé de voûte du fascisme monétaire abouti: le système de l’étalon-dollar.
Fondé sur le potentiel de contrôle maximal des outils numériques, le “fascisme gris” repose sur ce que Shoshana Zuboff appelle capitalisme de surveillance. Lorsqu’ils ont parlé des liens entre capitalisme et fascisme, les marxistes ont, comme souvent, senti quelque chose mais sans savoir l’analyser. La question n’est pas de savoir lequel domine détermine l’autre, du capitalisme de connivence ou de l’Etat: les deux évoluent de concert pour constituer un système de pouvoir où l’Etat est partiellement privatisé et un système de grandes entreprises qui ont quasiment tué l’économie de marché pour que les “gros” puissent aspirer le produit de l’impôt et la création monétaire à leur seul profit.
Le fascisme historique s’est construit sur la montée en puissance des technocrates. Bruno Rizzi, qui avait fui l’Italie fasciste puis James Burnham, auteur du livre bien connu, The Managerial Revolution, ont dressé le portrait, dès les années 1930, d’une “bureaucratisation du monde”. La grande entreprise est depuis longtemps le lieu d’une surveillance de ses employés. Elle est devenue aujourd’hui, l’un des lieux d’embrigadement idéologique (woke) les plus marqués.
Le capitalisme de connivence et de surveillance est à la pointe de la fabrication et de la diffusion d’outils de contrôle des citoyens et des sociétés. Il est moteur dans la mise en place d’une censure de la liberté d’expression. Il pousse les outils de surveillance des individus le plus loin possible. Le développement des outils numériques lui a donné une forte impulsion et le fait rêver d’un contrôle total des individus. Tout comme la monnaie numérisée devrait permettre de surveiller les moindres dépenses des individus et, éventuellement, de les orienter ou de les restreindre.
Le “fascisme gris” est fondé, comme le nazisme, sur une ambition prométhéenne de contrôle de la démographie – transposé à l’échelle mondiale. Ses penseurs analysent les défis environnementaux selon les termes d’une version à pleine modernisée de “l’espace vital”. A cela, rien d’étonnant. Le malthusianisme est une invention britannique. Le social-darwinisme, l’eugénisme ont conquis l’espace anglophone et scandinave avant même que l’Allemagne nazie ne les portent au gouvernement.
Après 1945, on n’a pas vraiment dénazifié les mentalités anglo-américaines de ce point de vue! L’obsession de la surpopulation de sociétés considérées comme sous-éduquées a été un moteur puissant pour répandre ce que le pape Jean-Paul II appelait une “culture de mort”. On lira à ce propos les livres du Père Michel Schhooyans qui révélait, dès les années 1980 combien, derrière le discours d’émancipation des femmes du monde entier grâce à la contraception et à l’avortement, le gouvernement américain et l’ONU poursuivaient une politique d’extinction d’une partie de la population mondiale.
Là encore, il y a des ressemblances avec le communisme chinois et sa “politique de l’enfant unique”. Cependant, la caractéristique du “fascisme gris”, c’est qu’il justifie non pasr des motifs économiques mais par un racialisme plus ou moins explicite la mission de “l’homme blanc” (des années 1950 aux années 1990) ou de son successeur antiraciste éventuellement métissé ou faire-valoir des “minorités de couleur” (montée du wokisme comme nazisme inversé): piloter, au nom de l’avenir de la planète (nouveau nom de “l’espace vital”) la régulation des naissances par le “planning familial” (rappelons-nous l’eugénisme de Margaret Sanger) ou des ambitions douteuses de vaccination universelle d’un Bill Gates.
L’écologisme punitif fait partie du tableau. Pour mieux comprendre la manière dont le nazisme a porté au pouvoir un mélange explosif d’écologie, d’antispécisme, d’eugénisme et de contrôle social par une médecine instrumentalisée, on lira les enquêtes stimulantes de Mikko Paunio. (Il a en particulier établi les liens de l’écologiste fondamentaliste finlandais Pentti Linkola avec Heinrich Himmler).
Ici même, Jean Goychman, a publié plusieurs article sur la naissance de l’écologie punitive moderne, sous l’impulsion de la Fondation Rockefeller et des architectes de la finance occidentale, pour insuffler la peur à la population du monde après la fin de la Guerre froide et poser les bases d’un gouvernement mondial à même d’imposer l’écologie punitive moderne, qui est au nazisme ce que le fascisme gris est au fascisme des années 1920. Il a montré le rôle clé d’un Maurice Strong pour faire cristalliser le mouvement.
On se reportera aussi à la pénétrante étude sur l’éco-terrorisme, là encore de Matthew Ehret. Les fascistes qui s’emparent des gouvernements et des institutions internationales pour imposer un agenda éco-punitif ont leurs chemises brunes, ou plutôt vertes!
Il reste à proposer une analyse globale qui intègre toutes les dimensions: vieux fond du malthusianisme, social-darwinisme, eugénisme, instrumentalisation de la médecine, éco-fascisme. A l’occasion de la crise du COVID, le “fascisme gris” a tombé le masque un peu trop vite. A vouloir utiliser une crise épidémique pour en faire le prétexte de mise en place d’un gouvernement mondial proprement fasciste, un certain nombre de “sapeurs” de l’ordre politique des sociétés libres ont pris un peu trop vite leurs désirs pour des réalités.
Nous proposons, depuis plus de deux ans, au Courrier des Stratèges, un décryptage des politiques sanitaires mondiales comme politiques de contrôle, qui doivent servir elles aussi, à l’établissement d’un gouvernement mondial. Le cas de la vaccination contre le COVID, en Occident, est intéressant dans la mesure où la constellation Big Pharma/agences gouvernementales agissant hors du contrôle politique voir contre lui, /organisations internationales exprime bien la réalité du “fascisme gris”.
Le “fascisme gris” a sa dystopie, comme le nazisme. La planète doit être aménagée pour une minorité de “seigneurs” ayant accès aux technologies du transhumanisme pour acquérir l’immortalité tandis que le reste de la population doit être soumis au contrôle des naissances et à des logiques mortifères de décroissance. Si l’on pense que j’exagère, j’ai entendu de mes propres oreilles Jeffrey Sachs expliquer dans un cadre universitaire que la terre se porterait mieux avec 250 ou 300 millions d’humains seulement.Au lieu des 7 milliards.
Plus proche, cette fois, du modèle mussolinien que de la référence hitlérienne, le “fascisme gris” met en scène des guerres “théâtrales” – qu’il a d’ailleurs autant de mal à gagner que l’Italie des années 1930, comme le montre le fiasco afghan, déjà acté ou, celui, encore nié par les médias, de la guerre d’Ukraine.
A première vue, le “fascisme gris” a pris ses distances avec le culte de la guerre qui caractérisait les années 1920 et 1930 en Allemagne et en Italie. En réalité, on ne comprend pas le fascisme italien, ni même son homologue allemand, si l’on fait abstraction d’un décalage très important entre l’exaltation verbale de la guerre et l’adulation des populations pour leurs dictateurs tant qu’ils gagnaient leurs batailles diplomatiques sans avoir besoin de faire la guerre. La popularité de Mussolini baisse quand il s’aligne sur l’Allemagne nazi et déclenche des guerres qu’il perd. Quant à Hitler, il n’a jamais été aussi populaire qu’entre la signature des accords de Munich, fin septembre 1938, et l’inespérée victoire contre l’armée française, en juin 1940.
Les Etats-Unis aiment faire la guerre pourvu qu’elle coûte “zéro mort” ou presque au pays. Cela fait longtemps que les sociétés européennes ont abandonné tout effort sérieux de défense nationale. Mais cela n’empêche pas une Ursula von der Leyen ou un Josep Borrell de tenir des discours de va-t-en-guerre qui feraient rire s’ils ne se soldaient pas, en l’occurrence, par la mort ou la mutilation à vie de centaine de milliers d’Ukrainiens qui vont se battre non pour l’indépendance de leur pays mais pour le maintien des privilèges de la caste fasciste occidentale.
Avec la guerre d’Ukraine, le “fascisme gris” nous offre un cas d’école: l’exaltation par procuration du nationalisme ukrainien, qui vit en grande partie d’un culte de la guerre remontant la la Seconde Guerre mondiale combattue du côté allemand. Les Etats-Unis et l’Union Européenne ont laissé prospéré les bataillons néo-fascistes en Ukraine occidentale et centrale. Non seulement nos gouvernants, nos experts de plateau télévisé, nos médias subventionnés ne semblent pas gênés par les emblèmes nazis d’un certain nombre d’unités paramilitaires kiéviennes. Mais ils détournent le regard ou se bouchent les oreilles quand on essaie de leur parler du rôle de ces milices dans les enrôlements forcés. Ou quand on évoque le degré de coercition qui maintient aujourd’hui la société ukrainienne dans un régime de terreur.
Les fascismes n’exaltaient leur nation que pour mieux la dépasser: dans un nouvel “empire romain” ou dans la fusion des races nordiques. Aujourd’hui, nous avons une situation qui n’est aberrante qu’en apparence, si l’on ne connaît pas la véritable histoire du fascisme; les Européens d’aujourd’hui exaltent Zelensky à la manière dont les Italiens fêtaient Mussolini; tant que la guerre restait loin ou objet de discours.
Le “fascisme gris” est allé au bout de la mutation entamée après 1945; de nationaliste, il est devenu internationaliste; de raciste il est devenu antiraciste. Ses milices se disent “antifa” mais dès qu’on les laisse faire elles emploient une violence de rue stratégiquement pensée au service du pouvoir débouchant immanquablement sur un désir d’ordre dans les populations – selon une mécanique dont Mussolini l’ancien homme d’extrême gauche, avait expérimenté le succès.
En réalité tout se trouve déjà dans les entretiens de Hitler avec Hermann Rauschning, dans lesquels le dictateur explique à celui qui était à l’époque maire de Dantzig, que le nationalisme est une réalité bientôt dépassée. Ou dans les écrits où Heidegger, déçu par un Hitler qui n’aurait pas été à la hauteur, selon lui, des enjeux, déclare attendre l’avènement du “meilleur nazisme”.
Le “fascisme gris” est même allé plus loin: il dénonce en permanence “l’extrême-droite”. Il rejette de manière démonstrative et théâtrale tout ce qui caractérise l’échec et les crimes du fascisme historique. Mais c’est pour mieux dissimuler que la plus grande partie du fascisme a survécu, au cœur du monde occidental, en se métamorphosant.
Les générations à venir seront sans pitié avec nos sociétés en perdition intellectuelle et morale où ceux qui dénoncent à longueur de discours l’épouvantail médiatiquement entretenu de “l’extrême droite” (rarement fasciste, le plus souvent poujadiste, populiste ou fidèle au culte républicain de la patrie) sont les mêmes qui acceptent voire plébiscitent le fascisme moderne: le militarisme des guerres d’ingérence, le capitalisme de connivence, la fiat currency, l’écologie punitive, la surenchère permanente des lois sociétales etc….
John Laughland, et bien d’autres auteurs depuis son ouvrage fondamental de 1997, The Tainted Source, que j’ai traduit en français au début des années 2000, sous le titre La liberté des nations, ont montré l’importance qu’eut pour le fascisme italien ou allemand, la perspective d’une unification de l’Europe qui dépasse les nations!
Beaucoup de fascistes, de nazis, de collaborateurs, se sont recyclés plus facilement, après 1945, non seulement grâce à la Guerre froide et l’anticommunisme mais aussi grâce à l’exaltation d’une technocratie européenne permettant de dépasser les nations, selon un modèle pensé en pleine guerre et dans la collaboration.
On ne comprend pas l’absence de démocratie dans la construction européenne si on ne voit pas cette filiation (partielle) venue du fascisme. Et il vaut la peine de reposer la question: où sont les “fascistes”, de nos jours? Dans les partis souverainistes ou populistes ou bien dans cette technocratie européenne qui fait revoter les peuples quand ils ont dit non à un texte européen? Dans la droite nationiste ou bien dans le “Green Deal” d’une Ursula von der Leyen? Chez ceux qui ont refusé la répression sanitaire lors du COVID ou bien chez ces gouvernements qui ont acheté sans aucun contrôle des vaccins par milliards de doses à Big Pharma ?
Le néo-fascisme qui s’est emparé de nos sociétés est gris comme le “pouvoir gris“, le vote des classes âgées, dont il a tiré à l’origine sa puissance électorale. Il s’est imposé dans des populations vieillissantes, en flattant le désir de stabilité (apparente)de la rente et de monnaie prétendument forte, aux dépens de l’investissement, de l’éducation et des jeunes générations. Macron est le visage autoritaire et apparemment énergique du pouvoir gris, qui l’a élu en 2017 et réélu en 2022.
Les générations qui constituent le socle électoral du “fascisme gris” n’ont pas complètement abandonné le culte de la jeunesse des lointains prédécesseurs. Elles entendent rester jeunes le plus âgées possible. Leur culte du corps aurait peut-être fait sourire les SS. A moins qu’il ne soit que l’image de ce qu’auraient donné les générations fascistes vieillissantes. Quand on regarde les classes moyennes supérieures des sociétés occidentales, on est frappé par leur dureté, leur cruauté. C’est quelque chose que Michel Houellebecq a parfaitement senti et fait revivre dans ses romans.
La cruauté dont nous parlons se voit bien entendu dans l’indifférence aux victimes des guerres menées par l’Occident. A l’abri de ce qu’il a pensé être, pendant longtemps, une machine militaire inexpugnable, le fascisme gris a prétendu imposer son système au monde entier. Sa monnaie et ses “valeurs”. Pendant longtemps, il a d’ailleurs bombardé de petits pays qui refusaient soit ses “valeurs” (la Serbie de Milosevic ou l’Afghanistan des Talibans), soit sa monnaie; le dollar (renversement et meurtre de Saddam Hussein qui voulait vendre son pétrole en euro; assassinat de Kadhafi qui voulait créer un dinar africain gagé sur l’or. Et les bénéficiaires du système occidental, si prompts à évoquer la mémoire des victimes du totalitarisme, n’ont pourtant jamais versé une larme sur les enfants irakiens victimes de l’embargo (au contraire, l’ancien secrétaire d’Etat américain Madeleine Albright expliqua un jour à la télémvision que leur mort était le prix à payer pour faire plier le régime de Saddam Hussein).
En creusant l’analyse, on arrive à identifier le “sadisme”, au sens du marquis de Sade, comme absolument central, essentiel au “fascisme gris”
Une des caractéristiques du “fascisme gris” est que beaucoup des valeurs qu’il entend imposer tournent autour de sexualités “post-modernes”. L’idéologie du genre repose sur un transfert du volontarisme fasciste de la collectivité à l’individu. Mais il s’agit toujours de se créer une “identité”. Il est d’ailleurs fasci-nant non seulement de constater comme des groupes entiers sont passés de l’hyperprotection face au COVID à des déclarations exaltées en faveur de la guerre; mais aussi de voir des drapeaux ukrainiens lors… des gay prides.
Le “Make Love Not War” de 1968 a laissé la place au fantasme sur la guerre et ses cruautés comme un “aphrodisiaque”. J’avais identifié ce transfert, en compagnie de Michel Terestchenko lorsque, dans Les Complaisantes, nous avions analysé le succès (malsain) du (très mauvais) roman de Jonathan Littel, Les Bienveillantes, où l’auteur pratiquait un écœurant voyeurisme, ouvertement sexuel, tandis qu’il décrivait les corps suppliciés des victimes des nazis. Et ceci en Ukraine!
Il faut prendre au sérieux les digressions philosophiques de Sade! Le fascisme y est déjà formulé tout entier. Relisez le “divin marquis” et vous y comprendrez mieux l’enchevêtrement contemporain, comment le “fascisme gris” a pu surgir au croisement de l’idolâtrie de l’argent néo-libérale, du culte de la guerre hérité du fascisme historique et de la révolution sexuelle occidentale (dont le penchant sado-masochiste est très caractéristique, bien différents des orgies romaines immortalisées en quelques phrases par Spengler ou de l’érotisme chinois analysé par Robert van Gulik).
Le “fascisme gris” a fait son auto-portrait dans “cinquante nuances de gris” livre et film culte de classes moyennes supérieures fascinées par le sado-masochisme. Christian Grey est le symbole archétypique de l’élite mondialiste et le contrat qui le lie à la jeune Anastasia Steele – un contrat sans cesse remise en cause et reformulé par le renforcement de la pulsion dominatrice de Grey – est le symbole parfait de la manière dont les élites mondialistes et leurs soutiens “bobos” conçoivent le gouvernement des peuples. Le passe sanitaire en est une transposition au domaine de la santé.
Le grand problème des débats sur le basculement de régime que nous vivons, c’est qu’on n’a pas en tête la modernité du fascisme – comparé au communisme – largement fondée sur la coopération volontaire des administrés aux politiques de coercition et la sélection d’une élite complice dont on flatte les pulsions individualistes au service de la cause. Tout ce que nous a appris la réflexion sur le totalitarisme, depuis presque un siècle, c’est que ce dernier est d’autant plus efficace qu’il est indirect et se vêt des atours de la liberté.de ce point de vue, les fascismes sont plus modernes, dans leur fonctionnements, que les communistes. Et le “fascisme gris” que nous vivons a poussé jusqu’au bout les pratiques modernes de ses prédécesseurs.
La question se pose, malgré tout, d’une radicalisation, dans les mois à venir, du “fascisme gris”. L’inéluctable défaite dans la “guerre menée jusqu’au dernier Ukrainien” et le basculement géopolitique du monde – l’Amérique latine, l’Afrique, la plus grande partie de l’Asie rejettent la manière typiquement fasciste dont l’Occident gère les relations internationales: reniement de la parole donnée, incapacité de respecter les frontières reconnues par les traités, recours à la guerre dès que l’on n’obtient pas ce qu’on veut – posent la question d’une radicalisation…..
Comme je le montre dans mes chroniques géopolitiques, la partie est perdue pour l’Occident. Du coup, ce dernier va-t-il être tenté de compenser sa défaite extérieure par une radicalisation au sein des sociétés qu’il domine?
La dédollarisation en cours du monde débouche-t-elle inévitablement sur le dollar et l’euro numérique conçus comme des instruments de renforcement du capitalisme de connivence et de surveillance? Va-t-on aboutir, du fait de l’échec des sanctions contre l’Ukraine, à une concentration toujours plus forte du capital occidental au profit du capitalisme de surveillance et de connivence ? Est-on condamné à une militarisation croissante de l’économie – ce qui d’ailleurs ramènerait le danger de guerre ?
Le passe carbone, l’hystérisation croissante du discours sur l’écologie, la mise en scène d’une nouvelle pandémie. Tout est envisageable, dans les prochains mois. Attendons-nous à une censure accrue, à une surveillance renforcée des individus, à la fuite en avant dans les lois dites sociétales. Elle risque d’être d’autant plus frénétique que l’establishment perd la main.
Il est probable, en particulier, que le cœur du “fascisme gris”, aux États-Unis fera tout pour empêcher un retour de Donald Trump à la Maison Blanche. Mais attendons-nous aussi à un renforcement de la fuite en avant des hauts fonctionnaires européens dans une fédéralisation des institutions. Et, en France, à la multiplication des entorses à la constitution par le régime Macron.
Cependant, quand nous savons nommer l’adversaire, il est plus facile de le combattre.
Source ! Le Courrier des Stratèges - par Edouard Husson - Le 18/07/2023.
Juste après la mise en place du “passe sanitaire” par Emmanuel Macron à l’été 2021, j’avais proposé de désigner le régime politique actuellement dominant en Occident comme “fascisme gris“. J’avais trouvé emblématique au plus haut point la prestation du chef de l’État, annonçant avec l’énergie qui le caractérise, son intention de piétiner, en respectant les apparences, le code de Nuremberg. Rappelons de quoi il s’agit :
Le « code de Nuremberg » est le fondement d’une médecine expérimentale humaniste. Il s’agit d’une liste de dix règles, contenue dans le jugement du procès des médecins nazis à Nuremberg (décembre 1946 – août 1947), qui précise les conditions auxquelles doivent satisfaire les expérimentations pratiquées sur l’être humain pour être considérées comme « acceptables » :
Au mois de juillet 2021, les injections à ARN messager proposées par Pfizer et Moderna étaient encore en phase expérimentale. Elles avaient déjà montré un nombre d’effets secondaires inquiétants. Le public n’en était pas informé, même si de nombreux médecins et biologistes avaient publié, sur des médias libres, des avertissements.
Personne n’a jamais expliqué aux Français, à l’époque, pourquoi ils devaient avoir recours à ces injections-là ; alors qu’il existait un vaccin russe et des vaccins chinois, eux aussi en phase expérimentale mais qui ne leur étaient pas proposés. Les vaccins chinois étaient de facture classique, tandis que Pfizer et Moderna proposaient des produits d’un type nouveau, dont l’impact ne pouvait pas être pleinement mesuré. Et pourtant Emmanuel Macron introduisait une vaccination quasi-obligatoire pour ces seuls produits, les autres étant inaccessibles aux Français.
Il ne l’affirmait pas comme obligatoire, pour échapper à d’éventuels risques pénaux. Mais cette vaccination devenait de fait une obligation : d’abord pour tous les personnels de santé, menacés de suspension, s’ils n’y procédaient pas pour eux-mêmes ; ensuite pour beaucoup de nos concitoyens, qui n’avaient pas le temps ni les moyens pour s’informer objectivement, ni, a fortiori, pour s’opposer à la volonté d’un employeur.
Je reviens à l’image du président prenant la parole, ce soir-là, avec la Tour Eiffel en décor de fond. L’homme exsudait la volonté de puissance qui le caractérise. Il exprimait, comme fréquemment depuis qu’il est président, sa parfaite indifférence aux principes éthiques sur lesquels reposait le serment de 1945 : “Plus jamais le fascisme”. Et il obtenait, dans les jours qui suivaient, le soutien sans faille de cette population âgée, qui le soutient depuis son arrivée en politique. C’est en pensant à ce “pouvoir gris” qui a en quelque sorte gelé ce qui reste de débat démocratique occidental, que m’est venue l’expression de “fascisme gris”.
Le travail d’analyse que j’ai opéré depuis deux ans à partir de cette notion m’en a montré l’utilité. Je suis même allé beaucoup plus loin que je ne l’aurais imaginé dans la compréhension du moment que nous vivons en Occident.
Il y a eu la collaboration de nombreuses personnes -journalistes, médecins, restaurateurs, employeurs, juges, membres des forces de l’ordre, évêques etc… – à l’escalade dans la dictature sanitaire. J’ai refusé de me faire vacciner dans les conditions imposées par le fascisme gris. Pour avoir accès aux transports, je devais me faire tester. Un jour, la pharmacienne chez qui j’effectuais mes tests, m’a dit: “Je vous comprends! Si vous saviez ce que nous voyons comme effets secondaires chez les personnes que nous vaccinons”. J’ai laissé parler cette dame, qui avait besoin de raconter la vérité; je trouvais dans son récit la confirmation de toutes les informations que nous publiions à l’époque dans Le Courrier des Stratèges.
Les semaines, les mois ont passé. Le corps social a fini, instinctivement, par se méfier: on observa une chute du nombre de personnes prenant une “troisième dose”. Mais le mal était fait. D’une part des centaines de milliers de personnes sont décédées (d’infarctus et d’AVC soudains ou de rechutes foudroyantes dans des cancers qu’elles croyaient guéris) ou souffrent d’effets secondaires graves, qui les empêchent désormais d’avoir une vie normale. D’autre part, l’opposition politique s’est en partie effondrée.
Au nom d’une conception dévoyée de la science, la gauche a surenchéri sur l’injonction présidentielle. Quant à la droite – sauf Marine Le Pen, mais somme toute bien timide – elle a capitulé. Ma famille politique – Les Républicains – accompagna, à quelques exceptions près, le Président de la République.
Le 4 janvier 2022, le Président déclarait à propos de ceux qui avaient refusé de se plier à son injonction amorale en faveur d’une injection hasardeuse: “C’est une toute petite minorité qui est réfractaire. Celle-là, comment on la réduit ? On la réduit, pardon de le dire, comme ça, en l’emmerdant encore davantage. Moi, je ne suis pas pour emmerder les Français. Je peste toute la journée contre l’administration quand elle les bloque. Eh bien, là, les non-vaccinés, j’ai très envie de les emmerder. Et donc, on va continuer de le faire, jusqu’au bout. C’est ça, la stratégie. Je ne vais pas les mettre en prison, je ne vais pas les vacciner de force. Et donc, il faut leur dire : à partir du 15 janvier, vous ne pourrez plus aller au restau, vous ne pourrez plus prendre un canon, vous ne pourrez plus aller boire un café, vous ne pourrez plus aller au théâtre, vous ne pourrez plus aller au ciné… (…) L’immense faute morale des antivax : ils viennent saper ce qu’est la solidité d’une nation. Quand ma liberté vient menacer celle des autres, je deviens un irresponsable. Un irresponsable n’est plus un citoyen”.
Fascinante déclaration, par ce qu’elle révèle! On y trouve la préférence du fascisme pour la contrainte indirecte, quand il s’agit de sa propre société. Mais aussi la propension à faire des adversaires politiques des ennemis de la nation. Et à les exclure de la communauté nationale.
Quelques semaines après la déclaration fracassante du Président sur les non-vaccinés, qu’il tendait à exclure de la communauté nationale, commençait la guerre d’Ukraine. Depuis qu’il avait, avec le reste de l’Internationale du fascisme gris, fait de l’épidémie de COVID-19 un prétexte à confinement et multiplication des mesures sanitaires, Emmanuel Macron aimait répéter “Nous sommes en guerre!”. A présent, avec le reste de l’Union Européenne, il faisait entrer notre pays dans le soutien à une vraie guerre.
Nos gouvernants nous avaient expliqué, pendant deux ans, qu’il fallait se calfeutrer chez soi pour échapper à une épidémie, certes dangereuse pendant quelques semaines pour les personnes âgées et pour des catégories à risque (peu nombreuses) mais que le discours politique et médiatique transformait en nouvelle “preste noire”. Eh bien, les mêmes, tels des Matamore passant d’une frayeur exagérée à une totale inconscience du danger, se lançaient dans des rodomontades contre la Russie.
Un jour, plus personne ne se souviendra de Bruno Le Maire ; mais on se souviendra que le ministre français de l’Économie et des Finances avait déclaré “une guerre totale” à l’économie russe. Soudain, on a vu un déchaînement de russophobie, en Europe, sans équivalent depuis la période où l’Allemagne nazie occupait la majeure partie du continent. Les plateaux de télévision se sont peuplés de chantres d’une nouvelle “guerre à l’Est”.
Les parlements, le monde intellectuel et artistique, ont acclamé un histrion ukrainien qui venait leur parler, habillé en treillis, changeant instantanément des supplications aux menaces quand il n’obtenait pas les armes ou l’argent qu’il réclamait. Les derniers observateurs lucides ont avoué leur gêne devant un régime kiévien se réclamant de son alliance avec l’Allemagne nazie durant la Seconde Guerre mondiale ; mais personne ne les a écoutés. Comme pendant le COVID, le monde des décideurs et des influenceurs occidentaux est prêt à piétiner le serment de 1945 – plus jamais le fascisme, plus jamais la guerre en Europe !
Situation paradoxale seulement en apparence, l’enthousiasme pour le régime kiévien et son culte de la guerre surgit dans des pays vieillissants, qui ne vivent plus la guerre que par procuration. Mais l’enthousiasme déchaîné par le personnage de Zelenski et la cause ukrainienne, signe notre “fascisme gris”: apparemment rien ne nous gêne de toutes les caractéristiques archéo-fascistes du système de Kiev. On lira à ce propos les remarquables études de Laurent Brayard sur les bataillons d’inspiration néonazie du régime de Kiev (que l’on trouvera sous le rubrique Analyses dans Donbass Insider).
Au fond, nous avouons la parenté de l’Occident actuelle avec ce mouvement de l’entre-deux-guerres et de la Seconde guerre mondiale que nous prétendons détester. Nos politiques, nos médias, nos experts poussent des cris d’horreur à chaque fois qu’ils croient voir de “l’extrême droite” à domicile. En revanche, ils se sont prosternés devant Zelenski pour l’adorer. Et si cela voulait dire que l’épouvantail extrême-droitiste n’était qu’un leurre, qui dissimule, depuis plus d’une génération, la dérive proprement fasciste qui caractérise l’Occident ?
La guerre d’Ukraine joue un rôle de dévoilement puisque, par contrecoup, elle fait ressortir d’autant plus fortement les autres caractéristiques fascistes du système qui gouverne actuellement l’Amérique du Nord et une grande partie de l’Europe. C’est le moment de rappeler que le fascisme italien a commencé à gauche ; que le grand Hayek a pris au sérieux le “socialisme” du parti nazi comme l’une des branches du socialisme européen ; et que, surtout, il existe un lien encore insuffisamment exploré entre le fascisme historique et le monde anglo-américain.
La guerre d’Ukraine oblige à rouvrir définitivement la question des liens entre le monde anglo-américain et les fascismes allemand et italien. Liens au départ financiers, comme nous le rappellerons ; mais qui reposent aussi sur une matrice idéologique partagée, celle du social-darwinisme et de ses dérivés eugénistes.
En réalité, depuis deux ans, la solidité du terme de “fascisme gris” m’est apparue toujours plus évidente. Je viens de mentionner la dictature sanitaire, la censure de l’information, la relation perverse à la guerre, l’engouement pour des histrions au pouvoir, la finance anglo-américaine, la mentalité social-darwiniste, l’eugénisme de moins en moins caché. Dans les chapitres que je vais désormais déployer, thème par thème, j’aurai aussi à parler de technocratie européiste, de destruction de l’économie de marché, de capitalisme de connivence, de détestation du christianisme, du marquis de Sade, d’écologie. Le lecteur sera étonné de voir comme notre monde est imprégné de fascisme !
Faisons tout de suite la part des objections quant au terme de fascisme.
Est-ce qu’il n’existe pas, déjà, des termes pour désigner le système en grande partie post-démocratique dans lequel nous vivons ? Klaus Schwab a forgé la notion de “Great Reset”, grande réinitialisation, notion empruntée à l’informatique. Eric Verhaeghe a proposé un dictionnaire du Great Reset et, depuis trois ans, il nous a montré combien il valait la peine de lire Schwab pour anticiper sur les attaques à venir des gouvernements occidentaux contre les institutions libres.
Il me semble cependant que le terme de “Great Reset” a l’utilité mais aussi les limites de la notion de totalitarisme il y a quelques décennies. Il repose – en tout cas dans la tête de Klaus Schwab – sur la coopération entre le système occidental et le système chinois. A partir du moment où l’Occident fait de la Chine néocommuniste de Xi Jinping son ennemie, il devient plus facile d’isoler les caractéristiques du système occidental progressiste en phase terminale, en particulier pour en anticiper les raidissements et les derniers spasmes, qui ne manqueront pas d’être très dangereux pour nos sociétés.
Mais pourquoi, justement, ne pas se contenter du terme de totalitarisme ?
Il ne fait aucun doute, en effet, que notre modernité occidentale a bien des caractéristiques du totalitarisme. La volonté d’aboutir à une information contrôlée mais aussi la propagande à grande échelle. La tendance au “parti unique”. La bureaucratisation croissante de l’économie. L’évolution vers un contrôle total de la monnaie. La déresponsabilisation des individus. La volonté d’arracher les enfants à l’éducation parentale. Une idéologie qui se veut globale – qu’il s’agisse de l’écologie punitive ou du genre.
Cependant, plus nous avancerons dans notre enquête et plus nous verrons que l’actuelle modernité occidentale est beaucoup plus proche du fascisme que du communisme historique. Le fascisme est la forme que prend naturellement en Occident le totalitarisme. Il a des caractéristiques propres, qui le distinguent du communisme ou de l’islamisme.
En 1989-90, les apprentis-historiens intéressés par le totalitarisme se mettaient à travailler sur les crimes du communisme. Pour ma part, venant d’une famille où l’on avait toujours parlé des crimes du communisme sine ira et studio, je me suis tourné dès cette époque vers l’histoire des fascismes, en particulier du nazisme. J’étais déjà frappé à cette époque par le fait que notre modernité occidentale fût bien plus vulnérable à une réédition du fascisme qu’à un nouveau communisme.
Intuition sans doute trop faiblement étayée à l’époque. Je suis surpris de constater que mon instinct de chercheur m’avait mis sur la bonne voie. Mais j’étais loin d’imaginer ce que j’ai découvert, au fil des années sur la subsistance du fascisme en Occident après 1945.
Il est temps d’aller au bout de l’analyse.
(A SUIVRE)
Source : Le Courrier des Stratèges - par Edouard Husson - Le 22/07/2023.
Quand je fais un cours à mes étudiants sur les fascismes de l’entre-deux-guerres, je leur explique que le culte de la guerre était au coeur des régimes mussoliinien et hitlérien. C’est d’ailleurs ce qui distingue les fascismes d’autres régimes autoritaires ou totalitaires de l’entre-deux-guerres.
L’Autriche de Dollfuss est préoccupée de combattre le socialisme et elle promeut une vision corporatiste de l’économie mais elle s’oppose au pangermanisme et finit détruite par les nazis. L’Espagne de Franco émerge d’une atroce guerre civile et se préoccupe de ne pas être entraînée dans la Seconde Guerre mondiale. La France de Vichy est un régime autoritaire et collaborateur du nazisme; mais on ne peut pas le désigner comme fasciste car il est fondé sur une capitulation militaire. Le fasciste, lui, aime la guerre.
Les fascismes historiques sont nés de la guerre. Plus précisément du culte de la “guerre totale” louée comme “expérience positive”, source d’une réorganisation de la société.
Au débutdes années 1920, l’immense majorité, sinon la quasi-totalité, des Européens – même en Italie ou en Allemagne- avait gardé un souvenir terrible de la “Grande Guerre”. On ne comprend pas l’apathie coupable, en France ou en Grande-Bretagne, face à l’expansionnisme nazi dans les années 1936-1938, si l’on oublie combien l’expérience de la guerre de tranchées et de la mort en masse pesaient sur les sociétés sorties de la guerre de 1914-1918, meurtries, éprouvées jusque dans chaque famille.
Quelle est la différence, alors, entre les pays qui deviennent fascistes et les autres? En Allemagne, le refus de la “défaite” ou en Italie, celui de la “victoire mutilée” créent un déni de réalité spécifique: il s’y développe une exaltation très curieuse de la guerre comme “expérience positive”. Certains expliquent que la guerre a été perdue faute d’un esprit guerrier suffisant. Mais en réalité, cet esprit est très ambigu. Il est d’abord l’expression d’une insatisfaction individuelle., d’un désir de réalisation personnelle inassouvi.
Celui qui permet de suivre la construction qui se met en place, c’est Ernst Jünger – dont ses lecteurs français oublient bien souvent qu’il a été, dans les années 1920 le chantre d’un “fascisme allemand”.
On peut suivre le très fasciste Jünger, n’en déplaise à tous ceux qui ne le lisent pas dans son allemand “völkisch” (“nationaliste ethnique”), pas à pas dans l’entre-deux-guerres::
+: Jünger a inventé pendant le conflit une “esthétique de la guerre” – “En ce moment, la vie guerrière me donne un vrai plaisir, ce jeu où l’on risque sans cesse la mort exerce une haute attirance. […] On vit, on vit pleinement, on conquiert la gloire et les honneurs, et tout cela en risquant pour seul enjeu une misérable vie. Comme au début de la guerre, je reste fidèle à l’idée de mon moi affrontant l’ennemi à la tête d’une section” (Carnets de guerre)… Jamais un chevalier médiéval, un mousquetaire ou un grenadier de Napoléon n’auraient parlé ainsi. Prenez même Cyrano de Bergerac, à qui Rostand met dans la bouche l’éthique guerrière de la “Belle Epoque”: La guerre n’est jamais chez lui objet de jouissance individuelle. Dans l’éthique classique du combattant, l’héroïsme consiste à vaincre la peur, naturelle, de mourir; le risque encouru ne peut pas être un objet de jouissance pour le chrétien, qui sait que seul Dieu dispose de sa vie; ni pour l’agnostique de la première modernité, qui prise la vie et le bonheur. Jünger est le produit d’une modernité fatiguée, qui tend la main à notre époque.
+ Après la guerre, Jünger défend la vision d’une nouvelle organisation sociale fondée sur la “mobilisation totale”. Comme le rappelle très justement Michel Vanoosthuyse, l’écrivain a passé toute la République de Weimar à dénoncer le parlementarisme, la démocratie, la vie tranquille et naturelle du citoyen heureux que la paix soit revenue. Jünger ne cesse d’ exalter un nouvel ordre social issu de l’expérience de la “guerre totale”. Là encore, comment ne pas voir la modernité décadente de Jünger? Tout individu équilibré dont le pays reste inoccupé militairement se réjouit de la paix retrouvée, chérit la démobilisation qu’il a si longtemps attendue, aspire à un débat politique pacifique. C’est d’ailleurs ainsi qu’ont réagi les Allemands dans les années fastes de Weimar. Pas Jünger ni les fascistes en général, qui veulent meubler leur vide intérieur par une esthétiqque de la guerre et rêve d’une société (re)mobilisée.
Alors que se développaient dans les grandes métropoles européennes, des “années folles” ou que d’autres se passionnent pour la révolution née “à l’Est”, en Allemagne ou en Italie, des individus se mettent à rêvée d’une nouvelle guerre totale, d’une mobilisation sociale et politique pour une nouvelle guerre. Jünger est représentatif de cet état d’esprit,, lui qui reproche à ses compatriotes de ne pas avoir vraiment assumé une mobilisation totale entre 1914 et 1918. Le “fascisme allemand” qu’il appelle de ses vœux dans un article de novembre 1926 intitulé “le nationalisme de l’action”, sera fondé sur une mobilisation totale enfin réussie. Mais c’est ioci qu’il faut relire le grand Louis Dumont, quand il perce à jour la vraie nature du fascisme, individualisme exacerbé exprimé en termes collectifs.
Les défenseurs de Jünger se fondent souvent sur la prise distance apparente de l’écrivain avec le nazisme installé au pouvoir. Sans voir que l’écrivain était en quelque sorte précurseur de l’attitude générale de l’Occident vis-à-vis du fascisme de l’entre-deux-guerres: on a fini par juger Mussolini et Hitler imprésentables, et même à en faire des repoussoirs absolus. Jünger rejette le visage réel du fascisme allemand qu’il a pourtant appelé de ses vœux.
Evidemment, le rêve fasciste réalisé est hideux. Pour autant, l’écrivain allemand n’a jamais remis en cause son propre fascisme. Ils’est laissé célébrer après la guerre comme un grand écrivain, comme un entomologiste, comme le survivant de deux guerres mondiales. Mais personne ne lui a jamais posé de questions de fond.
Jamais Jünger n’a mis en cause ce qui fait le fond du fascisme: la fascination pour la définition schmittienne de la politique (tout serait fondé sur la distinction ami/ennemi), la détestation de la démocratie, le mépris pour l’entrepreneuriat et l’économie de marché, le culte de la technocratie, le mépris des droits de la personne etc….Et, tous ceux qui le célébraient, démontraient une seule chose: ils n’avaient pas rejeté, eux non plus, le fascisme, pour des raisons essentielles mais pour des motifs de pure apparence. En réalité, c’est quasiment toute la culture occidentale qui s’est comportée superficiellement vis-à-vis du fascisme. Comme nous allons le voir au fur et à mesure de notre exploration du “fascisme gris”, des pans entiers du fascisme n’ont pas été extirpés en 1945. On peut même dire que l’essentiel a survécu, prêt à être réactivé.
En réalité, Jünger était beaucoup plus proche d’un Hitler ou d’un Mussolini qu’il ne voudra le concéder par la suite. Pour les trois hommes, comme pour tous les militants de la cause fasciste, la “guerre totale” devait si possible rester un objet de discours. La mobilisation totale se voulait une méthode d’ingénierie sociale mais les fascistes redoutaient en réalité d’avoir à mener une nouvelle”guerre mondiale”. Nous touchons là à quelque chose de fondamental pour comprendre le fascisme. Il aimerait que la “guerre totale” reste virtuelle.
Jünger ou Heidegger se sont (partiellement) tenus à l’écart, à partir de 1933-34, parce que la guerre totale ou le fascisme étaient pour eux des styles de vie, des cultes religieux de substitution dont il valait mieux éviter de voir la mise en oeuvre réelle.
Mussolini se comporte-t-il différemment? Comme tout combattant qui a l’expérience de la guerre moderne, il se sait un survivant. Il n’a pas spécialement envie de refaire la guerre. Hitler non plus, d’ailleurs. Mais ces hommes font de leur baraka de survivants la source d’un culte de la guerre qui vient se substituer à la foi chrétienne ou aux idéologies “bourgeoises”. Les fascistes aiment le discours sur la guerre, ils portent volontiers des uniformes, organisent des défilés grandioses. Pour autant, ils n’ont pas beaucoup plus envie de faire la guerre que le reste des Européens.
Mussolini atteint le pic de sa popularité au milieu des années 1930, avant de s’allier avec Hitler et de se lancer dans des guerres hasardeuses. Fin juin 1940, Hitler est au sommet de sa popularité. Il a aboli le traité de Versailles au terme d’une série de coups de forces diplomatiques et de deux guerres qui ont été dénouées très rapidement. Chez les deux dictateurs, il existe un moment où la population communie, au moins en partie, avec l’illusion d’une guerre totale qui n’aura jamais lieu. Il s’agit d’un moment d’équilibre apparent mais vite remis en cause:
Tout à leurs mises en scènes, à leur “théâtralisation” de la mobilisation totale au service d’une dictature, Mussolini et Hitler ont fini par être pris à leur propre jeu. Les intermittents du stade de Nuremberg ou de la Piazza Venezia ont dû se faire chefs de guerre à temps plein. Il avaient vécu longtemps dans l’illusion que l’on pouvait mobiliser une population, une économie, une armée, un noyau de fanatiques pour la guerre et ne jamais déclencher de conflits….
A force d’exalter la guerre comme le moyen de faire advenir un homme nouveau, les fascistes ont dû faire vraiment la guerre, au risque de déstabiliser le précaire équilibre de leur régime.
Ce n’est qu’en février 1943, après la défaite de Stalingrad, que Goebbels proclame définitivement une mobilisation totale. Jusque-là, les nazis avaient eu peur de déclencher la mobilisation totale parce qu’au fond ils savaient que les Allemands ne souhaitaient pas une nouvelle guerre mondiale.Ils savaient que derrière leur légende du “coup de poignard dans le dos” pour expliquer la perte de la Première Guerre mondiale, il y avait la réalité d’une société de 1917-1918 sombrant dans la famine, ne tenant pas le choc de la “Grande Guerre”.
Quand on dit que les nazis ont tout fait pour repousser le moment de la “guerre totale”, il faut bien comprendre qu’ils sont allés pour cela jusqu’au génocide.
On touche là à la vraie nature du nazisme: à la veille de déclencher la guerre contre l’URSS, Goring met au point avec le gouvernement et le commandement de la Wehrmacht, un “plan de famine“: 30 millions de citoyens soviétiques devront mourir de faim pour que l’Allemagne en guerre puisse être nourrie convenablement en temps de guerre. Le procès-verbal de la réunion du 2 mai 1941 existe. Il est encore plus explicite qu’un document plus connu, le procès-verbal de la conférence de Wannsee, où est annoncé le génocide des juifs:
“1)
La guerre ne peut être poursuivie que si l’ensemble de la Wehrmacht est nourrie par la Russie au cours de la troisième année de guerre.
2) Il ne fait aucun doute que des dizaines de millions de personnes mourront de faim si nous retirons du pays ce qui nous est nécessaire“.
Eh bien le IIIè Reich a commencé à mettre en oeuvre ce plan: les prisonniers de guerre soviétiques ont été soumis à des traitements inhumains, à commencer par une famine organisée dans les camps de prisonniers de guerre, qui a conduit à la mort de 90% d’entre eux, entre juin 1941 et juin 1942. En 1945, le nombre de prisonniers de guerre soviétiques victimes du génocide de la Wehrmacht était de 3,7 millions.
On dira que le fascisme italien a été moins barbare. Il vaut mieux dire que le nazisme a poussé jusqu’au bout un trait essentiel du fascisme: la disposition à infliger des souffrances inouïes à des peuples désignés comme “ennemis absolus”, dans le cadre d’un conflit militaire, pour maintenir l’illusion de la stabilité domestique.
Mussolini s’en est pris aux populations largement désarmées de l’Ethiopie. Puis il a visé des cibles qu’il à la portée de l’armée italienne en Europe: l’Albanie la France quasi-vaincue quand l’Italie lui déclare la guerre le 10 juin 1940, un peu plus tard la Grèce.
Souvent, on ne prend pas garde que Hitler raisonne de la même façon que Mussolini. Il cible d’abord la petite Autriche puis deux autres nations centre-européennes qui ne sont pas des puissances militaires: la Tchécoslovaquie et la Pologne. Lorsqu’ Hitler attaque la France et l’URSS il est persuadé, dans les deux cas, que la victoire est une question de quelques mois. Dans le premier cas,il a raison, au-delà de ses espérances. Dans le second, il commet une erreur d’analyse fatale. Mais jusqu’en juin 1941, Hitler est persuadé de déclencher des guerres contre un ennemi facile à abattre.
Bien entendu, l’origine de ces erreurs d’appréciation est claire. Tout à ses préjugés idéologiques et racistes, le dictateur nazi redoutait d’affronter les nations “anglo-saxonnes” – donc pour lui de noyau germanique. C’est la raison pour laquelle il a cherché un compromis avec Londres jusque tard dans la guerre. Et le cauchemar d’Hitler, contrairement à ce que beaucoup croient, n’était pas Staline, qu’il sous-estimait – mais Roosevelt, dont il ne comprenait pas l’hostilité envers le IIIè Reich.
Mais ce qui nous intéresse plus ici, c’est la propension fasciste à la “guerre asymétrique”, à ce qu’Emanuel Todd appelle dans Après l’Empire, les “guerres théâtrales”.
N’oublions pas que les SS ont été en règle générale, des combattants médiocres, comparés à la Wehrmacht – exactement comme les bataillons ukrainiens type Azov comparés à l’armée régulière ukrainienne. Ils ont été en revanche des instruments zélés des massacres, répressions, déportations et génocides. Ces hommes vivaient dans le culte de la force et de la guerre fantasmée. Mais toute personne qui a connu le combat sait qu’il vaut mieux ne pas idéaliser la guerre pour bien la faire.
Nazisme et fascisme italien auraient aimé n’avoir à mener que des guerres asymétriques. Le réel en a décidé autrement.
Le “fascisme gris” s’est installé, ces trente dernières années, dans l’Occident s’éloignant de plus en plus de ses racines chrétiennes et humanistes. Et notre système actuel mérite d’être rattaché à la famille des fascismes pour de nombreuses raisons. Mais la première d’entre elles, c’est son rapport pervers à la guerre.
D’abord, il est né dans des sociétés qui, massivement, affirment leur rejet de la guerre. Cependant, dès la fin des années 1940, des peuples qui aspiraient, encore plus qu’en 1920 à la paix ont été is dans un système guerrier, celui de l’OTAN.
Il y aurait beaucoup à dire sur les origines de la Guerre froide.Disons pour aller vite que tous les historiens sérieux pensent, aujourd’hui, que la Guerre froide n’a pas tenu qu’à Staline. Ce dernier, conscient d’être à la tête d’un pays épuisé par l’effort de guerre, se serait contenté d’une zone de sécurité immédiate pour l’URSS pourvu qu’existât, de la Scandinavie aux Balkans, une zone centre-européenne démilitarisée. Les Etats-Unis n’ont jamais accepté les “sphères d’influence”. Washington devait se mêler des affaires d’Europe centrale autant que des affaires occidentales. Staline ne pouvait laisser faire; du coup, l’Europe se trouva coupée en deux.
Pourtant, le respect soviétique de la neutralité de la Finlande, la proposition e Staline, en mars 1952, d’une Allemagne réunifiée et neutre, ou l’accord entre Américains et Soviétiques sur la neutralisation de l’Autriche, en 1955, montrent qu’une autre histoire était possible.
La mise en place de l’OTAN eut deux effets pervers: elle remilitarisa l’Allemagne moins de dix ans après que la Wehrmacht eut mis l’Europe à feu et à sang. La Bundeswehr fut largement une Wehrmacht repeinte aux couleurs américaines. Mais l’OTAN habitua aussi les Européens à dépendre de décisions militaires prises ailleurs, en l’occurrence aux Etats-Unis.
Or les Etats-Unis ont un rapport inhabituel à la guerre.Une fois l’indépendance du pays assurée, la conquête se fit dans des guerres indiennes passablement asymétriques. Des guerres que certains qualifieront de génocidaires puisqu’elles aboutirent à la quasi-extinction des peuples présents avant les Européens. Aux Etats-Unis, il n’y eut aucune intégration ni aucun métissage avec les Indiens, à la différence de ce qui se passa dans les pays latino-américains, Après la fin des guerres indiennes, les Etats-uniens prirent l’habitude d’envahir régulièrement ceuxde leurs voisins latino-américains qui ne se pliaient pas à leurs volontés. Là aussi il s’est agi de guerres asymétriques.
Les Etats-Unis n’intervinrent qu’en 1918, de facto sur les champs de bataille de la Première Guerre mondiale. Leur Seconde Guerre mondiale n’a jamais eu l’intensité de la guerre germano-soviétique. En Europe ils n’intervinrent sur les champs de bataille qu’à partir de 1943. En Asie, ils s’efforcèrent de minimiser les pertes et eurent même recours pour cela à la bombe-atomique. Jusqui’à aujourd’hui, les Américains sont les seuls à avoir utilisé cette arme, génocidaire dans so effet.
De facto, les Etats-uniens ont mis en place une méthode de guerre asymétrique: elle consiste à écraser de bombes un pays pour n’avoir plus que des engagements limités au sol. De l’Allemagne pendant la Seconde Guerre mondiale au Proche-Orient depuis 1990, en passant par la Corée et le Vietnam, la méthode américaine est toujours la même.
Il reste à comprendre que, dans tous les pays occidentaux, ce soient les mêmes qui, dans les années 1960, aient manifesté contre la guerre du Vietnam pour, trente a,s plus tard, devenir des chantres des guerres d’ingérence déclenchées par les Etats-Unis. “Faites l’amour, pas la guerre!” proclamait le slogan de 1968. Et pourtant, les soixante-huitards ont été les premiers à se lasser du “flower power” et à se mettre à aimer la guerre….par procuration.
Regardons-les de plus près: les soixante-huitards sont la première génération qui a pu “jouir de tout sans entraves”: que vous reste-t-il à essayer quand le sexe, la drogue, les spiritualités orientales, le militantisme révolutionnaire, le flirt avec le terrorisme, la finance ont progressivement épuisé leurs charmes? Pourquoi pas une petite guerre – on vient d’arriver au gouvernement.
C’est le Vert historique Joshka Fischer, devenu ministre des affaires étrangères du gouvernement Schröder, qui discutait au téléphone avec son interlocutrice américaine, Madeleine Albright, de la guerre au Kosovo, en 1999,tout en regardant la finale de “Champions’ League” entre le Bayern de Munich et Manchester United. C’est François Hollande étonnant l’Etats-major, au début de l’engagement au Mali, par sa radicalité. Ce sont tous nos dirigeants, journalistes, notables, exaltant Zelensky et la guerre d’Ukraine.
Les mêmes se sont coulés apparemment sans effort, pour finir, dans un système militaire transatlantique, centré sur les Etats-Unis, qui vit de plus en plus de la militarisation de l’économie, de la multiplication des lois d’exception comme en temps de guerre et d’un état “de guerre permanente”. Rappelez-vous Javier Solana, auteur d’un manifeste intitulé “50 raisons de dire non à l’OTAN”, trente ans avant de devenir secrétaire général de l’OTAN. Mais est-ce si différent du socialiste devenu fasciste Benito Mussolini? Souvenez-vous de Daniel Cohn-Bendit déclarant en 1999 que la guerre du Kosovo était la “guerre d’unification de l’Europe”.
Le phénomène des anciens gauchistes qui deviennent fascistes est un classique. Aux Etats-Unis, les néo-conservateurs se sont recrutés prioritairement chez les Démocrates, dans un large éventail allant des progressistes aux trotskistes. Nous aurons l’occasion de revenir en détail sur le parcours de Hillary Clinton, archétypale, selon Jonathan Goldberg, de ce qu’il a identifié comme le “fascisme progressiste”. Et, nous parlions d’eux à l’instant, remarquons que les Verts allemands sont aujourd’hui parmi les plus va-t-en-guerres en Europe.
Bien entendu, comme le fascisme de l’entre-deux-guerres, le fascisme gris rassemble un large spectre politique: pensons au parcours d’ Ursula von der Leyen, passée en moins de vingt ans de figure emblématique du conservatisme allemand d’après-guerre d’inspiration chrétienne à celle qui dispute le rôle d’égérie du fascisme gris à Madame Baerbock, ministre écologiste nommée par Olaf Scholz aux affaires étrangères.
Constatons pour l’instant quatre autres caractéristiques proprement “fascistes” de notre système actuel:
+ Une économie de plus en plus dépendante du secteur de la défense
+ l’état de guerre permanente. Depuis 1945, les Etats-Unis n’ont connu que quelques mois sans guerre, à la fin de la Guerre froide. .
+ le peu d’efficacité militaire des belligérants occidentaux. Il y a un côté “mussolinien” dans les guerres américaines: Corée, Vietnam, Irak, Yougoslavie, Afghanistan étaient des adversaires apparemment faciles. Or les Américains ont frôlé le fiasco à chacune de ces guerres.
+ ces conflits ont fait des millions de victimes civiles et causé des souffrances sans nom. Comme les fascistes des années 1920-1945, les Occidentaux d’aujourd’hui fonctionnent dans une parfaite indifférence aux conséquences de leurs guerres. Qui se souvient des deux millions de Coréens morts entre 1950 et 1953? Des deux millions de civils vietnamiens morts entre 1965 et 1975? Des centaines de milliers d’Irakiens morts dans les années 1990 des conséquences de l’embargo américain? 250 000 soldats ukrainiens tués ne semblent pas pousser les Occidentaux à rechercher la paix. Nous aurons à nous interroger sur la vision inégalitaire des relations internationales dont sont porteuses les nations anglophones, et dont l’indifférence aux souffrances des peuple arbitrairement désignés comme ennemis semble avoir déteint sur l’ensemble de l’Europe.
+ Enfin, ce “fascisme gris”, avec sa fascination pour la “guerre permanente”, sa recherche des conflits asymétriques – impossibles à perdre, au besoin au prix de centaines de milliers de victimes dans les pays attaqués, son économie de plus en plus centrée sur l’industrie de la défense, la multiplication des lois d’exceptions au nom du “nous sommes en guerre”, est venu se heurter, comme son ancêtre brun et noir, sur l’obstacle (apparemment) inattendu d’une armée russe qui mène une vraie guerre.
Tous les fascismes voudraient entretenir l’entre-deux des guerres théâtrales et se brisent sur la réalité d’une guerre symétrique.
Source : Le Courrier des Stratèges - par Edouard Husson - Le 29/07/2023.
“L’extrême-droite” est, depuis quarante ans, l’épouvantail à gogos et à bobos. Il faudra un jour écrire une histoire parallèle du déclin de la démocratie en Occident et de l’hystérie croissante sur le thème de l’extrême-droite.
Regardez deux vidéos, à trois ans d’écart, de Jean-Marie Le Pen:
L’entretien donné par Jean-Marie Le Pen, dont un extrait est monté ci-dessus et commenté par l’historien Fabrice d’Almeida date de la fin du septennat de Valéry Giscard d’Estaing. A l’époque, le fondateur et président du Front National ne s’est pas encore vu attribuer un rôle dans la comédie politique contemporaine. Il est interrogé dans la sérénité. Et même, jugeront certains, avec un brin de complaisance : Le journaliste Roland Gaucher le compare à Ronald Reagan, rien que cela !
La comparaison n’est pas absurde pour autant : Jean-Marie Le Pen a toujours eu une compréhension des enjeux économiques de l’immigration incontrôlée qu’il dénonçait. Voulue au départ par des grandes entreprises qui choisissaient la facilité d’une main d’oeuvre très peu chère plutôt que la modernisation et la robotisation de leurs usines, l’immigration est devenue progressivement la solution de facilité d’une société qui a voulu de moins en moins travailler et se repose sur la main d’oeuvre immigrée pour les tâches pénibles.
A l’époque, juin 1980, où il commence à développer le programme économique libertarien qui a toujours été le sien depuis, Jean-Marie Le Pen n’est pas encore devenu le bouc émissaire du débat public français. En tout cas la vidéo ci-dessus nous rappelle que Le Pen n’a jamais été un fasciste. Mais on a complètement oublié des images.
A l’opposé, tout le monde se souvient de cette “Heure de vérité” de 1984 où quatre journalistes organisèrent le premier d’une longue série de procès médiatiques pour “fascisme” présumé, de Jean-Marie Le Pen :
Trois ans plus tard, le contexte avait en effet, complètement changé. L’espoir suscité par l’arrivée de François Mitterrand au pouvoir s’était brisé sur l’impraticabilité du programme économique socialiste. Le président en place s’était rallié à la politique économique qu’il avait combattue pour être élu: celle de Valéry Giscard d’Estaing et Raymond Barre, fondée sur le principe d’un couplage du franc au deutsche mark.
Entre temps, Ronald Reagan a été élu président des Etats-Unis et sa politique économique libertarienne commençait à porter ses premiers fruits, tout comme celle de Margaret Thatcher, Premier ministre britannique depuis 1979. Il est bien évident que la France aurait dû choisir, après l’effondrement du cadre monétaire de Bretton Woods, une politique de changes flexibles. Mais,vu l’augmentation constante des dépenses publiques et sociales et des charges pesant sur les entreprises, depuis 1974, les marchés auraient continué à attaquer le franc. C’est pourquoi François Mitterrand entama, en 1983, le désastreux renoncement à toute politique monétaire française indépendante.
De façon curieuse, alors que la terrible combinaison de prélèvements obligatoires élevés et d’alignement monétaire sur un pays à la monnaie plus forte se mettait en place, une combinaison qui avait été létale politiquement pour Valéry Giscard d’Estaing, la droite de l’époque la reprit à son compte, amorçant cette “politique unique”, sans alternative droite/gauche pour faire vivre la démocratie.
En même temps qu’elles convergeaient l’une vers l’autre, la gauche rocardo-mitterrandienne et la droite giscardo-chiraquienne se mirent d’accord pour désigner aux médias un adversaire, ce qui maintenait un semblant de débat démocratique: la nouvelle caste dirigeante française en formation désignait un nouveau mal politique, à combattre absolument: Jean-Marie Le Pen etle Front National.
J’avais regardé en direct la fameuse “Heure de vérité” de Jean-Marie Le Pen de 1984. La revoir quatre décennies plus tard fait comprendre de manière saisissante que toute la stratégie des quarante ans qui ont suivi: une agressivité permanente face au Front National, l’exclusion de ce parti du débat politique, sa transformation en nouveau “parti nazi”.
Bien entendu, la manière dont Jean-Marie Le Pen se laissa aller, dans les années suivantes, à des provocations, en particulier concernant la Shoah, était à la fois scandaleuse et stupide. Scandaleuse, cela va sans dire. Stupide, parce qu’il devenait lui-même parti du théâtre d’ombres sur lequel repose la construction du “fascisme gris”.
Dans les années 1970/1980, en France, s’est mise en place une vision simpliste de l’histoire du fascisme, qui est devenue par la suite une machine de guerre politique pour faire avancer l’agenda du progressisme occidental. Bientôt, la France a été rejointe par l’ensemble de l’ensemble transatlantique dans cette vision.
Au commencement, dans les années 1970, il y eut le rejet du trépied sur lequel s’était construit le renouveau politique d’après-guerre. Gaullisme, communisme et démocratie-chrétienne avaient été capables de réconcilier la nation avec la résistance. C’est en s’appuyant sur ces nouvelles forces politiques que le vieux républicanisme, libéral et socialiste, avait pu sortir de sa honteuse compromission du 10 juillet 1940. Faut-il rappeler que c’est l’Assemblée dite “du Front populaire” qui avait voté les pleins pouvoirs à Pétain?
Or, à partir de l’ère Pompidou, la droite abandonna à la fois gaullisme et démocratie chrétienne. Et la gauche rejeta l’héritage patriote du communisme français. Il y eut non seulement le ralliement d’une partie de la bourgeoisie française à un atlantisme sans aucun recul critique; mais aussi les élucubrations de la génération de 1968, posant soudain une équivalence entre “Vichy” et la France”; entre “fascisme” et “nation”.
Emblématique fut l’Idéologie française, de Bernard-Henri Lévy, livre indigent du point de vue intellectuel mais encensé par les médias, et qui est un tissu de poncif sur le thème: patriotisme français = fascisme. En particulier, oubliant l’honnêteté intellectuelle qui devrait être celle du normalien, celui qui avait déjà pris son apparence de plumitif à la triste figure se livrait à une polémique contre Péguy et Bergson, transformés en “protofasciste”.
On se moque bien volontiers de BHL mais il a été malheureusement décisif dans sa capacité à être l’idéologue de la caste dirigeante.
Et, depuis lors, se met en place un recours systématique à la qualification “d’extrême droite” pour disqualifier tous ceux qui se sont opposés à la “pensée unique”, à la mise en place d’une politique considérée comme relevant du “cercle de la raison”.
La France n’est pas la seule à connaître cette dérive. C’est en fait l’ensemble du monde euro-atlantique qui s’est ralliée à l’indigente construction intellectuelle. Regardez le sort médiatique réservé, par exemple, à Donald Trump ou à Viktor Orban, dont non seulement le refus des guerres occidentales mais aussi le christianisme, le souverainisme, le patriotisme et l’attachement à l’économie de marché font d’eux le contraire de fascistes.
Le fascisme est-il de droite ou d’extrême-droite? Mussolini se prétendait “ni de droite ni de gauche”. Hitler appelle son parti “national-socialiste”. Et les universitaires et intellectuels qui ont travaillé sérieusement sur le fascisme, se plaisent à souligner tout ce qu’il doit à la gauche. Mussolini n’était-il pas, avant la Première Guerre mondiale, la figure de proue du socialisme italien?
Le grand Friedrich Hayek écrit, en pleine Seconde Guerre mondiale, un livre intitulé “La route de la servitude“, dans lequel il envisage les fascismes aux côtés des autres socialismes, comme des systèmes profondément opposés à la liberté, à “l’ordre spontané” et à l’économie de marché.
Alors pourquoi le fascisme est-il toujours renvoyé à droite? Premièrement, le fascisme a vu se rallier à lui, en Italie comme en Allemagne, une partie des forces conservatrices. Ensuite, le fascisme a embrigadé le nationalisme à son profit: cette idéologie, après avoir été – entre 1789 et 1848 – un marqueur de gauche, était désormais majoritairement à droite. Enfin, le fascisme a exalté l’ordre, la hiérarchie, autant que le mouvement.
Insistons pourtant sur le fait que le fascisme a produit le contraire du conservatisme. Je renvoie au très beaux livres de David Schoenbaum, La révolution brune, le lecteur qui voudrait prendre la mesure de la dynamique révolutionnaire nazie. Si l’on revient à l’origine de la droite et de la gauche pendant la Révolution française, on se rappellera qu’être de droite signifiait être favorable au pouvoir royal. Or Mussolini a subi la monarchie italienne; et Hitler , qui avait une détestation incommensurable des Habsbourg avant la Première Guerre mondiale, n’a jamais imaginé une seconde de rappeler les Hohenzollern sur le trône. Si l’on inverse le point de vue, les conservateurs quii se sont alliés aux fascisme ont été engloutis avec lui à la fin de la guerre.
Parmi les clichés sur “fascisme et droite”, il en existe deux autres: le premier consiste à faire des chrétiens des alliés du fascisme. Le second établit un lien entre fascisme et capitalisme. Ces questions feront l’objet d’analyses séparées de ma part. Contentons-nous pour l’instant de constater que le fascisme n’a jamais été univoquement de droite ou d’extrême droite.
On comprend bien qu’un Pap Ndiaye suggère le” fascisme”, à ses yeux, de CNews et d’Europe 1 lorsqu’il explique que ces médias, qui font une large part aux journalistes et aux débatteurs de droite, sont “un danger pour la démocratie”‘. Mais c’est du niveau du Café du Commerce.
Le fascisme a instrumentalisé le nationalisme. Mais il n’est pas essentiellement nationaliste. Mussolini ne cesse d’exalter des aventures impériales, celle de Rome ou, même,celle de Napoléon. Quant à Hitler, il a été on ne peut plus clair dans ses entretiens avec Hermann Rauschning:
Nous devons marcher par nos propres moyens. Mais l’Allemagne telle qu’elle est aujourd’hui, n’a aucune unité biologique. L’Allemagne ne sera véritablement l’Allemagne que lorsqu’elle sera l’Europe. Tant que nous ne dominerons pas l’Europe, nous ne ferons que végéter. L’Allemagne, c’est l’Europe. Je vous garantis qu’alors il n’y aura plus de chômage en Europe : on assistera à une prospérité inouïe. Nous nous chargerons de sortir le monde de sa léthargie. Nous nous assignerons des tâches que personne actuellement ne peut soupçonner. Et nous les mènerons à bien. Mais il nous faut l’Europe et ses colonies. L’Allemagne n’est encore qu’un commencement. Il n’y a plus, sur le continent, un seul pays qui soit un tout complet. Notre espace complet, à nous, c’est l’Europe. Celui qui la conquerra imprimera son empreinte au siècle à venir. Nous sommes désignés pour cette tâche. Si nous ne réunissons point, nous succomberons, et tous les peuples européens périront avec nous. C’est une question de vie ou de mort. (…)
Le secret de notre succès est précisément d’avoir rétabli au centre de la lutte politique, la loi vitale de la véritable domination. La véritable domination ne peut naître que là où se trouve la véritable soumission. Il ne s’agit point de supprimer l’inégalité parmi les hommes, mais au contraire de l’amplifier et d’en faire une loi protégée par des barrières infranchissables comme dans les grandes civilisations des temps antiques. Il ne peut y avoir un droit égal pour tous. Nous aurons le courage de faire de ceci non seulement la maxime de notre conduite, mais encore de nous y conformer. C’est pourquoi je ne reconnaîtrai jamais aux autres nations le même droit qu’à la nation allemande. Notre mission est de subjuguer les autres peuples. Le peuple allemand est appelé à donner au monde la nouvelle classe de ses maîtres. (…)
Il est certain que dans la nouvelle aristocratie que nous créerons, nous admettrons également les représentants d’autres nationalités, qui se seront montrées sympathiques à notre combat. Sur ce point encore, je pense exactement comme Darré et comme Himmler. Le racisme biologique n’est qu’un des aspects de notre système. D’ailleurs, d’ici peu, nous déborderons les frontières de l’étroit nationalisme d’aujourd’hui, car les grands empires naissent bien sur une base nationale, mais ils la laissent très vite derrière eux.
Hermann Rauschning, Hitler m’a dit
Je ne peux que recommander une lecture complète des entretiens que le dictateur nazi a accordés à Hermann Rauschning – quelquefois dans un cercle élargi. Ils sont fondamentaux pour comprendre que le nazisme (et le fascisme en général) n’ont rien à voir avec un simple nationalisme extrême. Ce dont Hitler parle à Rauschning, c’est de dépassement des nations, y compris la nation allemande, d’Europe, de race et de domination d’une caste sur le reste du monde.
Nous voilà arrivés à une nouvelle clé de compréhension: le fascisme consiste à établir comme règle universelle le droit du plus fort. Il est l’expression, non pas comme le communiste, du remplacement brutal et systématique d’une élite établie par une élite révolutionnaire, mais le résultat d’une sélection, dans l’élite existante, des plus forts pour aller vers une domination mondiale.
Cette élite se sélectionne bien entendu d’abord dans la nation dominante mais elle devient très vite, par la force des choses, multinationale.
Quand on regarde le fascisme pour ce qu’il a été et non à travers les lunettes idéologiques d’une gauche devenue d’une insigne faiblesse intellectuelle (elle n’a même plus la capacité à exploiter ce qui était un de ses héritages intellectuels, l’identification des liens entre fascisme et capitalisme, point sur lequel nous reviendrons dans un texte dédié), on comprend que le fascisme gris soit non plus nationaliste mais post-national; non pas d’extrême-droite mais d’extrême-centre.
Après la Première Guerre mondiale, une partie des milieux dirigeants allemands ou italiens sont nationalistes, obsédés par le danger marxiste; le fascisme leur apparaît comme un allié utile. Après la Seconde Guerre mondiale, les excès du fascisme et du nazisme avaient certes discrédité tout nationalisme exacerbé; cependant les fascismes n’avaient fait que se servir du patriotisme, pour suivre des objectifs dépassant de loin l’horizon des Etats nationaux (cette “Kleinstaaterei”, ce goût des “petits Etats” que détestait Hitler). .
Dès les années 1942-1943, le discours européiste du fascisme occupe une place très importante. Beaucoup d’anciens fascistes et collaborateurs surent en profiter lorsque fut lancée la construction européenne. Mais nous avons vu qu’Hitler développe même une vision de domination mondiale pour une caste européenne à noyau germanique.
La cuisante défaite de 1945 n’a pas ébranlé la croyance dans un leadership supranational.C’est même la caractéristique des anciens fascistes: ils se sont spontanément jetés dans les bras du “plus fort”, cet Etat américain qui les avait vaincus et qui -nous y reviendrons – présentait un courant politique compatible avec le fascisme, à savoir le progressisme. (comme Jonathan Goldberg l’a brillamment démontré).
Tant que les démocraties ont été solides, le potentiel fasciste de l’atlantisme et de l’européisme ont été contenus. Mais, à la fin des années 1960, la caste dirigeante que le complexe militaro-industriel commençait à faire émerger a pris peur devant la force de cette démocratie qui s’opposait à la guerre du Vietnam, qui avait fait aboutir la cause des droits civiques et s’appuyait sur des classes moyennes encore solides dans une société restant relativement homogène.
C’est alors que l’on a vu s’accélérer les efforts de tous ceux qui voulaient rendre inoffensive l’aspiration démocratique. Une partie de ce phénomène a été bien identifiée par Alex Carey. Comme le rappelle Noam Chomsky:
Le vingtième siècle”, écrit Carey, “a été caractérisé par trois développements d’une grande importance politique : la croissance de la démocratie, la croissance du pouvoir des entreprises et la croissance de la société civile. la démocratie, la croissance du pouvoir des entreprises et la croissance de la propagande des grandes entreprises en tant que moyen de protéger le pouvoir des entreprises contre la démocratie”.
in: Alex Carey, Taking the risk out of democracy
La limite du point de vue de Carey, c’est qu’il se contente d’ analyser la contribution du capitalisme de connivence à la destruction des libertés. En réalité, seul, le capitalisme de connivence n’y serait pas arrivé. Il lui a fallu le concours du complexe militaro-industriel mais aussi de l’idéologie: postnationalisme, européisme, mondialisme, gauchisme, environnementalisme, transhumanisme sont entrés dans la danse.
Toute sorte d’idéologues,k porteurs d’un antifascisme de pacotille, aident le vrai fascisme d’aujourd’hui, le fascisme gris à avancer masqué. On dénonce une “extrême-droite” dont la puissance est toute relative mais dont la caste et ses auxiliaires médiatiques clament qu’elle signifie que le retour de la “bête immonde” est imminent.
Le fascisme gris n’est pas d’extrême-droite mais d’extrême-centre! Le macronisme en est une sorte de modèle réduit. Fondé sur le “en même temps”,il prend tantôt des éléments à la droite tantôt à la gauche. Il a été capable de nommer successivement Jean-Michel Blanquer, vieux républicain et Pap Ndiaye, adepte des dernières inepties wokistes, au même poste de ministre de l’Education nationale. Emmanuel Macron en appelle alternativement au “parti de l’ordre”‘ et aux partisans des choix sociétaux les plus déjantés. Tantôt il est dérégulateur, tantôt il est étatiste. Cet éclectisme idéologique, qui fait éminemment penser au côté insaisissable, idéologiquement parlant, d’un Mussolini, est mis au service d’un projet mondialiste fondé sur “la guerre théâtrale permanente”, la censure de l’information, l’écologie punitive, une envie de contrôler la population du monde par une médecine mise au service du pouvoir….
Macron n’est qu’un exemple. Prenons le cas de Jacinda Ardern, jusqu’à récemment Premier ministre de Nouvelle-Zélande, responsable d’une dictature sanitaire implacable pendant la période du COVID-19…et qui vient d’être appelée comme “fellow”, par deux écoles de Harvard.
Citons d’abord le communiqué d’une de ces deux écoles, la Kennedy School,qui est un extraordinaire condensé de tout ce que nous avons expliqué dans les lignes qui précèdent:
L’ANCIENNE DIRIGEANTE NÉO-ZÉLANDAISE JACINDA ARDERN NOMMÉE À DEUX BOURSES DE L’ÉCOLE KENNEDY DE HARVARD
25 avril 2023Jacinda Ardern, qui s’est attiré les faveurs de la communauté internationale pour son leadership en tant que Premier ministre de Nouvelle-Zélande, a été nommée à deux postes à la Harvard Kennedy School – en tant que boursière Angelopoulos Global Public Leaders 2023 et en tant que Hauser Leader au sein du Center for Public Leadership de l’école. L’annonce a été faite aujourd’hui par le doyen de la Kennedy School, Douglas Elmendorf. Les bourses débuteront cet automne.
“Jacinda Ardern a montré au monde un leadership politique fort et empathique”, a déclaré M. Elmendorf. “Elle a gagné le respect bien au-delà des frontières de son pays, et elle apportera des connaissances importantes à nos étudiants et suscitera des conversations vitales sur les choix de politique publique auxquels sont confrontés les dirigeants à tous les niveaux”.
Le programme Angelopoulos Global Public Leaders, créé avec le soutien de Gianna Angelopoulos-Daskalaki, permet à des dirigeants de haut niveau qui quittent leur fonction publique de passer du temps en résidence à la Harvard Kennedy School. Le Hauser Leaders Program, lancé avec le soutien de Rita et Gustave Hauser et basé au Center for Public Leadership de l’école, réunit chaque semestre sur le campus plusieurs dirigeants de haut niveau issus d’organisations publiques, privées et à but non lucratif afin qu’ils s’engagent avec les étudiants et les professeurs à développer des compétences en matière de leadership fondé sur des principes.
“C’est avec beaucoup d’humilité que je rejoins l’université de Harvard en tant que boursière. Non seulement cela me donnera l’occasion de partager mon expérience avec d’autres, mais cela me permettra aussi d’apprendre”, a déclaré Mme Ardern. “En tant que dirigeants, nous n’avons souvent que très peu de temps pour réfléchir, mais la réflexion est essentielle si nous voulons soutenir correctement la prochaine génération de dirigeants.
Mme Ardern a également été nommée pour une bourse simultanée au Berkman Klein Center for Internet and Society, basé à la Harvard Law School. En tant que Knight Tech Governance Leadership Fellow, elle étudiera les moyens d’améliorer les normes de contenu et la responsabilité des plateformes pour les contenus extrémistes en ligne, et examinera la gouvernance de l’intelligence artificielle et les préjudices algorithmiques.
Ardern est devenue la plus jeune femme chef de gouvernement au monde, à 37 ans, lorsqu’elle a pris ses fonctions en 2017 en tant que Première ministre de Nouvelle-Zélande, et elle a mené son parti à une victoire écrasante en 2020. Elle a mené son parti à une victoire écrasante en 2020. Elle a quitté ses fonctions en janvier 2023. Elle a déclaré qu’elle espérait laisser un héritage en tant que dirigeante qui “peut être gentille mais forte”.
Elle s’est attiré de nombreux éloges pour son style de leadership et pour sa réaction ferme aux tueries meurtrières perpétrées par un suprémaciste blanc dans deux mosquées de Christchurch en mars 2019, qui ont fait 51 morts. Elle a dû faire face à des protestations contre sa politique vaccinale lors de la pandémie de COVID-19, mais a obtenu un large soutien pour les politiques strictes de confinement et de santé publique qui, selon les observateurs, ont permis de sauver des dizaines de milliers de vies en Nouvelle-Zélande.
En 2020, Mme Ardern a reçu le prix Gleitsman International Activist Award décerné par le Harvard Kennedy School Center for Public Leadership et a prononcé le discours de remise des diplômes de 2022 à l’université de Harvard. À l’époque, le président de Harvard, Larry Bacow, avait qualifié Mme Ardern de “l’une des dirigeantes les plus respectées sur la scène mondiale”, ajoutant : “Du changement climatique à l’égalité des sexes, en passant par la lutte contre la pauvreté et le chômage, Mme Ardern est une femme d’action : “Du changement climatique à l’égalité des sexes en passant par le COVID-19, elle a fait preuve d’un leadership compatissant qui a su allier empathie et solutions scientifiques pour résoudre les problèmes les plus épineux de notre époque.”
Née à Hamilton, en Nouvelle-Zélande, d’un officier de police et d’une employée de cantine scolaire, Mme Ardern a obtenu son diplôme à l’université de Waikato en 2001 et est devenue la plus jeune députée du Parlement en 2008. Elle a figuré à deux reprises sur la liste des personnalités les plus influentes du Time Magazine
Harvard Kennedy School – communiqué de presse 25 avril 2023
Mais vous n’êtes pas au bout de vos surprises. Madame Ardern n’est pas seulement gagné ses galons, au sein du “fascisme gris”, comme responsable d’une dictature sanitaire achevée. Elle s’est aussi affirmée comme un partisan farouche de la censure sur les réseaux sociaux. Eh bien:
Le Berkman Klein Center for Internet & Society de l’Université de Harvard est ravi d’annoncer que Jacinda Ardern est sa première Knight Tech Governance Leadership Fellow. Ardern a été le 40e Premier ministre de la Nouvelle-Zélande de 2017 à 2023. La bourse débute cet automne.
Ardern est connue dans le monde entier comme un leader dévoué et efficace dans la poursuite d’une plus grande responsabilité des plateformes en ligne et des normes de modération du contenu à travers l’appel de Christchurch, une communauté de plus de 120 gouvernements, fournisseurs de services en ligne et organisations de la société civile déclenchée par le livestreaming de massacres de masse meurtriers par un suprémaciste blanc dans deux mosquées à Christchurch en mars 2019, qui a tué 51 personnes.
“Je suis ravie de travailler officiellement avec le Berkman Klein Center”, a déclaré la Première ministre Ardern. “Le centre a été un partenaire extrêmement important dans le cadre de l’élaboration de l’appel à l’action de Christchurch sur la lutte contre l’extrémisme violent en ligne. Les technologies émergentes telles que l’intelligence artificielle offrent d’immenses possibilités de lutter contre les méfaits en ligne, mais elles posent également des problèmes. Mon séjour au BKC me permettra de collaborer avec l’excellente équipe pour faire avancer les travaux de l’appel de Christchurch. (…)
Mme Ardern est également connue pour les résultats exceptionnels de sa politique de santé publique fondée sur des données et des preuves, alors que son pays était aux prises avec la crise du COVID.
“Nous sommes profondément impressionnés par les résultats obtenus par Jacinda Ardern en matière de leadership, qu’il s’agisse d’accélérer la volonté politique ou d’impliquer les responsables de la conception et du déploiement des technologies afin de créer un avenir meilleur, plus sûr et plus inclusif”, a déclaré Sue Hendrickson, directrice exécutive du Berkman Klein Center. “Son expertise renforce considérablement le travail de notre centre en tant qu’espace d’apprentissage avancé et d’action sur les questions sociétales critiques en matière de technologie. Je me réjouis de travailler avec elle pour poursuivre la mission de l’appel de Christchurch et relever les défis mondiaux posés par les technologies émergentes”.
Communiqué du Berkman Klein Center, le 25 avril 2023
Le massacre de Christchurch est une monstruosité, avec ses 51 morts et 49 blessés. Mais on voit bien ici comme il n’est qu’un prétexte de la caste occidentale qui met en place le “fascisme gris” pour imposer une censure radicale. Un fou furieux comme Brenton Tarrant, auteur du massacre de Christchurch est évidemment un “cas idéal” pour le système dominant en Occident : il permet au “fascisme gris” d’avancer à l’abri du masque de l’antiracisme.
Le piège est redoutable puisqu’il permet, avec l’arbre d’un attentat commis par un “suprémaciste blanc” de dissimuler la violence étatique et systémique, et dont les victimes se comptent déjà en millions, du “fascisme gris”.
Source : Le Courrier des Stratèges - par Edouard Husson - Le 02/08/2023.
L’emblème de la société secrète des “Skull and Bones”
Le lien entre la sphère anglo-américaine et les fascismes européens de la première moitié du XXe siècle est un sujet tabou. En parler pendant la Guerre froide était disqualifié comme faisant le jeu de l’autre camp. On ne pouvait qu’être marxiste à poser la question. On aurait pu penser que la chute du Mur de Berlin libèrerait la parole.
Or c’est justement le moment où les États-Unis étaient présidés par George H.W. Bush, fils de Prescott Bush, un banquier tellement compromis dans le financement de l’Allemagne nazie que ses biens avaient été saisis, le 22 octobre 1942 par le gouvernement fédéral américain. Lorsque le pape Benoît XVI fut élu, il se trouva quelques journaux britanniques pour calomnier ce fils de catholiques bavarois antinazis. Aucun de ces journaux n’aurait eu, par contraste, le courage de se demander s’il relevait totalement du hasard que Prescott Bush ait financé le IIIe Reich et que son petit fils, George W. Bush déclenche la guerre d’Irak sur un mensonge d’État.
Je ne me souviens pas avoir entendu les bien-pensants du monde occidental remercier Donald Trump de nous avoir débarrassés d’une troisième présidence Bush en gagnant les primaires du parti républicain contre Jeb Bush, gouverneur de Floride entre 1998 et 2006. Lorsque le même Donald Trump posa la question de la fraude aux élections présidentielles de 2020, tout le monde cria au scandale. En revanche, personne ne trouva rien à redire lorsque Jeb Bush,gouverneur de Floride fit basculer son État, dans des conditions de recomptage des voix peu claires, vers son frère George W, lui permettant d’accéder à la présidence des États-Unis. C’est Donald Trump qu’on s’obstine à traiter de fasciste, alors qu’il a représenté la plus forte résistance, ces dernières années, au fascisme gris américain – si bien incarné, au contraire, par les néoconservateurs et les néo-libéraux.
Lorsque nous avons parlé du rapport du fascisme gris à la guerre, nous avons plusieurs fois mentionné George W. Bush, président de 2000 à 2008, que ses mensonges sur les armes de destruction massive en Irak ont bien évidemment marqué du sceau de l’infamie. Mais le plus étonnant, avec le recul, c’est que si peu aient placé le comportement de “W” dans la perspective d’une dynastie au cœur du fascisme (gris) depuis les années 1920.
Une dynastie qui a mené des guerres asymétriques pour entretenir le système du fascisme gris; qui a contribué encore plus que d’autres à la construction du renseignement américain, une machine dont la prolifération fait apparaître les effectifs de l’ancien KGB comme ceux d’un service province. Une ligné, surtout, qui a financé le IIIè Reich et qui en partageait l’idéologie eugéniste.
Accrochez-vous, chers lecteurs, ça va tanguer.
Prescott Bush, le père de George H.W. (président de 1988 à 1992) et le grand-père de “W” (président de 2000 à 2008) avait commencé ses études à Yale en 1913. C’est là qu’il entra dans le réseau des frères Harrimann: Averell venait d’y terminer ses études et Roland était de la même promotion que Prescott.Ce sont les frères Harrimann qui firent entrer Prescott Bush dans le club, fonctionnant comme une société secrète, des “Skulls and Bones“. Cette association exclusive d’alumni de l’université de Yale, fondée en1832, sur le modèle des corporations étudiantes d’Allemagne, a pour emblème une tête de morts sur des os croisés: une parenté plus significative qu’elle n’en a l’air avec l’emblème de la SS – vu ce que nous allons raconter.
Dans la perspective de l’entrée en guerre prochaine des États-Unis, deux “patriarches” de Skull and Bones, Averell Harriman (promotion 1913) et Percy A. Rockefeller (promotion 1900), ont accordé une attention particulière à la promotion 1917 de Yale, celle de Prescott. Ils voulaient des cadres fiables pour les aider à jouer le Grand Jeu, dans la nouvelle ère impériale lucrative que la guerre ouvrait aux magnats de Londres et de New York. Prescott Bush, qui était alors un ami proche de “Bunny” Harriman, et plusieurs autres Bonesmen de la promotion 1917 allaient plus tard constituer les principaux partenaires de Brown Brothers Harriman, [une des plus grandes] banques d’investissement privées du monde.
George Bush, The Unauthorized Biography,1992
C’est à l’occasion de la Première Guerre mondiale qu’arrive sur la scène le premier Bush ayant mis un pied dans l’establishment, Samuel, le père de Prescott, l’arrière-grand-père de “W”:
Les États-Unis sont entrés dans la Première Guerre mondiale en 1917. Au printemps 1918, le père de Prescott, Samuel P. Bush, devient chef de la section des munitions, des armes légères et des munitions de l’Office des industries de guerre. [L’arrière-grand-père] Bush assume la responsabilité nationale de l’aide gouvernementale et des relations avec (…) [les] entreprises d’armement.
Il s’agit d’une nomination inhabituelle, car le père de Prescott ne semble pas avoir d’expérience dans le domaine des munitions. Samuel Bush avait été président de la Buckeye Steel Castings Co. à Columbus, dans l’Ohio, qui fabriquait des pièces de wagons. Toute sa carrière s’était déroulée dans le secteur ferroviaire, fournissant des équipements aux réseaux ferroviaires appartenant à Wall Street.
En 1918, Samuel Bush devient directeur de la division des installations du War Industries Board. Le père de Prescott rendait compte au président du Conseil, Bernard Baruch, et à l’assistant de Baruch, le banquier privé de Wall Street Clarence Dillon..(…)
Avec la mobilisation de guerre menée sous la supervision du War Industries Board, les consommateurs et contribuables américains ont versé des fortunes sans précédent aux producteurs de guerre et à certains détenteurs de matières premières et de brevets. Les auditions menées en 1934 par la commission du sénateur américain Gerald Nye ont attaqué les “marchands de la mort” – les profiteurs de guerre tels que Remington Arms et la société britannique Vickers – dont les vendeurs avaient manipulé de nombreuses nations pour les faire entrer en guerre, puis avaient fourni à toutes les parties les armes nécessaires pour les combattre.
The Unauthorized Biography
Ce que nous montrent de façon saisissante Webster Tarpley et Anton Chaitkin, les auteurs de l’excellente biographie de George H.W. Bush que nous portons à la connaissance de nos lecteurs, c’est qu’il n’y a rien de nouveau sous le soleil américain: pendant la Première Guerre mondiale, une amorce de complexe militaro-industriel commençait à tester ses méthodes. Pousser à la guerre des pays tiers pour pouvoir ensuite les alimenter en armes. Ce qui se passe actuellement en Europe est l’aboutissement d’un siècle de manipulations.
Après un bref engagement sur le front en 1918, Prescott Bush s’était cherché, quelques années durant. Mais il avait fait un mariage décisif pour la suite de sa carrière, épousant la fille du président de la banque W.A.Harrimann & Co, Herbert Walker. C’est lui qui engagea Prescott en 1926 comme vice-président. La banque Harrimann est passionnante à observer puisqu’elle a créé sa fortune sur le capitalisme de connivence. En 1920, Harrimann et Walker avaient négocié discrètement avec le gouvernement américain le rachat des bateaux confisqué, au titre des réparations de guerre, de la ligne de navigation entre Hambourg et les États-Unis. Ensuite, ils revendirent les navires à la compagnie spoliée, en prenant 50% des actions de Hamburg-Amerika. Aussitôt après la banque Harrimann absorba la banque Morton, dans laquelle J.P. Morgan était l’investisseur principal.
Averell Harriman et Bert Walker avaient pris le contrôle de la compagnie maritime Hamburg Amerika en 1920, à l’issue de négociations avec Wilhelm Cuno, son directeur général après la Première Guerre mondiale, et avec Warburg, le banquier de la compagnie. Par la suite, Cuno devint membre de la Société d’amitié anglo-allemande. Et il devint l’un des intermédiaires du fascisme transatlantique en formation, puisqu’il versa d’importantes sommes au parti nazi.
L’opération Hamburg-Amerika fut le départ de la fortune de la banque Harrimann.
Walker et Harriman ont fait un pas de géant en 1922 en installant leur siège européen à Berlin. Avec l’aide de la banque Warburg, basée à Hambourg, WA. Harriman & Co. commence à investir dans l’industrie et les matières premières allemandes.
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Mais ce n’était pas tout. Dès cette époque, la banque Harrimann montra qu’elle n’avait pas de scrupules à travailler avec un régime totalitaire :
À partir de Berlin, Walker et Harriman se lancent dans des transactions avec la nouvelle dictature de l’Union soviétique. Ils dirigent un groupe restreint de spéculateurs de Wall Street et de l’Empire britannique qui relancent l’industrie pétrolière russe, dévastée par la révolution bolchevique. Ils ont conclu des contrats d’extraction du manganèse soviétique, un élément essentiel à la fabrication de l’acier moderne.
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Cependant, il y avait une différence majeure entre les totalitarismes: les milieux dirigeants américains entendaient instrumentaliser les dirigeants soviétiques au service de leurs intérêts financiers. Alors que, dans le cas des fascismes, une partie de l’élite américaine se sentait des affinités avec eux.
Gros travailleur, Prescott Bush en vint progressivement à diriger les opérations quotidiennes de W.A. Harriman & Co. Après la fusion, en 1931, de la société avec la banque britannique Brown Brothers, Prescott Bush devient associé gérant de la nouvelle société : Brown Brothers Harriman. Avec les deux frères Harrimann et son beau-père Herbert Walker, il avait construit l’une des plus grandes et plus importantes banques privées américaines. L’une des plus décisives aussi sur le plan des relations avec le fascisme européen.
Il faut dire qu’il y avait une préhistoire, une prédisposition à soutenir des régimes proclamant l’inégalité entre les hommes:
Brown Brothers, avec des bureaux aux États-Unis et en Angleterre, avait transporté sur ses navires 75 % du coton esclavagiste du Sud américain vers les propriétaires de filatures britanniques. En 1931, le gouverneur de la Banque d’Angleterre Montagu Collet Norman, était un ancien associé de Brown Brothers. Son grand-père avait été le patron de Brown Brothers pendant la guerre civile américaine. Montagu Norman était connu comme le plus fervent partisan d’Hitler au sein des cercles dirigeants britanniques
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Lorsque j’ai fait mes études et posé les bases de mes premières recherches sur le nazisme, au moment où s’effondrait le mur de Berlin, la question de savoir qui avait financé Hitler et le mouvement nazi était soigneusement évitée. On citait, sans commentaires, le livre souvent le livre du banquier Fritz Thyssen, J’ai payé Hitler. En le décontextualisant complètement.
J’ai commencé par lire l’abondante littérature marxiste sur le sujet des liens entre fascisme et capitalisme. Elle a ses mérites. Mais les auteurs marxistes, en particulier les historiens est-allemands, restaient obsédés par l’idée de prouver que c”était l’économie qui déterminait le nazisme. Dans la présente analyse je part de l’hypothèse que la politique détermine autant l’économie que la réciproque. C’est ce que j’appelle le capitalisme de connivence: certains acteurs apparemment purement privés profitent de leurs relations avec le pouvoir et avec l’État pour développer leur activité en se soustrayant aux lois de la libre concurrence et du marché.
Ajoutons que beaucoup d’auteurs marxistes sont restés fixés sur le lien entre capitalisme allemand et nazisme. Alors qu’il n’y aurait pas eu de fascisme italien ou allemand sans un soutien financier venu de la sphère anglo-américaine, dans les années 1920 et, surtout, durant les années de crise.
Harrimann s’est rendu à Berlin en 1922 pour créer la succursale berlinoise de W.A. Harriman & Co. sous la présidence de George Walker. L’Union Banking Corporation a été officiellement créée en 1924, en tant qu’unité des bureaux de Manhattan de W.A. Harriman & Co. et en relation avec la Bank voor Handel en Scheepvaart (BHS), propriété de Thyssen, aux Pays-Bas.
Ainsi, en vertu d’un accord personnel conclu entre Averell Harriman et Fritz Thyssen en 1922, W.A. Harriman & Co. (alias Union Banking Corporation) devait transférer des fonds entre New York et les “intérêts Thyssen” en Allemagne. En versant environ 400 000 dollars, l’organisation Harriman deviendrait copropriétaire et gestionnaire des opérations bancaires de Thyssen en dehors de l’Allemagne.
Quelle était l’importance de l’entreprise nazie dont le père du président Bush était le banquier new-yorkais ?
Le rapport d’enquête du gouvernement américain de 1942 [à la suite duquel les actifs allemands de Prescott Bush et de ses associés furent gelés sur ordre de Roosevelt Note EH] indique que la banque nazie de Bush était liée à la Vereinigte Stahlwerke (United Steel Works Corporation ou German Steel Trust) dirigée par Fritz Thyssen et ses deux frères. Après la guerre, les enquêteurs du Congrès ont examiné les intérêts de Thyssen, l’Union Banking Corp. et les unités nazies apparentées. L’enquête a montré que les Vereinigte Stahlwerke avaient produit les proportions approximatives suivantes de la production nationale allemande totale :
50,8% de la fonte brute de l’Allemagne nazie 41,4% de la tôle universelle de l’Allemagne nazie 36,0% de la tôle lourde de l’Allemagne nazie 38,5% de la tôle galvanisée de l’Allemagne nazie 45,5% des tuyaux et tubes de l’Allemagne nazie 22,1% du fil de fer de l’Allemagne nazie 35,0% des explosifs de l’Allemagne nazie.
Prescott Bush est devenu vice-président de W.A. Harriman & Co. en 1926. Cette même année, un ami d’Harriman et de Bush met en place une nouvelle organisation géante pour leur client Fritz Thyssen, principal sponsor de l’homme politique Adolf Hitler. Le nouveau German Steel Trust, la plus grande société industrielle d’Allemagne, a été créé en 1926 par le banquier de Wall Street Clarence Dillon. Dillon était un ancien camarade de Sam Bush, le père de Prescott Bush, qui avait fait partie du bureau des “Marchands de mort” pendant la Première Guerre mondiale.
En échange d’une mise de fonds de 70 millions de dollars pour la création de son organisation, le propriétaire majoritaire Thyssen donne à la société Dillon Read deux représentants ou plus au conseil d’administration du nouveau Steel Trust.
Il y a donc une division du travail : Les comptes confidentiels de Thyssen, à des fins politiques et autres, étaient gérés par l’organisation Walker-Bush ; le German Steel Trust effectuait ses opérations bancaires par l’intermédiaire de Dillon Read.
The Unauthorized Biography
Prenons le temps de lire la biographie “non-autorisée” de Webster Tarpley et Anton Chaitkin. Elle met les idées en place:
Après la guerre, Fritz Thyssen a parlé aux interrogateurs alliés de son soutien financier au parti nazi : “En 1930 ou 1931 […] j’ai dit à [Rudolph] Hess, l’adjoint d’Hitler, […] que je lui accorderais un crédit auprès d’une banque néerlandaise à Rotterdam, la Bank für Handel und Schiff [c’est-à-dire la Bank voor Handel en Scheepvaart (BHS), la filiale de Harriman-Bush]. J’ai organisé le crédit […] il le rembourserait en trois ans […]. . . J’ai choisi une banque néerlandaise parce que je ne voulais pas être mêlé à des banques allemandes dans ma position, et parce que je pensais qu’il était préférable de faire des affaires avec une banque néerlandaise, et je pensais que j’aurais les nazis un peu plus entre mes mains. . . .
” Le crédit était d’environ 250 à 300 000 marks [or] – à peu près la somme que j’avais donnée auparavant. Le prêt a été remboursé en partie à la banque hollandaise, mais je pense qu’il reste encore de l’argent à payer. . . “
Le total des dons politiques et des prêts de Thyssen aux nazis dépasse largement le million de dollars, y compris les fonds qu’il a collectés auprès d’autres personnes, à une époque où l’Allemagne connaissait une terrible pénurie d’argent.
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En dollars constants, on parle de plusieurs centaines de millions de dollars pour le futur dictateur mis à disposition du futur dictateur et de son parti par Fritz Thyssen, utilisant comme écran une des grandes banques d’affaires anglo-américaines!
Le baron Kurt von Schroeder était codirecteur de l’énorme fonderie Thyssen-Hu@autte avec Johann Groeninger, le partenaire bancaire new-yorkais de Prescott Bush. Kurt von Schroeder était trésorier de l’organisation de soutien aux armées privées du parti nazi, à laquelle contribuait Friedrich Flick. Kurt von Schroeder et le prote@aage@aa de Montagu Norman, Hjalmar Schacht, ont pris ensemble les dernières dispositions pour permettre à Hitler d’entrer au gouvernement. (…)
L’ambassade américaine à Berlin rapporte à Washington que les “coûteuses campagnes électorales” et “le coût de l’entretien d’une armée privée de 300 000 à 400 000 hommes” ont soulevé des questions quant aux bailleurs de fonds des nazis. Le gouvernement constitutionnel de la république allemande a réagi pour défendre la liberté nationale en ordonnant la dissolution des armées privées du parti nazi. L’ambassade américaine signale que la Hamburg-Amerika Line achète et distribue des attaques de propagande contre le gouvernement allemand, pour avoir tenté cette répression de dernière minute contre les forces hitlériennes.
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Les biographes du fils de Prescott Bush ont le don de la formule:
À certains moments de la crise, des décisions pro-nazies cruciales ont été prises en dehors de l’Allemagne. Ces décisions d’actions pro-nazies étaient plus agressives que le simple “apaisement” que les historiens anglo-américains ont préféré évoquer par la suite.
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Bien entendu, on fera la part de la crise économique, du chômage massif et du désespoir de nombreux allemands, de la polarisation créée par la montée en puissance du parti communiste. Mais il existait des éléments d’alternative au parti nazi. Les Anglo-Américains auraient pu choisir de soutenir le chancelier Brüning. Ou bien ils auraient pu appuyer la dictature militaire de Kurt von Schleicher, qui avait de bonnes chances d’installer son pouvoir, à l’automne 1932, au moment où les nazis reculaient aux élections. Eh bien non: des membres influents de l’establishment bancaire et financier anglo-américain ont choisi de soutenir le fascisme allemand plutôt qu’une coalition conservatrice ou une dictature militaire! .
L’effondrement économique de 1929-1931 a entraîné la faillite du German Steel Trust, soutenu par Wall Street. Lorsque le gouvernement allemand a repris les actions du trust, des intérêts associés à Konrad Adenauer et au parti catholique antinazi du centre ont tenté d’acquérir les actions. Mais les Anglo-Américains – Montagu Norman et la banque Harriman-Bush – ont fait en sorte que leur marionnette nazie Fritz Thyssen reprenne le contrôle des actions et du trust. Le financement d’Hitler par Thyssen peut alors se poursuivre sans entrave.
Dans les années 1920, des dettes impayables écrasent l’Allemagne, réparations exigées par les accords de Versailles. L’Allemagne a été pillée par le système bancaire de Londres-New York, et la propagande d’Hitler a exploité le fardeau de la dette allemande.
Mais dès que l’Allemagne est passée sous la dictature d’Hitler, les financiers anglo-américains ont accordé un allègement de la dette, ce qui a permis de dégager des fonds pour l’armement de l’État nazi.
La compagnie maritime North German Lloyd, qui a fusionné avec la Hamburg-Amerika Line, est l’une des sociétés qui a cessé de payer ses dettes en vertu d’un décret d’Hitler organisé par John Foster Dulles et Hjalmar Schacht.
Felix Warburg, de Kuhn Loeb and Co, a mis en œuvre le plan de financement d’Hitler à New York. Kuhn Loeb a demandé aux détenteurs d’obligations de la North German Lloyd d’accepter de nouvelles obligations à taux d’intérêt réduit, émises par Kuhn Loeb, à la place des meilleures obligations antérieures à Hitler.
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A la même époque, la banque Harrimann mettait aussi des capitaux à disposition pour Benito Mussolini. Elle n’était en l’occurrence pas le principal bailleur de fonds du régime fasciste:
[Dès 1926], JP Morgan avait déjà accordé un prêt de 100 millions de dollars au nouveau régime fasciste de Mussolini en Italie – le faiseur de roi du Parti démocrate, Thomas Lamont, jouant le rôle de Prescott Bush dans l’opération italienne de Wall Street. Ce n’était pas seulement JP Morgan qui aimait le style mussolinien de fascisme d’entreprise, mais Henry Luce, de Time Magazine s’extasiait sans retenue sur Il Duce mettant Mussolini sur la couverture du Time huit fois entre 1923 et 1943 tout en promouvant sans relâche le fascisme comme «solution économique miracle pour l’Amérique» – ce qu’il a également fait dans ses deux autres magazines Fortune et Life. De nombreux Américains désespérés, toujours traumatisés par la longue et douloureuse dépression commencée en 1929, avaient de plus en plus adopté l’idée toxique qu’un fascisme américain mettrait de la nourriture sur la table et finalement les aiderait à trouver du travail.
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100 millions de dollars à Mussolini! En dollars de 2023, cela représente une somme de plusieurs dizaines de milliards. C’est gigantesque! Mais prenons la mesure du fait que les Anglo-Américains ont encore plus soutenu le nazisme que le fascisme italien:
[L’argent mis à dispositio par Prescott Bush et ses associés ] n’est qu’une petite partie d’une affaire plus large, car Rockefeller’s Standard Oil avait créé un nouveau cartel international aux côtés de IG Farben – la quatrième plus grande entreprise au monde – en 1929 dans le cadre du Plan Young. Owen Young était un pion de JP Morgan qui dirigeait General Electric. Il a élaboré un plan de remboursement de la dette allemande en 1928 qui a donné naissance à la Banque des règlements internationaux (BRI) et consolidé un cartel international d’industriels et de financiers au nom de la City de Londres et de Wall Street.
Le plus grand de ces cartels a vu les opérations allemandes d’Henry Ford fusionner avec IG Farben, Dupont Industries, Britain’s Shell et Rockefeller’s Standard Oil. L’accord de cartel de 1928 a également permis à Standard Oil de faire passer tous les brevets et technologies pour la création d’essence synthétique à partir du charbon à IG Farben, permettant ainsi à l’Allemagne de passer de seulement 300 000 tonnes de pétrole naturel en 1934 à une quantité incroyable de 6,5 millions de tonnes – 85% de son total – pendant la Seconde Guerre mondiale !
Si ce transfert de technologie n’avait pas eu lieu, c’est un fait que la guerre mécanisée moderne qui a caractérisé la Seconde Guerre mondiale n’aurait jamais pu commencer.
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La famille Bush nous a servi de point d’entrée pour commencer à briser le tabou des affinités inavouables entre le monde anglo-américain et les fascismes européens qui mènent à la Seconde Guerre mondiale.
Nous commençons à comprendre que le comportement du monde dirigeant américain a été bien différent vis-à-vis du monde communiste et du monde fasciste. Avec le communisme, il y a eu, régulièrement de bonnes affaires et des périodes de détente. Mais elles ont toujours été fragiles. D’abord, parce que les régimes communistes sont fondés sur une tendance à l’autarcie, que les pressions américaines ont tendance à réveiller régulièrement. Ensuite, parce que l’establishment américain lui-même se remobilise régulièrement contre le communisme et en fait un moyen de bonnes affaires mais aussi de mise sous contrôle de la démocratie par l’oligarchie du complexe militaro-industriel.
Il faut cependant aller plus loin dans l’analyse: il existe des affinités idéologiques entre une partie du monde anglo-américain et le fascisme, essentiellement parce que les deux univers ont pu se rejoindre sur l’idée d’une inégalité entre les hommes.
Dans la biographie qu’ils ont consacrée à George H.W. Bush et dont nous avons rendu accessibles de larges extraits ci-dessus, Webster Tarpley et Anton Chaitkin insistent sur le paradoxe suivant: fin 1942, lorsqu’une partie de ses actifs furent confisqués par le gouvernement américain, Prescott Bush aurait pu se considérer comme un homme fini. On aurait pu penser que l’avenir de cette famille qui accédait à peine à l’establishment américain, était compromis.
Or, non seulement les Bush ont rebondi mais ils n’ont pas renoncé au noyau idéologique de leurs affinités avec le fascisme: une croyance partagée dans les vertus de l’eugénisme! Les biographes du 41è président des États-Unis ont identifié trois personnes -clé de l’entourage de George H. W. Bush, qui ont aidé ce dernier à faire avancer la cause de l’eugénisme dans les États-Unis d’après 1945:
+ Will Farish III:
Lorsque George Bush a été élu vice-président en 1980, l’homme mystérieux du Texas William (“Will”) Stamps Farish III, né en 1939, a pris en charge la gestion de l’ensemble de la fortune personnelle de George Bush dans le cadre d’un “blind trust” (fonds fiduciaire sans droit de regard). Will Farish fut récompensé lorsqu’un autre Bush parvint à la présidence en 2000: il fut, entre 2001 et 2004, ambassadeur des Etats-Unis en Grande-Bretagne. Il est aussi le petit-fils du premier William Farish de la dynastie, qui fut l’un des organisateurs et financeurs
du tristement célèbre “troisième congrès international sur l’eugénisme”, qui s’est tenu au Musée américain d’histoire naturelle de New York du 21 au 23 août 1932, sous la supervision de la Fédération internationale des sociétés d’eugénisme. Cette réunion s’est penchée sur l’obstination des Afro-Américains et d’autres groupes prétendument “inférieurs” et “socialement inadéquats” à se reproduire, à augmenter leur nombre et à s’amalgamer avec d’autres. Il a été recommandé que ces “dangers” pour les groupes ethniques “meilleurs” et pour les “bien-nés” soient traités par la stérilisation ou “l’élimination des mauvaises souches” des “inaptes”. “
Le gouvernement fasciste italien a envoyé un représentant officiel. La sœur d’Averell Harriman, Mary, directrice des “divertissements” pour le Congrès, vivait en Virginie, au pays des chasseurs de renards ; son État fournit l’orateur sur la “pureté raciale”, WA. Plecker, commissaire à l’état civil de Virginie. Plecker aurait tenu les délégués en haleine avec son récit de la lutte contre le mélange des races et les relations sexuelles interraciales en Virginie.
Les travaux du congrès ont été dédiés à la mère d’Averell Harriman, qui avait financé la création du mouvement des sciences raciales en Amérique en 1910, en créant le Eugenics Record Office en tant que succursale du Galton National Laboratory à Londres. Elle et les autres Harriman étaient généralement escortés aux courses de chevaux par le vieux George Herbert Walker – ils partageaient avec les Bush et les Farish une fascination pour “l’élevage de pur-sang” parmi les chevaux et les humains
Averell Harriman s’est personnellement arrangé avec la ligne Walker/Bush Hamburg-Amerika pour transporter les idéologues nazis d’Allemagne à New York pour cette réunion. Ernst Rüdin, psychiatre à l’Institut Kaiser Wilhelm pour la généalogie et la démographie à Berlin, où la famille Rockefeller a payé pour que le Dr Rüdin occupe un étage entier avec ses “recherches” sur l’eugénisme. “Rüdin avait pris la parole lors de la réunion de la Fédération internationale à Munich en 1928, sur le thème “Aberration mentale et hygiène raciale”, tandis que d’autres (Allemands et Américains) parlaient du mélange des races et de la stérilisation des inaptes. Rüdin avait également dirigé la délégation allemande au congrès de 1930 sur l’hygiène mentale à Washington.
Lors du congrès eugénique de New York organisé par les Harriman en 1932, Ernst Rüdin a été élu à l’unanimité président de la Fédération internationale des sociétés d’eugénisme. Il s’agit d’une reconnaissance de Rüdin en tant que fondateur de la Société allemande pour l’hygiène raciale, avec son cofondateur, Alfred Plötz, vice-président de la Fédération eugénique.
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+ William Draper Jr.
On aurait pu penser que ces affinités idéologiques avec l’eugénisme fasciste avaient sombré avec les poursuites de l’Etat américain contre Prescott Bush et Willima Farish Sr. Au contraire. A la fin des années 1960, George H.W. Bush commença à tomber le masque. Un quart de siècle après la Seconde Guerre mondiale, il fallait reprendre la cause eugéniste, sans Hitler.
Bush, alors membre du Congrès, a invité les professeurs William Shockley et Arthur Jensen à expliquer à la commission comment les taux de natalité prétendument galopants des Afro-Américains entraînaient une “décadence” de la population américaine.
George Bush a tenu ses auditions sur la menace posée par les bébés noirs le 5 août 1969, alors qu’une grande partie du monde était dans un état d’esprit optimiste – célébrant les progrès de l’humanité depuis le premier alunissage 16 jours plus tôt. La réflexion obsessionnelle de Bush sur ce sujet a été guidée par un ami de sa famille, le général William H. Draper Jr, fondateur et président du Population Crisis Committee, et vice-président de la Planned Parenthood Federation. Draper dirigeait depuis longtemps le débat public américain sur la soi-disant “bombe démographique” dans les régions non blanches du monde.
Si le député Bush avait expliqué à ses collègues comment sa famille avait fait la connaissance du général Draper, ils auraient peut-être ressenti une certaine inquiétude, voire de la panique, et auraient prêté une attention plus saine à l’exposé de Bush. Malheureusement, la doctrine Draper-Bush en matière de population est désormais la politique étrangère officielle des États-Unis.
William H. Draper Jr. a rejoint l’équipe Bush en 1927, lorsqu’il a été engagé par Dillon Read & Co, une banque d’investissement new-yorkaise. Draper s’est vu confier un nouveau poste au sein de la société : la gestion du compte Thyssen. (…)
Draper a aidé à choisir Ernst Rüdin comme chef du mouvement eugénique mondial, qui a utilisé son bureau pour promouvoir ce qu’il appelait la ” mission hygiénique raciale sacrée, nationale et internationale ” d’Adolf Hitler.
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Lorsque le gouvernement Roosevelt a interdit toute relation avec l’Allemagne,
…l.a guerre était en cours ; Draper, colonel en retraite, est parti pour le théâtre du Pacifique et est devenu général. (…)
En juillet 1945, le général Draper est appelé en Europe par les autorités militaires américaines en Allemagne. Draper est nommé chef de la division économique de la Commission de contrôle américaine. Il est chargé de démanteler les cartels d’entreprises nazis. Il y a une raison étonnante mais parfaitement logique à cela : Draper en connaissait un rayon sur le sujet! Le général Draper, qui avait passé une quinzaine d’années à financer et à gérer les entreprises nazies les plus sales, était désormais autorisé à décider qui était exposé, qui perdait et qui conservait ses affaires, et en pratique, qui était poursuivi pour crimes de guerre.
(Draper n’était pas le seul au sein du gouvernement d’occupation d’après-guerre. Prenons le cas de John J. McCloy, gouverneur militaire américain et haut-commissaire d’Allemagne, de 1949-1952. Sur les instructions de son cabinet d’avocats de Wall Street, McCloy avait vécu pendant un an en Italie, en tant que conseiller du gouvernement fasciste de Benito Mussolini. Collaborateur intime de la banque Harriman/Bush, McCloy s’est assis dans la loge d’Adolf Hitler aux Jeux olympiques de Berlin en 1936, à l’invitation des chefs nazis Rudolf Hess et Hermann Go@auring.
Après plusieurs années au service du gouvernement (souvent en travaillant directement pour Averell Harriman dans le cadre de l’Alliance de l’Atlantique Nord), le général Draper a été nommé en 1958 président d’un comité chargé de conseiller le président Dwight Eisenhower sur l’orientation à donner à l’aide militaire américaine à d’autres pays. À cette époque, Prescott Bush était sénateur du Connecticut, ami intime et partenaire de golf du directeur de la sécurité nationale, Gordon Gray, et partenaire de golf important de Dwight Eisenhower également. Le vieil avocat de Prescott à l’époque nazie, John Foster Dulles, était secrétaire d’État, et son frère Allen Dulles, anciennement de la banque Schroder, était à la tête de la CIA.
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Prescott Bush avait réussi cet exploit, à la faveur de la mort de Roosevelt, de revenir en grâce et même de progresser encore au sein du noyau dirigeant américain!
Cet environnement amical a enhardi le général Draper à réaliser un coup d’éclat avec son comité consultatif sur l’aide militaire. Il modifie le sujet à l’étude. L’année suivante, le comité Draper recommande au gouvernement américain de réagir à la menace supposée de “l’explosion démographique” en élaborant des plans de dépeuplement des pays pauvres. La croissance de la population non blanche dans le monde, proposait-il, devrait être considérée comme dangereuse pour la sécurité nationale des États-Unis !
Le président Eisenhower a rejeté cette recommandation. Mais au cours de la décennie suivante, le général Draper a fondé le “Population Crisis Committee” et le “Draper Fund”, s’associant aux familles Rockefeller et Du Pont pour promouvoir l’eugénisme en tant que “contrôle de la population”. “L’administration du président Lyndon Johnson, conseillée par le général Draper sur le sujet, a commencé à financer le contrôle des naissances dans les pays tropicaux par l’intermédiaire de l’Agence américaine pour le développement international (USAID).
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Nous aurons à revenir sur la capacité du fascisme gris à projeter l’eugénisme nazi à l’échelle de la planète. Mais le plus incroyable vient de ce que l’eugénisme, dont on dit volontiers qu’il a existé avant les années 1930 aux Etats-Unis mais qu’il avait été tellement disqualifié par le IIIè Reich qu’il avait été abandonné aux USA a en fait continué sans interruption. Un ami de la famille Bush nous apporte la preuve du contraire:
+ Gordon Gray
Ce proche de George H. W. Bush a fondé immédiatement après la guerre une Medical School à Winston-Salem, grâce aux actions de cigarettes dont il avait hérité.Cette ‘école de médecine était en fait un centre eugéniste. (…)
L’expérience s’est déroulée comme suit. Tous les enfants inscrits dans le district scolaire de Winston-Salem (Caroline du Nord) ont été soumis à un “test d’intelligence” spécial. “Les enfants dont le score était inférieur à un certain seuil arbitraire ont été ouverts et stérilisés chirurgicalement.
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Nous aurons à revenir sur la contribution du parti démocrate à l’eugénisme du fascisme gris. Mais le rôle clé de la famille Bush a été de permettre le retour des idées eugénistes au parti républicain, dont la lutte historique contre l’esclavage, le conservatisme et le christianisme le rendaient a priori immunes face à l’héritage maudit du nazisme. C’est ainsi que, devenu président après le très chrétien Ronald Reagan, George W. Bush a continué à pousser à fond la cause de l’eugénisme
George Bush était ambassadeur des États-Unis aux Nations unies en 1972, lorsque, sous son impulsion et celle de ses amis, l’Agence américaine pour le développement international a passé pour la première fois un contrat officiel avec l’ancienne Ligue américaine pour la stérilisation. Cette dernière avait changé deux fois de nom et s’appelait désormais “Association for Voluntary Surgical Contraception” (Association pour la contraception chirurgicale volontaire). “Le gouvernement américain a commencé à payer l’ancien groupe fasciste pour stériliser les non-Blancs dans les pays étrangers.
L’expérience de la famille Gray a réussi.
En 1988, l’Agence américaine pour le développement international a [encore]signé [un] contrat avec l’ancienne Ligue de stérilisation (alias Association pour la contraception chirurgicale volontaire), engageant le gouvernement américain à dépenser 80 millions de dollars sur cinq ans.
Après avoir réussi à stériliser plusieurs centaines d’écoliers de Caroline du Nord, “généralement âgés de huit à dix ans”, le même groupe [était] maintenant autorisé par le président Bush à le faire dans 58 pays d’Asie, d’Afrique et d’Amérique latine. Le groupe affirme modestement n’avoir stérilisé directement ” que ” deux millions de personnes, 87 % de la facture ayant été payés par les contribuables américains.
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Bien entendu, tout cela s’enracinait dans un eugénisme anglo-américain beaucoup plus ancien:. L’eugénisme britannique était cette science du darwinisme social que Thomas Huxley avait développée dans son X Club, en association avec Herbert Spencer et le cousin de Darwin, Sir Francis Galton, des décennies plus tôt. Lors de la conférence eugéniste de Washington en 1932, le fasciste britannique avait tenu des propos qui n’avaient rien à envier au IIIè Reich.
L”eugénisme aide et encourage la survie et la multiplication des plus aptes ; indirectement, cela freine et décourage la multiplication des inaptes. À ce sujet, aux États-Unis seulement, il est largement reconnu qu’il y a des millions de personnes qui agissent comme des freins ou des ancres sur les progrès du navire de l’État… Alors que certaines personnes hautement compétentes sont au chômage, la masse des chômeurs fait partie des moins compétents, qui sont d’abord sélectionnés pour l’élimination, tandis que les quelques personnes hautement compétentes sont retenues car elles restent indispensables. Dans la nature, ces individus moins en forme disparaîtraient progressivement, mais dans la civilisation, nous les gardons dans la communauté dans l’espoir que, dans des jours meilleurs, ils trouveront tous un emploi. Ce n’est là qu’un autre exemple d’une civilisation humaine allant directement à l’encontre de l’ordre de la nature et encourageant la survie des moins aptes.
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La seule nouveauté chez George H. W. Bush était la volonté d’envelopper la pensée eugéniste dans la langue technocratique des organisations internationales:
L’écart de revenu par habitant entre les pays développés et les pays en développement s’accroît, en grande partie en raison des taux de natalité plus élevés dans les pays les plus pauvres. . . . La famine en Inde, les bébés non désirés aux États-Unis, la pauvreté qui semble former une chaîne infranchissable pour des millions de personnes : comment devons-nous nous attaquer à ces problèmes ? …. Il est évident que l’un des principaux défis des années 70 sera de réduire la fécondité dans le monde.
Phyllis Tilson Piotrow, World Population Crisis: The United States Response (New York: Praeger Publishers, 1973), ” Forward ” by George HW. Bush, pp. vii-viii.