Il y a un an, la phase 1A du programme SCAF [Système de combat aérien du futur], mené en coopération entre la France, l’Allemagne et l’Espagne, pouvait être [enfin]
lancée après des mois de tergiversations. Ce qui ouvrait la voie au développement d’un démonstrateur pour le New Generation Fighter [NGF], c’est à dire l’avion de combat qui sera au centre de ce
« système de systèmes ». Et les responsabilités des uns et des autres étaient alors clairement établies.
Ainsi, Dassault Aviation fut désigné comme maître d’œuvre pour le NGF, avec Airbus comme partenaire principal. Dans le même temps, le groupe européen devait diriger
les travaux concernant les effecteurs connectés [avec MBDA] ainsi que le « Cloud » de combat [avec Thales]. Enfin, la responsabilité du développement des moteurs fut confiée à Safran,
en partenariat avec MTU, dont l’expérience dans ce domaine est limitée.
Or, c’est ce partage des tâches qui a été remis en cause lors du dernier conseil de défense franco-allemand, le 5 février dernier, par Angela Merkel, la chancelière
allemande.
« C’est un projet sous leadership français mais il fait quand même que les partenaires allemands puissent être à un niveau satisfaisant face à leurs homologues
[français]. Nous devons donc voir très précisément les questions de propriété industrielle, de partage des tâches et de partage de leadership », a en effet lancé Mme Merkel, après avoir
demandé, au passage, de « créer très rapidement les conditions qui permettront de faire passer le dossier devant le comité des affaires budgétaires du Bundestag. »
En clair, comme ce dernier aura à se prononcer sur les futurs investissements qu’exige la prochaine phase du programme SCAF, il a le pouvoir de tout bloquer…
Surtout s’il estime que les doléances des industriels allemands sont insuffisamment prises en compte.
Justement, le 12 février, le comité d’entreprise [allemand] d’Airbus Defence & Space [le « Betriebsrat » a des prérogatives élargies par rapport à son homologue français, ndlr] et le syndicat IG Metall ont
précisé ces dernières. Et ils ont plaidé pour que l’Allemagne développe son propre démonstrateur, qui serait basé sur l’Eurofighter.
Ainsi, pour le moment, il ne serait question de développer qu’un seul démonstrateur, basé sur le Rafale de Dassault Aviation. D’où les critiques allemandes.
Il est « crucial de transférer à la jeune génération les connaissances des ingénieurs qui ont travaillé sur le Tornado et l’Eurofighter. Si l’Allemagne ne
construit pas son propre démonstrateur, ce savoir-faire sera perdu », a fait valoir Bernhard Stiedl, du syndicat IG Metall.
Le président du comité d’entreprise général d’Airbus Defence and Space, Thomas Pretzl, n’a pas dit autre chose. Développer, en Allemagne, « notre propre
démonstrateur basé sur l’Eurofighter est d’une importance capitale pour l’industrie allemande de la défense. Nous seulement pour nos collègues d’Airbus mais aussi pour les nombreux fournisseurs
allemands de taille moyenne », a-t-il affirmé. Et d’estimer qu’une « répartition équitable des contrats de développement est essentielle pour une coopération internationale
réussie. »
« Avec un volume de 300 milliards d’euros, c’est le plus grand projet de défense des prochaines années – et donc l’un des plus grands projets de politique
industrielle en Europe dans un avenir proche. Si l’Allemagne renonce désormais à un démonstrateur au début du projet, alors le SCAF deviendra un projet de politique industrielle pour la France,
financé dans une large mesure par l’Allemagne », plaide le comité d’entreprise d’Airbus Defence & Space.
Mais M. Pretzl a donné une autre raison pour que Berlin développe son propre démonstrateur : l’échec possible de la coopération entamée avec la France et l’Espagne.
« Cela garantirait la poursuite des travaux en Allemagne », a-t-il dit.
Cela étant, si l’Allemagne développe son propre démonstrateur, pourra-t-on encore parler de « coopération » puisque cela donnerait lieu à deux avions de
combat différents? Et quelle place aurait la Direction générale de l’armement, qui assure la maîtrise d’ouvrage du programme?
Pour rappel, côté français, le Pdg de Dassault Aviation, Éric Trappier, ne voit pas les choses de la même manière que la partie allemande. « Le but n’est pas
simplement de se partager le travail mais d’être efficace », a-t-il
dit, dans un entretien donné au Journal de l’Aviation. Et d’estimer que la pratique dite du « geo-return » n’est pas la plus pertinente qui soit.
« Il ne faut pas sacrifier la coopération à un partage des tâches à ce point équilibré au millimètre près, où chacun ferait la même chose que l’autre »,
a-t-il estimé, soulignant que « si on achète américain, il n’y a pas de geo-return du tout. »
«Industrie de défense : Un reset français plutôt que du franco-allemand»
....la tribune d’Aymeric Chauprade - Le 14/02/2021.
Spécialiste de géopolitique, auteur de nombreux ouvrages, Aymeric Chauprade a été député européen FN avant de s’en éloigner
Le programme franco-allemand SCAF (Système de combat aérien du futur) résume à lui seul l’histoire étrange d’une grande nation scientifique et industrielle, la France, qui, sous la
double emprise de son obsession idéologique et de son complexe d’infériorité, s’apprête à détruire l’un de ses derniers atouts : son industrie de défense.
Entre 2012 et 2017, deux vieilles nations de poids géopolitique comparable, la France et le Royaume-Uni, deux ex-puissances coloniales, lassées de leurs guerres séculaires depuis le
Moyen-Âge, alliées des deux grandes guerres du XXe siècle,
discutent pour imaginer ensemble l’avion de combat du futur. Paris et Londres ont signé les accords de Lancaster House en 2010, et ont tout intérêt à unir leurs forces. Des
démonstrateurs voient le jour, le Dassault Neuron en 2012, le BAE Systems Taranis en 2013. Au sommet franco-britannique d’Amiens, en 2016, les deux pays s’accordent pour réaliser
ensemble un démonstrateur. Puis tout s’arrête.
Que s’est-il passé ? Un nouveau président est élu en France, qui, comme ses prédécesseurs, pense que l’habit présidentiel est indissociable du « pas de deux » avec la chancelière
allemande, laquelle est trop maligne pour ne pas comprendre que le moment est venu de briser dans son élan la coopération franco-britannique.
Tellement bon.Le 13 juillet 2017, Angela Merkel et Emmanuel Macron annoncent leur
intention de développer conjointement plusieurs systèmes d’armes. Les Allemands et les Français feraient ensemble l’avion de combat du futur (un système de combat aérien constitué
d’un futur avion habité de nouvelle génération, entouré d’un essaim de drones), le char lourd de combat du futur, le drone européen du futur, le drone maritime du futur…
Même si les Espagnols et les Italiens ne sont pas oubliés, les Français et les Allemands se répartissent les leaderships sur les différents programmes. C’est tellement bon pour un
Français de se sentir l’égal d’un Allemand et au-dessus d’un Italien ou d’un Espagnol, et de tous les autres…
Les Français, qui ne croient plus guère aux chars lourds depuis la fin de la Guerre froide, donnent aux Allemands le leadership du MGCS (Main Ground Combat System), mais ils gardent
naturellement la main sur le SCAF (Système de combat aérien du futur) pour une raison évidente : dans cet aréopage industriel, Dassault Aviation est le seul industriel à savoir
fabriquer un avion de combat.
Dès 2017, les industriels français ne sont pas dupes, mais ils obéissent le petit doigt sur la couture du pantalon à la volonté (idéologique)
du Politique, lequel tient entre ses mains les deniers nécessaires pour lancer les études, les démonstrateurs… A Paris, et quels que soient les
états-majors politiques, du PS aux LR en passant par LREM, l’idéologie franco-allemande est puissante ; on a le droit de la maudire en privé, mais jamais de la critiquer en
public. Tant pis si pour la réalité, « l’avenir est européen donc franco-allemand ». Le Brexit vient d’ailleurs donner encore plus d’eau au moulin des thuriféraires du « moteur
franco-allemand ».
Supériorité.5 février 2021, Sommet franco-allemand, crise majeure sur les programmes communs de défense… Arrive donc ce qui devait arriver :
les Allemands reprochent aux Français de ne pas avancer sur le char, tandis que les Français reprochent aux Allemands de ne pas avancer sur l’avion. Les Allemands veulent tout
rediscuter : ils exigent davantage sur la propriété intellectuelle ; ce qu’ils veulent en réalité, c’est que les Français transfèrent la technologie qu’ils n’ont pas dans le
domaine de l’aviation de combat.
Certains à Paris découvrent « l’eau chaude » : l’Allemagne est en train de se servir de ses alliances pour combler son retard en matière d’industrie de défense. Plus faible
économiquement que l’Allemagne, la France est en train d’offrir aux Allemands, sur un plateau, le seul avantage comparatif qu’elle conservait : sa supériorité dans le domaine de la
défense !
Une alliance industrielle de défense entre la France et l’Allemagne n’a aucun sens : la première a tout à perdre, la seconde tout à gagner.
La crise révèle pourtant bien plus qu’une simple friction d’ego sur un partage de compétences. En vérité, l’Allemagne et la France n’ont pas les mêmes objectifs géopolitiques et leurs besoins militaires sont, fort
logiquement, très différents. On peut se rassurer en répétant que bâtir des systèmes d’armes ensemble ne va pas de soi et exige des sacrifices de part et d’autre ; ce serait vrai si
le problème n’était pas bien plus profond que cela ! La vérité est qu’une alliance industrielle de défense entre la France et l’Allemagne n’a aucun sens : la première a tout à perdre,
la seconde tout à gagner en utilisant l’alliance comme un sas de transfert de technologies.
Certes l’Allemagne dispose aussi de technologies de qualité, sauf que nous n’en avons pas besoin ! Nous savons tout faire seuls, avec nos propres industries : un avion de combat, un
moteur ultra-performant, un cloud, des drones, un système de systèmes…
Puissance continentale, l’Allemagne reste profondément attachée à l’OTAN. Son armée est une composante du bloc transatlantique dirigé par Washington, prête à participer à une guerre
de haute intensité contre la Russie. Face à la Russie, les Etats-Unis ont besoin de chars lourds prépositionnés en Allemagne, donc de chars allemands. Certes la France a encore des
chars lourds (l’excellent char Leclerc) mais elle a abandonné depuis longtemps le modèle de la Guerre froide et n’a projeté ses chars ni en Afghanistan ni en Afrique. L’armée de terre
française mise maintenant sur la mobilité des blindés à roue du programme SCORPION (le Griffon et le Jaguar), elle préfère les missiles aux canons des chars lourds.
De temps en temps, pour que l’on ne doute pas trop de notre volonté otanienne, nous mettons à disposition quelques Leclerc pour des manœuvres anti-russes dans les pays Baltes, mais
tout cela n’est pas sérieux. Ce qui est sérieux, c’est le Mali (là où meurent nos soldats, ne l’oublions pas), ce sont nos frappes contre l’Etat islamique, c’est la nécessité de devoir
naviguer dans toutes les mers et les océans là où le drapeau français flotte, des Caraïbes jusqu’au Pacifique Sud en passant par l’océan Indien.
Besoins opérationnels. L’Allemagne, elle, n’est ni membre du Conseil de sécurité de l’ONU, ni une
puissance nucléaire ; elle ne se projette pas en Afrique et n’a pas à protéger un espace maritime comme celui de la France (le deuxième derrière les Etats-Unis). L’Allemagne n’a pas
besoin que son chasseur de combat du futur soit capable de se poser sur un porte-avions pour être projeté au Moyen-Orient ou en Afrique, ou qu’il soit prêt à emporter des missiles à
tête nucléaire.
Nos besoins opérationnels sont encore ceux d’un pays qui agit de manière souveraine sur des théâtres où il entend garder une influence. Nous voulons dissuader et nous projeter, car
nous voulons rester une puissance crédible dans un monde de plus en plus multipolaire et où notre influence dépendra de plus en plus de notre capacité à défendre des gouvernements
contre des forces islamistes, et à protéger des espaces maritimes contre les nouvelles poussées impériales, en Méditerranée comme mer de Chine orientale ou dans le canal du
Mozambique.
Au-delà de l’incompatibilité des buts géopolitiques entre Paris et Berlin, laquelle fonde une incompatibilité en termes de coopération industrielle de défense, s’ajoutent des
divergences graves en matière de règles d’exportation des armes. A quoi bon développer des armes avec un partenaire dont on sait déjà qu’il n’a pas la même philosophie pour les vendre
? Nous avons (finalement, et après, il faut le dire, beaucoup d’obstacles mis sur notre chemin par nos alliés américains) exporté notre Rafale, et nous continuerons à le faire.
Où avons-nous exporté ? Vers des pays qui cherchaient une troisième voie entre les Américains et les Russes. En Inde, en Grèce (car les Américains sont à la fois avec les Grecs
et les
Turcs), et demain dans tous les pays qui voudront se donner cette marge de manœuvre géopolitique qu’offre l’armement français.
Gauchisme et atlantisme. Compte tenu de la nature du système politique allemand, du poids du Bundestag dans la décision d’exportation allemande, mais aussi du poids de
la gauche allemande pacifiste au Bundestag, qui peut imaginer une politique d’exportation cohérente d’éventuels matériels de défense franco-allemand ? Comment une telle politique
d’exportation pourrait-elle échapper à la double action du gauchisme et de l’atlantisme, à la fois au Bundestag et au Parlement européen ?
Dassault sait faire des avions de combat, Safran des moteurs. Nous avons profusion d’industries françaises qui disposent de toutes les compétences.
Aujourd’hui, on a certes le droit de critiquer les choix français d’exportation d’armement mais personne ne pourra leur reprocher leur cohérence avec nos choix géopolitiques : nous
voulons limiter l’expansionnisme d’Erdogan de la Libye jusqu’à la Méditerranée orientale, et l’influence de ses alliés, les Frères musulmans : il est alors logique de renforcer
militairement les Grecs, les Emiratis, les Egyptiens.
Il y a bien plus de symétrie, et donc de synergies potentielles, entre ces deux ex-puissances coloniales, aujourd’hui puissances ultramarines, que sont la France et l’Angleterre,
qu’entre la France et l’Allemagne. Qu’est-ce donc qui commande alors ce tropisme fusionnel avec l’Allemagne, au point d’être prêt à livrer à nos amis allemands notre fruit défendu le
plus précieux : la BITDF (Base industrielle et technologique de défense française) ?
Irréversible. Dassault sait faire des avions de combat, Safran des moteurs d’avions de combat. Et nous
avons, dans notre écosystème de défense, tous les industriels à disposition pour faire des drones, un cloud, un système de systèmes… Nous avons profusion d’industries françaises qui
disposent de toutes les compétences. Pour des développements ciblés, nous avons les Britanniques et nous savons que la coopération bilatérale avec eux fonctionnera car ils sont
imperméables à l’idéologie et ne s’engagent que s’ils y ont intérêt.
Le Président Macron doit faire un choix : soit il poursuit, comme si de rien était, à l’abri du discours confortable de l’idéologie franco-allemande, et il appuie alors sur le bouton
irréversible du transfert de nos avantages aux Allemands, déshabillant ainsi la souveraineté industrielle française avec comme seul résultat l’effacement du retard allemand. Soit il
profite du « reset » économique mondial qui se prépare pour relancer une grande politique industrielle de défense française.
Comment ? En annonçant qu’une large coalition d’industriels français va travailler sans frein pour inventer et produire l’avion du futur français, le successeur du Rafale en 2040,
lequel sera de facto une réussite européenne et mondiale.
...après ces deux tribunes, pas étonnant que le directeur de l'IRIS soit monté au
créneau...! (Voir ci-dessous)
La coopération franco-allemande sur le système de combat aérien futur (SCAF) semble mal engagée : on parle de pillage de la technologie française détenue par Dassault, des Allemands qui
pourraient partir seuls pour fabriquer le démonstrateur : qu’en est-il ? Le point avec Jean-Pierre Maulny, directeur adjoint de l’IRIS.
Comment comprendre cette situation ?
Il faut tout d’abord bien comprendre les données du problème
Une coopération en matière d’armement ce n’est jamais simple, il faut que les intérêts des
États et des entreprises soient préservés. Si l’on ne prend en compte que les Français et les Allemands, cela fait quatre acteurs : l’État français, l’État allemand et les entreprises
Dassault et Airbus. Si on ajoute les acteurs espagnols, cela fait six avec l’État espagnol et l’entreprise Indra. Et il faut ajouter les entreprises de rang majeur comme Thales en France ou
Safran et MTU pour les moteurs.
Aujourd’hui, ce qui est en jeu, c’est la signature de l’accord pour la phase 1B
du programme, celle qui verra la fabrication d’un démonstrateur. À ce stade, même s’il n’y a pas d’accord à trouver pour la phase de fabrication, des technologies importantes sont en jeu :
celles que l’on va utiliser pour développer le démonstrateur, ce que l’on appelle le background dans
le jargon des droits de propriétés intellectuelles, et celles que l’on va développer, ce que l’on appelle le foreground. Et
c’est là que se situent les difficultés actuelles. Dassault considère que le background qu’il
détient et qui servira à développer le futur SCAF constitue la richesse technologique de l’entreprise. C’est ce qui fait la valeur de Dassault qui ne veut donc pas céder
son background.
C’est un point de vue qui est légitime.
L’État allemand considère qu’il va payer pour financer une capacité militaire,
mais que s’il n’a pas accès à ce background,
il ne pourra pas redévelopper ce matériel. Il aura acquis un objet, mais il n’en aura pas la maîtrise. C’est un point de vue qui est également légitime.
La question des droits de propriétés intellectuelles, ce que l’on appelle les
IPR (Intellectual
Property Rights) a toujours été une question difficile, car les intérêts des États et des industriels sont
toujours objectivement contradictoires, même quand on est dans un cadre national sans coopération, et quand il y a plusieurs États et plusieurs industriels comme c’est le cas avec le SCAF, c’est
encore plus compliqué.
On peut prendre l’exemple de la technologie développée en commun dans le domaine
des missiles dans le cadre franco-britannique et avec MBDA. Cette coopération est toujours citée comme l’exemple de ce qu’il faut faire : l’entente est bonne avec les Britanniques, il y a
une seule entreprise, en l’occurrence MBDA. Et pourtant, au début de la coopération franco-britannique dans le cadre de Lancaster House, il a fallu six mois pour trouver un accord sur la question
du partage des IPR dans le cadre de l’accord sur le MCM ITP missiles (Materials
and Components Missiles, Innovation and Technology Partnership).
Y a-t-il une solution ou cette coopération risque-t-elle d’échouer ?
Il faut espérer que cela n’échoue pas. Un accord sur les IPR est toujours un compromis. C’est
une question juridique. Si on revient aux termes de la question à régler, Dassault détient des droits sur les IPR. Les technologies développées par cette entreprise fondent sa richesse :
elles ont donc un prix et ne peuvent être cédées sans forme de procès sous peine de mettre en cause la compétitivité future de Dassault. Mais en même temps, ce sont les citoyens qui financent les
technologies qui ont été développées puisque ce sont les États qui financent la recherche et technologie des entreprises de défense que ces citoyens soient français ou allemands. Et la défense
c’est la sécurité des citoyens, ce ne peut être uniquement une affaire d’intérêts privés. Il faut donc trouver une solution juridique à ce dilemme, qui sera nécessairement une solution de
compromis en prenant exemple sur les solutions qui ont pu être trouvées dans d’autres cas de figure et sachant aussi qu’on ne peut déroger au principe adopté lors du conseil des ministres
franco-allemand du 13 juillet 2017 qui veut que la France ait le leadership pour piloter le projet du SCAF et que l’Allemagne a le leadership pour piloter le projet du MGCS.
Le problème est qu’aujourd’hui, les Cassandre de tous bords sont à l’œuvre. Le
débat, relayé par certains médias des deux côtés du Rhin, est parfois presque caricatural comme s’il n’y avait que de gentils Français et des méchants Allemands ou de méchants Français et des
gentils Allemands selon la rive du Rhin où on se situe. La coopération franco-allemande dans le secteur industriel de défense est faite de méfiance et d’incompréhensions qui s’ajoutent aux
difficultés de nature objective qui existent sur la question du partage des IPR. Cela crée un mélange explosif. Il y a un an avec mon collègue allemand Christian Mölling de la
DGAP, nous avions écrit un long article sur ce sujet. Nous avions en tête les projets que nous
devions conduire dans un cadre franco-allemand, le SCAF et le MGCS, et nous redoutions ces écueils. Cet article n’était pas à la gloire de la coopération franco-allemande et soulevait toutes les
difficultés à surmonter. Il donnait les clés de compréhension de ces écueils et par là même indiquait la méthodologie à suivre pour éviter des échecs sur le SCAF et le MGCS. Nous avions écrit cet
article en parfaite intelligence, chacun avec son background culturel, l’un français, l’autre allemand, et nous nous étions trouvés en accord sur tout. Je pense que c’est un exemple à
suivre.
Pourquoi la réussite de la coopération sur le SCAF est-elle absolument indispensable ?
La solution la plus simple serait bien sûr de revenir à un programme national. Et, là aussi,
les arguments de part et d’autre du Rhin sont d’une simplicité biblique. « Nous réussirons, car nous sommes les meilleurs » ou « nous réussirons, car nous avons l’argent » ou
« nous réussirons, car comme cela nous sauvegarderons nos emplois ». Faites votre choix : ces arguments invoqués sont plus simplistes que simples, mais ils ne disent pas la vérité
à nos citoyens.
Il y a trente-six ans maintenant, François Mitterrand écrivait à son homologue Helmut Kohl pour regretter l’échec de
l’avion de combat européen et il posait les conditions d’une coopération future dans le domaine aéronautique militaire. Il semblerait qu’il n’ait pas été bien entendu, et ce alors qu’encore plus
qu’il y a trente-six ans, nous avons besoin de cette coopération, pour au moins trois raisons :
Aucun de nos pays n’a la capacité de financer seul un tel équipement dans le futur. Une compétition destructrice entre nos industriels conduirait à la
disparition de nos capacités industrielles aéronautiques militaires ;
L’échelle de l’enjeu de cette coopération sur le SCAF n’est pas franco-allemande ou franco-allemande-espagnole ; elle n’est même pas européenne, mais
mondiale. Le SCAF est un élément essentiel au plan politique et industriel de la capacité européenne aéronautique future dans la défense. Il est donc de ce fait un instrument essentiel de
l’affirmation de l’Union européenne sur la scène internationale, et ce au moment où le monde est en train de se structurer autour d’une confrontation entre la Chine et les États-Unis. Il
est indispensable que l’Union européenne puisse exister face à cette confrontation sous peine de devenir un acteur subalterne des relations internationales. Dans ce contexte, l’échec du
SCAF serait perçu comme l’échec de l’affirmation de l’Union européenne. Ce serait donc très grave alors qu’on a vu ces dernières années que la France et l’Allemagne ne peuvent avoir
seules une influence significative dans le cours des évènements internationaux ;
Pour le moment, nous vivons sous une règle où on dépense sans compter pour faire face à la crise du Covid-19 et certains prônent donc la relance par les
dépenses de défense dans un cadre national. Or, on a vu que cette politique, adoptée après la crise de 2008, outre qu’elle n’est soutenable que sur quelques années alors qu’un programme
d’armement dure quarante ans et plus, conduisait à tuer la coopération en matière d’armement. Une telle politique serait donc contraire à toutes les initiatives qui ont été lancées au
niveau de l’Union européenne comme le Fonds européen de défense et tuerait donc dans l’œuf ces initiatives européennes qui visent à faire de l’UE un acteur qui compte sur la scène
internationale.
Pour résumer, on voit donc que les solutions qui visent à mettre fin à la coopération sur le
SCAF au profit de programmes nationaux, que ces solutions soient prônées à Berlin ou à Paris, sont des solutions qui sacrifient le long terme au profit du court terme. Ce que l’on attend de nos
dirigeants, c’est qu’ils préparent le monde de demain, celui de 2050 et non leur chance d’être élu ou réélu lors des élections législatives allemandes de septembre de 2021, et présidentielles
françaises de mai 2022. Il faut donc que Français et Allemands trouvent une solution de compromis et négocient avec transparence et avec des arguments rationnels pour la trouver.
Consulter les commentaires sur le site
:Air et Cosmos
...tout le monde n'est pas d'accord...loin s'en faut
et les arguments "contre" me semblent recevables !
...et la polémique n'est pas close
!
JMR
Le SCAF, prochain avion de chasse franco-allemand, est-il déjà condamné ?
Le crash de ce projet labyrinthique semble imminent.
«Je
ne crois pas que le processus vital est engagé, mais je ne vais pas vous dire que le malade n'est pas dans un état difficile.»
Tenus lors de la présentation des résultats de l'entreprise le 5 mars, les propos du patron de Dassault, Éric Trappier, ne prêtent guère à l'optimisme quant au
futur du programme
SCAF (Système de combat aérien du futur), destiné à concevoir un avion de combat de nouvelle génération et l'écosystème qui l'accompagnera.
D'un coût estimé à 100 milliards d'euros, le programme SCAF cherche à dessiner les contours de ce qui prendra la place du Rafale français et de son concurrent
multinational l'Eurofighter à l'horizon 2040.
Système complet et connecté, il devrait être constitué d'un appareil principal, piloté par un humain, accompagné d'«effecteurs», des drones sans pilote chargés de
l'épauler dans ses missions, à l'image du Loyal
Wingman de Boeing.
Comme tout projet européen, le SCAF se heurte tout d'abord à une grande complexité industrielle. Dassault pour la France et Airbus pour l'Allemagne devaient
originellement copiloter le projet à parts égales. L'arrivée
tardive de l'Espagne dans le projet a modifié les équilibres, Airbus étant désormais aussi chargée des intérêts de la péninsule ibérique, qui réclame un tiers de la charge de
travail.
Cockpit, motorisation, leadership sur le projet de NGF («New Generation Fighter», le pilier avion du
programme), financement et exportations futures étroitement surveillées par le Bundestag: les autres points de blocage, listés
par Challenges, donnent une idée de l'embrouillamini diplomatique, politique et industriel que constitue ce projet hors norme.
Le blocage est tel que l'Allemagne envisagerait de plancher en solo sur son propre démonstrateur et que le patron de Dassault explique, de son côté, qu'un «plan
B serait techniquement possible». Celui-ci pourrait être la conception d'un nouvel aéronef en solitaire, mais l'idée d'une association avec les Britanniques sur le
Tempest ne semble pas exclue.
Tout ceci contraste très fortement avec ce qui se déroule de l'autre côté de l'Atlantique. L'annonce par l'US Air Force du développement et du test, en
douze mois seulement et grâce aux techniques d'ingénierie numérique, d'un nouvel avion de combat de nouvelle génération, change la donne au niveau mondial.
Comme le note Popular Mechanics, les acteurs européens engagés dans le SCAF pourraient vouloir se pencher sérieusement sur la
philosophie et la réactivité de cette «Digital Century Series». Ainsi, plutôt que se perdre dans les méandres d'un programme dédaléen et risquer une obsolescence instantanée, l'Europe aurait
peut-être tout à gagner à multiplier des projets spécifiques, qu'elle pourrait rendre complémentaires.
En finir avec l’Allemagne qui pille nos industries et vole nos brevets
...par Gérard Brazon - Le 14/03/2021.
Avion
de reconnaissance maritime USA au détriment de l’industrie de l’aviation française (Poseidon P-8A)
En matière
civile et militaire l’Allemagne n’a jamais été notre amie et pas même notre partenaire au sein de l’Union européenne
Ce pays est essentiellement pragmatique, il est réaliste et il fait toujours ses choix en fonction de ses intérêts propres. Comme tous les
États, c’est un monstre froid qui ne cède pas pour faire plaisir ou pour démontrer quoi que ce soit envers un autre État étranger, un partenaire de l’Union européenne et donc à la France, qui,
elle, se sent obligée de jouer les carpettes à tous instants, et de donner des gages finalement inutiles.
Prenons l’achat d’avions de surveillance maritime qui auraient permis au partenariat franco-allemand de constituer une force commune en
achetant des avions français. Que nenni, bien sûr. Le programme franco-allemand MAWS (Maritime Airborne Warfare System) visant à remplacer, à
partir de 2030, les avions de patrouille maritime allemands et français vient de prendre un sale coup. La DSCA américaine, l’organisme chargé des ventes de matériel militaire à l’étranger, a
annoncé son feu vert pour la vente à l’Allemagne de cinq avions de patrouille maritime de type Poseidon P-8A . Montant de la facture : 1,77 milliard de
dollars. Près de deux milliards qui vont aller dans la poche des USA. Sans doute pour amoindrir les effets du refus de cette même Allemagne de se fournir en gaz russe au lieu du gaz liquide
américain. Qu’importe la France et l’UE.
L’Allemagne est pragmatique, vous disais-je,
et elle protège son industrie au point de passer des accords commerciaux, et sans état d’âme, avec la Chine, y compris au détriment des intérêts de la France et en fait, des états de l’Union
européenne.
Même technique de priorité allemande sur la France quand on apprend que Berlin veut s’accaparer les brevets des industriels français
engagés dans le Système de combat aérien du futur. Un avion qui devrait remplacer ceux qui composent toutes les armées de l’air dans l’Union européenne. Le fameux SCAF (Système aérien du futur).
Le SCAF, l’avion de 6e génération servant surtout à vider la France de ses
avancées technologiques
Un programme dans lequel Dassault a vu ses prérogatives progressivement rognées. Si rien ne change, alerte son PDG, la France pourrait perdre son avancée technologique et le projet aboutir à un
appareil inadapté aux besoins de son armée.
L’Allemagne veut aussi être autorisée à utiliser, et vendre, les technologies allant avec ce programme et les Français commencent à se
demander si les décennies de recherches financées par les contribuables de France ne vont pas être vendues à la Chine à travers des accords de libre-échange.
Devant la Commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées du
Sénat, Éric Trappier, PDG de Dassault Aviation, a laissé transparaître son exaspération. Dans son collimateur durant cette audition : ses
partenaires du programme New Generation Fighter (NGF), ainsi qu’une certaine lubie de l’exécutif tricolore, qui voudrait à tout prix
développer le « couple franco-allemand » quitte à sacrifier les intérêts nationaux.
Toujours sur le même souci de notre matériel militaire, il y a
des réalités infernales qu’il faut dénoncer suite aux aberrations de ces fameux lobbies anti-France
Après avoir longtemps équipé ses armées de
matériel bleu-blanc-rouge, la France a privilégié, à la fin des années 1990, l’économie à la souveraineté. Et en paye aujourd’hui les conséquences nous
informe Valeurs Actuelles.
À la fin des années 1990, la France était l’un des rares pays au monde à équiper quasi entièrement son armée en matériels militaires
produits sur son territoire : sous-marins, porte-avions, frégates, chars d’assaut et véhicules
blindés, avions de chasse, hélicoptères, fusils d’assaut, munitions, et même les rangers qui étaient fabriqués dans des usines tricolores.
La France, qui est l’un des leaders mondiaux des ventes d’armements, se tourne de plus en plus souvent vers son voisin allemand pour se
fournir au nom de la libre concurrence. Au nom de l’économie, elle perd peu à peu, avec le moins disant, des années de savoir-faire et accroît sa dépendance envers les pays étrangers et de
l’Allemagne. Il n’y a pas que le Doliprane et l’Aspirine.
Le bon élève européen français est une vache à lait pour
l’Allemagne qui perfectionne son industrie et capte le marché militaire français
Ainsi donc, après les petits équipements vestimentaires, les petits armements individuels, l’Allemagne, au nom de l’Union européenne,
cherche à capter les technologies des différents pays qui composent cette UE, au détriment du plus puissant, du plus inventif, du plus en pointe, celui de la France.
Nous avons vu plus haut cette volonté de capter les technologies du nouvel avion de chasse dit le SCAF (Système aérien du futur) et nous constatons aujourd’hui qu’il y aura le remplacement du char Leclerc fabriqué par Nexter hier, qui sera
remplacé par un char à compter de 2035, fabriqué par KNDS, une entreprise franco-allemande issue de
la fusion du Français avec son concurrent germanique KMW, qui lui, fabrique le Léopard. Toute la technologie de Nexter a basculé dans l’escarcelle des Allemands qui probablement les vendront si
le besoin s’en fait sentir.
Comment comprendre ce tropisme français qui depuis des décennies perd, vend, supprime des pans entiers de son savoir-faire ? Cela ne date
pas d’Emmanuel Macron. La France, à travers ces dirigeants, trahit ses armées, son indépendance, sa puissance au profit essentiellement d’une Allemagne qui gagne finalement, grâce à l’euro, une
quatrième guerre contre la France en la ruinant peu à peu, et en vassalisant ses voisins.
Il serait temps d’ouvrir les yeux au lieu de rester focalisé sur un Covid qui ne fait guère plus de morts qu’une forte grippe, voire sur les
tarés indigénistes, les racialistes hitlériens et autres demeurés gauchistes, qui depuis plus d’un an, captent notre vigilance et nous asphyxient chaque jour un peu plus.
La France d’abord, la France avant tout et cessons de nous
battre entre patriotes sur des mesquineries comme de savoir pour qui il faut voter en 2021 pour les régionales et après, en 2022 pour les présidentielles.
Nous devons voter pour ceux qui seront les mieux placés pour défendre les souverainistes dans les régions.
Voter pour sortir de ce tropisme pro-Allemand, pro-USA qui nous tue, qui assassine notre industrie, lorsque viendra le temps des
présidentielles.
Voter pour sortir des filets de la Cour européenne de justice et autres organisations tueuses de nations.
Voter au nom de la France, de son indépendance, de son armée et pour une politique qui cessera d’alimenter les pompes aspirantes, et in
fine, pour favoriser la remigration.
Gérard Brazon
Le coup de poignard allemand, Berlin choisit Boeing et torpille Airbus
Haa… la construction européenne et le couple franco-allemand qui est une vaste bouffonnerie politiqueà laquelle la crasse politique française fait mine de croire année après année.
L’Allemagne rêve sa puissance en Europe et conçoit une Europe allemande.
L’Allemagne cherche par tous les moyens et c’est logique à saper l’indépendance française, et c’est
particulièrement le cas dans ce que l’on appelle l’Europe de la défense.
L’Allemagne dès qu’elle le peut achète américain. S’arme américain.
L’Allemagne est l’un des chevaux de Troie des États-Unis, et désarmer la France c’est évidemment le souhait de
Washington.
Ce sera à la France donc, de rêver sa puissance et surtout son indépendance, et cela passe évidemment par la
souveraineté militaire.
Il nous faudra notre propre futur avion de chasse. Idéalement sans les Allemands et cela doit être valable pour
tous les programmes militaires et stratégiques scientifiquement ~
Charles Sannat
*
« Ceci est un article ‘presslib’, c’est-à-dire libre de reproduction en tout ou en partie à condition que le présent alinéa soit reproduit à sa suite.
Insolentiae.com est le site sur lequel Charles Sannat s’exprime quotidiennement et livre un décryptage impertinent et sans concession de l’actualité économique. Merci de visiter mon site.
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Patrouilleurs
maritimes : Berlin choisit Boeing et torpille la collaboration franco-allemande
Le Département d’État vient de donner son aval à une commande allemande de cinq patrouilleurs maritimes. Paris et Berlin avaient pourtant signé un accord
pour développer un avion en commun. Après les problèmes rencontrés sur le SCAF, le MGCS et même le Tigre, retour sur un énième coup dur porté à la coopération militaire
franco-allemande.
La collaboration militaire franco-allemande prend à nouveau l’eau.
Un autre programme commun est mis à mal, alors que des voix s’élèvent pour mettre un terme au développement du système de combat aérien du futur (SCAF) face
aux « revendications fantaisistes » de Berlin et que des blocages se font également ressentir du côté du char de combat du futur (MGCS).
L’Allemagne pourrait ainsi acquérir auprès des États-Unis cinq avions de patrouille maritime et de lutte anti-sous-marine. Des P-8A Poseidon et un Boeing
737-800ERX militarisé, en remplacement de ses Lockheed P-3C Orion vieillissants.
Le couple
franco-allemand de la Défense encore mis à mal
Dans une note adressée au Congrès et repérée par le site Opex360, l’agence chargée des exportations d’équipements militaires américains (la DSCA, pour
Defense Security Cooperation Agency) a informé les parlementaires du feu vert octroyé par le Département d’État à cette transaction. Un contrat estimé à 1,77 milliard de dollars pour les
appareils et leur équipement.
« Ce projet de vente viendra appuyer la politique étrangère et la sécurité nationale des États-Unis en améliorant la sécurité d’un allié de l’OTAN qui est
une force importante pour la stabilité politique et économique en Europe », justifie la DSCA dans sa note au Congrès des États-Unis.
Si cette transaction ferait les affaires de Boeing et de Washington, elles ne font clairement pas celles de Paris. En effet, cette acquisition remettrait en
cause la collaboration espérée par Paris. Fin avril 2018, lors de son déplacement à Berlin afin de poser les bases du SCAF, Florence Parly ministre de la Défense, avait également signé
avec son homologue allemande d’alors, Ursula Von der Leyen, une lettre d’intention pour le développement conjoint d’un avion de patrouille maritime.
Baptisé MAWS (pour Maritime Airborne Warfare System), il s’agissait alors pour la France et l’Allemagne de trouver un successeur commun aux Atlantique 2
(ATL-2) de la Marine nationale et aux P-3C Orion de la Marineflieger. L’Allemagne avait d’ailleurs déjà acheté ces derniers d’occasion auprès des Pays-Bas, afin de remplacer ses ATL-1 de
conception française.
Une
simple divergence d’agenda ?
Cependant, le programme a pris du retard, en raison de blocages outre-Rhin, mais également du retrait de Dassault Aviation, mécontent de ne pas avoir obtenu
la maîtrise d’œuvre du programme. Espérées fin 2019, les études ne furent lancées qu’au dernier trimestre 2020. Par ailleurs, en juin 2020 l’Allemagne revoyait à la baisse la durée de vie
de ses P-3C Orion, envisageant leur remplacement à l’horizon 2025 et non plus 2035.
Problème, le futur patrouilleur maritime devait être pleinement effectif d’ici 2032 et son prototype n’était pas attendu avant 2029. Trop tard donc pour les
Allemands. Du côté français on assiste à la démarche inverse : le Ministère de la Défense a investi dans la rénovation complète de ces vingt-deux ATL-2 afin de prolonger leur durée de
vie.
Quoi qu’il en soit, l’idée même que Berlin puisse à nouveau opter pour du matériel américain fait grincer des dents à Paris. Le journaliste Michel Cabirol,
spécialiste des questions de Défense à La
Tribune, s’interroge même sur la volonté de Berlin de « dynamiter » sa coopération avec la France.
Du côté de Ouest France, en
revanche, on tente de rester optimiste. Philippe Chapleau souligne cette divergence d’agendas concernant le renouvellement des avions de patrouille maritime et de lutte anti-sous-marine
de part et d’autre du Rhin, ainsi que sur le nombre de Poseidon que l’Allemagne songe commander aux Américains (cinq appareils contre huit P-3C à remplacer). Le journaliste s’interroge
donc sur la possibilité que Berlin laisse finalement la porte entrouverte au programme MAWS pour une future commande.
"Nul ne peut ignorer que Berlin a pour ambition de récupérer peu à peu les leviers d'un véritable pouvoir : la connaissance
(par le spatial) et l'influence (par un siège au conseil de sécurité des Nations-Unies)". (Vauban) OPINION.
En matière de politique étrangère et de défense, le destin de la France est fondamentalement différent de celui de l'Allemagne.
En avril 1933, quelques mois seulement après l'arrivée d'Hitler par les urnes au pouvoir, Jacques Bainville, le grand historien des relations franco-allemandes,
écrivait que "l'histoire des deux peuples se poursuit. Elle offre, dans cette phase qui finit et dans celle qui commence, ce caractère redoutable que
jamais les Français n'ont si peu compris les Allemands. Leurs raisonnements et leurs sentiments nous échappent". Trente ans plus tard, la même incompréhension demeurait : le
préambule interprétatif imposé par le Bundestag le 15 juin 1963 au Traité de l'Élysée, en rappelant les buts de la politique étrangère allemande - la défense commune dans le cadre de
l'Alliance de l'Atlantique nord, l'intégration des forces armées des États membres du pacte et l'abaissement des frontières douanières entre la CEE et le monde anglo-saxon - défaisait
l'esprit et la lettre même d'un Traité, centré sur l'autonomie d'une défense franco-allemande et le marché douanier
Cinquante-six ans plus tard, la même séquence se déroule : le Traité d'Aix la Chapelle du 22 janvier 2019, censé mettre sur les rails une coopération
franco-allemande régénérée se heurtait de nouveau aux fondamentaux allemands : par trois déclarations successives, dont a du mal à croire qu'elles n'ont pas été visées auparavant par la
Chancelière, la ministre de la Défense, Mme Annegret Kramp-Karrenbauer, mettait fin brutalement aux chimères de M. Macron sur l'autonomie européenne dans la défense, en rappelant que l'OTAN
demeurait la pierre angulaire de la défense de l'Europe et que l'autonomie stratégique européenne était une illusion. Si le fond n'a pas surpris les observateurs, la forme des propos et leur
ton ont étonné et démontré nettement l'agacement allemand face aux obstinations utopiques des dirigeants français.
France et Allemagne, deux destins très différents
L'ironie de l'Histoire des deux peuples, d'Adenauer continuée à Angela Merkel, est que précisément l'échec de la politique allemande d'Emmanuel Macron partage
la même cause première que celle qui a fait échouer l'alliance franco-allemande voulue par De Gaulle : le destin fondamentalement différent de la France et de l'Allemagne.
1/ Paris, une vocation mondiale ; Berlin, une vocation continentale Paris aurait dû d'abord comprendre que sa vocation est mondiale quand celle de l'Allemagne n'est que continentale. La grande erreur géopolitique des dirigeants
français depuis la mort de Georges Pompidou aurait été de faire de l'Europe l'horizon indépassable de la France et de l'Allemagne, son allié exclusif. Or, nul n'est plus faux et contraire à
la vocation de la France. Son Histoire comme sa géographie en ont fait une grande puissance mondiale dont les intérêts sont autant en Méditerranée que dans le nouvel axe indo-Pacifique, qui
se construit.
En ce sens, Athènes, New-Dehli, Jakarta ou Canberra sont des alliés plus conformes à la vocation mondiale de Paris que Berlin, dont le rayonnement n'est ni
politique, ni géographique, mais uniquement mercantile (avec la Chine, les Etats-Unis et la Russie). Cette erreur française de se focaliser uniquement sur l'Allemagne en Europe n'est pas
commise par l'Allemagne qui n'envisage la France que comme un partenaire comme un autre, à côté des Pays-Bas, de la Norvège, de l'Espagne, etc...
2/ Allemagne : récupérer les leviers du pouvoir Paris aurait dû comprendre après que la diplomatie n'est pas affaire d'altruisme mais exclusivement de réalisme. Si en France, on parle de « couple
franco-allemand », de « moteur franco-allemand », de « solidarité franco-allemande », en Allemagne, on ne parle que le langage du réalisme mercantile. A la doctrine
de Mme Goulard, fondée sur un altruisme français consenti au nom d'une Europe fédérale, Berlin oppose la Realpolitik la plus dure. La
déclaration de Mme Merkel en clôture du conseil franco-allemand de défense du 5 février en a été l'illustration : le Mali a été évoqué comme le programme de modernisation du Tigre, mais
l'essentiel des propos de la Chancelière visaient à imposer la renégociation des accords bilatéraux et notamment la parité que l'Allemagne exige pour elle sans la respecter pour les
autres.
L'Allemagne, et c'est son bon droit, mène la politique de ses intérêts : si elle n'écoute pas encore ses modernes Haushofer [1] mais en prépare le terrain idéologiquement [2], nul ne peut ignorer que Berlin a pour ambition de récupérer peu à peu les
leviers d'un véritable pouvoir : la connaissance (par le spatial) et l'influence (par un siège au conseil de sécurité des Nations-Unies).
3/ Des doctrines militaires radicalement différentes Paris aurait dû comprendre ensuite que la doctrine militaire ne convergera jamais avec celle de Berlin. Armée expéditionnaire, la France mène
une Blitzkrieg dynamique contre l'islamisme qui est la seule vraie menace de l'Europe ; armée parlementaire, la Bundeswehr reste l'arme au pied face à la Russie dans une Sitzkrieg dépassée. Armée autonome, l'armée
française s'affranchit des pesanteurs d'une OTAN mort cliniquement ; armée intégrée à l'OTAN dès sa création en 1956, la Bundeswehr est
une armée stationnaire aux concepts d'emploi dépassés, erronés et aux équipements obsolètes, impropres à faire la guerre d'aujourd'hui et de demain. Puissance complète, la France possède une
force de frappe à la fois nucléaire et conventionnelle, là où l'Allemagne n'a de capacités qu'imposées par l'OTAN. En un mot comme en cent : la France fait la guerre, l'Allemagne est
grabataire.
Alors que la France a besoin d'un char mobile, léger et polyvalent (combat urbain et combat blindé), l'Allemagne en demeure au concept du Leopard, une masse compacte face à l'Est dans l'optique d'une nouvelle bataille de Koursk. Alors que la France a besoin d'un avion capable de porter son missile
nucléaire aéroportée, de disposer d'une capacité d'entrer en premier dans des théâtres d'opération de grande intensité et de mener sur des milliers de kilomètres opérations de projection (au
Mali comme en Indo-pacifique), l'Allemagne en reste à la coopération statique au sein d'une OTAN sclérosée : cela s'appelle le Framework Nations
Concept et ne sert à rien face à l'islamisme ou aux menées du Grand Turc ou de la Chine le long des routes de la soie.
4/ Ce qui est allemand, n'est pas négociable Paris aurait dû comprendre enfin que l'industrie de défense n'est pas considérée de la même manière en Allemagne. Même si elle n'a pas le caractère stratégique
qu'on lui accorde à Paris, Berlin sait parfaitement bien la défendre. Dans le domaine de la politique industrielle, là où Paris multiplie les fonds, aussi ridiculement dotés qu'inutiles à
sauver les fleurons des PME et PMI françaises, Berlin n'hésite pas à investir rapidement 464 millions d'euros dans Hensoldt, à soutenir OHB en dépit de ses déficiences techniques, à défendre
Rheinmetall, jugé comme le pivot des consolidations allemandes, et garnir le carnet de commandes de TKMS par des opérations à la moralité douteuse (sous-marins et corvettes avec Israël) ou
avec des pays qu'elle juge pourtant autoritaire (Égypte et Algérie).
Même si à Paris, on est bien conscient de la supériorité (réelle) des systémiers français face à leurs homologues allemands, Berlin sait mieux négocier que
Paris. Manœuvrant silencieusement au milieu des braillements français, lisant tout en France avec d'autant plus de facilité que, si l'Allemand n'est plus enseigné en France, le français est
une langue encore parlée en Allemagne, Berlin pousse ses pions. Avec un principe, affirmé avec force par Mme Merkel le 5 février dernier dans son allocution : ce qui est allemand, n'est
pas négociable (domaine terrestre) ; ce qui est français (domaine aéronautique) doit être renégocié dans le sens des intérêts allemands.
Avec une méthode : l'irruption de tiers qui déstabilise l'adversaire et le renforce. L'irruption (injustifiée) de Rheinmetall dans le
programme MGCS a diminué les parts françaises et renforcé celle de l'Allemagne ; l'intégration (incompréhensible) de l'Espagne dans le
programme SCAF a diminué les parts françaises dans les lead-shares et work-shares, tout en
renforçant ses positions ; l'intervention régulière des syndicats (IG Metall), des comités d'entreprise d'Airbus D&S et du Bundestag, donne un moyen de négociation considérable au gouvernement allemand sur la partie française et une constante épée de Damoclès sur Paris.
Avec un objectif : si la négociation n'aboutit pas ou si l'intérêt pour la coopération a changé au profit d'autres considérations, le plan B est actionné.
On l'a vu dans le domaine des missiles dans le passé ; on pourrait le voir demain avec le MGCS (via l'alliance Rheinmetall-BAe Systems), le SCAF (reconstitution de l'axe Eurofighter) ou
le MAWS (avec le P-8 américain), si les négociations n'avancent comme l'Allemagne l'exige.
Même si Paris a imposé à Berlin des accords de minimis sur l'exportation d'armements, Paris s'illusionne sur
le caractère ferme de cet engagement dans la future coalition allemande et ne devrait pas ignorer qu'après tout, les ventes d'armes ne pèsent que 0,06% des exportations globales
du Standort Deutschland.
Allemagne, une attitude qui n'est pas choquante
Disons-le tout net : cette attitude globale de l'Allemagne n'est pas choquante. Ce qui est choquant, scandaleux et irresponsable, est la légèreté française
à s'être engagée dans ces coopérations avec un partenaire qui n'a rien en commun avec la France, dont on ne connaît rien (ni langue ni culture ; ni mentalités ni constitution) parce
qu'on s'est interdit même de se renseigner sur lui, d'avoir accepté la parité quand elle n'avait aucune raison d'être concédée, et d'avoir tout misé sur une stratégie sans plan de sortie.
Bref, de n'avoir rien appris ni compris de l'Allemagne.
Dès 1920, pourtant, la France était avertie par le même historien : « la politique, les mœurs, la philosophie et
la littérature des Allemands, voilà ce qui ne doit pas être perdu de vue, ce qui demande à être analysé avec suite et pénétration si nous ne voulons pas être encore surpris, si nous voulons
profiter des chances que la situation nous apporte » [3]. Au gouvernement français de retenir cette leçon avant de s'avancer en
pays inconnu et de risquer ainsi les futures capacités majeures de nos armées dans une aventure plus sentimentale que rationnelle.
Les deux directives européennes adoptées en 2009 et appelées « Paquet Défense » n’ont pas donné les résultats escomptés. Elles devaient
permettre de faciliter le développement d’une industrie européenne de l’armement mais cela est encore loin d’être le cas aujourd’hui. Nombreux sont les pays de l’UE qui préfèrent
acheter leurs armes aux États-Unis. Les récents atermoiements allemands autour du SCAF en sont un autre exemple.
« Dieu rit de ceux qui déplorent les effets dont ils chérissent les causes », écrivait Bossuet. Sur de nombreux sujets, il serait possible de
se joindre aux rires divins en ce qui concerne l’Union européenne, si les conséquences de ces contradictions n’étaient pas si inquiétantes pour les peuples.
Dernier exemple en date, lors de la session plénière de la fin du mois de mars, le Parlement européen a voté en faveur d’un rapport portant sur la mise
en œuvre de deux directives européennes adoptées en 2009, appelées « Paquet Défense », et qui visent à créer une base industrielle de défense européenne, en stimulant la
concurrence et en facilitant les achats transfrontaliers. Force est de constater qu’il s’agit d’un échec, de l’aveu même de la Commission européenne d’ailleurs.
L’explication donnée par la Commission est en revanche grotesque : elle condamne les États, qui n’auraient pas appliqué ces dispositions de la même
manière, et qui contourneraient le cadre réglementaire en utilisant les exceptions permises par les traités.
Et les adeptes du tout marché sans frontière ni protection face à la concurrence, de se rendre enfin compte qu’il n’en va pas de l’industrie de
l’armement comme de n’importe quel produit. L’enjeu est la souveraineté même des États. Aveuglée idéologiquement, la Commission ne peut imaginer un instant l’hypocrisie régnant dans
ses services et parmi de nombreux États membres refusant, et c’est normal, de jouer le jeu de la solidarité européenne, préférant leur souveraineté nationale.
Favoriser l’industrie de l’armement en Europe
L’Europe voulue par Monnet et Schuman est une Europe
soumise aux intérêts américains qui, en contrepartie d’assurer sa défense via l’OTAN, font de l’Union européenne un grand marché pour les entreprises américaines de l’armement. Cette
structure, pourtant obsolète depuis la chute de l’URSS, empêche ainsi toute tentative de construire une base industrielle pour les États membres, gage d’indépendance et d’autonomie
stratégique, que nous souhaitons nationale.
L’Union européenne n’est pas capable de mettre en place la préférence communautaire. Certains d’ailleurs, ne le souhaitent pas car elle favoriserait
d’abord la France, premier industriel européen dans le domaine de la défense. Le rapport d’évaluation, dirigé par un député allemand du groupe du Parti Populaire Européen, fait
pratiquement l’impasse sur cette question du manque totale de solidarité, dont pâtissent en premier lieu les entreprises françaises de défense.
Les résultats sont là : la part des ventes américaines dans les achats de produits de défense est colossale. Les ventes américaines via le
système Foreign Military Sales, ont représenté l’équivalent de 70 milliards d’euros entre 2016 et juillet 2020, dont 19 milliards pour la Pologne, 7 milliards pour la Belgique et 5
milliards d’euros pour la Roumanie, soit entre un tiers et la moitié du total des dépenses de défense de tous les États membres de l’UE suivant les années.
Par ailleurs, les récents développements autour du SCAF (où les Allemands
cherchent, sans vergogne, à en prendre le contrôle au dépens de Dassault) sont la nouvelle illustration que la vision naïve de la France de Macron, parmi les seuls pays européens à
encore avoir une industrie de défense, de construire une Europe de la défense est purement onirique et illusoire. Il ne peut, en effet, y avoir de véritable marché européen de défense
dans une Europe où la concurrence est étouffée par la domination des États-Unis et de son Agence de coopération pour la défense et la sécurité (DSCA) ainsi que par l’OTAN.
S’agissant de la politique d’exportation, également couverte par ce Paquet défense, la formulation du rapport adopté par le Parlement brille par son
ambigüité en plaidant notamment pour « une
interprétation et une mise en œuvre plus cohérentes de la position commune de l’Union sur les exportations d’armes ». La France ne peut accepter aucune mainmise sur ce qui
demeure de la seule compétence des États membres !
Atouts de la France dans le secteur de l’armement
Les industriels et PME françaises figurent parmi les entreprises les plus performantes dans l’UE, mais elles souffrent néanmoins de la concurrence
massive et intimidante des États-Unis. À quoi bon alors demander aux États, dont les industries sont les plus développées, de jouer le jeu, si les dés sont pipés (OTAN, soumission aux
Américains, etc.) ?
Cerise sur le gâteau, le
rapport réclame un marché européen des équipements de défenseouvert !
Comment comprendre alors la petite concession provenant de Renew de « réduire
la dépendance croissante de l’Union à l’égard des importations dans le domaine de la défense » si ce n’est comme l’illustration du regrettable et stérile « en même
temps » macronien ?
La France, et ses industriels méritent mieux ! Certaines nations européennes défendent leurs intérêts, elles, telle l’Allemagne,
profitant des programmes communs d’armement pour avaler les compétences françaises, et n’offrir rien en retour.
La Défense de la France doit être française comme le disait le Général de Gaulle, du treillis de combat jusqu’aux avions Rafale. Cette position
n’exclut pas les partenariats, mais elle refuse les abandons de compétences, les dépendances aux autres États, et la sous-traitance de sa position
militaire.
Membre du cabinet de François Léotard au Ministère de la Défense (1993-1995), il a également été député UMP des Alpes-Maritimes. Depuis 2019, il est député européen RN, président de
la délégation française du groupe ID, membre de la commission des affaires étrangères.
Le programme SCAF...
DASSAULT et AIRBUS ont remis une offre aux pays impliqués dans le système SCAF
La commission sénatoriale des Affaires étrangères et de la Défense, le programme SCAF [Système de combat aérien du futur], dirigé par la France en coopération avec
l’Allemagne et l’Espagne, est « depuis quelques mois comme un avion qui perdrait son élan et sa portance », et donc proche du point de décrochage.
La raison? Des désaccords profonds sur le partage du travail entre Dassault Aviation, le maître d’oeuvre pour l’avion de combat sur lequel reposera le SCAF, et
Airbus Defence & Space, de facto majoritaire dans le programme, avec Airbus Allemagne et Airbus Espagne.
Lors des discussions sur la phase 1B du projet, qui doit ouvrir la voie à la mise au point d’un démonstrateur, Dassault Aviation a accepté de n’avoir plus qu’un
tiers de la charge de travail et qu’environ 50% des tâches spécifiques [les « work packages »] se fassent sans responsable désigné. Et que l’autre moitié soit partagée selon la règle des trois
tiers [dont deux tiers revenant à Airbus].
Cependant, ces concessions ne semblaient pas encore suffisantes. D’où la « sortie » de la chancelière allemande, Angela Merkel, à l’issue d’un conseil de défense
franco-allemand tenu le 5 février. « C’est un projet sous leadership français mais il fait quand même que les partenaires allemands puissent être à un niveau satisfaisant face à leurs homologues
[français]. Nous devons donc voir très précisément les questions de propriété industrielle, de partage des tâches et de partage de leadership », lança-t-elle, dans une allusion à la revendication
d’Airbus pour qu’il y ait un « équilibre » sur les douze tâches sensibles concernant la mise au point de l’avion de combat.
En outre, l’idée de développer un second démonstrateur en Allemagne fut avancée…
Aussi, estimant qu’il ne pourrait pas, dans de telles conditions, assurer son rôle de maître d’oeuvre, le Pdg de Dassault Aviation, Éric Trappier, mit les pieds
dans le plat en évoquant un plan B, c’est à dire en lançant une coopération à sa main et laissant entendre que la France avait toutes les capacités technologiques pour réaliser le SCAF seule. En
outre, il n’était pas question de céder quoi que ce soit sur les questions de propriété intellectuelle, ainsi que sur le principe dit du « meilleur athlète » défini au moment du lancement du
programme.
Mais telle n’était pas la vision défendue par Dirk Hoke, le Pdg d’Airbus Defence & Space, lors d’une audition au Sénat, en mars. S’il admettait que Dassault
Aviation devait avoir les « leviers pour exercer son rôle », et donc avoir la possibilité d’arbitrer d’éventuels désaccords, il affirma également que le « maître d’oeuvre ne devait pas tout
contrôler et prendre seul les décisions du programme. » Et donc être davantage un « coordinateur » ayant à prendre en considération les « investissements » technologiques consentis par
l’Allemagne et l’Espagne « il y a des dizaines d’années. »
Les deux positions étaient donc très éloignées… Mais le plan B évoqué par M. Trappier a-t-il fait bouger les lignes ?
Toujours est-il que, ce 2 avril, le cabinet de Florence Parly, la ministre des Armées, a indiqué que Dassault Aviation et Airbus avaient fini par trouver un «
accord de principe », confirmant ainsi une information de La Tribune.
« Les États ont reçu une offre des industriels concernés pour la réalisation d’un démonstrateur d’un nouvel avion de combat. […] L’objectif partagé par tous les
acteurs est d’aboutir à la contractualisation prochaine de la phase suivante du projet », a en effet indiqué le cabinet de la ministre, rapporte l’agence Reuters.
Seulement, a-t-il ajouté, les négociations entre les industriels et les États concernés « se poursuivent toujours » pour trouver un accord sur le partage des tâches
sur l’ensemble du projet SCAF.
Mais cet accord entre les États et les industriels n’éloignera pas pour autant le programme du point de décrochage : il faudra en effet convaincre les députés
allemands de l’accepter… dans la mesure où ces derniers ont toujours le dernier mot dès qu’il s’agit d’un investissement supérieur à 25 millions d’euros. Or, s’il s’agit de faire voler un
démonstrateur en 2026, il faut impérativement qu’ils donnent leur feu vert avant la fin de la session parlementaire, c’est à dire avant l’été… et les prochaines élections fédérales dont l’issue
pourrait bien remettre en question le SCAF.
En outre, au vu des difficultés rencontrées pour la phase 1A, la partie est encore loin d’être gagnée.
D’autant plus que quand une solution est en passe d’être trouvée d’un côté, une nouvelle difficulté surgit de l’autre. Tel est le cas des moteurs du futur avion de
combat, dont le développement doit être assuré sous la maîtrise d’oeuvre du français Safran. Déjà, le rôle de ce dernier avait été constesté par les parlementaires allemands, estimant que le
motoriste MTU était trop désavantagé.
Et, maintenant, c’est l’arrivée dans le projet de l’espagnol ITP, filiale du britannique Rolls Royce, par ailleurs impliqué dans le programme concurrent Tempest,
qui pose problème.
En effet, logiquement, Safran veut s’appuyer sur le moteur M88 du Rafale alors que MTU et ITP plaident en faveur de l’Eurojet, le moteur de l’Eurofighter, pour
lequel ils ont collaboré.
Transmis avec une note du général BERNOT, et commentaire du Général (2S) Roland DUBOIS.
Les délais de développement sont toujours longs. 2030 pour un prototype ne me parait pas si lointain. Il faut défendre nos acquis
certes, mais soyons réalistes, donc prudents. L’Allemagne, avec sa puissance économique et son dynamisme scientifique pourrait rapidement refaire son retard dans le domaine du savoir-faire ; et
elle aussi faire cavalier seul dans l’avenir ; et mieux que nous. Il n’y a pas intérêt à mon avis à « casser la baraque ». Et pensons à la capacité de production, plus importante dans une
coopération inter étatique qu’en solo. Actuellement, si mes infos sont correctes, Dassault produit un seul Rafale par mois ! D’où les problèmes, y compris pour notre propre armée de l’air,
lorsqu’il s’agit d’honorer nos rares contrats à l’exportation. Peut-on faire beaucoup mieux ?
Il y a aussi le développement du futur char de combat. Dans ce domaine la compétence est plutôt allemande (même s’il se dit que le
canon français est meilleur).
D’une façon générale :
- rappelons-nous qu’il y a eu dans le passé assez récent des coopérations inter étatiques, pas sans peines, mais finalement plutôt
réussies ; par exemple le système sol-air Roland.
- L’indépendance totale dans le domaine de la production d’armement est illusoire pour des puissances moyennes avec des armées
modestes. Ou on coopère, ou on achète sur étagère. Imagine t-on un développement français par exemple pour des catapultes de porte-avion (il en faut 2 par navire), ou pour des grands drones
porteurs d’armement, alors que nos besoins, contraints par l’échelle donc le budget de nos forces, sont de quelques unités ?
- Par contre, on peut s’étonner que ce qui est nécessaire en grande quantités (armement petit calibre et munitions) soit si
largement acquis à l’étranger.
La
ministre française des Armées, Florence Parly, avait beau s’agiter à travers des déclarations sur la solidité du projet, notamment, franco-allemand Scaf, sans oublier l’Espagne, les
signes extérieures ne pouvaient pas tromper notre rédaction. Un rapport secret allemand a été découvert concernant le projet Scaf et confirme notre analyse.
Observateur
Continentalavait
écrit ce 30 avril dernier, « même si la ministre
française des Armées, Florence Parly a montré une position rassurante lors de la conférence de presse conjointe du 20 avril dernier avec Annegret Kramp-Karrenbauer, la ministre allemande
de la Défense, en parlant, « d’une grande confiance mutuelle et d’un partenariat opérationnel éprouvé entre nos deux pays » ou que « nous poursuivons depuis
2017 un objectif extrêmement ambitieux : Doter nos armées respectives d’un nouvel avion de combat commun (…) le Scaf », le général Eberhard Zorn a, lui, bien envisagé le Scaf pas
avant 2040 ».
En fait, Eberhard Zorn, évoquait une date lointaine car il devait certainement savoir que l’objectif de Berlin était de ralentir le projet car
celui-ci ne plaisait tout simplement pas aux services allemands. Il ne fallait pas le dire ouvertement aux Français. De nouveau, la France est ridiculisée. On peut se poser des
questions sérieuses sur la position rassurante de Florence Parly déclamant le succès du projet Scaf. Selon nous, la position du général allemand sentait l’arnaque. Et nous ne sommes pas
trompés. Car, voilà que le Spiegel a
révélé que les services secrets allemands avaient rédigé un rapport sur l’intérêt du projet Scaf, expliquant aux responsables politiques de Berlin que cela n’était pas du tout dans
celui de l’Allemagne de s’y engager.
Berlin indique clairement que le travail franco-allemand n’existe pas. Les désaccords sont trop forts entre Paris et Berlin pour construire cet avion de
combat du futur. Officiellement, la Bundeswehr indique en interne que ce projet est dominé par Paris et que les deux autres pays, l’Allemagne et l’Espagne, sont censés le payer. L’autre
argument allemand est de dire qu’il n’y a pratiquement pas d’ « approches
technologiques innovantes », comme l’indique NTV.
Le Spiegel souligne
que, selon les experts allemands, le contrat avec la France et l’Espagne « doit être renégocié
d’un point de vue technique et économique ».
Du côté allemand, comme rapporté par NTV, les
« approches
technologiques innovantes » sont de toute façon « difficilement
reconnaissables ». Cela signifie qu’il existe un risque « que les technologies
essentielles ne soient pas du tout envisagées ou ne le soient que dans des phases ultérieures et ne soient alors pas financièrement viables ». Berlin voulait, donc, connaître la
technologie française ? Paris, aurait , donc, agi par méfiance vis-à-vis de son partenaire ayant eu la crainte que Berlin souhaite prendre la technologie avancée de la France des
constructeurs Dassault, Thales et Safran ?
Deux semaines avant la déclaration commune du président français et de la chancelière allemande du 31 mai dernier sur le Scaf, Eric Trappier, durant
une audition de la commission des Affaires étrangères et de la défense du Sénat, a
déclaré être inquiet par « l’enchainement des
phases et la rapidité de décision du Bundestag allemand ».
Cinq jours avant la déclaration conjointe franco-allemande à l’Élysée, Challengesindiquait que
« plusieurs sources
industrielles contactées démentaient tout accord sur le Scaf, et s’étonnaient d’une annonce jugée totalement prématurée ». « Il n’y a aucun accord
sur le budget, ni sur la propriété intellectuelle », assurait un industriel. Challenges évoquait
« une
autre source, passablement énervée » qui indiquait « une posture de
communication » et un « communiqué
mensonger » des trois États, précisant que « ni Airbus, ni
Dassault Aviation, ni Thales, ni Safran n’avaient publié de communiqué ».
Dans sa forme actuelle, les experts [allemands] considèrent que
le contrat « n’est pas prêt d’être
signé ». Officiellement, on évoque du côté allemand « des structures et des
règles » qui ne sont pas dans l’intérêt allemand et tout en favorisant « presque exclusivement
les positions françaises ». L’objectif de « développer un avion
de chasse de sixième génération » serait manqué. Pour Berlin, le projet deviendrait plutôt une « approche Rafale, avec
des fonds budgétaires allemands et espagnols ».
Emmanuel Macron et Angela Merkel ont voulu entretenir l’illusion devant les caméras que cette idée de collaboration entre l’Allemagne et la France
serait parfaite. Le 31 mai dernier, les deux figures politiques ont
déclaré avoir obtenu un accord sur le projet Scaf, en le déclarant dans une conférence ce presse à l’issue du 22ème Conseil des ministres franco-allemand et publiée par
l’Élysée.
Le Spiegel de
la semaine dernière a finalement indiqué le refus de Berlin de participer au projet Scaf, en accusant la France de le dominer. En fait, la confiance n’existe pas entre les deux
partenaires et ce projet semble bien être déjà en train de sombrer. Plus que jamais, l’attitude de Berlin et la méfiance des industriels
français montrent que l’idée d’une armée européenne ne peut pas fonctionner.
La France est en train de se faire
cocufier par son allié le plus proche : l’Allemagne. Le gouvernement français vantait encore par le truchement de la ministre française des Armées, Florence Parly, à la fin du mois de
décembre 2021 d’avoir échangé positivement sur les sujets européens de défense, à l’approche de la présidence française du Conseil de l’Europe (PFUE), avec la nouvelle ministre allemande
de la Défense, Christine Lambrecht.
La nouvelle ministre allemande annonce, elle, maintenant sa décision de choisir des avions de guerre américains, reléguant l’Eurofighter ou encore le projet
Scaf dans les archives de l’armée française. Pour Observateur
Continental, cela n’est pas une surprise mais plutôt logique en raison de la situation politique de cette Allemagne depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale et aussi de la
situation de la France sous l’autorité de l’OTAN.
L’indolence française en question. Florence Parly célébrait dans
son tweet du 20 décembre 2021 l’arrivée de la nouvelle ministre allemande de la Défense en parlant « d’un premier échange
constructif et prometteur qui en appelle d’autres » : « 1er entretien
téléphonique ce matin avec ma nouvelle homologue allemande Christine Lambrecht. Ravie d’avoir échangé sur les sujets européens de défense, à l’approche de Europe2022FR. Un premier échange
constructif et prometteur qui en appelle d’autres ».
Force est de constater que la ministre française des Armées faisait croire que Berlin travaillait pour les intérêts français et de la souveraineté de la
Défense de l’UE, le sujet le plus favori, par ailleurs du président français, Emmanuel Macron en réitérant son appel au renforcement de la souveraineté européenne : « L’objectif de notre
présidence de l’UE est de rendre l’Europe plus souveraine ». Emmanuel Macron vantait le
9 décembre 2021 le projet de « faire passer l’Europe
de la coopération à l’intérieur de nos frontières à une Europe qui aurait de la force dans le monde, serait complètement indépendante et gérerait de manière indépendante son propre
destin ».
Berlin écrase le plan français. Ce 8 janvier 2022, le quotidien allemand Die
Zeitrévèle les
décisions allemandes pour la défense militaire. « La ministre de la
Défense, Christine Lambrecht, a préparé deux projets d’armement controversés. Avec cela, la coalition veut répondre aux exigences de l’OTAN », annonce le quotidien allemand. Les
belles paroles du président français pour la présidence française de l’UE viennent s’écraser sur les décisions d’acier de Berlin.
L’affirmation d’Emmanuel Macron d’avoir une Europe « complètement
indépendante et [qui] gérerait de manière
indépendante son propre destin » ne reste qu’une affirmation, loin de la réalité géopolitique de l’UE. Oui, l’UE est sous les ordres de l’OTAN et de Washington. Non, l’UE n’est
pas une construction politique ayant une souveraineté. Et, la France, en acceptant ce discours, fait disparaître sa souveraineté et sa puissance militaire dans la poche de l’OTAN via
l’Allemagne qui n’est qu’un pays occupé par les États-Unis depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale.
Complot secret US et de l’Allemagne sur les armes nucléaires. Observateur
Continental expliquait les intensions de Berlin dans la question de la défense. Ce sujet n’était, donc, pas un secret pour les autorités françaises actuelles qui sont au
pouvoir. Le 21 avril 2020, l’ancienne ministre allemande de la Défense, Annegret Kramp-Karrenbauer, annonçait l’achat
d’avions américains. « Paris a indiqué que
ce choix toucherait le développement du Système de combat aérien futur (Scaf) qui est le projet franco-allemand attendu à l’horizon 2040 qui doit remplacer le Rafale et l’Eurofighter. Le
choix de Berlin est mal vécu par les partenaires européens signataires du projet Scaf », signalait déjà Observateur
Continental. Berlin veut garder le droit de pouvoir transporter avec ses avions de guerre des bombes atomiques et dépend pour cela de l’accord des Etats-Unis pour porter des bombes
nucléaires américaines stationnées en Allemagne alors que l’Allemagne n’a pas le droit depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale d’avoir l’arme atomique. Ainsi, le modèle
américain F-18, qui va
pouvoir porter ces bombes atomiques, va participer au combat aérien électronique. L’Allemagne l’a donc automatiquement rejoint.
Die
Zeit écrit : « Le modèle américain
est destiné à permettre la participation dite nucléaire aux armes américaines pour l’Allemagne. Une certification du modèle européen Eurofighter pour cela semblait associée à plus
d’efforts voire impossible dans un avenir prévisible ». L’Eurofighter et
le Scaf sont, donc, d’ores et déjà effacé des projets militaires d’une UE indépendante et souveraine, qui pourtant étaient évoqués pour faire la défense européenne indépendante. Le
nouveau chancelier allemand, Olaf Scholz a parlé à Christine Lambrecht sur la question de savoir s’il faut acheter l’avion américain F-35 qui
pourrait être une alternative. Les trois partenaires de l’actuel gouvernement de coalition en Allemagne (SPD, Verts, FDP) ont également convenu de se procurer « un système successeur
pour l’avion de chasse Tornado au début de la 20ème législature », précise Die Zeit,
rajoutant : « Nous soutiendrons le
processus d’approvisionnement et de certification en vue de la participation nucléaire de l’Allemagne de manière objective et consciencieuse ». À noter que les Verts ne sont pas
contre l’effort de guerre avec les bombes atomiques, bien au contraire.