Accident Mirage 2000 D

"EC 1/3  - NAVARRE"

...échanges....

Le 1/3 "Navarre", où j'ai appris une grande partie de mon métier de pilote avant d'y commander la SPA 95, est cher à mon cœur. Il avait déjà souffert à Albacete, et aussi perdu l'année dernière son sous-chef OPS et un OR dans un accident d'avion de tourisme.

Il semble aussi que, au moins pour les médias nationaux, le pompier de Paris soit plus porteur, ou moins "consommable", que le militaire...  Je ne sais donc pas si, comme ceux des victimes d'attentats, les enfants de Baptiste Chirié seront déclarés pupilles de la nation ?

 

Récemment j'ai eu un échange téléphonique avec un EA 2009, pilote de TBM 700 à Villacoublay. Il était très ému et impressionné par les cérémonies à Ochey, où Baptiste Chirié était le premier mort en SAC de leur promo. Il a paru surpris quand je lui ai dit que dans les années 60/70, une quinzaine de cérémonies comme celle là se tenait par an dans l'Armée de l'air.

 

La boite noire a été retrouvée. Si elle est exploitable, nous devrions connaître des causes possibles de l'accident.

 

Merci Tonton des Alpes,

Intéressant ton débriefing sur la réalisation du déplinav, je ne connaissais pas la partie embarquée.

Un crash d’avion est toujours bouleversant pour nous pilotes, et nous sommes pourtant aguerris. Je n’oublie pas que au cours des 7 années passés à la 11, nous avons sortis le poignard et les gants blancs 2,5 fois chaque année. On en est loin aujourd’hui, mais chaque accident nous provoque la même émotion et la sonnerie aux morts me glace toujours le sang.

Amitiés

Bruno

 

 

Toujours aucune nouvelle de l'équipage, une femme et un homme.

Les "Muds" sont deux dans l'avion, leurs outils sont nettement plus performants que ceux dont nous disposions sur Mirage III E, et les accidents mortels sont nettement moins nombreux qu'à notre époque. Mais pour les famille torturées entre crainte et espoir, l'angoisse de l'attente est la même. Ne parlons pas d'un deuil, envisageable si ce n'est probable. Pas de signal de balise de détresse détecté !

Fraternellement et solidairement.

 

 

 

09/01/2019 à 19:07

Je viens d’apprendre avec tristesse de la possible perte d’un de nos équipages de 2000 D de la 3  dans le Jura .

Il fallait bien que cela arrive car le vol TBA en IMC n’a jamais été une chose facile .

Amicalement.  

 ****

In memoriam.

 

Capitaine Baptiste Chirié et lieutenant Audrey Michelon

L'armée de l'Air a diffusé, en amont de la visite ministérielle sur la BA de Nancy, les biographies des deux membres de l'équipage tué dans le crash de leur Mirage 2000D.

 

Le capitaine Baptiste Chirié est né le 20 juillet 1988 à Pau (64). Il était marié, père de deux enfants.

Promotion 2009 de l’École de l’air  

Breveté pilote de chasse en juillet 2015  

Pilote de combat opérationnel depuis septembre 2018  

24 missions de guerre (Sahel)  

940 heures de vol

2012: BA 701 Salon-de-Provence - Élève pilote, Centre de formation aéronautique militaire initiale 

2013: BA 709 Cognac - Élève pilote, École de Pilotage de l’Armée de l’air 01.315 

2014: BA 705 Tours - Élève pilote, École de l’Aviation de Chasse 00.314 

2015: BA 120 Cazaux - Stagiaire pilote, Escadron de Transformation Opérationnelle 2/8 

2016: BA 133 Nancy-Ochey - Officier pilote Mirage 2000D, Escadron de Chasse 1/3 « Navarre » 

2018: BA 133 Nancy-Ochey - Pilote de combat opérationnel, Pilier tactique, Escadron de Chasse 1/3 « Navarre »

 

Détachements 

2018 Opération Barkhane, Pilote de combat opérationnel, N’Djamena, Sahel

Décorations Médaille de l’outre-mer avec agrafe Sahel Médaille de bronze de la Défense nationale, agrafe Armée de l’air.

 

Le lieutenant Audrey Michelon est née le 17 janvier 1989 à St Germain en Laye (78) 

Célibataire, sans enfant 

Entrée dans l’Armée de l’air en mars 2011 en tant qu’officier sous contrat  

Brevetée Navigateur Officier Systèmes d’Armes en juin 2013  

Navigatrice de combat opérationnel en décembre 2016 

Sous-chef navigatrice depuis avril 2018  

97 missions de guerre (Levant et Sahel)  

1250 heures de vol

2011: BA 701 Salon-de-Provence - Élève NOSA, Centre de Formation Aéronautique Militaire Initiale 

2012: BA 705 Tours - Élève NOSA, École de l’Aviation de Chasse 00.314 

2013: BA 120 Cazaux, Stagiaire NOSA, Escadron de Transformation Opérationnelle 1/8 

2014: BA 133 Nancy-Ochey, Stagiaire NOSA, Escadron de transformation M2000D 4/3 Argonne » 

2015: BA 133 Nancy-Ochey - Navigatrice Mirage 2000D, Escadron de Chasse 1/3 « Navarre » 

2016: BA 133 Nancy-Ochey - Navigatrice de combat opérationnel, Escadron de Chasse 1/3 « Navarre » 

2018: BA 133 Nancy-Ochey - Sous-chef navigatrice, Pilier traditions, Escadron de Chasse 1/3 « Navarre

Détachements 

2015 Renfort temporaire à l’étranger, Navigatrice de combat opérationnel, Djibouti 

2016 Opération Chammal, Navigatrice de combat opérationnel, Jordanie 

2017 Opération Barkhane, Sous-chef navigatrice, N’Djamena, Sahel 

2018 Opération Barkhane, Sous-chef navigatrice, N’Djamena, Sahel

Décorations 

Croix de la valeur militaire avec 1 citation à l’ordre de la brigade aérienne 

Médaille de l’outre-mer avec agrafes Sahel et Moyen-Orient 

Médaille d’argent de la Défense nationale, agrafes forces aérienne et mission d’opérations extérieures


Le rapport du BEA-E sur le crash de "Coca 27"

Le 20/12/2019.

Source : https://lemamouth.blogspot.com/2019/12/le-rapport-du-bea-e-sur-le-crash-de.html

 

On connaît, avec la publication du rapport du BEA-E les causes du crash du Mirage 2000D n°667 du Navarre, indicatif Coca 27, qui avait tué ses deux navigants, le 9 janvier 2019.

 

Le crash s'était produit après 10 minutes de vol lors d'une simulation de passe de tir Scalp.

L'ESPAR (rengistreur de paramètres) a été retrouvé endommagé, la carte du calculateur moteur n'a pas été découverte. Quant à la cassette Hi-8 enregistrant la visu tête haute et les signaux sonores du cockpit, elle n'a pas été retrouvée. Un parachute, celui du pilote, a été retrouvé accroché à un arbre, mais aucun des membres d'équipage n'a eu le temps de s'éjecter, même si l'analyse de l'appareil a démontré que le pilote avait tenté l'éjection. L'avion s'est écrasé avant le déclenchement du cycle : il faut 170 millisecondes pour qu'un premier siège, celui de la NOSA, parte, avant celui du pilotes. Certaines pièces de l'appareil n'ont été récupérées que trois mois après le crash, à la fonte des neiges.

 

Selon certains éléments dans l'appareil (horizon de secours), l'appareil a heurté le sol avec une inclinaison à droite de 30° et une assiette à piquer de 10°. L'étude du site du crash semble suggérer, elle, une pente à piquer à de 30°.

 

L'étude du vol, reconstitué grâce à la DGA, montre une ressource réalisée en automatique à 6600 pieds à 10h27, loin du vol à très basse altitude pratiqué jusqu'alors. A 10h29mn32s, une deuxième ressource est effectuée, l'appareil culmine 12 secondes plus tard puis commence à piquer. Cinq secondes avant le crash, le pilote tente d'interrompre son piqué, sans succès.

Le BEA-E conclut que "l'équipage n'a pas stabilisé à l'altitude de sécurité et a poursuivi le vol en piquer vers le sol. Il a subi une désorientation spatiale due à une illusion sensorielle et une conscience erronée de la situation".

 

Le Bureau reconnaît aussi la complexité du vol en suivi de terrain en très basse altitude. "Le SDT en mode TBA est techniquement difficile et ce, encore davantage lorsque les conditions météorologiques sont mauvaises. Les marges d'erreur sont quasi-nulles. Ces missions appellent un entraînement conséquent". Ce qui n'était pas le cas pour l'équipage, qui revenait d'opérations extérieures où ce type de missions n'est pas conduit sous cette forme. Le Bureau constate aussi un "déficit en entraînement organique depuis plusieurs années" du fait de la disponibilité faible des appareils, et d'un tempo opérationnel élevé. Mais aussi de la jeunesse de l'équipage.

En 2015, le pilote avait accumulé 139 heures d'Alpha Jet, 31 autres et 45 heures de Mirage 2000 en 2016, 122 heures de Mirage 2000D en 2017, et 148 autres autres en 2018, y ajoutant aussi 66 heures en opex au Sahel.

 

La NOSA a quant à elle systématiquement dépassé les 200 heures depuis 2015 : 197 sur Mirage 2000 en 2014 et 36 heures en opex, 129 heures en France et 95 en opex en 2016, 147 heures en France et 76 en opex en 2017, et 93 heures en France et 138 heures en opex en 2018. Soit 97 missions de guerre en trois détams.

 

Ces volumes permettent au BEA-E de conclure que "le volume d'heures de vol réalisé en mission d'entraînement organique par l'équipage est insuffisant et irrégulier pour permettre le maintien des compétences acquises et l'acquisition de nouvelles compétences sur des bases solides".

 

Plus loin, il ajoute, "pour le personnel navigant peu expérimenté, le risque d'acquérir une conscience de la situation erronée lors de ce type de mission est alors élevé".

 

Au fil des années et de la multiplication des contraintes, le SDT ne fait plus l'objet que d'une dizaine de vols non thématiques, là où au début des années 2000, une cinquantaine d'heures de vol en SDT étaient réalisées en entraînement organique.

 

Pour le Bureau, "la baisse de technicité des pilotes de la 3e EC, liée au manque d'entraînement, ne permet plus d'assurer le même niveau de sécurité en SDT que par le passé, notamment  aux hauteurs les plus basses du SDT et par les conditions météorologiques les plus défavorables". En outre, "les caractéristiques de cette mission, exigeante pour un vol de reprise, représentent une véritable difficulté pour cet équipage spécifiquement".


Des aviateurs insuffisamment entraînés !

Source : https://lemamouth.blogspot.com/2019/12/des-aviateurs-insuffisamment-entraines.html

Alors que le rapport du BEA-E vient d'éclairer le crash d'un Mirage 2000D par un manque

d'entraînement, non limité à l'équipage, un autre rapport, du Sénat, cette fois-ci, pointe du doigt des réalités jusqu'alors peu mises en avant, au sein de la totalité de l'armée de l'air. "L’activité opérationnelle reste inférieure aux objectifs fixés, de près de 10 % écrivent les sénateurs Bockel et Prunaud dans un rapport édifiant qui évoque aussi le cas de la marine. "En 2018, seuls 80 % et des pilotes de chasse et d'hélicoptères, et 60 % des équipages de transport tactique ont pu réaliser la totalité des exercices ou des formations prévues par les référentiels d’entraînement".

 

Pour les parlementaires, la faute aux opex "qui ont sollicité les équipages les plus expérimentés."

Rien de rassurant, les élus expliquent que "le niveau d’activité des pilotes de chasse devrait stagner au moins jusqu’en 2021".

 

Pour les années 2016, 2017, 2018, 2019, les prévisions de 2020 et la norme retenue pour la LPM (qui n'est pas forcément ambitieuse comparée à certains standards...), le volume d'heures de vol pour les pilotes de chasse s'établit à 163 heures, 164, 161, 164, 164, 180. Pour les avions de transport, le volume atteint 220 heures, 219, 201, 219, 219,  320. C'est là que le déficit est le plus important : les équipages ne réalisent que 68% des heures prévues (62% en 2019...).

 

Or on le sait, le poser sur terrain sommaire, régulièrement pratiqué au Sahel, n'a rien de banal.

 

Pour les hélicoptères, malgré de fortes disparités d'un parc à l'autre, les chiffres sont de 164 heures, 164, 166, 174, 174, 200. L'escadron 1/67 Pyrénées s'en sort légèrement mieux grâce au recours à un H225 civil, qui génère une disponibilité disproportionnée par rapport à un H225M (militaire). Ce qui pourrait interroger.

 

Moins entraînés, les personnels sont (comme tout humain) plus sensibles à commettre des erreurs (qui peuvent avoir une traduction en sécurité des vols), perdent en compétences, et peuvent, dans certains cas, perdre, ou ne pas atteindre leur niveau dans des missions complexes, ou l'entrée en premier par exemple.

 

Rappelons que le premier motif d'existence des armées n'est pas de mener des guerres asymétriques (comme c'est le cas au Sahel), mais aussi de protéger le territoire national contre une agression de haute intensité.

 

Sans pour autant que ce soit spécifique à l'armée de l'air (armée de terre et marine peuvent rencontrer de tels problèmes), l'entraînement organique sacrifié voit des pilotes et équipages partir en opérations avec des dérogations d'emploi, ou des limitations d'emploi (ils ne sont donc pas théoriquement utilisables sur toutes les missions). Certaines contextes particulièrement complexes, comme le poser poussière, ou le vol de nuit, notamment par nuit très sombre, ne sont pas forcément non plus suffisamment travaillé en entraînement organiques (1), or c'est précisément ce que les équipages rencontrent à Barkhane.

 

A contrario, et c'est manifestement ce qui est entré en compte pour le crash du Mirage 2000D, la concentration sur un type de conflit (de type asymétrique) peut négliger ou banaliser certains types de vols qui ne le sont pas du tout (comme le vol très basse altitude en suivi de terrain par mauvais temps).

 

Les sénateurs ont puisé dans leurs archives : "en 15 ans, la disponibilité des aéronefs a baissé de 10 points et est globalement inférieure à 50 % alors que les coûts de maintenance ont augmenté de près de 40 %. Au 31 août, la disponibilité de l' A400M s'établissait à 31 %, celle du Caiman Marine à 29 % et celle du Rafale Marine à 41 %.


(1) des réalités responsables de plusieurs accidents d'hélicoptères dans les armées.


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Rapport d'enquête A-2019-01-A.pdf
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