ARMÉE US : Etat des lieux


Pourquoi l'armée US n'est (mal)heureusement pas préparée pour un conflit conventionnel majeur.

 

Analyse écrite par l'équipe de South Front : Brian Kalman, Daniel Deiss, Edwin Watson.

 

Sources : https://southfront.org/why-the-u-s-military-is-woefully-unprepared-for-major-conventional-conflict/

                 http://lesakerfrancophone.fr/armee-us-etat-des-lieux-13introduction-et-contexte-imperial

 

Seule une nation qui envisage d’envahir et d’occuper d’autres pays, et qui se retrouvera toujours dans un environnement hostile, aura besoin de tant de véhicules de transports blindés. Aucune autre armée majeure dans le monde n’a décidé de suivre ce nouveau modèle américain. Cela est peut-être dû au fait que le principal devoir de leurs forces armées est de se défendre. Les armées de défense nationale n’ont pas besoin de se préparer à combattre une population autochtone hostile.

 

Sommaire

Armée US : Etat des lieux [1/3] Introduction et Contexte impérial

Armée US : Etat des lieux [2/3] Contre-insurrection et déboires de l’US Navy

Armée US : Etat des lieux [3/3] Catastrophe du JSF et Corruption institutionnelle

 


1/3 - Introduction et contexte impérial

  

Introduction

 

Dans le résumé du Département de la défense sur la stratégie de défense nationale des États-Unis pour 2018, le secrétaire James Mattis expose de manière succincte les défis et les objectifs de l’armée américaine dans l’avenir immédiat. Fait important à noter, il reconnaît que les États-Unis sont devenus beaucoup trop concentrés sur la contre-insurrection au cours des deux dernières décennies, mais il semble oublier l’origine de cette mission au départ.Related image

Char M-1 Abrams en Irak

La politique étrangère des États-Unis et son recours à l’intervention militaire pour résoudre tous les supposés problèmes, le changement de régime et l’aventurisme impérialiste, ont entraîné la nécessité d’occuper ou de détruire des nations. Cela conduit à la croissance des insurrections et au renforcement du radicalisme religieux, qui couve depuis longtemps, et du sentiment anti-occidental au Moyen-Orient et en Asie centrale. L’armée américaine s’est volontairement jetée tête baissée dans une prophétie auto-réalisatrice.

Les États-Unis se sont livrés à des guerres inutiles et, alors que ces guerres ont été facilement remportées à court-terme sur le champ de bataille, le manque de planification pour l’occupation a provoqué des insurrections de guérilla qui n’étaient pas si faciles à affronter pour une armée conventionnelle. L’armée américaine n’était pas préparée à la guérilla dans les zones urbaines, ni à la tactique brutale et immorale [sic, NdT]dans laquelle ses nouveaux ennemis étaient prêts à s’engager. Elle n’avait évidemment pas réfléchi à l’expérience soviétique en Afghanistan, ni à la nature de ses nouveaux ennemis. Alors que les pertes causées par les engins piégés, les tireurs d’élite et les kamikazes dissimulés parmi les civils se multipliaient au sein de la population civile, l’armée américaine et le secteur de la défense ont été forcés de trouver des moyens de protéger les soldats et de rendre les véhicules moins vulnérables à ce type d’attaques. Cela a eu pour résultat que les véhicules de toute espèce ont été blindés et que de nouveaux véhicules résistant aux IED [engins explosifs improvisés] ont été conçus et mis en service en grand nombre. Cela a entraîné une énorme quantité de temps, d’efforts et d’argent. Cela a également incité les services militaires américains et l’industrie de la défense à se désintéresser de la guerre conventionnelle contre les nations à parité.

 

Après une décennie de lutte contre l’insurrection en Afghanistan et presque aussi longtemps en Irak, la direction américaine a décidé de détruire la nation souveraine libyenne et de déclencher une guerre en Syrie immédiatement après. Aujourd’hui, connaissant les événements historiques, il ne fait aucun doute que la CIA et le département d’État ont facilité l’invasion étrangère de la Syrie par des radicaux islamistes. Ils ont financé et armé ces groupes, organisé une formation clandestine et facilité le déplacement logistique des combattants et des armes dans un pays souverain afin de provoquer sa désintégration. Dans ces deux exemples, ils ont décidé de ne pas occuper ces pays, mais de détruire tout semblant de société ordonnée et de la remplacer par un chaos brutal et violent. Les dirigeants politiques et militaires des États-Unis semblent avoir appris que leur aventurisme passé avait entraîné des occupations coûteuses. Cependant, au lieu de s’abstenir d’utiliser l’option militaire comme moyen de modifier les réalités géopolitiques qu’ils n’aimaient pas, ils ont simplement choisi d’ignorer ensemble la responsabilité de l’occupation et la reconstruction.

 

Alors que Mattis, le secrétaire américain à la défense a décrit les nations « à parité » que sont la Chine et la Russie comme des « puissances révisionnistes », il oublie que ce ne sont pas ces nations qui ont pris les décisions irresponsables et téméraires qui ont affaibli l’institution militaire des États-Unis, ni affirmé l’intention de réviser les catastrophes mal conçues et exécutées par leurs « pairs » américains. Ils ont atteint, dans de nombreux domaines, un état de parité militaire et technologique, et même parfois une position de supériorité vis-à-vis des États-Unis, car ils ont eu un meilleur jugement au cours des deux dernières décennies, investi leur temps, leur talent et leur richesse dans le développement de puissants systèmes conventionnels et nucléaires, en s’abstenant d’utiliser leurs moyens de défense nationale pour punir leurs adversaires présumés en causant davantage de dommages à eux-mêmes. À bien des égards, le piètre exemple des États-Unis et de ses expéditions militaires mal conçues a incité la Russie et la Chine à progresser sur des chemins différents. Maintenant, sans reconnaître ni admettre les échecs dans le leadership et la prise de décision qui ont conduit l’armée américaine à cette situation affaiblie, les États-Unis ont déclaré qu’ils traversaient maintenant une période de concurrence stratégique avec les deux autres caïds les plus forts du quartier.

 

Pour comprendre comment le secrétaire Mattis en est venu à une telle déclaration, nous devons examiner les décisions, actions, erreurs et défaillances militaires américaines au plus haut niveau qui nous ont conduits à ce point. Une brève analyse de la métamorphose de l’armée américaine résultant d’une force de combat conventionnelle robuste et équilibrée, appuyée par une dissuasion nucléaire viable en une force obsédée par l’occupation et la contre-insurrection, doit être menée. Ceci doit être suivi d’une étude sur la manière dont l’armée américaine a décidé d’investir son financement considérable, sur les systèmes d’armes qu’elle a mis au point et sur la manière dont elle considère que c’est la meilleure façon de protéger les intérêts de l’État en matière de sécurité nationale. Enfin, il convient de comparer les capacités de ses adversaires stratégiques déclarés. On peut alors tirer une conclusion quant à la capacité de l’armée américaine d’engager avec succès et de vaincre ces adversaires dans un futur conflit.

 

Expansion impériale, changement de régime et occupation

Lorsque l’Union soviétique s’est dissoute en décembre 1991, un vide du pouvoir mondial s’est immédiatement créé. Indépendamment des nombreuses assurances données au gouvernement de Gorbatchev – finalement révélées dans les correspondances officielles de l’OTAN publiées en décembre 2017 dans les archives de la sécurité nationale – que l’OTAN ne se développerait pas et que les anciens États fédérés soviétiques seraient inclus dans le système économique et de sécurité européen établi, les États-Unis se sont immédiatement engagés dans une politique d’expansion de l’OTAN et d’exploitation économique des territoires post-soviétiques.

 

Juste quelques mois plus tôt, les États-Unis avaient déployé des forces militaires en Arabie saoudite en tant que colonne vertébrale d’une coalition internationale pour contrer l’invasion irakienne du Koweït. Cela a abouti à l’Opération Desert Shield, le plus grand déploiement de forces militaires combinées de la part de l’armée américaine depuis la guerre du Vietnam. En janvier 1991, moins d’un mois après la disparition de l’URSS,  l’opération Desert Shield est passée à l’opération Desert Storm, avec l’invasion de l’Irak et du Koweït. La puissance militaire conventionnelle utilisée par les États-Unis était extrêmement efficace et la plupart des systèmes de combat fonctionnaient extrêmement bien sur le champ de bataille. La supériorité aérienne devint bientôt absolue, l’armée de l’air irakienne laissant largement le ciel libre. Le grand succès de l’opération Desert Storma largement contribué à donner aux planificateurs militaires du Pentagone un faux sentiment de supériorité, ce qui, comme nous le verrons, a conduit à un certain nombre d’hypothèses erronées et de mauvaises décisions concernant le développement et la transformation futurs de l’armée américaine.

 

La première « intervention humanitaire » militaire de l’après-guerre froide, menée par les États-Unis, a concerné le conflit civil en Yougoslavie en 1995. Sur la base d’une escalade des atrocités ethniques, l’intervention de l’OTAN était en fait conçue pour diviser l’ancienne République yougoslave, et installer un certain nombre de nations favorables à l’OTAN, ou pro-US et atlantistes, à la périphérie de la Russie dans les Balkans. La Slovénie est devenue membre de l’OTAN en 2004, suivie de la Croatie en 2009, puis du Monténégro en 2017. Parallèlement à la guerre civile qui sévissait dans l’ancienne République de Yougoslavie, les États-Unis et leurs alliés des États du Golfe ont fomenté et soutenu des insurrections islamiques dans les républiques caucasiennes de la Fédération de Russie nouvellement formée [Tchétchénie…] s’efforçant de l’affaiblir davantage et de l’encercler. À la fin de l’intervention américaine dans les Balkans, qui comprenait le déploiement de forces terrestres américaines dans le cadre de multiples opérations dirigées par l’OTAN, notamment l’opération Joint Endeavour, les opération Joint Guard et Joint Forge en Bosnie-Herzégovine et la Kosovo Force (KFOR), les États-Unis ont créé de facto l’État croupion du Kosovo. Pas moins de 43 000 soldats de l’OTAN ont participé à ces opérations entre 1995 et 2002.

 

Comme je l’ai décrit et expliqué dans une analyse antérieure intitulée « L’évolution des véhicules blindés de l’armée US au XXIe siècle ; le système de combat de l’avenir cède le pas à la puissance de feu protégée et mobile », bien que la direction de l’armée américaine se soit félicitée des performances de ses véhicules blindés et de ses systèmes d’armes hérités des opérations Desert Storm et Joint Endeavour, elle n’était pas satisfaite par le temps qu’il a fallu pour déployer de grandes unités d’armes combinées via la capacité de transport maritime et aérien disponible. La logistique complexe liée à la mobilisation et au déplacement d’unités blindées lourdes ne permet pas un déploiement rapide, en particulier sur des distances importantes. Même le pré-déploiement d’équipements blindés lourds, soit dans des pays hôtes, soit chargés dans des navires stationnés en réserve dans des bases avancées – telles que celle de Diego Garcia – ou amarrés dans les principaux ports de la zone continentale des États-Unis, présente un ensemble de défis logistiques.

 

Le désir de rationaliser la logistique militaire américaine et de créer un cadre de combat plus facile à déployer, plus flexible, tout en maintenant les niveaux de létalité les plus élevés, et grâce aux technologies de l’information et aux systèmes de communication de pointe, a conduit à la genèse du système de combat de demain [Future Combat System : FCS]. En adoptant le concept de FCS, l’Armée de terre a fixé des objectifs de déploiement très ambitieux, qui se révéleraient inaccessibles. Le général Eric Shinseki, alors chef d’état-major de l’armée, a déclaré que l’armée s’efforcerait de déployer une brigade de combat n’importe où dans le monde en 96 heures, une division complète en 120 heures et pas moins de cinq divisions en un mois. Le secrétaire à la Défense, Donald Rumsfeld, était un ardent défenseur du concept FCS. L’armée américaine suivra finalement le programme FCS, le plus important programme d’acquisition de défense de l’histoire militaire américaine, dont le prix avoisinerait les 200 milliards de dollars. Le programme a finalement été annulé en 2009, mais son influence dans la transformation de l’armée américaine s’est révélée considérable et a eu une influence négative sur la capacité de l’armée à se battre aux côtés d’adversaires à parité dans l’environnement de combat d’aujourd’hui.

 

L’armée américaine deviendra une force d’invasion et d’occupation au cours de l’ère néocon allant de l’an 2000 à nos jours. En 2003, les États-Unis envahissaient à nouveau le territoire irakien, cette fois-ci au cours de l’opération Iraqi Freedom. À ce moment-là, l’armée américaine avait partiellement pris en compte certains aspects du FCS, principalement dans la région où des forces prêtes au combat de la taille d’une brigade se déployaient rapidement. L’opération Iraqi Freedom a été conçue comme une invasion rapide faisant appel à des équipes de combat hautement mobiles, autonomes et combinées, appuyées par une puissance aérienne écrasante. L’armée irakienne était beaucoup plus faible en 2003 qu’en 1991. C’était l’ombre de ce qu’elle fut, elle avait été attaquée à plusieurs reprises au cours de la décennie, notamment ses réseaux de défense aérienne, de commandement et de contrôle. Une force terrestre combinée d’environ 148 000 hommes a été déployée, prête pour des opérations offensives, en un mois et demi environ. Les opérations terrestres de l’invasion ont duré du 20 mars au 1er mai 2003. La victoire initiale était impressionnante, mais il est vite devenu évident qu’il n’existait aucun plan réaliste et pragmatique visant à occuper le pays et à aider un nouveau gouvernement stable et capable.

 

Ce qui a suivi a été une période de crise pour l’armée américaine. Lorsque les soldats américains ne furent pas accueillis comme des libérateurs et que se formèrent plusieurs insurrections anti-occupation organisées et impitoyables, les unes motivées par le patriotisme, d’autres par des convictions tribales et religieuses, et enfin certaines par le terrorisme de groupes tels qu’al-Qaïda, les soldats en charge de l’occupation de l’Irak n’étaient malheureusement pas préparés à la tâche qui leur était confiée. Les troupes américaines déployées dans un pays dont elles venaient tout juste de détruire l’infrastructure civile minimale ont été chargées de la reconstruction de la nation dans un pays où se développait une insurrection croissante à plusieurs niveaux. Les convois et les patrouilles étaient de plus en plus la cible d’embuscades d’insurgés opérant le long des routes principales et dans les centres urbains. Les véhicules légers et les transports militaires ont été ciblés et détruits en nombre considérable, et les équipages ne bénéficiaient d’aucune protection contre les armes légères et de petit calibre, ainsi que contre les engins explosifs improvisés (IED) extrêmement puissants.

 

L’administration Bush qui avait, à l’époque, prétendu que les troupes des États-Unis seraient largement accueillies comme libératrices a commencé à se démener pour trouver des moyens de réduire le nombre croissant de victimes américaines. La solution a été d’ajouter une protection blindée à tous les véhicules existants dans les unités logistiques, qu’il s’agisse de véhicules HMMWV [Humvee] ou de LMTV [un peu plus gros] et HEMMT [très gros]. L’ajout de blindages aux véhicules de soutien logistique qui ne sont pas destinés au combat de première ligne a considérablement augmenté leur consommation de carburant – d’une grande importance dans le secteur de la logistique – et n’a, par ailleurs, été réalisé qu’à un coût élevé. L’armée américaine n’avait à ce moment-là qu’un seul véhicule blindé en service actif, le M1117, en petit nombre. La décision fut prise de protéger le très répandu HMMWV et de lui confier les tâches de patrouille blindée, de sécurité intérieure et de contrôle des foules. Le HMMWV a été conçu et utilisé de manière assez efficace comme véhicule utilitaire léger et s’est toujours bien comporté dans ce rôle, mais il n’a jamais été conçu pour les tâches qu’il a été appelé à effectuer après 2003.

 

L’obsession des MRAP [véhicule anti-mines]

Un certain nombre de types de blindages différents ont été développés pour le HMMWV, principalement dans le but d’accroître les chances de survie de l’équipage. Le Hummer blindé n’était qu’un palliatif jusqu’à ce que des véhicules blindés spécialement conçus à cet effet puissent être développés et mis en service en plus grand nombre. Bien qu’efficace contre les armes légères, les grenades et les mines, le M1117 a été utilisé en nombre très limité en 2003 avec des unités de la police militaire, principalement chargées de la sécurité sur des installations militaires. Des commandes importantes du véhicule ont été passées après l’invasion de l’Irak en 2003, et leur nombre est passé d’environ 50 à plus de 1 800 unités en service actif.

 

L’armée américaine sollicita l’aide de l’industrie de la défense américaine et internationale pour produire un véhicule blindé qui pourrait mieux servir les besoins actuels d’une armée d’occupation qui fait face, non seulement à une nation rebelle, mais à deux. Entre 2003 et 2007, l’armée américaine a déploré de plus en plus de victimes sur les théâtres d’occupation irakien et afghan. Dans le cas de l’Afghanistan, le nombre de victimes continua à augmenter jusqu’en 2010 avant de diminuer pendant plusieurs années consécutives. La plupart de ces victimes résultaient d’embuscades avec des engins piégés. Ces attaques ont été multipliées par six entre 2003 et 2007.

 

Le département de la Défense (DOD) dépensera des milliards de dollars en contrats pour des véhicules munis d’une protection anti-mines (MRAP) entre 2003 et aujourd’hui. Le coût total d’acquisition des différents MRAP commandés et mis en service dépasse, au bas mot, $45 milliards. L’armée américaine compte pas moins de sept types différents de MRAP en service à ce jour, plus que tout autre pays, et de loin. Alors que les États-Unis ont réduit leur présence active en Afghanistan et en Irak, ils ont vendu bon nombre de ces véhicules aux forces de sécurité locales, et même aux forces de police nationales des États-Unis, car ils ne sont guère utiles sur un champ de bataille contesté où l’armée américaine se battrait dans un conflit conventionnel avec un adversaire puissant. La liste suivante détaille les principaux types de MRAP utilisés par l’armée américaine et les coûts associés :

 

M-ATV

La genèse du véhicule MRAP tout terrain (M-ATV) était le désir d’obtenir à la fois la protection contre les IED apportée par un MRAP et la mobilité d’un véhicule tout-terrain plus léger. On s’est vite aperçu que la variante blindée M1114 HMMWV sacrifiait une grande partie de ses performances hors-route avec l’ajout d’une plaque de blindage lourde, sans toutefois fournir une protection adéquate. Un MRAP léger construit à cet effet était nécessaire. Oshkosh Corporation a obtenu un contrat initial d’un milliard de dollars pour la fourniture du nouveau M-ATV à l’US Army, à l’USMC [Marine Corps], à l’US-Air Force et au Special Operations Command – qui regroupe les éléments  de tous les services militaires d’opérations spéciales – à la mi-2009. La commande initiale a été multipliée par quatre en quelques années et le nombre total de M-ATV produits à ce jour a atteint près de 10 000 unités de différentes variantes. Le coût d’acquisition non corrigé de l’inflation dépassera probablement les $4 milliards et des contrats supplémentaires ont été attribués pour la mise à jour et le réaménagement de toutes les unités en service. Depuis, de nombreuses unités ont été remises aux gouvernements alliés du Moyen-Orient et d’Europe à des prix très réduits. Les pays bénéficiaires de l’OTAN incluent la Pologne et la Croatie. Les Émirats Arabes Unis et l’Arabie saoudite ont tous deux utilisé le M-ATV dans le conflit au Yémen et en ont perdu un nombre considérable au combat.

 

Cougar

Le Cougar est un véhicule beaucoup plus robuste que le M-ATV, il ressemble à un camion lourdement blindé. Il existe en version 4 x 4 et, plus grand, 6 x 6, avec plusieurs modèles basés sur ces deux plates-formes, en fonction du rôle souhaité. Le Cougar a été développé par Force Protection, Inc. en 2004. La société a ensuite été rachetée par General Dynamics en 2011. Le Cougar a été mis en service à la hâte après un programme d’essais très simple et rudimentaire en 2004, l’armée américaine souhaitant bénéficier de milliers de MRAP en service en Irak dès que possible. Le Cougar peut faire remonter sa lignée à d’anciens véhicules conçus et mis au point en Afrique du Sud. Il a également été adopté par les Britanniques et le Canada. Le Cougar a été produit en grand nombre entre 2004 et 2010 pour l’armée américaine, tandis que les Britanniques ont passé de nouvelles commandes dans au moins quatre variantes différentes. Un certain nombre ont également été offerts à d’autres pays de l’OTAN ayant des contingents en Afghanistan. L’armée américaine a dépensé entre $2,5 et 3,0 milliards pour acquérir ses Cougars, et des fonds supplémentaires ont été dépensés pour améliorer environ 20% de la flotte survivante pouvant rester en service.

 

Caiman

Le MRAP probablement le plus rentable, question coût, mis au point pour répondre aux besoins du programme de véhicule MRAP, est le Caiman, conçu par Armor Holdings – acheté depuis par BAE Systems. Au départ, le Caiman partageait 85% de ses composants de base avec la famille de véhicules tactiques militaires (FMTV) de Stewart & Stevenson/Oshkosh. Cette famille de camions, légers à moyens, est produite depuis le début des années 1980, avec plus de 74 000 unités de configurations variées mises en service. Cette économie d’échelle a permis de réduire les coûts de fabrication, de maintenance et des stocks. Le coût total du contrat Caiman – y compris un contrat ultérieur pour la mise à niveau et l’amélioration de véhicules conformes à la norme relative aux véhicules multizones – s’est élevé à plus de $1,15 milliard. Les États-Unis ont vendu aux Émirats Arabes Unis, 1 150 MRAP Caiman excédentaires pour les opérations au Yemen.

 

MaxxPro

Fabriqué par Navistar Defence, une filiale de Navistar International Corporation, le MRAP MaxxPro est basé sur un châssis de camion commercial et utilise autant que possible une armature blindée boulonnée. Cela réduit les coûts de fabrication par rapport à la construction soudée et permet une réparation plus facile sur le terrain. Environ 9 000 MRAP MaxxPro ont été construits pour l’armée américaine, le Corps des marines et l’armée de l’air. Avec un coût unitaire moyen de $515 000, le Maxxpro a coûté plus de $4,6 milliards à l’armée américaine, sans compter un certain nombre de contrats de mise à niveau. Sur les 9 000 unités construites et livrées, les services militaires américains ont annoncé en 2013 leur intention de n’en conserver qu’un tiers en service au-delà de 2014.

 

Buffalo 

Le plus grand MRAP de l’inventaire américain, le Buffalo a été conçu comme un véhicule IED et de déminage. Fabriqué par Force Protection Inc., il est basé sur le MRAP Casspir qui est utilisé par l’armée sud-africaine depuis des décennies. Le Buffalo est un véhicule blindé 6 × 6 avec une masse maximale en service de 25 tonnes. Après la construction des 200 premières unités, le Buffalo a été mis au niveau A2 en 2009, après quoi 450 unités supplémentaires ont été produites. Au total, plus de 750 unités ont été produites, dont 650 en service dans l’armée américaine pour un coût de plus d’un milliard de dollars.

 

Les origines du Buffalo sont clairement une réponse aux dangers d’une occupation militaire prolongée dans un environnement actif de guérilla. Il était basé sur une conception éprouvée et a été extrêmement efficace dans le rôle prévu. Le véhicule traditionnel de déminage ou d’élimination des IED serait normalement un MBT [char d’assaut] équipé d’un appareil de déminage. Le Buffalo est moins cher à fabriquer, à entretenir et à exploiter qu’un MBT, et il est légèrement plus flexible dans une multitude d’environnements. Il peut également accueillir 12 soldats en plus d’un équipage normal de deux personnes.

 

Nyala RG-31 / 33

Fabriqué par Land Systems OMC (BAE Land Systems) en Afrique du Sud et FNSS en Turquie, le RG-31/33 Nyala MRAP est produit en versions 4 × 4 (RG-31) et 6 × 6 (RG-33) et répond aux exigences d’un véhicules MRAP. Bien que l’armée américaine en ait utilisé le plus grand nombre – près de 2 000 véhicules – dix autres pays utilisent ce MRAP dans une certaine mesure. Le Corps de marines US en a commandé 1 385 de la variante Mark 5E et exploite plus de RG-31 que tout autre service de l’armée. Le coût total de l’acquisition du RG-31/33 dépasse facilement $2,7 milliards.

 

JLTV

Le plus ambitieux de tous les programmes MRAP, le véhicule tactique léger (JLTV) est destiné à remplacer le HMMWV utilisé par toutes les branches militaires des États-Unis. Bien que la conception du nouveau véhicule vise à le rendre plus performant dans un certain nombre de tâches militaires, il s’agit essentiellement d’un véhicule protégé des embuscades et résistant aux mines. Le JLTV est apte à prendre en charge les tâches de reconnaissance blindée légère, de sécurité blindée, d’opérations spéciales, de protection des convois – troupes et marchandises. Le JLTV se veut suffisamment flexible pour effectuer toutes ces tâches et sa conception permet même l’adaptation du système de blindage et d’armement à la tâche requise.

 

Le US Accountability Office (GAO) [Cour des comptes US] a estimé en 2015 que le coût du JLTV, pour tous les services, s’élèverait probablement à $53,5 milliards, avec un total de 5 500 unités pour le US Marine Corps et de 49 099 pour l’US Army. En 2016, le ministère de la Défense a affirmé que le coût total du programme serait réduit en raison des coûts unitaires révisés et des « méthodes d’estimation des coûts » adaptées [sic, NdT]. Cependant, l’expérience passée a prouvé que le Pentagone est généralement assez mauvais pour gérer ses finances. Selon le calendrier d’achat proposé, les premiers JLTV seront livrés à partir de 2018 et ne seront achevés qu’en 2040 pour l’armée américaine. Les 5 500 unités demandées par l’US Marine Corps devraient être livrées entre 2018 et 2022.

 

Le programme JLTV incarne clairement l’attachement de l’armée américaine à ses expériences en Irak et en Afghanistan avec l’occupation et les insurrections qui en ont résulté motivées par un anti-américanisme inévitable et des sentiments anti-occidentaux. Les envahisseurs ne sont jamais vus comme des libérateurs, mais toujours comme des asservisseurs et des occupants. Les occupants ne sont jamais en sécurité, car la ligne de front est partout. L’armée américaine a réagi pour se protéger en blindant tout. Les véhicules utilitaires légers et le transport logistique de toutes les catégories étaient blindés. Seule une nation qui envisage d’envahir et d’occuper d’autres pays, et qui se retrouvera toujours dans un environnement hostile, aura besoin de tant de MRAP et de transports blindés. Aucune autre armée majeure dans le monde n’a décidé de suivre ce nouveau modèle américain. C’est peut-être dû au fait que le principal devoir de leurs forces armées est de se défendre. Les armées de défense nationale n’ont pas besoin de se préparer à combattre une population autochtone hostile.

 

Le JLTV est un monstre blindé tout-terrain pouvant supporter une charge utile allant de 1 600 à 2 300 kg, des armes de la taille du SHORAD (variante de la défense aérienne à courte portée du missile Hellfire) ou du canon automatique M230LF de 30 mm, et garantit la survie l’équipage dans la plupart des attaques par IED. Le Département de la défense a décidé de remplacer à la fois la plateforme MRAP et la famille de véhicules utilitaires HMMWV par la nouvelle plate-forme JLTV. Le JLTV est équipé d’un V8 diesel de 6,6 litres pouvant produire au moins 300 ch. Le véhicule pèse entre 7 et 9 tonnes selon le modèle. En comparaison, le HMMWV non blindé pèse 3,8 tonnes, entièrement chargé et utilise un V8 diesel – certains modèles utilisent un turbo diesel – d’une puissance maximale de 190 ch. Même en tenant compte de l’efficacité accrue obtenue grâce à la technologie moderne des moteurs à combustion interne, un véhicule qui pèse deux fois plus et nécessite une puissance plus grande entraînera une consommation de carburant plus élevée et nécessitera une maintenance plus importante.

 

Source : http://lesakerfrancophone.fr/armee-us-etat-des-lieux-13introduction-et-contexte-imperial

 


Contre-insurrection et déboires de l’US Navy

  

Contre insurrection

L’expérience militaire américaine en matière d’occupation et de contre-insurrection a déterminé la priorité des projets d’acquisition et de conception des véhicules blindés du futur, mais elle a également entraîné une focalisation excessive des ressources sur un sous-ensemble, traditionnellement élitiste, limité, et spécialisé, des forces de combat conventionnelles, les opérations spéciales. 

 

Accident de l’USS MacCain

 

Toutes les forces de défense nationales modernes efficaces gèrent un petit groupe d’unités d’opérations spéciales. Ces unités sont composées de soldats hautement motivés, entraînés et très qualifiés, capables d’effectuer un grand nombre de tâches militaires, mais se concentrant spécifiquement sur des sous-ensembles de guerres asymétriques, hybrides et très ponctuels. Elles complètent et renforcent les forces de combat conventionnelles, et agissent souvent comme des démultiplicateurs de force significatifs dans tout conflit.

 

Avant les guerres américaines d’occupation en Afghanistan et en Irak, les États-Unis ont mis en place une solide force d’opérations spéciales comprenant des unités de tous les services. Les investissements considérables dans ces forces hautement sélectives, les normes élevées requises et les exigences extrêmement difficiles en matière de formation, ont toujours limité la quantité de ces forces. Cependant, cela a beaucoup changé au cours des 17 dernières années. La nécessité d’avoir des soldats dotés de compétences spécifiques à la contre-insurrection en Irak et en Afghanistan conduit à une focalisation et à une demande accrue d’opérations spéciales. Depuis 2001, les forces d’opérations spéciales relevant du Special Operations Command  (SOCOM) sont passées de 42 800 hommes à environ 63 500 aujourd’hui. Le financement spécifique aux opérations spéciales a été multiplié par quatre au cours de la même période, passant de $3,1 milliards à $12,3 milliards. Selon le SOCOM, 8 300 opérateurs spéciaux, en moyenne, sont présents dans pas moins de 149 pays du monde, chaque semaine, et dans 70 pays chaque jour.

 

Il ne fait aucun doute que la focalisation excessive du Pentagone sur la contre-insurrection – le département d’État est également responsable – a conduit à l’aventurisme militaire américain, l’impliquant dans les conflits internes de 75% des pays du monde. Cette implication militaire clandestine dans les conflits civils ou régionaux de la majeure partie de la planète a-t-elle vraiment quelque chose à voir avec la sécurité nationale américaine ? Cela sécurise-t-il les États-Unis ou cela crée-t-il seulement plus d’ennemis ? Le SOCOM a même déployé des moyens pour entraîner clandestinement la population civile des États-Unis, ce qui constitue une violation flagrante du Posse Comitatus Act de 1878 [Interdiction faite à l’armée de s’occuper des affaires civiles domestiques].

 

Cette surdétermination excessive des opérations spéciales a entraîné une atrophie des structures et des établissements martiaux plus traditionnels. Alors que les forces armées de la Fédération de Russie sont restées à la pointe du développement des blindages et de l’artillerie modernes, et ont fait avancer les tactiques correspondantes, les États-Unis ont pris beaucoup de retard. Même l’Armée chinoise de libération du peuple a fait de grands progrès dans ces domaines de la guerre conventionnelle par rapport aux États-Unis. Les États-Unis ont certes les ressources économiques et la capacité technique pour combler le fossé, mais les forces militaires doivent être réorientées vers les combats de guerres conventionnelles.

 

Le secrétaire Mattis a évidemment reconnu la nécessité de se focaliser sur l’approvisionnement des forces conventionnelles, ainsi que sur le financement des efforts de R & D dans le domaine de l’artillerie de campagne, des missiles, des véhicules de combat blindés tels que l’AMPV et d’un nouveau char de combat principal (MBT). En identifiant des adversaires à parité comme la plus grande menace pour la sécurité nationale, le secrétaire Mattis est conscient du fait que les États-Unis ne doivent pas perdre de temps pour combler le fossé technologique et qualitatif qui existe actuellement entre les forces de combat conventionnelles des États-Unis et celles de la Russie et de la Chine, respectivement.

 

Une marine en déroute

Alors que les forces terrestres des États-Unis ont souffert de deux décennies d’occupation et de contre-insurrection, qui ont transformé une force de combat conventionnelle équilibrée et à forces combinées, en une force obsédée par les engins piégés, les insurgés et la guérilla, l’US Navy semble avoir perdu toute idée de son rôle en matière de sécurité nationale. Après deux décennies de contrôle absolu des mers et de capacité à utiliser des frappes aériennes à partir des porte-avions pour pilonner des adversaires inférieurs – aucun d’entre eux ne possédant ni une marine, ni une force aérienne digne de ce nom, ni un réseau de défense anti aérienne moderne, ni une capacité anti-navale basée à terre – la marine américaine a semblé déterminée à dériver encore plus loin vers l’insignifiance dans tout conflit futur. À moins qu’elle ne compte s’engager dans des batailles contre des adversaires considérablement plus faibles, la marine américaine ne disposera d’aucun avantage sur ses deux adversaires les plus puissants, la Russie et la Chine.

 

La marine américaine ne s’est pas engagée dans un combat naval majeur, avec un adversaire à parité, depuis la fin de la seconde guerre mondiale. Pendant la guerre froide, les États-Unis et l’Union soviétique se tenaient en grande partie à distance, avec une concurrence très étroite se traduisant par des avancées significatives dans la guerre navale. Ils ne se sont livrés à aucune action hostile vérifiée. Bien que la marine américaine ait combattu les forces militaires libyennes en 1986 dans le golfe de Sidra, elle a également coulé une petite flotte de navires de faible tonnage de la marine irakienne lors de la « bataille de Bubiyan » – ce n’est pas vraiment une bataille et la plupart des combats ont été menés par des hélicoptères de la marine britannique – ces engagements étaient généralement à sens unique et personne ne pouvait jamais dire que les résultats étaient une surprise. Quoi qu’il en soit, la marine américaine a apparemment décidé qu’il s’agissait d’une force invincible pouvant aller où bon lui semble et que personne ne pouvait lui faire obstacle. Un tel hubris et une telle arrogance sont l’une des raisons pour lesquelles elle se porte si mal à ce jour. L’autre raison doit sûrement être attribuée à un complexe militaro-industriel qui a vendu ses services pour de coûteux projets chimériques d’armes miraculeuses qui n’ont pas été à la hauteur de leur battage médiatique. Tout cela accompagné d’énormes profits. Les exemples les plus flagrants sont les suivants :

 

Le navire de combat près du littoral (LCS)

Basé sur le concept, erroné depuis le début, d’un petit combattant de surface pouvant être adapté au cas par cas à des tâches spécifiques, par opposition au concept polyvalente traditionnel, le Littoral Combat Ship (LCS) était en grande partie condamné pour un certain nombre de raisons. Deux conceptions différentes ont obtenu des contrats : le trimaran Independence Class conçu par General Dynamics et le monocoque Freedom Class conçu par Lockheed Martin. La décision de produire deux modèles différents pour répondre aux besoins d’une même classe aurait dû être considérée comme problématique. Dans ce cas, la marine acceptait la responsabilité et les coûts associés à la maintenance de deux plates-formes différentes, avec des besoins et des calendriers de maintenance distincts, sans oublier deux programmes de formation distincts pour les équipages.

 

Le concept du LCS divergeait également à bien des égards et, très franchement, on attendait beaucoup trop d’un navire de taille inférieure à une frégate conventionnelle. L’US Navy s’attendait à ce que le navire conjugue une puissance de feu importante, une modularité adaptée à pratiquement toutes les formes de guerre navale moderne, ainsi que les nouvelles technologies de mise en réseau et d’information permettant de réduire au minimum les effectifs requis. Il en résulta que les membres des forces armées qui devaient utiliser ce navire à contrecœur l’on nommé « Little Crappy Ship » [petit bateau merdique]. Les coques des navires en aluminium et matériaux composites (Classe Independence) ou en acier léger (Classe Freedom) fournissent peu de protection blindée, la puissance de frappe offensive est loin d’être suffisante pour la guerre de surface ou pour le soutien aux forces déployées à l’intérieur des terres.

 

En raison de son incapacité à répondre aux attentes de l’US Navy ou sous la surveillance du Congrès, la taille totale de la flotte de navires LCS a été ramenée des 50 initialement prévus à 32. Les dépassements de coûts du projet, de nombreuses défaillances importantes dans le système, et la taille réduite de la flotte ont entraîné un coût total de $12,4 milliards pour les 26 premiers navires. Le Congrès américain a plafonné le coût unitaire du navire à $480 millions, portant ainsi le coût total théorique à $15,5 milliards. Le tout pour un navire qui a une chance minimale de survivre à la plupart des scénarios de combat naval modernes. Il n’y a rien d’étonnant à ce que l’US Navy ait décidé de commencer à construire une frégate polyvalente, baptisée FFG (X), afin de rattraper les échecs du LCS.

 

Le DDG 1000 Zumwalt Class

Si le LCS n’a pas été une déception énorme et sans équivoque, le destroyer furtif tant vanté, le DDG-1000 de la classe Zumwalt a été un embarras total et un échec cuisant. Considéré comme un changeur de donne de haute technologie, le DDG-1000 était censé utiliser de nouvelles technologies puissantes, une capacité de feu écrasante et un système de propulsion et de production d’énergie ultra-performant, le tout enveloppé dans une furtivité qui le rendrait invisible. Bien que conçu comme un navire de combat de surface à missions multiples, l’accent a été mis sur l’appui naval au tir de surface (NSFS) dans les eaux littorales. En raison d’un certain nombre de facteurs, principalement le coût exorbitant du programme, la Marine tente maintenant de trouver une utilité aux navires de la classe Zumwalt.

 

À l’origine, la Marine avait l’intention de construire 32 de ces destroyers furtifs, mais son coût initial exorbitant, et la dérive des coûts de production, ont amené la Marine et le Congrès américain à réduire la flotte à 24, puis 16, puis 7 et enfin à 3 navires. Parallèlement, le coût par navire a considérablement augmenté, de même que le coût de tous les systèmes spécifiques à une classe, notamment les systèmes d’armes, de production d’énergie et les systèmes de propulsion. Le coût par navire s’élève à plus de $7,5 milliards.

 

Le système avancé de canon de 155 mm (AGS), Mark 51, conçu spécifiquement pour le DDG 1000 a été étudié pour tirer des obus guidés sur une distance supérieure à 150 km, avec une marge d’erreur de seulement 50 mètres. Chaque DDG 1000 est équipée de deux AGS sur le pont avant. Ces canons ont été prévus pour frapper avec précision les objectifs côtiers afin de soutenir les forces terrestres alliées et les forces de débarquement amphibies. Lockheed Martin et BAE Systems ont mis au point le projectile d’attaque au sol à longue portée (LRLAP) destiné à l’AGS, mais en raison de la flotte actuelle de 3 navires, le coût unitaire de chaque projectile est passé à plus de $800 000. La Marine avait déjà acheté 90 obus avant que la décision ne soit prise de cesser d’acheter ces projectiles en raison des coûts prohibitifs.

 

Le DDG-1000 utilise les mêmes moteurs à turbine à gaz Roll-Royce MT-30 que les navires LCS (vus plus haut) de la classe Freedom. Cependant, dans le cas des destroyers, la turbine à gaz doit nourrir un réseau électrique important qui alimente non seulement les moteurs électriques qui propulsent le navire, mais aussi presque tous les autres systèmes embarqués, y compris les systèmes d’armes. L’arrangement s’avère problématique, car les deux premiers navires de la classe ont tous deux subi des pannes et des avaries sur les moteurs principaux. Le DDG-1001 USS Michael Monsoor a subi des dommages aux aubes de turbine de l’un de ses principaux moteurs lors des essais en mer qui ont eu lieu en février de cette année. Le moteur Rolls Royce MT-30 devra être remplacé pour un coût de $20 millions. Le DDG-1000 USS Zumwalt est caricaturalement tombé en panne lors de son transit du Maine à San Diego, il a dû être remorqué du canal de Panama à son nouveau port d’attache.

 

La marine américaine a maintenant du mal à trouver un nouveau créneau pour les DDG-1000. Maintenant que leur mission d’appui naval au littoral (NSFS) est mort-née, ils sont en train de devenir des plate-forme pour frapper des cibles à terre avec des missiles de croisière d’attaque terrestre (LACM) et engager d’autres navires de surface avec un missile de croisière anti-navires (ASCM) qui n’a pas encore être mis en service. Les DDG-1000 manquent d’une forte capacité de guerre anti-aérienne (AAW) et seraient donc liés à d’autres composants de la flotte tels que les DDG-51 de classe Arleigh Burke et les CG de classe Ticonderoga qui possèdent de fortes capacités anti-aériennes. Pour donner une utilité à l’USS Zumwalt, la marine a ajouté des systèmes d’armes, des radars et des antennes de communication traditionnels à la superstructure furtive, annulant sans aucun doute sa signature radar minimale. Il reste à savoir quelles munitions seront fournies pour les deux tourelles AGS, car il n’existe pas de munitions autres que le LRLAP, dont le coût est prohibitif.

 

Le CVN-78 de la classe Gerald R. Ford

Comme si l’US Navy n’en avait pas eu assez avec le gaspillage de $38 milliards sur les programmes défaillants du LCS et du DDG-1000, une entreprise encore plus grandiose a été envisagée pour le service. Elle révolutionnerait le bien trop important et largement obsolète « super porte-avion ». C’est un fait largement accepté que la marine américaine est obsédée par les porte-avions depuis la Seconde Guerre mondiale et par les batailles navales cruciales entre la marine américaine et la marine impériale japonaise. Cette obsession est bien vivante à ce jour et apparemment à l’abri des réalités de la technologie des missiles modernes, en particulier en ce qui concerne le guidage, la vitesse, la portée et l’avènement de véhicules aériens sans pilote (UAV) armés et semi-autonomes de plus en plus meurtriers.

 

La US Navy avait lancé en 2005, avec la construction avancée du CVN-78, un programme visant à remplacer les porte-avions à propulsion nucléaire de la classe Nimitz, qui constituent actuellement la composante centrale des groupes de frappe de porte-avions (ASG), au nombre de dix – avec le CVN-65 Enterprise supplémentaire en réserve. En 2008, la marine américaine a signé un contrat avec Northrop Grumman Shipbuilding d’une valeur d’environ $5,1 milliards pour la construction du premier d’une série de quatre porte-avions. L’objectif est de construire un navire par période de quatre ans dans le cadre du calendrier de financement actuel. La classe Gerald R. Ford était censée tirer parti d’un certain nombre de nouvelles technologies et améliorer considérablement l’efficacité de ses opérations par rapport à la classe précédente du Nimitz.

 

Le coût initial estimé du CVN-78 s’élevait à environ $10 milliards (le Congrès américain a plafonné le prix à $10,5 milliards en 2007), le coût total du navire a dépassé $13 milliards en mai de cette année lorsqu’il a été révélé que le système avancé d’ascenseur pour monter les avions et les munitions et un vérin principal de poussée avaient subi des dommages lors d’essais en mer et devaient être réparés. Le CVN-78 est de loin le navire de guerre le plus cher jamais construit. Dans un geste controversé, il a été décidé de tenter l’incorporation, dans la nouvelle conception, d’un certain nombre de nouveaux systèmes non éprouvés. Rétrospectivement, cette décision devait entraîner des dépassements de coûts et une période de rodage plus problématique. Les nouveaux systèmes intégrés dans le Gerald R. Ford comprennent le catapultage électromagnétique des aéronefs (EMALS), le freinage des aéronefs à l’appontage, l’élévation d’armes depuis les ponts inférieurs, un radar à double bande (DBR) et un réacteur nucléaire plus puissant.

 

Il y a eu beaucoup de discussions au sein de la Marine sur la pertinence d’introduire autant de nouvelles technologies sur une seule et même plateforme. De nombreux officiers supérieurs ont fait valoir que le règlement des problèmes, prévisibles et imprévisibles, liés à la mise en service de nombreuses technologies nouvelles entraînerait de graves retards. Cette opinion a été confirmée, car Gerald R. Ford a immédiatement rencontré des problèmes avec à peu près tous ses nouveaux systèmes. Le navire a connu deux dysfonctionnements de la propulsion principale au cours de l’année écoulée, le système avancé de frein d’appontage s’est avéré peu fiable et le système de catapultage EMALS – ainsi que d’autres «systèmes critiques» – a affiché une «fiabilité faible ou inconnue» selon l’évaluation opérationnelle de la Marine après des tests. Lors des premiers essais, le système EMALS n’avait pas été en mesure de catapulter un avion d’attaque F-18 en pleine charge de combat. Tous ces problèmes ou lacunes ont été mis en évidence lors d’essais en mer et le navire est retourné au chantier naval de Newport News, dans l’État de Virginie, le 15 juillet 2018, pour y subir d’importantes réparations et améliorations.

 

Cette situation n’aurait pas dû surprendre la plupart des architectes, ingénieurs navals et officiers de ligne qui ont commandé des navires, sachant que les problèmes susmentionnés étaient inévitables. La grande question est de savoir pourquoi les dirigeants de la marine ont choisi une telle plate-forme. Quel est l’intérêt d’investir autant d’argent et d’efforts dans un navire aussi grand et sophistiqué – sans parler du fait que l’efficacité de nombreux systèmes critiques n’est pas prouvée – lorsque, par ailleurs, les porte-avions sont devenus si vulnérables aux missiles modernes anti-navires ? Qui plus est, pourquoi investir autant dans un nouveau transporteur plutôt que dans l’augmentation de la portée et de la puissance de frappe des aéronefs embarqués ? Un porte-avions ne vaut rien sans une flotte aérienne puissante et flexible.

 

Vulnérabilités de la flotte aérienne du porte-avion

Tant le président Trump que divers responsables de l’administration et sénateurs se vantent de la puissance de l’armée américaine, citant souvent un budget de défense croissant comme indicateur de cette puissance, de son efficacité et de sa fiabilité, il ne fait aucun doute que l’aviation navale américaine s’est atrophiée au cours de décennies d’abus, de négligence et de mauvaises décisions aux plus hauts niveaux. L’aviation navale américaine est sans doute dans son pire état depuis les premiers jours du théâtre du Pacifique pendant la Seconde Guerre mondiale. Non seulement elle est en mauvais état, mais elle est mal équipée pour la lutte contre un adversaire à parité.

Parlons maintenant du premier problème : le nombre de plus en plus restreint d’appareils de portée de plus en plus réduite. Au cours de la dernière décennie de concurrence navale lors de la guerre froide entre les États-Unis et l’URSS, les porte-avions de la classe Nimitz se sont déployés avec neuf, voire dix escadrons d’avions. Aujourd’hui, ce nombre a été réduit à six. Plus important encore, le F/A-18 Hornet et le Super Hornet sont les seuls aéronefs utilisés pour les opérations de combat, avec toutes leurs lacunes inhérentes, notamment une portée opérationnelle limitée à 700 km en pleine charge d’armes et de carburant.

 

Les appareils qu’il a remplacés, le A-7 Corsair II et le A-4 Skyhawk de la Marine, ainsi que le F-4 Phantom du Marine Corps, avaient tous une portée opérationnelle beaucoup plus longue et tous sauf le A-4 avaient une plus grande capacité de charge utile en armements. Le F/A-18 est un homme à tout faire et un champion inégalable. Pour tenter de réduire les coûts – bien que peu d’avions de combat aient déjà opéré à un coût inférieur à celui du A-4 Skyhawk – en utilisant une seule structure pour tous les rôles, l’US Navy a mis tous ses œufs dans le même panier, et celui-ci n’est pas à la hauteur de la tâche. Cela ne veut pas dire que le F/A-18 Hornet et le F-/A-18E/F Super Hornet sont de mauvais avions. L’avion ne peut simplement pas faire tout ce qui lui est demandé, comme beaucoup d’autres avions. Il en résulte une flotte aérienne moins capable à tous égards, qui ne peut pas concurrencer et exceller dans un conflit futur face à un adversaire à parité.

 

Bien que le Super Hornet amélioré F/A-18E/F soit nettement plus grand que son prédécesseur, il gagne environ 185 km de portée en raison de sa plus grande capacité d’emport de carburant, il lui manque encore la portée requise pour protéger son porte-avion. Sans surprise, même s’il y avait une meilleure option, la Marine a décidé d’utiliser des F/A-18 pour les tâches de ravitaillement en vol. Le S-3 Viking avait été maintenu en service en tant que ravitailleur aérien, après avoir abandonné son rôle d’origine d’aéronef anti sous-marins, et il était supérieur au F/A-18 à cet égard. Bien que la plupart des S-3 en service aient encore environ 12 000 heures de service disponibles, la Marine a poursuivi leur retrait en 2009. Avec une portée beaucoup plus grande que celle du F/A-18 et une capacité de carburant de 7 300 kg , le S-3 était une solution meilleure et beaucoup moins chère. Le fait que ce soit une option beaucoup moins chère a probablement causé sa perte. Le profit est le moteur du complexe industriel militaire américain, et non l’efficacité ou la performance.

 

Le deuxième problème, qui est peut-être plus accablant, est le fait que les escadrons F/A-18 sur lesquels la Marine s’appuie pour effectuer presque toutes les tâches aériennes, à savoir :  les missions d’attaque ; de supériorité aérienne ; de défense de la flotte ; de ravitaillement en vol ; de guerre anti-sous-marine et de surveillance sont dans un état de délabrement alarmant. En février 2017, la Marine a annoncé que les deux tiers, soit 62% de tous les F/A-18 Hornets et Super Hornets, étaient hors d’usage en raison de problèmes de maintenance. 27% de ces aéronefs subissaient d’importants travaux de maintenance lourde, et non pas de maintenance mineure ou préventive. Sur les 542 Hornets F/A-18 et E/F-18, 170 seulement étaient capables de mission. Un an plus tard, avec un nouveau budget accru pour la défense et la marine, il reste encore beaucoup à faire pour remédier à la pénurie de pièces de rechange disponibles, rien que pour faire face aux besoins normaux en matière de maintenance. La décision a également été prise de cannibaliser 140 des plus anciens Hornets (variantes A/C) de la Marine au bénéfice des escadrons du Marine Corps qui rencontrent des problèmes de maintenance similaires. Dans ce dernier cas, le Marine Corps attend depuis si longtemps les nouveaux F-35B que leurs anciens F-18 tombent en ruine.

 

Est-ce que quelqu’un a posé la question suivante : « À quoi sert un porte-avions dernier cri et gigantesque si sa flotte aérienne a une portée et des capacités  limitées ? ». Si l’US Navy parvient à mettre en service les trois premiers porte-avions de la classe Gerald R. Ford, combien de F/A-18E Super Hornets seront en mesure de voler ? Les avions de combat  F-35C et F35B sont-ils appelés à compléter l’ensemble des avions de combat enfin disponibles pour un déploiement ? Voyant que le F-35 ne comble pas le « retard dans le domaine des missiles » qui menace les porte-avions américains en général, la marine demande-t-elle à l’industrie de la défense de produire un avion embarqué, qu’il soit habité ou non, afin de remédier à cette faiblesse évidente ? Les missiles balistiques anti -navires russes et chinois et les missiles de croisière hypersoniques peuvent frapper les groupes de combat aéronaval américains bien avant que leurs appareils ne parviennent à frapper le territoire de l’un de ces adversaires à parité. Ce « retard de missiles » ne sera pas comblé de si tôt.

 

 Source : http://lesakerfrancophone.fr/armee-us-etat-des-lieux-23contre-insurrection-et-deboires-de-lus-navy

 



Catastrophe du JSF et Corruption institutionnelle

L’avion de chasse monoplace – « couteau suisse »

 

Après un bref examen de la décision de l’US Navy de tabler sur une seule structure d’avion pour remplir tous les rôles de la flotte aéronavale, il ne devrait guère surprendre que le Pentagone ait pris une décision similaire à une échelle beaucoup plus large.

 

Une étude sommaire de l’histoire de l’aviation de combat a montré qu’il n’existait pas de solution unique aux nombreuses fonctions assumées par l’aviation militaire. Il semble que la décision d’introduire un chasseur polyvalent utilisant de nombreuses nouvelles technologies – et fortement tributaire de la furtivité, pour être efficace dans la guerre aérienne moderne – pour équiper l’US Air Force, la Marine et le Corps des Marines était davantage une affaire de profits mirifiques pour l’industrie de la défense, et de création d’emplois pour les travailleurs américains, que la volonté de doter l’armée américaine d’un outil supérieur.

 

L’histoire du développement du Joint Strike Fighter (JSF) est le récit édifiant d’un programme de développement d’armes mal conçu et devenu rapidement incontrôlable. En plus d’être probablement le plus controversé et le plus scandaleux de ce type de programme, le JSF est aussi le plus coûteux dans l’histoire universelle. Les estimations récemment révisées du Pentagone évaluent à $406,1 milliards le coût de développement et d’achat des 2 056 chasseurs demandés par le Pentagone. Le coût total de l’achat et de l’entretien de ces appareils sur une durée de vie de vingt ans dépasse $1 500 milliards.

 

Alors que le F-35A a volé pour la première fois en 2006, la seule branche militaire américaine à avoir déclaré le F-35 opérationnel et à l’avoir [soi-disant, NdT] utilisé au combat est le Marine Corps. Le F-35 a été développé dès le départ pour être exporté vers les pays alliés, et Israël aurait utilisé le F-35 pour des frappes contre des cibles en Syrie. Il est important de noter qu’Israël s’est fortement appuyé, depuis plusieurs décennies, sur ses escadrons de F-15 et F-16, pour supporter le plus lourd tribut dans les missions de combat. Environ 300 unités de toutes les versions du F35 ont été produites jusqu’à présent pour l’armée américaine et les armées étrangères, mais seuls Israël et le Marine Corps ont déclaré que l’avion était prêt au combat. Le problème majeur du programme est le fait que la fabrication des aéronefs a commencé des années avant que l’appareil ne soit jugé apte à un déploiement opérationnel, en grande partie parce que de nombreuses défaillances ont été identifiées et doivent être corrigées. Cela résultait de la concurrence [entre services internes, pour non respect des processus de validation industriels normaux, NdT], un processus d’approvisionnement qui permettait la production de l’aéronef avant l’approbation finale de sa conception. Il a été convenu que toutes les anomalies identifiées seraient finalement corrigées et feraient l’objet, ultérieurement, d’une mise à niveau sur les avions déjà construits afin de les rendre conformes.

 

Non seulement le F-35 n’a pas obtenu le statut opérationnel définitif dix-sept ans après son premier vol, mais il a absorbé un financement exorbitant au détriment d’aéronefs existants et éprouvés au combat. Qu’est-ce qui aurait pu être fait pour maintenir et améliorer les escadrons existants des F-15 Eagles, des F-16 Fighting Falcons, des A-10 Thunderbolt II et des F/A-18 Hornets, actuellement dans des états divers de délabrement et d’utilisabilité ? L’idée de remplacer tous ces avions de première ligne par le F-35 est risible. Quel genre d’hubris impérial et de vision institutionnelle étroite aurait pu conduire à une décision aussi peu judicieuse ? La réponse est la corruption institutionnalisée et le gaspillage du complexe industriel militaire américain. Celui-ci continue à affaiblir les défenses des États-Unis et à envoyer des soldats, des marins et des aviateurs américains au combat avec des armes de moins en moins performantes.

 

Atrophie et épuisement

L’armée américaine est engagée dans une guerre de contre-insurrection en Afghanistan depuis plus de dix-sept ans. L’invasion désastreuse de l’Irak, la destruction de la Libye et les opérations de contre-insurrection dans de nombreux pays, notamment le Yémen, la Somalie, le Niger et le Nigeria, ont toutes pesé sur l’armée américaine. Non seulement une grande partie du matériel militaire a été détruit, mais ce qui reste est usé et doit pour l’essentiel être retiré du service. Plus important encore, les déploiements constants ont usé les effectifs de tous les services, des milliers d’hommes ayant été tués ou mutilés physiquement et psychologiquement à vie. Des dizaines de milliers d’officiers et sous-officiers, parmi les plus qualifiés, ont quitté le service, dont beaucoup ont servi de multiples missions au combat.

 

Le fait que 62% des F-18 de l’US Navy ne peuvent pas aller en mission n’est pas une anomalie. En 2017, environ 72% de tous les avions de l’US Air Force n’étaient pas aptes au vol. Beaucoup de structures d’aéronef sont assez vieilles, bien qu’encore en deçà de leur durée totale prévue en service, elles ont pour la plupart besoin de maintenance. La Marine et l’Armée de l’air affirment que leurs budgets respectifs ne sont pas suffisants pour se procurer les pièces de rechange nécessaires à la poursuite de l’utilisation de ces avions. On pourrait se demander pourquoi, si c’est le cas, des dizaines de milliards de dollars sont investis dans de nouveaux aéronefs alors que les flottes existantes sont délabrées. Les décisions qui sont prises aux échelons supérieurs du Secrétariat à la Défense sont assez déconcertantes pour les milliers de soldats, marins et aviateurs qui luttent pour que leurs armes et leurs véhicules restent prêts à l’action.

 

L’armée recherche des acheteurs pour les véhicules blindés MRAP excédentaires, véhicules de peu d’utilité dans une guerre conventionnelle majeure avec un adversaire à parité, tout en manquant de pièces de rechange et de munitions pour les véhicules blindés et les systèmes d’artillerie. L’armée a certes progressé dans l’acquisition des premiers 49 099 JLTV qu’elle souhaite, mais elle est très en retard dans tous les autres programmes d’achat et de développement de véhicules blindés. BAE a livré le premier lot de 29 AMPV à l’armée américaine pour des tests approfondis avant que la décision ne soit prise de démarrer la production initiale à faible cadence. Une fois que la décision sera prise, on estime que BAE sera en mesure de produire environ 262 unités par an, à moins d’agrandir l’usine principale de fabrication de la société en Pennsylvanie. Le contrat initial représente $1,6 milliard. L’armée de terre veut au moins 3 000 AMPV de six variantes principales différentes pour remplacer les milliers de véhicules blindés M113 encore en service. Le M113 a été mis en service pour la première fois en 1962 et il fallait remplacer le vénérable véhicule depuis des décennies.

 

Dans sa stratégie de défense nationale, le secrétaire américain à la Défense, James Mattis, a clairement indiqué que les États-Unis devaient reconstruire leurs capacités de guerre conventionnelle. Le budget 2019 proposé par l’armée américaine expose les nouvelles priorités d’un service confronté à une transition majeure. L’achat de véhicules de combat à chenilles, ainsi que de munitions d’artillerie, de roquettes et de missiles représente une grande partie de cette dernière demande de budget. Les achats sont en hausse de 18,4% par rapport à l’année précédente, les achats d’armes et de véhicules à chenilles ont augmenté de 84% en un an. Bien que la mise à niveau de l’obusier automoteur Paladin M109 au niveau M109A7 soit en baisse de 56% par rapport à 2018, les achats de munitions pour l’artillerie de 155 mm ont augmenté de 800%.

 

Au moment où l’armée américaine tente de reconstruire ses moyens en brigades blindées et en artillerie conventionnelle, la marine américaine et l’armée de l’air font face à leurs propres défis. La marine se trouve dans une position loin d’être enviable, mais très facile à prévoir. Après avoir versé $38 milliards dans deux nouvelles catégories de navires de guerre abandonnés, et $13 milliards supplémentaires dans un nouveau porte-avions qui ne sera probablement pas opérationnel avant 2022, la Marine est en train de réaligner ses priorités. Elle peine à se procurer les nouveaux sous-marins nucléaires d’attaque SSN de classe Virginia et SSBN de classe Columbia, nécessaires pour assurer la viabilité de la triade de dissuasion nucléaire du pays dans un avenir proche. Ces programmes d’armement défensifs, qui font partie intégrante de la sécurité nationale des États-Unis, auraient pu grandement profiter des $50 milliards gaspillés pour les programmes LCS, DDG-1000 et Gerald R. Ford. La Russie et la Chine ont passé le temps perdu par la marine américaine à mettre à jour et à moderniser leurs propres forces sous-marines, principalement leurs sous-marins antimissiles balistiques.

 

Corruption institutionnelle

Si il fallait identifier la raison principale derrière l’échec total de l’establishment politique et du leadership militaire américains, civils et en uniforme, pour identifier et hiérarchiser les programmes d’armes et les achats qui correspondaient vraiment aux besoins de défense nationale du pays, ce serait  la corruption institutionnelle du complexe industriel militaire américain. Ce n’est pas la faute de l’un des partis, mais le résultat inévitable d’un système complètement corrompu qui génère et gaspille une grande richesse au détriment de la majorité pour le profit de quelques-uns.

 

Des budgets de défense massifs ne conduisent pas à de puissantes forces militaires, ni à une bonne stratégie de défense nationale. Les États-Unis sont l’exemple le plus frappant de la façon dont la richesse d’une nation peut être gaspillée, ses citoyens spoliés pour des générations, et ses processus politiques minés par une industrie qui veut maximiser sa rentabilité en encourageant et en exacerbant les conflits. À ce stade, il est douteux que les États-Unis puissent rester économiquement viables sans guerre. Une part importante de leur PIB est donc lié à la poursuite des conflits.

 

Il ne fait aucun doute que le département de la guerre a été renommé département de la défense dans un tour de passe-passe orwellien en 1947, quelques années seulement après la fin de la Seconde Guerre mondiale. Le complexe militaro-industriel est devenu un monolithe pendant la guerre, et le seul moyen de justifier l’expansion du complexe consistait à trouver un ennemi qui justifierait à nouveau le besoin d’une énorme armée permanente, ce que la Constitution américaine interdit expressément. Cet état de fait illégal a persisté et s’est enflé en un immense édifice pourri de gaspillage. Effort gaspillé, richesse gaspillée et vie gâchée de millions de personnes dans tous les coins de la planète. Des dizaines de milliers d’hommes et de femmes courageux, en uniforme, et des millions de civils de tant de nations ont été écrasés par les rouages de ce hachoir à viande immoral pendant des générations.

 

Le président Donald Trump était très fier d’annoncer, l’année dernière, le budget militaire américain le plus important dans l’histoire du pays. Les États-Unis ont dépensé – ou plus exactement emprunté auprès de générations à venir – pas moins de $874,4 milliards. Le budget de base déclaré pour 2017 s’élevait à $523,2 milliards. Cependant, il faut également tenir compte du budget des opérations contingentes à l’étranger, et de leur soutien, pour déterminer le coût total. Les coûts annuels totaux du Pentagone ont doublé de 2003 à ce jour. Pourtant, qu’est-ce que celui-ci a vraiment accompli avec autant d’argent et d’efforts ? Pour sûr, très peu d’avantages pour le contribuable américain, et paradoxalement, le gaspillage exorbitant de ces quinze dernières années a affaibli toutes les branches de l’armée américaine.

 

Le Congrès américain a le devoir et la responsabilité de régenter l’aventurisme militaire du pouvoir exécutif. Il a l’unique autorité pour déclarer la guerre, mais plus important encore, l’unique autorité pour approuver les demandes budgétaires de l’armée. Il est risible d’imaginer que le Congrès américain fera tout pour contrôler les dépenses militaires. Le Congrès et le Sénat sont tout aussi coupables que l’exécutif de promouvoir et de tirer profit du complexe militaro-industriel. Considéré comme un rempart contre le pouvoir exécutif, le Congrès américain fait désormais partie intégrante de ce complexe. Aucun sénateur ou représentant n’oserait s’opposer à l’industrie qui emploie tant d’électeurs dans son pays, ni laisser passer les avantages qui lui sont offerts par le biais du délit d’initié légalisé – qui lui est exclusif – ou les emplois lucratifs qui les attendent dans l’industrie de la défense et les nombreux groupes de réflexion qui encouragent la poursuite des guerres.

 

Réformes possibles

Il serait très simple pour le département de la défense des États-Unis de remédier aux problèmes endémiques actuels qui l’ont affaibli et moins préparé à un conflit conventionnel majeur avec un adversaire à parité. Le plus grand défi consiste à transformer les relations entre le gouvernement fédéral et les gouvernements des États pour qu’elles redeviennent celles prévues par la Constitution, et à dissoudre les pouvoirs de l’alliance actuelle, au sein du gouvernement fédéral, de l’exécutif, du législatif et du judiciaire. Cela compromettrait la capacité du complexe militaro-industriel de contraindre la nation à œuvrer contre les intérêts des États et des citoyens. Le complexe militaro-industriel et l’État profond qui le sert ne peuvent exister que lorsque le pouvoir est fortement concentré dans un système fédéral.

 

Pour asseoir encore l’argument, si l’on pouvait trouver la volonté politique de lutter contre le complexe militaro-industriel dans l’intérêt de la vraie défense nationale et de la responsabilité fiscale, les mesures suivantes pourraient être prises immédiatement pour remédier aux nombreux problèmes auxquels sont confrontés les services armés des États-Unis.

 

L’US Army

Abandonner l’obsession de l’armée américaine avec la contre-insurrection et l’occupation et focaliser l’effort de l’armée sur la défense de la patrie et d’une poignée d’alliés historiques. Reconstruire l’armée comme une force de combat conventionnelle légère mais bien équipée. Les cadres les plus formés et les plus expérimentés des forces d’opérations spéciales devraient être conservés, les autres membres étant répartis dans des unités d’infanterie, aéroportées et de reconnaissance plus conventionnelles. La plupart de ces hommes seraient transférés dans la réserve. Le personnel devrait être réduit d’au moins 25%, la majorité des personnes conservées passant au statut de réserviste et beaucoup des nombreuses bases et opérations à l’étranger devraient être supprimées. L’accent devrait être mis sur la défense des territoires nationaux, tout en préservant les intérêts économiques et les voies du commerce maritimes qui sont vitales pour toute nation.

 

Tous les systèmes hérités qui se sont révélés capables et efficaces sur le champ de bataille moderne devraient être rénovés et mis à niveau aux normes les plus modernes. Le programme de modernisation du char M2 Bradley doit être poursuivi et le programme AMPV doit bénéficier d’une priorité accrue afin que les milliers de véhicules M113 puissent enfin prendre leur retraite à 56 ans. Les inventaires MRAP doivent être réduits au minimum et tous les excédents vendus pour récupérer une partie de leur coût, et utiliser le reste pour compenser les coûts d’achat des nouveaux AMPV et JLTV.

 

La plate-forme JLTV est un système tactique léger modulaire et facilement évolutif pour être adapté à la mission. Bien que la plupart des véhicules devrait être constituée par la version de base, il faudra en acquérir beaucoup d’autres pour remplir les rôles de reconnaissance blindée légère, de sécurité des convois et de véhicules légers d’opérations spéciales. Un véhicule de combat blindé aéroporté largable devrait être mis au point sur la base du JLTV. Les forces aéroportées américaines ont manqué d’un vrai véhicule de combat blindé qui puisse les accompagner dans les opérations de parachutage depuis la mise hors service du M551 en 1996. Un JLTV blindé équipé d’un canon automatique de 30 mm servirait de bon palliatif en attendant la réalisation d’un véhicule à chenilles spécialement conçu à cet effet. Le vénérable et omniprésent HMMWV devrait conserver son rôle utilitaire dans toutes les formations hors combat, ainsi que pouvoir porter le système de missiles antiaériens légers Avenger dans les années à venir.

 

Le plus important est le rajeunissement des unités blindées et mécanisées de l’armée américaine. La famille de véhicules blindés à roues Stryker M1126 ne peut supporter le poids d’un conflit classique avec la Russie ou la Chine. La mise à niveau du char M1A2SepV3, y compris l’ajout du Trophy APS, devrait bénéficier d’un financement adéquat, mais le plus grand besoin de l’armée de terre est le remplacement du M113 dans les unités de combat. L’achat de 3 000 unités d’AMPV proposé par l’armée américaine est un bon début.

 

La composante d’artillerie de l’armée américaine doit attirer l’attention qui lui manquait depuis la dissolution de l’Union soviétique et le succès de l’opération Desert Storm. Les planificateurs militaires américains et les dirigeants du Pentagone doivent prendre conscience de l’importance permanente de l’artillerie conventionnelle et des roquettes sur le champ de bataille moderne. L’armée américaine n’opère que deux systèmes d’artillerie automoteurs, le Paladin M109 et le M270 MLRS. Ce n’est pas nécessairement une mauvaise chose tant que les deux systèmes sont maintenus, mis à niveau, et délivrés en nombre suffisant. Le programme de mise à niveau M109A7 doit bénéficier d’un financement plus important dans l’avenir immédiat.

 

L’US Navy

Les programmes LCS et DDG-1000 sont une honte nationale et doivent être déclarés comme tels. Les deux DDG-1000 existants devraient servir de bancs d’essai pour les futurs systèmes d’ingénierie et d’armement. Le troisième navire devrait être annulé immédiatement. En ce qui concerne le LCS, la flotte existante devrait être utilisée pour des tâches de patrouille littorale et toutes les unités en construction ou prévues devraient être annulées. On a gaspillé assez d’argent pour ces exemplaires horriblement conçus, et encore plus horriblement manifestes de la corruption monumentale et du gaspillage qui font partie intégrante de l’industrie de la défense américaine.

 

Le programme FFG (X) visant à concevoir une frégate polyvalente à la fois moderne et conventionnelle pour la marine américaine devrait être pleinement adopté. La nouvelle frégate devrait adhérer aux fonctions de guerre navale traditionnelles d’une frégate et devrait être conçue pour remplir suffisamment bien les missions de guerre au sol, de guerre antiaérienne et de surface. Parallèlement, la priorité devrait être accordée à l’achat du nouveau DDG-51 Arleigh Burke Flight III. L’Arleigh Burke est la colonne vertébrale de la marine américaine depuis son entrée en service. Il s’agit d’un combattant naval bien conçu, équilibré, flexible et puissant, d’un tonnage important. Il fait honte à tous égards au LCS et au Zumwalt et constitue depuis 1991 un symbole du pouvoir et de la présence de la marine américaine sur toute la planète.

 

Il est presque inconcevable qu’avec, à son actif, le passé le plus riche et le plus accompli dans la production de porte-avions, la marine américaine ne puisse pas proposer une meilleure conception pour la prochaine génération de porte-avions que la classe Gerald R. Ford. Peut-être le nom du vaisseau principal de la classe a-t-il été bien choisi, car le président Ford éponyme est loin d’être une figure mémorable. Cependant, la pertinence de l’ensemble du programme depuis sa création doit être remise en question. La marine américaine doit dépasser son obsession du « super porte-avion ». Les porte-avions ont un avenir, mais sur un modèle bien différent de celui utilisé par la marine américaine au cours des 50 dernières années.

 

Le principal sujet de préoccupation de la marine américaine est la faiblesse de la flotte aérienne embarquée, une faiblesse qui ne sera pas fondamentalement corrigée par l’introduction du F-35 dans la marine américaine et le corps des marines. Un nouvel avion de défense de flotte à longue portée, semblable à un Tomcat F-14 moderne, doit être mis au point. De plus, un nouvel avion d’attaque doit être développé avec une portée qui double celle du F-18 Super Hornet. Il est difficile de croire que le F-4 Skyhawk avait un rayon de combat opérationnel supérieur à 1 300 km (3 700 km au maximum), soit le double du Super Hornet. En outre, le S-3 Viking doit être réaffecté en tant que ravitailleur, et les nombreux avions à présent dans la naphtaline, mais avec des milliers d’heures d’utilisation restantes, doivent être réaffectés à cette tâche. La flotte aérienne actuelle du porte-avion, même avec l’introduction du F-35, est peu utile contre des adversaires tels que la Russie ou la Chine.

 

Les États-Unis doivent acquérir un SSN et un SSBN pour remplacer les navires de la classe Los Angeles et de la classe Ohio qui approchent de la fin de leur vie utile. Il n’y a pas de rôle défensif plus important pour la marine américaine que garantir la sécurité de la nation en maintenant ses forces sous-marines de défense antimissile balistique. La Russie et la Chine le comprennent bien et ont considérablement modernisé leurs propres forces sous-marines. Une grande partie de leur succès, en repoussant les limites de la conception des sous-marins, est due à la concurrence féroce avec une force américaine toujours à la pointe de la guerre sous-marine.

 

Conclusion

 

Les États-Unis sont à la croisée des chemins, et l’armée de la nation également. Tous les empires connaissent une période de sur-expansion militaire, économique et politique provoquant un déséquilibre. Les États-Unis ont suivi les traces de nombreuses tentatives impérialistes avant eux, avec apparemment peu de leçons retenues. L’impérialisme est le résultat inévitable d’un pouvoir dépourvu de sagesse et d’humilité. Une nation issue d’une révolution contre l’empire et l’absolutisme est devenue elle-même un avatar beaucoup plus dangereux et immoral que son ancien oppresseur. Cela doit changer.

 

Même si le secrétaire à la Défense, Mattis, a clairement reconnu la nécessité de transformer l’armée américaine et de la réorienter dans une direction plus axée sur la lutte et la victoire dans un conflit conventionnel avec des adversaires à parité qu’il a identifiés, la Russie et la Chine. On ne peut qu’espérer qu’il se rende compte de l’état déplorable dans lequel se trouve maintenant l’armée américaine dans laquelle il a servi pendant des décennies. Le plus grand ennemi contre lequel l’armée américaine se soit battu au cours des soixante-dix dernières années est sans aucun doute le complexe militaro-industriel dont il est partie intégrante. L’Union soviétique, la Corée du Nord, le Vietnam, la Yougoslavie, l’Irak, la Somalie, l’Afghanistan, le Yémen, la Libye et la Syrie n’ont jamais autant menacé les forces armées américaines que le complexe industriel militaire corrompu et l‘État profond qui en est le gardien.

 

L’armée américaine est dans l’état le plus faible, en matière de force matérielle et de disponibilité opérationnelle, qu’elle ait connu depuis la fin de la guerre froide. Les forces terrestres conventionnelles de l’armée ont été transformées en une force axée sur l’occupation et la contre-insurrection. Ses formations blindées lourdes sont dans un état de délabrement et d’infériorité matérielle vis-à-vis de ses adversaires théoriques les plus compétents. La pierre angulaire de la projection du pouvoir américain et de l’intimidation, les groupes de frappe de porte-avions, ne sont que l’ombre triste de ce qu’ils furent. La flotte aéroportée, la raison principale pour laquelle un porte-avions existe, a été transformée en un outil de moins en moins utile, avec une portée de plus en plus réduite.

 

Le système militaro-industriel corrompu qui imprègne tous les aspects de la vie  économique, politique et même culturelle du pays, a aspiré la force vitale de la nation, érodé sa moralité, mis en faillite son avenir économique et trompé une génération de ses fils et filles les plus patriotes et les plus désintéressés. Bien que James Mattis reconnaisse les défis auxquels est confrontée la sécurité nationale des États-Unis, il se trompe complètement dans son blâme et identifie de manière erronée le véritable adversaire. La Russie et la Chine ne constituent pas une menace existentielle pour le bien-être de l’État américain. James Mattis n’a qu’à se regarder dans le miroir pour voir la véritable menace, car il en est venu à représenter la cabale des intérêts particuliers qui asservissent la nation et la constitution qu’il s’est engagé à servir, et qui tient aussi le reste du monde en otage.

 

Il y a peu de chance que les réformes mentionnées dans cette analyse soient adoptées ou que les États-Unis se dirigent dans une direction qui les ramène aux origines de la république constitutionnelle. Les intérêts du complexe militaro-industriel dans la promotion des conflits et la maximisation du profit financier continueront de guider les forces armées des États-Unis et le pays dans son ensemble dans une impasse autodestructrice. Il ne fait guère de doute que si l’État profond pousse la nation à faire la guerre à la Russie ou à la Chine, et probablement à une alliance des deux, l’armée américaine sera toujours dans une position plus faible. Un tel conflit ne profiterait à aucun des pays concernés. Il existe pourtant de nombreuses sources potentielles de conflit pouvant mener à une déflagration, notamment en mer de Chine méridionale, en Syrie ou en Ukraine. Alors que les États-Unis jouent à essayer de rattraper leur retard après des décennies d’aventurisme militaire, la Chine et la Russie ont passé le même temps à rassembler patiemment et judicieusement leurs forces. Le scénario d’une victoire unilatérale des États-Unis est une pure fantaisie, n’existant que dans les rêveries de l’empereur nu.

 

Source : http://lesakerfrancophone.fr/armee-us-etat-des-lieux-33catastrophe-du-jsf-et-corruption-institutionnelle

 

 

Comment les États-Unis gagnent de l’argent sur les exportations qui n’existent pas

par Alexandre Lemoine - Le 24/08/2023.

Malgré les défauts de leurs nouveaux avions, les États-Unis font signer des contrats militaires fournissant à l’Europe du matériel défectueux. 

Les États-Unis ont donné l’autorisation au Danemark et aux Pays-Bas de fournir des chasseurs F-16 à l’Ukraine depuis leurs réserves après que les pilotes ukrainiens auront suivi la formation appropriée. «Nous saluons la décision de Washington de préparer la voie pour l’envoi de chasseurs F-16 en Ukraine», a déclaré le ministre néerlandais des Affaires étrangères Wopke Hoekstra. 

Le ministre danois de la Défense Jakob Ellemann-Jensen n’a pas exprimé d’enthousiasme particulier à propos de la décision de Washington, déclarant que la possibilité de fournir des chasseurs F-16 danois à l’Ukraine sera évoquée avec des alliés proches. 

Et on peut comprendre les Danois. Il y a exactement un an, lorsque les premiers chasseurs F-35 sont arrivés dans le pays, il s’est avéré qu’ils étaient défectueux. «Au moins deux des six avions F-35 avaient des défauts de fabrication dans les sièges éjectables… L’erreur était due à un défaut de fabrication du fournisseur Lockheed Martin», a annoncé la radio danoise. 

Le ministre de la Défense du royaume Morten Bodskov a déclaré que le Danemark garderait ses chasseurs F-16 en service trois ans de plus que prévu, alors qu’ils devaient initialement être retirés de l’exploitation en 2024, tandis que les nouveaux avions F-35 seront progressivement mis en service. Selon le ministre, la raison d’une telle décision est que «la situation en matière de politique de sécurité en Europe a radicalement changé». 

Cependant, la volonté des militaires danois d’avoir dans leur arsenal des chasseurs quelque peu obsolètes, mais néanmoins pas aussi problématiques que les F-35 tant vantés, ne s’est pas réalisée. Les États-Unis ont forcé le Danemark à donner ses chasseurs F-16 à l’Ukraine, et pour avoir quelque chose à voler, ils ont proposé de relancer l’achat de F-35 techniquement défectueux. 

En revanche, les États-Unis n’ont pas réussi à forcer la main des Belges. Le 1er août 2023, le ministère belge de la Défense a officiellement refusé de recevoir les premiers chasseurs furtifs F-35A, commandés en 2018 pour remplacer progressivement les F-16, car cet avion continue d’être produit dans une version techniquement défectueuse et nécessite de nombreuses améliorations pour ses composants clés et son logiciel. 

Depuis le début de la production du F-35, ces machines ont souffert d’un nombre apparemment infini d’erreurs, écrit Business Insider. En 2021, on a compté 857 défauts techniques dans la conception du F-35, dont certains avaient un «impact critique sur l’opérationnalité» et mettaient en danger la vie du pilote. Lockheed Martin n’a pas corrigé ces défauts et continuait à fabriquer des chasseurs défectueux. 

Les F-35 n’ont pas seulement des problèmes avec le logiciel. À la mi-décembre 2022, un chasseur F-35B à décollage court et atterrissage vertical destiné au corps des Marines des États-Unis s’est écrasé au Texas. Le pilote a à peine eu le temps de s’éjecter. Selon les militaires, la cause de l’accident était un «phénomène systémique rare» lié aux vibrations du moteur. 

Les principaux concepteurs aéronautiques américains soulignent le vice de l’idée même de faire un avion universel pour toutes les occasions – pour l’aviation, les Marines et les porte-avions. L’un des principaux concepteurs du chasseur F-16, Pierre Sprey, a qualifié le F-35 de «dinde», ce qui en Amérique symbolise un mélange de stupidité et de satiété. 

En ce qui concerne la «furtivité» du F-35, elle ne peut être assurée que si l’avion porte toutes ses bombes et missiles à l’intérieur du fuselage. Si les missiles sont sur des supports externes, le chasseur devient visible même pour les radars les plus anciens. Même avec une charge de combat minimale, le F-35 n’est en réalité pas furtif pour les radars russes et chinois, écrit The Daily Beast

De plus, le F-35 ne peut pas être utilisé dans des conditions d’une puissante défense aérienne ennemie. La seule fois où cela s’est produit, un F-35 israélien a été abattu par un système de défense aérienne soviétique S-200 en service dans la défense aérienne syrienne, a rapporté The Drive, ajoutant qu’Israël n’utilisera plus le F-35 dans les missions en Syrie. 

La volonté du Pentagone d’exporter autant que possible de F-35 techniquement défectueux s’explique en partie par les problèmes financiers de Lockheed Martin, car plusieurs milliards de dollars manquent pour produire 2700 chasseurs. Le Pentagone a résolu ce problème en offrant à ce monstre de l’industrie de défense américaine un certain nombre de contrats lucratifs. 

Il a été décidé de faire des alliés des États-Unis de l’OTAN les principaux sponsors de Lockheed Martin. Ainsi, l’Allemagne a dû acheter 35 F-35 pour 10,5 milliards de dollars au détriment de son propre secteur de la défense, malgré 875 défauts non corrigés sur le F-35. 

La principale erreur des concepteurs américains dans le projet F-35 est le fuselage trop faible, qui ne peut pas voler longtemps à la vitesse supersonique en raison du risque de désintégration. Lockheed Martin n’a pas réussi à corriger ce défaut et a simplement recommandé de réduire au minimum la durée du vol supersonique, c’est-à-dire de changer radicalement la tactique d’utilisation du F-35 et de renoncer à leur principal avantage : l’interception d’objectifs aériens à la vitesse supersonique. 

Finalement, une solution a été trouvée en transférant la production de plus de 400 composants du fuselage du F-35 au groupe allemand Rheinmetall, qui a déjà commencé la construction d’une usine à cet effet. 

À ce jour, les États-Unis n’ont pas de chasseurs de cinquième génération adaptés à des actions de combat à haute intensité. Le chasseur américain de cinquième génération le plus cher, le F-22 Raptor, commencera à être progressivement retiré du service à partir de 2023 en raison de problèmes avec les caractéristiques opérationnelles.

source : Observateur Continental

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