Carton plein pour Vladimir POUTINE :

...par Hélène Nouaille - le 18/07/2018.

La réussite de la Coupe du Monde 2018 sera déterminante pour le quatrième mandat de Vladimir Poutine, écrivait Cyrille Bret, maître de conférence à Sciences Po, le 4 juin, avant l’ouverture des jeux, le 14 juin suivant. « Des attentats de l’EI, un boycott diplomatique occidental, des scandales financiers, des stades vides ou des manifestations de l’opposition entraveraient le nouvel élan cherché par le président Poutine après deux décennies au pouvoir » (1).

 Il faut se souvenir des titres de la presse internationale un an auparavant pour juger du pessimisme général: « Mondial 2018 », titrait par exemple Ouest France en novembre 2017: « Attentats, racisme, ‘fights’, fiasco sportif, la Russie se prépare » (2) – certains, notamment au Royaume-Uni, voyaient encore en avril 2018 un danger imminent pour leur équipe nationale : « World Cup 2018 terror warning : ISIS plotting attacks on England’s opener stadium » prévenait pour sa part l’Expressbritannique (3). Une inquiétude appuyée par l’alerte américaine, lancée juste avant l’ouverture du Mondial : « Ce vendredi (15 juin), le gouvernement des Etats-Unis a averti ses citoyens de possibles attaques terroristes pendant le Mondial en Russie » - un risque de niveau 3. « Les terroristes peuvent attaquer sans prévenir ou alors à peine, et visent des lieux touristiques, les centres de transport, les marchés et les centres commerciaux, ainsi que les infrastructures du gouvernement ». En outre, en Russie, « les ressortissants états-uniens sont fréquemment victimes d'agressions, de violences et d'extorsion de la part des forces de l'ordre et autres fonctionnaires » (4).

 Au lendemain de la clôture des jeux sur la victoire de la France sur la Croatie (4-2), le Monde lui-même l’admet : « Les craintes formulées dans les médias étrangers avant le tournoi se sont dissipées » (5). Dans tous les domaines. Stades pleins, sécurité optimale, opposition inexistante, près d’un million de visiteurs, 17 000 volontaires pour les recevoir, l’événement planétaire (3 milliards de téléspectateurs) est une réussite. Alexeï Sorokin, le patron du comité d’organisation du Mondial peut être fier de son travail. Le président de la FIFA (Fédération internationale de Football Association) ne le cache pas : « Gianni Infantino n’avait pas attendu la finale pour décerner au tournoi le titre de « meilleure Coupe du monde de tous les temps ». « La Russie a changé, a-t-il insisté dès vendredi depuis le stade Loujniki. Tout a été magnifique ».

 Et efficace, confirme le directeur de recherche à l’IRIS Jean de Gliniasty, qui résume : « Tout d’abord l’organisation matérielle de l’événement a été efficace et astucieuse : des infrastructures sportives ont été créées dans onze villes hôtes qui en avaient besoin et qui en tireront avantage après le Mondial. Idem pour les investissements qui ont été faits dans les transports, qui profiteront à la population ensuite. Des trains gratuits pour relier tous les stades étaient proposés aux supporters. Le succès a aussi été sécuritaire, car il n’y a pas eu d’attentat ni de trouble majeur. La Russie a également annoncé qu’elle avait neutralisé 25 millions de cyber attaques sur les structures de l’information. Des faits difficiles à vérifier, mais qui sont probables et montrent que les autorités avaient su anticiper ces risques » (6). Bien sûr, Jean de Gliniasty ajoute que son succès ne devrait pas changer grand chose aux relations diplomatiques entre Vladimir Poutine et ses homologues. Même s’il a rencontré, selon le Monde, une trentaine de chef d’Etats au cours de jeux dont il s’est tenu plutôt éloigné – sauf du premier match et de la finale, qu’il a célébrée avec ses partenaires croate et français, s’entend. Pas de dirigeants allemand (mais la Manschaft e été éliminée très vite) ni britannique (mais les 15 000 supporteurs ont été rejoints par 12 000 autres en quarts de finale, pour soutenir leur équipe).

Pour mieux comprendre le pays, il a manqué tout au long des jeux, au moins dans la presse française, des reportages sur l’accueil réservé par les Russes eux-mêmes aux visiteurs étrangers. Le Monde s’est néanmoins penché sur « ceux qui se sont joyeusement joints au carnaval bigarré qui a déferlé sur les onze villes-hôtes ou ont simplement mis un point d’honneur à accueillir au mieux leurs hôtes d’un mois » (7). A vrai dire, pour avoir suivi en « live » quelques vidéos offertes par les sites russes sur la sortie des stades, nos supporteurs peints et déguisés (palme aux sud-américains) ont été accueillis avec une curiosité joviale - si réservée. Avec leurs 17 000 bénévoles recrutés dans tout le pays pour leurs compétences linguistiques supposées – mais Google translate fonctionne très bien à partir des portables de chacun, leur « tourist police » de bonne volonté, ou la « joie des fans » de découvrir autre chose que « les horreurs que l’on raconte sur nous dans les médias étrangers », les Russes se sont montrés joyeux et amicaux. A ce point que les touristes, qui doivent croire vraies lesdites « horreurs » - et se font arnaquer, comme dans toutes les grandes villes du monde, par les taxis – s’en sont montrés troublés.

« Au rayon des scènes improbables, citons celle-ci, rapportée par le journaliste britannique Oliver Carroll, correspondant de The Independent et de l’Evening Standard, à qui un fan anglais dit « Je ne comprends pas. Les Russes sont TROP amicaux, c’est presque inquiétant. Je parlais avec un ultra qui avait Marseille 2016 tatoué sur la jambe, et tout ce qu’il voulait faire, c’est me prendre dans ses bras’. Pour mémoire, ‘Marseille 2016’ correspond à ce jour de l’Euro 2016 où des hooligans russes ont sévèrement corrigé des centaines de supporteurs anglais… ».

Fort bien. Les citoyens sont plus sages que leurs dirigeants. Ou que les journalistes. Justement, au sortir du succès de « sa » Coupe, qu’est-ce que Vladimir Poutine a obtenu de son homologue américain, qu’il rencontrait à Helsinki, en Finlande, lundi 16 juillet ? Des félicitations de Donald Trump, qui a reçu un ballon du tournoi, certes. Mais encore ? Si, selon ce que les deux hommes ont dit en conférence de presse (8), les grandes questions opposant les deux puissances ont été abordées (désarmement nucléaire, lutte contre le terrorisme islamique, situation en Syrie et sur le Golan, Corée du Nord, Iran, Ukraine, interférence russe dans l’élection présidentielle américaine, avenir des relations russo-américaines), on ne sait rien pour l’heure, en fait, de ce dont les deux présidents ont convenu. Et il est trop tôt pour hasarder un diagnostic sur ce que l’on peut en attendre. Donald Trump a fait ce qu’il avait annoncé : une ouverture vers la Russie, parce qu’il considère que « rien ne serait plus facile politiquement que de refuser de se rencontrer, refuser de collaborer », mais que « cela ne mènerait à rien ». Et qu’au contraire, « un dialogue constructif entre les Etats-Unis et la Russie offre l’opportunité d’ouvrir de nouveaux chemins vers la paix et la stabilité du monde » tout en privilégiant « ce qu’il y a de mieux pour l’Amérique et ce qu’il y a de mieux pour le peuple américain ».

Vladimir Poutine, pour sa part, ne dissimule pas que « de nombreux blocages demeurent que nous n’avons pas tous résolus, ce qui est impossible en une seule rencontre ». Mais, ajoute-t-il, « je crois que nous avons fait un pas important dans cette direction », parce que « de manière générale, nous sommes satisfaits de ce premier meeting en grand format quand nous ne nous étions rencontrés que brièvement en marge de forums internationaux. J’espère que nous nous comprenons mieux, et je remercie Donald pour cela ». De la part d’un homme qui n’a rien d’exubérant, c’est une tournure de phrase et un ton plutôt positifs. Il a obtenu – et c’est important pour lui comme pour l’opinion russe – d’être reconnu comme un partenaire incontournable de la puissance américaine (« un compétiteur, et avec un peu de chance demain un ami » pour Donald Trump). Pour le reste – les commentaires accablants de la presse occidentale sur le président américain - peut-être est-il un peu surpris, comme nous le sommes, par leur violence. « Donald Trump est parvenu à faire quasiment l'unanimité contre lui avec sa prestation à Helsinki face à Vladimir Poutine » écrit le correspondant du Figaro à Washington (9). «Lamentable», «surréaliste», «répugnant», «horrible», «antipatriotique», «une honte nationale»… Un déluge de commentaires négatifs venus de la droite comme de la gauche. Même Fox News a eu des états d'âme, c'est dire ». Pour les anglophones, lire, par exemple, le brûlot de John Shattuck dans le très sérieux Boston GlobeIs Donald Trump committing treason ?(10). Une trahison ? Le problème est américain, il est réel, on peut en être inquiet, mais c’est aux Etats-Unis qu’il doit être résolu, pas à Moscou. 

Carton plein donc pour le président russe ? Une parenthèse heureuse – la surprise d’une bonne performance de l’équipe russe aidant – et du succès certainement au début d’un mandat de six ans dans un monde qui se confirme chaotique. Où la stabilité russe pourrait être, en définitive, une bonne nouvelle.

 

 Hélène NOUAILLE 
Lettre de Léosthène

Source : https://www.asafrance.fr/item/carton-plein-pour-vladimir-poutine-libre-opinion-d-helene-nouaille.html

 

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