Consultant politique, président-fondateur du Réseau Voltaire.
Dernier ouvrage en français : Sous nos yeux - Du 11-Septembre à Donald Trump (2017).
Le conflit ukrainien est en train de se transformer en une guerre opposant l’Occident
d’un côté, à la Russie et à la Chine de l’autre. Chaque camp est persuadé que l’autre veut sa perte. Et la peur est mauvaise conseillère. La paix ne pourra être préservée que si chaque camp
reconnaît ses erreurs. Il doit s’agir d’un changement radical, car aujourd’hui ni le discours occidental, ni les actes russes ne correspondent à la réalité.
Les présidents russe et chinois, Vladimir Poutin et Xi Jinping. Les straussiens du département d’Etat, Antony Blinken et Victoria Nuland.
Aucun dirigeant politique ne souhaite une guerre sur son territoire. Lorsque celle-ci a lieu, c’est généralement sous l’effet de la peur. Chaque camp craint
l’autre, à tort ou à raison. Bien sûr, il y a toujours quelques individus qui poussent au cataclysme, mais ils sont fanatiques et extrêmement minoritaires.
C’est exactement la situation dans laquelle nous nous trouvons. La Russie est persuadée, à tort ou à raison, que l’Occident veut la détruire, tandis que l’Occident
s’est identiquement persuadé que la Russie mène une campagne impérialiste et détruira à terme ses libertés. Dans l’ombre, un tout petit groupe, les straussiens, souhaite l’affrontement.
Cela ne veut pas dire que la Troisième Guerre mondiale est pour demain. Mais si aucun dirigeant politique ne change radicalement sa politique étrangère, nous
marchons directement vers l’inconnu et devons nous préparer au chaos absolu.
Pour dissiper les malentendus, nous devons écouter les narrations des deux camps.
Moscou considère que le renversement du président démocratiquement élu Viktor Ianoukovytch était un coup d’État orchestré par les États-Unis. C’est le premier point
de divergence puisque Washington interprète les évènements comme une « révolution », celle de l’« EuroMaïdan » ou de la « Dignité ». Huit ans plus tard, de nombreux
témoignages occidentaux attestent de l’implication du département d’État US, de la CIA et de la NED, de la Pologne, du Canada et enfin de l’Otan.
Les populations de Crimée et du Donbass ont refusé d’avaliser le nouveau pouvoir qui comprenait de nombreux « nationalistes intégraux », héritiers
idéologiques des vaincus de la Seconde Guerre mondiale.
La Crimée, qui avait déjà voté par référendum son rattachement à la future Russie indépendante lors de la dissolution de l’URSS, un semestre avant que le reste de
la République soviétique d’Ukraine ne prononce son indépendance, a voté une nouvelle fois par référendum. Durant quatre ans, la Crimée était revendiquée à la fois par la Russie et par l’Ukraine.
Moscou fait valoir qu’entre 1991 et 1995, c’est lui et non pas Kiev qui payait les retraites et les salaires des fonctionnaires en Crimée. De fait la Crimée était toujours russe, même si on la
considérait rattachée à l’Ukraine. C’est en définitive le président russe Boris Eltsine qui, traversant une crise économique très sévère, a tranché en abandonnant la Crimée aux soins de Kiev.
Cependant la Crimée a alors voté une Constitution lui reconnaissant l’autonomie au sein de l’Ukraine, ce que Kiev n’a jamais accepté. Le second référendum, en 2014, a massivement proclamé
l’indépendance. Le Parlement de Crimée a alors demandé le rattachement de son État à la Fédération de Russie, ce que celle-ci a accepté. Pour assurer l’approvisionnement de la Crimée, la Russie a
construit, sans consulter l’Ukraine, un gigantesque pont reliant son territoire à la presqu’île criméenne à travers la mer d’Azov, privatisant de fait cette petite mer.
Or, la Crimée héberge le port de Sébastopol, indispensable à la marine militaire russe. Celle-ci ne représentait rien en 1990, mais est redevenue une puissance en
2014.
Les Occidentaux ont reconnu le référendum soviétique en Ukraine, en 1990, mais pas celui de 2014. Pourtant le droit des peuples à disposer d’eux-mêmes s’applique
bien aux Criméens. Les Occidentaux font valoir que de nombreux soldats russes étaient présents sur place sans revêtir leurs uniformes. Certes, mais les résultats des deux référendums de 1990 et
de 2014 ont été similaires. Il n’y a pas la place pour des soupçons de fraude.
Pour marquer qu’ils n’acceptaient pas cette « annexion », les Occidentaux ont collectivement pris des sanctions contre la Russie, sans autorisation du
Conseil de sécurité. Ces sanctions violent la Charte des nations unies qui accorde l’exclusivité de ce pouvoir au Conseil de sécurité.
Les oblasts de Donetsk et de Lougansk ont également rejeté le gouvernement issu du coup d’État de 2014. Ils ont proclamé leur autonomie et se sont posés comme des
résistants aux « nazis » de Kiev. Assimiler les « nationalistes intégraux » aux « nazis » est historiquement justifié, mais ne permet pas à des non-Ukrainiens de
comprendre ce qui se passe.
Le « nationalisme intégral » a été créé en Ukraine par Dmytro Dontsov au tout début du XXe siècle. Au départ, Dontsov était un philosophe de gauche, ce
n’est que progressivement qu’il est passé à l’extrême-droite. Il fut un agent rémunéré par le Deuxième Reich durant la Première Guerre mondiale, avant de participer au gouvernement ukrainien de
Symon Petlioura, surgi à l’occasion de la révolution russe de 1917. Il participa à la conférence de paix de Paris et accepta le Traité de Versailles. Durant l’entre-deux-guerres, il exerça un
magistère sur la jeunesse ukrainienne et se fit un propagandiste du fascisme, puis du nazisme. Il devint violemment antisémite, prêchant pour le massacre des juifs bien avant que ce thème soit
soutenu par les autorités nazies, qui ne parlèrent que d’expulsion jusqu’en 1942. Durant la Seconde Guerre mondiale, il refusa de prendre la tête de l’Organisation des nationalistes ukrainiens
(OUN) qu’il confia à son disciple Stepan Bandera, assisté de Yaroslav Stetsko. Presque tous les documents sur son activité au sein du nazisme ont été détruits. On ignore ce qu’il fit durant la
Guerre, sauf sa participation active à l’Institut Reinhard Heydrich, après l’assassinat de ce dernier. Les journaux de cet organe antisémite lui laissent la part belle. À la Libération, il
s’enfuit au Canada, sous la protection des services secrets anglo-saxons, puis aux États-Unis. À la fin de sa vie, il était toujours aussi virulent et avait évolué dans une forme de mysticisme
viking, prêchant l’affrontement final contre les « Moscovites ». Aujourd’hui, ses livres, particulièrement son Nationalisme, sont une
lecture obligatoire pour les miliciens, notamment ceux du Régiment Azov. Les « nationalistes intégraux » ukrainiens ont
massacré, durant la Seconde Guerre mondiale, au moins 3 millions de leurs concitoyens.
Washington lit cette histoire autrement. Pour lui, les « nationalistes intégraux » ont certes commis des erreurs, mais ils luttaient pour leur
indépendance face à la fois aux Nazis allemands et aux Bolchéviques russes. La CIA a donc eu raison d’héberger Dmytro Donsov aux USA et d’employer Stepan Bandera sur Radio Free Europe. Et plus
encore, de créer la Ligue anti-communiste mondiale autour du Premier ministre nazi ukrainien, Yaroslav Stetsko, et du chef de l’opposition anti-communiste chinoise, Tchang Kaï-chek. Aujourd’hui,
toujours selon Washington, ces faits appartiennent au passé.
En 2014, avec le président Petro Porochenko, le gouvernement de Kiev a coupé toute aide aux « Moscovites » du Donbass. Il a cessé de payer les retraites
de ses citoyens et les salaires de leurs fonctionnaires. Il a interdit la langue russe, parlée par la moitié des Ukrainiens, et a lancé des opérations militaires punitives contre ces
« sous-hommes », faisant 5 600 morts et 1,5 million de déplacés en 10 mois. Face à ces horreurs, l’Allemagne, la France et la Russie ont imposé les accords de Minsk. Il
s’agissait de ramener le gouvernement de Kiev à la raison et de protéger les populations du Donbass.
Constatant que les premiers accords n’avaient pas été suivis d’effet. La Russie fit avaliser celui de Minsk 2 par le Conseil de sécurité. C’est la résolution
2202, adoptée à l’unanimité. Lors des explications de vote, les États-Unis ont développé leur lecture de cette période. Pour eux, les « résistants » du Donbass n’étaient que des
« séparatistes » soutenus militairement par Moscou. Ils ont donc spécifiés que l’accord de Minsk 2 (12 février 2015) ne se substituait pas aux accords de Minsk 1 (5 et 19
septembre 2014), mais s’y ajoutait. Ils exigeaient ainsi que la Russie retire les troupes qu’elle avait déployées sans uniforme au Donbass. L’Allemagne et la France firent ajouter une déclaration
commune, cosignée par la Russie, garantissant l’application « obligatoire » de cet ensemble d’« engagements »
Pourtant peu de temps après, le président Porochenko déclara qu’il n’avait pas l’intention d’appliquer quoi que ce soit et relança les hostilités ; une
position que le gouvernement du président Zelensky a réitéré. Durant les 7 ans qui suivirent la résolution 2202, 12 000 nouvelles victimes ont été tuées, selon Kiev, ou 20 000,
selon Moscou.
Durant cette période, Moscou n’est pas intervenu. Le président Vladimir Poutine a non seulement retiré ses troupes, mais il a interdit à un oligarque d’envoyer des
mercenaires pour soutenir les populations du Donbass. Celles-ci se sont trouvées abandonnées par les garants des accords de Minsk et par les autres membres du Conseil de sécurité.
Dans le mode de fonctionnement politique russe, on attend d’être en mesure de faire quelque chose pour l’annoncer. Moscou n’a donc rien dit, mais a préparé la
suite. Souffrant des sanctions qu’il endurait depuis le rattachement de la Crimée, il s’attendait à ce que les Occidentaux les renforcent lorsqu’il interviendrait pour appliquer la résolution
2202. Il a donc pris contact avec d’autres États sous sanction, notamment avec l’Iran, pour contourner celles qui le frappaient et se préparer à en contourner d’autres. Tous ceux qui se rendent
régulièrement en Russie ont constaté que l’administration Poutine développait l’autarcie alimentaire, y compris pour la viande et les fromages, dont son pays était jusque là dépourvu. La Russie
se rapprocha de la Chine en matière bancaire, ce que nous avons interprété à tort comme une initiative contre le dollar. Il s’agissait en réalité de se préparer à une exclusion du système
SWIFT.
Lorsque le président Poutine a lancé son armée en Ukraine, il a bien spécifié qu’il ne déclarait pas une « guerre » visant à annexer l’Ukraine, mais
mettait en œuvre une « opération militaire spéciale » en vertu de la résolution 2202 et de sa « responsabilité de protéger » les populations civiles du Donbass.
Comme prévu, les Occidentaux ont réagi avec des sanctions économiques qui ont gravement perturbé l’économie russe durant deux mois. Puis les choses se sont
inversées et ces sanctions se sont avérées profitables pour la Russie qui s’y était longuement préparée.
Sur le terrain, les Occidentaux ont fait parvenir quantité d’armes, puis ont déployé des conseillers militaires et quelques forces spéciales. L’armée russe, trois
fois inférieure en nombre à l’armée ukrainienne, a commencé à souffrir. Elle vient donc de décréter une mobilisation partielle pour envoyer de nouvelles troupes sans avoir à dégarnir son système
de défense nationale. Cet ordre ne concerne que les réservistes ayant une expérience du combat, en aucun cas les jeunes gens comme le laissent supposer les agences de presse occidentales.
L’Otan, de son côté, a élaboré un dispositif visant à mobiliser un groupe central d’États et un groupe élargi de ses alliés plus lointains. Il s’agit de faire
porter l’effort financier sur le plus de grand nombre de partenaires jusqu’à épuisement de la Russie.
Moscou a répondu en annonçant que si les Occidentaux franchissaient un pas supplémentaire, il utiliserait ses nouvelles armes.
Les armées russes et chinoises maîtrisent les lanceurs hypersoniques, ce dont les Occidentaux sont dépourvus. Moscou et Beijing peuvent détruire n’importe quel
objectif, n’importe où dans le monde, en quelques minutes. Il est impossible de les en empêcher et ce déséquilibre durera au minimum jusqu’en 2030, selon les généraux états-uniens. La Russie a
déjà dit qu’elle frapperait en priorité le ministère britannique des Affaires étrangères qu’elle considère comme la tête pensante de ses ennemis, et le Pentagone, quelle considère comme son bras
armé. Dans le cas où elles attaqueraient, les armées russes et chinoises détruiraient préalablement les satellites de communication stratégique des États-Unis (CS3). Ceux-ci perdraient en
quelques heures la possibilité de guider des missiles nucléaire et donc de riposter. L’issue d’une telle guerre fait peu de doutes.
Lorsque la Russie évoque l’utilisation de ses armes nucléaires pour attaquer, elle ne parle pas de bombes atomiques stratégiques comme les États-Unis en ont
utilisées à Hiroshima et Nagasaki, mais d’armes tactiques pour détruire de petites cibles déterminées (Whitehall ou le Pentagone). Les grandiloquentes déclarations du président Biden sur le
risque qu’elle ferait courir au monde sont donc nulles et non avenues
S’engager dans cette confrontation n’est pas impossible. Aux États-Unis, les straussiens, un tout petit groupe de politiciens non élus, sont déterminés à provoquer
l’apocalypse. Selon eux, les États-Unis ne pourront plus exercer de domination sur le monde entier, mais ils peuvent encore y parvenir sur leurs alliés. Pour cela, ils ne doivent pas hésiter à
sacrifier une partie des leurs, si leurs alliés souffrent encore plus qu’eux et si, de cette manière, ils restent les premiers (pas les meilleurs).
Comme dans tous les conflits, les peuples ont peur et quelques individus les poussent à la guerre.
La Russie vient d’organiser quatre référendums d’auto-détermination et de rattachement, à la fois dans les deux Républiques du Donbass et dans deux oblasts de
Novorossia. Le point de vue du G7, dont les ministres des Affaires étrangères participaient à l’Assemblée générale de l’Onu à New York, a été immédiatement de dénoncer des référendums invalides
car se tenant en situation de guerre, ce qui est une opinion discutable. Ils ont donc poursuivi en dénonçant une violation de la souveraineté et de l’intégralité territoriale de l’Ukraine et des
principes de la Charte des Nations unies. Ces derniers points sont faux. Par définition, le droit des Peuples à disposer d’eux-mêmes ne contrevient pas à la souveraineté et à l’intégrité
territoriale de l’État dont ils peuvent, s’ils le souhaitent, se séparer. D’ailleurs, tous les membres du G7 (sauf le Japon) ont signé l’Acte final d’Helsinki par lequel ils s’engagent à défendre
simultanément tous ces principes.
Il est particulièrement odieux de constater la manière dont le G7 interprète le droit à son avantage, et particulièrement celui des Peuples à disposer d’eux-mêmes.
A titres d’exemples, l’Assemblée générale des Nations unies a condamné l’occupation illégale par le Royaume-Uni de l’archipel des Chagos. Elle a ordonné qu’il soit restitué à l’île Maurice au
plus tard le 22 octobre 2019. Non seulement cela n’a pas été fait, mais une des îles Chagos, Diego Garcia, est toujours illégalement louée aux États-Unis pour abriter la plus grande base
militaire de l’océan Indien. Ou encore, la France a illégalement transformée sa colonie de Mayotte en département, en 2009. Elle a organisé un référendum en violation des résolutions 3291, 3385
et 31/4 de l’Assemblée générale des Nations unies qui affirment l’unité des Comores et interdissent que des référendums soient tenus dans l’une ou l’autre de ses parties seulement, l’État des
Comores et la colonie française de Mayotte. C’est précisément pour échapper à la décolonisation que la France a organisé ce référendum étant entendu qu’elle y a installé une base militaire
maritime et surtout une base militaire d’interception et de Renseignement.
D’un point de vue russe, ces référendums, s’ils étaient internationalement reconnus, mettraient fin aux opérations militaires. En les refusant, les Occidentaux font
durer le conflit. Leur intention est de voir tomber le reste de la Novorossia dans les mains de la Russie. Or, si Odessa redevient russe, Moscou devra accepter aussi l’adhésion de la Transnistrie
contigüe à la Fédération de Russie. Or, la Transnistrie n’est pas ukrainienne, mais est moldave, d’où son nom actuel de République moldave du Dniestr.
La Russie se refuse à accueillir un territoire moldave qui a, certes, des raisons historiques de se proclamer indépendant. Mais elle ne l’a pas plus accepté avec
l’Ossétie du Sud et l’Abkhazie, qui ont également des raisons historiques de se proclamer indépendant, mais sont géorgiennes. Ni la Moldavie, ni la Géorgie n’ont commis des crimes comparables à
ceux de l’Ukraine moderne.
Arrivé au terme de cet exposé, nous constatons que les torts sont partagés, mais pas équitablement. Les Occidentaux ont reconnu le coup d’État de
2014 ; ils ont tenté d’arrêter le massacre qui suivit, mais ont finalement laissé les nationalistes intégraux le continuer ; ils ont armé l’Ukraine au lieu de la contraindre à
respecter les accords de Minsk 1 et 2. La Russie, quant à elle, a construit sans concertation un pont qui verrouille la mer d’Azov. La paix ne sera préservée que si les deux camps
reconnaissent leurs erreurs.
Capables du pire, l’union de certains gouvernants rend la Guerre mondiale possible
...par Thierry Meyssan - Le 06/12/2022.
Alors que nous réagissons avec effroi à la résurgence de groupes fascistes, nazis ou
impériaux japonais, nous ne voyons pas que ce ne sont pas ces idéologies qui ont provoqué la Guerre mondiale, mais l’alliance de gouvernants prêts au pire. La même configuration est sur le point
de se reproduire avec d’autres groupes. Dans quelques mois, si nous ne réagissons pas maintenant, une Troisième Guerre mondiale sera peut-être rendue possible.
La Seconde Guerre mondiale peut nous servir de leçon. Elle n’est pas apparue dans un ciel serein. Il ne s’agissait pas d’un combat des Bons contre les Méchants.
Elle a juste été déclenchée par un regroupement imprévu de forces capable de tout détruire.
Après la crise économique de 1929, le monde entier était convaincu, à juste titre, que le capitalisme d’alors était fini. L’Union soviétique, seule, proposait
une alternative, le bolchévisme. Bientôt les États-Unis en imaginèrent une seconde, les réformes structurelles du New Deal, puis l’Italie promut une troisième solution, le fascisme. Les
grands capitalistes anglo-saxons choisirent de soutenir un nouveau régime, proche du fascisme, le nazisme. Ils pensaient que l’Allemagne attaquerait l’URSS, préservant ainsi leurs intérêts
aussi bien menacés par les collectivisations bolchéviques que par les réformes économiques US. Cependant rien ne fonctionna comme prévu puisque l’Italie, l’Allemagne et le Japon formèrent
l’Axe avec leur propre logique et que la guerre ne fut pas enclenchée contre les Soviétiques, mais contre les grandes fortunes qui la préparèrent.
Dans l’imaginaire collectif, nous ne tenons pas pour responsables les grands capitalistes anglo-saxons qui soutinrent le nazisme à ses début. Au contraire, nous
nous souvenons des peuples britannique et états-unien comme ayant participé à la victoire.
De cette expérience, nous devons retenir que les plans les plus habiles peuvent échapper à leurs promoteurs. La paix a été menacée par l’alliance entre trois
régimes très différents les uns des autres, le fascisme, le nazisme et le Hakkō ichiu. Cette union n’a été prévue par aucun des spécialistes des relations internationales et autres
géopoliticiens de l’époque. Tous, sans exception, se sont trompés.
Ces trois idéologies avaient en commun de vouloir changer l’ordre mondial sans se préoccuper des conséquences humaines de leurs actes. Cela ne veut pas dire que
leurs adversaires étaient démocratiques et pacifiques, loin de là, mais uniquement qu’ils s’interdisaient d’éxterminer des peuples entiers.
Ne nous trompons pas d’adversaire. Nous devons être très vigilants non pas à un type particulier de régime politique, mais à ce que jamais des États gouvernés
par des hommes capables du pire s’unissent. Le danger actuel, ce n’est ni le fascisme, ni le nazisme, ni le Hakkō ichiu, trois idéologies marquées par leur époque et qui ne répondent à rien
aujourd’hui. Ce dont nous devons prioritairement nous protéger, c’est d’une alliance mondiale entre des idéologies capables du pire.
Or, c’est très exactement ce qui est sur le point d’advenir : les responsables actuels du département d’État US, du gouvernement de Kiev et de celui du
prochain gouvernement de Tel-Aviv n’ont aucune limite. L’union des « straussiens », des « nationalistes intégraux ukrainiens » et des « sionistes
révisionnistes » israéliens peut, sans état d’âme, plonger le monde dans une Troisième Guerre mondiale. Heureusement, la CIA ne partage pas leurs idées, le gouvernement de Kiev est bridé
par l’intervention militaire russe et la coalition du Premier ministre israélien n’a pas encore formé son gouvernement.
LES « STRAUSSIENS » ÉTATS-UNIENS
Ce petit groupe d’une centaine de personnes contrôle la politique étrangère des États-Unis avec notamment le secrétaire d’État, Antony Blinken, son adjointe,
Victoria Nuland, et le conseiller national de Sécurité, Jacob Sullivan.
Il se retrouve dans la pensée du philosophe juif Leo Strauss [1] pour qui les démocraties ont montré leurs
faiblesses durant les années 30. Le seul moyen de s’assurer de ne pas être massacré par le prochain régime antisémite, c’est donc, pour les juifs, de constituer leur propre dictature ;
de se trouver du côté du manche et non de la cognée.
Les « straussiens » ont déjà montré ce dont ils sont capables en organisant les attentats du 11-Septembre et en lançant différentes guerres pour
détruire le « Moyen-Orient élargi ».
Il est stupéfiant que, malgré les polémiques qui ont déchiré la classe dirigeante US sous l’administration de Bush fils, la plupart des responsables politiques
actuels ignore qui sont les straussiens.
LES « NATIONALISTES INTÉGRAUX » UKRAINIENS
C’est un groupe comprenant des centaines de milliers de personnes, peut-être des millions. Il trouve son origine dans la Première Guerre mondiale, mais s’est
solidifié durant l’entre-deux-guerres, la Seconde Guerre mondiale et la Guerre froide [2].
Ils se réclament du poète et criminel contre l’humanité Dmytro Dontsov. Ils se considèrent comme des vikings varègues prêts à livrer la dernière bataille contre
le Mal, c’est-à-dire, selon eux, contre la civilisation russe.
L’expression « nationaliste intégral » ne doit pas induire en erreur. Elle a été choisie par Dontsov en référence à la pensée du Français Charles
Maurras. Dontsov n’a jamais été patriote, ni nationaliste au sens classique du terme. Il n’a jamais défendu ni le peuple ukrainien, ni la terre ukrainienne. Bien au contraire.
Les « nationalistes intégraux » ukrainiens ont, depuis 1919, montré ce dont ils sont capables. Ils ont assassiné plus de 4 millions de leurs
concitoyens, dont 1,6 million de juifs. Depuis 2014, ils ont mené une guerre civile qui a coûté la vie à environ 20 000 de leurs concitoyens. Ils ont aussi, en 1921, amputé leur terre de la
Galicie et de Volhynie pour payer d’avance l’armée polonaise contre l’URSS.
Ils ont fait alliance avec les straussiens, en 2000, lors d’un grand congrès à Washington dont le straussien Paul Wolfowitz était l’invité d’honneur.
Il est très dangereux de prétendre, comme le fait l’Otan, que les « nationalistes intégraux » sont marginaux en Ukraine. Certes, il ne s’agit dans
l’esprit de cette organisation que de décrédibiliser le discours de la Russie et de mobiliser pour l’Ukraine. Mais ces gens assassinent aujourd’hui, sans jugement ni procès, ceux de leurs
concitoyens qui se retrouvent dans la culture russe.
Il est particulièrement dangereux de participer au délire des « nationalistes intégraux » comme vient de le faire le Bundestag en adoptant une
résolution sur l’« Holodomor », c’est-à-dire le « génocide par la faim ». La famine des années 1932-33 n’a absolument pas été provoquée ni par les Soviétiques en général,
ni par Joseph Staline en particulier. Elle a touché bien d’autres régions d’URSS que l’Ukraine. Il s’agit d’une catastrophe climatique. Au demeurant, en Ukraine même, elle n’a pas touché les
villes, mais uniquement les campagnes car les Soviétiques ont décidé de gérer cette pénurie en nourrissant les ouvriers plutôt que les paysans. Donner du crédit au mythe d’un génocide
planifié, c’est encourager la haine anti-russe comme jadis les nazis ont encouragé la haine anti-juive.
LES « SIONISTES RÉVISIONNISTES » ISRAÉLIENS
Les « sionistes révisionnistes » représentent environ 2 millions d’Israéliens. Ils sont parvenus à constituer une majorité parlementaire en agrégeant
plusieurs formations politiques derrière Benjamin Netanyahu.
Ils se réclament de l’Ukrainien Vladimir Jabotinsky ; l’homme qui prétendait que la Palestine est « Une terre sans Peuple, pour un Peuple sans
terre ». En d’autres termes, les arabes palestiniens n’existent pas. Ils ne sauraient avoir de droits et doivent être expulsés de chez eux.
En septembre 1921, Jabotinsky noua une alliance secrète avec les antisémites « nationalistes intégraux » ukrainiens, le premier chainon de l’Axe en
cours de constitution. Cette union souleva l’indignation de toutes la diaspora juive et Jabotinsky fut expulsé de l’Organisation sioniste mondiale. En octobre 1937, Jabotinsky noua une
nouvelle alliance avec les antisémites du maréchal Rydz-Smigly, numéro 2 en Pologne derrière Józef Piłsudski. Il fut à nouveau rejeté par la diaspora juive.
Au tout début de la Seconde Guerre mondiale, Jabotinsky choisit Bension Netanyahu, le père de Benjamin, comme secrétaire particulier.
Il est révoltant que, 75 ans après la création de l’État d’Israël, la plupart des gens continuent à amalgamer des opinions différentes, et souvent opposées, sur
le seul critère de la religion de ceux qui les professent.
Le « sionisme révisionniste » est à l’opposé du sionisme de Nahum Goldman et du Congrès juif mondial. Il ne se préoccupe aucunement du peuple juif et
n’a donc pas hésité à faire alliance avec des forces armées antisémites.
Les « sionistes révisionnistes », dont Menahem Beguin et Ariel Sharon, ont montré ce dont ils sont capables avec la Nakba ; l’expulsion forcée de la majorité de la population arabe de Palestine, en 1948. C’est ce crime, dont le souvenir hante à la fois les arabes et
les Israéliens, qui rend impossible à ce jour la paix en Palestine.
Benjamin Netanyahu fit alliance avec les straussiens, en 2003, lors d’un grand congrès à huis-clos à Jérusalem [3]. Dès l’élection de Volodymyr Zelensky, dont il est devenu un
ami personnel, Netanyahu a aussi renoué l’alliance de Jabotinsky avec les « nationalistes intégraux ».
L’Axe est constitué.
L’IDÉOLOGIE COMMUNE DU NOUVEL AXE
De même que le fascisme italien, le nazisme allemand et Hakkō ichiu japonais n’ont pas grands rapports entre eux, de même les straussiens, les
« nationalistes intégraux » et les « sionistes révisionnistes » pensent différemment et poursuivent des objectifs distincts. Seuls les nazis étaient antisémites au point
de chercher à tuer tout un peuple. Les fascistes méprisaient les juifs, mais ne cherchèrent pas à les exterminer. Les Japonais ne sont jamais entrés dans cette haine et ont même protégé les
juifs chez eux et dans les territoires qu’ils occupèrent. De la même manière aujourd’hui si les « nationalistes intégraux » sont obsessionnellement contre la culture russe et
souhaitent tuer tous les Russes, hommes, femmes et enfants, les straussiens les méprisent sans pour autant souhaiter les exterminer et les « sionistes révisionnistes » poursuivent
d’autres objectifs.
Chacun de ces trois groupes isolé représente un danger pour des populations précises, mais tous trois ensemble menacent toute l’humanité. Ils partagent un même
culte de la violence et du pouvoir. Ils ont montré qu’ils peuvent se lancer dans des guerres d’extermination. Ils considèrent tous trois que leur moment est venu. Cependant non seulement ils
doivent surmonter leurs oppositions intérieures, mais leur axe est encore incertain. Par exemple, les straussiens viennent de mettre en garde les « sionistes révisionnistes » face à
une possible extension des colonies juives dans les territoires palestiniens.