Les Syriens vivent l’horreur, la chute de l’est d’Alep s’accompagne d’exactions mais les gouvernementaux n’en ont pas le monopole. La France a sa part de responsabilité dans le
fiasco syrien, nos dirigeants ont pris le relais de Bush et aujourd’hui face à l’horreur il ne leur reste plus qu’à déformer les faits. Faire oublier qu’ils n’ont rien compris …
Ah, soupirent ils, si Obama avait écouté Hollande et bombardé Damas….
Ne leur en déplaise l’horreur dépasserait sans doute l’horreur actuelle avec la victoire des islamistes
Une guerre médiatique bat son plein et la meilleure défense des bourreaux est toujours de se
transformer en victimes.
La Commission d’enquête sur la Syrie est un organe indépendant créé en 2011 par l’ONU pour rassembler des preuves de violations des droits de l’homme dans ce pays ravagé par la guerre depuis plus de
cinq ans.En octobre, le Conseil des droits de l’homme de l’ONU l’a mandatée pour enquêter spécifiquement sur la situation à Alep.
Des exécutions sommaires, des arrestations arbitraires, des disparitions et des recrutements
de force.
Dans son communiqué, la Commission fait état de « nombreuses informations sur des violations perpétrées par des forces pro-gouvernementales (…) notamment des exécutions sommaires, des
arrestations arbitraires, des disparitions et des recrutements de force ». « Les hommes en âge de combattre semblent être particulièrement exposés à ces abus », a-t-elle souligné. La
Commission a reconnu que le gouvernement syrien et ses alliés « exercent désormais le contrôle effectif d’Alep-Est et portent donc la responsabilité d’empêcher de telles violations, y compris
d’éventuels actes de représailles ».
« Dans ce moment critique, l’illusion qu’une victoire militaire serait encore possible doit être écartée », a conclu la Commission.
Malheureusement rien n’est simple et il ne faudrait pas oublier qu’Alep Ouest rassemble dix fois plus d’habitants bombardés pendant des années par Al Qaeda. Y AURAIT-IL DE BONNES ET DE
MAUVAISES VICTIMES Civiles ?
Je ne le crois pas … et toutes méritent le respect et notre soutien
Al Nosra et les boucliers humains d’Alep
Des groupes rebelles empêcheraient des civils de quitter les quartiers assiégés d’Alep-Est et s’en serviraient comme boucliers humains, selon la Commission d’enquête sur la Syrie de l’ONU. Dans
un communiqué, cette Commission déclare avoir « reçu des allégations à propos de groupes de l’opposition, dont le groupe terroriste Fateh al-Cham (ex-Front al-Nosra) et Ahrar al-Cham, qui
empêcheraient des civils de partir, et à propos de combattants de l’opposition qui se mêleraient à la population, augmentant ainsi le risque pour les civils d’être tués ou blessés ».
Le Front Fateh al-Cham est l’ancienne branche syrienne d’Al-Qaïda. Ahrar al-Cham est un autre influent groupe rebelle islamiste qui lutte contre le régime du président Bachar al-Assad.
Vendredi dernier, le porte-parole du Haut-Commissariat de l’ONU aux droits de l’homme, Rupert Colville, avait déjà dénoncé le Front Fateh al-Cham et les Kataëb Abou Amara, qui, selon plusieurs
sources, auraient exécuté des civils parce qu’ils tentaient de fuir les derniers quartiers d’Alep-Est encore aux mains de l’opposition.
J’avoue être troublé par les témoignages de sœur Myriam de la Croix et d’Eva Bartlett
Troublé également par le silence sur les massacres saoudiens au Yémen et par les bombardements de Mossoul où les éclats d’obus épargnent curieusement les civils.
Troublé par ceux qui affirment que si Obama avait écouté Hollande et bombardé Damas , alors Alep Est ne serait pas tombé. Les victimes civiles auraient été différentes, des chrétiens, des alaouites …
Le 26 novembre dernier , le « Musée pour la Paix » de Caen devait accueillir un colloque intitulé « Les enjeux de la Syrie et de sa région » réunissant une vingtaine
d’intervenants. Véronique Bouté-Présidente de l’Université pour la Méditerranée dans une tribune libre place le colloque dans une logique différente de la ligne officielle : «
On trouve aujourd’hui encore des naïfs qui veulent se persuader et persuader l’opinion qu’il y aurait des opposants modérés parmi les terroristes, des «démocrates» au sein des 2 000 groupes
djihadistes recensés, de nobles patriotes pur jus parmi les mercenaires aux 100 nationalités qui sèment mort et destruction en Syrie, en Irak, en Libye ou ailleurs.
Voilà six ans qu’une doxa mensongère nous est imposée. Il s’agit d’un lavage de cerveau sans précédent, auquel ont participé tous les médias du mainstream, gauche et droite confondues, amenant en
toute occasion de l’eau au moulin de l’intoxication permanente. Les voix différentes sont étouffées, contraintes de trouver refuge sur les sites alternatifs du web.
Le colloque n’aura finalement pas lieu «On ne pouvait pas laisser les clés du Mémorial à un colloque suspecté de défendre les positions de Bachar el-Assad, lequel depuis 2011 conduit une guerre
infâme», a déclaré à l’AFP Stéphane Grimaldi, le directeur du Mémorial de Caen.
L’évènement est révélateur de la véritable guerre que se mène en France les tenants des deux camps
La guerre médiatique atteint un point de non-retour avec la bataille d’Alep comme le décrit Frédéric Pichon
On a sans doute été beaucoup intoxiqué en Europe et en Occident en général. Par exemple, on nous a annoncé il y a quelques jours que la vieille ville avait été totalement reprise par l’armée. Or,
l’armée syrienne ne l’a jamais confirmé. Cette reprise très rapide des quartiers est d’Alep correspond à une réalité géopolitique. Les derniers soutiens à cette rébellion, les Turcs notamment et les
Américains ont décidé de tenir compte du rapport de force et d’arrêter de soutenir cette rébellion.
Une grande partie des rebelles a déjà déposé les armes. À travers des négociations secrètes, ces rebelles ont obtenu un sauf-conduit. Et ce en négociant avec les Russes et non avec les Syriens.
Depuis deux ans, les Russes sont à la manœuvre sur l’ensemble du territoire et négocient des trêves. Pour une grande partie, cette rébellion va soit rendre des armes, soit s’intégrer dans des unités
de l’armée syrienne, soit partir pour Idleb, qui va rester la dernière zone que l’armée de Bachar Al-Assad n’a pas réussi à réduire. L’offensive à Idleb a d’ailleurs déjà commencé avec l’aide de
l’aviation américaine.
On nous a vendu une rébellion. Vous savez le maire ne représente personne. Alep-Est n’a jamais été doté d’une mairie. De plus, le narratif de certains médias occidentaux a beaucoup gonflé les choses.
Il est même vraisemblable que cette poche de la rébellion n’a jamais groupé autant d’habitants qu’on a bien voulu nous dire. On a parlé de 250 000 habitants, il est probable que ce soit plutôt 100
000 à peine. Pour le moment, la plupart des habitants d’Alep-Est sont tous allés à Alep-Ouest, c’est-à-dire les zones gouvernementales. Je crois que cette rébellion ne représentait personne.
Les civils dans leur grande majorité qui vivaient encore à Alep-Est ont servi de boucliers humains, comme en ce moment à Mossoul, l’Etat Islamique se sert des habitants de Mossoul comme boucliers
humains. On nous a présenté pendant quelques mois une situation qui ne correspondait pas à la réalité.
Nul ne peut refaire l’histoire mais les erreurs sont antérieures, pourquoi donc l’occident a-t-il allumé le feu
Mais qu’allons-nous faire en Irak et Syrie ? La France a exposé dangereusement la population civile, les attentats à Paris ont suivi de quelques mois nos engagements militaires…
Nous avons déclaré la guerre à certains islamistes et nous en avons soutenu d’autres
Nos dirigeants n’ont rien vu venir et surtout pas le rapprochement de la Turquie et du Qatar avec la Russie soutenue par la Chine. Les Etats Unis se désengagent, nous sommes seuls.
Histoire d’un fiasco
La France, ancienne puissance coloniale est inaudible dans la région
Comment un pays coresponsable avec la Grande Bretagne de frontières artificielles peut-elle être considéré. Le passif est lourd.
Anticipant le démembrement de l’empire ottoman qui a suivi la Première guerre mondiale, dès mai 1916, la France et la Grande-Bretagne négocient en secret le partage du Moyen-Orient (accords
Sykes-Picot).La France se réserve la possession d’un territoire aux frontières arbitraires correspondant à la Syrie et au Liban d’aujourd’hui. ((Les Britanniques exercent leur tutelle sur la
Palestine, la Transjordanie et l’Irak.))
En 1920, la Société des Nations consacre la remise de ce territoire à la France (mandat).
Commandé par le général Gouraud, le corps expéditionnaire français envoyé en Syrie rencontre une résistance acharnée de la part des populations toutes farouchement opposées à l’occupation étrangère.
Dès son débarquement sur le sol syrien, en juillet 1920, il se heurte à une insurrection arabe conduite par l’émir Faysal qui dirige le royaume de Damas.
Il faudra l’envoi d’une colonne avec auto-canons, automitrailleuses, deux formations de chars d’assaut et l’appui de l’aviation, pour que l’armée française parvienne à écraser les insurgés et faire
son entrée à Damas, le 25 juillet 1920.
En septembre 1920, la France démembre la Syrie en créant un Etat libanais confessionnel où dominent les chrétiens maronites. Elle joue aussi des oppositions entre populations : Alaouites, Druzes,
Kurdes.
En octobre 1925, Damas insurgée est bombardée par l’artillerie durant trois jours sur ordre du général Sarrail. On compte près de 1.500 morts. Des monuments historiques de la vieille ville sont
réduits en poussière.
Ce n’est qu’en faisant venir des renforts de troupes du Maroc (30.000 soldats) en mars 1926 que la France parviendra à venir progressivement à bout du mouvement.
En mai 1926, la ville de Damas est de nouveau bombardée provoquant de nouvelles pertes humaines (5.000 morts) et matérielles considérables.
Au début de 1936, alors qu’une insurrection urbaine vient d’embraser la Syrie, le gouvernement de Front populaire négocie et signe des traités prévoyant l’indépendance de la Syrie et du Liban.
Durant la Seconde guerre mondiale, en juin 1941, au nom de la France libre, le général Catroux proclame l’indépendance de la Syrie et du Liban sans effet immédiat. Celle-ci ne doit intervenir
qu’après un traité qui reste à venir. Le 30 mai 1945, l’aviation française de bombarde Damas pendant 36 heures d’affilée. On dénombre 500 morts dont 400 civils et des centaines de blessés. Une partie
de la ville est détruite.
Après l’indépendance la France soutient le Liban que veut récupérer la Syrie mais les choix tragiques sont faits à la fin des années 2000 comme l’écrit Pierre Conesa :
« Ce retournement s’explique par l’arrivée d’une série de néo-conservateurs au Quai d’Orsay,
avec Nicolas Sarkozy d’abord puis avec François Hollande. Des néo-conservateurs qui se sont donné pour but de renouer des liens étroits avec Washington. La décision prise par Jacques Chirac
de ne pas intervenir aux côtés des Etats-Unis en Irak en 2003 a créé un traumatisme considérable dans le système diplomatique du Quai d’Orsay, au point de provoquer un violent retour de
balancier. Rappelez-vous du scénario de l’intervention française en Libye et du chaos qui a suivi! La France a fait à son échelle ce que Bush avait fait en Irak, c’est-à-dire détruire un régime
et laisser derrière elle un chaos qu’elle n’a aucune capacité à gérer.
La stratégie terroriste consiste toujours à effectuer une provocation pour obtenir une réaction, qui
suscitera de nouvelles attaques, etc. C’est là un cercle vicieux classique. Ce qui m’étonne, c’est que les hommes politiques réagissent toujours de la même manière, en disant que cela ne se
passera pas comme ça et qu’ils vont envoyer l’armée. C’est ce qu’a fait George Bush en décidant l’invasion de l’Afghanistan, puis celle de l’Irak, qui est la pire catastrophe de ces quinze dernières
années. Or, la France fait exactement pareil. Après les attentats de janvier, François Hollande a décrété qu’on nous avait déclaré la guerre.
Mais c’est le contraire qui est vrai : c’est nous qui avons déclaré la guerre à Daech ! Nous
l’avons décidé par une résolution de l’ONU, au nom de laquelle nous menons une campagne de bombardements.. Les attentats djihadistes sur sol français représentent la suite logique de cette
contradiction.
Je ne vois pas pourquoi nous nous battons contre cette organisation parce qu’elle décapite,
coupe la main des voleurs, opprime les femmes et interdit les autres religions pour défendre l’Arabie saoudite qui décapite, coupe la main des voleurs, opprime les femmes et interdit les autres
religions. Nous n’avons pas affaire, ici, à une bataille pour les valeurs. Ce n’est pas vrai. Nous rendons service. Nous défendons nos intérêts commerciaux, économiques, pétroliers, énergétiques
dans les pays du Golfe.
Ce retournement s’explique par l’arrivée d’une série de néo-conservateurs au Quai d’Orsay,
avec Nicolas Sarkozy d’abord puis avec François Hollande. Des néo-conservateurs qui se sont donné pour but de renouer des liens étroits avec Washington. La décision prise par Jacques Chirac
de ne pas intervenir aux côtés des Etats-Unis en Irak en 2003 a créé un traumatisme considérable dans le système diplomatique du Quai d’Orsay, au point de provoquer un violent retour de
balancier. Rappelez-vous du scénario de l’intervention française en Libye et du chaos qui a suivi! La France a fait à son échelle ce que Bush avait fait en Irak, c’est-à-dire détruire un régime
et laisser derrière elle un chaos qu’elle n’a aucune capacité à gérer.
Nous aurions dû nous interroger dès ce moment-là sur l’inefficacité de notre outil militaire
dans ce genre de crises mais nous ne l’avons pas fait. Pas du tout. La décision de bombarder la Syrie a été prise pour des motifs de politique intérieure, sous le prétexte que la France ne pouvait
pas rester passive face à des massacres. Mais si, elle le peut! La crise la plus meurtrière depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale est celle du Congo : deux millions et demi de morts,
treize mille enfants enlevés, etc. Or, Paris s’est bien gardé d’y envoyer des troupes.
L’idéologie salafiste – qu’on ne veut pas appeler wahhabite pour ne pas vexer nos alliés
saoudiens – est le totalitarisme religieux de ce début de XXIe siècle. Mais ce n’est pas nous, avec nos leçons d’instruction civique, qui pouvons la vaincre. Elle est un problème interne à
l’islam. La cible principale des salafistes ne sont d’ailleurs pas les Occidentaux, ce sont les chiites, puis les soufis, puis les «mauvais musulmans». Qu’avons-nous à monter en première ligne pour
la combattre »
Frédéric Pichon dans « SYRIE POURQUOI L’OCCIDENT S'EST TROMPE » a analysé les erreurs géopolitiques des occidentaux obsédé par Bachar , il montre que le régime a su
profiter des peurs des alaouites et des chrétiens .
L’opposition syrienne est très diverse. Il y a tout d’abord l’opposition politique soutenue par les pays occidentaux et les monarchies du Golfe : la Coalition Nationale Syrienne. Elle n’a aucun lien
avec les milices sur le terrain si ce n’est pas l’intermédiaire du parrain saoudien qui finance les deux groupes. La CNS est noyautée par les Frères Musulmans, mais ces derniers se sont un peu effacé
au profit des pro-saoudiens, le Qatar (soutien des Frères Musulmans) faisant davantage profil bas dans la crise syrienne qu’à l’époque du père de l’émir actuel.L’opposition syrienne politique est en
exil, elle vit dans un monde virtuel et passe son temps à s’affronter pour des querelles d’ego et pour les financements des pays du Golfe qui permettent à ses dirigeants de mener grand train. La
population syrienne et les réfugiés l’appellent la Coalition Nationale Sheraton, en référence à la chaine d’hôtel où elle organise régulièrement ses réunions.
L’opposition militaire est encore plus divisée. Les medias simplifient en indiquant Daesh et les autres rebelles. Ces derniers sont considérés comme « modérés » alors que ses principaux membres sont
le Front al Nosra, la branche syrienne d’al Qaïda, et Ahrar Es Sham son avatar. L’Armée Syrienne Libre, séculière et démocratique, n’existe plus si tant est qu’elle ait jamais existé. Au début de la
révolte, des militaires ont déserté l’armée d’Assad et créé les premières milices. Parallèlement, des officiers ont créé un Etat-major en Turquie soutenu à bout de bras par les pays occidentaux, la
Turquie et les monarchies du Golfe en tête. Les officiers en question se sont appropriés les diverses attaques des milices sur le terrain, mais il n’existait aucune coordination entre eux. En 2013,
le représentant de l’ONU à Damas estimait les combattants labellisés ASL à 15% du total des rebelles.
Il ne faut pas oublier un troisième acteur : les Kurdes. Dès le début de la révolte, les Kurdes ont créé leurs propres organisations politiques et militaires. Le PYD est devenu rapidement le
principal parti politique dans les zones kurdes et sa milice, les YPG, la force exclusive. Des milices chrétiennes se sont jointes à lui dans la région de Hassakeh pour se défendre contre Daesh.
Fabrice Balanche apporte son éclairage
« L’Arabie saoudite est en guerre contre l’Iran, la Syrie est leur terrain
d’affrontement privilégié. Grâce à l’intervention russe et à des renforts de chiites irakiens, l’armée syrienne a repris l’offensive. Les rebelles soutenus par l’Arabie Saoudite, le Qatar et la
Turquie perdent du terrain. Barak Obama n’a pas l’intention d’augmenter son faible soutien à la rébellion syrienne. Sa cible en Syrie c’est l’Etat Islamique et al-Qaïda au grand dam de ses alliés
régionaux : Arabie Saoudite, Turquie et Qatar.²
La Russie a plus d’influence sur Bachar el Assad que les Etats Unis n’ont sur les rebelles car,
sans le support militaire de Moscou, le Président syrien serait en très mauvaise posture. Quant aux rebelles, ils écoutent davantage la Turquie et l’Arabie Saoudite qui sont leurs bailleurs de fonds.
Or, ces deux pays sont très autonomes vis-à-vis de Washington. Ils n’hésitent pas à soutenir des groupes reconnus comme terroristes par la communauté internationale, Daesh et al-Nosra, parce qu’ils
sont efficaces contre Bachar el Assad et les Kurdes.
rebelles modérés égorgeant un enfant
La France a importé la guerre civile syrienne
Le lien entre nos interventions militaires et les attentats est oublié, nos frappes commencent plusieurs mois avant les attentats
« Il n’y a pas de temps à perdre face à la menace des djihadistes de Daech qui a pris le
contrôle de larges secteurs des territoires irakien et syrien, multipliant les exactions »
— François Hollande lors de son discours d’ouverture de la conférence sur la paix
et la sécurité en Irak réunie au Quai d’Orsay, le lundi 15 septembre 2014
On connait la suie, les attentats de janvier puis de novembre
Notre présence en LIBYE puis en Syrie conforte les islamistes car à leurs
yeux l’islamisme politique poursuit la lutte contre les colonisateurs. En la matière François Burgat a raison
«. Dans une France en lutte contre l’absolutisme politico-religieux de la monarchie, la
référence religieuse jouait clairement dans le camp du refus de la modernité politique. Mais dans les sociétés musulmanes aujourd’hui, elle joue un rôle substantiellement différent : dans une
démarche de mise à distance de la domination que le monde occidental continue de faire peser sur elles, elle a valeur de référent identitaire. Elle est le support d’une affirmation culturelle qui
prolonge et complète les volets politique et économique de la décolonisation. C’est cela que nos élites peinent à admettre : que l’histoire de la planète ne s’écrit pas, partout et toujours, avec le
seul lexique de “notre” vieille révolution. »
Mais Burgat est plus difficile à suivre dans son parti pris en faveur des rebelles.
« Ce triomphe de l’injustice risque inévitablement d’entretenir, voire d’accélérer le
processus de montée aux extrêmes initié par l’usage illimité de la force accordé au régime par ses sponsors. A posteriori, il va achever de discréditer non seulement ces Occidentaux qui ont multiplié
les reculades mais également tous les Syriens qui ont cru à leurs promesses et leur ont fourni les gages de « modération » qu’ils réclamaient. Il va donc donner de facto raison aux plus radicaux,
c’est-à-dire aux djihadistes, les seuls à pouvoir aujourd’hui se vanter de ne pas avoir été trahis. »
L’histoire sera sévère avec ceux qui nous ont engagés au Proche Orient. Le juge
Trévidic analyse comment la France est devenue une cible privilégiée :
« Parce qu’on revient à cette idée qu’on est la cible idéale ! Traditionnellement,
l’adversaire numéro un du terrorisme djihadiste a longtemps été les Etats-Unis, mais les paramètres ont changé. Les Américains sont plus difficiles à atteindre. La France, elle, est facile à toucher.
Il y a la proximité géographique, il y a des relais partout en Europe, il y a la facilité opérationnelle de renvoyer de Syrie en France des volontaires aguerris, des Européens, membres de
l’organisation, qui peuvent revenir légalement dans l’espace Schengen et s’y fondre avant de passer à l’action.
La France est devenue l’allié numéro un des Etats-Unis dans la guerre contre Daech et les
filières djihadistes. Nous combattons par les armes aux côtés des Etats-Unis. Nous avons mené des raids aériens contre l’EI en Irak. Maintenant, nous intervenons en Syrie. De plus, la France a un
lourd «passif» aux yeux des islamistes. Pour eux, c’est toujours une nation coloniale, revendiquant parfois ses racines chrétiennes, soutenant ouvertement Israël, vendant des armes aux pays dits
«mécréants et corrompus» du Golfe ou du Moyen-Orient. Et une nation qui opprimerait délibérément son importante communauté musulmane. Ce dernier argument est un axe de propagande essentiel pour l’EI.
Nos forces armées sont aussi intervenues au Mali pour arrêter les islamistes, même si ce ne sont pas les mêmes réseaux. »
Les attentats sont la partie la plus visible de cette importation de la guerre civile. Tout aussi grave, la prise en otage des musulmans en France avec la volonté des
organisations proches des frères musulmans de profiter de la situation pour contrôler l’islam dans le pays.
Islamistes exécutant de méchants soldats du régime
La Russie soutenue par la Chine se rapproche de la Turquie et…du Qatar
Les bouleversements géopolitiques sont rapides . Les Etats Unis de Kerry et
Obama ne souhaitaient pas s’engager dans un nouveau bourbier, Clinton battue, Trump devrait éviter lui aussi la confrontation
Pékin est légitimement préoccupé par la présence en Syrie des combattants ouïgours du Parti islamique du Turkestan. La Chine s’est rapprochée de la Russie.
La racine du conflit armé en Syrie provient en grande partie du refus du président
syrien Bachar al-Assad du passage d’un pipeline de gaz du Qatar vers l’Europe.
En effet, la Russie est déjà le premier fournisseur de l’Union européenne avec 40% des importations, qui représentent 20% de la consommation totale de gaz de l’Union européenne.
Pour les stratèges américains et européens, le Qatar, avec 24300 milliards de m3 de réserves prouvées qui lui assurent 154 ans de production au rythme actuel, était la solution. A condition toutefois
de construire un gazoduc, car la liquéfaction et le transport en bateau via le détroit d’Ormuz et le canal de Suez rendaient le gaz qatari non concurrentiel avec le gaz russe. Selon des informations
du journal libanais Al-Akhbar publiées en 2012, les Qataris avaient établi un plan, approuvé par l’administration Obama et l’UE visant à construire un gazoduc vers l’Europe via la Syrie. Ce gazoduc
terrestre aurait traversé l’Arabie Saoudite, puis la Jordanie, en évitant l’Irak pour arriver à Homs en Syrie, d’où il aurait bifurqué dans trois directions : Lattaquié sur la côte syrienne, Tripoli
au nord du Liban, et une troisième branche via la Turquie vers l’Europe.
Ce projet aurait veillé à ce que les pays arabes du Golfe aient un avantage décisif sur les marchés mondiaux de gaz et aurait renforcé le Qatar, un proche allié de Washington dans la région.
Le président syrien Bachar al-Assad, a rejeté le projet au motif que cela nuirait aux intérêts de son allié russe, le plus grand fournisseur de gaz naturel vers l’Europe.
Jean-Bernard Pinatel analyse le bouleversement :
« La Bataille d’Alep marque un tournant décisif dans le conflit syrien. Le maintien au
pouvoir de Bachar el-Assad n’est plus un préalable à la fin du conflit. Les Russes ont désormais toutes les cartes en main pour imposer leur solution. Cette victoire des forces syriennes appuyées par
la Russie contre les islamistes radicaux va avoir des conséquences géopolitiques considérables pour le Moyen-Orient et pour l’Europe. Le premier effet concret s’est traduit ce 10 décembre 2016 par la
vente de 19,5% des actions de Rosneft au Qatar.
La Turquie avait anticipé cette victoire. Erdogan, dès le 9 août, était allé à Canossa, pardon à
Saint-Pétersbourg, après avoir exprimé ses « regrets » à Vladimir Poutine fin juin concernant le sukkoi 24 abattu par son aviation. Poutine lui a rendu la politesse le 10 octobre en se
rendant à Istanbul où les deux chefs d’Etat ont réaffirmé leur engagement à mener à bien le projet de gazoduc russo-turc TurkStream, qui doit acheminer le gaz russe vers l’Europe en passant par la
mer Noire, ainsi qu’à la construction par la Russie de la première centrale nucléaire turque.
De leur côté, confrontés à l’efficacité de l’intervention militaire russe de septembre 2015 qui
contrastait avec les atermoiements d’Obama en Syrie et le peu d’efficacité de son action de soutien militaire à l’Irak, les dirigeants qataris comprenaient que leur stratégie de soutien aux Frères
musulmans et aux wahhabites en Syrie allait les conduire à leur perte. Et que dorénavant, pour vendre leur gaz à l’Europe, il faudrait trouver un accord avec la Russie car c’est elle qui a les cartes
en main pour autoriser ou interdire la construction d’un gazoduc terrestre pour acheminer son gaz vers les pays de l’Union Européenne (1).
Après une première visite de l’émir Tamim bin Hamad Al-Thani à Moscou en janvier 2016, ce
rapprochement s’est traduit, le 6 septembre, par la signature d’un accord militaire entre les deux pays, au cours d’une visite du ministre qatari de la Défense, Khalid bin Mohammad Al-Attiyah, à
l’occasion du Forum international militaire et technique « ARMÉE-2016 », à Moscou. « Nous avons signé un accord de coopération militaire avec la Russie, mais il ne comprend pas l’achat
d’armes », a ainsi indiqué Saoud Bin Abdallah al-Mahmoud, l’ambassadeur du Qatar à Moscou. Toutefois, s’agissant d’éventuels contrats d’armement, rien n’est fermé du côté de Doha, le diplomate
ayant assuré que son gouvernement examinerait cette « possibilité » (2).
Mais l’acte majeur de ce rapprochement à la portée géopolitique considérable s’est traduit samedi 10
décembre 2016 par la conclusion d’un accord de vente de 19,5% des actions de Rosneft à la Qatar Investment Authority (QIA). Cette vente s’est faite au prix de 11,37 milliards de dollars qui rentrent
dans les caisses de l’Etat russe qui en avait bien besoin. Le Qatar est désormais le second actionnaire de Rosneft après l’Etat russe.
Trois pays – la Russie, l’Iran et le Qatar – possèdent 50% des réserves mondiales de gaz naturel
(3). Les trois sont désormais alliés économiquement et stratégiquement, ce qui marque l’échec de la stratégie de l’Union européenne de diversification de ses sources d’approvisionnement de gaz
naturel inspirée et voulue par les Etats-Unis et l’Otan.
Désormais, les cartes sont redistribuées et rien ne s’oppose plus à ce que le gaz qatari
rejoigne en Turquie le gazoduc TurkStream et vienne alimenter les besoins énergétiques de l’Union européenne. Dans un proche avenir, parions que les Européens vont lever leurs sanctions économiques
contre la Russie.
Il aura fallu une guerre de cinq ans, des centaines de milliers de morts en Syrie et des attentats
terroristes en Europe pour que s’impose par la force ce qui aurait dû se décider par la raison. Car tant dans la lutte contre l’islam radical que sur le plan économique, l’alliance russe est vitale
pour que la voix de l’Europe existe à nouveau sur la scène internationale. »
Fabrice Balanche revient sur le rôle du Qatar et de l’Iran
« L’Iran est l’acteur clé du conflit syrien, bien plus important que la Russie. Il
n’apparaît pas lors des négociations, laissant cette fonction à la Russie, mais sur le terrain c’est Téhéran qui est à la manœuvre. Il a formé la Défense Nationale, cet ensemble de milice d’environs
100.000 combattants qui accompagnent l’armée syrienne.
. Plus de 40.000 combattants chiites venus d’Irak, d’Afghanistan, du Pakistan et bien sûr d’Iran
se battent en Syrie et font toute la différence lors des offensives. En outre, l’Iran assure un soutien économique indispensable à la Syrie à travers des livraisons de pétrole, produits
alimentaires et financements divers estimés à plus de 12 milliards de $ par an.
Depuis l’été 2013, le Qatar est nettement en retrait. Le nouvel émir a compris qu’il devait
s’effacer derrière l’Arabie Saoudite. Il conserve un peu d’influence sur des groupes comme Ahrar es Sham, proche d’al-Nosra, mais il a cessé de soutenir l’Etat Islamique. La France, quant à elle, a
perdu toutes ses cartes dans le conflit syrien. Elle a misé sur un départ rapide de Bachar el Assad et son remplacement par les Frères Musulmans, ce qui l’a conduite à soutenir le Conseil National
Syrie, émanation de la confrérie. Elle a livré des armes aux rebelles syriens, avant même que l’embargo européen soit levé, et à des groupes qui ont commis des exactions contre les civils. Le
gouvernement de François Hollande bloque toute commission d’enquête parlementaire à ce sujet pour éviter le scandale.
Le conflit en Syrie s’éteindra lorsque la Turquie, l’Iran et l’Arabie Saoudite auront trouvé un
terrain d’entente ; c’est-à-dire lorsque Erdogan et Mohamed Ben Salman arrêteront de soutenir les rebelles syrien. L’Iran ne cédera rien et utilisera son pouvoir de nuisance au Yémen et dans le
Sud-Est de la Turquie pour faire plier ces deux pays. Pour Téhéran, la Syrie est la clé de voûte de son système géopolitique vers la Méditerranée. Il n’est pas question de céder. Ces concurrents ont
moins d’intérêts dans le conflit et commencent à être davantage préoccupés par des sujets qui les concernent directement. L’opposition syrienne se plaint d’être moins soutenue, ce qui est vrai, car
après 5 ans, ses résultats ne sont pas à la hauteur des espérances de leurs bailleurs de fonds
En Syrie, les conflits se terminent avec un vainqueur et un vaincu. Nous n’avons pas de modus
vivendi entre combattants. Après cinq ans d’une guerre extrêmement sanglante c’est d’autant plus vrai. L’opposition syrienne en exil a des positions extrêmes car précisément le fait d’être en exil
lui en donne les moyens. Pour être cynique, je dirais que sa survie économique dépend de sa fermeté dans les négociations. L’Arabie Saoudite et les pays occidentaux entretiennent des milliers
d’opposants syriens à travers la CNS, diverses ONG, des programmes d’aides à la démocratie,… qui leur permettent de vivre confortablement et de devenir célèbres. Ils n’ont pas envie que le conflit
s’arrête car ils devraient alors chercher du travail. Quant au régime de Bachar el Assad, il est persuadé qu’il finira par l’emporter, car conséquemment, il n’est pas très enclin à des négociations
sérieuses.
La guerre en Syrie n’achèvera pas l’anéantissement d’un des deux camps ou la partition du pays. La
partition est déjà en marche avec les Kurdes dans le Nord du pays. Un fédéralisme de facto va s’imposer en Syrie. »
La France est aujourd’hui inaudible et divisée, en s’alignant sur la position de l’Arabie
Saoudite elle se montre plus inflexible à l’égard de Assad, que ne le sont , les Etats Unis, la Turquie et même le Qatar… Au nom des droits de l’homme ou de calculs politiciens nationaux.
A qui profite le crime?
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