Les Etats-Unis déclarent la guerre...

...à la Russie, l'Allemagne, les Pays-bas et la France.

...par Thierry Meyssan - Le 04/10/2022.

Consultant politique, président-fondateur du Réseau Voltaire.

Dernier ouvrage en français : Sous nos yeux - Du 11-Septembre à Donald Trump (2017).

Alors que la presse internationale traite du sabotage des gazoducs Nord Stream sous l’angle du fait divers, nous l’analysons comme un acte de guerre contre l’Allemagne, les Pays-Bas et la France. En effet, les trois voies d’approvisionnement en gaz des européens de l’Ouest viennent d’être coupées simultanément, tandis que, toujours concomitamment, un nouveau gazoduc vient d’être inauguré à destination de la Pologne.
De même que Mikhaïl Gorbatchev avait vu dans la catastrophe de Tchernobyl la dislocation inévitable de l’URSS, de même nous pensons que le sabotage des gazoducs Nord Stream marque le début de la chute économique de l’Union européenne.

 

Source : RzO Voltaire.

 

Photographie satellite russe du bouillonnement des eaux après le sabotage de Nord Stream.

Le combat des États-Unis pour maintenir leur hégémonie mondiale a franchi sa troisième étape.
 Après l’extension de l’Otan à l’Est en violation des engagements occidentaux sur la non-implantation d’armes états-uniennes en Europe centrale, la Russie, qui ne peut pas défendre ses gigantesques frontières, est directement menacée.
 En violation des engagements de la Seconde Guerre mondiale, Washington a placé des « nationalistes intégraux » (des « nazis » selon la terminologie du Kremlin) au pouvoir à Kiev. Ils ont interdit à leurs compatriotes russophones de parler leur langue maternelle, les ont privés de services publics, et en définitive ont bombardé ceux du Donbass. La Russie n’a pas eu d’autre choix que d’intervenir militairement pour mettre fin à leur calvaire.
 La troisième manche est le changement autoritaire d’approvisionnement énergétique de l’Europe occidentale et centrale. Le même jour, le gazoduc de la Baltique, Baltic Pipe, est entré en fonction, les deux gazoducs Nord Stream ont été mis hors d’état, tandis que la maintenance de Turkish Stream a été interrompue.

Il s’agit du plus important sabotage de l’Histoire. Un acte de guerre à la fois contre la Russie (51 %) et contre l’Allemagne (30 %), co-propriétaires de ces investissements colossaux, mais aussi contre leurs partenaires, les Pays-Bas (9 %) et la France (9 %). Pour le moment, aucune des victimes n’a réagi publiquement.

Pour réaliser ces destructions considérables, il était nécessaire de disposer de sous-marins sur zone que les puissances de la région ont identifiés. S’il n’y a officiellement pas d’indices, au sens policier du terme, les « caméras de surveillance » (les sonars) ont déjà parlé. Les États concernés savent avec certitude qui est le coupable. Soit ils ne réagissent pas, et ils seront rayés politiquement de la carte, soit ils préparent en secret leurs réactions à cette action secrète et ils deviendront de vrais acteurs politiques lorsqu’ils les réaliseront.

Souvenons-nous du coup d’État militaire de 1961, et des tentatives d’assassinat contre le président de la République française Charles De Gaulle qui suivirent. Ce dernier fit semblant de croire qu’ils étaient le fait de l’Organisation de l’Armée secrète (OAS) réunissant des Français opposés à l’indépendance de l’Algérie. Mais son ministre des Affaires étrangères, Maurice Couve de Murville, évoqua publiquement le rôle de l’Opus Dei espagnole et de la CIA états-unienne dans leur organisation et leur financement. De Gaulle rechercha et identifia les traîtres, il réorganisa la police et les armées et subitement, cinq ans plus tard, il annonça le retrait de la France du commandement intégré de l’Otan. Il donna deux semaines à celle-ci pour fermer son siège de Paris-Dauphine et migrer en Belgique ; un peu plus de temps pour fermer les 29 bases militaires de l’Alliance dans le pays. Puis, il débuta des voyages à l’étranger pour dénoncer l’hypocrisie états-unienne, notamment la guerre du Vietnam. La France redevint instantanément une puissance phare des relations internationales. Ces événements n’ont jamais été expliqués en public, mais tous les responsables politiques de l’époque peuvent les confirmer [1].

Depuis la disparition de l’Union soviétique, les États-Unis ont élaboré une carte du monde qui bouleverse les relations internationales, les conduisant à renverser des gouvernements et à livrer des guerres, pour construire des voies de transport des sources d’énergie. C’était la principale activité du vice-président Al Gore durant huit ans, c’est aujourd’hui celle du conseiller spécial Amos Hochstein. On se souvient de la guerre de Transnistrie pour faire main basse sur un hub de pipelines [2], puis de la guerre du Kosovo pour construire une voie de communication à travers les Balkans, le « 8e corridor ». Voici que toutes les autres pièces du puzzle se découvrent.

 

Il est particulièrement difficile de comprendre le mal qui vient de toucher l’Union européenne et va, selon toute probabilité, provoquer son effondrement économique, parce que l’Union elle-même a pris certaines des décisions indispensables à sa faillite.

Jusqu’au 26 septembre 2022, l’Union était principalement fournie en gaz par la Russie. Celui-ci était acheminé soit via le gazoduc Brotherhood à travers l’Ukraine, soit via le gazoduc Nord Stream, soit par le Turkisch Stream. Les États-Unis, qui garantissent la sécurité de l’Union, viennent de couper successivement ces trois chemins. Certes le gazoduc Brotherhood fonctionne toujours partiellement, mais il peut être définitivement interrompu à tout moment par la volonté de Kiev, Nord Stream a été saboté et Turkisch Stream ne peut plus être entretenu en raison des sanctions que l’Union a prises à la demande des USA.

 

Il y a onze ans, les Européens célébraient leur union avec la Russie. Ils croyaient édifier un monde pacifique et prospère.

 

Jusqu’au 26 septembre, l’économie de l’Union était principalement fondée sur la production de l’industrie allemande. En coupant Nord Stream, les États-Unis ont détruit l’industrie allemande. Selon la célèbre formule de Lord Ismay, le premier secrétaire général de l’Otan, la « grande stratégie » des Anglo-Saxons est de « Garder les Américains à l’intérieur, les Russes à l’extérieur et les Allemands sous tutelle ».

 

Ronald Reagan s’opposa à la livraison de gaz russe à la France et à l’Allemagne. Après avoir pris de vaines sanctions contre des entreprises des deux pays, il ordonna à William Casey, le directeur de la CIA, de saboter le gazoduc Yamal en Pologne. Ce qui fut fait.

Cette politique a été poursuivie par toutes les administrations US, sans interruption depuis les années 50. Nord Stream a été construit par 9 États, 4 en sont propriétaires. Il a commencé à fonctionner en 2011. À partir du mandat de Donald Trump, en 2017, le Congrès états-unien a menacé de sanctions les sociétés participant au fonctionnement de Nord Stream 1 et celles impliquées dans le projet Nord Stream 2. Le président Trump a lui-même brocardé la vassalité allemande qui s’abreuvait de gaz russe. Quantité d’obstacles juridiques ont été déployés pour faire obstacle au gaz russe en Europe occidentale non seulement par les États-Unis, mais aussi par la Pologne. De ce point de vue, la nouvelle administration US n’a rien changé. L’Allemagne a eu tort de la croire plus bienveillante.

Certes, en juillet 2021, un accord avait été trouvé selon lequel Nord Stream 2 aurait été remplacé par de l’hydrogène fabriquée… en Ukraine et transportée, à partir de 2024 (date de la fin du contrat russo-ukrainien), grâce à l’ancien gazoduc Brotherhood reconverti.

 

Élu en décembre 2021, le chancelier Olaf Scholz a commis deux graves erreurs en quelques mois.
 À peine élu, le 7 décembre, il s’est rendu à la Maison-Blanche où il a tenté de résister aux États-Unis qui lui demandaient de ne plus accepter de gaz russe. Revenu chez lui, il a choisi de maintenir Nord Stream et, tout en cherchant des sources renouvelable, de bloquer Nord Stream 2 et d’appliquer l’accord de juillet. Il pensait, à tort, équilibrer le bellicisme de la pensée stratégique US, les besoins de son industrie et la doctrine des Verts, membres de sa Coalition gouvernementale.
Le chancelier avait eu chaud : durant la conférence de presse qu’il avait tenue avec le président états-unien, Joe Biden avait déclaré que son pays pouvait détruire Nord Stream 2 et que, si la Russie envahissait l’Ukraine, il le ferait. C’était absolument effrayant pour Scholz d’entendre son suzerain lui cracher à la figure qu’il pourrait détruire un investissement de dizaines de milliards de dollars si un tiers agissait sans tenir compte de ses diktats. Nous ne savons pas si le président Biden avait évoqué aussi la destruction de Nord Stream 1 au cours des discussions à huis clos, mais ce n’est pas impossible. En tous cas, selon les journalistes allemands qui l’ont suivi, le chancelier était revenu blême en Allemagne.
 Sa seconde erreur a été commise le 16 septembre 2022. Son pays souhaite ne plus être sous la tutelle anglo-saxonne et assurer lui-même à la fois sa propre sécurité et celle de l’ensemble de l’Union européenne. Aussi le chancelier déclara-t-il qu’« En tant que nation la plus peuplée, dotée de la plus grande puissance économique et située au centre du continent, notre armée doit devenir le pilier de la défense conventionnelle en Europe ». En précisant qu’il ne parlait que de « défense conventionnelle », il entendait ménager la susceptibilité de son voisin français, seule puissance nucléaire de l’Union. Il ne se rendait pas compte qu’il violait la doctrine des Straussiens en imaginant échapper au protectorat militaire US. En 1992, Paul Wolfowitz signa le Defense Policy Guidance dont le New York Times publia des extraits. Il indiquait que les États-Unis considéreraient toute volonté d’émancipation européenne comme un casus belli [3].

 Six jours plus tard, les Navy Seals faisaient exploser les deux gazoducs de la mer Baltique, ramenant l’Allemagne onze ans en arrière.

Simultanément le gazoduc Baltic Pipe était inaugurè en grande pompe, quelques heures après le sabotage, par le président polonais, le Premier ministre danois et le ministre de l’Énergie norvégien. Ses capacités sont six fois inférieures à celles de Nord Stream, mais il suffira pour changer d’époque. Jadis l’Union européenne était dominée par l’industrie allemande utilisant du gaz russe, désormais elle le sera par la Pologne au moyen du gaz norvégien. Le Premier ministre polonais, Mateusz Morawiecki, a déclaré triomphalement sa haine à la cérémonie d’inauguration : « L’ère de la domination russe dans le domaine du gaz touche à sa fin ; une ère qui a été marquée par le chantage, les menaces et l’extorsion ».

L’acte de guerre commis contre la Russie, l’Allemagne, les Pays-Bas et la France nous oblige à repenser les événements en Ukraine. Il est beaucoup plus important que ce qui a précédé dans la mesure où les États-Unis ont attaqué leurs alliés. J’ai longuement expliqué dans des articles précédents ce que les straussiens recherchaient avec leurs provocations en Ukraine. Ce qui vient d’advenir nous montre pourquoi Washington, en tant qu’État, soutient le projet straussien, et que sa « grande stratégie » n’a pas changé depuis les années 50.

En 2017, un président états-unien, Donald Trump, venait participer au lancement de l’Initiative des trois mers. Washington gagne souvent parce qu’il voit plus loin que ses alliés.

En pratique, si aucune réponse n’est apportée à cet acte de guerre, l’Union européenne va s’effondrer économiquement, à l’exception de la Pologne et des ses onze alliés d’Europe centrale, membre de l’Initiative des trois mers (Intermarium) [4]. Le vent tourne. Désormais, Varsovie court en tête.

Les grands perdants seront l’Europe occidentale et la Russie, mais aussi l’Ukraine qui n’aura été détruite que pour permettre ce jeu de massacre.

À quoi jouent les États-Unis et l’Allemagne ?

...par Thierry Meyssan - Le 18/10/2022.

Consultant politique, président-fondateur du Réseau Voltaire.

Dernier ouvrage en français : Sous nos yeux - Du 11-Septembre à Donald Trump (2017).

Sous nos yeux, l’Allemagne, qui vient de perdre son approvisionnement en gaz russe et ne pourra en obtenir au mieux que le sixième en Norvège, s’enfonce dans la guerre en Ukraine. Elle devient la plaque-tournante des actions secrètes de l’Otan qui agit, en définitive, contre elle. Le conflit actuel est particulièrement opaque lorsque l’on ignore les liens entre les straussiens US, les sionistes révisionnistes et les nationalistes intégraux ukrainiens.

Source : RzO Voltaire.

 

La guerre en Ukraine agit comme un leurre. Nous ne voyons qu’elle et avons oublié le conflit majeur dans laquelle elle se situe. Du coup, nous ne comprenons pas ce qui se passe sur le champ de bataille, ni ne percevons correctement la manière dont le monde se réorganise et particulièrement la manière dont le continent européen évolue.

Tout a commencé avec l’arrivée de Joe Biden à la Maison-Blanche. Il s’est entouré d’anciens collaborateurs qu’il avait connus durant sa vice-présidence : les straussiens [1]. Cette petite secte varie de couleur politique, soit républicain, soit démocrate, selon le parti du président en exercice. Ses membres, presque tous juifs, suivent l’enseignement oral de feu Leo Strauss. Ils sont convaincus que les hommes sont méchants et les démocraties faibles. Plus : elles n’ont pas été capables de sauver leur peuple de la Shoah et ne le seront pas plus la prochaine fois. Ils pensent qu’ils ne pourront survivre qu’en constituant eux-mêmes une dictature et en conservant le contrôle. Dans les années 2000, ils avaient constitué le Project for a New American Century. Ils avaient appelé de leurs vœux un « Nouveau Pearl Harbor » qui choquerait tant les esprits des États-uniens qu’ils parviendraient à leur imposer leurs vues. Ce furent les attentats du 11 septembre 2001.

Ces informations sont choquantes et difficiles à admettre. Il existe pourtant quantités d’ouvrages considérés comme sérieux sur ce sujet. Surtout, la progression des Straussiens depuis 1976, date de la nomination de Paul Wolfowitz [2] au Pentagone, jusqu’à aujourd’hui confirme largement les pires inquiétudes. En Europe, les Straussiens ne sont pas connus, mais les journalistes qui les soutiennent le sont. On les qualifie de « néo-conservateurs ». Il faut reconnaître que jamais les intellectuels juifs n’ont soutenu cette minuscule secte juive.

Reprenons notre récit. En novembre 2021, les straussiens ont envoyé Victoria Nuland sommer le gouvernement russe de se ranger derrière eux. Mais le Kremlin leur a répondu en proposant un Traité garantissant la paix, c’est-à-dire en contestant non seulement le projet straussien, mais aussi la prétendue politique de sécurité des États-Unis [3]. Le président Vladimir Poutine a remis en cause l’extension de l’Otan à l’Est, qui menace son pays, et la manière dont Washington ne cesse d’attaquer et de détruire des États, notamment au « Moyen-Orient élargi ».

Les straussiens ont alors délibérément provoqué la Russie pour la faire sortir de ses gonds. Ils ont encouragé les « nationalistes intégraux » ukrainiens à bombarder leurs compatriotes du Donbass et à préparer une attaque simultanée du Donbass et de la Crimée [4]. Moscou, qui n’avait aucune confiance dans les Accords de Minsk et se préparait, depuis 2015, à un affrontement mondial, a jugé que le moment était venu. 300 000 soldats russes sont entrés en Ukraine pour « dénazifier » le pays [5]. Le Kremlin considère à juste titre que les « nationalistes intégraux « , qui avaient fait alliance avec les nazis durant la Seconde Guerre mondiale, en partagent toujours l’idéologie raciale.

Là encore, ce que j’écris est choquant. Les livres de référence des nationalistes ukrainiens n’ont jamais été traduits dans les langues occidentales, y compris le Nationalisme de Dmytro Dontsov. Si personne ne sait ce que Dontsov a fait durant la Seconde Guerre mondiale, tout le monde connaît les crimes de ses disciples, Stepan Bandera et Iaroslav Stetsko. Ces gens furent tout dévoués au chancelier Adolf Hitler. Ils favorisèrent et parfois supervisèrent l’assassinat d’au moins 1,7 millions de leurs compatriotes, dont 1 million de juifs. Au premier abord, il paraît difficile de les croire alliés aux straussiens et au président juif Zelensky comme l’a déclaré le ministre russe des Affaires étrangères, Sergueï Lavrov. En effet, le Premier ministre israélien, Naftali Bennett, a immédiatement pris position contre eux [6]. Il conseilla même au président Zelensky d’aider les Russes à en nettoyer son pays. Le rapport de force est tel que son successeur, Yaïr Lapid, tout en partageant les idées de Bennett et en refusant de fournir des armes à l’Ukraine, tient un discours atlantiste. Cependant, nous nous souvenons que Paul Wolfowitz présida à Washington un important congrès avec des ministres ukrainiens. Il s’y engagea à soutenir le combat des nationalistes intégraux contre la Russie [7].

Pourtant les liens entre les « nationalistes intégraux" ukrainiens et les « sionistes révisionnistes » de l’Ukrainien Vladimir Jabotinsky sont historiques. Ils négocièrent un accord, en 1921, selon lequel ils s’uniraient contre les Bolchéviques. Compte tenu de la longue succession de pogroms que les « nationalistes ukrainiens » avaient déjà perpétrés, la révélation de cet accord, une fois que Jabotinsky eut été élu au Comité directeur de l’Organisation sioniste mondiale, provoqua un rejet unanime de la diaspora juive. Le Polonais David ben Gourion, qui reprit en main la milice de Jabotinsky en Palestine, le qualifia de « fasciste « et de « peut-être nazi ». Par la suite, Jabotinsky s’exila à New York où il fut rejoint par un autre Polonais, Bension Netanyahu, le père de Benjamin Netanyahu, qui devint son secrétaire particulier [8].

Après la Seconde Guerre mondiale, le maître à penser Dontsov et les deux assassins en chef, Bandera et Stetsko, furent récupérés par les Anglo-Saxons. Le premier fut exilé au Canada, puis aux États-Unis malgré son passé d’administrateur de l’institut Reinhard Heydrich en charge de la coordination de la « solution finale » [9], tandis que les deux autres le furent en Allemagne pour travailler sur la radio anticommuniste de la CIA [10]. Après l’assassinat de Bandera, Stetsko devint le co-président (avec Tchang Kaï-chek) de la Ligue anticommuniste mondiale dans laquelle la CIA réunit ses dictateurs et criminels préférés, dont Klaus Barbie [11].

Revenons à notre propos. Les straussiens n’ont que faire de l’Ukraine. Ce qui les intéresse, c’est la domination du monde et donc l’abaissement de tous les autres protagonistes : de la Russie [de la Chine] et des Européens. C’est ce que Wolfowitz écrivait en 1992 en qualifiant ces puissances de « compétiteurs », ce qu’elles ne sont pas [12].

Les Russes ne s’y trompent pas. C’est pourquoi il ont envoyé fort peu de troupes en Ukraine. Trois fois moins que l’armée ukrainienne. Il est donc stupide d’interpréter leur lenteur comme une déconvenue alors qu’ils se réservent pour l’affrontement direct avec Washington.

Intervenant le 16 octobre à l’occasion d’une prestation de serment de volontaires, le Premier ministre hongrois, Viktor Orbán, a déclaré : « Quiconque pense que cette guerre se terminera par des négociations russo-ukrainiennes ne vit pas dans ce monde. La réalité est différente ». Selon lui, seule une négociation états-uno-russe peut y mettre fin.

Aujourd’hui, les straussiens ont poussé au sabotage des gazoducs Nord Stream. Contrairement à ce que prétendent certains, il ne s’agit pas de casser l’économie russe, qui a d’autres clients, mais l’industrie allemande qui ne peut pas s’en passer [13]. Normalement Berlin aurait dû réagir face au crime de son suzerain. Que nenni ! C’est tout le contraire. Dès l’arrivée d’Olaf Scholtz à la Chancellerie, son gouvernement a mis en place un vaste système visant à « harmoniser les nouvelles » [14]. Il est supervisé par la ministre de l’Intérieur, la sociale-démocrate Nancy Faeser. Tous les médias russes s’adressant à un public occidental ont été interdits par les « démocraties » à partir du 24 février 2022, c’est-à-dire à partir de l’application par l’armée russe de la résolution 2202 du Conseil de sécurité. Désormais, en Allemagne, citer cette résolution et partager l’interprétation russe est assimilé à de la « propagande ». Il est très étonnant de voir les Allemands saborder eux-mêmes leurs institutions. Au XX° siècle, l’Allemagne qui avait été le phare des Sciences et des Techniques avant la Première Guerre mondiale est devenue en quelques années un pays aveugle qui a commis les pires crimes. Au XXI° siècle, alors que son industrie était la plus performante au monde, l’Allemagne s’aveugle à nouveau sans raison. Les Allemands entérinent eux mêmes leur chute au profit de la Pologne, celle de l’Union européenne au profit de l’Initiative des trois mers (Intermarium) [15].

De leur côté, les straussiens utilisent leurs privilèges en Allemagne. Les bases militaires US y disposent d’une extra-territorialité complète et le gouvernement fédéral n’a pas le droit de limiter leur activité. Ainsi, lorsque en 2002, le chancelier Gerhard Schröder s’opposa à la guerre des straussiens au Moyen-Orient, il ne put pas empêcher le Pentagone d’utiliser ses installations en Allemagne comme bases arrières de son invasion et de sa destruction de l’Iraq.

C’est à Ramstein (Rhénanie-Palatinat) que le Groupe de contact de Défense de l’Ukraine s’est réuni. Les délégués de la cinquantaine d’États invités, après avoir été racketés pour doter Kiev d’une multitude d’armes ont eu droit à des explications sur le Concept du fonctionnement de la Résistance (Resistance Operating Concept — ROC). Il s’agit de réactiver pour la énième fois les réseaux stay-behind mis en place à la fin de la Seconde Guerre mondiale [16]. À l’époque, ils furent d’abord créés par la CIA états-unienne et le MI6 britannique, avant d’être intégrés dans l’Otan. Les anciens nazis et les « nationalistes intégraux » ukrainiens en furent la principale composante.

Le réseau stay-behind actuel est coordonné depuis 2013 par l’Otan sur sa base de Stuttgart-Vaihingen (Bade-Wurtemberg) où résident les Forces spéciales US pour l’Europe (SOCEUR). Il s’agit de créer un gouvernement en exil et d’organiser des sabotages sur le modèle de ce que firent le général Charles De Gaulle et le préfet Jean Moulin durant la Seconde Guerre mondiale. Otto C. Fiala y a ajouté les manifestations non-violentes testées par le professeur Gene Sharp dans le bloc de l’Est, puis lors des « révolutions colorées » [17]. Rappelons que, contrairement à ce qu’il prétendit, Gene Sharp a toujours travaillé pour l’Alliance atlantique [18]. La première manifestation du Stay-behind ukrainien a eu lieu le 8 octobre avec le sabotage du pont de Crimée, sur le détroit de Kertch.

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