Mini réacteurs

Les mini-réacteur nucléaires

...par Stratediplo - Le 15/10/2021.

 

 

 De formation militaire, financière et diplomatique, s'appuie sur une trentaine d'années d'investigations en sciences sociales et relations internationales.

Profitant du contexte conjoncturel et provoqué d'une pénurie d'énergie dans le monde, le gouvernement français vient de révéler au grand public son engagement dans la course aux mini-réacteurs nucléaires, que l'Agence Internationale de l'Energie Atomique appelle petits et moyens, soit d'une capacité inférieure ou égale à 300 mégawatts (les systèmes actuels commencent à 1000 MW). Cet engagement, censé se décider à l'EDF l'année prochaine, était déjà bien perceptible lors d'une conférence technique à laquelle la France participa du 8 au 11 décembre 2014, et la silhouette du projet de centrale nucléaire modulaire sous-marine Flexblue de la Direction des Constructions Navales est connue depuis dix ans.

 

Le concept de mini-réacteur nucléaire, présenté pour la première fois par l'Argentine en 1984, n'a commencé à être développé qu'à partir des années 2010, d'abord dans la dizaine de pays exportateurs de centrales nucléaires, puis plus récemment dans quelques pays asiatiques émergents.

En 2017 l'AIEA recensait une cinquantaine de projets à divers stades de développement, menés par l'Argentine, l'Afrique du Sud, le Canada, la Chine, la Corée du Sud, les Etats-Unis, la France, l'Inde, le Japon, le Royaume-Uni et la Russie (le programme de l'Indonésie est conduit par l'agence russe, celui de l'Arabie par l'agence coréenne et celui du Pakistan semble ignoré par l'AIEA).

A peine trois ans plus tard l'AIEA recensait soixante-dix projets de par le monde (www.iaea.org/nuclear-power-and-the-clean-energy-transition/small-reactors-great-potential).

Les plus grandes puissances comme la Russie, la Chine et les Etats-Unis développent plusieurs projets, relevant essentiellement de quatre technologies distinctes, à savoir refroidissement par eau, par gaz, par métal (liquide) ou par sels (fondus). D'ailleurs tout producteur d'un réacteur nucléaire embarqué pour la propulsion d'un sous-marin ou d'un porte-aéronefs devrait pouvoir le sédentariser, comme le KLT-40 des brise-glaces russes.

 

Trois programmes sont déjà opérationnels d'après l'AIEA, l'un russe, connecté au réseau électrique en 2019 et entré en production commerciale l'année dernière, le deuxième argentin, dont la connections est imminente (l'AEIA l'annonçait pour 2019), et le troisième chinois, attendu pour l'année prochaine. Le gros du peloton suivant (dont les Etats-Unis qui développent plusieurs programmes et le Canada) annonce une entrée en service de ses premières unités en milieu de décennie et une commercialisation à l'export à l'horizon 2030, au moment où le peloton de queue (France, Royaume-Uni…) mettra en service ses premières unités, et où le peloton de tête devra consolider ses marchés extérieurs.

 

Car le marché visé est immense, les centrales nucléaires modulaires à base de mini-réacteurs étant, toute objection idéologique écartée (de gré ou par nécessité), le constituant principal de la stratégie énergétique mondiale préparée en ce moment par les instances décisionnelles technocrato-politiques planétaires pour la deuxième moitié du siècle (on y reviendra).

 

On pense évidemment au complément nécessaire aux générateurs à temps partiel du coûteux confort moral des pays riches, notamment ceux qui brassent du vent, car l'un des nombreux avantages des centrales modulaires constituées de petites unités est leur flexibilité. On peut ajouter, dans ces pays, la substitution de toute la production électrique aujourd'hui majoritairement (sauf en France) basée sur les combustibles fossiles, plus la production additionnelle nécessaire au passage au tout-électrique (consommation "propre" d'une électricité encore salement produite) et au beaucoup-hydrogène, notamment pour les transports. Mais les pays riches à bonne conscience géophile envisagent tous plus ou moins un plafonnement ou une réduction de leur consommation d'énergie, quand ce n'est pas une réduction plus ou moins drastique de leur activité (par deux d'ici huit ans dans le cas de l'Union Européenne) voire de leur population.

 

Cependant l'enjeu principal se situe dans le tiers-monde, qui d'une part n'a pas les mêmes objectifs malthusianistes (et n'y est pas forcé par la gouvernance mondiale), et d'autre part a un énorme retard d'électrification à rattraper. Si l'on prend l'exemple d'un pays comme l'Indonésie, il prévoit de multiplier sa capacité de production d'électricité par 6 à 8 dans les trente ans à venir, pour atteindre entre 430 et 550 GW au lieu de 70 GW en 2020 (déjà doublée par rapport aux 37 GW de 2010), et cet accroissement vertigineux est essentiellement prévu au moyen de centrales thermiques (charbon et gaz mais aucune nouvelle centrale à pétrole), la crémation de fossiles devant alors représenter 70% de la production électrique (contre 95% en 2010). En clair, un tel pays projette ouvertement de brûler en 2050 de l'ordre de dix fois plus de combustibles fossiles qu'en 2010, ou cinq fois plus qu'en 2020, et il le fera si on ne lui propose pas d'alternative. Le potentiel de développement électrique de l'Afrique ou de l'Inde est similaire, mais l'exemple de l'Indonésie est plus illustratif du potentiel des mini-réacteurs nucléaires pour les petits réseaux électriques de régions isolées, un seul réacteur pouvant, selon sa puissance, fournir en électricité une communauté de 20000 à 100000 habitants. Les archipels, comme les pays très étendus aux centres de population très distants, ont besoin d'une production électrique décentralisée, locale, et n'ont souvent pas de réseau électrique national unifié (pas de câbles entre les îles) ; d'autres pays sont continentaux mais ont un réseau électrique ténu et incapable de supporter un accroissement significatif de la charge.

 

Les mini-réacteurs y sont particulièrement adaptés. De plus leur achat coûtera moins, par mégawatt installé, que la construction d'une grosse centrale conventionnelle. Car les mini-réacteurs ne sont pas construits individuellement sur site, ils sont conçus pour être produits industriellement en usine, par dizaines ou centaines d'exemplaires annuels ensuite transportés prêts à être connectés. Selon leur taille, ils peuvent être acheminés par voie maritime, ferroviaire ou routière. Fabriqués en modules encapsulés étanches, ils disposent de plusieurs niveaux de contention aux dernières normes de sécurité, et leur taille comme leur température interdit l'emballement. Bien que la plupart fonctionnent à l'uranium enrichi autour de 5%, certains utilisent un combustible enrichi jusqu'à 20% mais difficile à détourner à des fins de prolifération militaire. En effet les projets les plus sérieux pour l'exportation (c'est moins crucial à usage national) consistent en modules approvisionnés et scellés, c'est-à-dire que le fournisseur mettra en place un mini-réacteur déjà chargé de combustible puis le reprendra pour rechargement (et extraction des déchets) après consommation de celui-ci, en le remplaçant immédiatement par un nouveau réacteur auprès du pays client ; selon le degré d'enrichissement de l'uranium, l'autonomie peut aller de un à douze ans. En la matière le traité de non-prolifération facilite le refus du transfert de technologie, c'est-à-dire la mise en place d'une centrale nucléaire équipage d'exploitation compris, en général une salle de commande pour une batterie de plusieurs réacteurs, la maintenance étant donc assurée, comme le rechargement, dans le pays constructeur.

 

Un certain nombre de systèmes sont installés à terre voire enterrés, donc fixes. Mais d'autres sont prévus pour être flottants, voire mobiles (barges ou navires), comme le premier entré en service, l'Académicien Lomonossov. Le dépannage du Liban en 2013 par la centrale électrique flottante turque Fatmagül Sultan, et les polémiques actuelles au Sénégal autour de la Ayşegül Sultan (qui pour une location de cinq ans a brûlé du fioul pendant deux ans avant l'arrivée de son premier méthanier le mois dernier) illustre les possibilités et la demande pour de tels systèmes à réacteur nucléaire. La Russie compte d'abord affranchir son arctique de la dépendance des combustibles fossiles puis soutenir le peuplement et le développement de la Sibérie profonde et du fin fond de l'Extrême-Orient, certains pays envisagent d'électrifier de la sorte leurs plateformes en mer. La demande est déjà là.

 

Les mini-réacteurs nucléaires, de par leur système de refroidissement, produisent également de la chaleur, avec en l'occurrence une capacité de production thermique triple de leur capacité de production électrique. Cette énergie peut être utilisée, selon l'environnement et les nécessités, pour des industries à grosse demande thermique localisée comme la métallurgie ou la verrerie, pour la production d'hydrogène carburant de l'après-pétrole, ou encore pour le dessalement de l'eau de mer, qui intéresse de plus en plus de pays disposant de villes ou envisageant de l'agriculture en région désertique côtière, comme le Chili, Israël et la péninsule arabique.

 

La France a encore là, la capacité scientifique et industrielle de jouer son rôle dans le monde, en dérogation à la politique gouvernementale de déclassement stratégique et technologique du pays.

 

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L’ambition macronesque pour le nucléaire dans France 2030 : 1 milliard d’euros sur 9 ans. Soit un an d’AME

Dans une de ses nouvelles et incessantes parades nuptiales, comme le décrit avec une certaine justesse le journaliste Edouard Roux à la suite de sa lecture du livre de Gérard Davet et Fabrice Lhomme Le Traître et le Néant, M.Macron a présenté son plan pour France 2030 et annoncé fièrement des objectifs.

1 milliard d’euros sur neuf ans, dans un secteur industriel très capitalistique, c’est l’équivalent d’un an d’Aide médicale d’Etat pour les immigrés clandestins.

Grande parade, petits moyens…

 

Source : Le salon beige

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