Moyens ou pas

...par Stratediplo - le 19/11/2018.

 

 De formation militaire, financière et diplomatique, s'appuie sur une trentaine d'années d'investigations en sciences sociales et relations internationales.

 

 

Après sa désertion du ministère de l'intérieur, au lendemain du refus présidentiel de sa démission, Gérard Collomb a laissé publier ses propos sous embargo depuis février selon lesquels il craignait que "demain on ne doive vivre face à face" plutôt que côte à côte avec (les narcotrafiquants et) les islamistes radicaux, et que d'ici à cinq ans la situation pourrait devenir irréversible, c'est-à-dire déboucher sur un conflit ouvert. Quelques jours plus tard, le politicien Philippe de Villiers a déclaré lors d'une émission télévisée le 3 novembre que son frère Pierre, avant d'être limogé, aurait confié au président Emmanuel Macron que "si ça pète dans les banlieues, on n'est pas capable de faire face, on n'a pas les moyens de faire face, on n'a pas les hommes". Depuis lors, diverses interrogations se sont élevées, et un débat a été ouvert, quant à l'existence des moyens nécessaires.

 

En l'occurrence le chef d'état-major des armées avait certainement lu le Septième Scénario (www.lulu.com/fr/shop/stratediplo/le-septième-scénario/paperback/product-22330739.html), remis à son prédécesseur sur initiative privée puisqu'il était politiquement impossible de commander officiellement à un état-major un rapport sur les tenants et aboutissants de la sécession locale d'une minorité adepte d'une idéologie distincte.

 

Effectivement l'étude conduite en prolongement et selon la méthodologie des Livres Blancs de la défense établit facilement que les forces de maintien de l'ordre de deuxième catégorie (ou anti-émeutes) ne sont pas dimensionnées pour interdire le retranchement de quelques milliers d'activistes ayant choisi la voie violente au sein d'un vivier de quelques centaines de milliers d'habitants (ou de dix viviers de quelques dizaines de milliers), et donc à plus forte raison de contenir une véritable insurrection même non généralisée. Et cette étude (le Septième Scénario) établit aussi, tant par l'application des méthodes de raisonnement tactique que par la présentation de cas français ou étrangers connus, non seulement que les moyens militaires affectés par le gouvernement au déploiement intérieur seraient inadaptés et insuffisants, mais également que l'ensemble des moyens militaires non combattants présents en métropole, voire les corps expéditionnaires s'ils peuvent être rapatriés à temps, seraient incapables de pacifier les zones rebelles.

 

Contrairement à ce qu'a prétendu le publiciste Eric Zemmour avec son "opération Ronces" qu'on a dû démystifier dans trois articles (http://stratediplo.blogspot.com/2016/09/operation-ronces-premiere-et-deuxieme.html et suivants des 7, 8 et 12 septembre 2016) car elle donnait de faux espoirs ou un faux sentiment de gouvernement et de sécurité aux peuples de France, l'Etat ne prépare aucune opération de rétablissement de sa souveraineté dans les cinq mille zones de droit étranger, et n'envisage aucunement de s'en donner les moyens. Car sur cette question des moyens il faut absolument distinguer entre la France et l'Etat. Même si le nouveau régime, au bout d'un peu plus de deux siècles, arrive à avoir à peu près digéré le pays, notamment sur le plan économique où à peine un tiers de l'activité est encore le fait d'entreprise (initiative et prise de risque) privée bien que contrôlée et taxée, la France a certainement encore des ressources gisantes qui pourraient être relevées et engagées après la démission de l'Etat, comme en 1940.

 

Avant de s'interroger sur les moyens il faut cependant déterminer la fin. La question première est celle du pourquoi, ou "pour quoi", c'est-à-dire quel serait l'état final recherché à l'issue de l'opération de changement de l'état actuel des choses. L'existence d'un archipel enclavé de quelques milliers de zones régies par un droit étranger sur l'ensemble du territoire national ne semble pas gêner excessivement les administrations parisiennes, tant que le pays utile et taxable peut compenser l'exemption fiscale de cet archipel et lui servir par transfert une rente de survie et pacification. En ce sens la seule limite à la patience de l'Etat est la disproportion des vases communicants, puisque lorsque le vase consommateur sera plus grand que le vase producteur, ou aura des besoins supérieurs aux capacités fiscales de l'économie taxable, cette dernière implosera comme les autres régimes collectivistes il y a trente ans, mais il est vraisemblable que lorsque le système ne sera plus viable (la tumeur dépassant la capacité nourricière du corps hôte) le régime politique actuel n'existera plus et il ne restera rien de l'Etat.

De son côté la France a accepté l'émergence et la consolidation sur son territoire de l'archipel de souveraineté étrangère, et les ressortissants de la société française connaissent, au niveau local, les limites territoriales qu'il leur vaut mieux éviter de franchir.

Le système fiscal de subvention à l'archipel est pour l'instant opacifié par l'usine à gaz étatique centrale, et la société française pourrait accepter la sécession de bantoustans tant que leur extension ne mettrait pas fin à la continuité du territoire sous souveraineté nationale, si l'Etat en scellait les frontières pour éviter les excursions ou razzias lancées de l'archipel sur les populations des territoires libres.

En l'état actuel des choses, l'Etat n'a aucun motif de consacrer des moyens au rétablissement de sa souveraineté dans l'archipel mais la France a de plus en plus besoin de consacrer des moyens à sa contention géographique et à son isolement hermétique.

 

Dès lors que l'on parle de moyens, il faut aussi s'interroger sur le face à quoi, c'est-à-dire sur les moyens existant en face, dans l'archipel. Et de même qu'en ce qui concerne la France souveraine il faut distinguer entre l'Etat et le pays réel, pour l'archipel extra-français il faudrait distinguer entre sa société civile et ses autorités d'administration ou du moins de domination, car même si l'idéologie qui le caractérise, définit et délimite ces enclaves, il ne distingue originellement pas le civil du militaire ou le citoyen du fonctionnaire, une forme de pouvoir s'y exerce de fait par la violence et une autorité proto-étatique pourrait y naître en se légitimant par l'idéologie.

Dans le Septième Scénario par exemple on a distingué, dans une illustration concrète du type d'enchaînements pouvant avoir lieu, entre d'une part des moyens (activistes) existant initialement, d'autre part des moyens (unités) susceptibles d'être rassemblés sous la pression des circonstances, et enfin des foules de manœuvre pouvant être manipulées avec les arguments adéquats.

 

Il en est de même en ce qui concerne la société française. Dans un contexte de paix de basse intensité la France donne mandat et moyens aux services étatiques dont elle se dote pour administrer le quotidien, et dont elle attend aussi étude et préparation du futur.

Dans un contexte d'abandon les citoyens seront amenés à réagir individuellement, puis collectivement à un niveau local, la société en venant ensuite à s'auto-organiser indépendamment des institutions faillies, et trouvant en elle-même les moyens qui, en cas d'urgence et de péril, devront nécessairement être bien supérieurs aux moyens planifiés et fiscalisés du temps de paix et de prospérité.

Une dimension temps est donc à prendre en considération, les moyens nécessaires aujourd'hui, que les délégués de la France réunis en parlement lèvent en impôts et affectent au gouvernement pour les missions régaliennes, ne sont pas les moyens nécessaires demain, lorsque la France aura constaté l'échec du gouvernement et l'impertinence du parlement.

Un premier jet de réponse à la question est donc que non, le gouvernement n'a pas les moyens de rétablir la souveraineté française sur l'archipel d'enclaves, mais que la France, elle, a le potentiel de réunir les moyens nécessaires à sa défense lorsque cela sera devenu inévitable.

 

L'Etat a reçu un mandat du pays mais le gouvernement agit selon sa propre volonté, et le régime s'est peu à peu protégé des influences démocratiques (qu'il appelle maintenant "populistes") en même temps qu'il s'est inféodé à des pouvoirs étrangers, uniopéens et étatsuniens notamment, de nature gouvernementale ou financière. Cette organisation (l'Etat) qui s'est désormais forgé une volonté propre indépendante des buts pour lesquels elle a été créée a pris parti, et ce n'est pas en faveur de la France.

Au contraire la France, qui ne détient aucun mandat puisqu'elle est simplement directement concernée, n'a pas de volonté formelle consciente et se voit privée des capacités d'expression permettant l'émergence d'idées (donc la prise de conscience puis le consensus), et même privée des capacités d'information permettant la prise de connaissance de la situation.

Pourtant, même si elle n'est pas le siège d'une volonté affirmée comme celle du régime, la France, contrairement à l'appareil d'Etat, est souveraine, détentrice d'une souveraineté qui lui donne la légitimité d'exister et de persister.

Mais dans ce contexte le pays aveuglé et bâillonné ne peut que faire confiance au gouvernement pour l'utilisation judicieuse des deniers (ou des milliards) qu'il lui confie pour le défendre, car c'est la seule fonction régalienne de l'exécutif national, qui utilise pourtant 90% de ce budget à autre chose.

Donc en termes de ressources l'Etat a largement de quoi remplir sa mission essentielle, et en l'occurrence maintenir ou rétablir la souveraineté française en France, mais en termes de moyens notamment humains (ceux mentionnés par le général Pierre de Villiers) l'Etat ne s'est pas doté des capacités qu'il a été chargé de constituer, et les derniers gouvernements ont même démantelé l'outil constitué il y a deux générations.

 

Dans ce conflit entre la souveraineté du pays et la volonté du régime, la France ne peut que réagir, donc avec retard, tandis que l'Etat peut agir, donc en temps réel ou en avance. Puisque l'Etat a pris parti pour l'archipel d'enclaves étrangères qu'il a semé et qu'il arrose, il n'a aucune raison objective d'entrer en conflit avec lui ou de se préparer à un éventuel conflit. Les moyens de contention et de confrontation dont il dispose sont donc de plus en plus manifestement utilisés, comme en 1962, contre les éléments trouble-bête de la société civile. "Si ça pète dans les banlieues", pour reprendre l'expression prêtée au chef d'état-major par son frère, et il serait plus exact de dire "quand ça pétera dans les enclaves de droit étranger", ça pétera nécessairement en direction du reste de la société, et faute de pouvoir (et vouloir) contenir le pet l'Etat emploiera plutôt ses moyens à empêcher un contre-pet.

 

Dans cette perspective, et plutôt que de se demander si l'Etat a les moyens d'agir contre sa volonté et à l'encontre de son programme, la France devrait plutôt s'interroger pour savoir si elle dispose des moyens pour agir sans voire contre l'Etat, et si elle saura les mettre en oeuvre avant l'inévitable renversement d'équilibre annoncé par Gérard Collomb.

L'Etat connaîtra la scission et la France connaîtra la partition. Mais si la société ne force pas son Etat à organiser les moyens qu'elle lui fournit et à se préparer au Septième Scénario, c'est dans le désordre qu'elle devra mobiliser les moyens de faire face à la guerre civile.

 

Source : http://stratediplo.blogspot.com/2018/11/moyens-ou-pas.html

Commentaires: 1
  • #1

    patrick tiso (mercredi, 21 novembre 2018 18:33)

    Des sages hindous affirment haut et fort que nous sommes politiquement le jouet de Marouts. Marout est un terme qui signifie âme morte, susceptible de se réincarner dans de faux vivants. Les Marouts sont les instruments du Dieu védique Roudra qui les manipule. Les brahmanes prétendent que lorsque Shiva, la Providence, veut rabaisser l'humanité, il place aux postes les plus importants de la société des Marouts ne possédant par essence qu'une âme corrompue. Ces êtres pourriront à leur tour la morale, la religion, les arts et la nature; ils engendreront le déclin de ceux qu'ils dominent.


@PATRICK TISO

  

Je n'ai pas validé votre commentaire du 05/12/2018 - 17h44.

Une affirmation aussi grave doit s'appuyer sur des faits incontestés et incontestables.

Je vous invite à visualiser le trafic aérien en temps réel sur le site : https://www.flightradar24.com/46.68,3.38/6

Si vous le souhaitez, vous pouvez me répondre à mon adresse personnelle : jm.regnier@sfr.fr

JMR