Victoire du referendum catalan

 

 ...par Stratediplo - le 27/06/2017.

 

  De formation militaire, financière et diplomatique, s'appuie sur une trentaine d'années d'investigations en sciences sociales et relations internationales.


En amont d'une hypothétique victoire au referendum catalan, on peut déjà parler d'une victoire du referendum.

 

Dès le 9 juin, et plus largement encore le 10, la presse internationale a annoncé la date du referendum d'autodétermination, qui venait d'être dévoilée par le gouvernement catalan. Après leur revue de la presse mondiale, certains médias catalans ont même ensuite fait état de leur surprise d'en avoir trouvé mention dans des journaux africains ou bengalis peu friands de nouvelles européennnes. Ils ignoraient l'énorme travail de communication déployé, déjà du temps du gouvernement précédent, par le service de relations extérieures aujourd'hui dirigé par Raül Romeva. Et la tonalité générale de cette moisson d'articles du 10 juin montre d'une part que les grandes agences de presse de l'OTAN (AFP, Reuters et AP) qui dictent la priorité de l'information du jour dans le monde ont couvert et diffusé l'événement, même si en Europe elles ont émis des consignes d'articles prenant en compte le facteur espagnol, et d'autre part que l'information était bien née à Barcelone (et en anglais), pas à Madrid. Dans le monde, une minorité de journaux ont mentionné que la tenue du referendum n'était pas autorisée par le gouvernement espagnol, et une portion de cette minorité ont mentionné la possibilité qu'il puisse ne pas avoir lieu. Mais l'écrasante majorité a simplement annoncé que les Catalans étaient appelés à voter le 1er octobre pour ou contre l'indépendance de la Catalogne.

 

C'est dans les jours suivants que la presse états-unienne, toujours encline à donner des leçons à des pays qu'elle ne sait pas situer sur une carte (le reste du monde moins le Mexique et le Canada), a lancé la campagne d'intimation au gouvernement espagnol. Le premier article qui a fait du bruit a été celui, au titre très peu diplomatique, du Washington Post du 13 juin selon lequel l'Espagne devait s'écarter du chemin de la Catalogne ("Catalonia's time has come and Spain needs to get out of the way"). Cette voix écoutée du parti "républicain" au gouvernement aux Etats-Unis d'Amérique accuse l'Espagne de déni de démocratie, et rappelle que "on connaissait les défauts de l'Espagne mais on pouvait encore croire que ce pays se dirigeait vers les standards démocratiques ouest-européens". Le Washington Post accuse bien sûr le gouvernement espagnol d'avoir commandité au plus haut niveau la campagne "opération Catalogne" de discrédit calomnieux des politiciens catalans et décrit un régime autoritaire héritier du franquisme, mais surtout intime l'Union européenne de prouver qu'au XXI° siècle elle défend la démocratie. Pour qui connaît les intérêts non avoués du gouvernement états-unien, cette prise de position dans ce que les pays européens (France en tête) qualifient d'affaire interne à l'Espagne n'est pas surprenante, mais le ton utilisé rappelle celui de la même presse après la déclaration de guerre des Etats-Unis à la France en 2003. Le deuxième article qui a fait du bruit, en dépit de sa brièveté, est l'éditorial du New York Times du 23 juin, qui mentionne le caractère illicite du referendum, reprend l'argument espagnol fallacieux selon lequel l'indépendance signifierait la sortie de l'Union européenne, met les errements espagnols sur le compte circonstanciel d'un gouvernement mal élu, divisé et miné par les scandales de corruption, et pense qu'une plus grande justice fiscale envers la Catalogne, avec un accompagnement politique non précisé, résoudrait la question. Cette voix majeure du parti "démocrate" encore largement au pouvoir aux Etats-Unis malgré l'alternance de façade semble avoir parcouru la presse récente, non pas catalane mais exclusivement espagnole, donc unioniste et focalisée sur des détails par déni ou incompréhension du problème profond. En particulier une explication économique est toujours bienvenue aux Etats-Unis, car simpliste (comme la solution militaire), pour un pays qui a volontairement ignoré la Déclaration Islamiste d'Izetbegović afin de s'expliquer la guerre de Bosnie et Herzégovine par des facteurs économiques. En conclusion le journal démocrate intime à l'Espagne d'autoriser le referendum, et recommande aux Catalans de voter contre l'indépendance. Evidemment les Etats-Unis ont plus de moyens de pression sur le gouvernement espagnol que sur l'électorat catalan, mais il est peut-être plus facile d'obliger le gouvernement espagnol à la démocratie en l'aidant à croire que l'indépendantisme y serait défait. Ces articles de journaux majeurs ont donné le ton (surtout le premier) à toute une pressorragie anglophone exigeant tardivement de l'Espagne l'autorisation du referendum. On ne reviendra pas ici sur le flaccide rapport spécial de Stratfor, catalogue d'idées générales déconnectées compilées en chambre (après lecture sans compréhension des derniers sondages) par un stagiaire qui n'aura qu'à en changer le titre le jour où on commandera une évaluation sur un autre pays à cette officine qui vend aux politiciens états-uniens l'alibi de s'être informés. Donc les Etats-Unis entendent faire pression sur l'Espagne, directement ou en invoquant l'Union européenne (qui restera silencieuse), pour l'autorisation du referendum, sans même prendre la peine de lire la constitution espagnole pour savoir si elle l'autorise ou pas.

 

Mais pour le reste du monde la question ne se pose pas, la presse rapporte simplement qu'un referendum d'indépendance aura lieu le 1er octobre. Quant à la Commission européenne pour la démocratie par le droit (dite Commission de Venise) du Conseil de l'Europe, elle a répondu dès le 1er juin au président du gouvernement catalan qu'elle prenait note de la résolution du parlement catalan d'organiser le referendum et de coopérer avec ladite Commission pour en définir les modalités, et lui rappelait que cette coopération se ferait sous couvert des autorités espagnoles puisque la Commission avait toujours insisté pour que les referenda soient conduits dans le cadre de la constitution et de la législation... "applicable". La Commission de Venise a envoyé une copie de cette réponse au représentant de l'Espagne auprès du Conseil de l'Europe.

 

Il est difficile de prédire le résultat du scrutin, car plusieurs facteurs déterminants pour des fractions importantes de l'électorat ne sont pas encore entrés en jeu. Mais l'écoute et l'écho qu'a trouvés le gouvernement catalan dans le monde à l'occasion de l'annonce de la date sont un résultat très appréciable.

 

La victoire de l'indépendantisme au referendum n'est pas assurée, mais les indépendantistes ont déjà obtenu la victoire du referendum.

Source : http://stratediplo.blogspot.fr/2017/06/victoire-du-referendum-catalan.html

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